Histoire et Patrimoine


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Troisième République

1886-1889

La République modérée et la crise boulangiste

La République française est confrontée, dans les années 1880, à la lassitude grandissante de la population qui subit la mauvaise conjoncture sociale et économique. Les divisions internes des républicains et les renversements nombreux des ministères ne permettent pas d’œuvrer à la continuité politique. Des scandales propagés par la presse aux critiques à l’encontre de la politique coloniale du régime parlementaire, un espace se libère pour l’émergence d’un homme, le général Georges Boulanger, qui va bousculer le paysage politique français jusqu’en 1889.

 

À l’issue des élections législatives d’octobre 1885, les républicains modérés ou « de Gouvernement » n’emportent qu’une majorité relative et doivent composer avec une centaine de députés républicains de l’extrême gauche – les socialistes et les radicaux –, tandis que les conservateurs occupent plus du tiers des sièges. La Chambre des députés est difficilement gouvernable avec une telle répartition et la chute fréquente des ministères qui s’ensuit conforte l’opinion populaire contre le régime parlementaire.

 

L’instabilité ministérielle entrave la continuité des grandes orientations politiques. La population principalement urbaine et ouvrière perd confiance dans les programmes économiques et sociaux menés par les « opportunistes » – autre appellation des républicains modérés – et exprime progressivement son rejet des parlementaires qu’elle ne considère plus aptes à résoudre l’étendue des conséquences de la « Grande Déflation » – crise bancaire mondiale amorcée en 1873 – puis du « krach » boursier français de 1882 qui constitue l’une des plus graves crises économiques du xixe siècle. Le climat social est affecté par des grèves dont certaines ont un retentissement national. Quant à la presse, l’ampleur de son influence agite fortement les divers courants d’opinion.

 

De surcroît, les patriotes considèrent que la République en place est impuissante à préparer la « Revanche » après la défaite de la guerre contre la Prusse en 1870 et qu’elle n’est pas en mesure de forger une « nécessaire » France nouvelle par l’école et l’armée. La Ligue des Patriotes, patronnée par des personnalités républicaines telles que Victor Hugo et présidée en 1885 par Paul Déroulède, poète et militant politique du camp national, avait d’ailleurs été créée en 1882 avec cet objectif national, dans le sillage de Gambetta.

 

À la faveur de cette crise de la République, les conditions de l’ascension d’un nouveau phénomène politique sont réunies en la personne du général Georges Boulanger, ministre de la guerre du troisième Gouvernement de Charles de Freycinet formé le 7 janvier 1886. Radical, proche de Georges Clemenceau, sa renommée se répand rapidement. Lorsque la troupe est déployée lors de la grève dans le bassin minier de la commune de Decazeville au début de 1886, les ordres du général Boulanger de ne pas tirer sur les grévistes lui valent un fort appui chez les ouvriers. Il acquiert également une grande notoriété auprès de l’armée notamment grâce à des innovations techniques, à l’amélioration de son ordinaire, à l’autorisation des militaires à porter la barbe, à la préparation d’un projet de réforme raccourcissant la durée du service et à la suppression des dispenses accordées aux ecclésiastiques. Il donne un lustre si exceptionnel au défilé militaire du 14 juillet – la « Revue » – qui célèbre, en 1886, le retour de l’expédition du Tonkin, que la foule parisienne l’acclame sans retenue. Si les républicains sont favorables au ministre de la guerre dans un premier temps, les modérés craignent que sa campagne en faveur de la Revanche pousse le chancelier allemand Otto von Bismarck à une guerre préventive.

 

 

Le 17 mai 1887, le Gouvernement Goblet est renversé. Le général Boulanger perd son portefeuille ministériel à cette occasion. Le 30 mai, le nouveau Président du Conseil Maurice Rouvier forme un cabinet sans la participation du général qui reçoit une nouvelle affectation en vue de l’éloigner de Paris – le commandement du 13e corps d'armée à Clermont-Ferrand. La ligue des patriotes organise des mouvements de foule importants dans Paris et des blocages à la Gare de Lyon pour tenter d’empêcher son départ le 8 juillet.

 

Début décembre 1887, le Président de la République Jules Grévy est contraint de démissionner du fait de l’implication supposée de son gendre Daniel Wilson dans un scandale de trafic de décorations. Cette nouvelle exacerbe la colère des Français à l’encontre d’un régime parlementaire qu’elle tient pour corrompu. Le 3 décembre, Marie-François Sadi Carnot est élu à la présidence de la République contre la candidature de Jules Ferry, honni depuis l’épisode malheureux du Tonkin de la guerre franco-chinoise qui avait causé la chute de son Gouvernement en mars 1885.

 

Le 15 mars 1888, le général François Auguste Logerot, ministre de la guerre du premier Gouvernement de Pierre Tirard, relève le général Boulanger de ses fonctions militaires après plusieurs manquements à ses obligations. Il est ensuite rayé des cadres de l’armée le 24 mars.

 

Devenu éligible, Boulanger emporte des succès électoraux dans plusieurs circonscriptions. Élu du Nord, il arrive à la Chambre des députés, le 12 juillet 1888, suivi par une foule pleine d’espoir en de nouveaux idéaux. Il devient le meneur des députés nationaux tout en étant fortement soutenu par les radicaux et une partie des anciens communards. Il entame une campagne vigoureuse contre le Gouvernement de Charles Floquet, exigeant la révision de la Constitution et prônant la dissolution de l’Assemblée parlementaire. Boulanger, outré par le discours à la Chambre de Floquet le 19 avril 1888 qui le qualifie de « manteau troué de la dictature », le défie dans un duel à l’épée, le 13 juillet, au cours duquel il est blessé.

 

Boulanger démissionne de son mandat de député mais se fait à nouveau plébisciter à l’occasion d’élections partielles successives – jusqu'à la loi du 17 juillet 1889 les candidatures multiples sont admises – et notamment celle de la Seine où il est élu député le 27 janvier 1889 dans une circonscription de la gauche radicale. Ses proches le sollicitent pour « marcher sur l’Élysée » et effectuer un coup d’État, mais il s’y refuse estimant qu’il peut accéder rapidement au pouvoir sans avoir à violer la loi.

 

Menacé d'arrestation par Ernest Constant, ministre de l’intérieur du deuxième Gouvernement de Pierre Tirard, Boulanger se réfugie à Bruxelles le 1er avril 1889. La ligue des Patriotes qui l’avait soutenu est dissoute le 3 avril. En réaction aux excès causés par le mode de scrutin qui avait permis les succès électoraux de Boulanger, le Gouvernement rétablit le scrutin d’arrondissement et interdit les candidatures multiples aux élections générales. Le 4 avril, la Chambre des députés lève l’immunité parlementaire de Boulanger. Le Gouvernement demande au Président de la République de réunir la Haute Cour de justice afin de le poursuivre, ainsi que ses deux principaux soutiens, le journaliste ancien communard Henri Rochefort et Arthur Dillon, officier et journaliste, « sous l’inculpation d’attentat contre la sûreté de l’État et de complot ». Le 14 avril, le Sénat, réuni en Haute Cour, reconnaît la culpabilité des trois accusés en fuite et les condamne par contumace à la peine de déportation dans une enceinte fortifiée. Cette condamnation et la défaite électorale des boulangistes aux élections législatives d’octobre et novembre 1889 scellent l’échec de ce mouvement politique. Les élections de 1893 le confirmeront par le vote de nombreux électeurs conservateurs en faveur des républicains modérés ou par l’abstention.

 

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