Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Troisième République
Le Bronze de Dalou
Le vestibule monumental ouvrant sur la Cour d’honneur, qu’on appelle aujourd’hui salon Casimir-Perier, connaît plusieurs ornements au fil des changements de régime. Il abrite successivement une statue en plâtre du roi Louis-Philippe, une statue de Mirabeau, une allégorie de la République et une statue de Napoléon III. En 1891, le bronze de Dalou y est finalement installé.
Un concours lancé en 1879 par l'État pour commémorer le centenaire de l’Assemblée constituante est à l’origine de cet imposant bas-relief. Entre autres projets, l’architecte Eugène Train propose un vaste ensemble composé d’une colonne surmontée d’une statue de la République, reposant sur un piédestal orné de deux bas-reliefs qui représentent respectivement la séance de l’Assemblée du 23 juin et celle du 4 août 1789. Pour ce faire, Train collabore avec les sculpteurs Jean-Paul Aubé et Aimé-Jules Dalou. Conçue par Dalou, la maquette du bas-relief représentant Mirabeau répondant au marquis de Dreux-Brézé retient l’attention de Léon Gambetta, alors président de la Chambre des députés, qui souhaiterait le voir orner la salle Casimir-Perier du Palais-Bourbon. La commande est passée en 1881. Dalou expose un modèle en plâtre au Salon de 1883 qui est accueilli par un vif succès du public et de la critique.
Après quelques hésitations quant au matériau à employer pour la composition, il est décidé de réaliser un bas-relief en bronze. La fonte, véritable prouesse technique pour cette pièce qui pèse près de quatre tonnes, est réalisée en un seul jet par Eugène Gonon. Le bronze est finalement achevé en 1890 et inauguré un an plus tard.
Il donne à voir un épisode fondateur de l’histoire parlementaire française. Le 23 juin 1789, trois jours après le serment du Jeu de Paume, alors que Louis XVI requiert que les états généraux retournent siéger par ordre, Mirabeau déclare au marquis de Dreux-Brézé, représentant du pouvoir royal : « Vous qui n’avez ici ni place, ni voix, ni droit de parler, vous n’êtes pas fait pour nous rappeler le discours du Roi ; allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la force des baïonnettes. »
La composition, comprenant une soixantaine de figures, s’organise autour des deux protagonistes. Mirabeau, légèrement excentré sur la gauche, en-dehors de la masse des membres de l’Assemblée, fait face à Dreux-Brézé. La tête haute, il a le bras droit tendu par un mouvement impérieux tandis que sa main gauche se crispe sur son chapeau : il dégage force et résolution. Derrière les deux figures principales, le sculpteur a représenté Bailly, doyen et président du tiers état. Sous le coup d’une vive émotion, il s’appuie sur la table, les deux mains largement étendues. Près de lui, on trouve l’abbé Grégoire, l’abbé Sieyès, Paul-Victor de Sèze et quelques gentilshommes. Leur présence montre qu’une partie du clergé et de la noblesse s'est déjà alliée aux députés des communes. Tout à gauche, un ouvrier tapissier enlève l’une des banquettes, illustrant la décision prise en haut lieu de suspendre les séances de l’Assemblée.
Les autres personnages, concentrés sur la partie droite du bronze, forment un ensemble dense mais richement composé, du fait de la variété des expressions et des mouvements qu’a su mettre en œuvre le sculpteur. L’atmosphère qui s’en dégage est grave : les députés sont fermement décidés à tenir leur serment de ne pas se séparer « jusqu’à ce que la constitution soit établie et affermie sur des bases solides ».