Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Troisième République
La crise du 16 mai 1877
Un désaccord sur l’interprétation des lois constitutionnelles de 1875 oppose la majorité républicaine élue à la Chambre en 1876 et le maréchal de Mac Mahon, président de la République légitimiste.
À ses débuts, la IIIe République oscille entre différents courants républicains et une droite orléaniste ou légitimiste. Le 24 mai 1873, la majorité monarchiste de l’Assemblée nationale retire sa confiance à Adolphe Thiers et élit à une quasi-unanimité le maréchal de Mac Mahon, légitimiste, à la présidence de la République qui confie au vice-président du Conseil, Albert de Broglie, le soin de préparer la Restauration. Devant l’exigence du prétendant au trône, le comte de Chambord, de réhabiliter le drapeau blanc arboré par les rois de France sur les champs de bataille depuis Henri IV, inacceptable pour une grande majorité de Français, la tentation d’une restauration monarchique échoue définitivement.
L’adoption des lois constitutionnelles de 1875 instaurant la IIIe République entraîne un désaccord institutionnel sur leur interprétation entre le président de la République Mac Mahon et la Chambre des députés qui conduit à la « crise du 16 mai 1877 ».
Une majorité républicaine issue des élections législatives des 20 février et 5 mars 1876 est élue à la Chambre pour quatre ans, dans le cadre des nouvelles institutions. Le 9 mars, Jules Dufaure est nommé président du Conseil. Bien que républicain de centre gauche, il est considéré comme trop conservateur par la majorité. Il est remplacé, le 12 décembre, par un gouvernement républicain un peu plus à gauche que le précédent présidé par Jules Simon.
Le 15 mai 1877, la majorité républicaine adopte l’abrogation d’une loi sur la presse adoptée deux ans plus tôt. À la suite de ce succès des républicains, le chef de l’État adresse le lendemain, 16 mai, une lettre au président du Conseil Jules Simon lui demandant s’il pense toujours bénéficier de « l’influence nécessaire pour faire prévaloir ses vues » à la Chambre des députés. Les républicains considèrent cette formule comme un abus de pouvoir contre le suffrage universel et la République. Jules Simon démissionne. Le président Mac Mahon désigne le duc Albert de Broglie comme son successeur, marquant un retour à une politique d’ordre moral. La Chambre des députés adopte, en réponse à son ajournement prévisible, un manifeste signé par 363 de ses membres contre la politique présidentielle menée et la nomination d’un président du Conseil monarchiste, alors que la Chambre dispose d’une majorité républicaine.
Le Gouvernement Broglie n’obtient pas la confiance de l’Assemblée qui le considère, selon Léon Gambetta, comme désigné à l’encontre du principe du régime parlementaire et de sa loi des majorités. Le Gouvernement estime quant à lui que les républicains sont influencés par les radicaux et affaiblissent ainsi le pouvoir exécutif.
Mac Mahon prononce la dissolution de la Chambre des députés, après avis conforme du Sénat, le 25 juin 1877. Pendant la campagne électorale qui suit, il déclare qu’il résistera si le résultat du scrutin lui est défavorable. Gambetta répond par cette formule devenue célèbre : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre ».
Les élections des 14 et 28 octobre 1877 sont un succès pour les républicains qui conservent la majorité des sièges et des voix. Le Gouvernement Broglie démissionne le 19 novembre. Le président Mac Mahon nomme le général de Rochebouet à sa tête mais la Chambre lui refuse sa confiance.
Devant l’impossibilité de procéder à une nouvelle dissolution et face au Sénat qui s’y oppose, le président Mac Mahon rappelle au Gouvernement, le 13 décembre, le républicain de centre gauche, Jules Dufaure. Le 15, le chef de l’État adresse aux chambres un message aux termes duquel il déclare se « soumettre », la « dissolution ne pouvant être érigée en système de gouvernement ».
La République inaugure ainsi le régime parlementaire. Aux élections sénatoriales du 5 janvier 1879, la nouvelle victoire des républicains mène le maréchal de Mac Mahon à la démission, le 30 janvier 1879. Jules Grévy lui succède et lit un message aux chambres, le 6 février, exprimant sa conception de la fonction présidentielle : « soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels ».