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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 14 septembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Réforme des retraites

Rappel au règlement

Mme Marisol Touraine

Discussion des articles (suite)

Après l’article 25 (suite)

Amendements nos 730 rectifié, 758 (sous-amendement), 765 (sous-amendement), 759 (sous-amendement), 760 (sous-amendement), 761 (sous-amendement), 756 (sous-amendement), 757 (sous-amendement), 746 (sous-amendement), 762 (sous-amendement), 721 rectifié

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Éric Woerth, ministre du travail

Amendements nos 555, 424, 435, 442, 95, 753 (sous-amendement), 480, 544

Rappel au règlement

M. Marcel Rogemont

Après l’article 25 (suite)

Amendements nos 327 rectifié, 96, 481

Rappel au règlement

Mme Marisol Touraine

Rappel au règlement

M. Yves Cochet

Après l'article 25 (suite)

Amendements nos 482, 483 rectifié, 330 rectifié, 93 rectifié, 487 rectifié, 329, 250, 484, 485 rectifié

M. Georges Tron, secrétaire d’État

Amendement no 533

Article 26

M. Jean-Luc Préel

M. Francis Vercamer

Mme Dominique Orliac

M. Hervé Gaymard

M. Patrice Verchère

M. Alain Vidalies

Mme Laurence Dumont

M. Michel Issindou

Mme Gisèle Biémouret

M. Jean Mallot

Mme Jacqueline Fraysse

M. Christophe Sirugue

Mme Martine Pinville

M. Pascal Terrasse

M. Christian Hutin

M. Christian Paul

M. Michel Liebgott

Mme Pascale Crozon

M. Jean-Paul Bacquet

M. Victorin Lurel

M. Patrick Roy

M. Yves Durand

M. William Dumas

M. Germinal Peiro

Mme Marie-Lou Marcel

Mme Frédérique Massat

Mme Françoise Imbert

M. Daniel Paul

M. Jean-Paul Lecoq

M. Jean-Marc Ayrault

Amendements nos 253, 530, 287, 727 rectifié, 764 (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. Yves Cochet

Mme la présidente

Article 26 (suite)

Amendement no 321

Article 26 bis

M. Guy Teissier

M. Alain Vidalies

Après l’article 26 bis

Amendements nos 119, 120, 686, 333 rectifié, 332

Article 27

Amendements nos 260, 703 rectifié, 94, 261, 704

Présidence de M. Bernard Accoyer

Après l’article 27

Amendements nos 543, 546, 552

Article 27 bis

Après l’article 27 bis

Amendement no 491

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

Amendements nos 736 rectifié (sous-amendement), 737 (sous-amendement), deuxième rectification (sous-amendement), 738 (sous-amendement), deuxième rectification (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. Yves Cochet

M. le président

Après l’article 27 bis (suite)

Rappels au règlement

M. Yves Cochet

M. le président

Mme Marisol Touraine

M. le président

Après l’article 27 bis (suite)

Rappel au règlement

M. Yves Cochet

M. le président

Article 27 ter

Après l’article 27 ter

Amendements nos 731 rectifié, 733 rectifié, 726 deuxième rectification, 528 rectifié, 729 rectifié, 462

Avant l’article 28

Amendements nos 667, 668

Article 28

M. Georges Colombier

M. Alain Marc

M. Vincent Descoeur

Mme Marie-Lou Marcel

M. Yves Cochet

M. Jean Mallot

Amendements nos 273, 683

Après l'article 28

Amendements nos 677 rectifié, 685, 591, 612

M. Pascal Terrasse

Amendements nos 684, 687 rectifié, 154 rectifié

Article 29

Mme Dominique Orliac

M. Vincent Descoeur

Mme Valérie Boyer

M. Germinal Peiro

Mme Marie-Françoise Clergeau

Après l’article 29

Amendements nos 579, 672, 671, 675

Article 29 bis

Amendements nos 581, deuxième rectification, 582

Après l’article 29 bis

Amendement no 584 rectifié

Article 29 ter

Article 29 quater

Amendement no 583

Article 29 quinquies

Amendement no 118

Après l'article 29 quinquies

Amendements nos 622, 30, 29 rectifié, 197, 448, 265, 673 rectifié, 265, 673 rectifié, 402, 122, 235, 456, 350, 352, 153, 680, 678, 639, 642

Avant l'article 30

Amendements nos 712, 199 rectifié, 353, 645

Article 30

Mme Marisol Touraine

Mme Catherine Coutelle

Rappel au règlement

M. Christian Eckert

Article 30 (suite)

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Denis Jacquat, rapporteur

Mme Pascale Crozon

Mme Laurence Dumont

M. Alain Vidalies

Après l’article 30

Amendements nos 193, 404

Article 31

Mme Dominique Orliac

M. Yves Cochet

Mme Nicole Ameline

Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme Jeanny Marc

M. Paul Jeanneteau

Rappel au règlement

Mme Marisol Touraine

Article 31 (suite)

M. Gaëtan Gorce

Amendements nos 468, 644, 355, 387, 649, 356, 722, 236, 395, 388 rectifié, 650, 359, 372, 354, 386, 648, 411, 381 rectifié, 651, 371, 374, 716, 717, 385, 647 rectifié, 380, 401

Après l’article 31

Amendements nos 519, 406, 652, 635, 85, 271

Avant l’article 32

Amendements nos 438, 655

Article 32

Amendements nos 439, 252, 440, 325, 49, 475, 365, 339, 379

Après l’article 32

Amendements nos 40, 596, 436, 195  rectifié

M. le président

Amendements nos 718, 446, 257, 369, 370, 723, 62, 237, 378, 653, 624, 654, 656, 31

Avant l’article 32 bis

Amendements nos 229, 719

Article 32 bis

Amendements nos 441, 659

Après l’article 32 bis

Amendements nos 69 rectifié, 634 deuxième rectification, 696

Rappels au règlement

M. Christian Paul

M. le président

M. Yves Cochet

Article 32 ter

Amendements nos 443, 660, 344, 632, 488

M. Yves Cochet

Après l'article 32 ter

Amendements nos 693 rectifié, 694 rectifié, 695, 68, 630

Article 32 quater

M. Yves Cochet

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

M. Éric Woerth, ministre du travail

Amendements nos 444, 661, 608 rectifié, 610

Après l'article 32 quater

Amendement no 345

Article 32 quinquies

M. Yves Cochet

Amendements nos 445, 662, 121 rectifié, 604, 629, 606

Après l'article 32 quinquies

Amendements nos 616, 127, 341 rectifié, 691, 692, 496, 75, 38 rectifié, 595 rectifié, 39 rectifié, 340, 690, 506, 71, 489

Rappels au règlement

M. Jacques Lamblin

M. Yves Cochet

Article 33

Amendements nos 577, 657, 568 rectifié

Explications de vote personnelles

Mme Marisol Touraine, M. Serge Blisko, M. Alain Bocquet, M. Christophe Sirugue, M. Pascal Terrasse, M. Maxime Gremetz

Présidence de M. Marc Le Fur

, M. Yves Durand, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François de Rugy, Mme Laurence Dumont, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Catherine Coutelle, Mme Martine Pinville, M. Marc Dolez, Mme Pascale Crozon, M. William Dumas, Mme Huguette Bello

Présidence de M. Bernard Accoyer

, M. Simon Renucci, M. Jacques Bascou, M. André Gerin, Mme Gisèle Biémouret, M. Laurent Fabius, M. le président

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Réforme des retraites

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 2760, 2770, 2768, 2767).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures trente-huit minutes pour le groupe UMP, dont 108 amendements restent en discussion, trois heures seize minutes pour le groupe SRC, dont cinquante-trois amendements restent en discussion, vingt-huit minutes pour le groupe GDR, dont trente-sept amendements restent en discussion, trois heures trente-deux minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont vingt-cinq amendements restent en discussion et une minute quatorze secondes pour les députés non-inscrits, dont un amendement reste en discussion.

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. La séance précédente s’est achevée dans une atmosphère plutôt chahutée. La tension était manifestement palpable. D’abord en raison de conditions de travail déplorables qui finissent par devenir insupportables et indignes d’un Parlement comme le nôtre, indignes de ce que nos concitoyens sont en droit d’attendre de leurs députés.

La tension était palpable également parce que nous avons abordé l’examen des premiers amendements du Gouvernement remettant en cause la médecine du travail.

Vous avez tenté, monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, d’expliquer que vous ne faisiez que traduire la volonté ou l’accord des organisations syndicales et que vous ne faisiez qu’apporter la réponse attendue par les médecins du travail à la situation de désorganisation dans laquelle ils se trouvent.

Vous avez enfin, monsieur le ministre, tenté d’expliquer que cet amendement était absolument nécessaire au regard de l’objectif même de votre projet de loi.

Je tiens, au nom de notre groupe, à redire notre étonnement et notre indignation d’avoir découvert, la semaine dernière – en dernière minute – cet amendement qui remet profondément en cause la médecine du travail. Nous tenons à vous dire que vos explications ne nous ont pas convaincus, en raison de leur fausseté. Vous n’avez pas le droit de dire, monsieur le ministre, que les organisations syndicales soutiennent votre projet : elles ont explicitement indiqué qu’elles refusaient le projet que vous leur proposez ou plutôt que vous leur imposez au détour de cet amendement.

Vous n’avez pas le droit, monsieur le ministre, de dire que cet amendement ne remet pas en cause l’indépendance de la médecine du travail alors même que vous expliquez que dorénavant la médecine du travail sera soumise à l’employeur. Si l’on veut qu’un salarié puisse se confier à un médecin du travail, lui demander des conseils dans la réorganisation de son poste de travail par exemple, cela suppose que ce ne soit pas l’employeur qui dicte au médecin du travail la manière dont il doit répondre au besoin de protection et de prévention.

Enfin, monsieur le ministre, vous n’avez pas le droit de dire que ce texte que vous présentez à la dernière seconde est nécessaire pour votre réforme des retraites ! Si tel était le cas, vous l’auriez présenté d’emblée, au mois de juin.

M. Jean Mallot. Évidemment !

Mme Marisol Touraine. Si ce projet de réforme de la santé au travail était si indissolublement lié à la prise en compte de la pénibilité et à la mise en place de politiques de prévention, nous en aurions entendu parler dès le départ et vous auriez alors engagé un certain nombre de consultations.

La vérité, c’est que vous voulez vous épargner, vous éviter la difficulté d’une réorganisation de la médecine du travail. Vous avez choisi de réorganiser et d’aménager le moins possible. Vous avez fait le choix peu digne de la présentation d’un amendement en catimini de façon quasiment secrète. Malheureusement pour vous, cette manœuvre a échoué. À l’heure où nous parlons, l’ensemble des acteurs concernés a déjà exprimé non seulement son mécontentement, mais son indignation. C’est de cela que vous aurez à répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous avons bien noté que votre rappel au règlement relevait du fond de la discussion. C’est pourquoi il sera décompté du temps de parole de votre groupe.

M. Patrick Roy. Ben voyons !

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles. Elle a commencé la discussion de l’amendement n° 730 rectifié du Gouvernement, portant article additionnel après l’article 25.

Après l’article 25 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n° 730 rectifié fait l’objet de plusieurs sous-amendements nos 758, 765, 759, 760, 761, 756, 757, 746 et 762. 

L’amendement n° 730 rectifié est en discussion commune avec un amendement n° 721 rectifié.

La parole est à M. Jean-Yves Cousin.

M. Jean-Yves Cousin. Je souhaite quelques éclaircissements. Les missions définies à l’article L. 4622-1-1 sont exercées, sous l’autorité de l’employeur, par les médecins du travail. Cela signifie-t-il que les missions de la médecine du travail sont exercées sous l’autorité de l’employeur ? Si tel était le cas, il n’y aurait plus de réelle indépendance des médecins du travail.

Je m’interroge sur le sens de cet alinéa et je souhaiterais obtenir quelques explications.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je n’ai pas bien compris, monsieur le ministre, pourquoi vous vous êtes tant énervé tout à l’heure. Vous avez osé dire qu’il y avait eu vingt-cinq réunions de concertation et que toutes les organisations étaient « quasiment » d’accord.

M. Jean Mallot. Tout est là , dans le « quasiment » !

Mme Martine Billard. Le débat porte précisément sur ce que recouvre ce « quasiment ». Ce Gouvernement a l’habitude d’organiser des réunions de concertation et non de négociation. Puis, prenant acte de l’échec et du manque d’accord, il présente les textes du MEDEF à l’Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) comme étant un projet de loi émanant du Gouvernement.

M. Jean Mallot. Voilà !

Mme Martine Billard. La méthode est désormais bien éprouvée.

Pour ce qui concerne la santé au travail, le MEDEF en a rêvé, vous êtes en train de le faire, monsieur le ministre. Vous êtes même quelque peu débordé par un certain nombre de collègues qui, si l’on en juge par la teneur de leurs amendements, représentent le commando MEDEF à l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Lorsque je participais à la mission consacrée à la pénibilité, le patron du MEDEF de l’époque – le baron Seillière – m’avait répondu qu’il ne comprenait pas pourquoi les entreprises devaient payer pour la santé de leurs travailleurs. Selon lui, c’était à la société de payer pour que leur état physique soit satisfaisant et qu’ils soient en mesure d’apporter des profits à l’entreprise. Certes, il s’agit là de deux projets de société différents. Selon nous, c’est aux entreprises d’investir dans la prévention et de payer par le biais de la branche AT/MP pour les accidents du travail et faire en sorte de maintenir la santé des travailleurs. Mais pour assurer cet objectif, cela suppose de maintenir l’indépendance de la médecine du travail. Vous déclarez, monsieur le ministre, que l’indépendance de la médecine du travail n’est pas mise en cause. Pourtant, les articles du code du travail que vous abrogez suppriment de fait, à l’alinéa 4, l’indépendance de la médecine du travail, je l’ai déjà indiqué en commission.

Selon vous, tout le monde est « quasiment » d’accord. Je vous informe que tel n’est pas le cas pour le syndicat national des praticiens en santé au travail. Vous pouvez admettre que ces médecins du travail sont concernés. « Sous prétexte de l’adaptation du rôle des services de santé du travail au volet pénibilité de la réforme des retraites, le Gouvernement introduit un amendement qui abandonne au patronat le système de santé au travail après une longue période de négociations entre les partenaires sociaux qui s’est soldée par un échec en septembre 2009 à l’unanimité des organisations syndicales. »

« Quasiment », n’est-ce pas, monsieur le ministre ? Ce syndicat conclut que les médecins du travail ne pourront plus maintenir leur indépendance et garantir celle des autres acteurs de la santé au travail et rappelle que la loi de 1946, issue des travaux du Conseil national de la Résistance, proposait que la médecine du travail avait pour objectif : « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. » C’est aussi cela qui disparaît avec votre modification des articles du code du travail concernant la santé au travail.

Un appel intitulé « Sauvons la médecine du travail » qui, de la même manière, dénonce la perte de l’indépendance des médecins du travail.

Dans votre amendement, monsieur le ministre, vous écartez de fait les CHSCT en désignant un salarié, nommé à la tête du client par l’employeur – un salarié qui n’est pas élu, qui n’est donc pas protégé comme le sont les délégués du personnel et qui n’a pas de temps de délégation dans la mesure où il n’est pas un représentant du personnel.

M. Marc Dolez. Il sera aux ordres !

Mme Martine Billard. Il sera aux ordres en effet.

Parmi ceux qui ne sont pas d’accord, figurent aussi la FNATH, l’association des accidentés de la vie, l’ANDEVA, qui représente les victimes de l’amiante.

Notre collègue Lefrand a déposé un sous-amendement pour le moins fantastique ! Il n’a pas hésité à proposer un dispositif localisé de la médecine du travail, cela au détour d’un sous-amendement. Le MEDEF rêvait de localiser le SMIC ! On peut craindre le pire lorsque l’on constate que vous êtes à ce point aux ordres du MEDEF. Vous finissez toujours par aller au-devant de ses souhaits soit par le biais d’un projet de loi ou d’un amendement gouvernemental, soit par un sous-amendement déposé par une fraction de l’UMP ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je souhaite élever une protestation. M. Mallot et M. Muzeau ont eu l’air de laisser penser que mes sous-amendements m’avaient été dictés par le Gouvernement ou par je ne sais quelle organisation.

Permettez-moi de faire remarquer à M. Mallot que j’ai été le rapporteur du budget du travail et de l’emploi l’année dernière et que j’ai consacré un chapitre entier à la médecine du travail et à sa réforme. C’est de ce rapport que j’ai tiré mes propositions sur la réforme de la mission des services de santé au travail. J’ai discuté avec les médecins sur la pluridisciplinarité, que le Gouvernement a intégrée dans son amendement. Mes sous-amendements visent à revenir à mes propositions initiales et le Gouvernement les a presque tous acceptés.

Madame Touraine, il faut parfois savoir écouter. Certes, dans l’amendement du Gouvernement, les services de santé au travail sont sous l’autorité de l’employeur, mais mon sous-amendement n° 757 supprime ce lien hiérarchique en précisant que ces services sont en lien avec l’employeur et les salariés. Je suppose, puisque le Gouvernement et la commission y sont favorables, qu’il sera voté, y compris par l’opposition dans la mesure où il correspond à ce qu’elle souhaite.

Mme Catherine Coutelle. Nous n’en sommes pas encore là !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Quel gâchis, monsieur le ministre, d’avoir refusé que le débat nécessaire sur la médecine du travail soit mené dans la transparence, dans le cadre d’une concertation, avec l’ensemble des acteurs concernés.

Quel gâchis que cette approche – cautionnée par M. Vercamer – qui aboutit à faire croire que ceux qui ne partagent pas vos idées sont des imbéciles : les organisations syndicales, les associations, les millions de personnes dans la rue, a fortiori les socialistes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Là, on est d’accord !

M. Christophe Sirugue. Les communistes également ne comprennent rien !

Avec une telle démonstration, monsieur le ministre, vous heurtez ceux-là même qui considéraient qu’ils pouvaient y avoir un débat raisonnable sur ces enjeux.

Considérant que tout le monde devait se coucher devant les revendications du patronat, vous obtenez finalement des communiqués de la teneur de celui de la FNATH, dont les termes sont très durs. Elle écrit : « Confier les clés du poulailler au renard, c’est pourtant ce que s’apprête à faire discrètement le Gouvernement avec la médecine du travail. » « À la surprise générale », ajoute-t-elle, « on va vers une suppression en catimini ». Où est la concertation dont vous nous rebattez les oreilles ? Où sont les échanges indispensables à ce type d’évolution ?

Quant à l’idée selon laquelle, parce que nous parlons des retraites et de la pénibilité, il faudrait impérativement que nous abordions la réforme de la médecine du travail, sauf erreur de ma part, ce ne sont pas les mêmes médecins qui classent les salariés en invalidité et qui exercent la médecine du travail !

En mélangeant tout, vous voulez nous faire croire que votre approche du problème de la médecine du travail est sincère. Mais, si tel était le cas, vous auriez respecté le travail parlementaire fourni, rappelé tout à l’heure par mon collègue Alain Vidalies.

Or, au moment même où vous nous présentez cet amendement, vous êtes en train de semer la discorde dans ce pays. Vous avez commencé de le faire depuis plusieurs semaines ; mais l’acte que vous vous apprêtez à commettre, mes chers collègues, vous devrez en rendre compte : les associations attendent vos explications. Je vous invite à lire ce communiqué pour vous en convaincre.

Pour notre part, nous considérons qu’une réforme de la médecine du travail est nécessaire. Mais cette réforme doit préserver son indépendance, lui fournir des moyens et lui permettre d’exercer ses missions, d’être au côté des salariés et des employeurs. Or c’est tout autre chose que vous nous proposez.

Cessez donc de nous donner des leçons : nous comprenons très bien ce que vous voulez faire et nous allons le dénoncer énergiquement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je souhaite répondre à M. Cousin, qui a interpellé votre rapporteur à propos de l’autorité de l’employeur sur les services de santé au travail.

Sur ce sujet comme sur d’autres, il faut veiller à ne pas multiplier les procès d’intention. Voilà pourquoi, je l’ai dit, je suis favorable au sous-amendement n° 757 de M. Vercamer, qui lève toute ambiguïté quant au sens de l’amendement n° 730 rectifié.

Mme Catherine Coutelle. Mais pourquoi l’avoir rédigé ainsi ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Au sein de l’entreprise s’exerce d’une certaine façon une autorité de l’employeur de fait, liée à son pouvoir général d’organisation et de direction.

C’est du reste ce que dit l’article L. 4622-1 du code du travail : « Les employeurs relevant du présent titre organisent des services de santé au travail. » Cet article, qui s’applique aujourd’hui, n’est affecté en rien par l’amendement du Gouvernement ; il continuera donc de prévaloir.

Cette autorité va de pair avec l’indépendance du médecin du travail ; elle ne s’oppose pas à elle, car elle n’est pas située sur le même plan. Être indépendant dans l’exercice de ses fonctions ne revient pas à pouvoir tout faire au sein de l’entreprise, indépendamment de l’organisation du droit commun de cette dernière.

C’est une évidence, et c’est cette évidence que visait la formulation de l’amendement : « sous l’autorité de l’employeur ». Il n’est en aucun cas question de revenir sur l’indépendance du médecin du travail telle qu’elle existe aux termes de nombreuses dispositions de notre droit positif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Madame Billard, je vous rappelle ce que j’ai dit tout à l’heure à propos du sous-amendement n° 762 : la présentation des conditions garantissant les règles d’indépendance des intéressés reprend expressément la rédaction du code afin de lever toute ambiguïté sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, il est des questions que je suis de près depuis de nombreuses années. Ainsi, comme quelques autres députés, je suis très sensible à l’assassinat, aux meurtres perpétrés contre les travailleurs exposés à l’amiante.

Si j’utilise des mots aussi durs, c’est parce que, dès lors que l’on envoie quelqu’un travailler dans des conditions dont on sait qu’elles vont l’amener à déclarer une maladie mortelle, sans le prévenir, et en lui disant au contraire qu’il ne risque rien, il s’agit évidemment d’un meurtre. Selon les experts, environ 100 000 personnes seront touchées au terme de cette catastrophe.

Dans ce drame, tous, à commencer par les employeurs, connaissaient avec certitude l’existence du poison mortel après la Seconde Guerre mondiale, les doutes nourris dès 1906 étant devenus certitude absolue dans les années cinquante. Pourtant, chaque fois que je rencontre des survivants – quand ce ne sont pas des veufs ou veuves de victimes –, ils me disent : « Vous savez, monsieur Roy, quand je travaillais à l’usine, je rencontrais régulièrement le médecin du travail, et il me disait que tout allait bien, que j’étais en bonne santé, et que tout ce qu’on pouvait me dire, c’étaient des mensonges » – des carabistouilles, comme on dit dans le Nord. « Il me disait de continuer à travailler, parce que j’étais en parfaite santé. » Le médecin du travail était totalement lié à son patron.

Cette affaire dure depuis maintenant cinquante ou soixante ans. Les mesures adoptées il y a une dizaine d’années vont évidemment dans le bon sens, mais je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Gouvernement auquel vous appartenez fait tout ce qu’il peut – et il peut beaucoup, je vous en félicite ! – pour empêcher un procès pénal de l’amiante.

Voilà pourquoi nous n’avons pas voulu signer le rapport de la mission d’information sur l’amiante que j’ai présidée il y a quelques mois. Depuis lors, c’est toujours la Bérézina : rien n’avance ; vous et vos amis du Gouvernement et du MEDEF ne voulez pas qu’un procès pénal ait lieu.

Or vous proposez ici, dans un amendement censé constituer l’une des avancées majeures annoncées par le Président de la République, ce qui constitue manifestement un nouveau recul.

Comme beaucoup de mes amis, j’ai sous la main le communiqué commun de la FNATH et de l’ANDEVA, deux associations très au fait du sort des victimes de l’amiante et qui sont aujourd’hui vent debout ; j’espère que vous ne croiserez pas leurs représentants cette nuit, ou demain au petit matin, lorsque vous quitterez ces lieux,…

M. Daniel Mach et M. Guy Teissier. Des menaces ?

M. Patrick Roy. …car leurs propos sont pleins de colère – mais d’une colère justifiée.

En effet, il ne s’agit pas seulement d’un coup bas social, mais d’un véritable meurtre. Or si on lie la médecine du travail à l’intérêt patronal, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Honte à vous d’avoir écrit un tel texte ! J’espère que nous allons parvenir à éviter le pire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, monsieur le ministre, le Gouvernement, sur indication de l’Élysée, a déposé plusieurs amendements de dernière heure.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non, pas de dernière heure !

Mme Dominique Orliac. Ainsi, l’amendement n° 730 rectifié introduit l’essentiel de la partie législative de la réforme de la médecine du travail, préparée par le ministre du travail.

L’argumentaire du Gouvernement pour justifier cette introduction en catimini de dispositions sans rapport avec le sujet est fautif. Faut-il rappeler au ministre du travail que ce sont les médecins conseils de la sécurité sociale qui attribuent les incapacités permanentes, et non les médecins du travail ? Peut-être faudrait-il procurer un code du travail à M. Woerth.

En réalité, cette ignorance est feinte, car le rédacteur du texte, bien au fait du sujet, nous ressert les dispositions que le MEDEF voulait faire signer il y a un an par les organisations syndicales, lesquelles les ont repoussées à l’unanimité.

La plus importante et la plus grave est constituée par l’abrogation de deux articles fondamentaux du code du travail, abrogation indispensable pour justifier l’amendement n° 730 rectifié. En effet, celui-ci a pour objet exclusif de transférer aux services de santé au travail, donc à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, les responsabilités légales actuellement dévolues aux médecins du travail.

Si cet amendement, qui prévoit l’application par décret de ces dispositions, est adopté, ce ne seront plus les médecins du travail qui seront chargés de la prévention médicale des risques professionnels, mais les employeurs responsables de l’organisation du travail et des risques auxquels ils exposent la santé des travailleurs qu’ils salarient.

Si, à l’occasion du débat sur les retraites, cette manœuvre de pure opportunité permettait le vote de l’amendement 730 rectifié, les assemblées prendraient la responsabilité d’avoir, par une décision de couloir, non seulement abrogé la médecine du travail, mais également confié la santé au travail des salariés à leurs employeurs eux-mêmes.

L’importance du sujet mérite un traitement de haute tenue, et non une telle manipulation, qui ne serait pas digne du rôle des représentants de la nation, chargés d’élaborer les lois. Nous demandons donc à tous les élus, quelles que puissent être leurs positions sur la médecine du travail, de renoncer à voter cet amendement. Ils permettront ainsi que l’avenir de la prévention des risques professionnels fasse l’objet d’un véritable débat au sein des assemblées. Ce débat pourra, éventuellement, déboucher sur l’adoption de nouveaux textes, dès lors investis d’une légitimité que l’on ne peut espérer donner à l’amendement n° 730 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Beaucoup de choses ont déjà été dites, et excellemment dites. Je ne reprendrai donc pas les différents arguments avancés.

Le Gouvernement, ainsi que M. Vercamer, prétendent que la nouvelle rédaction incluse dans le sous-amendement de ce dernier est propre à nous rassurer. Les médecins du travail exerceraient désormais leur mission en lien avec les employeurs. Qu’est-ce qui me permet d’en déduire qu’ils l’exerceront en toute indépendance et liberté ? On aurait pu écrire « en informant l’employeur », mais on a choisi la formule « en lien avec l’employeur ». D’autre part, celui-ci nommera des intervenants professionnels. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

J’avoue que je ne suis guère rassuré, que nous ne sommes guère rassurés par la nouvelle rédaction, qui est du reste un coup téléphoné, puisque l’affaire a été manifestement ourdie avec le Nouveau Centre. Je tiens à le dire.

La FNATH et l’ANDEVA ont raison de rappeler que le Gouvernement n’a pas tiré les leçons de la fameuse et douloureuse affaire de l’amiante…

M. Patrick Roy. Eh non !

M. Victorin Lurel. …, à laquelle j’ajouterai celle du chlordécone chez moi. Au-delà des circonstances atténuantes que l’on pourrait éventuellement faire valoir, l’État a autorisé l’utilisation de ces produits toxiques, auxquels les employeurs n’ont pas hésité à exposer leurs ouvriers. Peut-être s’y sont-ils eux-mêmes exposés.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, une kyrielle de personnes travaillant dans le secteur de l’agriculture – employeurs ou ouvriers, mais surtout ces derniers – sont malades. Et cela ne résulte pas d’une sorte de prédisposition ethnique, ainsi qu’on l’a suggéré, puisque des études scientifiques ont établi que c’est l’exposition prolongée à ces produits toxiques qui provoque ce type de cancer.

Si les médecins du travail sont aux ordres des employeurs, ou s’ils travaillent en lien avec eux, c’est-à-dire main dans la main avec eux – je le dis très clairement –, comment voulez-vous que l’exercice de leur métier, jusqu’à présent garanti, le demeure ? La nouvelle rédaction n’est donc pas de nature à rassurer celles et ceux qui sont habitués à l’exercice de cette indépendance. Je rappelle qu’il s’agit d’un contre-pouvoir au sein de l’entreprise, comme le souligne le communiqué conjoint.

On veut déjà une entreprise ultra-libéralisée, pressurée, où les travailleurs perdent tout ; cette fois, c’est jusqu’à leur santé qui serait livrée en pâture à l’appétit féroce du marché. C’est à tirer l’échelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à nos interpellations et à nos questions.

M. Yves Bur. Il ne répondra jamais ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Marisol Touraine. Quelle drôle de conception du dialogue démocratique, monsieur Bur ! Il est tout de même assez sidérant d’entendre de tels propos. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La séance a repris il y a près d’une demi-heure dans un climat nécessairement apaisé par l’interruption du dîner, après l’émotion suscitée par les propos que vous avez prononcés aux alentours de vingt heures. Nous vous posons toute une série de questions et vous ne nous répondez sur aucun des sujets abordés, qu’il s’agisse des organisations syndicales, de la relation avec la sécurité sociale ou de l’indépendance de la médecine du travail.

Depuis que nous discutons de ce projet de loi, vous ne cessez de nous dire qu’il n’y a pas de problèmes là où nous les voyons.

Ainsi, il y a quelques jours nous avons appelé votre attention sur le fait qu’en relevant l’âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans, vous alliez provoquer un problème de prise en charge des personnes de plus de soixante ans n’ayant pas d’emploi dans la mesure où aucun dispositif n’est adapté à leur cas. Vous nous avez alors juré tous vos grands dieux que c’étaient les mauvais esprits des socialistes qui allaient chercher on ne sait trop quelle idée étrange. Vous nous avez encore expliqué que nous ne comprenions pas grand-chose à votre texte qui prévoyait toutes les garanties nécessaires.

François Fillon, à la télévision, s’était déjà chargé de mettre un coin dans votre argumentation puisqu’il a indiqué qu’il fallait sans doute trouver les moyens d’une nouvelle allocation. Et ce soir, nous apprenons que la présidente du MEDEF, Mme Parisot, a reconnu aujourd’hui que votre réforme des retraites, qu’elle soutient, allait « provoquer des bouleversements dans des domaines comme celui de l’assurance chômage sur lequel patronat et syndicats doivent renégocier à la fin de l’année » ainsi que dans la gestion des organismes sociaux. Je la cite encore : « Si la réforme des retraites est votée en l’état, l’assurance chômage risque de devoir prendre en charge un nombre de seniors sans emploi, du fait du report de soixante à soixante-deux ans de l’âge légal de départ en retraite. »

Cela fait une semaine que nous vous disons cela…

M. Guy Lefrand. Vous soutenez le MEDEF maintenant !

Mme Marisol Touraine. …et cela fait une semaine que vous nous expliquez que nous ne comprenons pas. Mais Mme Parisot parviendra peut-être, elle, à se faire entendre de vous.

Dans ces conditions, pourquoi voudriez-vous, monsieur le ministre, que nous accordions du crédit à ce que vous nous dites ce soir sur l’indépendance assurée de la médecine travail alors vos affirmations sur la prise en charge des seniors sans emploi, seulement quelques jours après, se trouvent invalidées de façon magistrale par la présidente du MEDEF ?

Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. le ministre, je voudrais pour la parfaite information de notre assemblée vous indiquer, madame Touraine, que depuis trente et une minutes, huit orateurs se sont succédé et que vous êtes vous-même intervenue deux fois. Je n’ai fait que donner la parole à celles et ceux qui l’ont demandée.

M. Roland Muzeau. Conformément au règlement !

Mme la présidente. Le ministre ne s’est donc pas encore exprimé.

Mme Martine Billard. Il a hurlé tout à l’heure !

Mme la présidente. Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Madame la députée, il semblerait que vous soyez totalement obnubilés par le MEDEF. Il ne se passe pas une minute sans que vous l’évoquiez. Je ne sais pas ce qu’il vous a fait.

Mme Laurence Dumont. Cherchez donc un peu !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je suis très surpris de voir à quel point le MEDEF vous impressionne. Il y a beaucoup de fantasmes à son propos, comme il y a beaucoup de fantasmes à propos de la médecine du travail.

Du reste, j’ai du mal à répondre aux interventions sur la médecine du travail : vous parlez de tout sauf de l’amendement.

Mme Martine Billard. Ah si !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je note que vous n’avez absolument pas critiqué son contenu même. Vous n’avez rien dit de la pluridisciplinarité, principe que nous voulons voir appliquer à l’examen de la pénibilité à travers l’ensemble des dispositifs de santé et de sécurité au travail. Nous souhaitons qu’il soit fait appel à des ergonomes, des psychothérapeutes, des toxicologues, dont le travail serait évidemment placé sous la coordination du médecin du travail.

Mme Martine Billard. Des salariés nommés par les patrons !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Comment pourriez-vous contester que cette évolution va dans l’intérêt général du salarié ? Cela correspond au contenu même du rapport du Conseil économique, social et environnemental que vous vous plaisez à mettre en avant.

Vous ne dites rien sur le fond de l’amendement car, en réalité, c’est un bon amendement.

Mme Martine Billard. Mais vous êtes sourd !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous ne dites rien non plus des missions des services de santé au travail, …

M. Roland Muzeau. J’en ai parlé pendant cinq minutes !

Mme Martine Billard. Il faudrait écouter !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …lesquelles sont définies dans la loi. Vous n’en avez rien dit pour la bonne raison qu’il s’agit également d’une disposition qui fait consensus parmi les médecins du travail et chez la plupart des organisations syndicales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Vous agitez comme un chiffon rouge l’idée de l’indépendance. Tout d’un coup, les médecins n’auraient plus d’indépendance. Mais quelle drôle de conception, madame Touraine, monsieur Vidalies ! Les médecins du travail ont leur indépendance comme tous les médecins.

Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous savez comment fonctionnent les hôpitaux. N’y a-t-il pas des médecins et des directeurs ? C’est exactement la même chose : il doit bien y avoir, à un moment donné, un employeur. Et heureusement qu’il y a encore en France des employeurs, car le jour où il n’y en aura plus, il n’y aura plus d’employés non plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Martine Billard. Les travailleurs peuvent se passer de patron, mais pas l’inverse !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le médecin du travail a son autonomie, il a l’indépendance médicale. C’est un salarié protégé et nous avons voulu le montrer en acceptant des sous-amendements qui viennent préciser les intentions du Gouvernement comme le sous-amendement n° 762.

Plutôt que d’agiter des fantasmes, parlez des sujets tels qu’ils sont. Nous avançons. Nous renforçons la médecine du travail, nous consolidons ses services et faisons en sorte que la France en soit fière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Bobards !

(Le sous-amendement n° 758 est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, le sous-amendement n° 765 tombe.

(Le sous-amendement n° 759 est adopté.)

(Le sous-amendement n° 760 est adopté.)

(Le sous-amendement n° 761 est adopté.)

(Le sous-amendement n° 756 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 757 est adopté.)

(Le sous-amendement n° 746 est adopté.)

(Le sous-amendement n° 762 est adopté.)

(L’amendement n° 730 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. Alain Vidalies. C’est une honte !

M. Marcel Rogemont. C’est scandaleux !

Mme Laurence Dumont. Merci le Nouveau Centre !

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 721 rectifié tombe.

L’amendement n° 557 n’a plus d’objet.

Je suis saisie de deux amendements, nos 555 et 424, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 555.

M. Francis Vercamer. Cet amendement va encore renforcer l’indépendance de la médecine du travail. Il vise à ce que le service de santé au travail soit obligatoirement mutualisé entre les entreprises. Ainsi, les grandes entreprises ne pourraient plus disposer d’un service intégré. Elles devraient, comme les PME, travailler avec un service de santé externe, moyennant une cotisation pour assurer son financement et donc son indépendance.

M. Roland Muzeau. Et dans un autre amendement, vous rappeliez l’existence d’un lien de subordination !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand, pour soutenir l’amendement n° 424.

M. Guy Lefrand. Cet amendement devrait intéresser nos collègues de l’autre bord de l’hémicycle puisqu’il va permettre aux services autonomes de santé au travail de prendre en charge les employés des entreprises sous-traitantes et intérimaires intervenant sur un même site, ce qui n’est actuellement pas possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable à l’amendement n° 555 et défavorable sur la forme à l’amendement n° 424 de M. Lefrand, sur lequel j’interroge le Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. L’amendement de M. Vercamer est excellent mais les services peuvent déjà s’organiser de la sorte et, de surcroît, certains services sont spécialisés, ce qui rend la mutualisation difficile.

Par ailleurs, l’amendement n° 424 relève du domaine réglementaire. Je vous propose donc, monsieur Lefrand, de le retirer.

M. Guy Lefrand. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n° 424 est retiré.)

Mme la présidente. Retirez-vous l’amendement n° 555, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. Je le maintiens, madame la présidente.

(L’amendement n° 555 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 435 et 442, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Aujourd’hui, les services de santé au travail interentreprises, qui concernent les salariés du privé, relèvent du régime des agréments.

Dans l’amendement n° 435, nous proposons qu’ils puissent contractualiser avec les organismes de tutelle mais également s’engager dans une démarche qualité, qui permettra à l’avenir, nous l’espérons, d’aboutir à une certification.

L’amendement n° 442 vise à transformer la commission médico-technique en véritable commission de projet, chargée d’élaborer le projet médical qui s’intégrera au projet de service du service de santé au travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. L’amendement n° 435 a été accepté par la commission, qui a repoussé l’amendement n° 442 pour un problème de fond et de forme.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 435.

S’agissant de l’amendement n° 442, il s’accorde sur le fond mais émet un avis défavorable car il relève du domaine réglementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Voilà qui est extrêmement intéressant. L’amendement n° 435, sous des dehors anodins, propose une démarche de qualité. Aucune explication n’est donnée. Le Gouvernement et la commission émettent un avis favorable.

Pourtant, cet été, le Conseil économique et social a remis, à la demande du Gouvernement, un rapport sur la certification qualité dans le domaine de la santé au travail. À la question de savoir si elle était utile, la réponse du Conseil a été unanime : certainement pas ! Il a considéré que l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, était la mieux à même de répondre aux exigences définies pour l’élaboration d’un cadre normatif. La conclusion définitive, votée à l’unanimité, est que la procédure de qualité n’est pas du tout adaptée. Le Conseil s’y oppose.

M. Daniel Mach. Et alors ?

M. Alain Vidalies. Chacun a bien compris que dans l’espèce de République décadente dans laquelle nous sommes – et j’inclus le fonctionnement de notre assemblée –, il n’y a plus aucune limite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. Vous êtes à court d’arguments !

M. Alain Vidalies. Chacun d’entre vous, chers collègues, sait pertinemment que cet amendement va à l’encontre d’une décision unanime du Conseil économique et social. Pourtant, le rapport n’en dit rien. Et si nous avons retrouvé cet avis, c’est que nous avions déjà travaillé sur la question.

Assumez donc votre position : cet amendement a pour but de contourner une décision du Conseil en faveur de laquelle organisations d’employeurs et syndicats se sont prononcés.

Bien sûr, vous pouvez toujours continuer à mener des opérations de ce genre sans vous intéresser aux avis contraires parce que vous estimez qu’en étant majoritaires ici, vous pouvez tout broyer. Sachez seulement que d’autres rendez-vous vous attendent.

Mais une nouvelle fois, s’agissant des méthodes que vous utilisez – passez-moi l’expression – vous êtes pris la main dans le sac. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. J’aimerais préciser, comme nous l’avons expliqué dans l’exposé des motifs, que la certification est une procédure lourde dont les modalités doivent être fixées par décret. C’est pourquoi nous proposons que les services de santé au travail puissent s’engager dans une démarche qualité, sur la base du volontariat, en faisant des expérimentations. Il n’y a aucune contradiction avec ce que nous avons dit.

M. Roland Muzeau. Vous n’avez pas entendu M. Vidalies ou quoi !

M. Guy Lefrand. Pour finir, j’indique à Mme la présidente que je retire l’amendement n° 442.

(L’amendement n° 442 est retiré.)

(L’amendement n° 435 est adopté.)

Mme Martine Billard. Et ils votent comme un seul homme et une seule femme !

M. Roland Muzeau. Godillots !

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 95, 480 et 544, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 95 fait l’objet d’un sous-amendement n° 753.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 95.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je vais laisser à M. Lefrand le soin de présenter son amendement, similaire au mien.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand, pour soutenir l’amendement n° 480.

M. Guy Lefrand. Nous avons déposé cet amendement à la suite des auditions que nous avons menées dans le cadre du groupe de travail sur la souffrance au travail. Il nous est apparu nécessaire d’aménager le paritarisme au sein des services de santé au travail interentreprises dont les conseils d’administration sont constitués aux deux tiers par les employeurs et pour un tiers par les représentants des salariés.

Nous proposons que le conseil soit représenté à parité par des représentants des entreprises adhérentes, désignés par les organisations professionnelles d’employeurs, et des représentants des organisations syndicales de salariés.

Puisque l’employeur reste responsable du service de santé au travail, nous demandons également qu’il ait la présidence, et que le président soit en activité.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir le sous-amendement n° 753 et l’amendement n° 544.

M. Francis Vercamer. Le sous-amendement n° 753 prévoit que la parité est une faculté, et non une obligation. La rendre obligatoire me paraît quelque peu arbitraire.

Quant à l’amendement n° 544, il reprend celui de M. Jacquat qui a été sous-amendé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission est défavorable au sous-amendement n° 753.

Par ailleurs, je retire mon amendement au profit de celui de M. Lefrand.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 480 présenté par M. Lefrand. C’est une avancée très importante puisqu’il s’agit de l’installation du paritarisme – c’est curieux, pour une fois l’opposition ne dit pas que c’est la voix du MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Comme notre temps de parole est limité, on ne peut rien dire !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Cette mesure était prévue pour 2012. Nous anticipons car c’est un mode de fonctionnement démocratique.

Monsieur Vidalies, je tiens à vous préciser que le Conseil économique, social et environnement n’a jamais voté sur ce que vous avez dit. En effet, il a voté, non sur la certification de la médecine du travail, mais sur les normes générales concernant la sécurité au travail dans l’entreprise. Il n’a pas donné d’avis négatif sur la certification des services de médecine du travail.

M. Dominique Dord. Précision très importante !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Nous n’avons pas besoin de dire que c’est la voix du MEDEF, puisque le ministre l’a écrit lui-même !

De même qu’il nous a expliqué tout à l’heure qu’en plaçant le médecin du travail sous l’autorité de l’employeur il assurait son indépendance, il vous dit maintenant, via l’amendement de M. Jacquat et celui de M. Lefrand, qu’il organise le paritarisme avec présidence et voix prépondérante de l’employeur. Si c’est cela le paritarisme, il est pour le moins déséquilibré ! On connaît le résultat des prises de décision à l’avance. Voilà pourquoi nous n’avons pas besoin d’affirmer que c’est la voix du MEDEF, tout le monde ayant compris que ça l’est naturellement.

Mme la présidente. L’amendement n° 95 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 753 n’a plus d’objet.

(L’amendement n° 480 est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 544 tombe.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour un rappel au règlement.

M. Marcel Rogemont. L’alinéa 13 de l’article 49 du règlement de notre assemblée prévoit que : « Chaque député peut prendre la parole, à l’issue du vote du dernier article du texte en discussion, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes. Le temps consacré à ces explications de vote n’est pas décompté du temps global réparti entre les groupes, par dérogation à la règle énoncée à l’alinéa 8. »

Madame la présidente, existe-t-il dans notre règlement d’autres dispositions qui pourraient m’empêcher d’exercer cette liberté personnelle que semble m’octroyer l’alinéa 13 de l’article 49 ? J’aimerais que la présidence me donne une réponse, car je souhaiterais pouvoir user de cette liberté que m’offre le règlement.

Mme la présidente. Monsieur Rogemont, cette opportunité a été évoquée ce matin en Conférence des présidents. Vous savez qu’elle ne peut s’exercer qu’à la fin de la discussion des articles du texte. L’opportunité se présentera donc quand nous aurons achevé l’examen des différents articles et amendements du présent projet de loi.

M. Marcel Rogemont. Je vous remercie pour cette précision, madame la présidente.

Après l’article 25 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 327 rectifié.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Cet amendement vise à permettre aux différents services de santé au travail de sortir de leur isolement et d’entrer en partenariat grâce à la commission de projet de service pluriannuel qui définira les priorités d’action du service. Bien sûr, ce projet sera soumis à l’approbation du Conseil d’administration paritaire tel que nous venons de le définir et il devra s’inscrire dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens entre le service, les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale, c’est-à-dire la DIRECCTE et la CARSAT. Il sera nécessaire également de prendre l’avis de l’ARS.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Favorable.

(L’amendement n° 327 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 96 et 481, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 96.

M. Denis Jacquat, rapporteur. L’amendement n° 96 est presque identique à l’amendement n° 481.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand, pour soutenir l’amendement n° 481.

M. Guy Lefrand. Effectivement, notre amendement est presque identique à l’amendement n° 96. Pour notre part, nous proposons que : « En l’absence d’accord étendu, un décret détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs », alors que M. Jacquat prévoit que c’est un décret en Conseil d’État qui détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs.

Actuellement, de nombreuses catégories de salariés, notamment les artistes, mannequins et les salariés de particuliers employeurs qui sont plus de 2 millions ne bénéficient d’aucun service de santé au travail. C’est pourquoi nous proposons de créer des accords collectifs de branche, de manière à pouvoir les prendre en charge.

S’agissant plus précisément des particuliers employeurs, nous proposons d’intégrer, sur la base du volontariat, des médecins non spécialistes en médecine du travail dans les équipes disciplinaires des services de santé au travail, afin de prendre en charge ces patients. Bien sûr, cette proposition n’est pas sortie ex nihilo. Elle est issue du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 signé par Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, etc., qui institue l’apparition des médecins généralistes pour gérer les aptitudes des fonctionnaires de la fonction publique.

Non seulement nous reprenons ce qui avait été décidé à l’époque par la gauche, mais nous l’améliorons puisque nous imposons la signature d’une convention avec un service de santé au travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’avais, pour ma part, présenté un amendement qui avait été accepté par la commission, celui de M. Lefrand ayant été repoussé.

Au cas où aucun accord de branche ne serait conclu, il me semble important qu’un décret soit pris après avis du Conseil d’État, de manière que toutes les garanties juridiques puissent être apportées à cette procédure.

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 96, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 96 et 481 ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. J’espère que le groupe SRC votera cet amendement, car il donne la possibilité à des salariés d’avoir accès à la médecine du travail. 1,7 million de salariés à domicile sont concernés par cette mesure. Pour le moment, ils n’ont pas accès à la médecine du travail lorsqu’ils travaillent de manière fractionnée.

Employeurs et syndicats se sont réunis hier pour commencer à en définir les modalités. J’espère qu’un consensus se dégagera sur ce point. C’est une nouvelle avancée dans le domaine de la médecine du travail et pour les salariés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Une loi sur la médecine du travail rend obligatoire la surveillance de l’ensemble des salariés, quel que soit leur contrat de travail. Or le Gouvernement nous explique que, comme cette loi n’est pas respectée, il faut procéder à des dérogations. L’amendement n° 96 prévoit en effet que : « Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ».

Parmi les catégories concernées, on trouve les intermittents du spectacle, les salariés du particulier employeur, les salariés temporaires, les stagiaires de la formation professionnelle, les travailleurs des associations intermédiaires, les travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de l’employeur, les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie, les travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France. Bref, tous les travailleurs sous statut précaire se retrouvent de fait éjectés de la médecine du travail générale.

Monsieur Lefrand, si je vous comprends bien, mieux vaut essayer d’inventer un nouveau dispositif que de faire respecter la loi.

Je vous ferai remarquer, mes chers collègues, qu’en tant que députés nous sommes des employeurs – nous sommes des TPE puisque nous n’avons pas beaucoup de salariés. À juste titre, et heureusement, les services de l’Assemblée nous ont rappelé que nous avions obligation de permettre à nos collaborateurs d’être suivis par la médecine du travail. Ils ne nous ont pas dit qu’on avait le droit d’y déroger. Je remercie les services de l’Assemblée de nous avoir fait ce rappel, pour ceux qui ne respectaient pas cette règle. Plutôt que de prévoir des dérogations qui font que ce sont tous les travailleurs précaires qui, demain, seront complètement exclus de la médecine du travail, mieux vaudrait faire ce rappel pour l’ensemble des catégories de travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. En dressant la liste de ceux qui sont pratiquement exclus de la médecine du travail, vous incitez à voter cet amendement. Nous souhaitons en effet que tous les salariés de France aient accès à la médecine du travail. Et c’est ce que nous faisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vous nous expliquez que, grâce à ces amendements, les personnes qui sont exclues de la médecine du travail pourraient en bénéficier. Avant de prendre position, je souhaite vous poser deux questions car j’ai du mal à mesurer la portée de ces amendements.

Premièrement, ces personnes sont-elles exclues juridiquement de l’accès à la médecine du travail, ou bien est-ce une situation de fait que vous ne pouvez que constater ?

Deuxièmement, grâce à l’adoption de cet amendement, ces personnes auront-elles accès à la médecine du travail de droit commun ou, face à une situation que vous regrettez, avez-vous imaginé un système intermédiaire avec ces accords et le recours à une médecine de ville ?

J’attends donc votre réponse car nous nous interrogeons sur la portée de ces amendements et sur le fait de savoir si nous allons les voter.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les salariés à temps plein de particuliers employeurs ont accès à la médecine du travail. En revanche, une femme de ménage qui ne travaille pas à temps plein s’en trouve juridiquement exclue. C’est la raison pour laquelle nous prévoyons des procédures adaptées qui ne sont pas dérogatoires et qui concernent tout de même 1,7 million de personnes.

Les intermittents du spectacle, quant à eux, viennent de signer un accord dépourvu de bases légales. Nous proposons un dispositif qui permettra à cet accord de trouver un fondement juridique et d’adapter leur médecine du travail.

Nous donnons la possibilité juridique ou pratique aux uns et aux autres, à travers des accords de branches, d’accéder à la médecine du travail, ce que ne leur permet pas la législation en vigueur.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Notre incertitude sur la portée du texte n’a pas été comblée par les explications du Gouvernement. Nous sommes au milieu du gué. L’idée générale est de permettre à chaque salarié d’accéder à une véritable médecine du travail.

En même temps, le texte se donne pour ambition non pas d’interdire aux salariés concernés l’accès à la médecine du travail mais de trouver une autre piste, sorte de pis-aller. En attendant la lecture définitive du texte, l’examen du droit commun vous conduira sans doute à leur donner ce droit.

En l’état, il ne s’agit pas pour nous de sanctionner cette initiative qui nous a paru dans un premier temps digne d’intérêt. Le groupe socialiste s’abstiendra donc sur le vote de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Ce que nous proposons va plus loin que ce que les socialistes ont proposé pour la fonction publique en 1986. Encore une fois, vous avez créé des médecins agréés qui donnent ou non l’aptitude aux fonctionnaires à travailler. De la même manière, nous souhaitons que soit donnée l’aptitude à travailler à des employés qui n’ont pas accès à la médecine du travail.

Aussi, puisque nous allons plus loin que vous en 1986, j’y insiste, je vois difficilement pour quels motifs vous pourriez être contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Les réponses de M. le ministre, objectivement, sont loin d’être de nature à rassurer les parlementaires sur le risque présenté par cet amendement de la création d’un système dérogatoire. Son adoption ferait des salariés, qui sont déjà les victimes permanentes de la précarité, les victimes d’une sous médecine du travail.

J’espère que vous profiterez du temps que vous offrira la lecture du texte par le Sénat pour formuler une explication plus convaincante. En attendant, les députés du groupe GDR voteront contre cet amendement.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 96.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 216

Nombre de suffrages exprimés 161

Majorité absolue 81

(L’amendement n° 96 est adopté.)

Mme la présidente. Par conséquent, l’amendement n° 481 tombe.

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Puisque nous nous sommes abstenus, le résultat annoncé est impossible ; nous souhaitons obtenir des explications. D’autre part, au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance de cinq minutes.

Mme la présidente. Les résultats que j’ai lus sont ceux que j’ai sous les yeux. (Brouhaha.)

M. Marcel Rogemont. Redonnez les résultats !

Mme la présidente. Je n’ai fait que lire les résultats qui se sont affichés devant moi.

Je vous les rappelle : le nombre de votants était de 216, le nombre de suffrages exprimés de 161, la majorité absolue de 81 voix et 145 députés se sont prononcés pour l’adoption contre 16. (Rumeurs.)

M. Pascal Deguilhem. Ces résultats sont faux !

Mme la présidente. Les membres du groupe SRC se sont majoritairement abstenus : c’est le cas pour 53 d’entre eux alors que 5 ont voté contre et 2 pour. (Brouhaha.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Alors !

Mme la présidente. Les résultats du vote sont publics et je les tiens à votre disposition.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Yves Cochet pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. Yves Cochet. Madame la présidente, avec M. Ayrault, nous avons déjà interpellé la présidence cet après-midi à propos de l’organisation de nos travaux. Ce soir, je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur la manière dont ceux-ci vont se dérouler au cours de cette séance, qui a été ouverte à vingt et une heures trente. Le règlement de l’Assemblée comporte en effet deux articles qui peuvent nous permettre de préciser quelle sera l’organisation de nos travaux cette nuit.

L’article 49-1, alinéa 1, dispose que « les jours de séance au sens de l’article 28 de la Constitution sont ceux au cours desquels une séance a été ouverte. Ils ne peuvent se prolonger, le lendemain, au-delà de l’heure d’ouverture de la séance du matin fixée à l’article 50. » Or, l’article 50, alinéa 3, dispose que « la matinée du mercredi est réservée aux travaux des commissions ».

Certes, la « feuille verte » indique que notre assemblée pourrait éventuellement siéger demain matin, mercredi. Mais nous avons conclu, de la conférence des présidents qui s’est tenue hier et des discussions que nous avons eues avec le président Accoyer cet après-midi, qu’il n’y aurait probablement pas de séance publique demain matin. Dès lors, madame la présidente, je souhaiterais que vous nous indiquiez si vous avez l’intention d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à cinq heures, sept heures, dix heures ou treize heures, voire jusqu’à la séance de l’après-midi, qui est, elle, fixée à quinze heures.

Mme la présidente. Au vu de l’article 49-1, alinéa 1, et de l’article 50, alinéa 3 et compte tenu du fait que la conférence des présidents a prévu une séance éventuelle demain matin, la séance qui a été ouverte à vingt et une heures trente ne peut se poursuivre au-delà de neuf heures trente demain matin. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Martine Billard. Vous avez le sens de l’humour !

Mme la présidente. Vous m’avez posé une question, je vous ai répondu, monsieur le président Cochet.

Je vous propose que nous en venions aux amendements suivants.

Après l'article 25 (suite)

La parole est à M. Guy Lefrand, pour soutenir l’amendement n° 482.

M. Guy Lefrand. En préambule, je tiens à saluer mes collègues Sophie Delong et Anne Grommerch, avec qui j’ai déposé cet amendement, ainsi que les suivants.

L’amendement n° 482 vise à clarifier la gestion des services de santé au travail, en précisant que toute convention doit faire l’objet d’une publicité au sein du conseil d’administration.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Favorable.

(L’amendement n° 482 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 483 rectifié.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Il s’agit d’un amendement très important. La notion de remplacement supposant celle de clientèle, donc d’exercice libéral, actuellement, un interne de médecine du travail ne peut remplacer un médecin du travail, ce qui pose d’énormes problèmes d’organisation au sein des services de santé au travail. Nous vous proposons donc de permettre à ces services de faire appel temporairement à un interne de la spécialité.

(L’amendement n° 483 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 330 rectifié.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Il s’agit de préciser le rôle du directeur du service de santé au travail – qui n’est pas spécifiquement prévu dans la loi –, de définir ses missions et de rappeler, si besoin est, qu’il se doit d’être garant de l’indépendance du médecin, qui est déjà prévue à l’article 95 du code de déontologie, sachant, par ailleurs, que le médecin du travail est un salarié protégé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Puisque l’auteur de cet amendement a évoqué l’indépendance du médecin du travail, je souhaiterais demander à mes collègues ce qu’ils répondraient aux remarques formulées par le Conseil économique et social sur le travail de nuit et son impact sur les conditions de travail.

Je vous lis un extrait d’un de ses rapports : « Malgré la volonté du législateur de réduire le recours au travail de nuit, force est de constater que celui-ci tend à se banaliser. Or, le travail de nuit doit rester une exception. Certaines exigences économiques, sociales et sociétales impliquent que des activités productives – sidérurgie, entreprises du feu – et des services d’intérêt général – services de sécurité, ordre public, santé, communication, transports – fonctionnent la nuit pour la satisfaction des besoins collectifs ou pour répondre aux besoins d’une économie mondialisée. Toutefois, le travail de nuit ne doit pas être considéré comme une modalité d’organisation du travail ordinaire, justifiable par la seule recherche de la productivité et l’utilisation optimale des équipements industriels. »

Lorsque le médecin du travail sera soumis au patron, au responsable de la production, comment pourra-t-il s’opposer au développement du travail de nuit ?

(L’amendement n° 330 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 93 rectifié et 487 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 93 rectifié.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Je laisse à M. Lefrand le soin de le présenter.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Lefrand.

Je suppose, monsieur Lefrand, que vous allez défendre en même temps l’amendement n° 487 rectifié.

M. Guy Lefrand. Oui, madame la présidente, car ces deux amendements sont très proches.

Nous proposons que des salariés se trouvant dans une situation de précarité et ne bénéficiant statutairement d’aucun droit à la santé au travail puissent enfin en bénéficier. Les modalités d’application de cette mesure seront fixées par décret.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a repoussé l’amendement n° 487 rectifié et accepté l’amendement n° 93 rectifié, lequel, dans un souci de rapidité et de cohérence, prévoit un décret unique, et non différents textes, pour déterminer l’ensemble des règles applicables aux différentes catégories de travailleurs concernés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Favorable à l’amendement n° 93 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement n’est pas anodin, et nous voterons contre, pour des raisons identiques à celles que j’ai exposées tout à l’heure. J’espère que l’examen du texte par le Sénat nous permettra d’y voir un peu plus clair.

Monsieur le rapporteur, vous souhaitez déterminer par décret des règles qui, à l’évidence, vont à nouveau déroger au droit commun en matière d’organisation et de financement des services de santé au travail ainsi que de suivi de l’état de santé de salariés qui, de par leur contrat de travail, sont eux-mêmes placés en marge du droit commun du salariat. Avouez que nous avons là des raisons objectives d’être inquiets.

Il serait donc souhaitable que vous nous convainquiez ce soir ou, à tout le moins, que vous affûtiez vos arguments afin que nos collègues du Sénat et nous-mêmes, lorsque nous examinerons le texte de la CMP – puisque nous n’aurons pas droit à une seconde lecture –, sachions de quoi il retourne.

(L’amendement n° 93 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 487 rectifié tombe.

Je suis saisie d’un amendement n° 329.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Je le retire, madame la présidente, car il est satisfait par le sous-amendement voté à l’amendement n° 730 rectifié du Gouvernement.

(L’amendement n° 329 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 250.

La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Il nous semble que, dans ce volet consacré à la pénibilité, il manque l’essentiel, c’est-à-dire un dispositif de compensation permettant véritablement à ceux dont l’espérance de vie en bonne santé et sans incapacité est diminuée par l’exposition à la pénibilité de profiter, comme tout autre salarié, d’un temps de vie à la retraite.

À la mesure individuelle de l’usure au travail, qui est unanimement rejetée par les organisations syndicales, nous avons proposé de substituer le principe d’un dispositif de majoration de durée d’assurance pour les travailleurs soumis à certains types de conditions de travail pénibles, et ce qu’il y ait ou non des effets sur la santé. Notre amendement prévoyant l’abaissement de la condition d’âge en deçà de soixante ans pour les salariés justifiant d’un quantum d’années d’exposition à des efforts physiques lourds, à un environnement agressif ou à des rythmes de travail contraignants a été jugé irrecevable pour des raisons financières.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement d’appel et de repli. Il s’agit d’ouvrir dès à présent le débat sur les options en présence : soit un dispositif de majoration de durée d’assurance – position soutenue par les syndicats –, soit la création d’une allocation de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs exposés à des conditions de travail pénibles, défendue notamment par la FNATH, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les travailleurs de l’amiante. Cette seconde solution permettrait d’apporter une réponse plus immédiate de nature à régler la situation de nombreux salariés de cinquante-cinq ans déjà usés par leur travail.

(L’amendement n° 250, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 484.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Dans le cadre de la promotion de la pluridisciplinarité, qui a été défendue par le Gouvernement et à laquelle nous souscrivons, nous souhaitons proposer la création d’une spécialité d’infirmière en santé au travail – comme cela existe pour les infirmières de bloc opératoire ou pour les infirmières anesthésistes – de manière à améliorer l’attractivité dans ce secteur et à permettre une véritable délégation de tâches ou un véritable transfert de compétences entre les médecins et les différents intervenants en santé au travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Lefrand, maintenez-vous l’amendement n° 484 ?

M. Guy Lefrand. Je le retire.

(L’amendement n° 484 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 485 rectifié.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous proposons en effet, avec mes collègues Mmes Delong et Grommerch, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport formulant des propositions pour développer l’attractivité des activités de santé au travail pour les infirmières, en vue d’étudier la possibilité de créer des formations complémentaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a émis un avis favorable. Toutefois, là encore, après relecture de l’amendement, j’ai le sentiment qu’il est satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le Gouvernement a émis un avis défavorable, car M. Hénart remettra au mois d’octobre un rapport sur le sujet.

M. Guy Lefrand. Je retire l’amendement !

(L’amendement n° 485 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. M. Lefrand souhaite rendre le métier attractif, mais il me semble que les infirmières ont vu leurs retraites réformer en février 2010 sans qu’ait été prise en compte la pénibilité particulière de leur métier, liée au travail de nuit. Or, le rapport du CES confirme qu’un travail de nuit prolongé et régulier peut provoquer chez les femmes, mais aussi chez les hommes, certains cancers. Je m’étonne donc que l’on mette l’accent sur l’attractivité de ce métier, qui est certes importante, en oubliant les préoccupations de santé, qui n’ont pas été incluses dans la réforme des retraites des métiers de la santé.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 533.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’amendement n° 533 a été cosigné par Francis Vercamer, qui s’intéresse beaucoup à la pénibilité. Cet amendement symbolique vise à affirmer que l’accès à la retraite prend en compte l’altération de la santé des salariés en lien avec des facteurs de pénibilité au travail. En effet, la pénibilité au travail doit pouvoir être prise en compte pour déterminer l’âge à partir duquel un salarié ayant été durablement exposé à des facteurs de pénibilité peut faire valoir ses droits à une retraite à taux plein. Notre pays est ainsi, comme a pu le préciser le Président de la République, l’un des seuls à tenir compte de la pénibilité dans le cadre de l’accès à la retraite. C’est un principe fort de cette réforme, qu’il convient d’affirmer de façon plus solennelle, au cœur du dispositif proposé. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

(L’amendement n° 533 n’est pas adopté.)

Article 26

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, premier orateur inscrit sur l’article 26.

M. Jean-Luc Préel. L’article 26 correspond à l’abaissement de la condition d’âge pour les assurés bénéficiant d’une incapacité permanente. En effet, la prolongation de deux ans avant de pouvoir liquider sa retraite pose le problème des longues carrières, auquel sont confrontés ceux qui ont commencé à travailler tôt, ainsi que le problème de l’employabilité des seniors et celui de la pénibilité. Francis Vercamer, auteur d’un remarquable rapport, aura l’occasion de s’exprimer sur ce sujet.

Bien entendu, nous ne pouvons être indifférents à la pénibilité. L’essentiel, et nous sommes certainement tous d’accord sur ce principe, est de tout faire pour limiter la pénibilité, donc de tout faire pour prévenir la pénibilité et ses conséquences. Il s’agit d’améliorer la prévention, de parvenir à une définition juridique de la pénibilité, de renforcer le rôle de l’observatoire de la pénibilité, d’assurer la traçabilité avec le renforcement du carnet de santé au travail. Il restera, ensuite, à s’engager vers la réparation.

Le texte prévoyait une réponse individuelle, médicale, en autorisant le départ en retraite à soixante ans de ceux qui avaient été reconnus comme atteints d’une incapacité de 20 %. Le Gouvernement s’est engagé à nous proposer d’abaisser ce taux à 10 %, ce qui permettra de prendre en compte de nombreuses conséquences d’un métier pénible, dont les troubles musculo-squelettiques, si fréquents. Il s’agit là d’un réel progrès, que nous tenons à saluer. Il restera à régler le problème de l’exposition à des produits cancérogènes, dont les conséquences malheureuses ne se manifestent que des années plus tard.

Je voudrais, enfin, rappeler que l’espérance de vie à la retraite est différente pour un ouvrier et un cadre. Un régime de retraite à compte notionnel permet de prendre en compte ce différentiel, puisque le niveau de la retraite dépend de l’espérance de vie. Il serait donc souhaitable d’envisager cette réforme qui nous paraît nécessaire et urgente.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Après la brillante intervention de Jean-Luc Préel (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), je voudrais simplement ajouter quelques précisions. Avec l’article 26, le Gouvernement ouvre un nouveau droit à la prise en compte de la pénibilité dans le cadre des retraites. Même si elle n’est pas reconnue par l’opposition, c’est là une avancée sociale importante, comparable à la reconnaissance par le passé de droits nouveaux tels les congés payés. Certes, l’avancée est peut-être un peu faible pour le moment, puisque le texte prévoit une prise en compte de l’incapacité de 20 % – le Gouvernement ayant cependant prévu une amélioration sous la forme d’un amendement ramenant ce taux à 10 %. Le groupe Nouveau Centre souhaite que l’on prenne également en compte les risques différés, c’est-à-dire les maladies professionnelles se déclenchant plusieurs années après l’exposition où elles trouvent leur origine. Ce serait d’ailleurs le rôle de l’observatoire de la pénibilité que de suivre ces risques professionnels, afin de déterminer les conditions dans lesquelles ils pourraient être pris en compte.

De même, le Nouveau Centre souhaite que l’on avance sur la question des risques psycho-sociaux, du stress – la maladie du siècle – et des tentatives de suicide (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)

Mme Martine Billard. Vous confondez tout !

Mme la présidente. Allons, mes chers collègues, laissez M. Vercamer s’exprimer !

M. Francis Vercamer. Le stress, disais-je, et certains suicides sont parfois la conséquence de ces risques psycho-sociaux. Il est important de travailler sur cette question. Comme me l’a confié M. Jacquat en aparté lors d’une réunion de la commission, il est très difficile, actuellement, de définir les risques psycho-sociaux, donc de les comptabiliser. Le comité scientifique, l’observatoire de la pénibilité ont travaillé sur ce thème. Pour ma part, je fais confiance à la science et il conviendra de continuer à avancer sur ces questions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Avec l’article 26, le Gouvernement affirme prendre en compte la pénibilité au travail pour les droits à la retraite. En fait, il n’en est rien : il confond pénibilité et invalidité.

M. Patrick Roy. Eh oui !

Mme Dominique Orliac. S’il est juste de prendre en compte l’invalidité des travailleurs résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, en revanche le concept de pénibilité n’est pas réellement et suffisamment pris en compte dans ce projet de loi. Il est nécessaire de compenser un handicap potentiel, il ne suffit pas de citer un mot pour en faire une réalité.

M. Patrick Roy. Eh non !

Mme Dominique Orliac. Alors qu’il s’agissait d’un engagement du ministre des affaires sociales – aujourd’hui Premier ministre – en 1993, la prise en compte de la pénibilité n’a pas fait l’objet de négociations avec les partenaires sociaux.

M. Patrick Roy. Hélas !

Mme Dominique Orliac. Pour les Radicaux de gauche, la pénibilité au travail doit être prise en compte dans les secteurs privés et publics, et un tableau de la pénibilité doit être établi et revu régulièrement. Nous pensons que l’âge de la retraite n’a pas toujours le même sens, les différentes activités exercées par les salariés correspondant à des espérances de vie inégales. Dans le cas d’un travail pénible, il faut pouvoir accorder un droit à la retraite anticipée ou des bonifications de durée ou de points. De même, une véritable discussion avec les organisations syndicales, prenant tout le temps nécessaire, doit avoir lieu sur cette question de la pénibilité – ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent, contrairement à ce que prévoyait la loi de 2003.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur la pénibilité d’une catégorie professionnelle particulière, celle des ouvriers forestiers, des contractuels de droit privé de l’Office national des forêts, au nombre d’environ 3 000. Je me suis aperçu, il y a quelques années, que l’État licenciait pour inaptitude ces ouvriers forestiers qui, l’âge venant – la plupart du temps peu après cinquante ans –, étaient inaptes à continuer d’exercer un travail extrêmement difficile car accompli à l’extérieur par tous les temps, avec des outils lourds et bruyants. Rien n’était alors prévu pour régler ce problème.

Depuis, l’État a demandé à l’Office national des forêts de mettre en place des dispositifs qui ont effectivement amélioré la situation. Il s’agit de mesures volontaires, représentant un montant de dépenses justifié, mais très important – entre 50 et 55 millions d’euros par an, pris sur le budget de l’Office. Je voulais attirer votre attention sur cette situation particulière, monsieur le ministre, afin que celle-ci soit prise en compte dans le cadre des nouvelles dispositions heureusement introduites par cette loi au sujet de la pénibilité. Cela fait des décennies que les ouvriers forestiers de l’ONF attendent une solution durable, et je ne doute pas que le vote de cette loi permettra de leur donner satisfaction.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Madame la présidente, monsieur le ministre, il y a sept ans, lors de la réforme Fillon, l’adoption de l’article 12 de la loi du 21 août 2003, fixant un délai de trois ans aux organisations professionnelles et syndicales pour engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité, avait été largement saluée – sauf par ceux qui n’avaient pas voté le texte.

Malheureusement, après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux, il devient impératif d’adopter aujourd’hui une réforme concrète. En effet, il est indispensable que l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation tiennent compte de la pénibilité des activités professionnelles exercées. Le constat statistique est éloquent : en 2003, un cadre masculin de trente-cinq ans pouvait espérer vivre encore quarante-sept ans, dont trente-quatre indemne de toute incapacité, alors qu’un ouvrier avait une espérance de vie de quarante et un an, dont vingt-quatre sans incapacité.

La première idée pour compenser cette injustice serait d’autoriser les titulaires d’un emploi reconnu pénible à partir plus tôt. Il suffirait d’adapter la durée de cotisation à l’espérance de vie de son métier. Cette solution simple sur le papier se révèle d’une application complexe en pratique. En effet, à l’heure où la mobilité professionnelle s’accroît, cela nécessiterait des calculs complexes comportant un système de points tenant compte de la profession, de l’âge, de l’ancienneté, voire d’autres critères. Face à cette difficulté, le Gouvernement a choisi la voie individuelle et médicale. Ainsi, les salariés touchés par une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité physique d’au moins 10 % devraient pouvoir partir à soixante ans, sous réserve de l’accord d’une commission spéciale. Cette solution présente l’avantage d’être d’une application simple et rapidement opérationnelle. S’il faut reconnaître que cette solution n’est pas idéale, elle a au moins le mérite de prendre en compte la pénibilité au travail pour la première fois. Il s’agit là d’une avancée sociale majeure. Nul doute que la prise en compte de la pénibilité continuera d’évoluer, sur le plan législatif, dans les années à venir.

Monsieur le ministre, ce débat difficile sur la définition et la prise en compte de la pénibilité doit également être l’occasion de lancer une grande réflexion sur l’amélioration des conditions de travail. Le principal enjeu est de mettre en place un système permettant à tous les salariés d’atteindre les soixante-deux ans sans être victimes de la pénibilité. Plutôt que de compenser uniquement de manière curative la pénibilité en accordant un départ anticipé à la retraite, il faudra surtout veiller aux mesures préventives en entreprise. Pour conclure, à partir du moment où nous avons fait le choix de travailler plus longtemps, il est capital de permettre à nos concitoyens de travailler mieux.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, lorsque nous formulons des remarques sur les choix que vous avez faits au sujet de la pénibilité, la principale critique qui nous est opposée est celle consistant à affirmer que nous allons recréer des régimes spéciaux. Or, à la différence des régimes spéciaux, nos propositions ne visent pas des métiers. Cela aurait été une erreur, l’histoire ayant montré que la désignation de tel ou tel métier à un moment donné pouvait se transformer en un droit acquis ne correspondant plus forcément à la réalité à un autre moment. Ce ne sont donc pas des métiers qu’il faut viser, mais bien des expositions aux risques.

Ce qui nous a confortés dans ce choix, c’est aussi le constat que, sur un même métier, exercé au sein d’entreprises ayant la même activité, il peut y avoir des choix technologiques ou des formes d’organisation du travail très différents les uns des autres. Ainsi, on constate souvent des différences très importantes en matière de réglementation ou d’organisation du travail, selon que l’on a affaire à une entreprise principale ou à une entreprise sous-traitante.

Le choix que nous faisons du critère de l’exposition aux risques constituerait-il la première reconnaissance de la notion de pénibilité ? En fait, ce n’est vrai ni de notre proposition, ni de la vôtre. On peut ignorer la réalité de la loi de 1975, ignorer ce qui a été fait en 2000 par Martine Aubry concernant les travailleurs exposés à des risques particuliers, mais le fait est que cette notion a déjà été mise en œuvre à plusieurs reprises dans notre droit. Il ne s’agit donc pas d’une innovation.

Il y a encore quelques semaines, nous étions dans le cadre d’une démarche assez consensuelle. La loi de 2003 consacrait, notamment si l’on se réfère au discours prononcé ici même par le ministre des affaires sociales de l’époque, une conception de la pénibilité par l’exposition à des facteurs de risque. C’était d’ailleurs encore vrai lorsque M. Woerth s’est exprimé lors de la convention de l’UMP sur la réforme des retraites.

Il y a donc eu une rupture. Ce que vous nous présentez aujourd’hui comme votre position est un retrait dû au coût d’une vraie réforme prenant en compte la pénibilité. C’est votre choix politique, et nous le combattons. Vous êtes parti d’une conception qui était, dans une certaine mesure, une novation – la prise en compte de la pénibilité –, même si l’idée avait déjà existé et était déjà dans l’esprit de la loi de 1975 et de ce qui avait été fait dans les années 2000. Mais vous lui avez substitué l’invalidité et l’incapacité constatée, qui est quelque chose de tout à fait injuste.

En effet, vous ne pouvez pas croire que l’exposition au risque n’entraîne aucune conséquence. Le travail de nuit, par exemple, toutes les études le montrent, comporte des dangers potentiels importants pour les salariés. Ces difficultés se traduisent dans des chiffres que vous ne pouvez pas ignorer : ceux de l’espérance de vie en bonne santé.

Mais, au motif que, pour certains, ces risques ne seraient pas constatés à soixante ans – ce qui est vrai –, les personnes concernées n’auraient pas droit à accéder à la retraite. C’est là que vous faites un choix parfaitement injuste et qui ignore la réalité. En effet, il est possible qu’à soixante ans, même si vous avez été exposé à des produits cancérigènes. Or, globalement, il y a un risque extrêmement important et vous devez prendre en compte dans la loi la situation générale.

Voilà pourquoi nous pensons que le choix que vous avez fait ignore l’objectif que nous nous étions donné – et que vous vous étiez donné – dans la loi de 2003, y compris sur le plan statistique, car sur 700 000 personnes partant à la retraite chaque année, vous estimez, même avec le passage à 10 % ou 20 %, qu’il n’y en a que 30 000 qui seraient concernées. Cela veut dire que, pour vous, la pénibilité ne concerne potentiellement qu’un pourcentage très limité – autour de 5 % – des salariés.

Ainsi, la lecture qu’il faut faire de votre proposition est la suivante : non seulement vous avez substitué l’incapacité à la pénibilité, mais en même temps vous continuez à affirmer que la pénibilité ne concerne que 5 % des salariés ! Il suffit de regarder le nombre de salariés qui aujourd’hui sont exposés aux risques pour comprendre que vos chiffres ignorent complètement la réalité. Vous savez très bien que des millions de salariés sont confrontés à ce problème.

Par ailleurs, certaines de ces expositions aux risques ne diminuent malheureusement pas. Le travail de nuit, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, ne diminue pas – à l’Assemblée nationale non plus…

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cela dépend de vous ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies. Avec les nouveaux métiers, notamment dans les services, il y a de plus en plus de gens qui travaillent la nuit, et vous savez parfaitement – ce n’est pas contestable – ce que sont les risques pour la santé.

En revanche, il y a des domaines où l’on enregistre des progrès, et c’est pour cela que nous rappelons que la première des réponses est la prévention. L’exposition à des produits dangereux, notamment cancérigènes, est plutôt en régression aujourd’hui, parce que nous faisons collectivement des progrès dans ce domaine.

En ce qui concerne l’automatisation, dont on pouvait penser qu’elle faisait des progrès, les résultats montrent qu’il y a malheureusement de plus en plus de salariés qui effectuent des tâches répétitives ou sont physiquement dépendants de machines, avec d’ailleurs l’ensemble des pathologies musculaires que cela suppose et qui sont probablement aujourd’hui ce qu’il y a de plus préoccupant.

Bref, votre proposition ignore cette réalité et c’est pour cela que nous y sommes très opposés. Cela est d’autant plus vrai – et c’est à nos yeux le plus important – que la cohérence de la réforme globale que proposent les socialistes réside dans la prise en compte de la pénibilité. Comme nous l’avons dit, nous acceptons l’allongement de la durée de cotisation, ce qui pouvait entraîner une contradiction entre cet allongement et le droit à la retraite à soixante ans. Nous devons donc justement prendre en considération les ouvriers et les employés qui sont soumis à ces risques, de façon à leur donner des bonifications en fonction des années d’exposition. Ainsi, à l’âge de soixante ans, ils auront l’ensemble des trimestres exigés par le droit commun.

Nous avons là une réponse qui est cohérente, qui respecte l’objectif de la prise en compte d’une véritable pénibilité, et qui, surtout – contrairement à votre réforme, avec le déplacement des deux bornes d’âge – privilégie une réponse juste pour la retraite de ceux qui, aujourd’hui, professionnellement et sur le plan de la santé, sont le plus en difficulté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le ministre, votre définition de la pénibilité, dans ce texte, telle que vous la posez, est trop restrictive et inadaptée à la réalité de terrain. Comme l’ensemble de ce texte, elle est injuste. Tous les parlementaires le savent,…

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non, pas tous !

Mme Laurence Dumont. …les syndicats le répètent et pourtant les salariés devront la subir, puisque vous vous obstinez encore ce soir à la maintenir en l’état.

Elle exclut des dizaines de milliers de personnes confrontées à un travail souvent épuisant. Pourtant, les facteurs définissant cette pénibilité existent. On l’a déjà dit : les négociations interprofessionnelles, qui se sont terminées en juillet 2008, ont permis de les décliner précisément.

Quels sont ces facteurs ? Des contraintes physiques, un environnement agressif, ou encore des rythmes contraignants. Mais, en fait, la crainte du MEDEF de devoir participer au financement de cette reconnaissance de la pénibilité a fait que cette négociation n’a jamais abouti.

Monsieur le ministre, comment ne pas prendre en compte, dans une approche globale, la pénibilité de professions comme celles des déménageurs, qui doivent porter de lourdes charges, des peintres en bâtiment, qui respirent des émanations de produits chimiques, mais aussi des menuisiers, qui inhalent des poussières de bois ? Bien évidemment, cette liste n’est pas exhaustive.

Votre refus d’identifier l’exposition à certains risques ne résiste pas à l’énumération des conditions dans lesquelles beaucoup de Français exercent leur métier. La pénibilité est un problème majeur. Vous avez la responsabilité politique de la régler, non pas au cas par cas, mais de façon collective et juste.

Mme Claude Greff. C’est absurde !

Mme Laurence Dumont. Le fait de demander à un salarié de prouver à un médecin qu’il souffre et que ses moyens physiques sont diminués pour prétendre faire valoir son droit à partir à soixante ans est un recul social, car c’est une approche purement individuelle de la question de la retraite.

M. Alain Néri. C’est vrai !

Mme Laurence Dumont. C’est un recul social car elle va restreindre – on l’a déjà dit – à quelques milliers de salariés par an cette possibilité sur l’unique base d’une incapacité physique permanente reconnue médicalement.

Pour être juste, toute période de travail pénible doit bénéficier d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt. C’est une mesure de justice sociale pour les quelque deux millions de salariés concernés par des conditions de travail particulièrement difficiles et exposés à des facteurs de risque.

Alors, monsieur le ministre, ne prenez pas le risque d’apparaître ce soir comme celui qui aura marqué, là aussi, du sceau de l’injustice la prise en compte de la pénibilité au travail. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Celles et ceux qui aspirent à une retraite en bonne santé – et nous touchons là au cœur du sujet – après des années à des postes où le corps leur rappelle douloureusement cette pénibilité nous attendent, mais ils vous attendent aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Nous allons nous redire un petit peu…

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Eh oui ! C’est d’ailleurs ridicule !

M. Michel Issindou. …mais tant pis : la pédagogie passe par des redites, et nous avons toute la nuit devant nous pour nous dire les choses.

Nous allons notamment vous redire tout le mal que nous pensons de ce volet, dont je n’ose dire qu’il est consacré à la pénibilité. Je dirais plutôt qu’il traite de l’incapacité et de l’invalidité. En tout cas, il ne s’agit pas de pénibilité.

D’ailleurs, la prise en compte de la pénibilité, vous ne la vouliez pas vraiment, et le MEDEF vous a vraiment aidé. C’est lui qui a dit, dès le départ, que cette histoire ne le concernait pas, qu’il ne voulait surtout pas payer ce volet pénibilité, et vous l’avez bien entendu suivi, à peu près comme d’habitude d’ailleurs, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres.

Si l’on doit vous accorder une nouveauté, c’est le carnet de suivi individualisé, sur lequel vous allez effectivement noter tous ceux qui sont exposés à des risques. Mais, au bout du bout, ce carnet ne servira à rien, puisqu’il faudra malgré tout prouver cette incapacité de 10 % voire 20 % pour bénéficier de ce que vous appelez, vous, la « pénibilité ».

Le carnet, c’est donc une mesure d’affichage, une façon de se donner bonne conscience, de dire à tous les ouvriers : « Regardez comme nous allons vous suivre. » Mais, en même temps, cela veut dire : « Ne comptez pas pour autant, au motif que vous avez exercé pendant trente ans un métier exposé et difficile, que cela vous donne le droit de partir à soixante ans. » Il faudra qu’ils déclarent une maladie ou une incapacité en cours de route ! Tout cela, on le voit, n’est pas très sérieux.

Nous avions quant à nous le respect des partenaires sociaux. Souvenons-nous de la réforme des retraites de 2003, qui devait tout régler et qui prévoyait notamment que l’on parlerait sérieusement de la pénibilité. En 2005, soit deux ans plus tard, les partenaires se sont mis autour de la table pour travailler. Bien entendu, comme d’habitude, le MEDEF s’est mis en travers, alors que les autres organisations syndicales ont trouvé des accords, ont fixé quelques repères, des indicateurs qui pouvaient valoir pour tout le monde, tels le travail posté, le travail de nuit, les charges lourdes ou encore l’exposition à des produits dangereux. Il s’agissait là de critères qui avaient un certain sens, qui pouvaient être repris, mais bien entendu le MEDEF n’en a pas voulu et tout s’est arrêté en 2008.

On a d’ailleurs connu le Gouvernement plus prompt à réagir lorsque les partenaires sociaux ne trouvaient pas d’accord. Sur beaucoup d’autres textes – la modernisation du dialogue social, la formation professionnelle – dans les trois mois suivant l’échec des négociations, le Gouvernement est intervenu pour dire : « Si vous ne vous mettez pas d’accord, la loi va s’en charger. »

Que s’est-il passé entre 2006 et 2008 ? Absolument rien ! Vous avez attendu le texte que vous nous présentez maintenant pour nous expliquer que, de toute façon, on ne peut pas faire grand-chose, que c’est compliqué, qu’on ne le fait nulle part ailleurs et que vous êtes les premiers à tenter quelque chose.

Vous êtes très fiers de ce que vous avancez, mais, au fond, il n’y a rien du tout dans ce que vous avez présenté. C’est encore une fois une promesse qui n’est pas respectée, en l’occurrence celle de 2003. Il y avait aussi celle de 2008, selon laquelle le Président ne devait pas toucher à la retraite à soixante ans. On sait depuis quelques jours ce qu’il en est ! Mais on sait bien que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent…

M. Jean Mallot. Parlons-en, des écoutes ! (Rires.)

M. Michel Issindou. …et les vôtres ne vous ont pas beaucoup engagé. Vous avez d’ailleurs raison, monsieur Mallot, de nous rappeler les écoutes en ce jour !

Notre système est relativement simple : nous proposons de suivre tous ceux qui sont exposés à des risques et pour lesquels il est avéré – les chiffres étant là pour le constater – que leur espérance de vie est plus faible. Nous proposons de leur dire : « Vous avez travaillé dix ans en étant soumis au risque ; vous avez une espérance de vie plus courte ; nous donnons un an d’anticipation sur la retraite. » Ce cadeau est sans doute modeste, mais tout de même significatif. Cela me semble un bon compromis, tout à fait juste.

M. Alain Néri. Eh oui, ce serait quand même plus juste !

M. Michel Issindou. Bien sûr, cela coûte un peu d’argent, mais de votre côté vous voulez une retraite au rabais, sans y mettre un centime,…

M. Alain Néri. C’est sûr, ce n’est pas L’Oréal !

M. Michel Issindou. …et ce sont forcément, encore une fois, les salariés qui trinquent ; on le vérifie encore ce soir sur la pénibilité.

Tout cela aboutira à une réforme qui sera complètement ratée et bâclée. C’est ce que vous avez visiblement voulu, comme en témoigne cette séance de nuit, comme si l’urgence était telle qu’il faille absolument voter le texte mercredi à quinze heures ! Comme si la réforme des retraites ne pouvait pas attendre une ou deux semaines de plus, avec à la clé un travail sérieux !

M. Gérard Charasse. Bravo !

M. Michel Issindou. Eh bien, visiblement non ! C’est un engagement que vous avez pris à l’égard du Président de la république.

M. Alain Néri. Et du MEDEF !

M. Michel Issindou. Respectez-le donc, mais sachez que cette réforme est ratée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Monsieur le ministre, contrairement à vous, nous avons pour idéal la volonté que soit prise en compte la particularité des parcours. J’entendais M. Sauvadet, mardi dernier, nous expliquer, au cas où nous ne l’aurions pas encore compris, que ce texte n’avait pas pour but d’améliorer les conditions de travail des salariés. Si nous ne pouvons certes pas empêcher un certain nombre d’injustices, notamment en termes de différence d’espérance de vie, entre un ouvrier et un cadre, nous pouvons cependant tenter d’apporter des compensations aux personnes qui les subissent.

Sept ans, ce n’est pas rien dans la vie d’un homme. C’est aussi cela le pacte social : permettre à tous les citoyens français de vivre une retraite en bonne santé et d’avoir le bonheur de voir grandir leurs petits-enfants.

Or, votre concept de la pénibilité est au nôtre ce que la charité est à la solidarité : dans votre conception de la société, on accorde une retraite anticipée dans certains secteurs, par saupoudrage, de façon médicalisée ; on ne peut en bénéficier pour peu que la nature vous ait doté d’une bonne constitution, ou que les effets secondaires d’un travail harassant ne se manifestent que bien après la fin de la vie professionnelle. De notre côté, il y a un contrat entre la société et le salarié pour accorder à celui-ci, au nom de la pénibilité de son métier, une compensation pour les effets physiques ou psychologiques d’un travail mené pour le bon fonctionnement de notre économie.

C’est pourquoi nous souhaitons que les salariés exposés à des facteurs de pénibilité au cours de leur carrière – travail de nuit, port de charges lourdes, exposition à des produits toxiques – bénéficient d’une majoration de durée d’assurance, c’est-à-dire de trimestres supplémentaires pour leur retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Mon intervention portera sur la charnière entre les articles 25 et 26.

M. Philippe Martin. À la charnière, on nous prend pour des gonds ! (Rires.)

M. Jean Mallot. Voilà une très bonne définition de cette charnière, que M. Philippe Martin ne manquera pas d’expliciter tout à l’heure dans un rappel au règlement.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. On la connaît !

M. Jean Mallot. Eh, c’est que vous en avez, des charnières, sur votre tracteur, monsieur le ministre ! Le ministre est agriculteur ; il est touché par la prise en compte de la pénibilité, lui aussi. (Sourires.)

Ce qui est intéressant et révélateur, à la charnière des articles 25 et 26, c’est la solution de continuité entre ces deux articles. L’article 25 fait mine de prendre en compte la pénibilité – le carnet de santé au travail est censé retracer les expositions aux risques et aux facteurs de pénibilité ; à l’alinéa suivant, le texte reprend les fameux trois principaux facteurs de pénibilité, sur lesquels les partenaires sociaux se sont mis d’accord. Mais quand on passe à l’article 26, patatras ! Il n’en est tenu aucun compte. La formule qui apparaît, c’est l’incapacité permanente.

On change donc de logique, et c’est ce saut qui est intéressant. On l’avait d’ailleurs déjà ressenti à la lecture du désormais célèbre rapport Poisson. Notre ancien collègue député – heureusement, de mon point de vue, battu à une élection partielle…

Plusieurs députés du groupe UMP. Il reviendra !

M. Jean Mallot. Je dis bien « de mon point de vue », je comprends fort bien que votre point de vue soit rigoureusement inverse. Nous sommes dans l’opposition, vous êtes dans la majorité, c’est comme ça. (Sourires.)

Mme la présidente. Continuez, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Bien sûr, madame la présidente.

Je rends en tout cas hommage à Mme Poursinoff, qui a fait parmi nous une entrée tout à fait brillante en intervenant toute la semaine dernière dans nos débats. Malgré les perturbations de l’UMP, travailler à ses côtés est un vrai plaisir. (Sourires.)

Bref, M. Poisson a commis un rapport – désormais célèbre – qui n’avait pas eu l’heur de nous plaire : nous avons voté contre, et ce essentiellement pour deux raisons.

D’abord, il comporte des formulations un peu étranges, voire très contestables, de notre point de vue – dans la ligne, d’ailleurs, de ce que M. Leonetti nous disait il y a quelques jours.

On peut y lire des phrases du genre : « Le rapporteur souligne qu’un programme efficace de santé au travail ne parviendra pas à éliminer complètement la pénibilité au travail. Il arrive encore souvent que les travailleurs soient eux-mêmes la cause de la pénibilité qu’ils subissent, ne serait-ce qu’en ne respectant pas les consignes ou la réglementation, en gérant leur travail de manière à maximiser leur temps libre sans veiller à préserver les rythmes biologiques naturels ou en ne mettant pas à profit les périodes de récupération ou de congé pour se reposer. » (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Hutin. Oh, les méchants !

M. Jean Mallot. Les voilà artisans de la pénibilité de leur travail !

La seconde raison pour laquelle nous avions voté contre, c’est qu’après avoir dressé ce tableau – quelque peu contrasté – M. Poisson ne tirait aucune conclusion satisfaisante : dans la lignée du MEDEF, il prônait des aménagements de fin de carrière, pour les personnes qui connaissent une certaine pénibilité dans le travail, et surtout rejetait l’hypothèse d’une retraite anticipée.

Il est vrai que M. Poisson, peut-être touché par la grâce depuis qu’il a perdu cette élection partielle, a donné au Figaro le 8 septembre dernier un article fort intéressant, que nos amis de l’UMP feraient bien de lire. Monsieur le ministre aussi ferait bien de le lire, d’ailleurs. Il verrait que M. Poisson désavoue complètement son projet.

Je lis : « Doit être considérée comme pénible une activité dont les modalités d’exercice provoquent une usure irréversible de la santé du salarié, ayant pour conséquence le raccourcissement de son espérance de vie, sans incapacité. » Un peu plus loin, M. Poisson enfonce le clou : « Parler de pénibilité revient donc à parler d’exposition à des risques, et non pas d’une quelconque incapacité. »

On sent une évolution chez M. Poisson. Il évoque en effet trois possibilités qui pourraient être offertes aux salariés : l’évolution vers d’autres types de missions ou de responsabilité au sein de l’entreprise ; la réduction progressive du temps de travail, avec maintien des avantages salariaux – précision intéressante ; et enfin – oui, cette fois, il le dit ! – le départ anticipé à la retraite.

C’est un peu comme si M. Poisson, battu aux élections, avait repris contact avec la réalité de la vie quotidienne de ses concitoyens au travail. Nous voyons là une profonde différence avec vous, monsieur le ministre : contrairement à M. Poisson, à force de fréquenter les puissants et les grandes fortunes de ce pays…

M. Philippe Meunier. C’est nul !

M. Charles de La Verpillière. Allons, vous êtes fonctionnaire, comme moi !

M. Jean Mallot. …vous avez pour de bon perdu au contact avec cette réalité de la vie au travail de nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Du coup, vous vous en remettez à votre grand conseil, le MEDEF, qui – c’est assez logique – défend ses intérêts propres, qui ne coïncident pas, c’est le moins que l’on puisse dire, avec l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Tout ça pour ça !

Un député du groupe UMP. Charlot !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. La façon dont vous abordez la pénibilité du travail pour mieux refuser sa prise en compte réelle constitue l’une des injustices les plus flagrantes de votre projet de loi.

Monsieur le ministre, vous et vos soldats de l’UMP, notamment ceux issus du corps médical – je pense à M. Debré ou à M. Leonetti – avez beau nous expliquer que l’espérance de vie est liée à des facteurs individuels comme le tabac, le surpoids, le jogging ou les facteurs génétiques, il n’en reste pas moins que, statistiquement, le pourcentage de personnes ayant la malchance d’être porteuses de facteurs génétiques péjoratifs est le même dans toutes les catégories sociales.

Or l’espérance de vie des ouvriers est de sept ans inférieure à celle des cadres : c’est un chiffre indiscutable, un fait incontournable et têtu. C’est la preuve qu’il ne s’agit pas là d’un problème individuel, mais d’un problème collectif, lié aux conditions de travail et de vie.

Ainsi, un quart des ouvriers mourront avant d’avoir atteint l’âge de soixante-cinq ans ; ainsi, ils auront de fait contribué à financer la retraite des cadres supérieurs dont l’espérance de vie est plus élevée.

Votre dispositif initial prévoyait la possibilité de partir à la retraite dès soixante ans pour les salariés en mesure de prouver un taux d’incapacité supérieur à 20 %. Autrement dit, vous acceptiez la prise en compte d’un handicap individuel : c’est tout de même la moindre des choses ; mais cette mesure ne relève pas du droit à la retraite.

Face aux vives protestations et au caractère inadmissible de cette démarche, vous avez déposé un amendement prévoyant, sous certaines conditions, la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à partir d’un taux d’incapacité de 10 %.

Cette minuscule avancée, c’est en réalité de la poudre aux yeux : vous en restez à une approche individuelle, où les salariés devront défendre leurs droits devant une commission pluridisciplinaire dont on ne connaît d’ailleurs pas la composition.

Mais surtout, vous continuez à refuser de prendre en compte la pénibilité évidente de certains métiers et postes de travail.

Vous avez décidé, et nous le regrettons, de répondre favorablement aux injonctions du MEDEF qui a rejeté l’accord sur la pénibilité du travail identifiant plusieurs facteurs dont il est scientifiquement démontré qu’ils raccourcissent la durée de vie. Il s’agit des contraintes physiques et psychiques marquées : port de lourdes charges, travail posté, gestes répétitifs ; environnement agressif avec exposition aux produits toxiques ; certains rythmes de travail, notamment les horaires décalés et le travail de nuit.

Il y a tout de même des évidences ! Avez-vous vraiment loin d’un certificat médical pour vous convaincre qu’un homme travaillant dans le bâtiment, qui a passé une bonne partie de sa vie sur les chantiers, par tous les temps, n’est plus en mesure de poursuivre une telle activité à l’âge de soixante ans – et encore, s’il a la chance d’avoir échappé jusque-là à l’accident grave ou mortel ? Car je vous rappelle qu’en 2008, près de 130 000 ouvriers du bâtiment ont été victimes d’accidents du travail, et que près de 9 000 sont restés handicapés ; 155 sont morts.

En réalité, cette question de la pénibilité du travail est le corollaire de la remise en cause de la médecine du travail, et plus généralement du refus de placer les employeurs devant leurs responsabilités. En renforçant les liens de dépendance des médecins du travail avec les employeurs, la réforme Darcos, que vous avez reprise à votre compte, va affaiblir encore plus la prévention dans les entreprises, qui était déjà très insuffisante.

Non, décidément, monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, ce texte ne prend pas en compte la pénibilité du travail. Pire, il porte atteinte à l’indépendance des médecins du travail et constitue un important recul pour le monde du travail dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Après avoir examiné ce texte, après avoir écouté les heures de discussion, je finis, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, par me demander si, au fond, ce nécessaire exercice sur la prise en compte de la pénibilité est compatible avec votre approche essentiellement financière de la réforme des retraites.

Sur la pénibilité, toutes les études, tous les rapports ont été écrits. Tout le monde sait que la prise en compte de la pénibilité est une exigence d’équité. Les chiffres ont été rappelés tout à l’heure : il y a dix ans d’écart entre l’espérance de vie à trente-cinq ans d’un cadre et d’un ouvrier. Tout le monde sait que la pénibilité est un handicap pour la prolongation de l’emploi des seniors. Bref, nous avons tous les éléments pour traiter de la pénibilité.

C’est d’ailleurs le travail qu’ont mené les partenaires sociaux depuis 2003. Cela n’a peut-être pas été assez dit : s’ils n’ont pas pu conclure leurs travaux, c’est tout simplement parce qu’ils n’ont pas pu aboutir sur la question des coûts et des modalités de financement d’une politique à laquelle les employeurs ne voulaient pas participer.

Dès lors, l’avenir de la notion de pénibilité dépendait de la volonté politique, et donc financière, du Gouvernement. La réalité, c’est que vous ne vous êtes pas inscrits dans cette logique-là. Vous avez d’abord refusé de participer à l’établissement d’une définition claire de la pénibilité. Car il faut bien sûr que soient reconnus les facteurs de pénibilité, les critères d’éligibilité, et les incidences financières – mises aux normes et autres conséquences. Vous n’êtes pas non plus allés jusqu’au bout parce que vous saviez que, pour prendre en compte la question de la pénibilité, il fallait sortir de la seule logique des retraites : aujourd’hui, la pénibilité sert aussi à corriger les dysfonctionnements du marché du travail. Chacun sait que le MEDEF privilégie une réparation fondée sur un temps partiel en fin de carrière.

S’il y avait eu une réelle volonté politique, une obligation de prévention aurait dû être définie au cœur des dispositifs, ce qui aurait exigé, là encore, des moyens que, visiblement, vous n’êtes pas en capacité d’apporter.

Au lieu de cela, vous avez cherché à troubler le débat. Vous avez fait en sorte d’éviter de poser les vraies problématiques en adoptant une approche individuelle au cas par cas, qui permettrait, selon vous, de ne pas stigmatiser certains métiers.

Cette logique des métiers, qui a été tout à l’heure au cœur de nos réflexions, montre qu’il faut faire preuve de pragmatisme. Il y a des métiers pénibles, mais personne ne souhaite créer de nouveaux régimes spéciaux, et, en même temps, il est nécessaire qu’une photographie soit faite de la réalité de ce que sont les conditions de travail, l’environnement de travail, les produits utilisés dans le cadre du travail. Là encore, cela nécessite, pour y apporter correction, des moyens que vous vous gardez bien de mettre en avant.

Cette prise en compte, qui aurait nécessité beaucoup de moyens, vous avez essayé de la contourner en faisant croire à un grand progrès, en baissant finalement l’incapacité permanente de 20 % à 10 %. Ce n’est pas une solution.

Vous jouez petit bras dans votre approche de la pénibilité. Alors que nous sommes confrontés à un vrai problème, vous vous contentez de petites avancées, sans prendre en compte l’ampleur de la difficulté.

C’est la question de notre société qui est posée, de l’égalité dans notre société, de l’égalité entre les sexes, de l’égalité entre les générations, de l’égalité entre ceux qui ont des métiers pénibles et ceux qui ont des métiers peut-être un peu moins pénibles, autant d’éléments que vous n’avez pas voulu aborder parce que, encore une fois, vous étiez dans une approche strictement financière.

Messieurs les ministres, vous allez bien sûr nous expliquer, comme vous le faites depuis des heures, que votre volonté est forte, que jamais un gouvernement n’a pris en compte la pénibilité, alors même que, depuis des heures, nous vous démontrons, citations à l’appui, que la pénibilité a déjà été prise en compte sur certains dispositifs dans ce pays depuis des dizaines d’années, et qu’elle est prise en compte dans d’autres pays également.

À la question initiale que j’avais envie de vous poser, qui était de vous demander si votre volonté était compatible avec la réalité financière qui est la vôtre, c’est finalement Mme Lagarde qui a apporté la réponse. En effet, Mme Lagarde a rappelé, nous l’avons un peu oublié, que, pour elle, l’approche des retraites, de la pénibilité, des problématiques dont nous avons à débattre en ce moment, ne devait être finalement traitée qu’à l’aune de ce que pouvaient en penser les agences de notations. À l’évidence, avec cette approche-là, nous ne pouvions pas nous entendre.

Nous restons, nous, convaincus qu’il sera nécessaire de revenir sur cette réforme des retraites, et notamment sur la question de la pénibilité qui, assurément, n’est pas réglée avec l’approche que vous nous avez suggérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Messieurs les ministres, relèveront des dispositions de cet article 26 les personnes atteintes d’une incapacité permanente résultant soit d’une maladie professionnelle, soit d’un accident du travail.

Vous nous parlez d’incapacité, et non de pénibilité. Vous faites le choix délibéré d’ignorer la réalité d’une différence de sept ans d’espérance de vie entre les ouvriers et les cadres supérieurs, d’ignorer les travaux du Conseil économique et social sur les risques accrus de cancer, par exemple, engendrés par le travail de nuit, d’ignorer que les salariés qui travaillent au contact de l’amiante ou de substances dangereuses ne ressentent rien mais que leurs conditions de vie future en seront affectées.

Le Conseil d’orientation des retraites a lui-même défini la pénibilité comme les expositions qui réduisent l’espérance de vie sans incapacité, c’est-à-dire la durée de vie en bonne santé. Votre approche est très insuffisante. Il faut absolument compenser les effets de la pénibilité sur les salariés usés par leur travail en accordant des départs anticipés. Il faut bien sûr se baser sur des métiers ou des catégories de salariés mais aussi sur l’exposition aux risques selon des critères scientifiques qui sont déjà connus. En effet, les effets différés sont réels et se traduisent par une espérance de vie plus courte pour les salariés qui ont eu un métier pénible. C’est un fait que vous ne pouvez pas ignorer.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Ce débat est un peu surréaliste parce que nous, nous parlons pénibilité quand vous, vous n’en parlez pas. J’ai consulté les écrits de notre rapporteur sur l’article 26 avant de prendre la parole pour regarder si l’article 26 parlait de pénibilité.

L’article 26 ne parle pas du tout de pénibilité, vous le reconnaissez vous-même. Le rapporteur précise que ce nouvel « article ouvre la possibilité aux assurés qui justifient d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, de bénéficier […] d’un départ anticipé à la retraite et de la liquidation de leur pension vieillesse au taux plein ».

Le reproche que nous pouvons vous faire dans le débat que nous avons entre nous depuis le milieu de l’après-midi, c’est qu’en réalité, vous ne parlez pas de pénibilité, vous parlez d’incapacité, et je voudrais d’ailleurs à ce titre vous rappeler ce que recouvrent les termes d’invalidité, d’inaptitude et d’incapacité.

Selon le code de la sécurité sociale, l’état d’invalidité est reconnu par le médecin conseil d’une caisse d’assurance maladie.

L’inaptitude est l’impossibilité totale ou partielle pour un salarié d’assurer sa charge de travail.

Enfin, l’incapacité est l’état relatif d’un individu qui se trouve empêcher d’exercer une activité du fait d’une maladie ou d’un accident.

Sur ces trois points, invalidité, inaptitude, et incapacité, nous sommes très loin des travaux que nous avons menés avec Denis Jacquat au sein du Conseil d’orientation des retraites, alors qu’Yves Struillou lui-même avait indiqué qu’il y avait un large consensus sur cette notion d’invalidité.

Il y a ceux qui considèrent que la pénibilité doit être considérée avec une approche médicale. C’est votre choix, c’est l’argument que d’ailleurs vous n’osez pas défendre devant les parlementaires. Et puis, il y a une approche fonctionnelle. Depuis plusieurs années, des travaux ont été menés sur cette approche fonctionnelle qui permet de voir dans quelles conditions un salarié exerce son activité.

On voit bien là les contradictions entre ce que vous dites à l’extérieur et la réalité de votre réforme. Si vous disiez que vous reconnaissez la pénibilité comme une résultante d’une maladie, d’une incapacité, nous en tiendrions compte, nous dirions que nous ne sommes pas d’accord, mais ce n’est pas ce que vous dites. Vous n’apportez pas d’élément nouveau dans le cadre de cette réforme.

Il est d’ailleurs dommage que votre collègue Xavier Bertrand ne soit pas là. Ceux qui ont participé aux débats en 2003 se rappellent peut-être que nous avions défini dans deux articles ce que pouvait être la pénibilité et renvoyé à la négociation collective sur le principe : au terme de trois ans, les partenaires sociaux devaient se mettre d’accord sur cette notion de pénibilité. Mais le MEDEF a refusé de considérer le mal être ou les difficultés au travail comme un élément consécutif à une approche fonctionnelle, donc à la pénibilité.

Sur cette problématique de l’invalidité, des chiffres sortent de part et d’autre. Au jour d’aujourd’hui, si on se fie à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, ce sont environ 10 000 personnes qui bénéficient de ce dispositif.

Compte tenu des dispositifs qui ont été pris par le Président de la République, encore que l’amendement qui est présenté renvoie à un décret – il faudra voir ce que dit réellement le décret – dans le meilleur des cas, ce sera 15 000, 20 000, 30 000 personnes qui bénéficieront de ce dispositif. Nous sommes très loin des chiffres qui avaient été annoncés à l’époque.

Définir la pénibilité est compliqué, certains l’ont rappelé en faisant référence à la loi du 20 décembre 1975 où on avait sur le principe défini les travaux qui pouvaient être considérés comme pénibles et qui pouvaient bénéficier de majorations ou de bonifications.

Au fond, il existe, dans certains régimes que vous considérez comme spéciaux, des dispositifs qui permettent de partir plus tôt aujourd’hui. Sauf revirement de votre part, vous ne bougez pas sur ces professions – les pompiers, les militaires, les policiers – et vous considérez qu’elles doivent partir avant les autres compte tenu de la charge de travail et peut-être aussi de la pénibilité.

Nous en prenons acte mais nous considérons aussi qu’à côté des militaires, des policiers, des pompiers et d’autres professions, il existe une multitude d’activités professionnelles qui nécessiteraient d’être prises en compte et de bénéficier de ces majorations de cotisations ou de ces bonifications de trimestres pour pouvoir partir plus tôt. C’est là où nous avons une divergence.

Il y a plusieurs manières d’aborder la pénibilité. Nous sommes d’accord avec le Gouvernement quand il dit qu’il faut vérifier les dispositifs de pénibilité sur une base collective et mettre en place tous les dispositifs dits de prévention.

Il y a aussi le volet plus novateur de la gestion des carrières, de la gestion des âges. Quelques grandes entreprises et DRH travaillent aujourd’hui sur cette problématique, même si nous sommes très loin du compte.

Et puis il y a une prise en compte plus individuelle qui n’est pas faite par branche ou par métier mais qui est liée à des activités. Nous pourrions imaginer que, pour certaines activités professionnelles, ces salariés puissent disposer d’un départ anticipé par le biais de majorations ou de bonifications de trimestres.

Vous nous dites que notre projet coûterait 5 milliards d’euros. Il faudrait une prise en charge par l’État donc par la fiscalité, c’est ce que j’appelle les avantages non contributifs. Dans le volet fiscal proposé par les socialistes, nous disons que les avantages non contributifs doivent être eux fiscalisés et qu’ils ne doivent pas dépendre de cotisations liées au travail. Il y a des solidarités interprofessionnelles à l’intérieur des branches. Un certain nombre de branches professionnelles se sont déjà mises au travail, je pense notamment à celles du bâtiment ou des travaux publics. Il faudra que l’on définisse non pas un cadre conventionnel, non pas un cadre réglementaire, mais un mix des deux. Voilà ce que nous proposons dans le cadre du projet socialiste : des bonifications qui doivent être proportionnelles à la pénibilité du travail, en faisant financer à la fois la solidarité nationale à travers les avantages non contributifs, donc fiscaux, et la solidarité dite interprofessionnelle. Voilà ce que nous essayons de proposer dans notre projet. Il s’agit d’un projet global, vous l’aurez compris, très éloigné de votre approche qui est une approche uniquement médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Il y a quelques mois, un grand patron français s’exprimait sur la pénibilité d’une manière assez triste. Nous n’avons pas abordé le problème des risques psychosociaux au travail, qui représentent une pénibilité réelle, pas plus que nous n’avons abordé le problème des suicides au travail, qui sont aussi un sacré problème.

Ce grand patron, tout le monde le connaît, il a d’ailleurs pris sa retraite récemment, une retraite dorée, plutôt agréable, avec un beau parachute, un beau chapeau. Ce patron, que je ne citerai pas mais que tout le monde a en tête…

M. Christian Paul. Il faut le citer !

M. Christian Hutin. Tout le monde sait qui c’est, c’est l’ancien patron de France-Télécom. Ce grand patron était certainement un grand épidémiologiste dans la mesure où il avait qualifié ces suicides d’épidémie, ce qui est quand même assez terrible, humainement et intellectuellement parlant.

Je ne vais pas vous parler de ces gens qui se suicident au travail, puisque, malheureusement, la retraite ils n’en profiteront jamais, ce qui ne nous empêche pas, nous à l’Assemblée nationale, de réfléchir sur l’ensemble de ces risques psychosociaux.

Je parlerai en revanche de ces gens qui sont touchés par des risques psychiques au travail et qui vivent des drames et qui sont concernés par les conditions d’invalidité qui vont être évoquées dans le cadre de cette réforme. Ce qui m’inquiète, c’est cette définition des fameux 10 % et la composition de la commission qui va se réunir, que nous ne connaissons pas. Quels seront les critères ?

Je suis inquiet aussi de la façon dont la majorité peut appréhender la pénibilité au travail. Le président de l’Assemblée nationale nous a autorisés, avec Marisol Touraine, Roland Muzeau, Régis Juanico, à nous réunir dans le cadre de la mission d’information sur les risques psychosociaux au travail dont le rapporteur était M. Poisson, dont nous avons parlé tout à l’heure, et la présidente Marisol Touraine. Pendant plusieurs mois nous avons réalisé un travail très intéressant et avons procédé à de nombreuses auditions. Malheureusement, M. Poisson a été le seul parlementaire UMP à avoir assisté à l’ensemble des auditions.

M. Jean Mallot. Les autres ne travaillent pas !

M. Christian Hutin. Or, il se trouve que M. Poisson n’a pas été réélu et sachez que j’ai des rapports extrêmement cordiaux et sympathiques avec lui. Que faisons-nous désormais de cette mission à laquelle aucun parlementaire UMP n’a participé ? Voilà pourquoi je me pose des questions sur la façon dont la majorité perçoit la pénibilité au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je le dis en l’absence de M. Woerth, qui n’a semble-t-il pas jugé utile de participer en totalité au débat sur la pénibilité !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Oh ! Vous êtes arrivé il y a une demi-heure !

M. Christian Paul. Mais oui, monsieur Tron, je sais que ce débat est, depuis le début, un concours d’élégance, mais j’aurais préféré que ce soit un concours de présence, y compris hier soir, mes chers collègues de l’UMP, où vous avez démontré par votre absence que le travail parlementaire de nuit est sans doute un travail pénible.

Mme la présidente. Monsieur Paul, sur ce chapitre je me permettrai de vous dire que nombre d’inscrits de votre groupe ne sont pas là non plus ce soir. J’ai eu la délicatesse de ne pas les appeler ! Veuillez revenir sur le fond de votre intervention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul. Je fais état, madame la présidente, d’un moment très particulier de ce débat sur les retraites où, le temps d’une nuit, la majorité est devenue la minorité. Il fallait le rappeler et quand le ministre n’est pas là, cela n’incite sans doute pas à une forte présence parlementaire.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mais vous venez d’arriver !

M. Christian Paul. J’en viens au débat sur la pénibilité et aux articles 25 et 26. C’est en effet un dialogue de sourds qui s’est instauré depuis de nombreuses années entre vous et nous. Il y a en effet deux conceptions antagonistes, radicalement différentes de la pénibilité. Pour vous, la pénibilité concerne 15 000, voire 20 000 Français par an, alors que, selon nous, elle concerne plusieurs millions de nos contemporains au travail, et c’est à eux que nous nous adressons dans ce débat.

Votre argumentation, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, n’entame pas notre conviction et chaque jour qui passe vous éloigne profondément de la vie des Français, en particulier des vies précaires, certainement des vies ordinaires, en tout cas des vies réelles de plusieurs millions de Français pour qui la pénibilité a un sens quotidien. Il aurait été essentiel de pouvoir le relever à l’occasion de ce débat. Mais vous ne le faites pas parce que ce projet de loi abdique toute ambition réelle de progrès social. L’occasion vous était donnée sur la question de la pénibilité. C’est une question sur laquelle nous observons, depuis le début de ce dialogue de sourds, une véritable démission de l’État. La retraite à soixante ans, abolie vendredi dernier, était en effet le premier des filets de sécurité pour prendre en compte la pénibilité. Je sais que c’est un dialogue de sourds, monsieur le secrétaire d’État, mais nous le poursuivrons à destination des Français, à défaut de pouvoir vous convaincre. La première façon de reconnaître la pénibilité, c’était la retraite à soixante ans, cela a été dit excellent par toute une série d’orateurs socialistes, notamment Pascal Terrasse, Régis Juanico ou Marisol Touraine.

La contradiction majeure, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous fondez votre projet sur l’augmentation de l’espérance de vie, mais vous ne reconnaissez pas les conséquences de la pénibilité du travail sur l’espérance de vie. C’est une contradiction sur laquelle nous sommes obligés de marquer le coup de façon extrêmement vigoureuse, et cela a très bien été dit par Régis Juanico dès le début du débat sur l’article 25. Il y a cette double peine, en effet, pour les ouvriers, les travailleurs précaires. On peut l’analyser de deux façons. Régis Juanico l’a fait en indiquant que les ouvriers avaient à la fois moins de chances de vieillir en bonne santé et moins de chances de vivre longtemps. Cette double peine, vous l’avez recréée de deux façons : par le report à soixante-deux ans de l’âge légal et par votre refus d’une prise en compte sérieuse de la pénibilité – c’est le débat que nous avons ce soir.

Vous avez choisi en effet – cela a très bien été rappelé par les députés socialistes et par des médecins,…

M. Jean-Paul Bacquet. Par de bons médecins !

M. Christian Paul. …par d’excellents médecins, vous avez raison de le rappeler, monsieur Bacquet ! – la voie individuelle et médicale, confondant injustement, d’une part, pénibilité ; d’autre part invalidité, incapacité. Oui, monsieur Tron, c’est très simple, ça ne coûte pas cher, mais ça ne règle pas le problème.

Nous rappellerons donc tout au long de ce débat, puis au Sénat, et chaque fois que l’occasion nous en sera donnée, à la tribune de l’Assemblée nationale, qu’il y avait et qu’il y aura, à l’avenir, une alternative. La première solution c’est un basculement de notre système de santé vers davantage de prévention. Vous nous direz que cela ne dépend pas seulement du ministre du travail, et c’est vrai. La médecine du travail est sinistrée et ce ne sont certainement pas les amendements que vous avez fait voter aux forceps ces jours-ci qui vont y changer quoi que ce soit. Notre médecine du travail est dans un tel état de délabrement que, dans certains départements, on compte les médecins sur les doigts de la main. Plus globalement, c’est notre système de santé qui est insuffisamment orienté autour de la prévention. C’est sans doute à Mme Bachelot qu’il faudrait en demander les raisons. Nous en avons parlé tout au long de l’examen de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Là où la France est en situation de désert médical, il y a peu de chances, à court terme du moins, et en tout cas tant que votre majorité sera au pouvoir, qu’une action vigoureuse et organisée de prévention soit rendue possible.

Malgré trois ans de discussions autour d’une approche globale de la pénibilité, l’échec patent doit être constaté. Il est en grande partie dû au MEDEF, qui ne voulait pas prendre en charge le coût de la pénibilité et de l’effort sanitaire en direction des salariés, mais il est dû avant tout à un Gouvernement qui n’a pas le courage politique de faire prévaloir l’intérêt général.

Je ne rappelle pas les critères qui nous apparaissent essentiels en matière de pénibilité, car cela a été fait excellemment par mes collègues. Vous refusez de considérer qu’un dialogue est possible branche par branche. Plusieurs pays européens l’ont engagé, monsieur Woerth, certains avec succès, d’autres pas. J’aurais pu citer la Belgique voisine qui a beaucoup de difficultés politiques mais qui a su, branche par branche, faire avancer cette question. Vous avez évidemment refusé, et c’était logique dans le système que vous mettez en place, la majoration des annuités qui aurait permis de reconnaître réellement la pénibilité dans une négociation branche par branche.

Pour conclure, je dirai que votre projet ne reflète nullement une politique de courage. C’est une politique de classe et, comme l’a très bien dit ce matin l’un des meilleurs économistes français : vivement 2012 !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Nous vivons un étrange moment depuis quelques jours. Ce texte constitue en effet un véritable recul social puisque ce sont les plus défavorisés de nos concitoyens qui vont se trouver pénalisés en partant pour ceux qui n’auront pas eu des carrières longues, ceux qui n’auront pas pu occuper un emploi permanent bien rémunéré et qui partiront à soixante-sept ans. D’autres devront partir à soixante-deux ans, et c’est un paradoxe extraordinaire que de laisser croire que ce texte, qui constitue un recul social, contient une avancée sociale extraordinaire qui serait la mise en œuvre d’une pénibilité à la française.

En réalité, cette pénibilité n’est rien d’autre que l’invalidité que l’on constate en COTOREP, ou dans des institutions du même type. Étant originaire d’une région industrielle, je sais que les facteurs qui sont à l’origine du mal de vivre dans certaines régions et qui sont liés à des phénomènes environnementaux généraux – le bruit au travail, la pollution, les produits toxiques, les poussières, le travail de nuit – ne sont pas des facteurs individuels ; ils sont liés à la vie d’une collectivité, pas d’un individu. Ils sont tout simplement l’apanage de tous ceux qui, à un moment donné, donnent leur temps de travail de façon égale pour la société et ont le droit, en retour, de retirer certaines compensations. Et parmi ces compensations aurait pu figurer la reconnaissance de la pénibilité, mais dans un cadre collectif. En effet, comment distinguer les uns des autres ? Certes, on nous dira que certains ont un patrimoine génétique plus puissant que d’autres, mais peu importe ! Celui qui donne sa force de travail doit pouvoir, parce qu’il a perdu quelques années en vivant dans des conditions difficiles, bénéficier d’avantages qui ne sont en fait que des compensations.

La terminologie que vous retenez me paraît assez farfelue également sur le plan de l’analyse économique. En effet, je ne vois pas en quoi la société à intérêt à laisser des gens travailler alors qu’ils sont eux-mêmes déjà diminués. Nous avons tout à gagner, dans une société, à ce qu’il y ait moins d’accidents du travail, à ce que les gens soient productifs. Aujourd’hui, pour qu’une société crée de l’emploi, de l’activité, il faut que les entreprises soient à un haut niveau de compétitivité. Et quel meilleur moyen, pour être compétitif, que d’avoir des salariés en pleine santé, qui vont de leur plein gré à leur travail et sont motivés pour obtenir des résultats pour leur entreprise.

Ce texte est aussi une formidable injustice sociale. Étant issu d’une région sidérurgique – il n’y a aujourd’hui malheureusement plus de mines de fer en France –, je côtoie souvent des veuves de mineurs. Non seulement les habitants de ces régions meurent plus tôt, mais ils laissent des familles éplorées. C’est tout un cercle familial qui est atteint. Nous n’avons donc pas la reconnaissance de l’individu, mais pas non plus celle du cercle familial.

Ce n’est pas non plus logique sur le plan des dépenses d’assurance maladie puisque, en réalité, on aurait intérêt à prendre en compte cette pénibilité plus globalement pour permettre à des gens de vivre sereinement sans engager des dépenses considérables sur le plan des arrêts maladie, de compensations importantes qui ne relèvent certes pas du même budget mais dont la prise en charge est très coûteuse.

Vous pourriez croire que nous sommes isolés à penser cela. Certains ont évoqué tout à l’heure le travail effectué par M. Poisson. Je veux simplement préciser ici qu’en ne retenant qu’un seul critère de pénibilité il avait évalué le nombre de personnes concernées à 20 millions et que, si nous retenions l’ensemble des critères de pénibilité pouvant amener une compensation, le chiffre de 1 million était atteint. Pour faire le parallèle avec la région dont je parle et avec les salariés que je représente ici, à l’Assemblée nationale, j’ai le sentiment que si nous comptabilisions l’ensemble des personnes concernées par la pénibilité dans une circonscription individuelle, nous ne serions pas très loin du taux de 20 % que vous évoquiez au départ.

Certes, vous avez aujourd’hui un peu étendu le dispositif, et nous atteignons 35 000 personnes, mais c’est encore très loin du million que j’évoquais tout à l’heure. Les exemples pourraient être évoqués à foison. On constate ainsi que les ruptures conventionnelles sont de plus en plus nombreuses chez les personnes d’un certain âge dans le cadre d’un licenciement. Je crois que ces ruptures conventionnelles représentent aujourd’hui 17 % pour les personnes de cinquante-cinq à soixante ans. Elles sont évidemment beaucoup moins importantes pour les personnes plus jeunes.

Je voudrais rappeler ces chiffres parlants : à trente-cinq ans, un cadre dans la meilleure des situations a devant lui quarante-sept années, dont trente-quatre en pleine santé. Ce n’est malheureusement pas le cas d’un ouvrier plus défavorisé, puisque l’on se situe à des chiffres inférieurs de 6 % et 10 %.

C’est dire si la montagne accouche d’une souris. Vous ne trompez personne en faisant croire que ce texte de recul social contiendrait quelques dispositions positives en terme de prise en charge de la pénibilité. Ce n’est pas le cas.

Il aurait d’ailleurs fallu légiférer sur un texte pleinement consacré à la pénibilité, c’est en tout cas ce que les salariés nous demandent aujourd’hui. Certes, les organisations patronales et salariales n’ont pas réussi à conclure. Il était de notre devoir de le faire ici au Parlement, dans le cadre d’un texte spécifique, et non pas dans le cadre d’un ersatz qui se rattache aujourd’hui à un texte qui ne restera pas dans les annales de la République.

Il faudrait en tous les cas, quand bien même ce texte serait adopté, que les négociations se poursuivent et que nous nous retrouvions dans un an ou deux pour adopter un vrai texte sur la pénibilité, et non pas sur l’invalidité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Avant de parler de la pénibilité, je voudrais dire quelques mots sur le travail fait par la délégation aux droits des femmes. Elle a beaucoup auditionné et elle a réalisé un travail très intéressant, qui donne une vision exacte de la situation des femmes et de leur retraite dans notre pays. Je vous invite à le lire attentivement.

Malheureusement, le ministre ne l’a pas lu, car les femmes sont les grandes oubliées de votre réforme.

M. Patrick Roy. Hélas !

Mme Pascale Crozon. Quel cynisme d’annoncer récemment que cette réforme est une avancée extraordinaire pour elles ! C’est un mensonge de plus.

Or, ce sont les femmes qui sont les plus concernées par cette réforme, et toutes les études faites à l’heure actuelle, dont le rapport récent du Secours catholique, montrent bien que le nombre de femmes pauvres va augmenter, et votre réforme va y participer, monsieur le ministre.

Quant à la pénibilité, je vous fais part de ce qu’en dit le rapport Grésy : « Les conditions de travail des femmes sont souvent moins visibles et objectivées que celles des hommes, et pourtant marquées aussi par la pénibilité physique ou mentale : travail répétitif, à la chaîne, avec des postures contraignantes, exigeant une station debout ou un travail permanent sur écran, ou encore en relation constante avec le public, travail morcelé et comportant des interruptions. D’après les analyses de l’ANACT, […] la question de la santé au travail des femmes et des hommes s’est d’abord posée dans les secteurs d’activités dits masculins où la pénibilité du travail est forte […], et les études ne portent quasiment jamais sur les emplois occupés majoritairement par des femmes. » – Il n’y a eu à ce jour que cinq thèses de médecine sur ce sujet ! – « Or, les indicateurs de santé des femmes indiquent que celles-ci, tous secteurs confondus, sont dans des emplois plus « astreignants » (plus de contrôle, tâches plus répétitives, moins d’autonomie) que les hommes et où la pénibilité est moins visible. Sans oublier le rôle des femmes dans le hors-travail, elles sont de fait plus exposées aux risques organisationnels et psychosociaux que les hommes : 58 % des troubles musculo-squelettiques (TMS) pour les femmes avec un risque TMS supérieur pour les femmes de 22 %, mesure du stress de 40 % en moyenne supérieure pour les femmes par rapport aux hommes. »

En conclusion : « la santé au travail a toujours été pensée sur un principe de neutralité de genre, basée sur la norme de « l’homme moyen », focalisée sur les accidents du travail et la pénibilité physique, et moins sur d’autres signaux d’alerte comme les maladies professionnelles ou l’absentéisme. »

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. Je voudrais vous dire mon étonnement d’entendre que depuis le début de la discussion sur l’article 25, il y a une confusion régulière entre pénibilité, invalidité et inaptitude. Je m’en étonne d’autant plus que dans le rapport 2770, tome I, du député Denis Jacquat et portant sur la réforme des retraites, à la page 393, on trouve la définition de l’invalidité et de l’inaptitude.

Je crois surtout qu’il y a une différence philosophique entre votre conception de la pénibilité et la nôtre.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Excellente lecture !

M. Jean-Paul Bacquet. Je l’ai dit tout à l’heure, pour nous, la pénibilité recouvre les conditions qui vont créer une pathologie. C’est-à-dire que celui qui, par son travail, est exposé à une pathologie potentielle, aura une compensation par un accès plus tôt à la retraite. Alors que dans l’invalidité, on attend que la pathologie soit déclarée pour l’indemniser.

Il y a d’un côté l’indemnisation d’un handicap, et de l’autre la compensation par un avantage en matière de retraite pour une pathologie potentielle due à l’exposition à un risque.

Je voudrais revenir sur l’intervention de notre collègue Gaymard. Il a évoqué les travailleurs forestiers qui étaient souvent contractuels de droit privé, et vous avez bien raison de le préciser, monsieur le rapporteur, car cet exemple démontre pourquoi il ne faut pas voter votre réforme. En effet, les travailleurs forestiers sous contrat de droit privé sont licenciés à cinquante ou cinquante-deux ans parce qu’ils sont usés. Or, ils sont licenciés parce que l’on a constaté chez eux une inaptitude au travail. Qui a constaté cette inaptitude ? Le médecin du travail. Mais il n’a pas constaté une invalidité. L’invalidité, c’est le médecin de la sécurité sociale qui peut la constater. Pour obtenir une pension d’invalidité, il faut avoir une incapacité de travail supérieure aux deux tiers. Heureusement, le médecin du travail compétent sort du travail celui qui n’y est plus apte, avant qu’il ne soit invalide. Et que fait-on alors de ce travailleur ? Normalement, il y a obligation de le reclasser. Mais quand il n’y a pas de possibilité de le reclasser, on le licencie.

Cela veut dire que le travailleur que citait M. Gaymard va être licencié à cinquante ou cinquante-deux ans parce qu’il est inapte et qu’on ne peut pas le reclasser. Et grâce à votre réforme, il sera encore plus longtemps au chômage, car il ne pourra pas bénéficier d’une retraite à soixante ans. M. Gaymard avait raison, il ne faut pas voter votre réforme !

Il avait d’autant plus raison que dans le cas où ce travailleur forestier aurait été placé en invalidité de deuxième catégorie, avec une incapacité de travail supérieure aux deux tiers, il aurait droit aujourd’hui à la retraite à soixante ans au titre de l’inaptitude, et demain, avec votre réforme, il n’y aura plus droit.

Monsieur le ministre, il est évident que nous avons deux philosophies différentes de la pénibilité. Dans la nôtre, il convient d’apporter un avantage en matière de retraite pour celui qui est exposé à un risque, et dans la vôtre, il faut attendre que la pathologie soit en cours, quelquefois beaucoup trop tard, pour l’indemniser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Mes collègues s’épuisent à expliquer au Gouvernement que son approche n’est pas la bonne. En tout cas, pas ce que l’on peut attendre d’une bonne approche de la pénibilité. Malgré les efforts de clarification, de rationalisation, malgré l’herméneutique développée par mes collègues, vous ne voulez point entendre.

Pour tenter de comprendre votre logique, elle est financière. Vous vous êtes rendu compte que si vous vouliez appliquer ce que vous savez vous-même, cela vous coûterait cher. Alors il faut prendre le problème autrement. Il faut donc passer sous les fourches caudines, si j’ose dire, des maladies professionnelles et surtout de l’incapacité.

Puisqu’il s’agit d’argent, je vais vous en parler. Un problème concret me préoccupe, et j’avoue que je suis ici pour le faire admettre par parallélisme des formes. Il y a eu le scandale de l’amiante, et pour tenter d’apporter un semblant de solution à ce scandale, il y a eu une cessation anticipée d’activité.

Nous avons le même scandale en Martinique et en Guadeloupe, celui du chlordécone. Les victimes ne sont pas nombreuses, et la file d’attente des malades sera bientôt frappée d’extinction. Mais enfin, par une conjonction de facteurs qui sont les rythmes harassants dans les plantations bananières, le port de charges lourdes, l’exposition permanente et durable aux produits toxiques, cela donne le résultat que vous connaissez, et que vous retrouvez mutatis mutandis dans le rapport de la DARES évoqué aujourd’hui dans le journal Les Échos. 68 % des cancers apparaissent après soixante ans, et parmi eux, 70 % proviennent de l’amiante. Chez nous, c’est à peu près la même chose pour les maladies professionnelles ou les invalidités déclarées postérieurement, du fait du chlordécone et la famille des organochlorés.

Puisque vous ne voulez qu’entendre parler d’argent, je vous demande comment appliquer très concrètement votre définition de la pénibilité à ce cas précis. Il y a approximativement 5 000 personnes directement intéressées, et même s’il y a eu un coup d’arrêt sur l’utilisation de ces produits toxiques, comment régler le problème de ces agents, de ces exploitants, de ces associés d’exploitation et en particulier des ouvriers agricoles ? Comment le régler, si ce n’est par imitation ou par répétition de ce qui a été fait pour les travailleurs de l’amiante ? Il faut une prise en compte par un système de bonification des annuités tenant compte de la durée de l’exposition. Il s’agit bien de cela, des conséquences de l’exposition qui réduit l’espérance de vie. Comment prendre cela en compte ? C’est la question que j’évoque et que j’aimerais voir appliquée dans votre propre système de définition. Quelle solution apporter à ce problème récurrent, lancinant et douloureux ?

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Dominique Dord. Ah ! Ça nous manquait !

M. Patrick Roy. Je voudrais rappeler quelques vérités, et dans ces vérités rappeler les mensonges. J’ai envie de marteler combien ce Gouvernement, et vous, monsieur le ministre, êtes un spécialiste du mensonge. J’ai à l’esprit un personnage d’un célèbre classique du dessin animé. Si c’était vous, les fonctionnaires qui vous font face seraient gênés par votre nez qui s’allongerait démesurément à chacune de vos déclarations.

C’est vraiment le gouvernement du mensonge. Et vous le savez bien au fond. Ce débat sur pénibilité et incapacité semble être un dialogue de sourds. Mais comme vous n’êtes pas tout à fait idiot – ni en réalité complètement sourd – vous savez très bien que votre texte ne tient pas compte de la pénibilité. Mais plus le mensonge est gros, plus il pourrait passer, pensez-vous peut-être. Ce n’est qu’un mensonge de plus, qui s’ajoute à celui de M. le Premier ministre qui, en 2003, lors de cette grande réforme qui allait tout régler, avait dit la main sur le cœur, qu’elle règlerait aussi la question de la pénibilité.

Votre mesurette, votre réformette va toucher à peine 5 % des retraités…

M. Dominique Dord. Pourquoi en faites-vous tant si c’est une réformette ?

M. Patrick Roy. …alors que des critères avaient été clairement établis.

Le fond du problème, je l’ai souvent dit, et je le pense très sincèrement, c’est que vous êtes tellement compromis, tellement ami avec tous les nantis, les puissants et les riches…

M. Dominique Dord. Le MEDEF !

M. Patrick Roy. …les très riches, les très, très riches, que vous ne connaissez plus la réalité de la souffrance des Français. Je sais qu’à Chantilly, vous me l’avez dit une fois, les citoyens viennent se plaindre de payer trop d’impôt sur la fortune.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Mais quel menteur !

M. Patrick Roy. Ailleurs, ce n’est pas le cas.

Monsieur le ministre, essayez donc de dire la vérité, ce serait quand même mieux.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, je serai bref, car à ce stade du débat, il sera probablement difficile de vous convaincre malgré les arguments que mes collègues du groupe socialiste vous répètent inlassablement.

Je me contente donc de vous renvoyer à un document qui dit bien que les différences de vie entre catégories socioprofessionnelles sont très fortes en France, parmi les plus fortes d’Europe. Ces inégalités durant la vie professionnelle persistent après le départ en retraite. C’est exactement ce que nous répétons inlassablement pour que vous preniez en compte la pénibilité au lieu de l’évacuer au profit de la seule invalidité. C’est aussi exactement ce qu’écrivent Emmanuelle Cambois de l’INED, Thomas Barnay du CNRS et Jean-Marie Robine de l’INSERM dans l’article que je viens de mentionner. Mais je suppose, monsieur le ministre, que vous allez nous dire qu’ils n’ont rien compris à la pénibilité, puisque, depuis le début de ce débat, vous n’avez cessé de dire que votre réforme est la seule juste et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Avec la pénibilité, nous abordons un chapitre important du projet de loi. En entendant le porte-parole du Gouvernement sur France Inter la semaine dernière, je n’ai pas été vraiment convaincu. Il disait notamment : la réforme que nous proposons est juste et équitable. Les Français ont dit ce qu’ils en pensaient : 70 % d’entre eux la rejettent. M. Luc Chatel ajoutait : « C’est un système objectif et transparent. » Personnellement, je pense qu’apprécier la pénibilité de manière individuelle relève de la subjectivité et non de l’objectivité ; que fixer par décret les critères de pénibilité relève de l’opacité, non de la transparence.

Il faut être plus clair. Qu’entendez-vous au juste par pénibilité et par exposition aux facteurs de risque professionnel ? En tentant d’appliquer au cas par cas la pénibilité, vous voulez recourir à la bonne vieille méthode du « diviser pour régner ».

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. William Dumas. Sur quels critères allez-vous vous fonder pour définir la pénibilité ? Aujourd’hui, le management d’entreprise n’a qu’une culture du résultat. Le stress, les cadences infernales, les objectifs imposés font que les gens craquent, et l’on voit où cela peut mener.

Ainsi, dans ma circonscription d’Alès, j’ai été témoin du très long conflit à France Télécom lorsque, il y a deux ans, sans discussion et sans ménagement, les quarante employés du centre ont été délocalisés à Nîmes : deux tentatives de suicide, des dépressions, des gens en arrêt de maladie pendant de longs mois, des employés qui ont préféré démissionner car ils n’en pouvaient plus… Mais au bout de deux ans, France Télécom a reconnu son erreur. Il y a une quinzaine de jours, l’entreprise vient de relocaliser à Alès les vingt-trois employés restants. Croyez-vous que, dans votre projet de loi, cette situation relèverait de la pénibilité ? Serait-elle prise en compte dans le dossier de ceux qui restent dans l’entreprise comme de ceux qui ont démissionné ? Je ne le pense pas. Aussi, à mon avis, il faut que la loi détaille tous ces facteurs de risque. Je suis persuadé qu’ils ne seront pas tous prises en compte si l’on agit par décret.

On voit bien aujourd’hui, avec les nombreux dossiers de l’amiante, combien il est difficile pour ces salariés de démontrer qu’il y a un lien de causalité entre leur maladie et leur vie professionnelle. À Alès encore, depuis plusieurs années, 120 salariés d’une fonderie réclament le classement en établissement amiante pour leur usine. À ce jour, plusieurs salariés de l’entreprise sont décédés officiellement de maladies provoquées par l’amiante, et toujours rien n’a été fait pour le reconnaître.

Pour conclure, s’agissant de la pénibilité, votre projet de loi est suffisamment vide pour que vous puissiez, par décret, rendre le bénéfice de la pénibilité inaccessible à beaucoup de nos concitoyens qui devront continuer à se tuer à la tâche.

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, au cours des derniers jours, vous avez répété à plusieurs reprises que la pénibilité était un problème du temps de travail, pas du temps de la retraite. Comment soutenir une telle idée ? Bien sûr, il faut s’occuper de la pénibilité pendant la vie de travail, et prendre toutes les mesures qui peuvent l’être pour la réduire. Mais comment ne pas considérer que la durée du temps de travail fait aussi partie de la pénibilité ? Il faut voir dans quel état de santé on est lorsque vient l’âge de prendre sa retraite. Toutes les études montrent que les conditions de travail ont des conséquences sur la durée de vie et la pénibilité durant le travail aura des conséquences sur la qualité de la vie que l’on mènera à la retraite.

Tous ceux qui effectuent des travaux pénibles, qui sont exposés au froid ou à la chaleur, qui travaillent la nuit, font un travail posté, font les trois huit, ont une santé altérée. Regardez l’état de santé, physique et psychique, à soixante ans, de ceux qui ont travaillé sur un chantier toute leur vie. Vous conviendrez que cet état de santé justifierait qu’ils fassent valoir leurs droits avant cet âge.

L’équité pour la retraite, ce n’est pas de fixer le même âge de départ pour tous. C’est au contraire de différencier la date de départ à la retraite. Cela devrait s’imposer à nous sur tous les bancs, puisque nous répétons, les uns et les autres, qu’un cadre homme vit en moyenne sept ans de plus qu’un ouvrier. Ce devrait être une évidence pour tous qu’il faut différencier l’âge de départ à la retraite en fonction de la pénibilité du travail pendant la carrière.

Or, au lieu de prendre cette mesure d’équité, vous avez choisi d’aggraver cet état de fait en portant de soixante-cinq à soixante-sept ans l’âge de liquidation de la pension sans décote. On vous l’a dit et redit, ce sont les plus fragiles, les plus pauvres, ceux qui ont effectué les métiers les moins qualifiés, les femmes, qui ont des carrières plus incomplètes, qui seront touchés par ces mesures. Malgré le fait qu’elles ont effectué un travail plus pénible, ces dernières devront travailler jusqu’à soixante-sept ans, pas forcément pour avoir une carrière complète, mais pour ne pas être pénalisées et d’une certaine façon punies pour avoir une carrière incomplète.

Vous aggravez aussi la situation en portant de soixante à soixante-deux ans l’âge auquel on pourra faire valoir ses droits. Encore une fois, est-il normal que quelqu’un qui commence à travailler à dix-huit ans aujourd’hui, donc quelqu’un qui n’a pas fait d’études supérieures et va effectuer un travail parmi les moins qualifiés, probablement parmi les plus pénibles, ait à cotiser quarante-quatre ans pour terminer sa carrière, alors que tous les autres Français auront cotisé pendant quarante et un ans et demi ? Et vous vous demandez pourquoi les Français trouvent votre réforme injuste ? En voilà une bonne raison.

Depuis quelques jours, au cours de ces débats, on s’est parfois moqué de la gauche. Faut-il rappeler que c’est la gauche qui a arraché les congés payés dans ce pays ? Que c’est la gauche qui a ramené l’âge légal de la retraite à soixante ans ? Que c’est la gauche qui a ramené le temps de travail hebdomadaire à 35 heures ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Alors, vous qui trouvez que ce n’est pas assez, ces 35 heures, faites donc la même expérience que Florence Aubenas : venez travailler dans une usine agro-alimentaire de ma région, où vous resterez cinq jours sur sept debout, à quatre degrés ; vous me direz alors si ces 35 heures, ce n’est pas suffisant. Allez sur les chantiers derrière les goudronneuses, et vous me direz si 35 heures ce n’est pas suffisant ! Allez faire les trois huit dans une usine, et vous me direz si 35 heures ce n’est pas suffisant !

M. Dominique Dord. Vous voulez quoi ? 32 heures, 28 heures ?

M. Germinal Peiro. Vos propos sont des propos de gens aisés…

M. Jean-Pierre Brard. De privilégiés !

M. Germinal Peiro. …des propos de privilégiés. Et dans ce débat, comme tout au long de l’histoire de notre pays, on vous retrouve dans le camp des privilégiés, jamais dans celui du peuple. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est ce que les manifestants ont voulu vous dire. Écoutez ce que les gens vous disent sur les marchés le dimanche. Votre réforme est injuste et les Français le savent bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez Germinal le bien nommé !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Dans cet article, vous continuez à parler, monsieur le ministre, d’incapacité, alors que la question est celle de la pénibilité. C’est cette dernière qu’il faut prendre en compte. Or plusieurs articles la remettent en cause, et nos concitoyens qui sont soumis à des travaux pénibles y attachent une grande importance.

Les métiers pénibles, cela existe. Les exercer doit donner droit à ce que leur pénibilité soit prise en compte et à des garanties lors du départ à la retraite. En abolissant la notion de pénibilité du travail, en lui substituant celle d'incapacité, vous ne faites pas seulement preuve de mesquinerie financière, vous faites surtout preuve d’une méconnaissance du monde du travail. Vous faites comme si tous les salariés étaient soumis, peu ou prou, aux mêmes nuisances dont seul le degré varierait.

La pénibilité vécue par un salarié dans le cadre de son travail n’est absolument pas substituable par celle d'incapacité.

Définir la pénibilité au travail, c'est raisonner de manière collective, branche par branche, métier par métier. Ce raisonnement vous est totalement étranger puisque vous ne réfléchissez qu'en termes de parcours individuels. C'est d'ailleurs la preuve que l'idéologie qui sous-tend votre texte est une idéologie d'essence néolibérale. L’homme n’y est absolument pas envisagé comme faisant partie d'un groupe social : il n'est compris que comme un individu seul responsable de son destin.

Aujourd'hui, vous savez bien que les salariés soumis à des conditions de travail pénibles – c'est-à-dire à des contraintes physiques, à un environnement agressif ou à des rythmes de travail fatigants – sont les salariés pour lesquels l'entrée dans la vie et dans la vie active est la plus dure : ce sont les plus modestes de nos compatriotes et, bien souvent, ceux qui ont eu le plus de difficultés

Aujourd'hui, avec votre texte, vous entendez pratiquer une forme de double peine : ceux pour qui l'entrée dans la vie, et dans la vie active notamment, aura été la plus difficile seront également ceux pour lesquels la sortie de la vie active sera la plus difficile et se conjuguera avec une santé altérée et une espérance de vie raccourcie.

Votre refus de prendre en compte la pénibilité est l'une des raisons majeures qui suscite l'hostilité de nos concitoyens à l'égard de votre texte. Il est particulièrement scandaleux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. « Arnaque », « Supercherie », tels sont les mots qu’emploient les titres des journaux pour décrire vos mesures sur la pénibilité.

La confusion volontaire que vous entretenez entre pénibilité et incapacité correspond à une véritable transformation idéologique de la philosophie de la retraite pour tous. La pénibilité et l’incapacité sont deux notions totalement différentes et, messieurs les ministres, vous le savez très bien !

L’incapacité, c’est-à-dire l’évaluation de séquelles liées à la survenue de maladies professionnelles, permet de calculer la réparation financière qui sera accordée aux salariés dont l’état de santé est définitivement altéré.

Prendre en compte la pénibilité du travail, c’est prendre en compte une usure anormale de l’individu en raison de l’accomplissement d’un métier difficile. Cela ne se traduit pas nécessairement par une reconnaissance d’incapacité.

Certaines situations professionnelles réduisent la durée de vie, tout le monde le reconnaît. Il est donc logique, juste et légitime qu’un salarié qui travaille dans des conditions de réelle pénibilité parte à la retraite avant les autres. La prise en compte de la pénibilité répond à la logique de la République sociale telle que l’a décrite Robert Lafore. Les rapports sociaux y fonctionnent à partir d’un contrat collectif de solidarité et, lorsque survient un dommage pouvant entrer dans la mouvance du risque social, il faut que ses conséquences soient réparées par la collectivité elle-même. Ainsi, si un individu inséré dans le jeu collectif vient à subir un aléa du fait de l’organisation des rapports sociaux de production et d’échanges, c’est à la collectivité de rétablir l’équilibre des échanges rompu. On construit ainsi un droit protecteur partant du constat des inégalités de fait pour édifier un droit de la protection. Mais, il est clair, messieurs les ministres, que la République sociale n’est pas au cœur de vos préoccupations, la teneur de cette réforme le prouve.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert. La réforme des retraites, et plus particulièrement son volet relatif à la pénibilité, risque d'avoir des conséquences néfastes quant à l'exercice de la médecine du travail.

Ce ne sont pas les amendements déposés tout récemment par le Gouvernement qui sont de nature à rassurer cette profession ou tous ceux à qui elle est utile.

Monsieur le ministre, vous prétendez que « la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à la pénibilité fait jouer un rôle important aux services de santé au travail ». Cet argument n’est pas de nature à rassurer une profession inquiète ; en fait, il ne nous rassure pas du tout.

L’amendement n° 730 rectifié a retenu toute notre attention car il abroge deux articles du code du travail fondamentaux pour l'existence de la médecine du travail. Il transfère aux services de santé au travail, en fait à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, les responsabilités légales actuelles dévolues aux médecins du travail.

L'adoption d'un tel amendement conduit à confier aux seuls employeurs, responsables de l'organisation du travail et des risques qu'ils font encourir à la santé des travailleurs qu'ils salarient, la prévention médicale des risques professionnels qui relevait jusqu'à présent des médecins du travail. Quelle manière peu élégante de remettre en cause une profession ! Quelle avancée sociale pour tous les salariés ! Mais, après tout, cette méthode permet de régler son compte non seulement à une profession mais aussi à la pénibilité au travail.

Pourtant, la pénibilité vécue par les travailleurs existe, et les inégalités sociales en matière de santé sont flagrantes : le travail de nuit, l'exposition à des produits chimiques dangereux, les troubles musculo-squelettiques sont le quotidien de centaines de milliers de salariés.

À mon sens, la prise en compte de la pénibilité et de son impact sur l'espérance de vie est prioritaire. Un salarié, bénéficiant par exemple d'une majoration pour pénibilité de 10 % pendant la moitié de sa carrière, devrait pouvoir partir deux ans plus tôt à la retraite avec une retraite complète.

Vous comprenez bien, monsieur le ministre, pourquoi nous nous opposons à ce projet de réforme.

Des solutions existent pour réformer les retraites : encore faut-il pouvoir en discuter avec les principaux intéressés et leurs représentants syndicaux ; encore faut-il écouter, et entendre les propositions qui peuvent être faites.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Le Gouvernement a beaucoup communiqué sur l’article 26. Supposé compenser la pénibilité des taches, il a été présenté comme une mesure inédite en Europe, un dispositif prétendument « sérieux, responsable et juste », selon vos propres termes, monsieur le ministre.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que votre matraquage médiatique a fait « pschitt ». Personne, excepté peut être le MEDEF, n’ose prétendre aujourd'hui que permettre de partir à la retraite à soixante ans à 10 000 ou 30 000 salariés usés par des conditions de travail particulièrement pénibles serait une avancée sociale majeure

Je vous rappelle qu’en 2008, le rapport de notre ancien collègue Jean-Frédéric Poisson estimait à vingt millions le nombre d’actifs concernés par au moins un des critères de pénibilité, et à un million le nombre de ceux susceptibles de bénéficier d’une compensation à ce titre et « d’un dispositif de retraite anticipée, même s’ils ne sont ni malades ni déclarés inaptes au travail ». Signalons encore qu’une étude menée dans le secteur du BTP évaluait à 44 000 le nombre de salariés de ce secteur potentiellement concernés par la pénibilité.

Il est désormais clair que le système gouvernemental qui repose uniquement sur la mesure individuelle de l'usure au travail et sur l'incapacité physique s'inscrit dans une tout autre logique que celle attendue par les partenaires sociaux, les associations représentatives des victimes du travail et les salariés – voire par certains directeurs des ressources humaines qui ont innové sur cette question et qui ont signé des accords temporaires d’entreprise sur la pénibilité en attendant que la loi prenne le relais.

Interrogé sur votre projet réservant le droit de partir à la retraite à soixante ans, et non avant, aux seuls salariés justifiant un taux d’incapacité de 20 % – ce qui revient à ignorer la forme de pénibilité que constitue le travail posté –, le DRH pour la France de Rhodia déclarait au début du mois de juillet : « Nous sommes loin des attentes. Quand vous avez 700 000 départs en retraite par an, 10 000 cas de pénibilité prévus par le projet de loi, c'est une goutte d'eau. Cela va créer un décalage social fort par rapport aux attentes exprimées par les salariés depuis que le Gouvernement a indiqué que la pénibilité serait l'un des sujets de la réforme. Le ministère a mis la barre très haut avec 20 % de taux d'incapacité. En conditionnant un départ anticipé à une usure déjà avérée, on met une exigence qui relève en fait non pas du système de retraite mais d'une logique accidents du travail et maladies professionnelles. »

Il est également unanimement acquis que votre projet passe à côté de l'exigence d'équité et qu’il fait fi des différences d'espérance de vie entre catégories sociales. Comme l'ont résumé dans une tribune de presse le secrétaire général de la FNATH, l’Association des accidentés de vie, et le porte-parole de l'ANDEVA, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, le volet pénibilité de ce texte est « une succession d'injustices ». En effet, en faisant référence à l'incapacité physique, il ne prend pas en compte le cas des salariés exposés à des substances cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, ou aux produits ayant des effets différés et à long terme sur la santé des salariés, bien après l'arrêt de leur activité. Je pense à ce qui a été dit par plusieurs collègues sur les maladies qui ne se déclenchent qu’après le départ à la retraite. Le dernier rapport de la mission d’information sur l’amiante a ainsi montré que les maladies se déclaraient, en moyenne, trente-sept ans après le contact avec le produit toxique. Autrement dit, les salariés en question prennent leur retraite sans être malades, mais ils meurent sans avoir pu bénéficier de l’allongement de la durée de la vie dont vous parlez tant.

En réservant des mesures spécifiques aux seules personnes atteintes d’une maladie professionnelle ou victimes d’un accident du travail, et en retenant un seuil de 20 % qui selon un professeur de médecine et de santé au travail n’a « aucune pertinence médicale, sociale ou professionnelle », votre texte exclut nombre de travailleurs dont la pathologie professionnelle n'est pas reconnue ou qui souffrent de pathologies ne dépassant pas le seuil de 20 %.

Par exemple, pour les troubles musculo-squelettiques, les incapacités permanentes moyennes ne dépassent 15 % que dans moins d’1 % des cas. Le fait que les caissières ou les manutentionnaires, qui en sont le plus fréquemment les victimes puissent être laissés de côté par votre réforme, qui durcit précisément les conditions d’accès à la retraite pour ces professions, avait vraiment du mal à passer dans l’opinion publique.

Au lendemain de la forte mobilisation de la semaine dernière, le Gouvernement a donc annoncé des ajustements à ce dispositif, communiquant de façon mensongère sur l'abaissement du seuil et la prise en compte de la situation des victimes de troubles musculo-squelettiques. Cependant, votre proposition ne correspond toujours pas à ce que veulent unanimement les syndicats, c’est-à-dire un départ anticipé de tous les salariés ayant été exposés à des facteurs susceptibles de réduire leur espérance de vie en bonne santé.

En fait, en créant deux régimes, l'un automatique au-delà de 20 % et l'autre, conditionné à un taux, certes inférieur, mais dépendant d'une commission constatant que le salarié a bien été exposé à certains facteurs de pénibilité à l'origine de l'incapacité, le Gouvernement crée de nouvelles inégalités.

Monsieur le ministre, il faudra bien que vous nous disiez précisément si les salariés victimes d’une maladie professionnelle non reconnue, mais pouvant l’être par la voie complémentaire nécessitant un taux d’incapacité d’au moins 25 %, sont concernés par l’amendement que vous défendez ce soir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je m’inscrirai dans la continuité de mon collègue Daniel Paul, mon voisin géographique.

M. Daniel Paul. Et idéologique.

M. Jean-Paul Lecoq. Et idéologique, oui. Inutile de le préciser.

Nous sommes tous les deux députés du Havre. Pour ma part, ma circonscription recouvre toute la zone industrielle du Havre, ainsi que celle de Notre-Dame-de-Gravenchon. Dans cet espace industriel remarquable en France, il est des milliers de salariés qui se sont retrouvés dans la rue mardi dernier. S’ils l’ont fait, avec des millions de Français, je ne suis pas sûr que ce soit parce qu’ils n’auraient pas compris la formule arithmétique du ministre. Je pense qu’ils l’ont comprise, je pense même qu’ils la répètent, en se disant que, oui, finalement, le financement n’est pas simple. Je suis persuadé que ce qui les a mis dans la rue, c’est justement cette question de la pénibilité, c’est justement ce vécu personnel, par les uns et les autres, et ce calcul qui les conduit à se dire qu’ils n’arriveront pas, eux, à cet âge de soixante-deux ans en étant en mesure de prendre leur retraite.

J’ai succédé, à la mairie de ma ville, à Marcel Le Mignot, qui, parce qu’il était un militant communiste et qu’il s’était battu toute sa vie pour la retraite à soixante ans, avait décidé de passer la main au moment où il atteindrait cet âge. Il est parti en retraite au moment des élections municipales, qui se sont tenues au mois de juin. Après deux mois de vacances, au mois de septembre, il a appris qu’il avait le cancer de la plèvre. Au mois de mai, nous procédions à ses obsèques.

M. Daniel Paul. C’est cela, la réalité !

M. Jean-Pierre Brard. Fossoyeurs !

M. Jean-Paul Lecoq. Ça, c’est la réalité : huit mois de retraite après soixante ans.

M. Daniel Paul. Ce n’est pas de la fatalité. C’est un crime !

M. Jean-Paul Lecoq. La question de la pénibilité, c’est d’abord une question humaine, qu’il faut aborder, non pas avec une formule arithmétique, avec des quotas, avec des pourcentages, mais avec toute l’humanité qu’elle requiert, et avec des exemples précis. Nous recevons tous, sur nos sites, des exemples très particuliers de salariés qui sont concernés par cette question.

La FNATH nous a transmis les exemples suivants.

Dominique, soixante et un ans : décédé le 29 juin à Paris, il est parti en retraite l’année dernière. Ses médecins ont diagnostiqué un mésothéliome, début mai, en raison de son activité dans le bâtiment, il y a trente ans. Une telle situation ne serait pas prise en compte dans le dispositif pénibilité que propose le Gouvernement. En effet, les expositions à des produits cancérogènes ne sont pas intégrées. De tels travailleurs seront donc amenés à prendre leur retraite à soixante-deux ans, si toutefois ils arrivent à cet âge.

Marcel : après avoir travaillé pendant trente ans, de 1949 à 1978, dans les mines de fer, cet adhérent de la FNATH en Meurthe-et-Moselle est parti en retraite sans qu’aucune maladie ne soit déclarée. Il a fait reconnaître par la suite deux maladies professionnelles, en 2002 puis en 2005 : une sidérose et un cancer broncho-pulmonaire. Décédé en 2006, il n’aura pas profité de sa retraite, qu’il a vécue avec une forte incapacité. Ce témoignage illustre la nécessité de prendre en compte non pas uniquement les incapacités physiques, comme vous le proposez, mais bien les expositions passées à des produits cancérogènes.

Marie : employée de maison, garde d’enfants puis assistante de vie pendant quinze ans auprès d’une personne dépendante, dont le décès a entraîné son licenciement en septembre 2008, elle devient agent hospitalier. Elle n’occupe ce poste que pendant un mois et demi. En effet, elle se bloque le dos au travail, ce qui lui vaut quinze mois d’arrêt et un licenciement pour inaptitude. On lui accorde un taux d’incapacité de 5 % pour lombalgie. Malgré des activités pénibles – port de charges lourdes, travail de nuit –, elle ne bénéficiera pas du dispositif que vous proposez et a touché un maigre capital pour toute indemnisation.

Serge a cinquante-quatre ans. Il exerce pendant vingt ans le métier de menuisier. En 1986, il est victime d’un accident de trajet : il est arrêté sept mois et demi, puis pendant quatre ans pour les soins de suite – il a de multiples fractures, est touché aux poumons, porte un appareil neuro-stimulateur dans le dos avec batterie sur le ventre. Il a un taux d’IPP de 27 %. Mais il ne pourra pas bénéficier du « volet pénibilité » dans la mesure où l’accident de trajet n’est pas concerné par le dispositif, et ce malgré son activité de menuisier pendant vingt ans.

Dans ma circonscription, à Bolbec, une société est menacée de fermeture. En septembre 2009, au CODERST de Seine-Maritime, le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, était présenté un dossier de cette usine. Le préfet avait ordonné, en janvier 2007, et avec un délai d’exécution de deux ans, un changement de process, puisque le procédé utilisé par cette usine, qui fabrique des joints pour l’automobile, était émetteur de nitrosamines, produits hautement cancérigènes, et reconnus comme tels par l’Organisation mondiale de la santé. Deux ans après, en 2009, rien n’avait été réalisé dans cette usine, les représentants patronaux nous expliquant qu’ils n’avaient pas jugé utile de le faire, étant donné qu’ils délocalisaient prochainement en Pologne.

Malgré les critiques, ce dossier a été adopté par la majorité du CODERST. Les associations étaient face aux services de l’État. Maintenant, une question se pose : les nitrosamines respirées durant toutes ces années par les salariés vont certainement provoquer des cancers chez certains d’entre eux. Qui va assurer le suivi médical après la fermeture ? Qui sera apte à reconnaître la maladie professionnelle, celle-ci pouvant se déclarer plus de vingt ans après ? Qui va payer le coût des cancers ?

Voilà toutes les questions que pose votre loi. Et puis, d’une manière générale, dans ces zones industrielles, une grosse problématique est posée : celle de la santé et de l’environnement. Dès qu’on parle de santé et d’environnement, dès qu’on parle du cocktail de produits chimiques respirées dans ces zones, il n’y a plus personne pour faire les études. Il paraît que c’est difficile. Il paraît que l’on ne peut pas avoir des critères très probants pour mesurer l’impact de cette activité sur la santé des salariés.

Avec votre projet, les salariés qui ont été victimes du scandale de l’amiante ne pourraient plus être mis en retraite anticipée à cinquante ans. Dans le port du Havre, des salariés exposés à l’amiante ont été mis en retraite par le port à l’âge de cinquante ans, avec interdiction de travailler jusqu’à soixante ans, justement parce qu’ils étaient touchés. À chaque fois que vous êtes interrogés sur l’age de la retraite, vous nous dites que, grâce à votre projet de loi, ces salariés ne prendraient pas leur retraite à soixante-deux ans mais à soixante ans. Mais aujourd’hui, ils la prennent bien avant soixante ans, parce que l’on sait qu’ils n’arriveront pas jusqu’à cet âge, ou qu’ils n’iront pas très au-delà. Et ce que vous leur proposez aujourd’hui, c’est la retraite à soixante ans !

Voilà pourquoi les salariés resteront mobilisés. Ils resteront encore nombreux à combattre votre projet. Je pense qu’il est encore temps, monsieur le ministre, de prendre les dispositions pour traiter autrement la question de la pénibilité, qui touche une très grande partie de nos concitoyens, soit qu’ils soient directement touchés, soit qu’ils se sentent concernés alors qu’ils ne sont pas eux-mêmes touchés. Nous avons en effet la chance d’avoir un peuple pour qui l’humanité est quelque chose d’important. C’est pourquoi je vous demande de revoir les dispositions que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Il n’y a plus d’inscrit sur l’article.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plusieurs jours, nous débattons du projet de loi portant nouvelle réforme sur les retraites. Comme vous, nous avons dû nous rendre à cette évidence : la réforme Fillon de 2003, qui avait été présentée comme la grande réforme permettant de sauver notre retraite par répartition, n’a pas tenu ses promesses. Sept ans plus tard, vous présentez un nouveau projet, aux ambitions encore plus limitées, puisque vous ne prétendez financer le régime que jusqu’en 2018.

Comme vous, nous prenons acte de cet échec. Comme vous, nous considérons qu’une réforme est nécessaire. Mais c’est ici que nos divergences commencent. Nous voulons une réforme, et pas celle-là ! Nos débats n’ont cessé de démontrer l’injustice et l’inefficacité de votre projet.

Et visiblement, ce projet de loi met mal à l’aise les députés de la majorité. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Pas du tout ? Alors c’est pire !

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez l’orateur poursuivre, s’il vous plaît.

M. Jean-Marc Ayrault. Ils peinent à se mobiliser. (Exclamations et rires sur les mêmes bancs.) Nous en avons encore eu la démonstration hier soir. Alors que le Gouvernement et M. Accoyer voulaient que la séance se poursuive jusqu’à quatre ou cinq heures du matin, afin que le débat sur les retraites passent inaperçu des Français, ce sont les députés de la majorité qui ont fait défaut à cette stratégie de passage en force. L’opposition, elle, était à son poste. Et elle s’est retrouvée seule dans l’hémicycle, la nuit dernière. Vous avez dû lever la séance, pour éviter de vous retrouver ridicules, c’est-à-dire minoritaires.

Mes chers collègues, ce débat mérite davantage de respect démocratique. Il mérite aussi mieux que des déclarations intempestives, caricaturales,…

M. Bernard Deflesselles. Ça, oui ! Vous parlez d’or !

M. Jean-Marc Ayrault. …pour ne pas dire mensongères.

Lorsque, aujourd’hui, M. Sarkozy affirme sans rire que le relèvement de l’âge de départ en retraite de soixante à soixante-deux ans « protégerait les petites retraites », de qui se moque-t-il ? Les petites retraites sont versées aux personnes qui ont eu de faibles revenus d’activité. Le passage à soixante-deux ans maintiendra ou plongera ces personnes dans la précarité. Et la précarité, dans le cadre de votre réforme, n’ouvre pas droit à des pensions plus élevées. Est-ce protéger les gens que de les maintenir dans des situations difficiles, voire précaires ?

Et puis, avec son élégance habituelle, M. Sarkozy ose dire que, lors de l’instauration des trente-cinq heures, le Gouvernement a fait « des tas de promesses », des promesses que, affirme-t-il sans aucun scrupule, « les ouvriers ont payées ».

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est vrai ! Le gel des salaires !

M. Yves Bur. Interrogez-les, monsieur Ayrault !

M. Christian Paul. Oui, interrogez-les, monsieur Bur : 80 % d’entre eux y sont favorables !

M. Jean-Marc Ayrault. À cet égard, nous avons entendu tout à l’heure ce qui a été dit par Germinal Peiro.

Mais de qui se moque-t-on ? Une direction de votre ministère, monsieur le ministre du travail, la DARES, indique que les trente-cinq heures ont créé 350 000 emplois supplémentaires entre 1998 et 2002. Et là, on voit bien qu’une politique de l’emploi contribue positivement au financement de notre système de retraite.

M. Sébastien Huyghe. Et les délocalisations ?

M. Jean-Marc Ayrault. C’est cela, la vérité, et non la proclamation dogmatique et ridicule du Président de la République.

Notre système de retraite, je l’ai dit, doit être réformé. Mais votre projet ne répond ni aux exigences financières de la période, ni aux attentes sociales. Il fallait rassurer les jeunes générations sur leur avenir, en finir avec l’effondrement du niveau des pensions, consolider la solidarité entre les générations. Rien de tout cela ne se trouve dans votre texte.

M. Bernard Deflesselles. Vous parlez bien, monsieur Ayrault, mais vous n’avez rien fait sur les retraites.

M. Jean-Marc Ayrault. Oh, mais j’ai du temps devant moi : vous allez écouter mes propositions, même si cela vous dérange peut-être. Vous allez en entendre, des propositions !

M. Bernard Deflesselles. Le problème, c’est de faire. Ce n’est pas de parler !

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, nous le pensons, une réforme s’impose, et cela pour trois raisons.

M. Philippe Meunier. Vous n’avez jamais rien fait !

M. Jean-Marc Ayrault. La première concerne le déficit des régimes de retraite. Il faudra trouver plusieurs dizaines de milliards chaque année. Et là, quel réquisitoire ! Contre qui ? Contre votre politique. Faut-il rappeler ce que François Fillon déclarait en 2003, à cette tribune : « La réforme que je vous soumets permettra de couvrir l’intégralité des déficits de nos régimes de retraite tels qu’ils sont aujourd’hui prévus pour 2020. Elle est donc financée à 100 %. » Voilà l’échec ! L’échec de qui ? De votre majorité et du Premier ministre, qui était alors ministre du travail, à la place qui est aujourd’hui la vôtre, monsieur Woerth.

Il n’aura pas été nécessaire d’attendre 2020 pour constater cet échec. Dès 2005, le déficit de la branche vieillesse était de près de 2 milliards. Il est monté à 4,5 milliards l’année suivante, pour atteindre près de 6 milliards en 2008, bien avant que la crise ne se fasse sentir ! Quel échec que le vôtre, alors que vous prétendez nous donner des leçons de responsabilité budgétaire !

Hélas oui, il faut remettre l’ouvrage sur le métier. L’évolution de la donne démographique, tout en étant une chance, constitue une contrainte financière. Pour cette raison, on ne peut écarter des mesures démographiques. Mais vous choisissez la plus injuste. Vous choisissez le relèvement des seuils d’âge. Car, si l’allongement de l’espérance de vie est d’abord une bonne nouvelle, n’oublions pas que des inégalités importantes demeurent. L’espérance de vie d’un ouvrier est toujours de sept ans inférieure à celle d’un cadre. La différence d’espérance de vie sans incapacité est plus grande encore, ce qui signifie concrètement – cela a été dit il y a quelques instants – que, au cours d’une vie déjà plus courte, les ouvriers passeront plus de temps en incapacité que les cadres. Ne pas en tenir compte – et c’est ce que vous faites, parce que vous ne voulez pas traiter au fond la question de la pénibilité – est une grave faute vis-à-vis des Français et en particulier de ceux des travailleurs les plus exposés aux conditions de travail difficiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La seconde raison d’une réforme, c’est la nécessité de renforcer la cohésion sociale de notre pays, de restaurer la confiance des jeunes générations, des actifs, des classes moyennes dans le pacte social qui nous rassemble. Pour cela, il faut d’abord garantir aux retraités un niveau de pension décent. Or, ce n’est plus le cas, surtout à cause de la précarisation du travail, du chômage, du caractère haché des carrières, mais aussi, il faut le rappeler, des réformes de MM. Balladur et Fillon. Qui peut nier l’abaissement régulier du niveau des pensions en France ?

N’avez-vous pas entendu cela, mesdames et messieurs les députés de la majorité, de la part de certains de vos électeurs, qui vous le reprochent aujourd’hui ?

M. Jean-Christophe Cambadélis. Ils n’entendent rien !

M. Jean-Marc Ayrault. Êtes-vous sourds à ces critiques ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui ! Ils le sont.

M. Jean-Marc Ayrault. Pas nous, en tout cas, parce que ces réformes ont provoqué au moins jusqu’à 20 % de baisse du niveau des retraites. Malheureusement, nous assistons à un retour de la pauvreté chez les retraités. Parmi les femmes en particulier, aucune réforme ne saurait passer à côté de cette exigence de progrès social. Combien d’entre vous ont pu constater dans les files des Restaurants du cœur des hommes et souvent des femmes à la retraite qui vivaient, il y a quelques années, dans la dignité et qui sont obligés aujourd’hui de bénéficier d’aide, de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, il est indispensable de prendre en compte l’évolution de la société et du monde du travail. La réforme ne peut être purement comptable. Face aux idéologues libéraux qui veulent profiter de la période pour affaiblir les garanties collectives, il faut au contraire imaginer de nouvelles protections face aux risques nés de l’éclatement des parcours professionnels et de la diversité des attentes personnelles, inventer des ressorts nouveaux, offensifs. Cette volonté, c’était celle du Conseil national de la Résistance, le programme adopté à la Libération et soutenu par le Général de Gaulle, dont vous vous prétendez les héritiers, qui avait la volonté explicite de consolider la cohésion sociale et démocratique de la nation. Les transformations de notre économie et de notre organisation sociale appellent des réponses vigoureuses dans une période nouvelle, plus complexe, difficile. Mais, en 1944, en France, n’était-ce pas une période difficile, complexe qui a permis, par les réponses du Conseil national de la Résistance, de faire preuve d’audace ? Ce qui était possible à l’époque, pourquoi cela ne le serait-il pas aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est la question à laquelle vous ne voulez pas vous confrontez.

Oui ! il fallait un projet de justice sociale, d’efficacité économique, d’anticipation politique. C’est pour cela que votre projet est injuste, imprévoyant, inefficace. Comment osez-vous parler de justice quand l’effort que vous imposez au pays est important, malgré la propagande, la campagne d’information que vous avez lancée,…

M. Roland Muzeau. C’est une honte !

M. Jean-Marc Ayrault. …quand l’effort que vous imposez au pays porte à plus de 90 %, presque 95 %, sur les seules épaules des salariés ?

M. Jean Mallot. Et voilà !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas en relevant d’un petit point la dernière tranche de l’impôt sur le revenu que vous convaincrez, car les chiffres sont têtus. Vous évaluez à 45 milliards les besoins de financement en 2020 – 4 milliards seulement proviennent des ressources nouvelles, 2 petits milliards des revenus du capital. Il est donc faux de dire, comme vous le faites, et comme vous ne cessez de le répéter ici dans les émissions de radio et de télévision sans aucune pudeur, que vous mettez à contribution les revenus du patrimoine : quelques centaines d’euros pour les cent plus gros bénéficiaires du bouclier fiscal, qui continueront par ailleurs, comme Mme Bettencourt, imperturbablement, à recevoir leur chèque-cadeau du fisc.

M. Roland Muzeau. C’est lamentable !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est la réalité.

Comment osez-vous parler de justice quand, parmi les salariés, ce sont les plus modestes sur qui portera tout l’effort, quand les inégalités s’accroissent. Chaque année, 300 000 personnes partent à la retraite à soixante ans, en ayant déjà cotisé jusqu’à deux années de plus que ce qui était nécessaire, sans que cela leur apporte un centime de plus de retraite. Et vous voulez que celles-là cotisent quarante-trois ans, quarante-quatre ans pour avoir droit à une pension décente ! C’est cela votre projet ? (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et cela ne vous gêne pas ? Où est la justice lorsque vous demandez à des femmes – un tiers sont dans ce cas – déjà obligées d’aller jusqu’à soixante-cinq ans, après une carrière d’emplois précaires à temps partiel, pour bénéficier d’une retraite sans décote ? Où est la justice lorsque vous exigez qu’elles travaillent encore deux années supplémentaires ? Vous leur offrez le choix entre l’indigence et l’épuisement. Est-ce vraiment cela la justice pour vous, mesdames, messieurs de la majorité ?

Mais le comble, c’est que cette accumulation d’injustices se fait au nom de l’efficacité et de la responsabilité, alors que vous ne financez pas le système, ni à court terme, ni dans la durée.

En 2011, il manquera au bas mot 25 milliards. En 2018, vous frôlez un équilibre fragile que M Karniewicz, présidente de la CNAV, juge elle-même instable. Vous n’y arrivez qu’au prix de deux tours de passe-passe.

Le premier est une véritable entourloupe comptable, puisque 15 milliards restent non financés, ce que vous appelez benoîtement : « contributions nettes de l’État », qui se traduit plus simplement par endettement supplémentaire de la France.

M. Jean Mallot. Et voilà !

M. Jean-Marc Ayrault. Le deuxième tour de passe-passe est en fait un véritable hold-up, un racket sur les générations futures. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous aurez fait main basse, si votre projet est voté, sur les 34 millions de réserves des retraites qui étaient prévus pour faire face aux pics générationnels et qui concernent les plus jeunes de ceux qui arriveront dans quelques années à la retraite.

M. Christian Hutin. C’est irresponsable !

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, en 2019, alors que le défi démographique ira s’aggravant, c’est le trou noir, le saut dans l’inconnu. Mais alors, il n’y aura plus de fonds de réserve, plus de ressources disponibles, et le COR lui-même indique très explicitement que votre mesure d’âge ne parviendra pas à résoudre plus de la moitié du problème.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Jean-Marc Ayrault. Votre réforme est donc fondée sur un mensonge. Vous demandez aux Français de se sacrifier aujourd’hui pour assurer des lendemains plus calmes.

La vérité est qu’ils doivent se sacrifier aujourd’hui, non pas pour la pérennité de nos retraites, mais pour celles des petits avantages, parfois même gros, consentis à vos amis. Tant d’imprévoyance ne peut que conforter les jeunes dans leur sentiment de méfiance. À changer les règles du jeu tous les cinq ans, vous encouragez les seniors à partir à la retraite dès qu’ils le peuvent. Vous encouragez les autres à se détourner de la retraite par répartition, au profit d’une épargne individuelle. Mais c’est la constante de votre politique sociale : réduire progressivement les solidarités collectives. Vous envisagiez de le faire pour l’APA et la dépendance – favoriser les assurances individuelles –, et votre majorité continue et veut continuer à le faire.

Après l’adoption en commission d’amendements favorables au renforcement de l’épargne retraite, le vers de la capitalisation est dans le fruit, et c’est vous qui l’aurez mis.

M. Jean Mallot. Absolument !

M. Patrick Roy. Et le fruit est pourri !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce débat a eu le mérite, à ce stade, de clarifier plusieurs points.

Le premier point, c’est que deux projets sont proposés aux Français. Et ils se font face.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous n’avez pas de projet !

M. Jean-Marc Ayrault. Je suis désolé, monsieur le ministre, mais c’est François Fillon, votre Premier ministre, qui l’a lui-même dit.

Je dirais qu’il a eu l’honnêteté – il était d’ailleurs à cette place –, même s’il a mis le temps à le faire, en répondant à une de mes questions, la semaine dernière, de reconnaître qu’il y avait bien un débat projet contre projet. C’est le premier point acquis de notre débat. Cet acquis est si bien établi, que les députés de la majorité consacrent désormais l’essentiel de leurs interventions au dénigrement systématique du projet du parti socialiste, plutôt que défendre leur propre réforme.

Quelles sont ces critiques ? Pour la majorité, les socialistes sont des maniaques de la taxe, les champions du monde de l’impôt, les derniers spoliateurs du monde libre. (« Nous sommes d’accord ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La vision est pour le moins grotesque, ce qui n’a pas empêché M. Copé, votre président de groupe, qui a sans doute besoin de surenchère pour gager la présidence de l’UMP, qu’il guigne, d’ajouter son énormité personnelle : « La gauche, avec ses propositions, conduirait la France à la ruine. » Tout en nuances, comme d’habitude !

Deuxième point acquis de notre débat, au-delà des énormités proférés par M. Copé : le débat permet d’opposer deux façons de financer la survie de notre système de retraites par répartition. Nous savons qu’il est en danger, qu’il a besoin de financement à hauteur de 45 milliards, à l’horizon 2025. Tout le débat que nous avons avec vous porte sur la façon de dégager des recettes qui permettront de remettre ce régime d’assurance vieillesse en équilibre Que propose le Gouvernement ? De financer l’essentiel de son projet par le relèvement de deux ans des bornes d’âge – celle du droit à la retraite à soixante ans, celle du départ sans décote à soixante-cinq ans.

Cette mesure n’est pas autre chose qu’un nouvel impôt prélevé sur les Français, mais pas n’importe quels Français. Ce ne sont pas les salariés qui seraient de toute façon allés au-delà de soixante ans pour atteindre quarante et une anuités et demie, pas davantage ceux qui ont eu des carrières complètes et qui ne seraient jamais contraints d’attendre soixante-sept ans pour partir. Non, mes chers collègues de la majorité, votre nouvel impôt – c’est pour cela que les Français ont compris que cette réforme était injuste et qu’ils sont nombreux à manifester – pèsera sur celles et ceux qui vont devoir surcotiser au-delà des quarante et une annuités et demi, ceux qui ont commencé tôt, ceux qui ont des carrières pénibles, ceux qui ont l’espérance de vie la plus faible. Ce sont eux la cible de votre réforme. C’est pour cela qu’elle est si injuste.

Ce nouvel impôt pèsera sur les Français qui ont eu des carrières heurtées, qui ont connu le chômage. Il pèsera sur les femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants, sur les épouses d’artisan ou d’agriculteur, sur ces salariés précaires aux carrières incomplètes devant patienter dans la précarité jusqu’à l’âge de soixante-sept ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein, qui plus est sur la base de revenus d’activité par ailleurs très faibles, c’est-à-dire d’une pension encore plus faible que ceux qui partent à la retraite à soixante-cinq ans aujourd’hui. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte. Ou alors, pour nombre d’entre eux qui n’iront pas jusqu’à attendre la retraite à taux plein, ils devront liquider leurs droits avant cet âge et accepter de se voir verser une pension réduite parce qu’ils ne pourront pas faire autrement. Ils partiront avec une pension réduite parce qu’ils n’attendront pas soixante-sept ans. Trop fatigués, épuisés, ils partiront donc avec une décote. Je ne vous fais pas de procès d’intention, c’est un constat. C’est le calcul, monsieur le ministre, de votre ministère, celui du Gouvernement.

Votre nouvel impôt pèsera sur ces 60 % de Françaises et de Français de plus de cinquante-cinq ans qui ont perdu leur emploi, qui ne parviennent plus à retrouver du travail. Il leur faudra choisir entre attendre, parfois plus d’une décennie, ou accepter une baisse de leur pension. Vous vous cachez à peine de ce calcul cynique, puisque lorsque nous prévoyons de ramener vers le travail 800 000 seniors, vous nous dites que c’est irréaliste. La conséquence est celle que je viens de décrire. Je vous entends déjà répondre que tout a été fait pour les carrières longues et la pénibilité, et que, selon vous, il ne s’agit que des traditionnelles fariboles de l’opposition.

Pourtant, si c’était vrai, comment pourriez–vous expliquer dans le même temps que 50 % de votre réforme est financée par des mesures d’âge ? Pour notre part, nous n’admettons pas que ce soient les actifs les plus pauvres qui paient les retraites de tous. Or c’est la logique de votre réforme.

Vous brandissez des comparaisons internationales. Vous nous expliquez que nous sommes archaïques, isolés, que nous n’avons rien compris au monde qui change, qu’une évidence s’impose. Mais la vérité est que votre réforme mettra la France au premier rang des régimes les plus contraignants, les plus durs.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Pus que de justice ou d’efficacité, votre message s’adresse aux agences de notation et au MEDEF, qui se félicite et qui, à chaque fois que vous faites un tout petit effort pour corriger l’injustice, vous en fait le reproche. Et Mme Lagarde, lorsqu’elle s’adresse à ses collègues européens, ne se gêne pas pour dire qu’il s’agit d’une réforme très dure qui sera appréciée par les marchés financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Woerth, ministre du travail. Une réforme qui va dans l’intérêt du pays !

M. Jean Mallot. Vous jetez les pauvres en pâture aux marchés !

M. Jean-Marc Ayrault. Pourtant, comparons ce qui est comparable. Vous nous dites que chez nos principaux voisins, l’âge de départ à la retraite est déjà de soixante-cinq ans.

M. Alain Vidalies. C’est la vérité.

M. Jean-Marc Ayrault. Chez nous, soixante-cinq ans est l’âge de départ sans décote.

M. Christian Hutin. Ils restent sans voix.

M. Jean-Marc Ayrault. C’est tellement vrai que si l’on se penche non plus sur les âges légaux de départ à la retraite, mais sur l’âge effectif, c’est-à-dire celui auquel les salariés quittent le marché du travail, la proximité des situations en Europe est frappante : 61,6 ans en France et en Espagne contre soixante-deux ans en Allemagne. Nous sommes donc dans des situations comparables.

À y regarder de plus près – puisque les systèmes sont souvent différents – qu’en est-il dans ces pays, paraît-il, si responsables ? En Allemagne, on peut partir dès trente-cinq ans de cotisations.

Mme Valérie Rosso-Debord. Avec quelle décote ?

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous dis que l’on peut partir avec trente-cinq ans de cotisations.

Mme Valérie Rosso-Debord. Oui, mais avec une décote énorme ! Sans parler de la capitalisation !

M. Jean-Marc Ayrault. Écoutez-moi ! Vous êtes les champions de la décote !

Mme Valérie Rosso-Debord. Ça, c’est Mme Aubry !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous êtes en train d’accentuer la décote.

En Allemagne, on peut partir avec trente-cinq annuités de cotisations contre quarante et une chez nous. En Espagne, après quinze années de cotisations, on peut bénéficier d’une pension égale à 50 % du salaire de référence, et avec trente-cinq annuités de cotisations, on a droit à 100 % du salaire de référence.

Je reconnais qu’il existe une différence : la France est la lanterne rouge européenne en matière d’emploi des seniors. (« Hélas ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. Seulement pour les plus de soixante ans !

M. Jean-Marc Ayrault.Nos voisins, eux, se sont occupés de l’emploi avant de s’occuper des retraites. Vous, vous vous occupez des retraites pour fabriquer des chômeurs. Vous n’avez pas de politique de l’emploi digne de ce nom : ni en faveur des seniors, ni en faveur des jeunes ! (« Très juste ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et ne rétorquez pas que le problème du chômage s’améliore alors que le chômage de longue durée s’aggrave.

Le troisième acquis de ce débat découle d’un aveu du ministre du travail. Les Français n’en avaient pas entendu parler puisque la majorité et le président de la commission des affaires sociales avaient, en juillet, refusé que les réunions soient publiques. (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je me souviens de vous avoir posé la question, monsieur le ministre.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Quand le ministre est auditionné, c’est ouvert à la presse.

M. Jean-Marc Ayrault. Les mesures prises aujourd’hui ne sont, en fait, pas commandées par des questions démographiques, contrairement à ce qui est affirmé, alors qu’elles étaient la base de la réforme de 2003. Elles sont donc soldées avec le passage de 150 à 166 trimestres de cotisations entre 1982 et 2020.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Avec des carrières longues.

M. Jean-Marc Ayrault. La réforme d’aujourd’hui, mes collègues l’ont brillamment démontré tout au long des débats, est, selon vous, liée à la crise.

M. Denis Jacquat, rapporteur. La crise est venue en plus !

M. Jean-Marc Ayrault. Je note que M. Woerth a reconnu que la question démographique est, dans le fond, secondaire dans cette réforme.

Les mesures prenant en compte les transformations démographiques ont déjà été inscrites dans la réforme de 2003. Tout avait été prévu – j’ai cité tout à l’heure M. Fillon.

Vous avez précisé que la crise, en creusant les déséquilibres, était responsable de l’accélération de la réforme. Par conséquent, vous faites payer la facture de la crise financière, de la crise d’un système capitaliste, absurde, aux Français modestes. Et depuis 2007, vous faites aussi payer votre mauvaise gestion des comptes publics, les déficits et la dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. Même depuis 2002 !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous la faites payer aux plus modestes.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas un discours qui restera dans les annales de l’Assemblée ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault. Si !

Mme la présidente. Laissez le président Ayrault s’exprimer.

M. Patrick Roy. M. Jacob fait de la provocation ! Il voudrait être président du groupe UMP !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment réagissez-vous à la crise ? En organisant la diminution des pensions des Français pour réaliser des économies.

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Permettez-moi de citer les chiffres de France Retraite, publiés par le journal Les Échos. Selon ces données, la perte de pension pour un non cadre gagnant 20 000 euros brut par an et faisant partie des premières générations à subir votre réforme des retraites sera relativement faible : 111 euros en moins sur une année. Sur un montant global de retraite, cette perte n’est pas négligeable. Qui plus est, alors que vous ne cessez de dire votre réforme est juste parce que progressive, la perte de pension d’un non cadre gagnant 20 000 euros brut par an représentera, lorsqu’elle sera arrivée à son terme, presque 900 euros sur l’année. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Et ne me rétorquez pas que je manipule les chiffres ! Votre réforme va amputer le pouvoir d’achat de ce non-cadre d’environ 10%.

M. Patrick Roy. C’est honteux !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est cela que vous voulez masquer aux Françaises et Français...

M. Patrick Roy. Honteux !

M. Jean-Marc Ayrault. …en essayant de faire croire que les socialistes, attachés à la défense du pouvoir d’achat et des droits des salariés modestes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), veulent revoir les pensions à la baisse ! Mais, là, c’est clair.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est la vérité.

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, et ce n’est pas moi qui la dis.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est la vérité de Mme Aubry.

M. Jean-Marc Ayrault. Il n’y a pas que les salariés modestes qui vont trinquer avec votre réforme. Toujours selon la même source, pour un cadre dirigeant gagnant 60 000 euros brut par an, ce qui n’est tout de même pas négligeable, et qui, parce que faisant partie de la génération de 1956…

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est le même discours que Mme Touraine !

M. Jean-Marc Ayrault. Au moins, nous avons le mérite de la cohérence, et tant pis si cela vous gêne ! Nous défendons la même argumentation depuis le début des débats, tout comme vous, madame la députée.

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous faites du copier-coller !

M. Jean-Marc Ayrault. Il y a donc bien un projet contre un autre projet. Comme vous ne semblez pas vouloir le comprendre, nous sommes obligés de répéter. La nuit est loin d’être finie et il nous reste encore la journée de demain pour vous le rappeler ; je ne serai pas le seul, mes collègues du groupe GDR s’y associeront volontiers, à leur façon, car ils partagent avec nous ce diagnostic.

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est de l’obstruction !

M. Jean-Marc Ayrault. Pour un cadre de la génération de 1956 qui devra attendre soixante-deux ans pour partir à la retraite, la perte de pension représentera entre 1500 et 2000 euros par an.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est Marisol Touraine qui l’a dit en premier !

M. Jean-Marc Ayrault. Voilà votre réforme.

Nous n’acceptons pas que vous présentiez la facture de la crise financière…

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est encore le discours de Marisol !

M. Jean-Marc Ayrault. …à celles et ceux qui en sont les premières victimes, par le chômage notamment, la précarisation, la diminution de leurs revenus,…

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous pourriez innover !

M. Jean-Marc Ayrault. …alors que, dans le même temps, depuis le début du quinquennat, vous préservez celles et ceux qui se sont rendu complices ou responsables ; le dernier avatar est l’affaire Tapie et ses 210 millions d’euros, montrant, une fois de plus, que ce Gouvernement est bien un le gouvernement des riches. ((Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Tapie, c’est votre ami.

Plusieurs députés du groupe de l’UMP. C’est vous qui l’avez fait ministre. C’est votre créature !

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez le président Ayrault poursuivre son intervention.

M. Jean-Marc Ayrault. On a, à plusieurs reprises ce soir, employé le mot « mensonge » à propos du Gouvernement. C’est bien Mme Lagarde qui avait dit…

M. Bernard Deflesselles. C’est bien M. Tapie qui était ministre.

M. Jean-Marc Ayrault. …que la restitution nette à M. Tapie ne dépasserait pas 50 millions d’euros ? Et lorsque le président de la commission des finances lui demande d’indiquer le montant exact, elle se défile ? Le chiffre exact ne s’élève-t-il pas à 210 millions d’euros ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Schosteck. Et le Lyonnais, c’est qui ?

M. Jean-Marc Ayrault. Cette somme ne découle pas d’une décision de justice, comme l’a dit M. François Fillon il y a quelques jours, mais d’une commission arbitrale, triée sur le volet pour régler un petit arrangement entre amis ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les coquins qui gouvernent !

M. Jean-Marc Ayrault. Est-cela la justice ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Il est au PRG, votre ami ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Un peu de calme, chers collègues. Si vous prenez le relais, votre président de groupe ne pourra pas s’exprimer

M. Jean-Marc Ayrault. Le quatrième point – et vous avez été obligés de le reconnaître – c’est que votre réforme n’est pas financée au-delà de 2018. Puisque vous excluez tout prélèvement réel sur le capital, cela signifie que de nouveaux reculs de l’âge de départ à la retraite sont d’ores et déjà programmés après 2018, mais, comme pour les impôts nouveaux, tout cela est passé sous silence ou partiellement dévoilé, maladroitement, par M. Baroin qui s’est vite récusé !

Mme Valérie Rosso-Debord. Ça, c’est le discours de Mallot !

M. Jean-Marc Ayrault. Au point que lorsqu’il était question de raboter les niches fiscales, le rapporteur général du budget, Gilles Carrez, a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un rabot, mais d’une lime à ongles. Ce n’est pas moi qui le dis, mais un membre de votre propre majorité.

Cela étant, si M. Baroin a fait de telles déclarations, c’est qu’il y a bel et bien anguille sous roche.

M. Jean-Pierre Brard. Une murène plutôt.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre, lors de votre première audition, au moment de la présentation de l’avant-projet de loi devant la commission des affaires sociales, vous avez fait preuve d’une certaine franchise. À la question de savoir si votre réforme était financée au-delà de 2018, vous avez répondu que ceux qui seront au pouvoir à cette date, devront prendre un nouveau rendez-vous pour régler l’avenir du financement des retraites. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est vous, monsieur le ministre, qui l’avez dit et je renvoie M. Jacob aux annales puisque vous venez d’ironiser à ce propos ! Les annales, ce sont les archives de l’Assemblée nationale, les comptes rendus des commissions comme des séances publiques.

Mme Valérie Rosso-Debord. M. Jacob parlait des annales des grands discours !

M. Jean-Marc Ayrault. Je comprends votre embarras car tout cela n’est pas très courageux.

L’échec de la réforme de 2003 nous a conduits à la réforme d’aujourd’hui.

M. Camille de Rocca Serra. Pitoyable !

M. Jean-Marc Ayrault. M. Fillon avait pris l’engagement que l’on ne reviendrait pas sur l’essentiel. Aujourd’hui, force est de constater que c’est un échec. Quoi qu’il en soit, je le dis d’ores et déjà, l’échec de la réforme de 2003 nous conduit à la réforme profondément injuste de ce soir. L’échec de la réforme d’aujourd’hui conduira forcément à une autre réforme, encore plus douloureuse. Si, par malheur, vous étiez aux responsabilités en 2012,…

M. Jean-Pierre Schosteck. On sera là !

M. Jean-Marc Ayrault. …nous connaissons déjà votre réponse : un nouveau recul de l’âge légal et la paupérisation accrue d’une partie des Français, de ceux qui arriveront alors à la retraite. Voilà la vérité de votre réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est pour cette raison, chers collègues, qu’au-delà de ce débat, de cette confrontation – je l’espère démocratique –, de cette bataille, de cette mobilisation populaire qui doit, je l’espère, vous faire reculer, qu’il est grand temps de proposer au pays une autre voie : celle que nous préparons. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Schosteck. On est sauvé !

M. Camille de Rocca Serra. Vous avez encore des efforts à faire !

M. Bernard Deflesselles. Incroyable !

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, notre projet s’appuie sur deux piliers principaux et complémentaires. D’une part, dégager des recettes nouvelles, ce qui est indispensable sauf à pénaliser les salariés comme vous êtes en train de le faire. D’autre part, privilégier une politique de l’emploi. Sans recettes régulières des cotisations, vous pouvez toujours continuer de creuser des trous, vous n’en sortirez jamais.

M. Christian Hutin. C’est le Sapeur Camember !

M. Jean-Marc Ayrault. La politique de l’emploi – pas uniquement de l’emploi des seniors – est l’un des axes de notre réponse à la crise de notre système de retraite. Aucune réforme n’est durable sans une forte amélioration de l’emploi.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous enfoncez des portes ouvertes.

M. Jean-Marc Ayrault. La France détient le triste record européen du taux de chômage des jeunes le plus important et du plus mauvais taux d’emploi des femmes.

Mme Valérie Rosso-Debord. On attend des propositions.

M. Jean-Marc Ayrault. Telle est la triste réalité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. Comment fait-on ?

M. Jean-Pierre Schosteck. On attend des propositions.

M. Jean-Marc Ayrault. Si vous me demandez quelles sont nos propositions, cela signifie que vous reconnaissez votre impuissance.

Mme Valérie Rosso-Debord. On aimerait entendre vos propositions en la matière.

M. Jean-Marc Ayrault. L’emploi des femmes est un enjeu majeur. L’accumulation des inégalités professionnelles explique que leurs retraites soient de 40 % inférieures à celles des hommes.

Mme Valérie Rosso-Debord. Café du commerce !

M. Jean-Marc Ayrault. La discrimination dont sont victimes les femmes dans le monde du travail est annonciatrice pour beaucoup d’entre elles de pauvreté et de précarité dans la vieillesse. C’est pour cela que nous sommes, je le répète, résolument hostiles comme l’ensemble des organisations syndicales au relèvement à soixante-sept ans de l’âge auquel on peut percevoir la retraite sans décote.

M. Christian Hutin et M. Jean-Christophe Cambadélis. Car c’est honteux !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est pour cela que nous proposons une meilleure valorisation du temps partiel pour les droits à la retraite et l’extension obligatoire, dès maintenant, de l’assurance vieillesse complémentaire aux femmes d’exploitants agricoles !

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. L’emploi des seniors est une question particulièrement sensible.

M. Bernard Deflesselles. Certes !

M. Jean-Marc Ayrault. Or, sur ce front, les nouvelles restent mauvaises. Ainsi, le chômage des personnes de plus de cinquante ans ne cesse de progresser ; il a augmenté de 19 % en un an. Le taux d’emploi des plus de cinquante-cinq ans reste inférieur à 38%, et à peine plus d’un salarié sur deux âgé de cinquante-cinq à soixante ans qui est en situation de travailler est effectivement en situation d’emploi – bien loin des 80 % des pays scandinaves, ou même des 70 % de l’Allemagne ou des Pays-Bas.

L’emploi des seniors a servi de variable d’ajustement depuis plus de trente ans, parce que l’on pensait que l’emploi des jeunes s’en trouverait amélioré ; c’est le contraire qui s’est produit. Parallèlement, l’indifférence à la question du bien-être au travail, tragiquement mise en lumière par la situation de France Télécom, conduit beaucoup de salariés français à ne pas souhaiter rester dans l’emploi.

Ce n’est pas le CDD seniors que vous préconisez qu’il faut proposer. Il faut appeler à la mobilisation générale, qui doit s’inspirer de ce qui a été fait avec succès dans des pays comme la Finlande ou le Canada : garantir l’accès à la formation après cinquante ans, alors que moins d’un tiers des seniors en bénéficie ; accompagner les salariés tout au long de leur vie professionnelle ; adapter les postes aux salariés plutôt que l’inverse, ce qui passe par la généralisation des dispositifs de tutorat ou binômat en entreprise, l’encouragement aux départs en retraite progressive, la limitation, voire la suppression, du travail de nuit et des tâches physiques au-delà de cinquante-cinq ans.

Voilà des réponses que vous devriez accepter d’appliquer.

M. Bernard Deflesselles. Ce ne sont pas des réponses !

Mme Valérie Rosso-Debord. Ce sont des incantations !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Voilà du concret !

M. Bernard Deflesselles. Sûrement pas !

M. Jean-Marc Ayrault. Sûrement pas ? Lorsqu’ils entendent cela, les seniors au chômage qui nous écoutent doivent être édifiés !

En effet, c’est bien par la généralisation de ces bonnes pratiques qu’un pays comme la Finlande a fait progresser l’emploi des plus de cinquante-cinq ans de vingt points en dix ans. En France, heureusement, certaines entreprises se sont déjà engagées dans cette voie. Pour encourager la généralisation de ces mesures, nous préconisons l’instauration d’un bonus sur les cotisations pour les entreprises qui joueront le jeu.

En ce qui concerne les recettes nouvelles, l’augmentation des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options que nous proposons, en en relevant le taux de 5 à 38 %, permettrait de dégager deux milliards d’euros de recettes. Certains députés de votre majorité se sont émus de cette proposition, et vous avec eux, messieurs les ministres.

Pourtant, comme je l’ai dit à plusieurs reprises au cours du débat, nous ne faisons que reprendre les propositions formulées par la Cour des comptes lorsqu’elle était présidée par Philippe Seguin, auquel nous avons tous rendu hommage lors de sa disparition. Selon le rapport de la Cour, il fallait prélever jusqu’à trois milliards d’euros sur les sept à huit milliards de stock-options et de bonus. Nous proposons pour notre part d’en prélever deux milliards. Tels sont les chiffres. Cette proposition est concrète.

M. Christian Hutin. Et maintenant, qu’est-ce que vous dites ?

M. Jean-Marc Ayrault. Mais j’ai compris que vous lui opposiez un non définitif.

Nous proposons également de relever de 4 à 20 % le forfait appliqué à l’intéressement et à la participation, qui sont en réalité des salaires différés. Cet effort mettrait surtout à contribution les plus hauts revenus, les détenteurs de portefeuilles. Je l’ai dit à M. le président Méhaignerie…

M. Jean-Christophe Cambadélis. Il n’est pas là !

M. Jean-Marc Ayrault. …, dans le PLFSS pour 2010, le Gouvernement avait doublé ce forfait, le relevant de 2 à 4 %. À l’époque, aucun membre de la majorité ne s’était plaint d’un prétendu effet de cette mesure sur le pouvoir d’achat. Vous aviez bien amorcé quelque chose : le problème n’est donc pas idéologique.

Nous voulons que l’on applique la CSG aux revenus du capital qui en sont actuellement exonérés, en maintenant bien sûr l’exonération des livrets d’épargne et des plus-values réalisées lors de la vente de la résidence principale. Voici une question concrète, monsieur Woerth : qui, dans cet hémicycle, osera défendre l’idée qu’il faudrait taxer le travail, mais dispenser les revenus du capital de toute contribution ? (« Jacob ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Jacob. Attendez un peu : un discours pareil, je n’en rate pas une minute !

M. Daniel Paul. Taisez-vous, monsieur Jacob !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Jacob, vous devriez savoir que les revenus du travail sont beaucoup plus taxés que les revenus du capital. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation, oui ou non ? Vous ne voulez pas répondre, évidemment ! C’est pourtant la vérité !

M. Patrick Roy. C’est la honte qui l’étouffe !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous voyez que lorsque l’on vous interroge sur ces trois propositions concrètes, vous êtes un peu embarrassés, car vous manquez d’arguments convaincants.

M. Christian Hutin. Avouez que ce n’est pas faux !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ces revenus n’ont jamais été moins taxés que quand vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Woerth, nous souhaitons que soit remise en cause la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales, cadeau fiscal de vingt milliards d’euros par an accordé aux entreprises à l’initiative du président du groupe UMP, M. Copé, lorsqu’il était ministre du budget.

M. Camille de Rocca Serra et Mme Valérie Rosso-Debord. Et les trente-cinq heures ?

M. Jean-Marc Ayrault. Sur ce point précis également, j’aimerais connaître votre avis, mesdames et messieurs de la majorité.

M. Pascal Terrasse. À la niche !

M. Jean-Marc Ayrault. Qu’en pense le président de la commission des affaires sociales ? Il répondra peut-être ; il n’est pas là pour l’instant, mais je lui pose la question.

Vous nous parlez des délocalisations de sièges sociaux. Toutefois, dans cette hypothèse, une action est possible. Je vous ai déjà posé cette question la semaine dernière, mais vous ne m’avez pas répondu, monsieur Woerth.

M. Éric Woerth, ministre du travail. J’ai répondu à toutes vos questions.

M. Jean-Marc Ayrault. Il s’agit de ce que nous réclamons depuis des mois, voire des années, et que nous demandons encore plus fortement depuis la crise financière : une action résolue contre les paradis fiscaux. Vous en étiez soi-disant devenu un croisé au début de la crise, lorsque vous étiez ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est vrai, et je n’ai pas bénéficié de votre soutien !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais qu’avez-vous fait, qu’a fait le Gouvernement depuis ?

M. Jean-Pierre Brard. On les officialise !

M. Jean-Marc Ayrault. Cette grande cause aurait-elle disparu tout à coup, comme par enchantement ?

Nous proposons d’augmenter de 0,5 % la taxation sur la valeur ajoutée instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, de 1,5 à 2,2 %, en exonérant bien sûr les petites et moyennes entreprises.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Cela n’a rien à voir avec les paradis fiscaux.

M. Jean-Marc Ayrault. Croyez-vous que nous exagérions, que toutes les mesures fiscales que je viens de décrire soient irréalistes, injustes ? Injustes, certainement pas ! Dangereuses pour l’économie ? À l’évidence – je viens de le démontrer –, certainement pas ! Votre choix est donc un choix idéologique. (« De classe ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Je le répète, vous êtes bien le Gouvernement et la majorité des riches, voire des très riches. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

On a donc voulu caricaturer nos propositions, celles par lesquelles nous recherchons des recettes nouvelles indispensables. Je démontre ici point par point le contraire, afin de dire à ceux qui suivent nos débats, et qui sont bien plus nombreux que vous ne l’imaginez, que le cinquième acquis – j’en ai cité quatre– est bien notre divergence profonde quant à la conception de la justice fiscale et sociale dans notre pays. Je le répète, vous êtes bien le gouvernement des riches…

Un député du groupe UMP. C’est poussif !

M. Jean-Marc Ayrault. …, et vous continuez à le montrer à chaque heure qui passe. Il y a bien un autre projet, le nôtre ; et, à chaque heure qui passe, les Français qui hésitaient encore se convainquent davantage que c’est vers nous qu’il faut se tourner pour trouver la solution à ce problème, pour faire ce choix de société.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Comme Dominique Strauss-Kahn, comme Martine Aubry, comme Laurent Fabius ?

M. Jean-Marc Ayrault. Voici le cinquième point que j’ai évoqué au début de mon intervention. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. Les régionales n’étaient qu’un amuse-gueule !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous préconisons que l’on prenne en considération la pénibilité, alors que le Gouvernement et la majorité se contentent de l’invalidité.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Pourtant, n’est-ce pas la majorité actuelle qui avait promis en 2003 de tenir compte de la pénibilité du travail dans le calcul des retraites…

M. Patrick Roy. Encore un mensonge !

M. Jean-Marc Ayrault. …par la voie de la négociation ? En trois ans, tout devait être bouclé, disait-on. Les organisations syndicales y ont cru et ont joué le jeu, mais c’était sans compter avec le lobbying

M. Éric Woerth, ministre du travail. Du MEDEF ?

M. Jean-Marc Ayrault. …du MEDEF, qui n’est plus qu’une organisation de lobbying, incapable de négocier des accords avec les autres partenaires sociaux – lobbying auquel vous avez cédé.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Et vous, vous cédez à celui de la CGT !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous êtes tellement heureux de céder au MEDEF ! Car c’est bien la thèse du MEDEF, qui refuse la négociation sur la pénibilité, parce qu’elles mettraient les entreprises en péril : « voici notre thèse », dit le MEDEF, « monsieur le ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, sur la pénibilité : prenez-la ! » Et vous avez accepté ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous ne défendez jamais les PME de Nantes ?

M. Jean-Marc Ayrault. Même si les députés de la majorité ont surtout brillé par leur absence.

Pourtant, nous avions déjà commencé à examiner la question de la pénibilité. Quoi qu’il en soit, selon votre réforme, il faudra être malade, parfois proche de la mort, pour prétendre bénéficier de votre dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Approbation sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Caricature ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault. Avez-vous entendu cet après-midi le témoignage de Michel Vergnier, et celui de Jean-Paul Lecoq à l’instant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il s’agit d’hommes et de femmes concrets. Ce ne sont pas des chiffres, c’est la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous défendez une approche individuelle, médicalisée, de la pénibilité, alors que toutes les études montrent l’effet différé sur la santé du travail de nuit, du port de charges lourdes, du travail posté, de l’exposition à certains produits chimiques qui déclenchent un cancer quelques années plus tard. On connaît déjà cette réalité avec l’amiante.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Quelles sont ces études ?

M. Jean-Marc Ayrault. La pénibilité, ce n’est pas la maladie ou l’incapacité : votre publicité, payée par les contribuables, est mensongère puisqu’elle prétend qu’un salarié souffrant du dos pourrait partir à soixante ans. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault. Tous les Français, ou presque, ont des problèmes de dos. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas lié au travail !

M. Patrick Roy. Jacob en a plein le dos !

M. Christian Jacob. Non, ce n’est que du plaisir !

M. Jean-Marc Ayrault. Pouvez-vous, les yeux dans les yeux, dire aux victimes de l’amiante qu’elles n’auraient pas dû être indemnisées ? Car, avec votre texte, elles ne l’auraient pas été ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Comment pouvez-vous dire à celles et ceux qui travaillent de nuit, portent des charges lourdes, sont exposés à des produits toxiques qu’ils ont bien de la chance – oui, de la chance ! – de ne pas être malades à soixante ans, qu’ils devraient se réjouir au lieu de penser que leur espérance de vie en bonne santé, une fois retraités, sera plus courte. Et ce sont les chiffres du ministère du travail qui le montrent !

Je vous encourage, comme l’a fait Marisol Touraine, à relire les textes écrits par Pierre Laroque à la fin de sa vie, à la fin des années quatre-vingt, et dans lesquels il revient sur les conditions de la naissance de la sécurité sociale. Il y précise que, s’il a fallu fixer à soixante-cinq ans l’âge de départ à la retraite, c’est uniquement parce que la France sortait très affaiblie de la Seconde Guerre mondiale.

Rendant compte de la loi de 1975 dont nous avons parlé, il estime heureux que des mécanismes dérogatoires aient été instaurés pour prendre en considération la pénibilité du travail, et que certaines catégories de la population aient pu bénéficier d’un départ à la retraite à soixante ans. Pourtant, Pierre Laroque n’avait rien d’un socialiste !

Pour ces raisons, nous ne parvenons pas à comprendre votre attitude, obtuse, fermée, dogmatique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Ah, ah, ah !

M. Jean-Marc Ayrault. En commission comme ici même, M. le ministre l’a reconnu. Il a admis qu’il y avait bien deux manières d’aborder la question de la pénibilité, fondées sur deux approches différentes des situations sociales difficiles : l’approche individualisée et médicalisée, limitée au maximum pour des raisons financières, d’une part ; une prise en considération de l’espérance de vie de certaines catégories de salariés, de l’autre. Vous avez renoncé à cette dernière approche.

Cela est d’autant plus étonnant que vous présentez votre projet comme répondant à l’évolution de la démographie. Plutôt que de considérer l’espérance de vie pour prendre en considération la pénibilité de certains métiers, vous ne l’utilisez que pour relever l’âge légal de départ à la retraite, sans tenir compte des différences entre métiers.

Pourtant, des dizaines, des centaines d’études sur le sujet indiquent que dix ans séparent l’espérance de vie en bonne santé des ouvriers de celle des cadres. Voilà pourquoi nous prônons une modulation de la durée de cotisation des salariés.

Vous dites que la France est pionnière en la matière, que cela ne s’est jamais fait, que cela n’existe nulle part ailleurs.

M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. À supposer que ce soit vrai, la belle affaire ! La France a inventé la laïcité ; quelqu’un, aujourd’hui, est-il prêt à déclarer qu’il faut supprimer la laïcité sous prétexte qu’elle n’existe pas ailleurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Daniel Paul. Certains le disent !

M. Jean-Marc Ayrault. La France ne peut-elle être pionnière en matière de conquêtes sociales ? Nous avons institué les quarante heures au moment du Front populaire. Ne sommes-nous pas fiers de ce que nous avons fait, parfois avant les autres ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Et les congés payés ? Nous devons être audacieux, innovants et pionniers en matière de conquêtes sociales.

M. Jean-Paul Lecoq. Assez de pragmatisme !

M. Jean-Marc Ayrault. J’ajoute que ce que vous dites est faux. L’Italie s’engage sur cette voie. En France, dès le xixe siècle, dans le cadre des sociétés de secours mutuel, était admis le principe d’une usure différente selon les métiers et de leur séparation par l’attribution plus ou moins précoce d’une pension.

La loi du 30 décembre 1975 avait du reste ouvert le droit de bénéficier d’une retraite à taux plein dès soixante ans, notamment à des salariés ayant exercé à la chaîne, aux fours ou ayant été exposés aux intempéries. Le problème se posait donc déjà.

Depuis, bien d’autres dispositifs de cessation anticipée d’activité ont été institués, par exemple pour les routiers, les travailleurs de l’amiante – je l’ai dit – ou certains chefs d’exploitations agricoles. Certaines entreprises acceptent, par la voie de la négociation, par des dispositifs adaptés, des mesures de cet ordre concernant leurs propres salariés.

Ce que nous proposons, c’est l’élargissement de cette démarche, une approche plus globale qui ne définisse pas des métiers pénibles mais des facteurs pénibilité et ouvre à tous les salariés concernés le droit à une juste compensation.

Cette question aurait mérité un grand débat politique et social. Reconnaissez que vous avez renié, pour des raisons financières et comptables, à la fois vos engagements de 2003, ceux que vous aviez pris au cours de la négociation sociale qui a eu lieu entre 2005 et 2008 et l’engagement de votre prédécesseur, M. Xavier Bertrand, de présenter rapidement après l’échec de la négociation une loi au Parlement pour prendre en compte la pénibilité dans le travail. Il en est allé de même de l’engagement du Président de la République de défendre le pouvoir d’achat des Français qui travaillent beaucoup et qui se lèvent tôt, promesse oubliée, comme a été oubliée cette autre promesse qu’il a faite en disant : « La retraite à soixante ans, je n’y toucherai pas, je n’ai pas reçu de mandat pour ça ».

M. Patrick Roy. Encore un mensonge !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez trahi bien des engagements, à commencer par ceux de vos prédécesseurs, pourtant du même bord que vous, et vous avez raté la grande occasion qui s’offrait à vous de faire avancer le droit social dans notre pays.

À ce titre, la retraite à soixante ans est bien une façon de prendre en compte la pénibilité au travail et de donner aux personnes qui travaillent dur, qui sont exposées à des contraintes physiques et des produits toxiques, dont l’espérance de vie est moins importante que d’autres, un temps de retraite digne de ce nom.

La retraite à soixante ans, c’est le bouclier social des ouvriers. C’est pourquoi il faut leur laisser la liberté de la prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, la boucle est bouclée.

Plusieurs députés du groupe UMP. Enfin !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous en revenons à votre obsession : relever les âges de la retraite, contre tout entendement, sans politique de l’emploi, sans considération pour la justice sociale.

M. Patrick Roy. Sans rien !

M. Jean-Marc Ayrault. Pourtant, dans les grands pays démocratiques, aucune réforme des retraites ne peut être acceptée sans qu’il y ait en son cœur la justice sociale. Sinon, elle est refusée ; sinon, elle est rejetée ; sinon, elle est remise en cause. Malheureusement, c’est la voie que vous avez choisie.

Comment voulez-vous espérer l’adhésion à votre réforme ? Même si vous essayez de passer en force malgré l’opposition populaire qui ne fait que grandir, vous échouerez comme en bien d’autres circonstances auparavant. Il faudra reprendre cette réforme en 2012, s’agissant notamment de la question des seuils de soixante ans, de soixante-cinq et de soixante-sept ans parce que ce sont ces dispositions, qui mettent en jeu la justice sociale, que nous voulons combattre et remettre en cause.

Tous ces éléments, vous les connaissiez, ils étaient à votre disposition. Vous auriez pu les mobiliser pour que cette réforme soit juste.

Je vous le dis avec gravité, tant les enjeux sont majeurs : c’est l’avenir du pacte social français qui est en jeu, le pacte républicain. Je vous le dis avec solennité, car votre surdité a provoqué la colère d’une immense majorité de Français que je veux à nouveau relayer ici ; ces Français qui ne veulent pas de votre réforme alors que ces trois dernières années ont été pour eux trois années de régression sociale ; ces Français qui, par leur travail au quotidien, ressentent la fierté de faire de la France ce qu’elle est et qui en attendent de la reconnaissance mais qui, pour tout fruit de leurs efforts, ne récoltent que mépris et humiliation ; ces Français, chaque jour plus inquiets, inquiets de l’avenir de leur emploi, inquiets pour la sécurité de leur retraite, inquiets pour l’avenir de leurs enfants.

Des millions de Français ont défilé dans toutes les villes de France mardi dernier derrière les organisations syndicales rassemblées, solidaires, comme elles ne l’ont jamais été depuis des années, pour dire ensemble leur refus de votre projet et leur volonté d’être enfin écoutés et respectés.

Le 23 mars, ils étaient près de 800 000 à manifester contre votre politique ; le 27 mai, 1 million ; le 24 juin, deux fois plus ; et le 23 septembre, soutenus par une très grande majorité de Français – 70 % –, ils vont à nouveau exprimer leur colère et leur exigence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Éric Woerth, ministre du travail. Soyez un peu courageux, ça vous changera.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous serons avec eux.

Car derrière la froideur de vos statistiques, il y a des vies, celles d’hommes et de femmes, fiers de leur travail, heureux de ce qu’ils y accomplissent ou celles, au contraire, de salariés brisés, écrasés, qui se sentent rejetés, des salariés victimes de plans sociaux qui s’interrogent sur leurs lendemains, des salariés à qui leur entreprise demande d’accepter des diminutions de salaire ou une dégradation de leurs conditions de travail pour sauver leur emploi sans qu’ils aient vraiment de garantie.

Voilà la réalité de notre pays aujourd’hui !

Tous ces hommes et toutes ces femmes, votre réforme les insulte car ils ne demandent qu’une chose : du travail, de la dignité, de la fierté. Pour eux, l’addition sociale est lourde : après l’essorage social du printemps vient aujourd’hui le grand matraquage de l’automne.

Mais il faut bien, n’est-ce pas, trouver quelque part de l’argent pour faire des chèques de 30 millions d’euros à Mme Bettencourt, à tous vos amis du Fouquet’s et du Bristol, …

M. Éric Woerth, ministre du travail. Et les amis de Mme Royal ou de M. Strauss-Kahn ?

M. Jean-Marc Ayrault. …à vos amis du premier cercle et quelques autres encore, M. Wildenstein et compagnie dont on reparlera, ne vous inquiétez pas, monsieur Woerth.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Soyez courageux au moins une fois dans votre vie !

M. Jean-Marc Ayrault. Courageux, je le suis pour dire des vérités qui vous gênent.

M. Christian Paul. Et vous, monsieur Woerth, soyez honnête au moins une fois dans votre vie !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Et si l’on parlait de vos turpitudes !

M. Christian Paul. Que dites-vous ?

M. Jean-Marc Ayrault. Les Français malgré le matraquage de votre propagande, ceux qui ont défilé comme les autres, sont bien conscients qu’il faut une réforme, mais ils veulent une réforme juste qui prenne en compte la dureté de certains parcours, ils veulent une réforme efficace qui garantisse dans la durée la pérennité de nos retraites.

Nous sommes à un tournant décisif pour notre pacte social.

La mondialisation s’intensifie, le monde du travail est bouleversé, notre démographie se transforme.

Comme en 1945, lorsque le Conseil national de la résistance inventa notre État social, ces défis exigent de nous imagination, audace et esprit de justice. C’est précisément ce qui vous fait défaut.

Oui, il fallait de l’imagination pour inventer les solidarités intergénérationnelles de demain et ne pas considérer les futurs retraités comme une charge sociale.

Oui, il fallait de l’audace pour rechercher des financements nouveaux.

Oui, il fallait de l’esprit de justice pour faire de la prise en compte de la pénibilité le socle de votre réforme, pour offrir d’autres horizons que le chômage aux seniors et proposer d’autres rêves que le travail à perpétuité aux jeunes qui enchaînent les stages et les CDD.

Tout cela ne compte pas pour vous : votre seule obsession – vous n’en faites pas mystère – est de vous attaquer au symbole de l’âge légal de départ en retraite à soixante ans. Votre unique préoccupation, c’est 2012, l’échéance de M. Sarkozy.

Ce n’est pas en passant en force, ce n’est pas avec les œillères du dogmatisme et de l’idéologie qui est la vôtre que l’on s’attaquera aux grands enjeux de demain.

Les Français veulent d’autant moins de votre réforme qu’elle se fait au prix du reniement de tous les engagements pris.

Comment oublier que Nicolas Sarkozy, tout feu tout flamme, comme à son habitude, avait déclaré en janvier 1993, qu’il était très attaché au maintien de l’âge légal de départ en retraite à soixante ans qu’il prétendait avoir voté. Son attachement à l’une des conquêtes sociales les plus emblématiques du premier septennat de François Mitterrand paraissait sincère puisque c’est avec gravité que, devenu candidat à la présidence de la République, il déclarait le 23 janvier 2007, dans Le Monde : « Le droit à la retraite à soixante ans doit demeurer, de même que les trente-cinq heures continueront d’être la durée hebdomadaire légale du travail. »

M. Germinal Peiro. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Une parole de chef de l’État, normalement, ça compte, mais j’ai l’impression que celle de notre président se dévalue de jour en jour.

Et lorsque, l’année suivante, le MEDEF et Mme Parisot se mirent à réclamer le relèvement de l’âge légal à soixante-deux ou soixante-trois ans, il n’hésita pas à répliquer : « Elle a le droit de dire ça, je dis que je ne le ferai pas pour un certain nombre de raisons, et la première, c’est que je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français, je n’ai donc pas de mandat pour faire cela, et ça compte, vous savez, pour moi. »

M. Yves Durand. On peut rigoler !

M. Jean-Marc Ayrault. Il est vrai vous que n’en êtes pas à un mensonge près : grands mensonges parfois et même manquements aux grands principes qu’un chef de l’État français devrait à tout instant défendre pour rester fidèle aux valeurs de la République.

Comment les Français peuvent-ils faire confiance à une majorité dont le principal représentant fait valser les promesses de campagne comme s’il s’agissait de vulgaires slogans publicitaires qu’il manierait comme un bateleur, un agent commercial essayant de vendre une voiture ou une paire de chaussures, ayant tôt fait d’oublier ses promesses après avoir fait un bon coup ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Huyghe. Affligeant !

M. Jean-Marc Ayrault. M. Sarkozy, je le répète, est toujours Président de la République, ce qui implique des devoirs, au premier rang desquels la vérité et le respect à l’égard des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Oui, ce mensonge d’État a dominé toute la préparation de ce texte.

Vous avez refusé de négocier avec les organisations syndicales, pourtant convaincues de la nécessité d’une réforme. Jusqu’à ces derniers jours, au mépris de tous vos discours sur la démocratie sociale et le rôle des partenaires sociaux, vous les avez ignorés. Alors même que les conseillers de l’Élysée, qui, décidément, sont les hommes forts de ce pouvoir, se sont répandus sur les ondes ces derniers jours pour annoncer d’éventuelles modifications du texte, pas un syndicaliste n’en a entendu parler. J’ai recueilli les témoignages de dirigeants syndicaux qui m’ont dit qu’il n’y avait plus de dialogue réel avec vous, plus de négociation : du côté du ministère du travail, silence radio, …

M. Éric Woerth, ministre du travail. Qu’en savez-vous ?

M. Christian Paul. Simulacre !

M. Jean-Marc Ayrault. …les seuls petits contacts s’établissant avec l’Elysée et ses conseillers. Est-ce ainsi que vous concevez la démocratie sociale ? Est-ce cela pour vous le respect des partenaires sociaux ?

Et nous, parlementaires, ne sommes pas mieux traités. Il est deux heures et dix minutes du matin et nous voici réunis pour débattre de questions aussi graves que la pénibilité du travail ou le travail des femmes. Voilà qu’on veut absolument nous faire achever l’examen de la discussion à quinze heures cet après-midi, …

M. Jean-Claude Sandrier. Ridicule !

M. Jean-Marc Ayrault. …comme si c’était l’essentiel, comme s’il y avait une heure fétiche où tout devait s’arrêter. Seize heures, dix-sept heures, dix-huit heures ou plus tard, qu’importe si vous tenez à faire voter cette réforme ?

Acceptez au moins de respecter non seulement l’opposition mais la représentation nationale tout entière. Dans quel Parlement démocratique, ces dernières années, a-t-on débattu des retraites dans des conditions aussi minables, aussi déplorables, aussi dégradantes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Mancel. Il se prend pour Mitterrand !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est en France, patrie des droits de l’homme et de la République. À votre place, j’aurais honte (Protestations sur les bancs du groupe UMP) de traiter ainsi ceux qui ont la légitimité populaire, au même titre que le Président de la République, c’est-à-dire les députés de l’Assemblée nationale.

M. Sébastien Huyghe. Vous enchaînez les inepties !

M. Jean-Marc Ayrault. On nous dit que le groupe socialiste dispose de dix-neuf heures et cinquante minutes de temps de parole : petits comptes d’apothicaire qui prétend enfermer dans un sablier un débat majeur, ridicule syndrome du chef de gare puisque la seule chose qui vous importe – je le disais à Bernard Accoyer encore ce matin – c’est cet horaire de quinze heures précises, comme si vous vouliez éviter à tout prix que le train de vos funestes réformes ne parte en retard.

Vous étiez paniqués ce matin à l’idée que les députés socialistes m’aient fait part de leur désir de profiter de la possibilité de disposer de cinq minutes pour une explication de vote personnelle.

Mme Valérie Rosso-Debord. Mais qu’ils le fassent ! C’est le règlement, règlement que nous avons voté, contrairement à vous !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous faites tout pour compliquer cette tâche, comme vous l’avez déjà fait à plusieurs reprises. S’ils veulent s’exprimer à titre individuel, c’est qu’ils ont reçu mandat de leurs électeurs. Demain, ou après-demain, ils retourneront dans leur circonscription pour expliquer la cause qu’ils ont défendue, la réforme qu’ils ont combattue et les propositions qu’ils ont faites au nom du groupe socialiste, radical, citoyen.

Mme Valérie Rosso-Debord. Il n’y en a aucune !

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, nous proposons bien un plan équilibré, financièrement et socialement.

M. Charles de La Verpillière. Mais oui, mais oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Il s’agit d’un plan juste et c’est dans cet esprit que nous avons abordé ce débat pour autant que vous acceptiez de le mener avec nous au lieu de caricaturer chacune de nos positions.

Je le dis, je le répète, l’âge légal doit rester fixé à soixante ans …

Mme Valérie Rosso-Debord. Avec décote !

M. Jean-Marc Ayrault. …car c’est une protection pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes, qui sont les plus modestes, et c’est une liberté pour les autres. Nous le rétablirons en 2012 si les Français nous font confiance.

Je le dis solennellement, l’âge de départ à la retraite sans décote doit rester fixé à soixante-cinq ans parce que c’est le meilleur rempart pour les hommes et femmes usés par des parcours chaotiques.

M. Patrick Roy. Oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Il est nécessaire de mettre en place la modulation des bonifications d’assurance et d’examiner leurs modes de versement, d’encourager aussi ceux qui le peuvent et qui le souhaitent à travailler plus longtemps.

Il n’y a aucune ambiguïté dans notre position. La retraite est un droit universel fondé sur des garanties collectives. C’est ce socle des droits qui est la seule garantie existante contre les dérives de la capitalisation du chacun pour soi. C’est ce socle des droits qui est la meilleure protection des salariés.

Nous sommes mandatés pour défendre un projet de solidarité et de liberté. Pour que cette liberté puisse s’exercer pleinement, l’information des salariés doit être complètement assurée, comme c’est le cas en Suède avec la fameuse enveloppe orange. Nous souhaitons que l’information des salariés français soit systématisée dans le temps. À une époque où la réalité du monde du travail est éclatée, l’exigence de justice sociale est celle d’une égalité qui soit réelle et pas seulement formelle, d’une égalité qui tienne compte des situations différentes des hommes et des femmes, et pas seulement des droits théoriques qui leur sont offerts.

En vous entêtant ainsi avec une réforme qui impose plutôt qu’elle ne propose, qui formate au lieu de libérer, vous apparaissez pour ce que vous êtes : des idéologues archaïques, enracinés dans la France du siècle passé. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. Le pire, c’est qu’il croit ce qu’il dit !

M. Patrick Roy. Vous devriez avoir honte !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs les députés de la majorité, il nous appartenait de construire une nouvelle étape de notre contrat social,...

M. Patrick Roy. C’est raté !

M. Jean-Marc Ayrault. ...de proclamer que, face à la dureté de la mondialisation, face à la violence du monde du travail, vous ne renoncez pas. Il vous revenait d’entendre ces hommes et ces femmes qui ne veulent pas de la pauvreté pour seul horizon, qui veulent que le travail soit symbole d’émancipation et non de résignation. Il vous incombait de porter haut et fort les valeurs de notre République, mais vous avez préféré opposer les Français les uns aux autres, distendre les solidarités, imposer en force une réforme injuste et de court terme.

Oui, il est encore temps de renoncer. C’est le sens de cette intervention, il est vrai au cœur de la nuit. Mais je l’ai considérée comme essentielle, et d’autres collègues parleront après moi, notamment du groupe GDR.

Cela a été, tout au long du débat, le sens de nos amendements qui caractérisent notre projet et contre-projet. Je le répète, une réforme est possible. Oui, faute de l’entendre aujourd’hui, vous allez convaincre chaque jour qui passe les Français à choisir l’alternance. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux amendements à l’article 26.

M. Patrick Roy. Le Gouvernement ne répond pas !

M. Christophe Sirugue. C’est scandaleux !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 253 et 530, tendant à supprimer l’article 26..

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 253.

M. Jean-Claude Sandrier. Selon L’INSEE, l’espérance de vie des ouvriers reste inférieure pour les hommes, de sept ans à celle des cadres – soixante-quatorze ans contre quatre-vingt-un ans. Et cet écart aurait augmenté d’un an en dix ans.

S’agissant de l’espérance de vie en bonne santé, les études établissent qu’au sein d’une vie déjà plus courte, les ouvriers passent moins de temps sans incapacité que les cadres et vivent plus longtemps qu’eux avec des incapacités et des handicaps.

Les personnes ayant effectué des travaux pénibles perçoivent leur pension de retraite pendant une durée plus courte et jouissent donc moins longtemps que les autres salariés d’un temps de vie à la retraite en bonne santé.

Pour compenser cette injustice flagrante, le Gouvernement a fait le choix, en lieu et place d’un dispositif collectif reconnaissant le droit aux salariés concernés par ces conditions pénibles de travail de partir de façon anticipée à la retraite, d’un dispositif d’une tout autre logique, individualisé, médicalisé, basé sur l’usure avérée, ignorant certaines formes de pénibilité, dont celle du travail posté, excluant nombre de salariés victimes du travail mais ne pouvant pas forcément justifier d’un taux d’incapacité de 20 % ou pour lesquels la maladie professionnelle n’est pas reconnue.

Rarement sans doute un gouvernement a cherché à tromper à ce point nos compatriotes, et sur un sujet aussi sensible que la santé de chacune et chacun, en tentant de leur vendre l’invalidité et l’inaptitude comme étant une prise en compte de la pénibilité du travail. Ceci fait sans conteste de cet article le plus cynique de votre projet de loi.

Ce nouveau dispositif d’incapacité physique de travail, réservé à quelque 10 000 personnes sur 700 000 départs en retraite par an, là où ne serait-ce que dans le secteur du BTP le nombre de salariés potentiellement concernés par la pénibilité est évalué à 44 000, est inacceptable. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 26.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour soutenir l’amendement n° 530.

Mme Marisol Touraine. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le dispositif est juste, opérationnel et maîtrisable. Il s’agit d’un droit nouveau. Cette mesure est capitale. La commission a donc rejeté ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous avons fait preuve de pédagogie dans nos débats pour vous faire comprendre la gravité de l’article 26 et la nécessité de le supprimer. La compréhension commence à se faire jour en pleine nuit dans vos esprits (Sourires sur les bancs du groupe UMP). J’en veux pour preuve que vous avez retrouvé le chemin de vos bancs alors que vous étiez en train de traîner dans les couloirs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...

Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur Muzeau, vous étiez avec nous à la buvette !

Mme la présidente. Monsieur Muzeau, merci d’en revenir au fond du débat !

M. Roland Muzeau. ...à la recherche d’une conviction que vous n’avez décidément plus puisque cela fait plusieurs heures que vous n’êtes pas intervenus dans ce débat.

Vous hésitez depuis plusieurs heures, et vous avez fait des progrès. Le Gouvernement n’arrive pas à vous convaincre sur sa réforme concernant la médecine du travail qui est une véritable catastrophe et un coup fourré pour les salariés. Certains d’entre vous sont montés au créneau. Malheureusement, ils se sont vite rassis.

Martine Billard, Jean-Claude Sandrier, Jean-Paul Lecoq et Marc Dolez notamment vous ont donné des exemples concrets de travailleurs qui souffrent. Cela ne suffit pas de leur dire que c’est la première fois en Europe qu’un Gouvernement traite de la pénibilité dans une loi, encore faut-il faire la démonstration – et c’est ce que nous avons fait – qu’il est possible de définir des critères, de recenser des métiers comme étant pénibles et qui ouvrent droit à une retraite anticipée.

Tout à l’heure, certains ont ri à l’évocation des exemples des ouvriers du bâtiment. Pourtant, quand on voit ces travailleurs à genoux en train d’étendre de l’asphalte, chauffé à 80 ou 90 degrés, il semble impensable de ne pas reconnaître le caractère pénible de leur métier. Chacun sait pourtant, y compris les chambres professionnelles, que 40 000 salariés du bâtiment relèvent des critères de pénibilité. Or, selon vos critères, ce sont 10 000 salariés qui pourront peut-être avoir accès à une retraite anticipée par le biais des 20 % d’incapacité, peut-être 20 000 autres grâce à cette nouvelle voie qu’est la charge de la preuve à apporter par le salarié qui a subi de mauvaises conditions de travail. Tout ceci ne tient pas debout et ne résiste pas aux exemples que nous vous avons donnés pendant des heures. Il vous reste quelques instants pour vous reprendre et voter cet amendement de salubrité publique qui vise à tout remettre sur la table, à renvoyer à des négociations qui ont été bloquées par le MEDEF pendant sept ans alors qu’elles figuraient dans les accords Fillon. Monsieur Bur et monsieur Jacquat, vous qui sévissiez déjà à l’époque, vous aviez dit que sans accord des partenaires sociaux, le Gouvernement reprendrait la main.

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Roland Muzeau. Or vous avez laissé vos mains dans vos poches, vous avez laissé le MEDEF gérer cette affaire. Et aujourd’hui, vous êtes allés jusqu’à adopter des amendements sur la médecine du travail issus du siège du MEDEF. Vous vous apprêtez à voter l’article 26 qui est un mauvais coup pour les travailleurs qui souffrent au quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je veux vous livrer le témoignage d’un salarié de l’agro-alimentaire qui explique quel est son travail.

Un exemple dans l’entreprise où je suis exploité, dit-il. Un poste : accrocheur de jambons. Nous sommes trois opérateurs. La cadence doit être de 360 porcs découpés à l’heure, deux jambons par porc, douze kilos en moyenne de jambon, ce qui fait par heure et par opérateur 2,885 tonnes de kilos de viande, placés sur balancelles. Chaque opérateur soulève ainsi 48 kilos de jambon par minute. Ce sont des faits réels et un exemple parmi des milliers d’autres, ajoute-t-il. Combien de temps peut résister une personne normalement constituée à de tels travaux ? Il ajoute : les sportifs de haut niveau dont l’effort physique est comparable finissent leur carrière vers trente-sept ans.

Avec une espérance de vie inférieure de sept ans à celle des cadres, les ouvriers dans leur ensemble enregistrent dans leur existence même les conséquences des formes d’usure engendrées par le travail. On entend dire qu’avoir quarante-cinq ans, c’est être dans la force de l’âge. Mais, dans l’agro-alimentaire, avoir cet âge est synonyme de douleur, souffrance, usure, troubles musculo-squelettiques, accidents de travail, maladies professionnelles. Cette souffrance devient chronique, insidieuse, elle accapare notre corps.

Il dit encore ceci : les temps du cycle de travail ont diminué ces dernières années pour se situer autour de la minute, voire de la seconde pour certains opérateurs à la chaîne. Les ergonomes et médecins du travail ont porté une attention particulière aux risques liés à la réduction du temps de cycle, à l’intensification du travail. Ainsi en est-il, dans mon usine, à la découpe primaire sur la ligne porc, là où nous scions et séparons les carcasses. Un coup de couteau égale une seconde, chaque poste ne pouvant dépasser huit secondes. Et dans ce temps de travail est intégré l’affilage du couteau, les contraintes de mobilité, les impondérables : viande dure, couteaux mal aiguisés, viande souillée à retirer du circuit pour cause sanitaire.

En jouant sur les efforts et les amplitudes posturales, le patronat vise constamment des gains de vitesse et des réductions de coûts. Pour répondre à ces exigences de performance, les gestuelles sont de plus en plus intégrées.

Je terminerai en citant une des phrases de son témoignage : si nous exigeons une reconnaissance de la pénibilité, ce n’est pas pour compenser les mauvaises conditions de travail que nous voulons voir améliorées, mais pour une réparation permettant à des salariés usés prématurément de profiter d’une retraite bien méritée.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. J’ai récemment visité une entreprise de jambon où les travaux sont en effet particulièrement difficiles. Or cette entreprise a mis en place une équipe pluridisciplinaire comprenant notamment un médecin du travail et un ergonome. On a examiné de quelle manière étaient organisés les postes de travail ; on a limité la pénibilité liée à l’activité consistant à soulever des jambons toute la journée ; on a adapté le matériel et réorganisé les postes afin de réduire les troubles musculo-squelettiques. Voilà une bonne manière de réduire la pénibilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Le groupe GDR ne dispose plus que de quarante-cinq secondes exactement de temps de parole.

Mme Martine Billard. C’est bien précis, comme système !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, vous venez de brosser un tableau qui ne correspond pas à la réalité.

M. Guy Teissier. Mais si !

M. André Chassaigne. Laissez-moi vous donner le nom de l’auteur du témoignage dont je vous ai fait part. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’UMP. Non !

M. André Chassaigne. Il s’agit de Michel Le Goff, du groupe Bigard. À travers son récit, il s’est fait le porte-parole de tous ces ouvriers, tous ces salariés du secteur agroalimentaire qui vivent dans des conditions vraiment déplorables.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vos quarante-cinq secondes sont terminées !

M. André Chassaigne. Comme il l’explique, quand ces salariés parviennent à l’âge de quarante-cinq ans, ils sont déjà usés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est fini, votre temps de parole est épuisé !

M. André Chassaigne. Quant au respect de la législation, pour bien montrer à quel point vos propos sont déconnectés de la réalité, laissez-moi citer l’article L. 4121-1 du code du travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

« Ces mesures comprennent :

« 1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

« 2° Des actions d’information et de formation ;…

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous parlez depuis plusieurs minutes !

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. …3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. »

Or cette loi n’est absolument pas appliquée. (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.) Les différentes jurisprudences le montrent bien. Dans la réalité, ces travailleurs souffrent.

Mme la présidente. Il est temps de conclure, mon cher collègue !

M. André Chassaigne. Ils peuvent aujourd’hui partir à l’âge de soixante ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais devraient partir demain à soixante-deux ans, et sans doute, même, à soixante-cinq ans…

Mme la présidente. Merci, monsieur Chassaigne. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. André Chassaigne. Je n’ai pas terminé !

Mme la présidente. Le temps de parole du groupe GDR, donc le vôtre, monsieur Chassaigne, est épuisé.

Plusieurs députés du groupe GDR. Il n’a pas terminé !

M. Roland Muzeau. Ça ne marche pas !

M. Christian Hutin. C’est une honte !

Mme la présidente. Le temps de parole du groupe GDR est épuisé et seul votre président de groupe dispose, au moment où je vous parle, d’une heure et cinquante minutes, qu’il utilisera quand il le souhaitera. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Martine Billard. Notre temps de parole est peut-être épuisé mais pas nous !

M. Maxime Gremetz. Qu’est-ce que ça veut dire, madame la présidente ? Qu’êtes-vous en train de faire ?

Mme la présidente. Calmez-vous, mes chers collègues. Il ne sert de rien de s’énerver. (Protestations continues sur les bancs du groupe GDR.) Au début de la séance, j’ai pris la peine de rappeler le temps de parole dont disposait chaque groupe. Il restait au groupe GDR exactement vingt-huit minutes. Vous avez donc épuisé votre temps de parole. (Mêmes mouvements.)

Votre président de groupe, j’y insiste, peut encore s’exprimer pendant exactement une heure et cinquante minutes. Le président Ayrault vient d’utiliser une heure pour son groupe. (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Il leur reste huit ou dix heures, à l’UMP ! Qu’ils se montrent donc généreux et nous en fassent profiter !

Mme la présidente. Cela ne sert à rien de rester debout, mes chers collègues.

M. Maxime Gremetz. Soyez démocrates, chers collègues de l’UMP ! (Protestations continues sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Personne n’entend ce que vous dites. Je vous propose de vous calmer, de respecter nos règles communes.

(Les amendements identiques nos 253 et 530 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 287.

M. Maxime Gremetz. Soyez démocrates !

Mme Martine Billard. Nous voulons travailler plus et mieux !

M. Jean-Pierre Decool. Il s’agit de prendre en compte l’accident de trajet qui est également un accident du travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a estimé que le présent dispositif n’avait pas vocation à s’appliquer aux accidents de trajet et a donc repoussé cet amendement.

M. Marc Dolez. Ce règlement est un scandale !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Même avis.

(L’amendement n° 287 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, pour soutenir l’amendement n° 727 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 764.

M. Maxime Gremetz. Il va pouvoir parler, lui ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il s’agit de l’amendement faisant passer de 20 à 10 %...

M. Maxime Gremetz. C’est incroyable, 10 % de quoi ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. …le taux d’incapacité permanente qui permettra au salarié de faire valoir ses droits à la retraite à soixante ans. Ce dispositif touchera 30 000 personnes au lieu de 10 000 si l’on s’en tient au taux de 20 %.

Il permettra également de réunir une commission au niveau territorial pour prendre en compte la carrière du salarié qui souhaite utiliser ce droit nouveau. Cette mesure concerne évidemment une population ouvrière, féminine car le taux de 10 % d’incapacité permanente est assez couramment atteint, par exemple dans le secteur agroalimentaire, monsieur Chassaigne, dans ceux de la grande distribution, du bâtiment.

Ce taux sera donc vérifiable par des médecins au sein d’une commission qui pourra juger de situations objectives et qui permettra à 30 000 travailleurs, s’ajoutant à ceux qui ont commencé à travailler tôt, de partir à la retraite à l’âge de soixante ans.

Mme la présidente. La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir le sous-amendement n° 764.

M. Yanick Paternotte. Faute d’étude d’impact préalable, nous proposons qu’avant le 20 décembre 2013, c’est-à-dire d’ici à trois ans, le Gouvernement s’engage à présenter au Parlement un rapport sur les conséquences des dispositions prévues par l’amendement n° 727 rectifié. Il s’agit, conformément à la loi organique, d’examiner les prévisions et de mesurer l’impact financier de la mesure prévue.

Mme Martine Billard. Une étude d’impact se réalise avant, pas après !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement et sur l’amendement ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. En ce qui concerne le sous-amendement n° 764, il est satisfait par le rapport prévu à l’article 27 ter. Avis défavorable.

Pour ce qui est de l’amendement du Gouvernement, il constitue un pas supplémentaire dans la prise en compte des situations de pénibilité. D’autre part, ce dispositif va profiter dès à présent à 30 000 personnes par an dont l’état de santé se trouve dégradé. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 764 ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, rapporteur. Défavorable.

M. Yves Cochet. Je demande la parole

Mme la présidente. Monsieur Cochet, laissez-moi répondre à la question soulevée par votre groupe qui a estimé qu’il bénéficiait d’un temps de parole supplémentaire dans la mesure où nous examinions un amendement du Gouvernement. Nous en sommes toujours à l’article 26 et, dans le cadre du temps qui vous a été imparti, vous avez déjà épuisé le temps supplémentaire dont vous disposiez.

Mme Martine Billard. Non ! Le temps supplémentaire vaut pour chaque amendement et non pour chaque article !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais si !

Mme la présidente. Ne dites pas non, madame Billard ! Nous appliquons le règlement et c’est en vertu du règlement que votre groupe a épuisé son temps de parole. (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

La parole est à M. Yves Cochet pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Madame la présidente, une fois de plus, de même qu’au cours du débat sur La Poste il y a quelques mois, mais aussi au moment du débat sur le Grenelle 2, nous constatons l’impossibilité de toute modulation depuis que nous avons adopté ce règlement contre lequel nous avons du reste voté.

M. Marc Dolez. C’est un règlement scélérat !

M. Yves Cochet. L’impossibilité de modulation dès lors qu’il s’agit de grandes lois, La Poste, le Grenelle 2 et maintenant les retraites – dont il paraît, aux yeux du Président de la République, qu’il s’agit du projet du quinquennat – nous conduit à un déni de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est exactement cela !

Il n’est pas normal que sur des lois aussi importantes, le groupe GDR – et peut-être bientôt le groupe SRC – soient privés de parole. C’est anormal dans une démocratie représentative. Les députés doivent pouvoir s’exprimer. Je le redirai au besoin.

Vos services ont établi il y a dix minutes, juste avant la prise de position de M. Chassaigne, que nous disposions de quatre minutes et dix-neuf secondes. M. Chassaigne a utilisé cette durée pour son intervention, épuisant par la même occasion le temps de parole du groupe, raison pour laquelle mes collègues ont manifesté leur mécontentement à juste titre.

En revanche, il est explicitement indiqué que sur les amendements du Gouvernement, nous disposons de dix minutes sur l’amendement n° 729 rectifié, dix minutes sur l’amendement n° 726 deuxième rectification, dix minutes sur l’amendement n° 731 rectifié et dix minutes sur l’amendement n° 733 rectifié. Ce temps n’a donc pas pu être décompté avant même que ces amendements aient pu être présentés ! Il nous reste donc quarante minutes de temps de parole pour examiner ces quatre amendements du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine. Tout à fait !

Mme la présidente. Je tiens d’abord à m’exprimer sur le mot « arnaque » qui a été prononcé. Je tiens à rappeler que les comptes sont établis par nos services, qui sont tout sauf des arnaqueurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Claude Sandrier. Nous n’avons pas dit cela ! Nous ne parlions pas des services !

Mme la présidente. Je ne vous accuse pas ! Le mot a été prononcé pendant que M. Cochet s’exprimait.

J’ai sous les yeux l’ensemble des articles et des amendements portant articles additionnels sur lesquels dix minutes supplémentaires sont accordées à chaque groupe en application de l’article 55, alinéa 6, du règlement. Il s’agit de : l’amendement n° 734 portant article additionnel après l’article 1er, de l’article 23, de l’amendement n° 735 portant article additionnel après l’article 24 quater, de l’amendement n° 730 portant article additionnel après l’article 25 et de l’article 26. Vous avez déjà utilisé le temps dont vous disposiez pour ces amendements et articles.

Il vous reste donc, dès lors que nous aborderons l’article 27 ter

Plusieurs députés du groupe GDR. Non !

Mme la présidente. Ne dites pas non !

M. Christian Paul. Ils en ont bien le droit !

Mme la présidente. Je suis en train de vous lire la note de nos services, ne dites donc pas « non » avant de l’avoir entendue dans son intégralité. Vous disposerez donc de temps supplémentaire pour les amendements nos 729 rectifié, 726 deuxième rectification, 731 rectifié et 733 rectifié, portant articles additionnels après l’article 27 ter.

M. Christian Jacob. Voilà !

Mme Martine Billard. Il s’agit donc bien de temps supplémentaire par amendement !

Mme la présidente. Quant à l’amendement n° 727 rectifié, il concerne l’article 26 et nous avons entamé son examen alors que votre temps de parole sur cet article était déjà épuisé. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Vous disposerez de dix minutes par article. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Plusieurs députés du groupe GDR. Non, par amendement !

Mme la présidente. Le temps, j’y insiste, est accordé sur l’article !

M. Marc Dolez. Ce n’est pas ce qui était convenu !

Mme la présidente. À l’article 26, vous souteniez un amendement, soit dix minutes. Ces dix minutes vous ont été accordées pour l’article 26. Il vous reste potentiellement quarante minutes au titre de l’article 27 ter, que nous n’avons pas encore abordé.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous interprétez le règlement, madame la présidente !

Mme la présidente. Je n’interprète pas le règlement, ouvrez-le, lisez-le et vous en saurez autant que moi, monsieur Lecoq.

Article 26 (suite)

Mme la présidente. Nous allons pouvoir passer au vote.

M. Yanick Paternotte. Je retire mon sous-amendement.

(Le sous-amendement n° 764 est retiré.)

(L’amendement n° 727 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 321, présenté par M. Jean-Pierre Decool, est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Même avis.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Decool ?

M. Jean-Pierre Decool. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n° 321 est retiré.)

(L’article 26, amendé, est adopté.)

Article 26 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Teissier, inscrit sur l’article 26 bis.

M. Guy Teissier. Nos collègues communistes ont énuméré tout un tas de professions à la pénibilité sans doute reconnue.

Mme Martine Billard. Il y en a d’autres !

M. Guy Teissier. Je souhaiterais en évoquer une que personne, pour le moment, n’a citée. Il s’agit d’une profession très honorable, qui permet à nos concitoyens de dormir en paix, pendant que nous travaillons.

M. Pascal Terrasse. Les militaires !

M. Guy Teissier. Je veux parler en effet des militaires.

M. Pascal Terrasse. On en a déjà parlé !

M. Guy Teissier. Je sais, mais je souhaite que nous y revenions. Au demeurant, ce n’est pas vous qui en avez parlé, c’est M. Pinte.

M. Pascal Terrasse. J’ai parlé aussi des militaires !

M. Guy Teissier. Le projet de loi qui nous est présenté tend à faire des militaires des fonctionnaires comme les autres. Or, la fonction de soldat est très spécifique. Du reste, ils bénéficient d’un statut différent. Faut-il rappeler que les engagés paient le prix du sang sur les théâtres d’opérations ? Cela suffit à montrer que le travail de soldat, le métier de militaire, est très différent des autres.

M. Pascal Terrasse. Il est pénible !

M. Guy Teissier. Il est aussi pénible, en effet.

M. Pascal Terrasse. Et nous ne voulons pas d’une armée de vieux !

M. Guy Teissier. Nous sommes bien d’accord, monsieur Terrasse.

M. Pascal Terrasse. C’est pourtant ce que vous faites !

M. Guy Teissier. Je rappelle que 70 % de nos militaires sont des contractuels. Certes, ce sont des agents de l’État, mais ce ne sont pas des fonctionnaires. Ils constituent donc un cas unique dans la République, puisque ce sont des CDD de la fonction publique. Une armée opérationnelle, c’est une armée jeune, solide physiquement et psychiquement. Il est donc nécessaire de mener une politique de ressources humaines particulièrement dynamique en termes de flux d’entrée et de sortie. Le système des pensions militaires doit en tenir compte et permettre le déroulement de carrières courtes.

Les jeunes soldats sont généreux et vont au bout de leur engagement. Mais, comme tout le monde, ils ont besoin de reconnaissance. Un projet de loi réformant les retraites qui ne reconnaît pas leur mérite sera donc forcément considéré par eux comme injuste. En effet, ils devront travailler plus de quatre ans de plus pour percevoir une retraite identique à celle qu’ils peuvent percevoir aujourd’hui. Je rappelle qu’actuellement, un homme du rang perçoit, après quinze ans de service, 600 euros. Dans le nouveau système, monsieur le ministre, il percevra 550 euros après dix-sept années de service.

Mme Jacqueline Fraysse. Et vous allez voter le projet de loi ?

M. Guy Teissier. C’est mon droit de m’exprimer et de tenter de ramener le Gouvernement dans la bonne voie. En demandant un effort supplémentaire de quatre ans à nos militaires contractuels, on risque fort d’accentuer le problème de la fidélisation, qui est déjà critique. Il faut donner à nos jeunes soldats un horizon visible et cohérent avec les aspirations des jeunes d’aujourd’hui. Repousser l’horizon de quinze ans à dix-neuf ans et demi n’est pas cohérent et c’est contraire à leur mode de pensée. En effet, peut-on encore parler de carrières courtes après vingt ans de service ?

J’ai donc cosigné un amendement de notre collègue Pinte, qui propose de maintenir le droit à jouissance immédiate de la retraite après quinze ans de service. De la même manière, refuser aux militaires le bénéfice de mesures adoptées pour les titulaires sans droits de la fonction publique est une aberration qu’il convient de corriger, monsieur le ministre. C’est un problème de justice et, pour nos soldats, un problème de cohérence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le débat est étrange. Monsieur le président de la commission de la défense, au début de nos discussions, M. Pinte, M. Nauche et moi-même avons suggéré que l’on sorte la question des militaires du débat, car ces mesures ont tout de même des conséquences sur le périmètre et le profil des armées. Or, M. Tron m’a répondu que cela avait été négocié avec le ministère de la défense. Je vois que vous protestez, monsieur le président de la commission de la défense.

M. Guy Teissier. Absolument !

M. Alain Vidalies. C’est donc que ce qu’a dit M. Tron n’est pas exact. Force est de constater qu’une des conséquences particulières du projet de loi pose un problème politique majeur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 26 bis.

M. Jean-Paul Lecoq. Peut-on encore voter ?

Mme la présidente. Oui, bien entendu.

(L’article 26 bis est adopté.)

Après l’article 26 bis

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 26 bis.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 119.

M. Jean-Pierre Decool. Nous souhaitons que le Gouvernement adresse au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport sur les modalités selon lesquelles la notion de pénibilité peut être adaptée pour s’appliquer aux sapeurs pompiers volontaires, qui sont actuellement les plus nombreux parmi les sapeurs pompiers.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Decool ?

M. Jean-Pierre Decool. Oui, je le maintiens.

M. Pascal Terrasse. C’est un rapport. La commission et le Gouvernement pourraient nous donner des explications !

(L’amendement n° 119 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 120.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Nous proposons que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les modalités selon lesquelles la notion de pénibilité peut être adaptée pour s’appliquer aux travailleurs et anciens travailleurs victimes de l’amiante. Je rappelle que l’on estime à 100 000 le nombre des personnes qui décéderont à cause de l’amiante d’ici à 2025.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Decool, le dispositif applicable aux travailleurs de l’amiante est bien plus favorable que celui de la pénibilité. Les problèmes de l’exposition à l’amiante sont spécifiquement pris en compte.

M. Jean-Paul Lecoq. Et les autres maladies ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ainsi, le départ à la retraite à partir de cinquante ans est maintenu et l’âge de départ diminue en fonction de la durée d’exposition à l’amiante. Je rappelle, du reste, que c’est Jacques Barrot, et non le parti socialiste, qui a interdit l’amiante en France en 1996.

M. André Chassaigne. Le dispositif n’est pas appliqué !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, compte tenu de vos explications, je retire mon amendement. Mais je serai très vigilant quant à l’application de ce dispositif en faveur des victimes de l’amiante.

(L’amendement n° 120 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 686.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il est satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Même avis que la commission.

(L’amendement n° 686 n’est pas adopté.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le trésorier de l’UMP, combien vendez-vous votre temps de parole ? (Sourires.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 333 rectifié.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Nous avons vu, tout au long de ces débats, combien il est important de rénover notre système de santé au travail. Si nous avons pris, ce soir, de nombreuses dispositions concernant le système privé, il nous reste à étudier l’ensemble du système de santé au travail, en France et à l’étranger. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport présentant une analyse comparative des différents systèmes de santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Favorable. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Encore un rapport !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Tout cela manque de cohérence. Après avoir voté la réforme de la médecine du travail, on demande qu’un rapport nous présente des études comparatives. Autrement dit, on a démoli la maison, et maintenant, on va demander une expertise.

M. Maxime Gremetz. Exactement !

(L’amendement n° 333 rectifié est adopté.)

M. Maxime Gremetz. Un rapport de plus !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 332.

La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Pour faire plaisir à M. Gremetz, nous demandons un autre rapport, qui doit permettre d’évaluer les possibilités de certification en France. Tout à l’heure, nous avons déjà proposé l’engagement dans des démarches qualité. Nous souhaitons également que le Gouvernement nous remette un rapport sur l’ensemble de la certification.

(L’amendement n° 332, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Article 27

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, inscrit sur l’article 27.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, il reste trois heures trente de temps de parole au groupe Nouveau Centre, mais, compte tenu de l’heure tardive, je renonce à mon intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux amendements à l’article 27.

Je suis saisie d’un amendement n° 260, tendant à supprimer l’article 27, mais le groupe GDR, qui n’a plus de temps de parole, ne peut le présenter. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Quel est l’avis de la commission ?

M. Maxime Gremetz. Je répondrai au Gouvernement !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable !

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, je veux répondre au Gouvernement !

(L’amendement n° 260 n’est pas adopté.)

M. Maxime Gremetz. J’ai le droit de répondre au Gouvernement !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, lisez le règlement, et les choses iront beaucoup mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 703 rectifié.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Il est défendu !

(L’amendement n° 703 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 94.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n° 94, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 261.

(L’amendement n° 261, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 704.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Il est défendu !

(L’amendement n° 704, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 27, amendé, est adopté.)

(M. Bernard Accoyer remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

M. Maxime Gremetz. Voilà comment on perd sa place ! (Sourires. – Mme Catherine Vautrin quitte l’hémicycle sous les applaudissements du groupe UMP.)

Présidence de M. Bernard Accoyer

Après l’article 27

M. le président. Nous en arrivons aux amendements portant articles additionnels après l’article 27

Je suis saisi d’un amendement n° 543.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il est défendu.

(L’amendement n° 543, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président Je suis saisi d’un amendement n° 546.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Défendu !

(L’amendement n° 546, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 552.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Nous proposons qu’une négociation nationale interprofessionnelle détermine les moyens susceptibles d’être mis en œuvre par les CHSCT pour prévenir la pénibilité. Tout à l’heure, M. le ministre a indiqué que la négociation était en cours, mais je souhaitais insister sur ce point important dans le cadre de la prévention de la pénibilité.

(L’amendement n° 552, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 27 bis

(L’article 27 bis est adopté.)

Après l’article 27 bis

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 491 portant article additionnel après l’article 27 bis, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Pierre Gosnat. Monsieur le président, de combien de temps de parole disposons-nous sur cet amendement ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement n° 491.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, 130 000 à 150 000 personnes en France pourront partir en retraite à soixante ans ou avant au titre des longues carrières ou de la mesure « 10 % ». C’est là une situation que l’on ne retrouve pas dans d’autres pays. Il peut pourtant se trouver des salariés ayant commencé à travailler à dix-neuf ans dans des métiers pénibles – l’agro-alimentaire ou le bâtiment – et ne pouvant bénéficier de ces deux mesures. C’est pourquoi, avec Denis Jacquat et de nombreux autres collègues, nous proposons un amendement constituant une réponse complémentaire, l’objectif étant de favoriser la négociation collective, soit au niveau des branches, soit au niveau des entreprises.

Il est de la responsabilité du législateur de poser un cadre législatif souple en prévision d’accords collectifs sur la pénibilité. La méthode proposée repose sur trois principes. Premièrement, il convient de favoriser l’expérimentation et l’évaluation – celle-ci devant intervenir avant le 30 septembre 2013. Deuxièmement, de laisser la place à la négociation et d’offrir un cadre souple pour répondre à la diversité des situations ; il est vrai que certaines entreprises, notamment Rhodia, ARKEMA ou EADS, ont déjà développé de tels projets d’entreprise, qui permettent de favoriser le temps partiel lorsque des salariés atteignent cinquante-sept ou cinquante-huit ans, ou de prendre en compte un certain nombre de dispositions au moyen du tutorat. Au-delà de ce cadre, cet amendement propose la création d’un fonds de mutualisation.

Je souhaite que pour la mise en mouvement de ce dispositif, son incitation, le Gouvernement puisse y apporter sa contribution. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous fassiez connaître votre position, étant précisé que les entreprises qui se sont engagées sur cette voie ont pu ainsi valoriser des seniors et développer les formules d’apprentissage. Je rappelle que seulement 9 % des jeunes entre quinze et dix-neuf ans combinent études et emploi, et que chaque année, 17 % des jeunes sortent du système scolaire sans diplôme. C’est pourquoi cette voie offre une vraie possibilité de valoriser le travail des seniors et de permettre à certains d’entre eux de partir un peu plus tôt, renforçant ainsi le sens de la justice de notre réforme.

M. le président. Sur l’amendement n° 491, le Gouvernement a déposé trois sous-amendements, nos 736 rectifié, 737 deuxième rectification et 738 deuxième rectification.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement est favorable à l’amendement déposé par M. le président de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement très important, qui élargit les dispositifs de pénibilité et donne la possibilité aux branches de négocier des aménagements de fin de carrière, comme cela a été le cas dans un certain nombre de grandes entreprises. Nous devons généraliser ces mesures en en discutant branche par branche, pour les salariés ayant été exposés à des facteurs de pénibilité. Par ailleurs, le comité scientifique permet de continuer à travailler sur le lien entre pénibilité et facteurs d’exposition.

Le sous-amendement n° 736 rectifié supprime la cessation d’activité totale de l’amendement n° 491. Nous considérons en effet qu’il ne faut pas recréer un système de préretraite, ce qui serait un mauvais signal donné à la société française, puisque cette majorité a supprimé pratiquement tous les systèmes de préretraite : on ne peut pas à la fois souhaiter inciter à l’emploi des seniors et, en même temps, créer des substituts à la préretraite.

M. Daniel Paul. Et si les salariés doivent être malades, cela n’a aucune importance !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le sous-amendement n° 737 deuxième rectification prévoit que lorsqu’une entreprise a elle-même mis en place un fonds au moyen d’un accord d’entreprise, elle est exonérée de la contribution au fonds mutualisé, afin de ne pas régler deux fois la même contribution.

Enfin, le sous-amendement n° 738 deuxième rectification prévoit la création d’un fonds d’État expérimental qui permettra d’inciter les entreprises à souscrire à des dispositifs d’accompagnement. Ce fonds sera abondé par l’État et par la branche ATMP. Nous en fixerons le montant lors du débat budgétaire.

M. Yves Cochet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, si notre règlement prévoit que les députés puissent déposer des sous-amendements, en revanche, en ce qui concerne le Gouvernement, il ne fait état que des amendements – et non des sous-amendements – qu’il peut déposer. Un sous-amendement peut-il être considéré comme un amendement ? Nous considérons que oui, puisque le règlement ne prévoit que les amendements du Gouvernement, et non les sous-amendements, dont il n’est question nulle part.

Du point de vue du règlement, les sous-amendements présentés par le Gouvernement ne peuvent être que des amendements. Dès lors, il doit être fait application de la règle générale selon laquelle chaque groupe dispose de dix minutes de temps de parole par amendement du Gouvernement.

M. Denis Jacquat. Ah non !

M. Yves Cochet. Puisque la séance a accepté que le Gouvernement présente ces trois sous-amendements, je vous demande d’appliquer la règle générale qui, elle, figure en toutes lettres dans le règlement de notre assemblée, et d’accorder dix minutes à chaque groupe par amendement du Gouvernement.

Mme Laurence Dumont. C.Q.F.D. !

M. le président. Monsieur le président Cochet, seuls les amendements donnent droit à un temps de parole supplémentaire. Cela n’a jamais été le cas pour les sous-amendements. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux ! Les sous-amendements du Gouvernement, ça n’existe pas !

Après l’article 27 bis (suite)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements et les sous-amendements en discussion ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a accepté l’amendement n° 491, qui constitue une initiative importante. D’autre part, elle a donné un avis favorable aux trois sous-amendements qui en précisent la portée, notamment pour le financement.

M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 736 rectifié…

M. Yves Cochet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Votre réponse ne me paraît pas satisfaisante, monsieur le président. Le règlement de notre assemblée ne prévoit pas, en effet, que le Gouvernement dépose des sous-amendements : cela n’existe pas ! Dès lors, un sous-amendement du Gouvernement n’est rien d’autre qu’un amendement du Gouvernement, qui ouvre légitimement droit à dix minutes par groupe et par amendement.

M. le président. Monsieur Cochet, je vous confirme que seuls les amendements du Gouvernement déposés hors délai donnent droit à un temps de parole supplémentaire. Les sous-amendements n’étant pas soumis à un délai de dépôt, ils ne peuvent être pris en compte à ce titre. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Marc Dolez. Mais c’est indiqué par la séance dans un encadré !

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Il devient assez difficile de suivre la séance, monsieur le président. (M. Gremetz, qui tente de monter à la tribune, en est empêché par les huissiers.) Nous avons, en vain, essayé de comprendre quels étaient les amendements ou sous-amendements sur lesquels nous étions susceptibles de disposer de temps supplémentaire pour nous exprimer.

M. André Chassaigne. C’est scandaleux !

Mme Marisol Touraine. Si le Gouvernement a déposé des sous-amendements à un amendement important du président de la commission, c’est qu’il a l’intention de modifier de façon substantielle des éléments de cet amendement. Dès lors, il est logique que nous ayons la possibilité de nous exprimer sur cet élément nouveau. C’est pourquoi je soutiens la démarche de nos collègues du groupe GDR.

Par ailleurs, le groupe socialiste, qui dispose encore de temps de parole, souhaite intervenir sur le fond du débat engagé. Or, monsieur le président, vous avez annoncé le vote sur les sous-amendements avant que nous ne puissions prendre la parole. Avez-vous décidé que nous n’avions pas le droit de nous exprimer sur certains amendements, alors même que nous avons encore du temps de parole ?

M. Marc Dolez. C’est de l’ostracisme !

Mme Marisol Touraine. En ce qui nous concerne, au sujet de l’amendement n° 491, que l’on pourrait appeler « l’amendement Rhodia », nous avons montré lors des débats en commission qu’un certain nombre d’entreprises – trop peu, à notre goût – se sont engagées dans des pratiques vertueuses afin d’améliorer les conditions de travail de leurs salariés, en particulier les plus âgés. Cette politique consistant à faire en sorte que les fins de carrière des salariés se déroulent dans de meilleures conditions, ce qui doit se répercuter sur le niveau d’emploi des plus de cinquante-cinq ans, n’a strictement rien à voir avec une politique de prise en compte de la pénibilité.

On comprend bien, en écoutant M. le président de la commission, que le thème de la pénibilité est devenu l’un des enjeux majeurs de ce projet de loi au cours des semaines passées et que pour cette raison, il a fallu trouver en urgence un élément pouvant donner aux Français le sentiment que l’on répondait à cette question. Le Gouvernement a répondu de façon tout à fait insuffisante en modifiant les taux d’incapacité, tandis que, de leur côté, les parlementaires de la majorité émettent une proposition qui n’a rien de nouveau, à savoir permettre aux entreprises qui le souhaitent d’aménager les conditions de travail de leurs salariés. Premièrement, c’est un amendement de dupe, puisque ce dispositif existe déjà – ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle « amendement Rhodia » ; deuxièmement, il ne s’agit en rien d’aménager la pénibilité ; troisièmement, les conditions d’aménagement se font sans aucune contrainte pour les entreprises, ce qui fait qu’elles resteront purement virtuelles : seules les entreprises qui le souhaitent s’engageront dans cette voie, les autres pouvant continuer comme elles le font aujourd’hui. En fait, cet amendement favorise les démarches engagées dans les grandes entreprises plutôt que de chercher à élargir le dispositif vers les petites entreprises.

L’amendement de M. Méhaignerie va, certes, dans le bon sens : personne ne peut être hostile à ce que les entreprises mettent en place de bonnes pratiques pour la fin de carrière de leurs salariés. Ce que nous récusons, c’est le lien établi entre ces bonnes pratiques et la lutte contre la pénibilité. En revanche, le sous-amendement du Gouvernement ayant pour conséquence d’enlever toute perspective de cessation anticipée d’activité montre bien que l’enjeu n’est pas celui que certains prétendent inscrire dans ce sous-amendement. M. Méhaignerie devrait donc, s’il était cohérent avec sa volonté déclarée de proposer un dispositif de prise en compte de la pénibilité, affirmer qu’il ne peut pas accepter le sous-amendement du Gouvernement, qui dénature complètement l’esprit même de ce qu’il disait rechercher.

M. le président. Pour la clarté de nos débats, je voudrais préciser que le petit encadré figurant en haut à gauche des sous-amendements présentés par le Gouvernement relève d’une inadaptation de notre système informatique à l’article 99 de notre règlement. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Les services de l’Assemblée travaillent mal, c’est ce que vous nous dites ? C’est scandaleux !

Après l’article 27 bis (suite)

M. le président. Je vais mettre aux voix les sous-amendements du Gouvernement, qui ont reçu un avis favorable de la commission.

(Le sous-amendement n° 736 rectifié est adopté.)

(Le sous-amendement n° 737 deuxième rectification est adopté.)

(Le sous-amendement n° 738 deuxième rectification est adopté.)

(L’amendement n° 491, sous-amendé, est adopté.)

M. Maxime Gremetz. C’est vraiment incroyable ! Envoyez les CRS dans l’hémicycle ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. Yves Cochet. Monsieur le président, vous parlez de sous-amendements présentés par le Gouvernement. Or, lorsque l’on regarde la liasse que nous avons tous, on voit un encadré, en haut à gauche, qui parle d’« amendement ». En effet, dans le Règlement, il n’y a pas de terme prévu pour des « sous-amendements » du Gouvernement.

Je lis l’encadré : « Amendement prévoyant l’application des dispositions des deux derniers alinéas de l’article 99 ». Vous avez rappelé cette partie, mais vous n’avez pas lu la phrase jusqu’au bout. Or elle précise : « et du dernier alinéa de l’article 55 ».

M. Maxime Gremetz. Le président ne sait pas lire !

M. Yves Cochet. Je vais donc lire le dernier alinéa de l’article 55 du Règlement. Celui-ci dispose : « Lorsque le Gouvernement ou la commission saisie au fond font usage de la faculté qui leur est reconnue par l’article 99, alinéa 2, de déposer un ou plusieurs amendements après l’expiration du délai opposable aux députés, dans le cadre d’un débat organisé selon la procédure prévue par l’article 49, alinéa 5, un temps supplémentaire est attribué à chaque groupe et aux députés non inscrits en plus de celui fixé en application de l’article 49, alinéa 6, à la demande d’un président de groupe, pour la discussion de l’article sur lequel l’amendement a été déposé ou, le cas échéant, de l’article additionnel. »

M. Maxime Gremetz. Voilà ! Les services ont raison, le président a tort !

M. Yves Cochet. C’est donc bien ce qui est marqué à propos du Gouvernement : un temps supplémentaire de dix minutes est attribué à chaque groupe, comme sur les autres amendements du Gouvernement. Je pense donc qu’il y a là une erreur de la part de la présidence, car vous n’avez pas accordé, malgré ma demande, le temps supplémentaire sur les amendements du Gouvernement. Nous avions trois fois dix minutes.

M. le président. Je vais vous rassurer, monsieur Cochet : je reconnais volontiers qu’il y a une erreur informatique, qui sera évidemment réparée dans les meilleurs délais.

L’amendement de M. Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, a été déposé dans les délais.

M. André Gerin et M. Maxime Gremetz. Cela n’a rien à voir !

M. le président. Comme je viens de vous l’expliquer, les sous-amendements, qu’ils viennent du Gouvernement ou de quelqu’un d’autre, ne donnent pas droit à un temps de parole supplémentaire. (Vives protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Vous mettez en cause les services de l’Assemblée, c’est incroyable !

M. le président. Rassurez-vous : tous les amendements du Gouvernement qui vont venir maintenant en discussion donnent droit, quant à eux, à ce temps supplémentaire. (Les députés du groupe GDR continuent de protester.)

M. Maxime Gremetz. Rendez-nous Debré !

Article 27 ter

(L’article 27 ter est adopté.)

Après l’article 27 ter

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 27 ter.

Les amendements nos 731 rectifié et 733 rectifié sont présentés par le Gouvernement.

L’amendement n° 726 deuxième rectification, présenté par le Gouvernement, et l’amendement n° 528 rectifié peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir les quatre amendements du Gouvernement. Je rappelle que chacun d’eux donne aux différents groupes un temps de parole supplémentaire de dix minutes.

M. Éric Woerth, ministre du travail. L’amendement n° 731 rectifié vise à étendre le dispositif de pénibilité aux non-salariés agricoles. Vous savez qu’il y a en effet une branche AT-MP dans le domaine de l’agriculture. Il est donc possible de le faire, et nous le faisons.

L’amendement n° 733 rectifié étend le dispositif à l’ensemble des personnes concernées – salariés et non salariés agricoles.

L’amendement n° 726 deuxième rectification tend à préciser que, si les accords sur la pénibilité ne sont pas signés – en accords de branche, entre cinquante et trois cents personnes, et en accords d’entreprises au-delà de trois cents salariés –, à défaut il y a une pénalité d’1 % de la masse salariale. Il s’agit d’un dispositif de prévention très incitatif, de façon qu’il y ait des accords de branche ou d’entreprise sur la pénibilité.

Enfin, l’amendement n° 729 rectifié vise à créer un comité scientifique, dont j’ai déjà beaucoup parlé, qui permettra d’affiner la connaissance scientifique sur le risque lui-même, subi par le salarié, et les facteurs d’exposition à ce risque.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Elle a donné un avis favorable sur les quatre amendements du Gouvernement.

M. le président. Je vais donc mettre aux voix ces amendements. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Veuillez m’excuser, mes chers collègues. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, je crains que vous ne souhaitiez aller un peu plus vite que la musique !

Même si j’ai bien compris dans quel état d’esprit vous présidez cette séance, il n’en reste pas moins que les parlementaires que nous sommes ont des droits, et que, sur chacun des amendements, nous avons dix minutes de temps de parole supplémentaire.

Je ne vois pas très bien pourquoi on ferait l’impasse dessus, surtout s’agissant d’un sujet extrêmement important. Les agriculteurs, chacun en conviendra, jouent un rôle majeur dans notre pays. Ainsi, lorsque le Gouvernement prétend étendre le dispositif dit de pénibilité aux agriculteurs, conformément à ce qu’a dit le Président de la République mercredi dernier, on peut s’interroger : pourquoi n’était-ce pas prévu dès l’origine ?

Dès l’instant où vous prétendez prendre en compte la pénibilité dans les régimes de retraite, on a du mal à imaginer que vous segmentiez la population active et que vous n’ayez pas, d’entrée de jeu, considéré toutes les activités et toutes les professions de notre pays, notamment donc les agriculteurs. En effet, s’il est une profession dont les caractéristiques en termes de pénibilité ne sont discutées par quasiment personne, c’est bien celle-ci. Notre ami André Chassaigne pourrait d’ailleurs en parler longtemps pour décrire le monde de l’élevage, en Auvergne comme ailleurs, par exemple en période de vêlage.

On connaît les difficultés du monde agricole. Dans les plaines céréalières, c’est plutôt l’usage du matériel qui cause notamment des troubles musculo-squelettiques et crée des conditions directement en lien avec la pénibilité, donc avec la réduction de l’espérance de vie, puisque tel est le débat que nous avons.

Première observation : le monde agricole n’aurait pas dû être écarté à l’origine de votre raisonnement. Deuxième observation : s’il est un secteur dans lequel les conditions d’âge sont particulièrement sensibles, c’est bien celui-là. En repoussant les bornes d’âge – de soixante à soixante-deux ans et de soixante-cinq à soixante-sept ans –, et sans développer l’argumentaire, que vous connaissez certainement maintenant, les effets sont probablement encore plus visibles sur le monde agricole qu’ailleurs : je vous laisse imaginer, s’agissant des activités dont nous parlons, ce que cela représente comme difficultés pour les personnes âgées de soixante-cinq à soixante-sept ans. La difficulté physique d’exercer ce métier est une évidence.

À partir de là, il faut envisager la compensation. En effet, la prise en compte de la pénibilité suppose, soit la détermination d’un âge anticipé pour le départ à la retraite, soit une remise à niveau du montant des retraites. Or vous le savez – et nous avions déposé une proposition de loi sur ce sujet en janvier dernier, sur laquelle vous avez voté contre –, il y a beaucoup à faire, puisque le montant des retraites agricoles est largement inférieur à ce qui est nécessaire pour assurer une vie convenable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je voudrais, à l’occasion de la discussion de ces amendements du Gouvernement, redire notre opposition de principe à cette façon de prendre en compte la pénibilité, particulièrement à propos pour les agriculteurs.

En effet, on sait très bien qu’ils ont un métier pénible. Cela, je crois que personne ne va le contester. Toutefois, la mesure de la pénibilité ne peut pas être simplement reléguée au niveau de l’incapacité ou de la maladie. Il s’agit là d’une question de fond sur laquelle nous nous séparons profondément de vous. Les mots ont un sens : la pénibilité et l’incapacité, ce n’est pas la même chose !

Concernant les agriculteurs, il y a un élément supplémentaire, qui a déjà été évoqué par certains de nos collègues pour d’autres professions : on sait très bien qu’ils sont fortement exposés aux produits chimiques, dont l’agriculture intensive, qui s’est développée depuis plusieurs décennies, fait une grande consommation. Les agriculteurs sont bien les plus exposés, avant même les consommateurs, à ces produits chimiques, et des maladies peuvent se déclarer tout au long de leur vie, y compris bien après l’âge de la retraite.

Le mode de prise en compte de la pénibilité – ou de l’exposition aux risques sur la santé – qui est proposé n’est pas du tout conforme à leur intérêt. Nous voterons donc contre ces amendements portant articles additionnels, comme nous avons voté contre l’article 26 instaurant ce mode de reconnaissance de la pénibilité, qui ne convient pas du tout aux situations sociales, pas plus pour les agriculteurs que pour les autres professions.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’espère, monsieur le président, que vous ne décomptez pas le temps que je mets pour atteindre le micro ! (Sourires.)

Je voulais insister sur le caractère particulier de l’activité des agriculteurs que l’on appelle non-salariés agricoles, c’est-à-dire les exploitants, en ce qui concerne la pénibilité. Par ailleurs, plusieurs syndicats, y compris la Confédération paysanne, demandent que les agriculteurs puissent bénéficier d’une année de carrière supplémentaire pour dix années validées, au regard de la pénibilité de ce métier et des astreintes qui y sont liées.

Je souhaite revenir aussi sur les conséquences de cette activité extrêmement polluante, en citant en particulier Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie, qui expliquait lors d’un colloque récent : « Les effets sur la santé [des pesticides] sont évidents chez les agriculteurs, bien que la séquence des expositions ne soit pas facile à établir. Pour les agriculteurs il s’agit d’abord d’effets liés aux expositions aiguës au cours des utilisations. En France, la MSA a récemment collecté des données auprès des agriculteurs et a relevé une fréquence des eczémas, maux de tête, conjonctivites et asthmes. Ces expositions aiguës peuvent aller jusqu’au coma ou à la mort, en partie du fait de la toxicité des adjuvants. Mais d’autres effets à long terme sont aussi recherchés comme les cancers, les atteintes des fonctions de reproduction ou les maladies neuro-dégénératives, comme la maladie de Parkinson. »

Toutes ces conséquences sur la santé ne vont pas forcément se manifester par un taux d’invalidité. Elles sont souvent chroniques et ne seront pas prises en compte. On va donc avoir – et cela vaut aussi pour d’autres professions – une espérance de vie réduite. Or celle des agriculteurs est déjà faible, puisqu’elle est seulement de trente-neuf ans à l’âge de trente-cinq ans, alors qu’elle est supérieure de dix années pour les cadres. J’insiste donc sur le fait que les conséquences de l’utilisation des pesticides pour les agriculteurs ne seront, en fait, pas prises en compte comme maladies professionnelles.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L’amendement n° 726 deuxième rectification, dont le Gouvernement est très fier, instaure une pénalité. Le petit problème, c’est qu’elle concerne les entreprises de plus de cinquante salariés, si elles ne signent pas un accord ou un plan relatif à la prévention de la pénibilité. Or, dans notre pays, il y a déjà plus de 50 % des salariés qui travaillent dans des entreprises de moins de cinquante salariés ! Cela veut donc dire que, d’ores et déjà, ces accords concerneront moins de la moitié du salariat.

Par ailleurs, cet amendement fixe une obligation de moyens, mais pas une obligation de résultat. En effet, vous pouvez très bien avoir un plan de prévention de la pénibilité, signer un accord de réduction de la pénibilité, mais la vraie question est de savoir s’il est appliqué, comment il l’est et s’il y a effectivement une réduction de la pénibilité. En plus, ce plan peut être, soit au niveau de l’entreprise, soit au niveau de la branche, c’est-à-dire, dans ce dernier cas, avec encore moins de contrôle.

Finalement, les grands cocoricos que vous lancez à propos de cet amendement doivent être relativisés. D’ailleurs, le même type de dispositif existe dans d’autres secteurs, et l’on sait très bien que la situation est la même : l’absence d’obligation de résultat fait qu’il y a peu d’évolution.

Il aurait donc été préférable, monsieur le ministre, de prévoir, outre l’obligation de moyens, une obligation de résultat. En l’espèce, j’ai peur qu’il se passe la même chose qu’avec l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, pour laquelle nous en sommes déjà à cinq lois. On risque de se trouver dans la même situation, c’est-à-dire à faire une nouvelle loi tous les six mois, tous les ans ou tous les deux ans, et à se regarder en se disant : « Mince ! La pénibilité au travail n’a pas été réduite. » Ce n’est pas un hasard car il n’y a aucune obligation de résultat pour les entreprises.

Au nom du groupe GDR, je tenais à remettre les choses en place et à insister sur les limites de cet amendement, ou plutôt sur son absence de conséquences : on est vraiment loin de la grande avancée à laquelle vous essayez de faire croire dans les médias.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Merci, monsieur le président, merci, merci, merci de votre grande bonté et de votre grande sagesse enfin retrouvées !

Les projets du Gouvernement, les amendements et les sous-amendements soulèvent un certain nombre de questions. En matière de prise en compte de la pénibilité, je vous trouve d’une générosité formidable ! Le montant de la pénalité est fixé par l’amendement du Gouvernement à 1 %, au maximum, des « rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du présent code et du deuxième alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés concernés » – mais seulement s’il n’y a pas d’accord sur la pénibilité ! C’est formidable ! Enfin, on s’attaque au grand capital !

Ah, mais cela ne concerne pas les entreprises de moins de cinquante salariés ; et c’est seulement s’il n’y a pas d’accord passé et conclu dans l’entreprise. Mais on ne nous dit pas ce qui doit figurer dans cet accord ! Peu importe ce qu’il y a dans cet accord : un accord, n’importe lequel, supprime le 1 % de pénalité. Comme attaque contre le grand capital, c’est tout simplement formidable, c’est excellent, c’est extraordinaire !

Il y a plus grave ; car il y en a qui ont vraiment de la suite dans les idées ! Dans le deuxième sous-amendement à l’amendement de M. Méhaignerie, il est aussi question de la pénibilité. Je lis : « Il convient que le dispositif ne puisse être assimilé à la création d’un dispositif de préretraite. » L’amendement « supprime la référence à la cessation anticipée d’activité dans les formes que peuvent prendre les compensations mises en œuvre par les accords de branche. » Autrement dit, on en a assez d’un dispositif particulier de retraite anticipée, par exemple celui qui concerne les victimes de l’amiante ! C’est cela que cela veut dire : il ne faut plus faire de dispositifs particuliers, il ne faut plus en parler, il faut trouver autre chose : et ce sera le 1 %, sauf s’il y a un accord.

Monsieur le ministre, je sais bien que le président ne nous donne pas la parole, et que quand il finit par nous la donner, vous détournez la tête comme si vous étiez dégoûté. Je ne sais pas bien ce que nous avons pu vous faire. On ne mange pas à la même table, c’est évident, et pas dans le même restaurant ; mais enfin, nous sommes dans le même hémicycle ! C’est la maison commune, chère à…

M. Jean-Pierre Brard. Gorbatchev !

M. Maxime Gremetz. ... chère à notre président, André Chassaigne. (Sourires.)

M. André Chassaigne. Merci, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ces amendements sont donc dangereux.

Nous devons donc être particulièrement vigilants sur l’avenir du dispositif « amiante ». Qui peut dire aujourd’hui que, pour des maladies professionnelles particulières, il n’y aura pas besoin d’autres dispositifs particuliers ? Vous, vous dites qu’on n’en fera plus, qu’on ne fera plus que des accords de branche. Mais dans les branches, le MEDEF et les organisations syndicales discutent depuis des années !

Je vois d’ailleurs ici le représentant de l’UMP qui a, ce matin à La Défense, rencontré avec moi les organisations syndicales.

M. Arnaud Robinet. C’est vrai.

M. Maxime Gremetz. Sur la pénibilité, les syndicats l’ont bien dit : c’est honteux ! Je ne veux pas vous mettre en difficulté, cher collègue, mais c’est bien cela qu’ont dit toutes les organisations syndicales. Elles ont aussi donné une définition de la pénibilité. Mais vous, vous vous en foutez, de la définition !

Pour vous, il faut être handicapé, avoir au moins un doigt coupé, pour pouvoir bénéficier d’un départ anticipé. C’est absolument inadmissible !

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le président, je voudrais m’assurer que j’interviens dans le cadre des quarante minutes imparties au groupe socialiste en raison des quatre amendements présentés ensemble par le Gouvernement.

M. le président. Oui – pour le moment, c’est trente minutes, car le Gouvernement n’a encore présenté que trois amendements.

M. Germinal Peiro. Merci.

Je voudrais, pour ma part, revenir sur la question de la pénibilité dans le monde agricole. Il me paraît tout à fait naturel que les agriculteurs non salariés agricoles bénéficient des mêmes dispositions que les autres salariés de notre pays. Je suppose d’ailleurs que les artisans et les commerçants en bénéficieront eux aussi.

Je voudrais dans un premier temps revenir sur la question des retraites des agriculteurs. Comme vous le savez, ce n’est pas un problème nouveau, et vous savez tous que ces difficultés concernent 4 millions de nos concitoyens – 2 millions de salariés et 2 millions de non-salariés. Les agriculteurs sont très préoccupés, car leurs retraites sont extrêmement faibles.

Ces problèmes se sont aggravés au cours des dernières décennies du fait de modifications sociologiques : les agriculteurs, qui vivaient autrefois en famille, se sont retrouvés dans les années 70, 80, 90 isolés sur leur propriété, leurs enfants étant pour la plupart partis travailler en ville ; avec leurs retraites extrêmement faibles, ils n’arrivaient plus à faire face aux dépenses courantes de la vie.

C’est ainsi qu’au début des années 90 est née l’ANRAF, l’Association nationale des retraités agricoles de France. Longtemps présidée par un Périgourdin illustre, Maurice Bouyou, aujourd’hui décédé, elle est toujours aussi active. Dans le courant du mois d’août, elle a organisé une manifestation nationale à Bergerac, qui a réuni plusieurs milliers de retraités agricoles, venant d’une vingtaine de départements.

Les premières mesures de revalorisation ont été mises en place en 1994, sous le gouvernement d’Alain Juppé. Mais, comme nous le savons tous, c’est sous le gouvernement Jospin que l’effort principal a été consenti : c’est alors, en effet, qu’a été mis en place un plan quinquennal, destiné à relever les retraites de base des agriculteurs. La retraite des chefs d’exploitation a été relevée de 29 %, celle des veuves de 49 % et celle des conjoints et aides familiaux de 80 %. À l’époque, le Gouvernement a consenti un effort très important puisqu’en 1998, il y a consacré 1 milliard de francs ; en 1999, en 2000 et en 2001, il y a consacré chaque année 1,6 milliard de francs ; en 2002, il y a consacré 2,2 milliards de francs. À l’époque, c’était un effort financier considérable, qui a permis de relever les retraites de base.

Le relèvement de la retraite de base des chefs d’exploitation s’est fait jusqu’au niveau de la retraite de base des salariés. Pour répondre à la demande des retraités agricoles de bénéficier d’un montant de retraite égal à 75 % du SMIC, mais aussi pour répondre aux besoins sociaux, nous avons créé le régime complémentaire obligatoire.

J’ai eu l’honneur de défendre une proposition de loi sur ce sujet. Vous vous souvenez – en tout cas M. le rapporteur s’en souvient – que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

C’était une proposition de loi ; le Gouvernement l’avait acceptée, et avait prévu le financement par amendement. Du fait du déséquilibre de la profession, il était en effet impossible de servir une retraite complémentaire obligatoire à 465 000 chefs d’exploitation et de demander aux actifs de payer intégralement cette somme : ils en étaient hier, et ils en sont d’ailleurs aujourd’hui, absolument incapables.

Le Gouvernement avait donc pris ses responsabilités, et l’État s’était engagé à co-financer ce régime complémentaire obligatoire, à hauteur d’un tiers.

Vous vous souvenez, mes chers collègues, que le reproche fait au gouvernement Jospin à l’époque était que ce régime complémentaire obligatoire ne concernait que les chefs d’exploitation, et non les conjoints et les aides familiaux. On nous reprochait aussi de demander une participation aux actifs : sur les bancs de l’opposition, qui est la majorité d’aujourd’hui, on estimait qu’il revenait à l’État de prendre en charge totalement ce régime, et on jugeait scandaleux de faire participer les actifs.

Ce régime complémentaire obligatoire avait, je vous le rappelle, fait l’objet de négociations que j’avais moi-même menées avec les actifs, avec les syndicats représentatifs, avec les jeunes agriculteurs. Nous étions convenus qu’il fallait que la cotisation des actifs soit modérée, et en tout cas inférieure à 3 %. Le pari a été tenu, puisqu’elle a été fixée à 2,98 % et n’a pas bougé depuis.

Nous avions donc trouvé un équilibre entre la participation des actifs et la participation de l’État pour servir une retraite complémentaire obligatoire à 465 000 chefs d’exploitation, en attribuant des points gratuits puisque, bien entendu, ces gens-là n’avaient pas pu cotiser à un régime qui n’existait pas.

Les années ont passé. En 2007, j’ai déposé une proposition de loi visant à étendre le régime complémentaire obligatoire aux conjoints et aux aides familiaux. Cette proposition de loi a été reprise par le groupe socialiste et défendue le 21 janvier dernier dans l’hémicycle, pendant trois heures et demie. Nous avons pu expliquer qu’après les chefs d’exploitation, il était souhaitable d’étendre le régime aux conjoints et aux aides familiaux.

Le débat a eu lieu. Nous avons voté. Vous vous en souvenez, tous les groupes politiques de gauche, radicaux, socialistes, communistes, verts, ont approuvé cette proposition de loi. Le groupe Nouveau Centre, à l’unanimité, l’a également approuvée, ainsi que M. Bayrou pour le MODEM. Mais la proposition de loi n’a pas recueilli le succès escompté : 249 voix se sont exprimées pour et 269 voix, qui émanaient des bancs UMP, contre.

Au mois de janvier dernier, les collègues UMP, et surtout ceux qui réclamaient en 2002 que l’on serve aussi la retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aux aides familiaux, étaient tout de même fort embarrassés. Ils nous disaient qu’ils ne pouvaient pas soutenir notre proposition de loi parce qu’ils allaient faire mieux lors de la réforme des retraites.

La réforme des retraites, nous y sommes. Et bien entendu, non seulement vous ne faites pas mieux, mais vous ne faites quasiment rien ! Il faut que les choses soient claires : vous mettez en place le régime complémentaire obligatoire à partir du 1er janvier 2011, mais pas pour les gens qui sont actuellement à la retraite, qui n’auront droit à rien. Vous ne le mettez en place que pour les gens qui, au fil des années, vont cotiser et espérer, dans quarante et un an et demi, bénéficier du régime complémentaire obligatoire. Nous sommes bien loin de ce que vous réclamiez au gouvernement Jospin en 2002. Aujourd’hui, vous ne répondez en rien à la demande des retraités agricoles conjoints, essentiellement des femmes, qui espéraient rejoindre, un jour, le niveau des retraites des chefs d’exploitation, leurs époux. Cela ne peut satisfaire les personnes qui relèvent du régime agricole des non-salariés – je suis persuadé que vous avez déjà été interpellés, mes chers collègues, sur ces situations.

Il est assez incompréhensible en effet d’une part que vous réclamiez quelque chose il y a quelques années quand vous étiez dans l’opposition et qu’une fois arrivés dans la majorité, comme par hasard, vous n’arriviez pas à le mettre en place, d’autre part, que vous ne teniez aucun compte des promesses faites par le Président de la République Nicolas Sarkozy. Lui-même s’est engagé à plusieurs reprises sur le relèvement des retraites agricoles. Une fois de plus, ces promesses étaient-elles de purs mensonges ? Je vous pose la question. En tout cas, il y a quelque chose qui ne se passe pas bien dans la transmission entre ce que souhaite le Président de la République et ce qu’exécute le Gouvernement.

M. Pascal Terrasse. Il exécute les agriculteurs !

M. Germinal Peiro. Pourtant, nous avions l’impression depuis trois ans que c’était lui qui discutait, qui décidait directement. Manifestement, dans cette affaire-là, les promesses ne sont pas tenues. Nos concitoyens le ressentent douloureusement parce que, comme nous, ils croient à la rigueur de la fonction présidentielle et ils croient que les paroles du Président seront suivies d’effet.

M. Jean-Pierre Brard. Ils sont naïfs !

M. Germinal Peiro. Une autre mesure du texte vise à faciliter l’accès au minimum vieillesse et au fonds social vieillesse. Nous pourrions en être d’accord parce qu’on sait très bien que certaines personnes âgées ne veulent pas faire appel à l’aide sociale pour compléter leur retraite, de crainte du recours sur la succession. Il se trouve que, dans le monde des agriculteurs, il n’y aura quasiment pas de recours sur succession puisqu’on va enlever de l’actif successoral tous les biens de l’exploitation, y compris la maison d’habitation quand elle est attenante aux bâtiments agricoles.

Monsieur le ministre, les agriculteurs n’ont jamais réclamé une aide sociale pour leur retraite, ils n’ont jamais réclamé l’aumône, ils réclament des droits. Ces droits, la gauche les leur a donnés quand elle était au pouvoir, sous la forme de points gratuits. Ces hommes et ces femmes qui ont travaillé depuis la période de l’après-guerre ne comprennent pas qu’ils n’ont pas des droits à la retraite. Vous changez la formule, vous leur facilitez l’accès à l’aide sociale jusqu’à un plafond qui s’élève, tous régimes confondus, à 709 euros pour une personne seule et à 1 150 euros pour un couple. Le remplacement des droits à retraite par de l’aide sociale n’est pas ce que le monde agricole attend.

Par ailleurs, vous savez comme moi que quand des agriculteurs réalisent une donation, celle-ci produit un revenu fictif, de 3 % pendant les cinq premières années et de 1,5 % les cinq années suivantes. Si vous donnez 100 000 euros, on estimera que cela produit un revenu de 3 000 euros par an pendant les cinq premières années et 1 500 euros les cinq années suivantes. Cette disposition sera-t-elle abrogée ? Si elle ne l’était pas, cela voudrait dire que le fait de procéder à une donation de ses biens agricoles serait pénalisant. Or, nous le savons tous, pour la bonne marche de la société, on a intérêt à ce que la transmission du patrimoine intervienne le plus tôt possible, pour laisser aux enfants le temps de réaménager les bâtiments, de revoir le patrimoine et d’envisager une nouvelle gestion. Il n’est pas bon que les parents gardent leur patrimoine jusqu’à quatre-vingts, quatre-vingt-cinq, quatre-vingt-dix ans. Allez-vous abroger la disposition qui fait qu’une donation crée un revenu fictif ou non ? Dans le cas où elle ne serait pas abrogée, il y aurait une injustice flagrante entre ceux qui ont donné et qui voient leurs revenus relevés par ce revenu fictif et qui n’auront pas droit de faire appel au fonds social vieillesse qui vient en complément des ressources, et ceux qui n’ont pas fait de donation, qui eux, ne voient pas leurs revenus réels augmenter d’un revenu fictif et qui, le jour de leur décès, se trouveront dans la situation où l’actif successoral, en vérité, sera totalement exonéré de recours. J’attends, monsieur le ministre, que vous répondiez précisément à cette question.

Et puis, pour pas être trop long à cette heure tardive, je voudrais simplement dire que dans le domaine de l’agriculture, manifestement, cette majorité ne fait pas ce qu’il faut. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je pourrais vous dire le contraire si c’était vrai mais il faut voir les choses en face, mes chers collègues, et voir dans quelle situation se trouve le monde agricole aujourd’hui.

M. Pascal Terrasse. Une situation catastrophique !

M. Germinal Peiro. J’ai eu l’occasion de le dire à Bruno Le Maire à cette tribune, je considère que 200 000 à 300 000 emplois sont directement en danger dans les trois à quatre années qui viennent dans notre pays. Malgré les efforts du ministre et le travail qu’il accomplit, je l’ai reconnu publiquement plusieurs fois, je considère que notre pays ne prend pas la mesure de la gravité de la situation du monde agricole aujourd’hui. Vous le savez tous, mes chers collègues, regardez les chiffres dans vos départements. Dans mon département de la Dordogne, nous avions l’habitude de faire 200 installations par an. L’année dernière, nous en avons eu 40 et je pense qu’en 2010, nous n’atteindrons pas les 20.

La situation est telle que tous les exploitants qui ont passé l’âge de cinquante ans n’attendent pas de faire valoir leurs droits à la retraite – l’âge va être repoussé de deux ans, après le recul de deux ans et demi en 2003. Le drame, c’est qu’ils n’incitent pas leurs enfants à reprendre leurs exploitations, vous le constatez, je suis sûr, dans vos circonscriptions, parce que tous les secteurs d’activité sont en crise : le secteur du lait mais d’autres également, comme celui de la viande. On sent un marasme dans le monde agricole comme jamais on ne l’a ressenti dans ce pays.

Sur le plan politique, cette population vous était plutôt favorable, encore qu’il ne faille pas exagérer parce que, dans beaucoup de régions, le vote des agriculteurs s’est toujours partagé entre la droite et la gauche – on peut même dire que dans le sud de la France, dans le sud-ouest, dans le midi viticole par exemple, les agriculteurs avaient plutôt tendance à voter à gauche plutôt qu’à droite. Je ne veux pas tirer des conséquences politiciennes de la crise que je décris, ce serait idiot. D’ailleurs, le fait que le Président de la République ait l’air de courir sans cesse après l’électorat agricole n’est pas bon, pour sa propre crédibilité comme pour notre République parce que, à chaque sortie, on se rend compte du décalage qui existe entre la réalité et ce qu’est capable de percevoir le Président de la République. Chaque fois, le monde agricole, qui est un monde de terriens, se rend compte à quel point notre Président, qui est notre Président à tous, qui a été choisi par la majorité des Français, est décalé. Je l’ai reçu dimanche dans ma circonscription, pour les soixante-dix ans de Lascaux, c’est le Président de la République. Nous sommes tous des républicains, il a été choisi majoritairement par les Français, il est normal qu’on le considère comme le Président de la République – en tout cas, c’est comme ça pour moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En tout cas, je note à quel point il existe un décalage entre les perceptions qu’il peut avoir et la réalité des terroirs. Manifestement, c’est un Président urbain, ce n’est pas un reproche, c’est comme ça, chacun a sa personnalité et on voit bien que cette France des terroirs, il ne la sent pas comme la sentaient Jacques Chirac, François Mitterrand, Giscard d’Estaing, Pompidou ou le général de Gaulle. On voit bien qu’il n’y a pas d’appréhension de ce monde-là et qu’il n’y a pas une appréhension globale de ce qu’est le territoire national. Il ne faut pas oublier que l’activité à la fois économique et sociale de ce secteur identitaire fait vivre beaucoup de villages : s’il n’y avait pas les exploitations agricoles, il n’y aurait pas d’activités économiques – dans les petits villages, ce sont souvent les seules activités économiques qui restent.

On voit bien que cette activité est véritablement en danger, parce qu’elle se fait dépasser par une économie libérale qui est en train de se libéraliser au maximum au niveau européen et même au niveau mondial. Les agriculteurs de notre pays, qui sont des artisans en vérité, même ceux qui sont assez importants, ont de plus en plus de mal à lutter face à de véritables industriels. Et la crainte que nous avons, c’est de voir disparaître totalement cette activité agricole. On peut même se demander ce qui restera comme zones de production dans le monde dans quelques années.

Nous menons des réflexions, chacun, dans nos partis politiques. J’ai été toute la journée avec Antoine Herth qui est responsable des questions agricoles à l’UMP. Nous préparons un rapport sur le suivi de la loi sur les OGM, nous avons très souvent l’occasion d’en parler. Chacun réfléchit mais nous considérons, nous, qu’il serait urgent de prendre des mesures qui permettraient de faire face à la libéralisation des échanges telle que nous la connaissons aujourd’hui. Il a suffi d’ouvrir les marchés de la viande ovine à la Nouvelle-Zélande pour que la production française s’effondre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous le savez, je pourrais vous en parler encore pendant des heures mais je pense que le temps nous est compté.

En tout cas, monsieur le ministre, je voudrais vous redire une dernière fois que vous ne faites pas ce qu’il faut pour les retraités agricoles de ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Monsieur le ministre, vous proposez de faciliter l’accès des agriculteurs au minimum vieillesse. Le minimum vieillesse est une mesure sociale qui donne aux plus démunis la possibilité d’atteindre un niveau de ressources minimum – actuellement de 709 euros pour une personne seule et 1 154 euros pour un couple. Ceux qui n’atteignent pas ce niveau de revenu peuvent faire une demande d’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, au conseil général de leur département. Ce ne sont donc pas les caisses de retraite qui financent. L’allocation accordée sur demande est la différence entre les revenus constatés et les minima que je viens d’indiquer. Pour les couples, ce sont les ressources du ménage qui sont prises en compte et non les revenus individuels.

Il est important que vous sachiez par ailleurs que l’ASPA n’est accessible qu’à partir de soixante-cinq ans, peut-être soixante-sept ans demain, et qu’elle fait l’objet d’un recours sur succession au-delà de 50 000 euros d’héritage.

Ce plafond, je le trouve très étonnant puisque la législation permet désormais – mesure Sarkozy 2007 – de défiscaliser 150 000 euros par héritier sur succession de ceux qui n’ont pas besoin de l’ASPA. Trouvez-vous que c’est conforme à l’égalité ?

(L’amendement n° 731 rectifié est adopté.)

(L’amendement n° 733 rectifié est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 726 deuxième rectification du Gouvernement a été défendu.

La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n° 528 rectifié.

Mme Dominique Orliac. En ce qui concerne les retraites agricoles, ce projet de loi se contente de renvoyer ceux qui ont ou auront une petite pension vers l’aide sociale qui ne relève pas des caisses de retraite, mais est financée par les départements, une petite pension accessible seulement à partir de soixante-cinq ans, avec la crainte de remboursement sur succession. Ce n’est donc rien d’autre que la négation du droit à une retraite décente pour une vie de travail. Pourtant, un mécanisme de reconnaissance de l’activité économique des petits paysans existe depuis 1998 – autre temps, autre politique ! – par le biais d’une revalorisation des petites retraites : 639 euros pour le chef d’exploitation, 508 euros pour le conjoint, et pour une carrière complète. Pourquoi ne pas réévaluer ces pensions tout en supprimant l’obligation d’une carrière complète pour y accéder, au lieu de renvoyer vers l’aide sociale ?

Une autre mesure contenue dans ce projet de loi relève tout simplement du symbole, car il s’agit de reconnaître les années comme chef d’exploitation, quel qu’en soit le nombre, pour accéder à la revalorisation, mais en maintenant l’obligation d’une carrière complète qui est le principal obstacle.

Enfin, l’accès à la retraite complémentaire obligatoire pour les conjoints et aides familiaux est une bonne chose en soi, mais force est de constater que le texte pèche par manque de précision, si bien que l’on ne distingue pas clairement les conditions nécessaires pour y accéder.

Des mesures fortes et justes en direction du monde agricole sont donc absentes de ce projet de loi. Malgré les nombreux discours, ces derniers mois, du Président de la République en direction des agriculteurs, les faits viennent une nouvelle fois faire oublier les paroles et autres promesses qui avaient été tenues aussi par l’ensemble des députés en janvier 2010, lors de l’examen de la proposition de loi du groupe socialiste, radical et citoyen, dont le rapporteur était Germinal Peiro, je tiens à le rappeler.

(L’amendement n° 726 deuxième rectification est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 528 rectifié tombe.

L’amendement n° 729 rectifié du Gouvernement a été défendu.

Sur cet amendement, la parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à créer un comité scientifique. C’est une discussion que nous avons eue en commission et qu’il nous faut poursuivre avec attention ici même.

Il est faux de dire que nous manquons d’études mesurant l’impact à long terme sur la santé des salariés des expositions aux pénibilités. Je vous renvoie notamment au rapport de M. Lasfargues, « Départ en retraite et travaux pénibles, l’usage des connaissances scientifiques sur le travail et ses risques à long terme sur la santé », contenant de longs développements sur le travail de nuit – c’est une lecture que je conseille à notre collègue Jacquat – ou en horaires décalés concernant de nombreux salariés jeunes ou plus âgés, associé à d’autres formes de pénibilité et développant un impact négatif sur plusieurs dimensions de la santé – augmentation du risque de morbi-mortalité cardiovasculaire. Ce même rapport établit clairement, comme nombre d’études, l’existence de milliers de cas de cancers professionnels survenant après l’âge de soixante-cinq ans suite à des expositions aux agents cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques.

Je pourrais faire référence à d’autres travaux scientifiques que le rapporteur connaît tous, et le président de la commission encore mieux. Si le Gouvernement feint de les ignorer, c’est tout simplement qu’il ne veut pas approcher la question de la pénibilité autrement que par le biais de l’incapacité, de l’usure constatée, excluant de fait la prise en compte de la situation des salariés exposés à des facteurs de pénibilité réduisant leur espérance de vie.

Pour tenter de masquer la faiblesse de sa démarche, le Gouvernement prend donc prétexte de l’absence de données scientifiques et nous invite à mettre en place un comité scientifique chargé de recenser les conditions dans lesquelles une exposition prolongée à différents facteurs de risques a pour conséquence d’altérer l’état de la santé des salariés. Bref, il est urgent d’attendre, de poursuivre les travaux. Le Gouvernement crée ce fameux comité pour enterrer la question, pire peut-être pour légitimer pseudo-scientifiquement l’exposition à certains facteurs de pénibilité, comme cela avait été fait avec le comité permanent amiante qui a donné la catastrophe que l’on connaît. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’amendement n° 729 rectifié du Gouvernement donne bien droit à dix minutes supplémentaires pour mon groupe, monsieur le président !

M. le président. En effet !

M. Jean Mallot. Je ne sais pas si je vais parler dix minutes, mais le sujet le mériterait car il est extrêmement important. Avec cet amendement, une fois de plus le masque du Président de la République est tombé. Je rappelle simplement que, après avoir compté trois millions de manifestants mardi dernier dans les rues de notre beau pays, le Président de la République, au conseil des ministres du lendemain, a fait une déclaration pour essayer de faire des ouvertures. En fait, ce sont des leurres, tout le monde l’a compris. Dans son communiqué, il dit souhaiter que le dispositif concernant la pénibilité soit étendu aux agriculteurs – nous avons dit ce qu’il fallait en penser –, que toute personne présentant un taux d’incapacité de 10 % puisse faire valoir ses droits à la retraite devant une commission pluridisciplinaire, mais il dit également un peu plus loin qu’il souhaite que des branches professionnelles ou des entreprises s’engagent dans des négociations pour proposer à leurs salariés exposés à des facteurs de pénibilité un aménagement de la fin de carrière, qu’il s’agisse de temps partiel ou d’actions de tutorat.

L’article 12 de la loi de 2003 prévoyait qu’une telle négociation devait avoir lieu. Elle a eu lieu, mais elle a échoué. Donc, le Président de la République nous refait le coup de 2003 en relançant une négociation sur la pénibilité. Deuxième entourloupe, deuxième entreprise de maquillage de la manœuvre ! La première fois, en 2003, certains syndicats s’y étaient laissé prendre ; cette fois ce sera différent.

Enfin, le Président de la République annonce la création d’un comité scientifique devant progresser rapidement dans notre connaissance des effets de certains facteurs de pénibilité « à impact dit différé ». Dans son texte, le Président de la République aborde ainsi la vraie notion de pénibilité, c’est-à-dire l’impact différé de l’exposition à certains facteurs et risques. Ce comité scientifique on se demande bien pourquoi il serait créé puisque tous les travaux sur ce sujet ont été faits. Des tonnes de documentations existent et l’on voit mal comment la création d’un tel comité pourrait permettre de progresser plus rapidement que nous ne l’avons fait jusque-là. Cet amendement ne mange pas de pain – on peut toujours créer un comité scientifique –, mais il est largement superfétatoire par rapport aux connaissances dont nous disposons. Nous pensons, quant à nous, que, sur la base de ces connaissances, nous pouvons construire un vrai système de prise en compte de la pénibilité dans les régimes de retraite dans notre pays.

(L’amendement n° 729 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 462.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement est défendu.

(L’amendement n° 462, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels avant l’article 28.

Avant l’article 28

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 667.

La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement nous permet de revenir sur un débat que nous avons déjà eu lors de l’examen des autres articles et qui concerne la particularité des personnes relevant soit du versement de l’aide exceptionnelle, soit du revenu de solidarité active. En effet, j’ai pu démontrer lorsque nous évoquions le RSA jeunes, mais il en est de même pour les autres personnes, que l’effort demandé en termes d’insertion professionnelle au travers du revenu de solidarité active est pénalisé par le fait que les périodes passées dans ce dispositif ne donnent pas droit à éléments pour la comptabilisation du droit à pension, ou droit à rente.

C’est une difficulté qu’il faut regarder de près puisque, si l’on pousse ce dispositif à l’absurde, on pourrait se retrouver avec des personnes ayant plus intérêt à être sans emploi qu’à avoir le revenu de solidarité active, donc à être dans le cercle vertueux dont vous nous avez si souvent parlé.

Nous vous proposons là un amendement de clarification qui devrait permettre au Gouvernement de nous dire comment il serait possible d’éviter la difficulté que j’ai mentionnée. Cet amendement préconise qu’un rapport mette en avant la façon dont les demandeurs d’emploi en fin de droit de l’assurance chômage peuvent prendre en compte le versement du RSA dans le calcul de leur droit à retraite.

(L’amendement n° 667, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 668.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet amendement aborde une question qui aurait dû être, pour partie, au cœur d’une réforme du système des retraites si on avait eu une approche un peu objective de la situation. Au fond, il tend à corriger les effets les plus néfastes de la réforme de 1993, c’est-à-dire des ordonnances Balladur sur le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années, non pas sur le principe mais sur les premières victimes de cette réforme. Globalement, ce passage des dix meilleures années aux vingt-cinq meilleures années a abouti, il faut le reconnaître, à une diminution des pensions puisque l’assiette est plus large et concerne des périodes professionnelles plus nombreuses. Mais certaines personnes sont frappées beaucoup plus durement que les autres par cette diminution.

Chacun le comprend, à partir du moment où vous avez eu une carrière professionnelle difficile, notamment avec des périodes de chômage, ou de travail à temps partiel, et que ces périodes se trouvent automatiquement dans l’assiette des vingt-cinq meilleures années, elles entraînent une sorte de double peine. En effet, dans votre vie professionnelle, elles n’ont déjà souvent pas été faciles à passer, mais lorsque vous arrivez à l’âge de la retraite, comme il n’y a pas d’autres années que celles-là lorsque vous êtes au niveau de vingt années d’activité professionnelle, vous retrouvez les conséquences de ces difficultés sur votre retraite.

Naturellement, il faut prendre en compte la réalité de la vie professionnelle, mais là la sanction provient du mécanisme lui-même. Depuis longtemps, il y a dans le débat sur les retraites une proposition qui ne s’est jamais concrétisée et qui viserait à proratiser, pour ces personnes-là, le mode de calcul. Il s’agit de considérer que pour quelqu’un qui n’a eu que vingt années d’activité professionnelle, par exemple, on calculerait la retraite sur les quinze meilleures années pour que s’il a connu quatre ou cinq années difficiles, de temps partiel ou d’interruption, au cours de sa carrière professionnelle, elles ne deviennent pas un boulet au moment du calcul de sa retraite. C’est une question de justice que nous n’avons pas encore abordée, mais cette correction s’impose si l’on veut rectifier notre système de retraite sans remettre en cause ce qui a été adopté en 1993. L’une des façons de procéder à cette correction, c’est de proratiser le calcul. Tel est l’objectif du rapport que nous demandons pour éviter la sanction de l’article 40, mais cette question aurait mérité plus de place dans une véritable réforme des retraites, à condition qu’on l’aborde en essayant de parvenir à une décision juste.

(L’amendement n° 668, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 28

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. La réforme des retraites, parce qu’elle touche des valeurs qui fondent notre pacte social républicain, nécessite courage et responsabilité. Rien ne serait pire que l’immobilisme pour la sauvegarde de notre système par répartition.

Je veux insister à ce stade des débats sur les mesures en faveur des agriculteurs. Ils effectuent un travail ingrat, dans des conditions souvent pénibles, ne comptent ni leur peine, ni leurs heures, ni leurs efforts. C’est pourquoi je me bats pour qu’une attention tout à fait spécifique leur soit portée par les pouvoirs publics. Ainsi je me réjouis que le Gouvernement, par les articles 28 et 29 du projet de loi, prenne des mesures spécifiques en faveur du monde agricole. Je pense notamment à l’extension de la retraite obligatoire du régime des exploitants agricoles aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs, qui en sont aujourd’hui exclus, alors qu’ils sont par ailleurs obligatoirement affiliés au régime de base des non-salariés agricoles.

Il s’agit d’une mesure de progrès social, mais ne perdons pas de vue qu’elle ne se traduira en réalité que par une augmentation très progressive des droits perçus. Lors de la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire, comme l’a dit Germinal Peiro tout à l’heure, les anciens chefs d’exploitation avaient bénéficié de droits gratuits. Il serait utile qu’une mesure d’accompagnement pour les conjoints ayant les pensions les plus faibles puisse être mise en œuvre. Par ailleurs, je souligne l’avancée relative au minimum vieillesse et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

L’exclusion du capital d’exploitation de l’assiette de recouvrement sur les successions du minimum vieillesse des exploitants agricoles répond à une attente du monde agricole. Aujourd’hui, nous savons que par crainte de cette récupération sur succession, de nombreux retraités renoncent au bénéfice du minimum vieillesse. L’exclusion du capital d’exploitation et des bâtiments de la valeur de l’actif net successoral, en cas de recours sur les successions suite à l’attribution de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, permettra d’inciter les anciens exploitants agricoles à faire appel au minimum vieillesse, alors même qu’ils vivent avec des ressources extrêmement faibles.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Permettez-moi de souligner ici l’importance d’une mesure pour le monde paysan, qui aurait pu passer inaperçue dans cette vaste et importante réforme des retraites.

Cette mesure concerne les conjoints collaborateurs et les aides familiaux, jusqu’alors exclus de la retraite complémentaire obligatoire afin qu’ils aient désormais la possibilité d’adhérer à cette dernière. Cette mesure répare une certaine injustice, le monde silencieux et digne de nos campagnes, qui a beaucoup œuvré pour que notre pays soit un des tout premiers du monde en agriculture méritait plus que de la reconnaissance. Il méritait en effet qu’à l’instar des autres catégories professionnelles, chacun puisse cotiser pour arriver à une retraite décente. D’autre part, la mise en place de la réversion des droits de retraite complémentaire pour les conjoints survivants est une mesure de justice sociale.

Ces mesures de solidarité à l’égard du monde paysan souvent vilipendé par une population urbanisée et qui ne connaît pas la réalité, et souvent décrit comme pollueur, comme assisté – on pense aux primes –, en retard sur le progrès social, alors que la réalité agricole est bien différente : à la pointe de la modernité, permettant à la France rurale d’être bien vivante avec une occupation du territoire très organisée, offrant aux Français à la fois de quoi se nourrir et un accueil presque partout sur le territoire. Il est très étrange d’entendre que nous ne ferions pas assez pour l’agriculture comme le disait Germinal Peiro tout à l’heure.

M. Germinal Peiro. C’est vrai !

M. Alain Marc. Cela fait cent vingt ans que nous perdons des exploitations agricoles, et corrélativement des actifs. Si l’on peut se plaindre de cet état de fait, on ne saurait rester dans l’incantatoire et constater, pour ceux d’entre nous qui vivons au milieu du monde agricole, qu’un aspect culturel creuse un peu plus le fossé entre la condition des agriculteurs, notamment les éleveurs qui travaillent souvent trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq et les salariés désormais aux trente-cinq heures, dont nous savons qui les a mises en œuvre.

Cet article de la loi vient à point pour des milliers de personnes, il était logique que la représentation nationale leur permette de rejoindre pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux les autres catégories socioprofessionnelles.

M. le président. La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Je serai bref, compte tenu de l’heure tardive. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Je voudrais évoquer en deux mots cette disposition qui vise à étendre au conjoint collaborateur l’affiliation au régime de retraite complémentaire. Aujourd’hui, ils ne peuvent y prétendre, contrairement aux conjoints salariés ou aux conjoints associés.

En écho aux propos de Germinal Peiro qui a évoqué la situation de ceux qui ont déjà fait valoir leurs droits à la retraite, je tiens à rappeler ici que ce sont près de cinquante mille conjoints collaborateurs qui pourront bénéficier de cette mesure

M. Germinal Peiro. Dans quarante et un an et demi !

M. Vincent Descoeur. Cette mesure de justice attendue vient corriger une anomalie, d’autant plus que d’autres conjoints collaborateurs peuvent bénéficier de ce type de mesures dans d’autres professions, y compris au travers de cotisations, tel que c’est proposé dans le texte.

M. Germinal Peiro. Ils vont payer !

M. Vincent Descoeur. À ces 50 000 conjoints collaborateurs, il convient d’ajouter les 6 000 aides familiaux qui sont eux aussi exclus. Il s’agit vraiment d’une avancée, qui n’est pas contradictoire avec la lecture que nous avions faite de votre proposition de loi qui avait pour inconvénient de ne pas être financée.

M. Germinal Peiro. L’État ne veut rien y mettre !

M. Vincent Descoeur. Aujourd’hui, il vaut mieux voir le verre à moitié plein que le verre à moitié vide.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Avec cet article 28, nous touchons un problème crucial en matière de solidarité nationale, il s’agit des retraites agricoles. Sur le forum des spectateurs de l’émission « À vous de juger » figurait une question qui n’a pas été posée au Premier ministre. Je reprends cette question : « Mes beaux-parents sont agriculteurs, et dans six semaines ils seront retraités. Trouvez-vous normal qu’en tant que femme d’agriculteur, alors qu’elle travaille depuis l’âge de quinze ans dans la ferme familiale, ma belle-mère ne touchera que deux cents euros par mois, et mon beau-père six cents euros ? Ils sont en dessous du minimum vieillesse, tout cela parce qu’ils dépendent du régime agricole. Ils ont travaillé toute leur vie sans vacances, sans loisirs, et pourquoi ? Quelle reconnaissance de la part de la République ? »

Ce type de situations, nous en rencontrons tous les jours dans nos permanences ou lors de nos déplacements. Force est de constater que l’on assiste à une paupérisation grandissante des agriculteurs et des retraités de l’agriculture. Ceux-ci n’ont pas attendu le débat sur les retraites pour faire entendre leur voix. Les pensions agricoles forment les plus basses retraites de notre pays. Avec un montant minimum atteignant péniblement 645 euros pour une carrière complète de chef d’exploitation, et 512 euros pour une carrière complète de conjoint, on voit bien que nous nous trouvons avec des pensions qui n’atteignent même pas les 75 % du SMIC que la loi doit garantir.

Le pouvoir d’achat des agriculteurs baisse constamment, et la dernière revalorisation des pensions ne concernait que des personnes ayant une carrière complète. Sur le département de l’Aveyron, le montant moyen de cette revalorisation est de l’ordre de vingt-cinq euros. En outre, le système mis en place supprime les points gratuits qui existaient avant le premier janvier 2009. De plus, il s’agit d’une population touchée de plein fouet par la pénibilité. Qui parmi nous accepterait encore de travailler de cinq heures à vingt-deux heures, en plein air, soumis à tous les aléas météorologiques, et effectuant des tâches manuelles relevant de la contrainte physique ? Il est nécessaire de garantir que le montant d’une pension de retraite agricole ne pourra pas être inférieur à l’ASPA, et enfin que compte tenu de la pénibilité du métier d’agriculteur, on puisse valider une année pour dix ans d’activité.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Bien souvent, le Gouvernement nous a dit qu’il n’y avait pas de projet en face du sien. Je crois qu’il y a quelques instants, M. Ayrault a proposé de manière globale un autre projet. Je souhaite également développer les grandes lignes d’un projet écologiste.

Nos priorités dans cette réforme du financement des retraites sont au nombre de six.

Première priorité, cette réforme doit conforter le régime par répartition et s'appuyer sur une solidarité intra et intergénérationnelle. Les inégalités entre les catégories socioprofessionnelles, notamment en terme d'épargne et de patrimoine accumulés, doivent être corrigées.

Deuxième priorité, la réforme du financement des retraites est certes indispensable, mais également indissociable d'une profonde réforme des recettes comme des dépenses budgétaires : réforme de la fiscalité, signe d'une remise à plat d'un système injuste et d'une volonté de correctement partager l'effort, réforme de la dépense, en la conditionnant aux impératifs sociaux et aux exigences environnementales. Nous réaffirmons notamment la nécessité d'augmenter de façon significative le taux marginal d'imposition sur le revenu, et de revenir aux taux d’imposition de l’année 2000, pour fixer une idée.

Troisième priorité, cette réforme du financement des retraites est également indissociable d'une politique active de l'emploi basée sur la conversion écologique de l'économie – sur laquelle notre excellent collègue François de Rugy avait fait une proposition débattue l’an dernier dans une niche de notre groupe –, la relocalisation de l'économie et la réduction du temps de travail, dans un contexte global de décroissance sélective, solidaire et équitable. La réduction du chômage, en particulier le chômage des jeunes, et la réduction des emplois précaires sont évidemment des priorités dans ce cadre.

Quatrième priorité de notre projet pour une retraite juste et durable, nous considérons que l'allongement de la durée de cotisations ou le report de l'âge minimum de départ à la retraite tendent à alimenter le chômage, en particulier celui des jeunes, et à faire baisser le niveau des retraites des générations futures de retraités qui sont déjà celles qui ont le plus cotisé.

Cinquième priorité, le niveau moyen des pensions ne peut pas encore baisser, et elles doivent être réformées pour plus de justice, en augmentant et facilitant l'accès au minimum vieillesse, en améliorant les compensations de ceux ou celles, aujourd'hui principalement les femmes, qui ont eu des interruptions de carrière pour élever leurs enfants.

Enfin, sixième priorité, la réforme du financement doit reposer sur une juste répartition des richesses, dans un contexte de ressources limitées. En ce sens, notre priorité est l'élargissement de l'assiette de revenus contribuant au financement des retraites. Cela passe notamment par une conditionnalité de la politique d'exonérations de cotisations sociales et l'abrogation des exonérations sur les heures supplémentaires ; un prélèvement social sur l'intéressement, les stocks options, l'épargne salariale ; l'augmentation de la CSG sur les revenus de placement et du patrimoine la rendant progressive ; et une contribution spécifique retraites sur les bénéfices des grandes entreprises par l'écrêtement des niches fiscales.

Nous souhaitons notamment qu'une partie de ces nouveaux prélèvements soit orientée vers le Fonds de réserve pour les retraites, et investis dans des projets écologiquement et socialement utiles, pour lisser les déséquilibres démographiques du régime, et permettre demain de garantir le versement des pensions du système par répartition.

Après ces grands principes et ces six priorités, je vais donner quelques explications sur ces points.

D’abord, il y a peu, la droite faisait ouvertement la promotion des retraites par capitalisation.

M. Pascal Terrasse. Elle le fait encore !

M. Yves Cochet. Pour assurer leur développement, cadeaux fiscaux et abattements de charges sociales se sont multipliés. De façon plus détournée, l’affaiblissement du régime par répartition est une manière de contraindre à la montée en charge de la retraite par capitalisation. On avance que la répartition va fonctionner de moins en moins bien, on souligne les déficits, pour mettre en valeur d’autres méthodes, comme la capitalisation. Certaines compagnies privées font d’ailleurs des publicités pour annoncer qu’elles sont prêtes.

Or, si la crise nous a enseigné quelque chose, c’est que les régimes de retraite par répartition, assis en majorité sur les salaires, sont plus stables et plus sûrs que les régimes de retraite par capitalisation. En 2009 comme en 2001, des centaines de milliers de salariés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ont soudain découvert au moment de partir en retraite que les économies d’une vie s’étaient volatilisées, comme cela avait été le cas en France lorsque la crise de 1929 a fait disparaître les retraites ouvrières et paysannes, réduisant à la pauvreté nombre de nos concitoyens.

En France aujourd’hui, grâce à l’institution des régimes de retraite par répartition, aucun salarié ne dépend d’une épargne placée en bourse pour couvrir sa retraite. En revanche, chacun dépend de la décision législative d’honorer ou de modifier les engagements de solidarité pris par la société pendant la période où il a cotisé. En effet, si les régimes par répartition lissent les évolutions, ils ne les suppriment pas : l’évolution démographique et l’entrée en crise de notre mode de développement économique ont des effets sur tous les régimes de retraite. L’allongement de la durée de vie et l’évolution du rapport entre les cotisants et les retraités sont une réalité, nous ne l’avons jamais nié. L’épuisement des ressources naturelles et l’empreinte écologique colossale de l’humanité sur notre planète sont une réalité qui doit aussi être prise en compte pour engager une réforme durable, parce que fondée sur des hypothèses réalistes. L’enjeu pour les écologistes est donc bien de consolider notre système de retraite par répartition dans ce contexte difficile et exigeant.

Consolider, mais aussi réformer pour plus de justice. Les droits à la retraite se construisent tout au long de la carrière professionnelle. De ce fait, la liquidation de la retraite intervient comme un concentré de toutes les inégalités de la vie au travail, tant en termes de continuité du parcours, de niveau de ressources que d’usure professionnelle – qu’on appelle maintenant pénibilité. Ce concentré peut se révéler d’autant plus amer que ces différents facteurs se compensent rarement ; ils se cumulent plutôt comme des doubles, voire des triples peines ! Ce que les écologistes proposent, c’est plus de justice, c’est-à-dire plus de solidarité pour compenser ces inégalités de parcours.

J’essaierai d’abord de montrer sur quelles fondations solides la réforme des régimes de retraites doit être bâtie, au service d’une répartition équitable et soutenable entre générations des ressources limitées, et dans une approche globale et renouvelée des temps de vie.

Cela concerne d’abord le mode de développement. On ne peut pas prétendre financer dans la durée les régimes de retraite sans organiser dès aujourd’hui la conversion écologique de nos économies vers un mode de développement soutenable. Sans une telle conversion, tous les désirs de croissance buteront sur la réalité des limites de la planète. Cette croissance semble faire l’objet d’une véritable religion. Certains y rêvent pour bientôt, à 1,5 %, 2 % en 2011, et y voient la solution à tous les problèmes, financement des retraites, chômage, diminution de la dette. Mais si nous voulons aller vers un mode de développement soutenable, c’est que, en réalité, les désirs de croissance se heurteront aux réalités des limites de la planète. Il y a là une base matérielle qui n’est jamais prise en compte ni dans les calculs du COR ni par le Gouvernement.

Le COR tablait jusqu’ici, dans ses projections, sur un retour progressif au plein emploi, une progression continue du salaire moyen, en lien avec la hausse de la productivité du travail, associée à une stabilisation du montant des retraites indexées sur les prix. Ces hypothèses ont été totalement contredites par la crise d’il y a deux ans tout juste : c’était, hier, la date anniversaire de la chute de Lehmann Brothers. Triste époque…

M. Pascal Terrasse. Il y a un excellent article dans Les Échos à ce sujet.

M. Yves Cochet. Il y a aujourd’hui une très grande incertitude sur les niveaux d’activité et d’emploi futurs. Et faute d’une transformation profonde de notre mode de développement, il faut aussi envisager sérieusement la possibilité d’une stagnation longue, voire d’une récession à la japonaise, le monde ayant adopté une grande partie des travers du Japon des années 1980, à savoir une bulle immobilière et boursière généralisée et le surendettement de l’économie. Le Premier ministre lui-même en parlait il y a quelque temps.

Bâtir une réforme durable des retraites, c’est d’abord refonder notre développement sur des bases réalistes, dans un contexte de rareté des ressources, d’épuisement de la planète et d’essoufflement, voire d’arrêt complet, de la croissance. À un moment d’ailleurs, madame Lagarde, par une sorte d’oxymore mathématique, parlait de croissance négative. C’était une nouveauté. Maintenant, elle parle de la « ri-lance » ; c’est tout aussi nouveau mais cela ne veut pas dire grand-chose. On ne construira pas de modèle solide sur l’illusion de la croissance à venir ou du retour automatique au plein emploi.

En second lieu, la retraite est aujourd’hui un temps de vie au même titre que ceux de l’éducation et de l’activité, et non plus la gestion d’une fin de vie. Les transitions entre ces moments doivent être aménagées. Les besoins de temps libéré et de formation tout au long de la vie, la réduction tendancielle du temps nécessaire pour couvrir les besoins matériels doivent être partie intégrante de cette réflexion. La réduction du temps de travail n’est pas un dogme, c’est un constat. Elle est à l’œuvre dans tous les pays, et depuis plus d’un siècle dans le nôtre. Elle se fait soit par le développement des temps partiels et du chômage, soit, comme à certaines époques en France, encouragée et encadrée par l’impulsion politique : réduction de la journée, de la semaine ou de l’année officielle de travail, durée de la scolarité et âge du départ en retraite. Ce mouvement de réduction doit être repris, en analysant sans complaisance les inégalités et les échecs de la mise en œuvre des 35 heures. Il faudra être plus audacieux et plus complet, avec la ferme volonté politique de donner de nouveau à tous de nouveaux droits au temps libéré. Et cette réflexion est pour les Verts indissociable de celle sur les retraites. C’est pour nous une gestion globale des temps de la vie qui doit être pensée et financée.

Le troisième point porte sur la dépendance. Alors que les difficultés des régimes de retraite sont croissantes, on assiste à l’émergence d’un besoin nouveau : il y a de plus en plus de personnes âgées en situation de grande dépendance et la prise en charge de leur dépendance repose très fortement sur leurs familles. Au devoir de fournir un revenu à celles et ceux qui ne sont plus en âge de travailler, s’ajoute aujourd’hui, de manière pressante, un nouveau devoir. La société doit pouvoir fournir aux personnes âgées dépendantes une assistance médico-sociale qu’il s’agisse des soins, des repas, du ménage, de l’hygiène ainsi qu’un accompagnement en vue d’une fin de vie dans la dignité.

Le développement très rapide des maisons de retraite médicalisées privées à but lucratif pose des problèmes sociaux, moraux et politiques. Les familles sont de plus en plus fréquemment contraintes de financer la prise en charge de leurs ascendants devenus dépendants dans des maisons de retraite médicalisées. Il faut organiser un service public de la dépendance, avec une offre publique et un encadrement de l’offre privée, notamment sur le taux de profit, les modes de gouvernance, les conditions de vie et la qualité relationnelle. Ce secteur peut tout particulièrement relever de l’économie sociale et solidaire et ainsi permettre d’offrir une qualité de vie à un tarif maîtrisé.

Quatrièmement, je lance un appel pour une écologie du troisième et du quatrième âge. La plus grande erreur serait de polariser le débat sur le seul financement du pouvoir d’achat des retraités, ou même de la prise en charge médicalisée. Les personnes du troisième âge ont droit à une existence active dans la société, celles en grande dépendance doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement en fin de vie qui leur accorde la maximum d’autonomie et de confort. Cela relève d’une politique de l’offre de participation à la société et de services rendus par la société. Une politique fondée sur la solidarité, la réciprocité, la responsabilité intergénérationnelle, l’autonomie de chacun, bref une écologie de la vie. Elle doit se concrétiser sur le plan de l’urbanisme par une offre de logements, dès le début et insérés dans un réseau de voisinage, d’aide et de soins de proximité ; dans le domaine des services, par la constitution d’entreprises d’aide à domicile professionnalisées et doublement associatives en ce qu’elles associent le personnel du service à domicile d’une part, les aînés et leurs parents de l’autre et par le développement de la recherche gériatrique notamment préventive – on pense au régime alimentaire, au sport, etc.

M. Pascal Terrasse. Absolument.

M. Yves Cochet. Elle doit enfin se concrétiser dans le domaine de la participation civique avec les comités d’anciens, les associations entre maternelles et maisons de retraite comme nous en avons vu dans des reportages télévisés, et autres activités qui montrent que les anciens et même le quatrième âge sont encore parties prenantes dans la vie de la cité.

Cinquièmement, il faut se soucier de la pénibilité, de la qualité de vie au travail et de l’équité entre classes sociales. La prise en compte de la pénibilité et la souffrance au travail est pour nous au coeur du débat.

C’est d’abord une question de justice entre classes sociales. Les ouvriers vivent aujourd’hui six à sept ans de moins que les cadres et dix ans de moins sans incapacité. Depuis la réforme de 2003 de M. Fillon, les négociations sur la question de la pénibilité n’ont toujours pas avancé. Il est aujourd’hui indispensable de reconnaître l’impact des métiers pénibles et des expositions professionnelles à trois facteurs de risque connus pour affecter l’espérance de vie et l’espérance de vie sans incapacité : d’abord le travail en horaires alternants – travail posté, travail en trois huit ou en quatre huit ; ensuite les travaux qui ont exposé les personnes à des produits toxiques et dangereux au cours de leur carrière, des produits cancérogènes, mutagènes, ou toxiques pour la reproduction comme l’amiante. J’ajouterai les risques encourus par les travailleurs du nucléaire qu’on ne cite que trop rarement.

M. Pascal Terrasse. Absolument, et les sous-traitants en particulier.

M. Yves Cochet. C’est vrai, et ces sous-traitants sont nombreux. Ils suscitent d’ailleurs des inquiétudes pour ce qui est de la sûreté et de la sécurité nucléaire car ils n’ont pas forcément toute la formation requise, alors qu’ils se déplacent d’un chantier à l’autre ou d’une installation de base, comme dirait l’autorité de sûreté nucléaire, à l’autre. On s’aperçoit d’ailleurs qu’ils sont parfois utilisés de manière rapide, puis qu’ils sont exclus car ils ont eu leur dose. Et cette dose peut se révéler létale ou en tout cas causer une maladie bien après qu’on a travaillé dans une centrale nucléaire. Cet effet retard est maintenant bien connu des médecins.

C’est aussi une question de qualité de vie au travail. Ainsi on ne peut envisager de reporter l’âge de départ à la retraite sans se donner comme priorité l’amélioration des conditions de travail, notamment celles des plus âgés. Actuellement, les entreprises ont tendance à favoriser le départ des salariés vieillissant, dont le salaire bénéficie de l’ancienneté et qu’elles considèrent, à tort, comme moins « productifs » que les jeunes, plus enclins aux arrêts maladie, supportant mal l’intensification du travail observée ces dernières années. Il faut en finir avec cette pression toujours plus grande imposée aux salariés, et comme l’ont fait nombre de pays d’Europe du Nord, apporter un soutien technique aux entreprises pour améliorer les conditions de travail, et sanctionner celles qui ne s’engagent pas dans un processus d’amélioration.

Aujourd’hui, la droite et le patronat réclament l’allongement de la durée de cotisation et le report de l’âge de départ à la retraite, par ce projet de loi. Nous y sommes opposés. Comment peut-on penser qu’il est possible à la fois de faire du travail une expérience de plus en plus désagréable en raison de la pénibilité et du stress croissant, une expérience éprouvante et absurde, tout en demandant à des salariés d’y passer une période encore plus longue de leur vie en ajoutant deux ans et quelquefois plus ?

Le sixième point concerne l’équité entre les sexes. Nous y reviendrons en abordant dans un chapitre prochain les problèmes d’égalité entre femmes et hommes.

La carrière des femmes est fréquemment pénalisée lorsqu’elles ont des enfants, en particulier lorsqu’elles les élèvent seules. Il faut bien entendu agir pour réduire ces inégalités dans la carrière et le partage des taches entre hommes et femmes, mais cela ne doit pas empêcher d’apporter des compensations à toutes celles qui ont déjà été pénalisées. Or cet aspect n’est pas pris en compte ou ne l’est que très partiellement par la validation de trimestres pour une naissance.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Yves Cochet. Cette attribution de trimestres supplémentaires ne compense pas le fait que de nombreuses femmes interrompent leur carrière pour élever leurs enfants. Or le mécanisme de décote en vigueur les pénalise plus que proportionnellement sur leur retraite. Cela ne compense pas non plus le fait que les femmes soient pénalisées en termes de progression salariale. Aucune compensation spécifique n’est accordée à celles qui doivent élever leur enfant seules, alors que ce sont elles qui rencontrent le plus de difficultés financières et qui font les sacrifices les plus importants.

M. Pascal Terrasse. Les femmes sont punies par cette réforme !

Mme Pascale Crozon. Elles sont les oubliées de votre projet de loi !

M. Yves Cochet. Vous avez raison, j’y reviendrai dans mes propositions.

Septième point, il faut veiller à l’équité entre les différentes formes de vie en couple. Les familles ne sont plus celles que nous connaissions il y a une quarantaine ou une cinquantaine d’années. À partir du décès de leur conjoint, les veuves, plus rarement les veufs, touchent une pension de réversion, modifiée au prorata des mariages successifs. Or, aujourd’hui, la vie maritale n’est plus le mode majoritaire de vie en couple parmi les générations les plus jeunes. Un nombre croissant de couples vit à long terme sous le régime du PACS, que nous avons créé il y a une douzaine d’années, ou du concubinage. Cette réalité doit être prise en compte pour la réversion.

Huitième point, il faut prendre en compte les « oubliés de la retraite ».

Les inégalités entre retraités reflètent plus globalement les inégalités subies tout au long des parcours professionnels. Le système actuel, encore relativement adapté aux hommes salariés à carrière complète ayant connu une faible mobilité professionnelle, laisse de côté certaines catégories de personnes aux parcours professionnels plus atypiques – bien qu’ils soient désormais statistiquement de plus en plus nombreux – ou ayant connu des périodes de précarité. Ces cas particuliers sont nombreux et participent d'une tendance générale.

La question des pensions de ces oubliés de la retraite doit être abordée. Parmi eux, les travailleuses et travailleurs migrants retraités, soit plus de 70 000 personnes en France, sont confrontés à de nombreux obstacles administratifs et à des conditions de résidence pour le versement des pensions et des minimums vieillesse. Ces conditions les pénalisent et peuvent entraîner la perte partielle de leur pension. Par ailleurs, ces personnes rencontrent souvent des problèmes de santé assez lourds liés aux métiers pénibles qu'ils ont exercés. Leur état nécessite parfois des soins qu’ils doivent recevoir en France d’où la nécessité de leur reconnaître un droit au séjour, des droits sociaux et un droit effectif de va-et-vient entre leur pays d'origine et la France où ils ont passé la majorité de leur vie.

Les paysans et les paysannes perçoivent également de très faibles retraites : 90 % des monopensionnés du secteur agricole restent en dessous du seuil de pauvreté, soit 817 euros par mois. La situation est encore plus difficile pour les conjointes ou les conjoints d'exploitants agricoles et les salariés de l'agriculture.

Certaines professions, parfois peu significatives quantitativement, connaissent des difficultés semblables, comme les paludiers.

Les petits commerçants et les artisans sont aussi des oubliés de la retraite. Il serait absurde de ne pas faire évoluer les régimes institués après la guerre qui les pénalisent fortement aujourd'hui.

Les retraites des publics en situation de handicap bénéficiant de l’allocation adulte handicapé doivent également être améliorées,

Laisser ces retraités dans la pauvreté est inacceptable. Les revendications de ces « oubliés de la retraite » doivent être entendues dans le cadre d'une réforme du système.

J’en viens au neuvième point.

M. Pascal Terrasse. Prenez votre temps ! Tout cela est très intéressant.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. En tout cas, plus intéressant que les discours des socialistes… et plus fouillé.

M. Yves Cochet. Le discours de M. Ayrault présentait également un système global. Il est différent du nôtre, mais nos deux propositions sont compatibles alors qu’elles sont totalement incompatibles avec les vôtres.

Le neuvième point porte sur l’unification des régimes

Historiquement, les régimes de retraites par répartition ont été conquis branche par branche, ce qui explique une grande opacité, une obligation de mettre en place des systèmes de compensation, de multiples injustices et une complexité croissante. Il est temps de reconstruire le système sur des principes fondateurs considérant la retraite comme un droit universel qui prenne en compte et compense les inégalités entre les sexes, la pénibilité du travail, et les différences de salaires selon les statuts.

Nous souhaitons parvenir à terme à la convergence de tous les régimes généraux de base dans le cadre d'une réforme systémique qu'il convient de préparer en engageant des négociations interprofessionnelles.

J’en viens à un second chapitre : comment élaborer un système pour consolider le financement de nos retraites qui doit être équitablement réparti et qui doit commencer par la mobilisation des ressources des entreprises.

Il faut d’abord une réforme durable, contrairement à celle proposée par M. Fillon en 2003 dont les effets ont cessé bien plus tôt qu’il ne l’avait prévu – pour ce qui est de votre projet de loi censé résoudre les problèmes jusqu’en 2018, il n’est pas du tout certain que l’on atteigne cette date.

M. Pascal Terrasse. Il faudra tout reprendre dès 2012 !

M. Yves Cochet. La réforme doit être l'occasion de mettre sur pied un régime de retraite durable et équitable dont les Français ont besoin.

La première revendication est d'obtenir les conditions véritables du débat qui suppose le temps et l'écoute de tous et de toutes. Je répète ce qu’on déjà dit mes collègues de l’opposition : nous n’avons pas eu le temps, et vous n’avez pas suffisamment écouté ce qui fait que la rue a réagi et qu’elle va encore réagir dans quelques jours. Vous n’avez pas assez écouté, en conséquence votre projet de reforme est mauvais.

Les citoyens français doivent pouvoir décider collectivement de l'utilisation des ressources collectives limitées. Le débat doit ainsi clarifier la part du PIB consacré aux retraites et les mécanismes de rééquilibrage pérenne. Les réformes précédentes se sont systématiquement basées sur des hypothèses irréalistes de croissance. Ce faisant, chaque nouveau rendez-vous a été l'occasion de constater que la situation avait « empiré », de sorte que « des mesures drastiques s'imposaient ». Personne ne voulait vraiment anticiper la situation économique générale à l’échelle de la planète, de l’Europe et de la France. Nous demandons que cette fois toutes les hypothèses soient envisagées de façon à préparer effectivement les rendez-vous ultérieurs. Le principe de précaution, désormais constitutionnel, vaut également pour les retraites.

Sur ces bases, un débat pourra s’engager sur le financement des retraites et sur les leviers en jeu : le niveau des pensions, la durée, l'assiette, et le montant des cotisations, ainsi que le niveau d'emploi. Le montant de la pension étant attaché aux salaires, il est légitime que le financement reste principalement assis sur les cotisations salariales.

M. Pascal Terrasse. C’est très important ! Les avantages contributifs.

M. Yves Cochet. Mais la retraite est également un droit universel, inscrit dans l’article 25 de la Déclaration des universelle des droits de l'homme, qui doit se concrétiser par des revenus de solidarité comme le minimum vieillesse, le minimum contributif ou les avantages familiaux. Ils peuvent et doivent être financés par une meilleure répartition de la richesse collective.

En tant qu’écologistes, nous sommes donc partisans d’une plus grande fiscalisation du financement des retraites. Celui-ci doit mettre à contribution tous les éléments de la richesse nationale, alors que les cotisations sociales sont une incitation à remplacer le travail par du capital immobilisé.

Il convient à ce stade de définir les pistes de réflexions, qui ne se concrétiseront en mesures chiffrées qu’au regard des besoins de financement du système qui seront établis sur la base du rapport du COR d’avril 2010. Même si nous émettons de sérieux doutes sur la validité à terme de ces éléments, ils nous serviront tout de même d’hypothèse de travail.

Nous proposons le maintien du niveau global des pensions, en assurant plus d'équité dans leur répartition

On ne peut pas réduire encore le niveau des retraites. Les réformes précédentes ont déjà fortement entamé le niveau des pensions à venir. Ainsi, la réforme Balladur a fait passer le calcul du salaire moyen de référence des dix aux vingt-cinq meilleures années en revalorisant les salaires portés au compte sur l'indice des prix et non sur l'évolution du salaire moyen. Cela s’est traduit par une baisse du niveau des retraites. Un salarié non-cadre touchait 84 % de son dernier salaire net en partant à la retraite en l’an 2000 ; il ne percevra plus que 67 % de son salaire s’il prend sa retraite en 2040.

De manière plus globale, si les hypothèses du COR sur la productivité et l'inflation se réalisent – ce qui nous semble peu probable car nous croyons que la situation économique générale sera plus sombre que celle qu’il décrit –, le rapport entre la pension moyenne et le revenu d'activité net de cotisations sociales devrait passer de 78 % en 2000 à 64 % en 2040, à réglementation inchangée. Le niveau des pensions ne peut être à nouveau le levier principal pour équilibrer le régime des retraites.

Plutôt que de diminuer les pensions, il est possible de les adapter. En effet, cette réforme des retraites futures doit être pensée dans un souci de solidarité intergénérationnelle, de justice entre classes et entre les sexes.

Le système de retraite actuel est d'une opacité considérable. Vous êtes un expert, monsieur le secrétaire d’État, mais on doit pouvoir compter sur les doigts d’une seule main ceux qui connaissent tous les régimes de tous les systèmes.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Peut-être les commissaires du Gouvernement qui m’assistent en sont-ils capables ? (Sourires.)

M. Yves Cochet. C’est possible, mais un biais idéologique les empêche sans doute de vous conseiller au mieux.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Leur âme est pure !

M. Yves Cochet. Les flux de transferts entre les régimes, les niches fiscales et sociales sont innombrables. Généralement toutefois, le système actuel maintient les inégalités de salaires observés durant la carrière et ces écarts sont creusés par les différences de patrimoine.

Les régimes actuels ne garantissent pas un minimum suffisant à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Celles et ceux qui n'ont pas eu la chance de disposer d'un héritage, contrairement à la plupart de ceux que les membres de la majorité connaissent, et qui n'ont pas pu acquérir un logement sont également celles et ceux qui bénéficient des retraites les plus faibles. À l'autre bout du spectre, quelques dirigeants d'entreprise touchent des retraites chapeau d'un montant scandaleux tout en bénéficiant de revenus significatifs issus de leur patrimoine.

Dans ce cadre, quelles sont nos propositions ? Pour les retraités, comme pour les personnes actives, nous sommes attachés à une réduction des inégalités par l'instauration d'un revenu maximum, et à l'augmentation des minima sociaux, notamment celle du minimum vieillesse à 80 % du SMIC. Les titulaires du RSA qui ont entre soixante et soixante-cinq ans pourront, à leur demande, liquider leur droit à la retraite et bénéficier du minimum vieillesse.

Aujourd'hui, de nombreuses personnes salariées ou indépendantes profitent des mesures permettant le cumul entre emploi et retraite pour bénéficier d’un double revenu.

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas normal !

M. Yves Cochet. Il faut plafonner le cumul emploi et retraite. Nous proposons un cumul intégral jusqu'à un total de 1,2 fois le SMIC,…

M. Pascal Terrasse. C’est suffisant !

M. Yves Cochet. …avec une réduction progressive au delà, un sifflet dégressif jusqu'à 1,5 fois le SMIC. Il faut aussi permettre la prise en compte des cotisations sur le salaire pour celles et ceux qui n'ont pas atteint le nombre de trimestres nécessaires pour une retraite à taux plein. Il faudra s'interroger sur l'intérêt de la surcote dans cette période de chômage.

Nous demandons aussi la suppression des retraites chapeaux.

M. Jean Mallot et M. Marcel Rogemont. Très bien !

M. Yves Cochet. Enfin, nous entendons corriger les inégalités de genre, c'est-à-dire de sexe, qui se traduisent par le fait qu’en moyenne la pension des femmes est inférieure de 38 % à celles des hommes, en raison des inégalités de salaires et des années d’interruption de carrière pour élever les enfants. À l’inverse, certains dispositifs familiaux, comme la revalorisation de 10 % de la pension pour les parents de trois enfants et plus s'appliquent indistinctement aux femmes et aux hommes alors que, de fait, les femmes sont bien plus pénalisées dans leur carrière.

Nous préconisons de mener une lutte claire contre les inégalités professionnelles dans l'entreprise, assorties de pénalités pour celles qui ne mettent pas en œuvre de mesures de réduction de ces inégalités.

Les écologistes préconisent par ailleurs une remise à plat des avantages familiaux. Ils proposent notamment de remplacer la majoration de 10 % pour les familles de trois enfants et plus, par trois majorations prenant en compte les difficultés de carrière des femmes liées à leur charge de famille.

Première majoration : une majoration de pension de 5 % par enfant accordée aux femmes – ou, éventuellement, aux hommes ayant la garde exclusive, mais ce cas est statistiquement bien moins fréquent – par enfant élevé, en complément de la majoration de la durée d’assurance.

Mme Pascale Crozon. Parfait !

M. Yves Cochet. Deuxième majoration : une majoration en cas de carrière interrompue pour élever ses enfants – valable, évidemment, pour les femmes comme pour les hommes.

Troisième majoration : une majoration complémentaire pour les parents – ce sont majoritairement des femmes – qui ont élevé leurs enfants seuls.

Enfin, nous préconisons la reconnaissance du PACS dans les pensions de réversion. Allez-vous le faire ? C’est l’une des nombreuses questions que je vous pose, messieurs les ministres, tout en formulant mes propositions.

En troisième lieu, nous insistons sur le fait que votre réponse pour réformer notre système, à savoir l’allongement de la durée de cotisation et le report de l’âge de la retraite, est une mauvaise réponse. Ça, nous n’en voulons pas. La solution miracle de l’UMP n’est en fait qu’un faux-nez pour réduire encore le niveau des pensions, car il est aujourd’hui de plus en plus difficile d’atteindre le nombre d’années nécessaires pour une retraite à taux plein. La faible amélioration du taux d’emploi des seniors le démontre. Il se situe autour de 35 %, contre 70 % en Finlande. En cinq ans, le taux d’emploi des 55-64 ans ne s’est pas amélioré : il est aux alentours de 35 %, ou peut-être à 37 % – vous me corrigerez sur ce point –, alors que l’objectif qui avait été fixé en 2003 était d’atteindre 50 % en 2010 ! Et 60 % des personnes qui font valoir leur droit à la retraite ne travaillent déjà plus. La réforme des retraites doit se donner comme priorité la solidarité intergénérationnelle, et donc l’accès à l’emploi des jeunes. Les mesures prises pour financer les retraites ne peuvent donc se traduire par un excès de population active et une hausse du chômage dont les jeunes seraient les premières victimes.

On peut en revanche envisager de profiter de l’expérience des seniors – notamment en développant le tutorat et les dispositifs de transmission de savoir-faire – tout en leur permettant de « lever le pied » et de vivre à un rythme plus humain, en développant le départ progressif, avec un travail à temps partiel sur plusieurs années, sans pénalisation de leur retraite.

L’âge minimum pour liquider sa retraite doit rester à soixante ans, nous le redisons comme d’autres camarades de l’opposition, et comme le disent également les syndicats. Augmenter l’âge légal du départ en retraite aurait deux conséquences : pénaliser celles et ceux qui ont commencé jeunes leur carrière, et qui auraient ainsi atteint le nombre de trimestres de cotisations minimum à soixante ans ; et alimenter les statistiques du chômage, puisque les personnes salariées cessent en moyenne de travailler à cinquante-neuf ans, non pas pour liquider leur retraite, puisqu’il leur faut atteindre 61,6 ans en moyenne pour ce faire, mais parce qu’elles sont exclues du marché de l’emploi.

Les écologistes réaffirment donc que tant que des politiques actives en faveur de l’emploi n’auront pas été mises en place et donné leur pleine mesure, l’âge minimum doit rester fixé à soixante ans, et plus encore que la limite de soixante-cinq ans, âge où l’on peut partir en retraite à taux plein sans avoir atteint le nombre de trimestres nécessaires, ne doit pas être remise en cause.

Quatrième type de propositions : il faut revoir les niches sociales.

L’effort de financement doit être équitable et commencer par la mobilisation des parts du revenu national qui ne sont pas soumises à cotisation. Il y en a plein.

M. Marcel Rogemont. Je trouve que ce discours est édifiant.

M. Yves Cochet. Le fonds de réserve pour les retraites, qui a été mis en place par nous, il y a un peu plus d’une dizaine d’années, est un fonds à caractère temporaire qui provisionne une partie des besoins de financement futurs afin de les libérer à partir de 2020. Et vous piquez déjà dans la caisse, dix ans avant l’heure !

M. Marcel Rogemont. C’est une habitude, chez eux !

M. Yves Cochet. Jusqu’ici, il a cumulé à peu près 33 milliards d’euros, ce qui reste trop modeste. Il convient donc de l’alimenter à nouveau, et de réorienter sa politique d’investissement vers des actifs sûrs, choisis selon des critères – par exemple l’investissement socialement responsable – et dans des projets socialement et écologiquement utiles. Ce fonds sera investi dans le logement et la conversion écologique de l’économie. Il ne s’agit pas d’alimenter la spéculation, qui devra être combattue, mais bien au contraire d’effectuer aujourd’hui des prélèvements ponctuels ou pérennes pour garantir demain le versement des pensions du système par répartition.

Nous proposons d’affecter de nouvelles recettes fiscales à ce fonds de réserve.

Toutes les niches sociales – toutes – doivent être réexaminées, et certaines soumises à une cotisation spécifique venant alimenter le FRR, à commencer par l’intéressement, les stock-options et l’épargne salariale. À lui seul, le manque à gagner de cotisations sur l’épargne salariale est de l’ordre de 3 milliards d’euros annuels.

M. Marcel Rogemont. Eh oui !

M. Yves Cochet. Il faut par ailleurs revoir la politique d’exonérations.

D’une part, les exonérations de charges sur les bas salaires, qui concernent aujourd’hui les salaires jusqu’à 1,6 fois le SMIC et qui constituent une trappe à bas salaires, doivent être revues. Elles doivent notamment être réservées aux seuls CDI dont le temps de travail correspond à au moins 90 % de la durée légale du travail. Les heures supplémentaires et complémentaires seront intégrées pour le calcul de la base d’exonération. Les exonérations de cotisations seront conditionnées à la signature d’un accord de réduction du temps de travail – 32 heures, voire, pourquoi pas, 28 heures –, au respect des quotas liés à l’insertion des personnes handicapées, et à une politique mesurable de suppression des écarts de salaires entre les hommes et les femmes. Il s’agit d’une politique mesurable, c’est-à-dire opérationnelle, pour reprendre votre qualificatif, monsieur le ministre.

D’autre part, il faut revenir sur les exonérations sur les heures supplémentaires, qui auront coûté au budget de l’État plus de 4 milliards d’euros en 2008, dont 2,8 milliards d’exonérations de cotisations sociales, et qui contribuent évidemment à alimenter le chômage. Quand on recourt aux heures supplémentaires, on n’embauche pas.

M. Marcel Rogemont. Bien entendu.

M. Yves Cochet. Cinquième point : l’élargissement de l’assiette.

Pour nous, le financement des retraites ne doit pas reposer sur le seul facteur travail, mais l’ensemble des revenus doit y contribuer, et venir abonder le fonds de réserve pour les retraites et les dispositifs de solidarité du régime. Il s’agit aujourd’hui d’appuyer la réforme des retraites sur une nouvelle répartition de la richesse.

Tout d’abord, dans cet élargissement de l’assiette, nous préconisons l’augmentation de la CSG sur les revenus du patrimoine et de placement, qui n’est aujourd’hui que de 8,2 %. Cette mesure permettrait également de réduire les inégalités entre retraités, qui reposent essentiellement sur un différentiel de patrimoine.

Ensuite, nous proposons que les contributions sociales soient déduites à l’exportation, afin de ne pas faire payer la protection sociale par le consommateur étranger, et que cette déduction soit compensée par l’application d’une contribution environnementale et sociale sur les produits importés, pour que les biens produits dans des conditions sociales et écologiques décentes cessent d’être pénalisés sur le marché.

Troisièmement, les écologistes préconisent l’instauration d’une contribution spécifique sur les bénéfices des grandes entreprises. Cette contribution pourrait notamment provenir d’un écrêtement des niches fiscales, que les entreprises cumulent aujourd’hui pour diminuer toujours plus leur taux d’imposition. On ne peut aujourd’hui demander aux Français de faire un effort, quand les plus grandes entreprises font preuve d’une irresponsabilité fiscale manifeste, avec la complaisance cynique de l’État.

Cette taxe nouvelle doit, d’une part, s’accompagner d’un dispositif de lutte contre ce qu’on appelle par euphémisme l’ « optimisation fiscale » et contre les paradis fiscaux qui permettent aujourd’hui aux entreprises du CAC40 de ne payer que 8 % d’impôt sur les bénéfices, alors que le taux moyen des PME de moins de dix salariés est en moyenne de 30 % ! Un tel écart est absolument scandaleux. Cela coûte 8 milliards d’euros par an à l’État. Il faut évidemment supprimer cette inégalité.

M. Jean Mallot. Tout à fait !

M. Yves Cochet. Cette taxe nouvelle doit, d’autre part, s’accompagner d’un dispositif de lutte contre la fraude fiscale, laquelle prive le budget de l’État, chaque année, de près de 30 milliards d’euros. Il faut intensifier la lutte contre la fraude fiscale.

Une contribution pour les entreprises n’ayant pas amélioré leurs conditions de travail viendra, en outre, abonder le financement des retraites.

Je terminerai mon propos en présentant nos propositions globales de financement du déficit du régime.

Au-delà des seuls régimes de retraite, les Verts rappellent la nécessité de prévoir un plan d’action pour la dépendance et la mise en place d’un service public pour les troisième et quatrième âges, avec les conditions et les principes que j’ai énoncés il y a quelques minutes.

Pour ce qui est des besoins de financement des régimes eux-mêmes, nous proposons un plan de financement sur la base du scénario que le COR considère comme le plus réaliste, le scénario C. À notre avis, même celui-ci sera battu en brèche par l’évolution des conditions économiques générales, dans cette économie qui se porte de plus en plus mal. Mais nous estimons indispensable d’arrêter dans la loi des principes de révision du régime des retraites au cas, très probable, où les hypothèses de croissance des scénarios du COR ne seraient pas atteintes, ce qui entraînerait un besoin de financement plus important que prévu. Quand on est responsable politiquement, et que l’on doit défendre les intérêts d’une population, on doit évidemment envisager le pire. Le scénario C du COR ne se réalisera peut-être pas. Des incidents financiers ou économiques peuvent se produire, parce que la folie des marchés financiers a recommencé, même deux ans après la crise de septembre 2008.

Dans notre projet, que je viens de résumer très sommairement, le financement des régimes de retraite doit être équilibré de la manière suivante. Les montants que je vais vous indiquer sont calculés pour 2020 sur la base des hypothèses de croissance du COR, à partir des chiffres de 2008.

La taxation des revenus du capital, c’est entre 24 et 25 milliards d’euros, montant qui se décompose comme suit.

Premièrement, écrêtement des niches fiscales des entreprises : 2,3 milliards d’euros.

Deuxièmement, contribution sur les dividendes à hauteur de 12 % : 11,7 milliards d’euros.

Trosièmement, cotisation retraite de 15 % sur les stock-options : environ 300 millions. Mais on peut aller plus loin. Les propositions de nos collègues communistes, par exemple, vont beaucoup plus loin.

M. Alain Bocquet. Je confirme : on peut aller plus loin.

M. Yves Cochet. Quatrièmement, doublement, à 16,4 %, du taux de la CSG sur les revenus du patrimoine hors dividendes : 8,2 milliards d’euros.

M. Alain Bocquet. Il y a de l’argent !

M. Yves Cochet. Oui, il y a de l’argent. Je vous l’ai dit : au total, entre 24 et 25 milliards d’euros.

Cinquièmement, abrogation des baisses des droits de succession décidées sous la mandature de M. Sarkozy : 2,3 ou 2,4 milliards d’euros.

Tout cela, c’était le premier point : la taxation des revenus du capital. Mais il y a de l’argent ailleurs.

La suppression de niches sociales et fiscales, nous pouvons l’estimer à 8 milliards d’euros, qui se décomposent de la manière suivante.

Premièrement, division par deux des exonérations sur les bas salaires et mise sous conditions de leur attribution : 5 milliards d’euros.

Deuxièmement, abrogation des exonérations sur les heures supplémentaires : entre 1,4 et 1,5 milliard d’euros.

Troisièmement, augmentation des prélèvements sociaux sur l’intéressement, c’est-à-dire réduction de 50 % du manque à gagner des cotisations retraites : à peu près 1 milliard d’euros, à 100 millions près.

Quatrièmement, augmentation des prélèvements sociaux sur l’épargne retraite entreprise, soit une réduction de 50 % du manque à gagner en cotisations retraite : entre 700 et 800 millions.

En tout, donc, le produit de cette suppression de niches sociales et fiscales est de 8 milliards d’euros.

Le troisième point de nos propositions globales de financement, c’est l’augmentation des cotisations retraite : à peu près 9,4 milliards d’euros.

L’augmentation d’un point de cotisation sociale en dix ans se traduira par un gain estimé à 9,4 milliards d’euros en 2020. L’augmentation des cotisations retraite se fera de préférence sur la part déplafonnée.

Dernier point, le développement de la retraite progressive : entre 4 et 4,1 milliards d’euros. L’incitation à la poursuite d’activités à temps partiel doit être couplée avec le tutorat d’un jeune embauché. L’impact attendu de l’augmentation de six mois de la durée d’activité effective sur les dix ans à venir, c’est entre 4,1 et 4,2 milliards d’euros.

Voilà en résumé notre proposition globale pour les retraites. Il en va tout à fait différemment pour votre plan, qui ne prend en compte que les allongements de durée et les augmentations de départs autorisées à la retraite. Je crois qu’il est tout à fait compatible avec le plan global résumé tout à l’heure par M. Ayrault…

M. Pascal Terrasse. Absolument ! C’est tout à fait cohérent avec nos propositions !

M. Yves Cochet. ...ainsi qu’avec les nombreuses propositions de nos collègues communistes. En 2012, il y aura donc un nouveau système de retraites anticipées en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, nous allons examiner les amendements que nous avons déposés à l’article 28. Le groupe SRC défendra un amendement après l’article 28, afin de compléter la démarche s’agissant des retraites agricoles.

Germinal Peiro et d’autres collègues ont exprimé la position de notre groupe sur les retraites agricoles qui figurent à l’article 28. Il s’agit d’étendre le bénéfice de la retraite agricole obligatoire aux conjoints, collaborateurs, aux aides familiaux, à compter du 1er janvier 2011 ou postérieurement à cette date. Cette restriction ne nous convient pas, car elle empêche les personnes actuellement dans cette situation de bénéficier de la RCO ou celles qui sont d’ores et déjà retraitées et qui souffrent de l’indigence et du caractère indécent du montant des retraites agricoles actuellement versées.

Par conséquent nous proposerons l’extension de cette disposition au-delà du périmètre défini dans l’article 28. Néanmoins, considérant qu’il s’agit d’une avancée même si c’est largement en-deça de notre proposition de loi du 21 janvier dernier, que l’UMP a vigoureusement rejetée, nous voterons l’article 28 de même que l’article 29.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 28.

La parole est à M. François de Rugy pour soutenir l’amendement n° 273.

M. François de Rugy. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 273 repoussé par la commission et le Gouvernement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 683.

M. Victorin Lurel. Défendu.

(L'amendement n° 683, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 28 est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels, après l’article 28.

Après l'article 28

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot pour défendre l’amendement n° 677 rectifié.

M. Jean Mallot. Lorsque l’Assemblée a examiné la proposition de loi déposée par Germinal Peiro et le groupe SRC le 21 janvier dernier, nous étions tombés d’accord sur un point : le montant des pensions versés actuellement aux agriculteurs, notamment dans certaines zones que nous connaissons dans le Massif central peuvent être qualifiées de relativement « indécentes » – je reprends ce terme – tant les montants sont faibles. Quelqu’un a même parlé de « montants indignes ».

Ce point de vue était partagé sur tous les bancs. Nous étions donc disposés à faire droit aux revendications des agriculteurs et des retraités agricoles dont il s’agit puisque les revalorisations prévues dans la loi de financement pour 2009 avait abouti à un échec : il n’y avait que 10 % seulement de bénéficiaires parmi les retraités agricoles. Le montant de la revalorisation était dérisoire, très loin des objectifs fixés par le Gouvernement.

La proposition de loi de Germinal Peiro, qualifiée par l’orateur principal du groupe UMP M. Herth de proposition de loi destinée à soutenir des lobbies régionaux avait été rejetée par l’UMP, alors qu’elle n’aurait coûté qu’environ 130 millions d’euros, soit un quart du bouclier fiscal. Ce n’est pas grand-chose pour le budget de l’État. Il aurait suffi de supprimer le bouclier fiscal, pour financer quatre fois la mesure. Elle aurait pu bénéficier à 360 000 personnes. Il est regrettable qu’elle ait été rejetée, surtout lorsqu’on la compare avec l’avancée de l’instauration de la RCO en 2001 par le gouvernement Jospin sur la proposition de Germinal Peiro.

C’est pourquoi nous déplorons plus encore que le périmètre d’extension de la retraite complémentaire obligatoire ne soit pas suffisant, puisque l’extension de la RCO aux aides familiaux et collaborateurs d’exploitation ne se produit qu’à compter du 1er janvier 2011. Le Gouvernement et sa majorité oublient donc les personnes qui sont actuellement retraités et dont les conditions sociales sont pour une grande partie d’entre elles tout à fait inacceptables.

C’est pourquoi nous souhaitons l’extension de la RCO aux personnes ayant eu, avant le 1er janvier 2011, la qualité d’aide familiale ou de collaborateurs d’exploitation ou d’entreprises agricoles. Cependant, comme nous ne pouvons pas, compte tenu de l’article 40 de la Constitution, faire voter sur l’extension, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport qui préparera cette extension. Nous ne doutons pas que ses conclusions seront favorables et que l’UMP reviendra sur sa décision néfaste de janvier dernier.

(L'amendement n° 677 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 685, 591 et 612, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 591 et 612 sont identiques.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour défendre l’amendement n° 685.

M. Victorin Lurel. Il s’agit de remettre au Parlement un rapport relatif à l’alignement sur le régime général des modalités de calcul de la retraite des exploitants agricoles.

À mon sens, il est inacceptable que le calcul des pensions agricoles se fasse sur 162 trimestres sur une carrière dite complète et non sur les vingt-cinq meilleures années, comme cela se passe pour le régime général, ce qui paraît plus défavorable pour les agriculteurs. Ils ont déjà un niveau de pension faible calculée sur l’entièreté de la carrière ; c’est encore une difficulté supplémentaire

Un amendement en ce sens tombant sous le coup de l’article 40, nous demandons simplement au Gouvernement de remettre un rapport avant le 30 juin 2011 pour rapprocher les régimes, donc les modalités de calcul des pensions agricoles.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour présenter l’amendement n° 591

M. Arnaud Robinet. L’amendement n° 591 prévoit que sera remis au Parlement un rapport gouvernemental sur l’alignement des modes de calcul des pensions agricoles sur celle du régime général, c’est-à-dire sur les vingt-cinq meilleures années.

Il s’agit de prendre en compte dans la réforme les difficultés du monde agricole, dont les retraites sont les plus faibles, alors que les agriculteurs accomplissent des travaux pénibles et qu’ils doivent garder une place vitale notamment pour l’alimentation de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour défendre l’amendement n°612.

M. Michel Raison. L’amendement est identique à celui de M. Robinet. Je voterai celui de M. Lurel. S’il n’était pas adopté, je pense que le nôtre le sera. En effet, au moment où nous savons que les agriculteurs vont connaître plus de fluctuations de prix que par le passé, il est encore plus nécessaire de calculer les retraites sur les vingt-cinq meilleures années plutôt que sur une carrière complète, ce qui serait assez incohérent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La commission a donné un avis favorable aux amendements identiques nos 591 et 612, qui sont plus précis. La commission est défavorable à l’amendement n° 685.(Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Avis défavorable.

(L'amendement n° 685 n'est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 591 et 612 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Je suis surpris de la manière dont vous présidez. Ce n’est pas dans vos habitudes.

M. Dominique Dord. Il préside bien !

M. Pascal Terrasse. Le groupe SRC a déposé un amendement qui vient d’être défendu et qui précise les conditions dans lesquelles les pensions de retraite des agriculteurs doivent être calculées. Ces pensions sont très faibles et leur mode de calcul n’est pas cohérent avec l’ensemble des autres régimes de retraite.

Le groupe socialiste a présenté un amendement, repris par l’UMP. Je ne comprends pas pourquoi le rapporteur n’a pas donné un avis favorable à ces trois amendements. Nous aurions au moins pu voter, pour une fois ensemble, une disposition qui va plutôt dans le bon sens.

Je ne sais pas ce que le rapporteur cherche en donnant un avis défavorable à l’amendement, mais je trouve cela indigne au moment où nous parlons de la retraite des agriculteurs et où il nous semble y avoir un accord.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel pour défendre l’amendement n° 684.

M. Victorin Lurel. C’est un amendement de bon sens, visant à réparer une injustice commise en 1961.

L’accord du 8 décembre 1961 a été étendu aux départements d’outre-mer par arrêté du 6 avril 1976, pris dans le cadre de la loi de généralisation n° 72-1223 du 29 décembre 1972.

Cet arrêté a concerné les branches d’activité dont les travailleurs sont assujettis à titre obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale « à l’exclusion de celles visées au second alinéa de l’article L.2 du code de la sécurité sociale ». Ainsi, les professions agricoles et forestières sont restées en dehors de cette extension outre-mer bien qu’elles relèvent du régime général de sécurité sociale.

À l’exception de la Guyane où un accord du 23 avril 1999 a permis de faire bénéficier, à titre obligatoire, les salariés agricoles d’un régime de retraite complémentaire, les autres entreprises agricoles outre-mer sont seulement autorisées à adhérer – c’est une faculté – et à affilier volontairement leurs salariés.

Il apparaît donc opportun, eu égard au faible niveau de pension des retraités agricoles outre-mer, d’étudier une généralisation de la retraite complémentaire des salariés agricoles dans les départements d’outre-mer afin de les faire bénéficier, moyennant cotisation, d’une allocation de retraite complémentaire garantie en plus de l’allocation versée par le régime de base.

Je rappelle que nous n’avons pas de MSA outre-mer ; c’est la caisse générale de sécurité sociale qui gère le régime des exploitants et des salariés agricoles. Il est pour le moins curieux que ceux qui relèvent généralement de ces caisses de sécurité sociale bénéficient d’une retraite complémentaire obligatoire, contrairement aux salariés agricoles. C’est une aberration. Le bénéfice de cet avantage est subordonné à un accord interprofessionnel préalable ; or il n’existe pas d’interprofession. Il convient donc de généraliser la retraite complémentaire des salariés agricoles dans les départements d’outre-mer. Cela aurait dû être fait depuis 1961, a fortiori en 1972.

Voilà un amendement de bon sens.

(L'amendement n° 684, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel pour soutenir l’amendement n° 687 rectifié.

M. Victorin Lurel. Notre amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport visant à modifier l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale afin que les modalités de calcul de la revalorisation des pensions servies outre-mer tiennent compte de l’évolution de l’indice des prix propres à ces départements. Les retraités d’outre-mer ont les pensions les plus faibles de la République : 374 euros en moyenne en Guadeloupe et 7 831 bénéficiaires de la retraite agricole. Je rappelle que le minimum vieillesse s’élève à 708, 95 euros, presque 709 euros. Selon une loi votée ici, la retraite devrait être à 85 % du SMIC, c’est-à-dire environ 750 euros. Et je ne parle pas du seuil de pauvreté, 817 euros, me semble-t-il. Il existe un différentiel de 250 euros entre le montant moyen des pensionnés d’outre-mer et ceux de la métropole.

Non seulement, le niveau des pensions outre-mer est faible, mais il est diminué par la hausse des prix. Il existe une différence de 26 % en défaveur de la Guadeloupe. Au fil du temps, en raison de l’indice des prix élevé et du faible nombre de carrières complètes, les pensions sont encore plus maigres. C’est une double injustice.

Dans une république unitaire à organisation décentralisée, il me semble néanmoins que l’on ne peut centraliser cette question. Autant je peux comprendre, pour des motifs d’égalité, qu’il y ait un indice, mais, dans la mesure où l’État ne contrôle pas les prix en outre-mer et qu’il existe des situations de monopoles – l’autorité de la concurrence l’a prouvé récemment –, on ne peut pas laisser filer les pensions de retraite, au nom d’une certaine conception de l’égalité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Lurel, les agriculteurs peuvent demander le minimum vieillesse. Ne dites pas qu’ils n’y sont pas éligibles. Cela étant, le recours sur succession constitue un frein à la demande du minimum vieillesse, mais nous levons ce frein à l’article 29. Les agriculteurs pourront demander le minimum vieillesse sans crainte.

(L'amendement n° 687 rectifié, repoussé par la commission, n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n°154 rectifié est défendu.

(L'amendement n° 154 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Article 29

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 29.

La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Ce projet de loi, comme avant lui les réformes de 1993 et de 2003, a pour effet une baisse du niveau des pensions et un creusement des inégalités déjà fortes entre les femmes et les hommes.

M. le président. La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. L’article 29 est très important dans la mesure où il facilitera l’accès au minimum vieillesse. De nombreux exploitants agricoles, M. le ministre vient de le souligner, bien que percevant une retraite très modeste, doivent renoncer au bénéfice de cette prestation en raison du risque de recours sur succession. La perspective de ce recours est un véritable frein, en raison de la prise en considération de leur capital foncier et de leur outil de travail dans l’actif successoral. Cette disposition qui vise à exclure les terres agricoles et les bâtiments y afférent est de nature à faciliter l’accès au minimum vieillesse d’hommes et de femmes dont le montant de pension est très faible, voire indigne, comme je l’ai entendu dire.

Voilà une mesure corrective qui est à mettre à l’actif du Gouvernement et qui vient compléter le plan de revalorisation des retraites engagé depuis 2008.

Mme Valérie Rosso-Debord. Très bien !

M. Vincent Descoeur. J’ai cru entendre tout à l’heure qu’il n’y aurait pas eu de plan de revalorisation des retraites agricoles. Cela est tout à fait inexact. Un certain nombre de mesures ont été prises pour améliorer les retraites les plus faibles. L’État y consacre quelque 380 millions d’euros par an.

M. Germinal Peiro. Non ! C’est faux !

M. Vincent Descoeur. Le débat s’est instauré tout à l’heure sur la nature du minimum vieillesse, certains s’inquiétant qu’il puisse s’agir d’une prestation sociale. Ce qui importe à cette heure, ce n’est pas de débattre de la nature du minimum vieillesse, mais d’apporter une réponse concrète à des hommes et des femmes qui bénéficient d’une retraite très inférieure à ce minimum. Nous vous proposons d’améliorer sensiblement des situations individuelles qui ne sont pas satisfaisantes. Saisissons donc cette opportunité. J’imagine mal que nous n’ayons pas d’avis unanime sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je souhaite aborder deux points particuliers et je regrette que les amendements les concernant aient été refusés au titre de l’article 40 pour irrecevabilité financière. Je souhaite vous exposer le bien-fondé de mes propositions et j’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler dans le cadre du PLFSS.

Le premier avait pour objet de permettre aux assurés sociaux élevant un enfant handicapé et qui, à ce titre, ont droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et à son complément ou, en lieu et place de ce dernier, à la prestation de compensation, de bénéficier d’une majoration de leur durée d’assurance d’un trimestre par période d’éducation de trente mois dans la limite totale de huit trimestres. Je suis désolée pour ces explications techniques à cette heure matinale ! Néanmoins, il me semblait intéressant d’en parler aujourd’hui.

Actuellement, la majoration pour enfant handicapé concerne uniquement les assurés ayant cotisé au régime général, au régime des salariés agricoles et au régime des non salariés artisans, commerçants et industriels.

Pourtant, l’article 3 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites dispose que les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite quelles que soient leurs activités professionnelles passées ou les régimes dont ils relèvent.

En l’absence d’une disposition législative, les organismes de sécurité sociale n’appliquent toujours pas l’article L. 351-4-1, faisant ainsi perdurer l’inéquité en matière de droits familiaux des professions libérales. C’est pourquoi j’aurais souhaité que l’on puisse inscrire cet amendement dans le code de la sécurité sociale afin que les professions libérales bénéficient de la majoration pour enfant handicapé au même titre que les assurés des autres régimes sociaux.

Le second point que je souhaite aborder concerne les majorations du montant des pensions pour les parents ayant eu ou élevé trois enfants et plus, qui ont été introduites pour tous les régimes de retraite, à l’exception du régime de base des professions libérales.
Pourtant, l’article 3 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites dispose que les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite quelles que soient leurs activités professionnelles passées ou les régimes dont ils relèvent. Cependant, le conseil d’administration de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales a voté en 2007 l’attribution d’une majoration de pension de 10 % pour trois enfants et plus au profit des deux parents.

Malgré cela, et en l’absence d’une disposition législative, cette mesure n’a toujours pas été mise en place. Pourtant, cette majoration serait d’un coût nul – j’insiste sur ce point – pour les finances de l’État, puisqu’elle serait intégralement payée par les professionnels concernés. Je souhaite donc que l’on puisse rectifier cette deuxième inéquité des droits familiaux en matière de retraite entre les différentes catégories d’assurés. Je croyais important que nous puissions en discuter et j’espère que ces points pourront être abordés dans d’autres textes dans le courant de l’année.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Je veux, de nouveau, dire tout le mal que nous pensons de cette réforme en général, en particulier pour les retraités agricoles. Je vous le répète : nous ne traitons pas le stock. Actuellement, les femmes qui sont à la retraite ne bénéficieront pas de la retraite complémentaire obligatoire ce qui est tout à fait navrant. Sans faire de comparaisons avec les cadeaux fiscaux, permettez-moi de dire que les injustices sont tout à fait criantes.

Le seul gouvernement à avoir engagé un plan quinquennal ces vingt dernières années est celui de M. Jospin. Il n’existe aujourd’hui aucun plan quinquennal. Or, en 2008, l’État s’est engagé sur quelques réformes, à hauteur non de 380 millions par an, mais de 150 millions seulement pour trois ans. Si vous vous renseignez auprès de la caisse centrale de la mutualité agricole, vous constaterez qu’à peine la moitié des sommes ont été engagées. Cela dit, nous voterons l’article 29.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il est six heures moins le quart ! C’est l’heure à laquelle nous allons commencer à parler des veufs et des veuves, des femmes, des seniors Cet horaire pose des problèmes par rapport à l’organisation de nos débats. C’est la sixième nuit consécutive que nous siégeons. Je n’ai jamais vu autant de parlementaires, épuisés, tentant de se reposer dans les salons autour de l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas un reproche. Je comprends la fatigue de mes collègues. Cela signifie qu’il y a une carence dans l’organisation de nos débats. Il n’y avait aucune urgence à voter le texte cet après-midi. À ce stade de fatigue, les débats ne sont plus maîtrisés.

M. Roland Muzeau. Et le code du travail ? Et les journées de seize heures pour les agents de l’Assemblée ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il est inadmissible de faire travailler les parlementaires dans de telles conditions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Charles de La Verpillière. Nous sommes en pleine forme !

M. Dominique Dord. Je n’ai jamais vu autant de députés dans l’hémicycle.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je veux évoquer le problème des conjoints survivants.

Alors que, depuis plus de deux ans, le Gouvernement n’a cessé de répéter que ce serait à l’occasion de la réforme des retraites qu’il formulerait des propositions sur cette question, alors que les députés de votre majorité, lorsqu’ils participent à des assemblées générales, notamment celle de la FAVEC, qui regroupe de nombreux veufs et veuves, disent comprendre les attentes de ces derniers et vouloir y répondre prochainement...

M. Pascal Terrasse. Ce problème a fait l’objet de questions écrites, du reste !

Mme Marie-Françoise Clergeau. …, nous constatons que votre texte ne comporte aucune avancée en la matière. Bien au contraire, les mesures injustes que vous prônez seront plus lourdes de conséquences pour des veufs et surtout des veuves déjà confrontés à des situations difficiles.

N’oublions pas que l’on compte 580 nouveaux veuvages chaque jour, dont 20 % sont qualifiés de « précoces » en raison de l’âge du conjoint décédé. Les personnes frappées par le veuvage sont 3,8 millions dans notre pays et la grande majorité des conjoints survivants sont des femmes. Nous savons combien les retraites des femmes sont faibles ; celles des veuves le sont encore davantage.

Le Président de la République s’est engagé à plusieurs reprises à améliorer le sort des veuves et des veufs en portant le taux de réversion de 50 à 60 %. Une fois de plus, il ne tient pas ses promesses : seuls les veufs et veuves âgés de plus de soixante-cinq ans et percevant moins de 800 euros mensuels ont obtenu une majoration de leur pension de réversion.

Les situations varient certes beaucoup selon l’âge du veuvage, la situation familiale, les ressources, selon que le conjoint survivant travaille ou non, selon que la personne décédée travaillait dans le secteur public ou privé.

En 2009, votre gouvernement a durci les conditions d’accès à la réversion en rétablissant un seuil d’âge : désormais, la réversion n’est versée qu’à partir de cinquante-cinq ans. La loi Fillon sur les retraites prévoyait la suppression de la condition d’âge au 1er janvier 2011. Qu’en est-il, messieurs les ministres ?

Vous avez d’autre part annoncé que l’allocation veuvage, qui devait prendre fin au 31 décembre prochain, était prolongée. J’aimerais savoir dans quel cadre exactement, puisque, sauf erreur de ma part, ce ne sera pas sous la forme d’un amendement gouvernemental au présent projet de loi. En outre, pour combien de temps sera-t-elle prolongée le cas échéant ?

Il faut trouver des solutions pérennes et regarder en face ce que vivent ces hommes et ces femmes qui perdent leur conjoint et sont malheureusement confrontés très souvent, outre les difficultés morales, à des difficultés financières lourdes.

L’allocation veuvage n’est que de 570 euros. II est temps de faire un effort et d’augmenter sensiblement cette allocation, perçue par celles et ceux qui ont moins de cinquante-cinq ans et ne peuvent encore prétendre à la réversion. En effet, elle est beaucoup trop faible, en particulier pour les femmes qui ont encore souvent des enfants à charge. La revalorisation est indispensable.

En prenant en considération tous les revenus des conjoints survivants, au-delà de leur seul salaire ou de leur propre pension de retraite, et en y incluant notamment toutes les ressources personnelles qui permettent à des familles aux revenus modestes ou moyens d’améliorer quelque peu leur niveau de vie, vous avez, messieurs les ministres, transformé la pension de réversion en une allocation différentielle…

M. Christian Eckert. Et voilà !

Mme Marie-Françoise Clergeau. …, alors que c’est bien de droits acquis qu’il s’agit. Pourquoi vouloir enfermer les conjoints survivants dans une situation de précarité ?

Pour compléter rapidement ce tableau, déjà bien noir, de la situation des veufs et veuves dans notre pays, je tiens également à évoquer la disparition des droits familiaux accordés aux femmes : celles-ci ne bénéficient plus des huit trimestres de bonification auxquels la naissance de leurs enfants leur donnait droit. Cette disposition peut faire perdre aux femmes jusqu’à quatre trimestres.

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est faux !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je répète, monsieur le ministre : cette disposition peut faire perdre aux femmes jusqu’à quatre trimestres. Vrai ou faux ?

M. Alain Bocquet. C’est vrai !

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est vrai ! Merci !

M. Alain Bocquet. Elle a raison ! Vous êtes fatigué, monsieur le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Et la MDA ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. On l’a vu l’an dernier !

Mme Marie-Françoise Clergeau. En outre, la question reste posée : en cas de veuvage, le conjoint survivant récupère-t-il les huit trimestres ou continue-t-il à ne bénéficier que de quatre trimestres si ce choix a été fait auparavant ?

Enfin, la suppression de la demi-part fiscale pour les personnes seules leur fera aussi perdre tout ce qui s’y rattachait : le non-paiement de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle.

M. Alain Bocquet. Eh oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est donc pas le montant de la pension qui sera touché, mais le reste à vivre des familles…

M. Alain Bocquet. Très juste !

Mme Marie-Françoise Clergeau. …, alors que certaines veuves sont dans des situations bien difficiles, leur budget étant déjà très serré.

Enfin, pourquoi ne pas prendre en considération la situation des pacsés et des concubins ayant eu des enfants ensemble, comme le préconise du reste la délégation parlementaire aux droits des femmes ?

Étant donné toutes les difficultés que connaissent les conjoints survivants, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous demande de mesurer enfin la situation de ces millions d’hommes et de femmes dont les conditions de vie risquent encore de se dégrader si votre projet reste en l’état et si des dispositions particulières ne sont pas adoptées, comme le Gouvernement s’y était engagé – j’y insiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L'article 29 est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 29.

Après l’article 29

M. le président. L’amendement n° 579 du rapporteur est rédactionnel.

(L’amendement n° 579, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 672.

Mme Marisol Touraine. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet amendement est satisfait par un amendement précédent.

Avis défavorable.

(L’amendement n° 672, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 671 est-il également défendu ?

Mme Marisol Touraine. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 671, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. En est-il de même de l’amendement n° 675.

Mme Marisol Touraine. Absolument !

(L’amendement n° 675, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Marcel Rogemont. Plus vite, plus vite !

Article 29 bis

M. le président. L’amendement n° 581, deuxième rectification, du rapporteur est rédactionnel.

(L’amendement n° 581, deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Il en est de même de l’amendement n° 582.

(L’amendement n° 582, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 29 bis, amendé, est adopté.)

Après l’article 29 bis

M. le président. L’amendement, n° 584 rectifié du rapporteur portant article additionnel après l’article 29 bis est rédactionnel.

(L’amendement n° 584 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 29 bis, amendé, est adopté.)

Article 29 ter

M. le président. Cet article ne faisant l’objet d’aucun amendement, je le mets aux voix.

(L’article 29 ter est adopté.)

Article 29 quater

M. le président. L’amendement de suppression n° 583 du rapporteur est de coordination.

(L’amendement n° 583, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 29 quater est supprimé.

Article 29 quinquies

M. le président. L’amendement n° 118 est défendu.

(L’amendement n° 118, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 29 quinquies, amendé, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 29 quinquies.

Après l'article 29 quinquies

M. le président. L’amendement n° 622 est défendu.

(L’amendement n° 622, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 30 est également défendu.

(L’amendement n° 30, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Il en va de même de l’amendement n° 29 rectifié.

(L’amendement n° 29 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 197, 448, 265 et 673 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 197 et 448 sont identiques.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 197.

M. Yves Cochet. Nous considérons qu’il existe une inéquité envers ce que j’ai appelé tout à l’heure, dans mon intervention, les nouvelles formes de vie. Dès lors, aux termes de l’amendement n° 197, le Gouvernement devrait remettre un rapport étudiant la possibilité d’étendre les pensions de réversion aux couples liés par un pacs.

En effet, le nombre de pacs ne cesse d’augmenter, et les personnes qui adoptent ce mode d’engagement seront sans doute plus nombreuses encore à l’avenir. L’occasion nous est ici fournie, au nom du principe d’égalité, d’accorder le droit à cette évolution de notre société et de donner ainsi au pacs la place qui lui est due.

Cette mesure est d’autant plus justifiée que, pendant sa campagne, en 2007, le président Sarkozy avait plaidé en faveur d’une égalité des droits allant « jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Ce n’est qu’une promesse non tenue de plus, me direz-vous. Cependant le COR lui-même considère qu’il faudrait envisager d’étendre ce droit.

À l’âge de la retraite, en cas de décès du conjoint pacsé, il me semble normal, afin de ne pas trop bouleverser le train de vie du survivant, de lui permettre de toucher une pension de réversion, à l’image des couples mariés.

En plein examen de la réforme, notre commission des affaires sociales a, hélas,…

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Yves Cochet. …, rejeté l’amendement, prenant position contre les pacsés. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) C’est incroyable !

Cet amendement aurait pu permettre l’adoption de cette disposition, que Mme Billard avait proposée avec nous, assurant que « le pacs n’entraîne pas la même obligation alimentaire que le mariage » et que l’extension avait été promise par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle. (Mêmes mouvements.) Oui, encore une promesse non tenue !

Le candidat s’était engagé à étendre ce régime aux gays et lesbiennes veufs ou veuves dans le cadre de la création d’une « union civile » – on ne sait pas très bien ce que cela signifie – destinée aux couples homosexuels, dans un entretien qu’il avait accordé au magazine Têtu. Cette union civile n’a toujours pas vu le jour. Ces promesses ont plus de trois ans, et le temps passe ! (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Nous devons montrer à tous nos concitoyens que nous sommes attachés aux pensions de réversion, quel que soit le mode d’union, en incluant les plus contemporains, notamment le pacs. Du reste, c’est ce que propose l’inter-association LGBT.

Parmi les objections de la majorité à l’extension des pensions de réversion aux pacsés, on trouve l’idée que l’on ne saurait donner les mêmes droits pour ne pas introduire une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Au contraire, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, le conseil d’orientation des retraites, le COR, ainsi que la HALDE et le médiateur de la République se sont prononcés en faveur de l’alignement du régime du pacs en la matière sur celui du mariage. (Approbations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Pascal Terrasse. Cette situation n’est pas normale !

M. Yves Cochet. C’est l’objet même de notre amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le COR a déjà examiné cette demande dans un rapport publié en 2008.

M. Pascal Terrasse. Et il a émis un avis favorable !

M. Denis Jacquat, rapporteur. D’autre part, pourquoi poser cette question pour le pacs et non pour le concubinage ?

M. Pascal Terrasse. Parce que dans le concubinage, il n’y a pas de contrat !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président Puis-je considérer que vous avez défendu en même temps l’amendement n° 448, monsieur Cochet ?

M. Yves Cochet. Oui, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 197 et 448, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je veux revenir sur la question de l’égalité des droits des couples pacsés.

Le pacs ne se confond pas avec le concubinage, monsieur Jacquat, notamment en matière de pension de réversion.

Cela fait plusieurs années que Marisol Touraine met en avant ce sujet en se fondant sur l’arrêt du Conseil d’État qui a reconnu que la question de la pension de réversion était soumise aux critères de non-discrimination au sens des dispositions européennes. De nombreux députés UMP avaient interrogé le Gouvernement par le biais de questions écrites sur cette injustice, signalée notamment par la HALDE et dans le rapport du COR sur les droits familiaux et conjugaux.

Le médiateur, monsieur Jacquat, vous a également interpellé à ce sujet juste avant l’examen du projet de loi en commission.

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est exact !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Quoi de plus normal quand on se souvient que l’ouverture du droit à pension de réversion aux personnes pacsées avait été promise par Nicolas Sarkozy, en 2007. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) D’un côté, on promet de faire et on ne fait pas ; de l’autre, on promet de ne pas faire – je pense au maintien de la retraite à soixante ans – et on fait.

Des mesures similaires existent dans d’autres démocraties, je pense au Canada, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

Je constate que l’UMP a une fois encore oublié ses engagements et je suis très désagréablement surprise de voir que la commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements.

Monsieur le rapporteur, vous avez abondamment cité vendredi soir le rapport du COR, dont le Parlement devrait appliquer les recommandations, comme j’en ai formulé le souhait à plusieurs reprises. Il serait pour le moins cohérent d’appliquer la même jurisprudence aux pacsés pour le versement de la pension de réversion et, de surcroît, juste d’accepter de mettre en œuvre cette promesse de campagne électorale de M. le Président de la République.

M. le président L’amendement n° 265, est-il défendu monsieur Cochet ?

M. Yves Cochet. Oui, monsieur le président !

M. le président Et l’amendement n° 673 rectifié ?

Mme Marisol Touraine. Défendu !

(Les amendements n°s 265 et 673 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix ne sont pas adoptés.)

M. le président La parole est à M. Alain Vidalies pour l’amendement n° 402.

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement prétend que le versement du minimum vieillesse à soixante-cinq ans est maintenu. La question a été abordée à plusieurs reprises en commission et il nous a été répondu que la réforme n’avait pas d’incidence sur cette mesure ; je me demande d’ailleurs comment cela fonctionnera.

Toutefois, j’aimerais que le Gouvernement réponde plus clairement puisque des engagements ont été pris. S’ils étaient effectifs, cet amendement serait satisfaisait. Or il ne l’est pas ce qui nous conduit à nous interroger sur la réalité du droit positif en la matière.

M. le président Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. L’accès au minimum vieillesse est maintenu à soixante-cinq ans, et fixé à soixante-deux ans en cas d’inaptitude au travail. Néanmoins, comme je l’ai expliqué en commission, la pension d’invalidité est souvent plus importante que la retraite. Cela risquerait de faire beaucoup de perdants.

(L'amendement n° 402 n'est pas adopté.)

M. le président Je suis saisi de l’amendement n° 122.

M. Paul Jeanneteau. Défendu !

(L'amendement n° 122, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président En est-il de même de l’amendement n° 235 ?

M. Paul Jeanneteau. Défendu !

M. le président Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

M. le président La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu au sujet des donations et du minimum vieillesse. Peut-être ne pouvez-vous pas apporter de réponses maintenant, mais c’est un problème qu’il faut traiter.

(L'amendement n° 235 n'est pas adopté.)

M. le président L’amendement n° 456 est-il défendu ?

Mme Marisol Touraine. Défendu !

(L'amendement n° 456 repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président J’en viens à l’amendement n° 350.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, …

M. le président Monsieur Bocquet, vous ne pouvez pas défendre cet amendement, car votre groupe a épuisé son temps de parole. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme Laurence Dumont. Quelle absurdité !

M. Christian Hutin. C’est ridicule !

M. Alain Bocquet. Ce n’est pas normal ! (M. Bocquet se bâillonne avec un mouchoir blanc en tissu)

M. Yves Cochet. Défendu !

M. le président Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je précise qu’à la suite de la réunion que nous avons eue avec le Président de la République, nous sommes prêts à examiner la question de la retraite anticipée des travailleurs handicapés. Nous le ferons lors de la lecture au Sénat.

(L'amendement n° 350 n'est pas adopté.)

M. le président Nous en venons à l’amendement n° 352.

M. Yves Cochet. Défendu.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, M. Bocquet est bâillonné !

M. Patrick Roy. Libérez Alain Bocquet !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous êtes stupides, ce n’est que la simple application du règlement.

(L'amendement n° 352 n'est pas adopté.)

M. le président. En va-t-il de même pour l’amendement n° 153, monsieur Cochet ?

M. Yves Cochet. Défendu !

(L'amendement n° 153, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. Patrick Roy. Libérez Alain Bocquet !

M. le président Je suis saisi de l’amendement n° 680.

M. Alain Vidalies. Défendu !

(L'amendement n° 680, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président Nous en venons à l’amendement n° 678.

M. Germinal Peiro. Défendu !

(L'amendement n° 678, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président Et l’amendement n° 639 ?

Mme Marisol Touraine. Défendu !

(L'amendement n° 639, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président Vous défendez également l’amendement n° 642, madame Touraine ?

Mme Marisol Touraine. Défendu !

(L'amendement n° 642, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Avant l'article 30

M. le président Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 30.

Nous commençons par l’amendement n° 712.

La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. À six heures cinq du matin, après plus d’une semaine de discussion, nous abordons le chapitre II intitulé « Dispositions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes et l’emploi des seniors », chapitre qui n’est à pas à sa place dans le projet de loi. Il ne relève en effet pas de la solidarité mais de la lutte contre les discriminations et du combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

Il faut préciser qu’il a été inséré très tardivement. Il ne figurait pas à cette place dans le projet original, mais se trouvait plus en amont.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, regardez M. Bocquet !

M. le président Monsieur Terrasse !

Veuillez poursuive, madame Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Avant d’aborder le fond de la question, je tiens à protester contre ces articles qui ne sont que des alibis. Je rappelle que le ministre n’a cessé d’affirmer au cours de nos débats qu’il n’y avait pas de problème de retraites pour les femmes mais seulement des problèmes de carrière.

(L'amendement n° 712, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président Les amendements n°s 199 rectifié et 353 peuvent être soumis à discussion commune.

M. Yves Cochet. Ils sont défendus.

(Les amendements n°s 199 rectifié et 353, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix ne sont pas adoptés.)

M. Patrick Roy. Libérez Alain Bocquet !

M. le président Je suis saisi de l’amendement n° 645.

Mme Marisol Touraine. Défendu.

(L'amendement n° 645, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Article 30

M. le président Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. La question de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un sujet majeur.

Par parenthèse, ce débat prend une tournure qui frise l’absurde. Alors que nous sommes au cœur de problèmes de société d’une très grande importance, l’un des groupes de l’opposition est déjà privé de temps de parole et un autre s’achemine vers le même sort.

M. Pascal Terrasse. Censure !

Mme Marisol Touraine. D’un côté, vous prétendez que la question des retraites, de l’égalité, des non-discriminations est prioritaire pour vous mais, de l’autre, vous ne permettez pas au débat de se dérouler avec le sérieux que les Français sont en droit d’attendre.

Après une nuit entière de débat sur la pénibilité, sujet essentiel, nous abordons avec cet article un sujet tout aussi essentiel mais force est de constater, après quatorze heures de débat quasiment ininterrompu, que l’obsession de la majorité de vouloir à tout prix faire voter à jour et heure fixes ce projet de loi sur les retraites aboutit à une situation totalement aberrante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Nous sommes piétinés, bâillonnés ! Vous ne l’emporterez pas au paradis !

Mme Marisol Touraine. Sur la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, le projet de loi, présente quelques améliorations certaines qu’il n’est pas question de nier. Le travail en commission a été assez significatif à cet égard, même si, pour notre part, nous aurions souhaité aller plus loin, notamment pour ce qui est d’inciter les entreprises à s’engager réellement dans la voie de l’égalité.

Les gouvernements successifs ont fait voter des lois qui sont restées lettre morte. Aujourd’hui, l’égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises est un mirage. Cela se traduit par le fait que les pensions de retraite des femmes sont de 40 % inférieures à celles des hommes.

Cette inégalité-là ne peut évidemment se compenser si l’on n’intervient pas en amont au moment du déroulement des carrières professionnelles, ce qui suppose toute une série de moyens qui ne relèvent pas uniquement des entreprises.

Prenons un exemple. Si nous voulons que les femmes puissent mener une vie professionnelle à égalité avec les hommes, il faut évidemment mettre en œuvre une politique de prise en charge des enfants de nature à permettre la conciliation effective de la vie familiale et de la vie professionnelle. À défaut tout ce que l’on pourra dire sur la capacité de mener de front vie familiale et vie professionnelle sera illusoire.

Cela dit, certaines mesures peuvent aussi être prises au moment du départ en retraite.

Il n’en reste pas moins que le relèvement de l’âge où l’on peut percevoir une retraite sans décote de soixante-cinq à soixante-sept ans vient percuter de face l’objectif d’égalité entre hommes et femmes que vous affichez. Les dispositions des articles 30 et 31, quel que soit leur intérêt et quelles que soient les avancées qu’elles peuvent représenter, ne pourront compenser la dégradation de la situation que vont connaître un grand nombre de femmes du fait de ce relèvement, mesure majeure de votre projet de loi.

Par ailleurs, nous voulons insister sur le fait qu’il est nécessaire de désinciter au recours au travail précaire, au travail à temps partiel, notamment au temps partiel subi. Nous proposons donc que des surcotisations soient imposées aux employeurs ayant tendance à multiplier le recours au temps partiel, qui peut aboutir, quand les salariées ne valident pas 200 heures par trimestre, à des carrières hachées, entrecoupées, qui ne leur permettent pas d’obtenir une retraite d’un niveau satisfaisant.

Il y a donc toute une série de mesures à prendre. Celles que vous proposez, s’agissant notamment d’une meilleure prise en compte des congés maternité, est un pas dans la bonne direction. Cependant cette avancée ne bénéficiera qu’aux femmes aujourd’hui âgées de vingt-cinq à trente-cinq ans. Ses effets ne se feront sentir qu’à très long terme. Bien d’autres dispositions auraient dû l’accompagner. Nous considérons que des initiatives plus fortes doivent être prises indépendamment de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Monsieur le ministre, vous nous avez plutôt habitués à mentir. Chez vous, cela semble être une seconde nature, voire votre nature. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. De tels propos sont inadmissibles !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Qui êtes-vous, madame Coutelle, pour dire cela ? Quel état d’esprit scandaleux !

Mme Catherine Coutelle. Dans le cadre d’une interview accordée au Grand rendez-vous Europe 1, vous avez déclaré, le 12 septembre dernier que la réforme des retraites était une avancée extraordinaire pour les femmes.

Je laisse à vos collègues, qui ont tenté de déposer des amendements que vous avez tous refusés, le soin de savoir si cette réforme constitue une avancée extraordinaire pour les femmes.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Collabo !

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, vous avez traité Mme Coutelle de collabo. C’est honteux !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Et alors ? Et vous, vous ne valez pas mieux !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame Coutelle !

Mme Catherine Coutelle. Autre preuve que ce sujet n’est pas votre priorité : j’ai eu la curiosité de reprendre le dossier de presse que vous nous avez envoyé le 16 juin 2010. Or sur les seize ou dix-huit fiches que compte ce document, pas une seule n’a pour titre les femmes. Vous avez été contraint de vous emparer de ce sujet, mais plus que tardivement.

Les femmes sont les perdantes de vos deux précédentes réformes, surtout celle de 1993 qui a aggravé leur sort en prenant en compte pour le calcul des retraites les vingt-cinq meilleures années. Comme on vient de le dire, les femmes sont plutôt payées au SMIC et leurs carrières sont hachées. En 2008, la moyenne de leurs retraites était de 825 euros par mois, soit inférieure de 40 % par rapport à la moyenne de celles des hommes. Leur montant est, en général, inversement proportionnel au nombre d’enfants puisqu’elles s’arrêtent au fur et à mesure de l’arrivée des enfants.

La réforme de 2010, parce qu’elle relève l’âge de la retraite à taux plein, pénalisera à nouveau les femmes. Une mère née en 1954, quand elle subira le passage de soixante-cinq à soixante-sept ans, a déjà, à cinquante ans, onze trimestres de retard sur les hommes. Cette inégalité s’ajoutera à des carrières déjà injustes.

L’une des causes de la faible retraite des femmes réside dans leurs carrières, et vous avez raison monsieur le ministre. Aussi faudrait-il prendre aujourd’hui des mesures vraiment incitatives. Trois lois, celle de 1983, puis celle de Catherine Génisson en 2001, enfin celle de Mme Ameline en 2003, ont fait de l’égalité entre le salaire des hommes et des femmes une obligation. La loi de 2003 fixe au 31 décembre 2010, c’est-à-dire dans quelques semaines, l’obtention de cette égalité. Je me souviens que le Président de la République avait demandé à Xavier Bertrand, alors ministre du travail, de rapprocher l’échéance au 1er janvier 2010, lors d’une conférence sur l’égalité entre hommes et femmes. Nous en sommes très loin.

Le rapport que Mme Grésy avait remis à M. Darcos pointait à nouveau de très grandes inégalités. M. Darcos s’en était indigné, estimant que ce sujet était une honte pour la République. En effet, le bilan que dresse Mme Grésy est extrêmement sévère : le chômage des femmes est supérieur à celui des hommes, les femmes ont moins accès à la formation continue, la précarité est plus grande chez elles, les temps partiels à 80 % sont « offerts » aux femmes, et 31 % des femmes travaillent aujourd’hui à temps partiel. Certes, elles connaissant un meilleur succès dans les études, mais elles sont surreprésentées dans les emplois peu qualifiés, y compris dans la fonction publique où beaucoup de femmes font partie de la catégorie C. Du coup, elles ont de faibles salaires, donc de faibles retraites. Ainsi, le revenu brut moyen en France des femmes est inférieur de 27 % à celui des hommes et les inégalités ont tendance à se creuser depuis les années 90 du fait des temps partiel.

Mme Grésy précise très sérieusement que les négociateurs négocient peu. La loi faisait obligation aux entreprises d’entamer des négociations avant le 1er janvier 2011 et d’aboutir à des accords d’égalité salariale. Or 43 % des branches n’ont pas entamé de négociations et seulement 6 % des accords abordent les problèmes de l’égalité. Enfin, 50 % des entreprises n’ont pas élaboré de rapport de situation comparée.

Mme Grésy est aussi sévère sur les rapports. Aucun bilan exhaustif n’est fait par la direction du travail. Les rapports sont parfois des coquilles vides et des déclarations de bonnes intentions. Je passe rapidement sur les autres critiques ; elles sont nombreuses. L’une d’elles est frappante : les femmes n’ont plus guère confiance quant à l’évolution de leur carrière, elles ne croient plus à une amélioration.

Face à cette injustice criante, cet article est largement insuffisant. C'est un article alibi. D’ailleurs, c’est ce que précise le rapporteur de manière très diplomatique, à la page 443 du rapport : « Face à l’ampleur du problème, le projet de loi ne va pas assez loin. » Votre rapporteur estime donc que, au regard du faible bilan des lois relatives à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, il faut aller plus loin. À ce titre, il considère que le dispositif proposé souffre d’insuffisance. Au départ, il ne s’agissait que des entreprises de plus de 300 salariés, c’est-à-dire 6 000 entreprises sur un total de 1,4 million, ce qui ne concernait pas beaucoup d’entreprises. Le rapporteur rappelle aussi que l’obligation des informations date de 1983 et qu’une véritable obligation de résultats pour les entreprises doit être signée. Certes le texte tend à améliorer la situation, mais l’article n’est pas à sa place. Cependant, comme c'est déjà mieux que rien, nous l’adopterons.

M. Christian Eckert. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, à cette heure matinale et après de longs débats, je souhaite faire un constat. Certes, nombre d’entre nous sont fatigués.

M. Charles de La Verpillière. Nous allons très bien !

M. Christian Eckert. Néanmoins cela n’autorise pas les dérapages verbaux.

Je tiens à saluer votre présence et votre constance dans ce débat. Vous avez tenu le banc avec votre collègue Georges Tron de façon exemplaire dans la mesure où cela constitue, pour vous aussi, une épreuve physique. De même, le rapporteur Denis Jacquat est d’une courtoisie et d’une écoute qui méritent d’être saluées.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Merci.

M. Christian Eckert. Cela dit, j’ai entendu les propos que vous avez adressés à l’encontre de Mme Catherine Coutelle. Comme elle s’exprime au micro, ses propos figurent au compte rendu.

Vous représentez ici le Gouvernement. Traiter une collègue de « collabo »...

M. Yves Durand. C’est lamentable !

Mme Laurence Dumont. Des excuses !

M. Christian Eckert. ...n’est pas correct, mais nous ne souhaitons pas faire un incident majeur.

Vous m’avez également dit que je ne valais pas mieux ; je le prends comme tel. Il serait souhaitable que ces propos figurent au compte rendu, à moins que vous ne les démentiez ou que vous ne présentiez des excuses à Mme Coutelle dans le calme et la tranquillité, tout en souhaitant que l’on évite à l’avenir ce genre de propos.

M. Patrick Roy. La parole au ministre !

Article 30 (suite)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je ne comprends pas pourquoi le ministre ne se lève pas pour démentir ou s’excuser des propos qui lui ont été attribués.

S’il a vraiment traité Mme Coutelle de collabo, nous sommes face à un problème de fond. Ce n’est pas digne d’un ministre du Gouvernement, même si, au vu de vos mensonges, de ce que vous dites, de ce à quoi vous renoncez, on n’en est plus à une limite près. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En tout cas, c'est vraiment regrettable. Peut-être l’heure tardive joue-t-elle sur vos nerfs, il n’est d’ailleurs pas sain que des séances se prolongent aussi tard le matin.

M. Roland Muzeau. C’est sûr !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Les inégalités des femmes face à la retraite sont la conséquence évidente des inégalités des femmes sur le marché du travail et de leur place dans la sphère privée.

Un taux de chômage plus élevé, le travail à temps partiel plus fréquent, les contrats précaires, les politiques de salaires valorisant mobilité et disponibilité, les écarts de rémunérations, la concentration de l’emploi dans les secteurs aux salaires les plus bas sont autant de facteurs qui se traduisent dans l’acquisition de droits qui pénalisent majoritairement les femmes.

L’entrée massive des femmes sur le marché du travail, la diminution des écarts de salaires ne suffisent pas à résorber les effets liés aux conditions des emplois qu’elles occupent. Ces inégalités face à la retraite sont également la conséquence de la place des femmes dans les tâches familiales et domestiques, en lien avec le rôle qui leur est traditionnellement dévolu.

La prise en charge des enfants et des personnes à charge dépendantes est encore principalement effectuée par les femmes. Elle a pour conséquence des périodes d’inactivité, des interruptions de carrières et des progressions de celles-ci moindres ou encore des cessations d’activité précoce.

J’entends qu’il faudrait que je me dépêche parce que le temps de parole est limité. Quel comble de nous demander de nous taire au moment où l’on parle des femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Selon le conseil d’orientation des retraites, même si ces écarts de niveau de pension entre les femmes et les hommes pourraient être réduits, ils ne devraient pas disparaître à un horizon prévisible. Par ailleurs, les écarts se maintenant, cet organisme laissait présager, lors d’une séance plénière en février 2007, le risque de voir apparaître une nouvelle forme de pauvreté parmi les retraités célibataires ou divorcés du fait de la modification du modèle familial.

Aujourd’hui, les femmes travaillent beaucoup à temps partiel. Entendez notre amendement qui vise à pénaliser les employeurs qui vont trop loin sur le temps partiel. Un moyen d’avancer dans la bonne direction consiste à maintenir à soixante-cinq ans le départ à la retraite sans décote. C'est indispensable pour réduire la pauvreté chez les femmes. Il faut également introduire des sanctions pour les employeurs qui ne respectent pas les obligations inscrites dans différents textes de loi aisni que le rappelle le rapport de l’IGAS de juillet 2009 qui dresse un triste bilan des négociations et de l’action des entreprises quant à l’égalité professionnelle.

J’espère que vous accepterez nos quelques propositions car, si elles sont appliquées, elles iront dans le sens d’une plus grande égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Enfin, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir répondre à la question que j’ai posée tout à l'heure concernant la prolongation de l’allocation veuvage. Quand sera-t-elle présentée à l’Assemblée ? Les jeunes veuves peuvent-elles être rassurées ? Pouvez-vous vous lever pour répondre au moins à cette question, à défaut de vous expliquer sur les attaques auxquelles vous vous êtes livré à l’encontre de Mme Coutelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cela fait un certain nombre d’années que je siège ici. Nous avons déjà tenu séance plus tard que six heures et demi du matin. J’ai entendu que l’heure matinale pourrait provoquer des crises d’urticaire chez certains. Je suis surpris car j’ai l’impression que certains d’entre vous ne connaissent qu’un seul mot de vocabulaire, celui de mensonge. Je puis vous dire que c’est très désagréable… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Dans ce cas, il ne faut pas mentir !

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. …pour la bonne raison que nous faisons de la politique sociale, que la réforme des retraites est importante. En mon âme et conscience, je vous assure que tous ceux, ici, de ma tendance politique comme du Nouveau Centre, agissent de leur mieux, dans l’intérêt des Français.

M. Marcel Rogemont. Nous aussi !

M. Patrick Roy. La majorité agit dans l’intérêt de Liliane !

M. Denis Jacquat. Je répondrai à Mme Coutelle et Mme Clergeau que les dispositions adoptées par la commission ne sont plus examinées en séance publique. En ce qui concerne l’assurance veuvage, j’ai moi-même déposé un amendement que vous avez accepté à l’unanimité,…

Mme Valérie Rosso-Debord. Exactement !

M. Denis Jacquat, rapporteur. …et que nous n’avons donc pas lieu de revoir.

Au passage, je suis quelque peu choqué par l’injonction que fait Mme Clergeau au ministre de se lever. Vous êtes, madame, toujours des plus courtoises et je m’avoue surpris.

L’assurance veuvage, j’y insiste, a été votée à l’unanimité en commission, or le texte que nous sommes en train d’examiner est celui de la commission.

M. Yves Bur et Mme Valérie Rosso-Debord. Tout à fait, cette disposition figure dans le texte !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Quant à Mme Coutelle, elle a fait allusion à une demande de la délégation au droit des femmes sous l’égide de Marie-Jo Zimmermann…

M. le président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

M. Pascal Terrasse. Écoutons donc M. le rapporteur, ce qu’il dit est intéressant !

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’ai déposé un amendement, lui aussi adopté à l’unanimité, visant à passer de 300 à 50 salariés.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Avant d’entamer mon intervention, je souhaite savoir combien il reste de temps au groupe SRC.

M. le président. Quinze minutes.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Et nous ?

Mme Pascale Crozon. Je souhaite en outre interroger M. le ministre pour savoir ce qu’il entend par « collabo ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne comprends pas pourquoi il a traité Mme Coutelle de « collabo » et ne vois pas en quoi elle peut être « collabo ».

Mme Coutelle a donné un certain nombre d’éléments. J’ai toutefois déjà indiqué qu’un fascicule très bien fait avait été édité concernant la réforme des retraites pour les femmes.

Il convient de rappeler que le rapport de l’IGAS a mis en évidence que plus de femmes que d’hommes sont rémunérées au SMIC, que les femmes occupent les emplois les plus précaires, que les trajectoires professionnelles sont très différenciées et que les écarts de rémunérations persistent – elles sont inférieures de 27 % pour les femmes par rapport aux hommes et de 16 % pour le salaire horaire. Or l’écart salarial ne diminue plus depuis le début des années 90, ce que nous estimons grave.

Dans les entreprises, seulement 5 % des 1 082 accords de branches signés en 2008 et 5,2 % des accords d’entreprises abordent la question de l’égalité professionnelle. Depuis 1972, on compte six lois sur le sujet ; or plus de la moitié des entreprises n’ont pas élaboré de rapport de situation comparée.

Enfin, vous restez très timides en matière de sanctions alors que la seule sanction du défaut de rapport de situation comparée n’est pas suffisamment efficace. Il faut aller au-delà, comme le prévoit l’un de nos amendements.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Une telle disposition a été votée à l’unanimité en commission !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Nous venons d’entendre le rapporteur expliquer que les mensonges sont très désagréables.

M. Denis Jacquat, rapporteur. En effet !

Mme Laurence Dumont. Il y a pire : un ministre de la République qui profère des mensonges, c’est d’une gravité extrême. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Après les mensonges nous passons aux insultes, mais où vous arrêterez-vous, monsieur le ministre ?

M. Dominique Dord. À propos d’injures, vous ne cessez d’en accabler le ministre, alors n’inversez pas les rôles !

Mme Laurence Dumont. Malheureusement, à cause de ce temps programmé absurde, surréaliste, alors que nous sommes en train d’examiner un point qui se trouve au cœur de votre prétendue réforme des retraites, je n’ai pas le temps de prendre la parole…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Tant mieux !

Mme Laurence Dumont. …dans la mesure où d’importants sujets restent à examiner. Je me censure donc moi-même, imitant M. Bocquet.

Je souhaite seulement, instamment, monsieur le ministre, que vous présentiez des excuses à Mme Coutelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je n’ai pour ma part rien entendu.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh bien, alors !

M. Christian Jacob. Nous non plus, nous n’avons rien entendu !

M. Alain Vidalies. Mais si quelqu’un m’accusait à tort d’avoir prononcé une parole aussi grave, je me lèverais pour protester. On ne peut donc pas se cantonner dans le silence.

M. Christian Jacob. Vous passez votre temps à faire de la provocation, pourquoi voulez-vous que le ministre y réponde ?

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, ou bien vous n’avez pas prononcé ce mot et il vous appartient de le dire pour clore l’incident, ou bien, malgré l’interpellation de quelques-uns d’entre nous, vous persistez à ne rien dire, et nous nous trouverions dès lors dans une situation des plus graves car l’insulte en question serait inacceptable de la part d’un ministre de la République. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne pense pas que vous puissiez demeurer silencieux à propos d’un incident, je le répète, aussi grave.

Mme Laurence Dumont. Votre silence est éloquent, monsieur le ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Qui ne dit mot consent !

M. Christian Jacob. Cessez donc vos provocations !

M. le président. Nous en avons terminé avec les orateurs inscrits sur l’article 30.

(L’article 30 est adopté.)

Après l’article 30

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 193 et 404, portant articles additionnels après l’article 30. Ils sont défendus.

(Les amendements identiques nos 193 et 404, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. Patrick Roy. L’opposition est bâillonnée !

Article 31

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, première oratrice inscrite sur l’article 31.

Mme Dominique Orliac. Ce texte, comme avant lui les réformes de 1993 et de 2003, a pour effet une baisse du niveau des pensions et un creusement des inégalités déjà fortes entre les femmes et les hommes. Au moment de leur départ à la retraite, les femmes perçoivent une pension inférieure en moyenne de 44 % à celle des hommes et, faut-il le rappeler, plus de la moitié des femmes retraitées touchent une pension inférieure à 900 euros.

Deux raisons principales expliquent ces écarts injustifiés : les femmes sont en moyenne moins rémunérées que les hommes et leurs carrières sont plus heurtées, notamment en raison de la maternité et des emplois précaires.

À ces raisons quasi structurelles du marché du travail, le texte du Gouvernement ajoute de nouvelles injustices et accroît de façon mécanique les écarts et les inégalités entre hommes et femmes. En allongeant la période d’activité, le texte suppose que le passage de l’emploi vers la retraite se fait de façon naturelle. Or les femmes sont bien moins nombreuses que les hommes à passer directement de l'emploi à la retraite. Près du tiers d’entre elles ont connu le chômage avant d’arriver à la retraite contre environ 20 % des hommes. D’ailleurs, 30 % des femmes salariées contre 5 % des hommes attendent d’avoir atteint l’âge de soixante-cinq ans pour liquider leurs droits à la retraite, faute de pouvoir disposer auparavant du nombre de trimestres suffisant pour une pension à taux plein.

Les femmes âgées de soixante à soixante-cinq ans sont très nombreuses à connaître le chômage et la précarité. Par conséquent, en reculant l’âge légal de départ de soixante à soixante-deux ans et l’âge de départ à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans, le Gouvernement allongera de facto cette période de précarité et le niveau de pensions et les conditions de vie des femmes ne s’en ressentiront pas dans le bon sens !

Le durcissement des dispositifs de prise en charge des situations de non-emploi et de non-retraite – maladie, invalidité, chômage de longue durée, préretraites – contenu dans ce projet, appauvrira en premier lieu les femmes, à commencer par les femmes seules qui ne bénéficieront pas de la réversion.

Monsieur le ministre, vous défendez un texte qui ne lutte pas contre les inégalités entre les hommes et les femmes devant la retraite. Pire : il les accroît considérablement. Comment y voir un progrès ? Comment qualifier cette réforme de réforme juste et équitable ? En matière de genre, c’est tout le contraire.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je n’ai pas entendu moi non plus M. le ministre, au contraire de certains de mes collègues socialistes à la protestation desquels je m’associe.

Pour le groupe GDR, il est scandaleux que certains de nos collègues présents – M. Boquet le manifeste de manière matérielle – ne puissent plus parler, nous l’avons dit plusieurs fois, pour La Poste, pour le Grenelle 2, et maintenant pour les retraites – une des lois les plus importantes de cette législature. Le fait qu’il y ait un plafond absolu du temps est une mauvaise chose. On peut aussi regretter une discrimination entre les deux assemblées puisqu’au Sénat le temps de parole n’est pas programmé.

Je défendrai l’amendement n° 271 mais j’ai d’ores et déjà vu que MM Woerth et Tron se montraient assez intéressés – j’ai même eu droit à un mot amical dans les couloirs – par nos propositions sur les retraites. Comme je n’en ai présenté tout à l’heure qu’un résumé, je prendrai un détail en exemple pour tâcher d’expliquer ce qu’est une réforme systémique, le mot pouvant paraître saugrenu voire quelque peu incompréhensible.

Nous nous sommes intéressés aux travaux de certains économistes de l’école d’économie de Paris, qui prétend concurrencer la London School of Economics. Il est bon que Paris dispose d’une telle école marquée notamment par les travaux d’Antoine Bozio et Thomas Piketty, qui ont souligné la complexité et le manque de visibilité du système français de retraites.

Nous avons 5 millions de retraités mais 30 millions de retraites. Le régime français est une mosaïque de régimes combinés qui ne permettent plus aux salariés d’estimer avec exactitude leurs droits et leur retraite future. Parallèlement, on a voulu s’appuyer sur les régimes de retraite pour régler un grand nombre de problèmes et d’iniquités en France, extérieures à la question même des retraites, par exemple la faiblesse des salaires du secteur public. Cette pratique a contribué davantage encore au manque de lisibilité et de clarté du système.

Je ne soutiens pas qu’une réforme systémique pourrait régler en elle-même la question du financement des retraites, mais les écologistes resteront vigilants pour que cette réforme systémique que nous appelons de nos vœux, et qui n’est évidemment pas celle vous proposez, ne soit pas l’occasion de masquer une dégradation des conditions pour tous les retraités.

Examinons les propositions d’Antoine Bozio et Thomas Piketty. Il existe en France le régime en annuités, formule actuelle du régime général, soit une durée d’assurance validée, quarante ou quarante-deux ans selon l’année de naissance, et une pension calculée sur le salaire moyen de référence des – hélas – vingt-cinq meilleures années revalorisées sur l’indice des prix – hélas, comme dirait M. Roy. La pension subit une décote ou une surcote selon la durée de cotisation et l’âge de référence. Pour la fonction publique la pension est, hélas, calculée sur les six derniers mois.

La critique principale qu’on peut adresser au système actuel est qu’il ne tient pas compte des carrières précaires. Or la précarité, contre laquelle il faut bien sûr lutter, s’étend. Les carrières précaires ne sont pas linéaires. Le régime actuel accentue les effets de discontinuité des carrières. Le fait de choisir les vingt-cinq meilleures années plutôt que l’ensemble des années validées est globalement anti-redistributif et donc défavorise ceux qui sont déjà défavorisés par le niveau de leur revenu, système qui reste favorable aux carrières ascensionnelles.

Or, globalement, ceux qui débutent leur vie professionnelle à un niveau élevé et ceux qui travaillent dans de grandes organisations sont ceux dont la progression de salaire tout au long de leur carrière est la plus forte. Les salariés des PME et les salariés peu qualifiés ont au contraire une carrière beaucoup plus plate et sont donc très défavorisés dans le système actuel.

La mise en place d’une décote pénalise très fortement ceux qui n’ont pas atteint leurs quarante-deux années de cotisation. Il s’agit le plus souvent des femmes, on vient de le voir, et je le rappellerai à l’occasion de l’examen de certains amendements, femmes qui ont dû interrompre leur activité professionnelle, et d’autres salariés qui ont connu des accidents de carrière – on a évoqué les accidents du travail et la pénibilité. Le plafonnement du revenu versé ne compense que partiellement ces inégalités et finit par constituer une incitation au développement de la capitalisation, encouragée par les exonérations fiscales pour les hauts revenus.

Un autre modèle est le régime par points, dans lequel l’assuré accumule des points tout au long de sa carrière, la valeur du point n’étant connue qu’à la liquidation. C’est la formule appliquée aux régimes complémentaires en France, où le point est revalorisé de l’indice des prix. En Slovaquie, c’est la formule du régime général, et la valeur du point est ajustée pour assurer l’équilibre du régime. Dans l’esprit de nombreux Français, ce système s’apparente au système par capitalisation, car il ouvre des droits individuels en proportion des cotisations versées. Mais, à la différence du système par capitalisation, dans le régime par points l’argent n’est pas placé : il est immédiatement versé aux retraités.

Antoine Bozio et Thomas Piketty abordent ensuite le troisième régime possible : le régime en comptes notionnels. Dans ce cas-là, l’assuré accumule chaque année, par ses cotisations, un capital virtuel. Ce régime reste néanmoins un régime par répartition. Le capital virtuel est revalorisé d’un indice qui doit refléter la capacité du système à rembourser en fonction des cotisations versées. La pension versée est proportionnelle aux droits acquis et le coefficient de conversion est fonction de l’âge auquel on liquide. À chaque génération correspond un âge pivot auquel on liquide à taux plein, en fonction de l’espérance de vie. Le principe des comptes notionnels est que les cotisations versées actualisées sont égales aux pensions versées en fonction de l’espérance de vie de sa génération. Concrètement, la pension est inversement proportionnelle à l’espérance de vie restant à l’âge où l’on liquide.

Ce système présente l’avantage d’offrir une plus grande lisibilité – à cotisations égales, retraites égales – et un meilleur pilotage, qui restaure la confiance dans le système et donc conforte le régime par répartition. En effet, le manque de lisibilité et le risque de cotiser sans retour conduisent, selon un sondage paru dans L’Humanité – grand journal français – le 25 janvier 2010, 53 % des jeunes de moins de 30 ans à préférer la retraite par capitalisation.

Par ailleurs, opter pour les comptes notionnels s’appuie sur un débat clair dans la société sur la part du PIB consacrée aux retraites, qui est actuellement de 12,8 % en France – mais cette part pourrait être portée à 15 ou 16 %. En outre, le régime paraît plus équitable que le système français actuel, qui privilégie fortement les carrières ascendantes du fait du calcul sur les vingt-cinq meilleures années.

Néanmoins – nos auteurs expriment une nuance –, les conditions de transition vers un régime de comptes notionnels ne sont pas du tout établies aujourd’hui. En particulier, le maintien d’une multiplicité de régimes annulerait une partie de la lisibilité du système. La prise en compte de la totalité de la carrière est favorable aux carrières plates par rapport aux carrières ascendantes, mais pourrait nuire aux carrières précaires, incluant des années de chômage, de minima sociaux ou de congés parentaux. D’où la nécessité de l’assortir de mécanismes de solidarité importants, notamment d’une prise en charge solidaire des cotisations à un niveau décent pour les périodes non travaillées : chômage, maladie ou maternité. Si les comptes notionnels assurent un équilibre de long terme par l’ajustement inversement proportionnel des montants à l’espérance de vie, ils ne permettent pas en soi d’absorber les chocs démographiques. D’où la nécessité de réserves parallèles. Enfin et surtout, il s’agit d’un régime à cotisations définies qui, une fois fixée la part du PIB consacrée aux retraites, fait peser l’ajustement sur les seules pensions. Il est donc, dans la plupart des cas, une façon déguisée d’organiser une baisse des pensions.

Reste un dernier dispositif : le système universel assis sur la fiscalité, que j’ai évoqué tout à l’heure. Ce système reposerait sur un régime général unique pour toute la population française, dans lequel on verserait des prestations égales aux prestations actuellement données par le régime général de la sécurité sociale. Les montants perçus seraient donc calculés en fonction des revenus salariaux. Ce régime serait intégralement financé par l’impôt.

Lorsqu’il n’y a pas de distinction entre un régime de base et un régime complémentaire, par exemple pour les fonctionnaires, des négociations seraient engagées pour mettre en place un régime complémentaire dans ces professions. Les régimes complémentaires sont paritaires et financés par cotisation sur les salaires.

La fiscalisation permettrait de mettre à contribution les hauts revenus, dans la logique dite du « revenu maximum », à laquelle nous sommes tout à fait favorables. Enfin, la fiscalisation permet de mettre à contribution les entreprises mondialisées et les importations, grâce à une sorte de TVA sociale applicable aux frontières de l’Europe, dans l’objectif de relocaliser l’économie.

Pour résumer, les écologistes se prononcent clairement, sur le fond, pour le régime par répartition à partir du régime actuel d’annuités réformé, avec pour objectif, à terme, un régime universel assis sur la fiscalité et basé sur la solidarité intergénérationnelle et interclasses.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le ministre, je serai très brève ; je concentrerai mon intervention sur une proposition.

M. Jean-Pierre Brard. C’est dommage. Vous n’avez pas beaucoup parlé !

Mme Nicole Ameline. Nous savons tous que le projet de réforme des retraites, que nous soutenons pleinement, doit s’accompagner d’un effort supplémentaire dans le domaine de l’égalité salariale. Ainsi, il serait essentiel que nous envisagions l’organisation d’une conférence de l’égalité professionnelle,…

Mme Catherine Coutelle. Il y en a déjà eu une en 2009 !

Mme Nicole Ameline.… qui permettrait de relancer la réflexion sur les points essentiels que sont l’environnement social des entreprises et les conditions de travail.

Monsieur le ministre, je vous demande instamment de répondre favorablement à cette proposition, car il me semble qu’elle serait le moyen d’accompagner utilement non seulement la réforme pour le bien des femmes mais aussi et surtout les entreprises qui se sont déjà engagées sur la voie de la modernité. Car je ne peux pas laisser dire que l’ensemble des entreprises n’ont pas fait de l’égalité professionnelle un élément de compétitivité. Certaines l’ont fait, d’autres appellent votre soutien et une incitation.

M. Jean-Pierre Brard. Pour les miracles, il faut aller à Lourdes !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le ministre, je serai également très brève. En effet, mes collègues socialistes et Nicole Ameline ont rappelé que ce n’est pas dans le cadre d’un débat sur les retraites que l’on règle le problème de l’inégalité professionnelle entre hommes et femmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Quoi qu’il en soit, la commission, et je l’en remercie, a véritablement musclé l’article 31, qui était un peu léger, grâce aux amendements qui ont été déposés par le rapporteur. Néanmoins, je souhaiterais que le débat au Sénat prenne davantage en compte la question des femmes. C’est fondamental.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il est du devoir du Gouvernement et de notre majorité de répondre sérieusement à la grave question des retraites des femmes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanny Marc.

Mme Jeanny Marc. Monsieur le ministre, au moment où nous abordons l’article 31 du projet de loi, ce n’est pas sans regrets que je rappellerai la malheureuse adoption de l’article 5, qui est venue témoigner de l’institutionnalisation des inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail et, plus largement, dans la société, alors même que notre Constitution exige de la loi qu’elle favorise le recul de ces injustices. Mais il n’est pas trop tard pour y remédier.

Ainsi que cela a été démontré, cette réforme, bien que nécessaire, est dangereuse pour tous les salariés, surtout pour les plus défavorisés Les femmes, comme les jeunes, seront les plus gravement lésées, car elles sont souvent dans les situations les plus précaires et travaillent plus longtemps. Ainsi, à 65 ans, 30 % des femmes liquident leur retraite, contre 5 % des hommes. Ces derniers sont plus à l’abri des carrières en dents de scie, des temps partiels, des contrats précaires et, évidemment, des ruptures de carrière dues aux congés de maternité. Les femmes, elles, se trouvent dans l’obligation de devoir travailler plus longtemps.

La retraite moyenne des hommes est de 1 500 euros, celle des femmes de moins de 900 euros. Si l’objectif de la réforme est, comme le prétend le Gouvernement, de garantir un niveau de retraite décent pour toutes et tous, elle devrait comporter des mesures de grande ampleur relatives au marché du travail, afin d’agir durablement en faveur du développement de l’emploi, de lutter contre les contrats précaires, de faire en sorte que les congés parentaux soient partagés à égalité, de rehausser les salaires des femmes, encore victimes d’importantes inégalités à responsabilités égales, et de forcer les entreprises à appliquer les lois sur l’égalité professionnelle.

Plus de neuf Français sur dix estiment que la cause des femmes n’est pas suffisamment prise en compte dans le projet de loi réformant les retraites. Prenez garde, monsieur le ministre, les femmes utilisent leur droit de vote ; elles ne sont pas rancunières, mais elles savent se souvenir. Même si la présente réforme contient indéniablement des avancées significatives, le décalage observé entre les effets annoncés et le sentiment d’incertitude éprouvé pas les citoyens pourrait être amoindri grâce à l’adoption d’amendements que j’ai déposés avec mes collègues du PRG et qui peuvent produire des résultats tangibles.

Ils ont trait aussi bien à la suppression du plafonnement de la sanction pécuniaire à un maximum de 1 % de la masse salariale brute pour les entreprises n’ayant pas respecté leurs obligations de transmettre chaque année au comité d’entreprise des informations sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise qu’à la réévaluation de ce taux.

J’aurais encore d’autres choses à dire (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP), mais, compte tenu du temps qui nous est imparti, je vais m’arrêter là. En tout état de cause, il est vraiment dommage que les femmes occupent une place aussi peu importante dans cette réforme des retraites.

M. le président. La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement sur l’égalité entre parents d’enfants valides et parents d’enfants handicapés. Accueillir un enfant handicapé oblige en effet souvent les parents à s’arrêter de travailler, et c’est souvent un choix contraint. J’avais donc déposé deux amendements afin d’assurer une plus grande justice sociale dans ce domaine.

Le premier visait à accorder des trimestres de cotisations supplémentaires, le second à permettre à ces parents de bénéficier de l’assurance vieillesse des parents au foyer – l’AVPF – pour les enfants qui présentent une incapacité permanente inférieure à 80 %. Je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement pourrait mettre en œuvre en la matière.

Mme Marisol Touraine. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le président, dans quelques petites minutes, le groupe SRC ne pourra plus s’exprimer dans cet hémicycle (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), alors que l’ensemble des amendements que nous avons présentés – et ils n’étaient pas très nombreux, puisque nous en avions déposé 150 – n’auront pas pu être défendus.

M. Christian Jacob. Vous avez été trop cigale !

Mme Marisol Touraine. Nous n’aurons pas pu non plus aller au terme de la discussion sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ni aborder la question de l’emploi, en particulier l’emploi des seniors, pour ne rien dire des autres dispositions.

M. Christian Jacob. Cela n’a rien à voir avec le règlement !

Mme Marisol Touraine. Compte tenu de ce nouveau règlement, nous avions anticipé que, peut-être, le temps nous manquerait et nous avions fait le choix de ne pas nous inscrire dans la discussion générale. Nous avons donc choisi d’engager le débat sur les retraites – qui est, pour nous, parce qu’il l’est aussi pour les Français, un débat majeur – de façon responsable…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Non !

Mme Marisol Touraine. …et combative. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Responsable, car nous n’avons pas utilisé le temps de parole auquel nous aurions pu prétendre au moment où nous avons entamé ce débat.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous prétendez que nous ne sommes pas responsables parce que nous ne partageons pas vos opinions, vos idées, votre réforme. (Mêmes mouvements.) En cela, votre réaction est bien révélatrice de la manière dont la majorité traite l’opposition.

Nous avons besoin de savoir comment vont se poursuivre nos travaux. La majorité veut passer en force et imposer un vote aujourd’hui.

M. Denis Jacquat. Mais non !

Mme Marisol Touraine. Nous avons engagé la discussion hier après-midi à seize heures et, depuis, ne nous sommes interrompus que pendant trois quarts d’heure à l’heure du dîner.

M. Christian Jacob. Ce n’est plus un rappel au règlement !

Mme Marisol Touraine. Nous, députés, avons donc siégé durant quinze heures, mais nous ne sommes pas seuls : il en est de même de nos collaborateurs et, bien sûr, de l’ensemble du personnel de l’Assemblée, qui travaille depuis hier après-midi.

La question que nous nous posons actuellement est de savoir comment vous entendez poursuivre la discussion. Notre temps de parole va bientôt s’achever, et les Français seront juges de la manière dont vous traitez l’opposition sur un sujet aussi important que celui-ci. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Un certain nombre de députés socialistes souhaiteront exprimer individuellement leur position sur le projet présenté par le Gouvernement, et répéter inlassablement que d’autres propositions, qu’ils ont formulées, étaient envisageables.

Nous sommes tous un peu fatigués, monsieur le président, et je veux mettre sur le compte de la fatigue et de la tension certains propos qui ont été tenus dans l’hémicycle. Nos conditions de travail ne rendent pas ces propos acceptables, mais peut-être les rendent-elles explicables. Je regrette que ce débat n’ait pu aller à son terme pour l’opposition, et je vous demande de nous indiquer comment vous envisagez la suite de la discussion en ce qui la concerne.

M. Roland Muzeau. Il attend les ordres de Copé, mais pour l’instant, il dort !

Article 31 (suite)

M. le président. Il reste encore environ deux minutes de temps de parole au groupe SRC.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Il nous reste encore de très nombreux sujets à aborder, comme l’a dit Mme Touraine. Nous n’avons pas pu terminer le débat sur l’égalité entre les hommes et les femmes, et nous ne pourrons pas nous exprimer sur la question de l’emploi des seniors. Je veux simplement faire remarquer à mes collègues de la majorité, au Gouvernement et au président de cette assemblée qu’en Suède, il a fallu au moins sept ans pour faire une réforme sur les retraites. Pour votre part, vous vous êtes contentés de soixante-dix heures, lors desquelles l’opposition aura à peine eu l’occasion de s’exprimer durant vingt-cinq heures. Comment peut-on espérer mettre en place une réforme acceptée par les Français, qui durable, juste et efficace, si l’on n’y consacre pas les moyens en termes de débat politique, social et parlementaire ?

Ce parlement a justement été fondé sur la base de la parole libre et publique : nous pouvions ici tout dire, tout nous dire – jusqu’à la réforme du règlement. Désormais, comme avec le 49-3, cette formule quasi bonapartiste, l’opposition est obligée de s’interrompre à un moment donné, et se trouve empêchée de défendre ses arguments. Nous n’avons pas la majorité, et savons que le vote sera évidemment acquis dans le sens que vous souhaitez. Mais que nous puissions au moins, comme c’est le cas dans toute démocratie, exprimer nos points de vue ! (« C’est ce que vous faites ! » sur les bancs du groupe UMP.) Dire ce que nous pensons, dire notre désaccord, nos propositions, c’est le seul droit dont nous disposons, et il nous est refusé, retiré, interdit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne pouvons pas accepter qu’un débat aussi important que celui sur les retraites puisse se dérouler dans ces conditions.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mensonges !

M. Gaëtan Gorce. À cela s’ajoute la procédure d’urgence qui a été décidée, et une volonté d’étouffer le débat – pas seulement dans cette assemblée, mais à l’échelle du pays.

Ce que je dis est relayé par les responsables syndicaux eux-mêmes, qui disent qu’il n’y a eu, dans la préparation de ce projet, ni véritable concertation ni, aujourd’hui, de véritable discussion…

M. le président. Monsieur Gorce, je suis obligé de vous interrompre, puisque votre groupe a utilisé, comme il l’a jugé opportun, l’intégralité de son temps de parole – vingt-trois heures trente au total. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous allons maintenant soumettre les amendements au vote de l’Assemblée.

À l’article 31, je suis saisi d’un amendement n° 468.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

(L’amendement n° 468 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 644.

(L’amendement n° 644, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 355, 387 et 649, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 387 et 649 sont identiques.

(L’amendement n° 355, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 387 et 649 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 356.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 722.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 236.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 395.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour les amendements identiques nos 388 rectifié et 650.

(Les amendements identiques nos 388 rectifié et 650 ne sont pas adoptés.)

(Claquements de pupitres sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 359.

(L’amendement n’est pas adopté.)

(Les députés des groupes SRC et GDR se tournent vers le fond de l’hémicycle et restent dans cette position.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 372.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Christian Paul, je vous rappelle que le règlement interdit strictement de prendre des photos dans cet hémicycle ! Je vous demande de cesser immédiatement !

Même avis, même vote pour les amendements identiques nos 354, 386 et 648.

(Les amendements identiques nos 354, 386 et 648 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 411.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour les amendements identiques nos 381 rectifié et 651.

(Les amendements identiques nos 381 rectifié et 651 ne sont pas adoptés.)

(Les députés des groupes SRC et GDR se mettent à scander le mot « Démocratie ! »)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 371.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 374.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour les amendements identiques nos 716 et 717.

(Les amendements identiques nos 716 et 717 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Même avis, même vote pour les amendements identiques nos 385 et 647 rectifié.

(Les amendements identiques nos 385 et 647 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 380.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 401.

(L’amendement n’est pas adopté.)

(L’article 31 est adopté.)

Après l’article 31

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 519.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 406.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 652.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 635.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 85.

(L’amendement n° 85, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 271.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je veux tout d’abord préciser que je m’associe à tous mes collègues de l’opposition, à ce qu’ont dit Mme Touraine et M. Gorce – et que ne peuvent plus dire mes propres camarades de groupe. La démocratie est bafouée, la démocratie est bâillonnée.

Cela étant dit, je vais défendre l’amendement n° 271, qui vise à ce qu’avant la fin de l’année 2010, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’impact différencié du projet de réforme des retraites sur les femmes et les hommes, ce qui mettra en évidence les discriminations que suscite ce projet de loi.

Les précédentes lois réformant les retraites ont eu des conséquences négatives particulièrement marquées pour les femmes, révélées par diverses études. Ainsi, la moitié des femmes retraitées contre 20 % des hommes avaient, en 2004, une retraite inférieure à 900 euros. Les femmes ont, en intégrant les dispositifs familiaux et conjugaux, une pension moyenne qui ne représente que 62 % de celle des hommes. Sans ces dispositifs, leur pension ne représente plus que 48 % de celle des hommes.

Il n’existe pas encore d’étude systématique d’impact différencié sur les femmes et les hommes des mesures passées ou prévues par ce mauvais projet de loi. Nous estimons indispensable de mener une telle étude. Les retraitées femmes âgées de soixante-cinq ans et plus percevaient, en 2001, une pension mensuelle moyenne de 606 euros de retraite, contre 1 372 euros pour les hommes – plus de deux fois plus – selon le rapport remis en mars au Gouvernement. Or, l’espérance de vie des femmes est plus longue que celle des hommes – 83,8 ans contre 76,7 ans.

La retraite globale des femmes ne représente que 56 % de celle des hommes, soit 822 euros contre 1 455 euros pour les hommes. Ce chiffre est d’autant plus alarmant quand on sait que plus du quart de la retraite globale moyenne des femmes provient soit des droits dérivés – la réversion, qui représente en moyenne 21,3 % de la retraite des femmes –, soit des allocations du minimum vieillesse, soit d’autres avantages accessoires, telle la bonification de pension pour enfants. De plus, près de quatre femmes sur dix perçoivent moins de 600 euros par mois, alors que ce n’est le cas que d’un homme sur dix, ce qui explique pourquoi 63 % des allocataires du minimum vieillesse sont des femmes. C’est en effet lors du décès de leur conjoint qu’elles deviennent particulièrement exposées à la pauvreté. Enfin, les femmes valident plus rarement des carrières complètes leur permettant de bénéficier de retraites à taux plein. Si 34 % des femmes ont validé moins de 25 ans à l’assurance vieillesse, les hommes ne sont que 4 % dans ce cas.

L’état des lieux est alarmant et ses causes, nombreuses. À durée de cotisation égale permettant une retraite à taux plein, l’écart entre les droits directs des hommes et des femmes s’élève encore à plus de 35 %, un chiffre résultant d’un « effet multiplicateur » des inégalités entre les femmes et les hommes durant la vie active. Les obstacles à une carrière complète pour les femmes s’accumulent toujours aujourd’hui : les femmes occupent actuellement 70 % des emplois précaires, et 82 % des emplois à temps partiel. Le taux de chômage des femmes est aussi plus élevé que celui des hommes – respectivement 11,1 % et 9 % en 2004.

Les responsabilités familiales continuent de peser beaucoup plus sur les femmes et, combinées à des mesures telles que l’Allocation parentale d’éducation, incitant les femmes, surtout les moins qualifiées, au retrait du marché du travail, elles aboutissent à des carrières discontinues et, plus généralement, à un investissement professionnel inférieur à celui des hommes. Ceci doit cesser. Tel est le but de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

(L’amendement n° 271 n’est pas adopté.)

Avant l’article 32

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 438.

(L’amendement n° 438, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 655.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 32

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 439.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour les amendements identiques nos 252 et 440.

(Les amendements identiques nos 252 et 440 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 325.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 49.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Favorable.

(L’amendement n° 49 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 475.

(L’amendement475, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 365.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 339.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 379.

(L’amendement n’est pas adopté.)

(L’article 32, amendé, est adopté.)

Après l’article 32

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 40.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Christian Paul. C’est un coup de force ! Vous êtes des putschistes !

M. le président. Même avis, même vote pour l’amendement n° 596.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 436 et 195 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les auteurs de l’amendement n° 436 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 436, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 195 rectifié.

M. Yves Cochet. Une nouvelle fois, monsieur le président, aussi bien mes collègues du groupe SRC que ceux du groupe GDR ne peuvent plus s’exprimer. Nous vous signalons donc collectivement une difficulté dans cette assemblée que la Conférence des présidents devra, me semble-t-il, examiner car l’image de la démocratie et de la France est ternie par cette restriction du droit de parole des députés, notamment ceux de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Dominique Dord. Elle était ternie aussi par le début du débat !

M. Yves Cochet. Je vais maintenant défendre l’amendement n° 195 rectifié. Il s’agit de faire en sorte que, au deuxième alinéa de l’article L. 138-24 du code de la sécurité sociale, le taux de 1 % soit remplacé par le taux de 3 %.

Nous proposons d’augmenter les pénalités infligées aux entreprises de plus de cinquante salariés qui ne seraient pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés. Nous sommes en effet dans le chapitre que vous avez appelé « seniors », même si, d’un point de vue juridique, ce terme n’est pas très clair.

Nous souhaitons ainsi inciter les entreprises à employer un nombre croissant de salariés de plus de cinquante ans afin d’atteindre l’objectif fixé par le présent projet de loi de rejoindre la moyenne des taux d’emploi des personnes de plus de cinquante ans des États membres de l’Union européenne.

En effet, si l’on va au-delà de cinquante ans, et même si l’on considère l’emploi des plus de cinquante-cinq ans, on tombe sur un sujet qui est l’un des grands absents de cette réforme. Certes, le chantier a déjà été ouvert et les entreprises de plus de cinquante salariés sont censées avoir depuis le 1er janvier 2010 un plan d’emploi pour les seniors, même si bien entendu il n’en est rien. Si l’âge de départ à la retraite change, ne faut-il pas prévoir de nouveaux dispositifs ou accélérer le processus ?

On aurait pu espérer que le Gouvernement afficherait une volonté bien plus forte de garder les seniors au travail. Évidemment, le message est difficile à faire passer en période de crise, mais c’est précisément pour cela qu’une bonne dose de volontarisme politique est nécessaire. Vous n’en faites pas preuve, messieurs les ministres ! Actuellement, le grand problème auxquels nos concitoyens sont confrontés est donc celui-ci : continuer à travailler plus longtemps, alors que les entreprises ne veulent plus d’eux. C’est tout à fait impossible.

Je prends pour terminer l’exemple de la Finlande, qui a un taux d’emploi des seniors de plus de 70 % et qui montre qu’une vraie politique peut faire la différence. En effet, ce taux est passé de 35 % voilà dix ans à près de 70 % aujourd’hui. Pour mémoire, le taux d’activité des seniors en France s’élèverait à 35 % ou 39 % en 2008, c’est-à-dire un des taux les plus bas d’Europe, même s’il a évolué dans le bon sens, puisqu’il était de 28 % dix ans auparavant.

Quelle est la méthode finlandaise ? Comme l’ont rappelé M. Gorce et Mme Touraine, ainsi que d’autres députés des groupes SRC et GDR, qui ne peuvent plus parler, c’est le dialogue, toujours le dialogue et encore le dialogue ! On n’a pas dialogué, c’est pour cela que ce texte est mauvais.

On a également recours aux aménagements d’horaires ou de postes et aux vacances supplémentaires. S’y ajoutent, en Finlande, des aides aux entreprises qui embauchent les plus de 54 ans. Et, inversement, il y a une sanction sous forme de prise en charge partielle des indemnités chômage pour les entreprises qui licencient un salarié de plus de 58 ans. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Mes chers collègues, avant de demander l’avis de la commission et du Gouvernement sur cet amendement, je rappelle que les photographies et les films sont strictement interdits dans l’enceinte de l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il en va des règles de fonctionnement élémentaires de notre assemblée. (Les députés du groupe SRC apostrophent vivement le président.)

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

(L’amendement n° 195 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 718 n’ont plus de temps pour le défendre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, dont un grand nombre de membres scandent : « Rappel au règlement ! Rappel au règlement ! »)

(L’amendement n° 718, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 446 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 446, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 257 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 257, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 369 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 369, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 370 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 370, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 723 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 723, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 62 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 62, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 237 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 237, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 378 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 378, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 653 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 653, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 624 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 624, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 654 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 654, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 656 et 31, pouvant être soumis à une discussion commune. Les auteurs de l’amendement n° 656 n’ont plus de temps pour le défendre.

L’amendement n° 31 est défendu.

(Les amendements nos 656 et 31, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Avant l’article 32 bis

M. le président. Je suis saisi d’amendements portant articles additionnels avant l’article 32 bis. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert. Vous ne répondez même pas à notre demande de rappel au règlement ! C’est scandaleux !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 229 et 719, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 229.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il est défendu !

(L’amendement n° 229, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 719 tombe. (Le tumulte continue sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Article 32 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 441 et 659. Leurs auteurs n’ont plus de temps pour les défendre.

(Les amendements identiques nos 441 et 659 ne sont pas adoptés.)

(L’article 32 bis est adopté.)

Après l’article 32 bis

M. le président. Je suis saisi de trois amendements portant articles additionnels après l’article 32 bis.

Les amendements nos 69 rectifié et 634, deuxième rectification, peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 69 rectifié.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il est défendu !

(L’amendement n° 69 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 634, deuxième rectification, est défendu.

(L’amendement n° 634, deuxième rectification, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je considère que l’amendement n° 696 est défendu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Laissez donc s’exprimer son auteur, il veut parler !

M. le président. Veuillez m’excuser, mon cher collègue. La parole est donc à M. Yanick Paternotte, pour soutenir son amendement.

M. Christian Eckert. Ah ! C’est beau un député qui s’exprime !

M. Yanick Paternotte. Monsieur le président, je ferai une intervention groupée sur les amendements que je présente, avec mes collègues, au titre de l’épargne retraite sur les articles 32 bis et suivants.

Tout d’abord, sur le titre, je me félicite que, dans ce texte, il y ait un titre sur l’épargne retraite. C’était le cas en 2003, contrairement à ce texte. Je regrette simplement que ce soit un « titre bis » et non un titre entier.

M. Christian Eckert. Ça change tout en effet !

M. Yanick Paternotte. C’est pour cette raison que j’avais proposé que l’on ait un titre VI et que l’on décale les autres titres.

À l’article 32 bis, nous examinons aujourd’hui un amendement qui propose une convention de gestion pour les PERCO, de manière à informer les salariés, lorsque l’âge de la retraite arrive, sur l’exactitude des rentes qui vont leur être versées, pour éviter le maquis des conventions d’assurance. Il en va de l’intérêt des usagers.

À l’article 32 ter, trois amendements portent sur la possibilité de flécher l’intéressement vers le PERCO. Je sais, monsieur le ministre, que vous n’en êtes pas un farouche défenseur. Il s’agit de flécher à 50 %, pour l’amendement n° 693 rectifié, en indiquant, dans un amendement de repli, que le salarié peut le choisir ; il n’y a pas d’obligation de fléchage.

L’amendement n° 695 tend à créer une adhésion automatique au PERCO pour le salarié lorsqu’il y a une convention d’entreprise, pour permettre le basculement des PEE, où l’argent est bloqué cinq ans, vers un PERCO. C’est une incitation à effectuer des versements d’épargne retraite.

Enfin, à l’article 32 quinquies, un amendement n° 616 tend à instaurer une obligation d’information sur les rentes viagères et deux amendements ont trait à la sortie en capital du PERP. Le premier, à 50 %, vise à favoriser l’aménagement et la remise en état d’une résidence principale. Je pense que, quand on arrive à la retraite, il est bon, socialement, d’être propriétaire de son toit. En tout cas, il faut favoriser l’accession à la résidence et l’aménagement de celle-ci. L’amendement n° 692 est un amendement de repli, qui propose la même sortie en capital du PERP à 20 %.

M. Christian Eckert. Tout cela est très simple !

M. Yanick Paternotte. Enfin, avec l’amendement n° 690, nous anticipons sur les débats futurs de cette assemblée sur le cinquième risque, c’est-à-dire la dépendance. Nous proposons de flécher le PERP sur une orientation dépendance pour induire une responsabilité personnelle. On sait que la dépendance, c’est du long terme, tout comme le PERP. Nous pensons donc qu’il s’agit d’une bonne indication.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Sur les amendements de M. Paternotte, le Gouvernement est évidemment favorable au développement de l’épargne retraite, notamment du PERCO. Nous sommes également favorables à ce que les entreprises puissent continuer à bénéficier de la liberté qu’elles ont d’organiser les choses. Tel est notre état d’esprit, qui nous conduira à accepter un certain nombre de ces amendements, et à en refuser d’autres.

(L’amendement n° 696, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, je suis ravi de bénéficier enfin de votre mansuétude : cela fait presque un quart d’heure que je vous demande un rappel au règlement, sur la base de l’article 58. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mon rappel au règlement a trait à l’organisation de nos travaux. Il était donc de droit et je m’étonne du temps qu’il vous a fallu pour comprendre que le groupe socialiste demandait un rappel au règlement. Les deux groupes de l’opposition, monsieur le président, sont réduits au silence. Je souhaitais le souligner et le signaler aux Français qui prendront connaissance de nos débats.

La séance est publique et filmée. La manière totalement robotisée dont vous conduisez ces débats sera aussi, je pense, soulignée par les commentateurs. J’invite d’ailleurs tous mes collègues à mettre le film de cette séance sur leurs sites internet, sur leurs blogs et à le faire circuler. Il montre le dérèglement complet du fonctionnement de cette assemblée, que vous avez inspiré et que vous cautionnez car vous présidez cette assemblée aujourd’hui. C’est une honte pour la démocratie ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Monsieur Paul, j’applique strictement le règlement (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) et je maintiens que ce que vous avez fait est formellement interdit.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Et ce n’est pas la dernière fois, monsieur le président, que je la demande !

Sur la manière dont a été discuté et adopté l’amendement de M. Paternotte, je veux dire une nouvelle fois, mais je le redirai sans doute, que la manière dont se déroulent les débats en cette fin de séance n’est pas digne de notre démocratie. En voyant autant de députés qui ont accompli un tel travail, qui sont présents, qui veulent parler et qui sont bâillonnés, muselés, on se dit que ce spectacle ne grandit pas la démocratie française ; cela ne grandit pas notre Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le but d’un Parlement, quand il y a des parlementaires, c’est que l’on puisse parler. Or quand les parlementaires, notamment ceux de l’opposition, sont bâillonnés, il n’y a plus de Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Article 32 ter

M. le président. Sur l’article 32 ter, je suis saisi de plusieurs amendements.

Les amendements nos 443 et 660 sont identiques. Leurs auteurs n’ont plus de temps pour les défendre.

(Les amendements identiques nos 443 et 660 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Les auteurs de l’amendement n° 344 n’ont plus de temps pour le défendre.

(L’amendement n° 344, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je considère que l’amendement n° 632 est défendu.

(L’amendement n° 632, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je considère que l’amendement n° 488 est défendu.

(L’amendement n° 488, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Avant que nous ne votions sur l’article 32 ter, je dois redire que la manière très sérieuse dont nous avons travaillé, tant en commission des affaires sociales qu’au sein des groupes et des parlementaires de l’opposition, ne mérite pas l’indignité de cette fin de débat, où des parlementaires ne peuvent plus défendre des positions politiques.

On ne cesse de nous dire que c’est à l’Assemblée que ça se passe. Mais au Sénat, le temps de parole est d’une certaine manière illimité. Le règlement de notre assemblée, en revanche, sur les grandes lois, pose problème : c’est déjà arrivé pour la loi sur La Poste, c’est arrivé pour le Grenelle 2, cela arrive aujourd’hui pour les retraites.

De toute urgence, la prochaine Conférence des présidents et éventuellement le Bureau de l’Assemblée doivent agir pour donner une image beaucoup plus ouverte et beaucoup plus parlementaire des débats sur de grandes lois. Sinon, la notoriété, l’image de l’Assemblée nationale iront en déclinant.

Monsieur le président, je vous crois très sensible à l’image de notre assemblée. Nous ne pourrons pas travailler comme cela pendant encore une année et demie ! Ce serait de pire en pire, et ce serait dommage, pour tous ceux qui sont ici, et pour l’image de l’Assemblée. (Approbations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(L'article 32 ter, amendé, est adopté.)

Après l'article 32 ter

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 693 rectifié.

(L'amendement n° 693 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 694 rectifié.

(L'amendement n° 694 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Même avis, même vote ! Même avis, même vote !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 695.

(L'amendement n° 695, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Même avis, même vote ! Même avis, même vote !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements nos 68 et 630 pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

(Les amendements nos 68 et 630, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Même avis, même vote ! Même avis, même vote !

Article 32 quater

M. Yves Cochet. Je demande la parole !

Mme Laurence Dumont. Donnez-lui la parole, il n’y a que lui qui puisse parler !

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Au moment où nous abordons l’étude de l’article 32 quater, il me semble que les conditions d’un examen serein de cet article, ainsi que des amendements, notamment le n° 444 de Mme Billard le n° 661 de Mme Touraine, ou encore les nos 608 rectifié et 610 de M. Robinet, ne sont pas réunies.

En effet, comme cela vient d’être le cas, nous n’entendrons qu’un énoncé typographique, pour ainsi dire, du numéro de l’amendement. Ces amendements sont adoptés ou refusés de façon tout à fait mécanique.

M. Marcel Rogemont. Même avis, même vote !

M. Yves Cochet. Cela donne à nouveau une image tout à fait déplorable de notre parlement, et d’autant plus qu’une certaine fatigue se fait sentir sur les bancs de l’opposition comme sur ceux de la majorité, comme l’a déjà dit Mme Touraine.

Nous parlons de conditions de travail et de pénibilité ; alors bien sûr, il ne faut pas exagérer, mais les conditions que j’appellerais de raison ne sont pas réunies. Il faut raison garder, que ce soit pour les votes ou les argumentaires, que ce soit pour le Gouvernement ou pour nous-mêmes. Nous ne sommes pas des surhommes ! Les membres du Gouvernement ne sont pas génétiquement différents des parlementaires, pas plus que nous ne sommes génétiquement différents de nos assistants et du personnel de l’Assemblée. Ces conditions sont tout à fait déplorables, et je les déplore, comme, je pense, l’ensemble de mes collègues de l’opposition – de manière, hélas, muette.

Cela donne une image tout à fait déplorable de notre assemblée ; ceci doit cesser !

M. Christian Eckert. Même avis, même vote !

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Nous avons eu des jours et des jours d’audition ; nous avons travaillé trois jours en commission ; nous avons passé quatre-vingts heures ici. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez tenu des propos répétitifs, destinés uniquement à provoquer ces incidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je le regrette profondément : vos propos sont tellement excessifs et caricaturaux ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je rappelle tout de même à l’opposition que nous avons débattu pendant plus de soixante-douze heures. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.) Si vous n’avez pas su, ou pas voulu, mieux gérer votre temps de parole, il en va de votre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

L’ensemble des groupes ont géré leur temps de parole. C’est vrai dans la plupart des parlements. Monsieur Cochet, vous avez siégé au parlement européen : vous savez bien que là-bas, on vous coupe la parole quand vous avez dépassé votre temps de trois secondes ! C’est bien comme cela que les choses se passent. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous avez choisi de ne pas garder de temps pour parler de l’emploi, pour parler des retraites des femmes, pour parler de l’emploi des seniors. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

C’est votre choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert. Vos attaques sont faciles : nous ne pouvons pas vous répondre !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 444 et 661.

(Les amendements identiques nos 444 et 661, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. Christian Paul. Vous dévoyez toutes les institutions, le Parlement comme la justice !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 608 rectifié.

(L'amendement n° 608 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 610.

(L'amendement n° 610, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 32 quater, amendé, est adopté.)

Après l'article 32 quater

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 345.

(L'amendement n° 345, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Article 32 quinquies

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Nous abordons l’étude de l’article 32 quinquies,qui est important. Certains de nos collègues, de l’opposition comme de la majorité, ont déposé des amendements à cet article : je pense à l’amendement n° 445 qui aurait dû être défendu par M. Muzeau, à l’amendement n° 662 de Mme Touraine et de ses collègues, ainsi qu’aux amendements de M. Hénart et de M. Robinet.

Une nouvelle fois, nous allons pourtant assister à quelque chose qui est tout de même une anomalie. Bien sûr, on peut dire que nous avons mal géré notre temps, et que nous sommes censés connaître le règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. C’est la vérité !

M. Yves Cochet. Mais c’est tout de même une anomalie.

Un autre jour, il y aura une autre opposition, et nous serons, nous, dans la majorité. Eh bien nous ne voudrons pas donner une telle image du Parlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Havard. On gérera notre temps !

M. Yves Cochet. Nous devrons donc à l’évidence réformer le règlement de l’Assemblée afin que tous les parlementaires puissent parler…

M. Yves Bur. Vous ne réformerez rien du tout !

M. Yves Cochet. …sans qu’il y ait d’obstruction, bien sûr. Monsieur le président, ce n’est pas une attaque personnelle, mais je me souviens – parce que j’ai quelques années de vol dans cette assemblée – que vous-même étiez un parlementaire tout à fait redoutable qui avait l’art, peut-être pas l’élégance, mais l’art de faire durer les débats, avec des arguments tout à fait intéressants. Cela durait très longtemps. (Approbation sur les bancs du groupe SRC.) C’était du temps d’un autre règlement.

Il en allait de même pour M. Mariani. Lors de la discussion de la loi sur les 35 heures, il avait inventé ce que l’on a appelé les amendements-cocotiers : puisque la loi fixait la durée hebdomadaire légale du travail en France à trente-cinq heures, M. Mariani avait simplement pris 300 ou 400 professions et rédigé tous les amendements correspondants : « sauf pour les bouchers », « sauf pour les boulangers », « sauf pour les charcutiers », etc. Il y avait comme cela 300 amendements de M. Mariani !

Voilà ce que vous avez fait.

M. Dominique Dord. Et ça ne nous grandit pas !

M. Yves Cochet. Maintenant, cela n’a plus cours, mais nous nous trouvons face à un autre type de blocage : ce n’est plus l’opposition qui bloque, c’est vous qui bloquez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 445 et 662.

(Les amendements identiques nos 445 et 662, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 121 rectifié et 604, pouvant être soumis à une discussion commune.

(L'amendement n° 121 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 604 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 629.

(L'amendement n° 629, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 606.

(L'amendement n° 606, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. Jean Mallot. Intéressant, ce vote sur des numéros !

(L'article 32 quinquies, amendé, est adopté.)

Après l'article 32 quinquies

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 616.

(L'amendement n° 616, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 127.

(L'amendement n° 127, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 341 rectifié, 691 et 692, pouvant être soumis à une discussion commune.

(L'amendement n° 341 et 691, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'amendement n° 692, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 496.

(L'amendement n° 496, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 75.

(L'amendement n° 75, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 38 rectifié et 595 rectifié.

(Les amendements identiques nos 38 rectifié et 595 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 39 rectifié.

(L'amendement n° 39 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 340.

(L'amendement n° 340, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 690.

(L'amendement n° 690, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 506.

(L'amendement n° 506, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 71.

(L'amendement n° 71, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 489.

(L'amendement n° 489, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. Jacques Lamblin. Je demande la parole pour un rappel au règlement. . (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maxime Gremetz. Tiens ! Il y a un député UMP qui se réveille !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je voudrais simplement rappeler quelques règles qui me paraissent élémentaires. Le règlement de cette assemblée a été adopté de façon démocratique. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Chacun d’entre nous connaissait le règlement depuis le début.

M. Patrick Roy. Vous bâillonnez l’opposition !

M. Jacques Lamblin. Je siège ici depuis seize heures hier soir, moi aussi. Depuis seize heures, vous avez gaspillé sciemment votre temps de parole, répétant trente fois, quarante fois, cinquante fois la même chose. Vous n’êtes pas réduits au silence ; vous vous êtes réduits vous-mêmes au silence, volontairement, pour pouvoir nous gratifier en fin de silence d’une mascarade.

M. Christian Eckert. Et qui êtes-vous pour en juger ?

M. Michel Vergnier. Donneur de leçons !

M. Jacques Lamblin. C’est un calcul, et ce n’est que cela !

Enfin, pour répondre à ce qu’a dit tout à l’heure M. Gorce, l’évolution des lois sur l’organisation des retraites ne s’est pas faite en quelques heures, mais en dix-sept ans. Ce texte est un complément à de nombreux autres textes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Nous savons tous qu’il n’y a pas de règlement parfait ; la démocratie elle-même est une valeur qui nous réunit, je l’espère, mais c’est plutôt un horizon. Pour reprendre un qualificatif employé par M. le ministre Woerth, ce qui compte, c’est l’opérationnalité de cette démocratie. Même si elle a quelques défauts – elle est parfois lente, parfois lourde, elle oblige parfois à des procédures longues – c’est, comme le disait Churchill, le meilleur système à l’exception de tous les autres.

Je crois que certains collègues de la majorité partagent notre sentiment : il y a quelque chose d’absolument ridicule dans ce que nous faisons aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

L’ancien règlement permettait ce que j’ai appelé les amendements-cocotiers : cela ne fonctionnait pas. On a essayé un nouveau règlement : constatons tous ensemble que ce règlement n’est pas satisfaisant, et prenons l’engagement, ensemble, de le réformer au plus vite afin que la démocratie soit plus opérationnelle, mais aussi plus élégante, qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Aujourd’hui, la majorité nous impose une manière de faire une loi qui n’est pas respectable.

M. Dominique Dord. Vous vous l’imposez à vous-même !

Article 33

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 577.

(L'amendement n° 577, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 657.

(L'amendement n° 657, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 568 rectifié.

(L'amendement n° 568 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 33, amendé, est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Explications de vote personnelles

M. le président. Nous en arrivons aux explications de vote personnelles. Je suis saisi de 166 demandes d’explications de vote personnelles, en application de l’article 49, alinéa 13, du règlement.

M. Dominique Dord. Et ça, ce n’est pas pitoyable, peut-être ? C’est le fonctionnement normal du Parlement ?

M. le président. Je vous rappelle que chaque orateur peut s’exprimer durant cinq minutes.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement qui est de droit !

M. Christian Paul. Le droit est piétiné.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine. Le temps est décompté à partir du moment où l’orateur est appelé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine. Tous les moyens sont bons décidément !

M. Christian Eckert. C’est scandaleux !

Mme Marisol Touraine. Tous les moyens sont bons pour empêcher l’opposition de s’exprimer mais l’opposition n’a pas l’intention de se taire. Si elle ne peut pas parler ici, elle le fera à l’extérieur car les députés socialistes ont vraiment la volonté de porter un autre projet de réforme auprès des Français. Je ne suis pas certaine que ce que nous venons de vivre soit à la hauteur de ce que les Français pouvaient attendre.

Vous êtes extrêmement mobilisés, mesdames et messieurs les députés de la majorité, mais lorsque l’on apprend – et je m’adresse, sans intentions malignes, tout particulièrement au président de la commission des affaires sociales – qu’il a fait en sorte qu’une loi de la République qu’il avait lui-même qualifiée d’indispensable pour l’équilibre des services publics dans notre pays, qui concernait la carte judiciaire en France, ne soit pas appliquée dans sa propre ville…

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui ! Il est où l’intérêt général ?

Mme Marisol Touraine. …on peut se demander si la réforme des retraites devra, demain, s’appliquer partout en France, sauf aux retraités de Vitré. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui ! Alors les leçons de morale…

Mme Marisol Touraine. Au fond, le débat que nous avons depuis quelques jours aura servi à montrer aux Français qu’une autre voie était possible, une voie plus juste, plus efficace. En effet, au-delà des injustices que nous avons dénoncées dès le premier jour dans la mesure où ce projet s’attaque directement à ceux qui ont commencé à travailler jeunes, aux femmes qui ont eu des carrières hachées, à tous ceux et à toutes celles qui ont eu des métiers pénibles…

M. Sébastien Huyghe. C’est faux !

Mme Marisol Touraine. …vous avez été amené, monsieur le ministre, à reconnaître que les retraites des Français allaient baisser à cause de votre réforme. Nous l’avons dit, lorsque votre réforme sera arrivée à terme, elle représentera une baisse de plusieurs centaines d’euros pour chaque retraité qui perçoit un petit salaire aujourd’hui. C’est cela la réalité de votre réforme.

Vous avez été amenés au cours des débats à reconnaître que tous ceux qui aujourd’hui sont sans emploi et qui approchent de la soixantaine, devront rester sans emploi jusqu’à soixante-deux ans. Quelle est la solution qui leur est proposée ? Car il ne suffit pas de légiférer et de décréter qu’il faut travailler jusqu’à soixante-deux ans pour que tous ceux qui aujourd’hui sont au chômage ou sont sans emploi se retrouvent en situation d’emploi entre soixante et soixante-deux ans…

Vous avez simplement imaginé que, demain, ce serait l’assurance chômage, l’UNEDIC et les partenaires sociaux qui allaient devoir assumer la charge, le coût de toutes celles et de tous ceux qui se retrouvent à soixante ans privés de tout soutien, privés d’allocations chômage, privés de salaires. C’est cela la réalité de votre réforme, d’une réforme que vous prétendez juste alors qu’elle n’est fondée que sur la discrimination envers les plus modestes et les plus précaires.

Au moins, on se dit que peut-être tout cela est fait au nom de l’efficacité financière,…

M. Christian Paul. Même pas !

Mme Marisol Touraine. … pour assurer à nos concitoyens l’équilibre des régimes de retraite dans la durée. Mais pas du tout puisque votre projet n’est pas financé et ne présente pas une garantie pour les futurs retraités. Nous aurons l’occasion, dans des débats futurs, de revenir sur le scandale que représente le hold-up que vous avez réalisé à l’égard du fonds de réserve des retraites. Nous aurons l’occasion de revenir sur l’invraisemblable tour de passe-passe que vous avez effectué en supprimant 15 milliards d’euros dans le financement des régimes de retraite.

Nous nous retrouvons donc avec une réforme qui n’est pas financée à l’horizon 2018, qui va transmettre aux générations futures un système fragilisé et qui s’appuie sur toute une série d’injustices, que nos concitoyens vont payer extrêmement cher.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas voter cette réforme et nous maintenons qu’une autre réforme était possible, dont vous n’avez pas voulu débattre à fond mais dont les Français ont été saisis et qu’ils appellent aujourd’hui de leurs vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec attention ce débat sur la réforme des retraites qui arrive à son terme. Ce matin, je me sens triste. Triste, comme un certain nombre de mes collègues, de voir le Gouvernement et la majorité parlementaire s’enfermer dans ce mauvais texte.

En effet, en portant l’âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans, vous oubliez, bien qu’on en ait beaucoup parlé cette nuit, que ce sont des hommes et des femmes, souvent au travail depuis longtemps, que vous pénaliserez, que vous obligerez à travailler jusqu’à la limite de l’épuisement parce qu’elles totaliseront quarante-trois, quarante-quatre ou quarante-cinq ans de vie au travail lorsqu’elles pourront partir à la retraite.

Ne nous objectez pas l’invalidité à 10 % qui ouvrirait un droit à la retraite à soixante ans. Le taux d’invalidité fixé par le médecin conseil de la sécurité sociale n’a souvent rien à voir avec l’état de fatigue qui envahit le salarié, avec les douleurs accumulées à cause de gestes mille fois répétés.

Seulement 30 000 personnes seraient concernées par cette invalidité. Mais des centaines de milliers d’autres ont subi des conditions de travail difficiles, en plein air, dans le bâtiment, les travaux publics, dans l’eau, dans la boue, dans le froid, dans l’humidité.

Combien de terrassiers, de conducteurs d’engins de travaux publics, de maçons, de carreleurs qui travaillent à genoux toute la journée, de peintres en bâtiment qui respirent des vapeurs toxiques, de travailleurs de l’agro-alimentaire ? Pensons en particulier à ceux qui rentrent et qui sortent des chambres froides, qui portent des quartiers de viande de plusieurs dizaines de kilos sur leur dos. Pensons aux aides soignantes qui se déchirent les muscles du dos en soulevant des personnes impotentes.

Combien de femmes de ménage présentes, comme nous le voyons aujourd’hui dans cette maison, dès cinq heures ou six heures du matin, dans les bureaux, les gares, les magasins ?

Combien de travailleurs des cafés restaurants qui finissent la plonge à deux heures, trois heures du matin ou qui, à l’inverse, sont présents dès six heures pour servir le premier café, pour vous tendre le journal ? Et que dire des ouvriers qui manient à longueur de journée et d’année des outils tels que le marteau piqueur !

Ce ne sont pas des professions protégées, ce ne sont pas des régimes spéciaux, ce ne sont pas des personnes qui seront nécessairement en invalidité à la fin de leur vie professionnelle, c’est la vie quotidienne de centaines de milliers d’hommes et de femmes, employés, ouvriers, agents de service, qui forment la majorité de nos salariés dans notre pays.

Nous parlons de leur usure, de leur fatigue. C’est à ceux-là que vous osez expliquer qu’il est juste de faire des années supplémentaires au travail, eux qui déjà sont les plus mal payés, les plus mal lotis de tous les salariés de ce pays. Et vous savez que ce sont eux qui auront le temps de retraite le plus court, car ce sont eux qui disparaissent les premiers. Quelle injustice !

C’est en leur nom que je vous demande, mes chers collègues, de refuser de voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’abord je veux élever une vive protestation, après toutes celles qui se sont exprimées, sur la manière dont est mené le débat…

M. Christian Paul. Très bien !

M. Alain Bocquet. …à marche forcée, avec un règlement complètement anti-démocratique et qui conduit à ce que les députés que nous sommes soyons interdits de parole. C’est inacceptable. J’espère que les choses se modifieront.

La retraite à soixante ans, contrairement à l’idée que vous voulez accréditer, ce n’est pas fini, le combat pour défendre ce droit historique et de civilisation ne fait que commencer et ce n’est pas parce que vous allez essayer d’imposer un vote favorable avec votre majorité Union des milliardaires protégés, UMP, que vous parviendrez à faire en sorte que notre peuple, qui rejette dans son immense majorité votre loi régressive, rétrograde en matière sociale et en matière de vie et de progrès humain, l’adopte, je tiens à le dire d’emblée. D’autant que des projets alternatifs ont été proposés.

En ce qui nous concerne, nous les députés communistes et du parti de gauche, nous avons fait des propositions très concrètes ; elles sont contenues dans cette proposition de loi qui a été soumise au bureau de l’Assemblée nationale mais dont vous n’avez pas voulu débattre cartes en main. C’est la raison pour laquelle le combat va se poursuivre pour une alternative à votre loi qui est une loi régressive.

En particulier, nous avons des propositions de financement claires et nettes en ce qui concerne notamment la contribution des revenus financiers et spéculatifs. Je rappelle qu’un taux de 9,9 % rapporterait 30 milliards dans les caisses de la sécurité sociale.

Une véritable politique pour défendre les retraites et notre sécurité sociale, qui est menacée – c’est déjà l’objectif annoncé par le MEDEF durant son université d’été – une véritable politique de l’emploi, dans un pays qui compte 5 millions d’inactifs, est sans conteste la solution pour pérenniser le financement de notre système de retraite. Rappelons que 100 000 emplois, c’est 2 milliards de cotisations en plus.

Si on mettait en œuvre une véritable politique d’augmentation des salaires, on abonderait les caisses de la sécurité sociale – 1 % d’augmentation des salaires, ce sont 3 milliards de recettes. Si on supprimait les exonérations patronales qui sont mises en place depuis quelque temps au titre des heures supplémentaires, on ferait rentrer 10 milliards dans les caisses de la sécurité sociale. Le fameux bouclier fiscal, cher à Mme Bettencourt et à ses amis, cela représente 14 milliards de cotisations récupérables pour les caisses de retraite, sans compter les dettes patronales ou les dettes de l’État qui se montent au total à plus de 8 milliards d’euros.

L’argent existe, sauf que vous êtes là pour nous présenter une loi qui s’inscrit dans le prolongement de celles de M. Balladur et de M. Fillon, c’est le troisième étage de la fusée pour faire exploser notre système de retraite par répartition contrairement à vos affirmations.

Vous laissez d’ailleurs la place dans ce projet de loi à l’épargne retraite, à la solution individualisée avec des assurances pour préparer sa retraite – c’est ce à quoi vous voulez aboutir en 2018. À ce moment-là, vous direz, plutôt vos successeurs diront – mais j’espère que vous n’aurez pas de successeurs et que, d’ici là, les choses auront changé – vous direz que c’est un échec, qu’il faut passer au système de capitalisation cher à Mme Parisot, elle l’a réaffirmé à plusieurs reprises ces derniers temps.

Le combat pour défendre le droit à la retraite à soixante ans, pour défendre notre système par répartition, va se poursuivre : dès aujourd’hui dans les luttes qui sont organisées par le mouvement syndical uni et le 23 septembre prochain, à l’occasion de la grande journée d’action qui est d’ores et déjà annoncée et qui a tout notre soutien.

Il y aura aussi le débat qui va s’ouvrir au Sénat et, là encore, rien n’est joué pour vous.

Au-delà, le combat va se poursuivre. On a vu à certaines époques des lois qui avaient été votées ici au Parlement et qui ont été remises en cause, je pense au CPE. On a même vu à Versailles une majorité de 92 % qui s’était prononcée pour un fameux traité de Constitution européenne se voir contredite dans un référendum par le peuple français.

M. le président. Merci, monsieur Bocquet.

M. Alain Bocquet. Chiche ! Pourquoi pas un référendum pour donner le dernier mot au peuple en ce qui concerne le droit à la retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Je ne veux pas commencer mon propos, monsieur le président, sans vous dire que la manière dont vous avez choisi de conduire nos débats ne vous honore pas. Vous avez choisi de nous bâillonner mais soyez assuré qu’il y aura quelques centaines de députés qui, à l’extérieur, diront de quelle manière nos travaux se sont déroulés.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Très bien !

M. Christophe Sirugue. Au terme de ce débat, nous pouvons dire qu’il s’agit là d’un projet fondé sur un mensonge, d’un projet injuste, d’un projet irresponsable.

M. Christian Paul. C’est le gouvernement du mensonge !

M. Christophe Sirugue. D’un projet fondé sur un mensonge parce qu’il est parti d’une de ces phrases dont vous avez le secret : « on vit plus vieux, il faut travailler plus vieux ». Mais c’est déjà cette phrase que vous aviez sortie en 2003 pour justifier la réforme des retraites proposée par François Fillon ! Avec ce mensonge une nouvelle fois affiché, comme vous l’aviez fait avec « le Président du pouvoir d’achat » ou avec le « travailler plus pour gagner plus », vous avez tenté de tromper les Français, mais la réalité c’est que, depuis 2003, rien dans le domaine démographique n’a changé et ne justifie que vous puissiez avancer les arguments que vous avez développés.

Votre projet est injuste d’abord parce qu’en relevant l’âge de la retraite à soixante-deux ans il touche les catégories de personnes qui ont travaillé le plus tôt. En relevant de soixante-cinq à soixante-sept ans l’âge auquel on peut prendre sa retraite sans décote vous touchez les Français les plus fragiles, les plus précaires, les femmes, les jeunes, les gens qui ont des parcours professionnels hachés. Et c’est cela que vous présentez comme une grande avancée sociale ! Chacun comprendra qu’il s’agit au contraire d’un recul manifeste.

Votre projet est injuste parce que vous confondez une nouvelle fois, comme nous vous l’avons dit, l’invalidité et la pénibilité. Alors qu’il s’agissait d’un engagement de François Fillon en 2003, la prise en compte de la pénibilité, malgré ce que vous nous avez dit, n’a pas été négociée avec les organisations syndicales.

Votre projet est injuste parce qu’il est porté, pour 90 %, par les seuls salariés alors que vous auriez pu remettre en cause le bouclier fiscal. Il n’y a que le président de la commission des affaires sociales pour nous expliquer, comme il le faisait déjà l’année dernière, que le bouclier fiscal devra être remis en cause. Et chaque année, malheureusement, le projet de loi de finances passe sans que ce bouclier fiscal soit remis en cause.

Votre projet est injuste parce qu’il néglige l’emploi des seniors…

M. François Pupponi. Même Villepin le dit !

M. Christophe Sirugue. …dont vous nous avez pourtant dit que c’était un projet essentiel. Mais à partir du moment où vous ne faites rien pour permettre aux seniors de rester en activité, à partir du moment où vous ne voulez pas comprendre que déjà aujourd’hui, à partir de cinquante-huit ans, des personnes relèvent malheureusement de l’UNEDIC jusqu’à soixante ans, on ne voit pas comment ce que vous nous proposez permettra d’améliorer cette situation.

Votre projet est injuste, enfin, parce qu’il fait un hold-up sur les générations futures, ce qui est sans doute le plus grave.

Un projet irresponsable parce qu’il n’est pas financé, cela a été dit, parce qu’il creuse la dette publique, parce qu’il camoufle la vérité en faisant des vieux chômeurs plutôt que des jeunes retraités. Voilà ce que vous avez choisi de proposer aux Français.

À l’évidence, nous ne pouvons pas soutenir un tel projet parce que nous savons qu’il n’est pas durable, qu’il faudra le revoir à partir du moment où vous aurez pillé les caisses du Fonds de réserve des retraites. Il faudra le revoir, dès lors que vous n’avez pas anticipé le pic démographique de l’année 2020 qui, lui, n’a pas disparu. C’est un projet qu’il faudra revoir tout simplement parce qu’il est tellement injuste qu’il ne pourra pas être accepté par les Français. Ils vous en feront la démonstration une nouvelle fois, je n’en doute pas, le 23 septembre prochain. Ce mouvement social qui gonfle, qui s’amplifie, il faudra bien que vous l’entendiez, sinon il se passera la même chose que pour le CPE, c’est-à-dire que vous devrez enregistrer un recul pour le bien de nos concitoyens, pour la véritable réforme des retraites que votre projet ne permet pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Depuis les réformes Balladur et Fillon sur les retraites, seuls les salariés ont été mis à contribution. En quelques années, si l’on additionne les évolutions en matière de cotisations, quatorze trimestres de plus sont demandés aux salariés.

Les socialistes avaient déjà émis les plus grandes réserves à propos de ces réformes. Au-delà de la méthode, que nous avions à l’époque très largement critiquée, nous avions expliqué ici même, dans l’hémicycle, que les réformes étaient déséquilibrées d’un point de vue financier, injustes et, au terme des débats que nous venons d’avoir, il semblerait que la réforme dite Woerth soit identique aux deux précédentes.

Le constat est à présent connu : des retraités qui voient leur niveau de vie se dégrader largement, des salariés âgés privés d’emploi et des jeunes qui n’arrivent pas à accéder à une première activité professionnelle.

Vous le savez, monsieur le ministre, les Français sont très majoritairement attachés à la retraite à soixante ans, même s’il faut tenir compte de l’évolution de l’espérance de vie, et notamment des évolutions liées aux durées de cotisation. Pour les socialistes, ce marqueur social est très important. Nous avons eu l’occasion de rappeler que la liberté de pouvoir partir à soixante ans, dès lors que l’on a les durées de cotisation, devait être maintenue. Malheureusement, vous avez souhaité revenir sur cette grande avancée sociale que le Président de la République, François Mitterrand, avait offerte aux Français.

Notre pays, vous le savez, se caractérise par le triste record du taux d’activité des seniors le plus faible d’Europe, mais en même temps par celui du chômage des jeunes – ce que l’on appelle les zones grises. Les socialistes ont eu l’occasion, tout au long de ce débat, de vous démontrer qu’ils avaient un contre-projet qui n’est évidemment pas du tout le même que le vôtre. D’ailleurs, je voudrais faire le bilan des quelques jours que nous avons passés ensemble. Le débat a été bâclé. Il a notamment été censuré en raison d’une réforme du règlement qui prive l’opposition de la faculté de s’exprimer correctement.

M. Jean-Marc Roubaud. La preuve : il est huit heures du matin !

M. Pascal Terrasse. Il ne s’agit évidemment pas de mettre en cause le président de l’Assemblée nationale qui, je le crois, a mené correctement les débats. La critique doit d’abord porter sur ce règlement, dont on nous disait il y a quelques années qu’il donnerait au Parlement des pouvoirs supplémentaires. On vient de voir concrètement quels sont ces pouvoirs. Mais, je vous le dis ici : la messe n’est pas dite ! Les sénateurs seront, je l’espère, moins aux ordres que les députés.

Vous avez manqué le rendez-vous sur les retraites et les Français, le moment venu, sauront vous le rappeler. Rendez-vous manqué sur des dossiers aussi importants que la pénibilité, la gestion des carrières longues, la situation des polypensionnés. Rendez-vous manqué encore sur la politique d’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’accès au droit à la retraite. Rendez-vous manqué sur la garantie du niveau de pension des retraites, qui a d’ailleurs fait cruellement défaut dans ces débats. Absent des débats aussi, votre échec en matière de politique de l’emploi. Comment, en effet, peut-on imaginer de parler des retraites sans parler d’emploi ? Rendez-vous manqué, enfin, sur les équilibres financiers. La réforme que vous nous avez présentée fait l’impasse sur ce point. Dès 2012, je l’ai dit ici et nous aurons l’occasion de le rappeler, il manquera 6 à 7 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle…

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Enfin on va pouvoir parler ! Il n’est pas trop tôt, c’est le moins qu’on puisse dire ! Je regrette beaucoup le débat que nous avons eu en 2003, pendant un mois, jour et nuit, y compris le week-end, pour discuter précisément de la réforme Fillon sur les retraites. Rappelez-vous ! Là nous avions le temps de discuter. Nous avions des avis tout à fait différents, mais au moins c’était projet contre projet.

Aujourd’hui, c’est une sinistre farce. Heureusement, la loi se fera dans la rue avant de se faire ici. Eh oui, c’est ce qui se passe quand on réduit de la sorte le rôle du Parlement ! Vous pensez avoir bien voté, mais vous n’avez rien résolu, croyez-moi ! D’abord, vous mettez fondamentalement en cause notre système de retraite par répartition. En accord avec l’essentiel des organisations syndicales, comme j’en ai eu confirmation ce matin, nous voulons le maintien des soixante ans comme âge légal de départ à la retraite et des soixante-cinq ans pour une retraite sans décote. Nous refusons absolument de toucher à cet âge-là. Certains disent qu’il ne faut pas en faire un dogme, mais c’est une question de justice essentielle pas uniquement pour ceux qui en bénéficieront, mais pour l’ensemble de notre pays, de notre peuple, car on raisonne toujours, dans cette affaire, comme s’il fallait aujourd’hui faire travailler plus ceux qui n’en peuvent déjà plus alors qu’il faut les faire travailler tous, en particulier les 4,5 millions de gens qui sont au chômage et parmi lesquels il y a beaucoup de jeunes, ce qui crée énormément de problèmes. Donc, soixante ans c’est clair, je veux le répéter ici, mais en même temps, nous sommes pour quarante annuités de cotisation. Dans le débat dont je parlais cette nuit, auquel participait un député UMP, tous les syndicats ont dit que le Gouvernement voulait instaurer la double peine : le passage de soixante à soixante deux ans – travailler plus jusqu’à soixante-sept ans – et l’augmentation des annuités de cotisation. Il faut tenir compte de ce fait majeur que, aujourd’hui, compte tenu de la situation du marché du travail, de la précarité généralisée, il faut que les femmes puissent encore faire des enfants et les élever. Quarante annuités de cotisation, vous pouvez calculer, avec des carrières entrecoupées, cela signifie que beaucoup de personnes ne pourront pas prendre leur retraite à soixante ans.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Maxime Gremetz. Oui, monsieur le président. Nous n’avons pas eu beaucoup de temps de parole, mais je vais conclure.

En raison de la décote qui sera applicable et du niveau des pensions, la retraite sera donc impossible à prendre pour beaucoup de gens.

Le troisième problème est celui de la pénibilité. Sur ce point, je le dis comme je le pense, c’est scandaleux. Vous parlez de pénibilité du travail, et prétendez prendre en considération cette donne essentielle pour les hommes, les femmes et les jeunes, mais vous ne faites rien. Il suffit de lire votre texte : il faut au moins se couper le petit doigt pour prétendre aller devant la commission et voir si l’on ne peut pas avoir un petit quelque chose.

Si vous pensez en avoir terminé aujourd’hui, avec le vote que vous allez sans doute émettre, vous vous trompez complètement. Ce problème est un enjeu de société, un enjeu de civilisation, et notre peuple dans sa diversité se battra et gagnera, il n’acceptera jamais une régression sociale de cette importance.

(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je voudrais dire à nos collègues de l’UMP, du moins ceux qui sont restés, et à travers eux, à ceux qui nous ont quittés, qu’ils s’apprêtent à voter la plus extraordinaire régression sociale du quinquennat. Je me souviens de l’extraordinaire enthousiasme de l’ensemble des Français, au-delà de toute divergence politique, en 1981, lorsque le gouvernement de gauche a instauré la retraite à soixante ans.

M. Jean-Marc Roubaud. C’était il y a trente ans !

M. Yves Durand. Je m’en souviens avec émotion, peut-être pas la même émotion que vous, j’en conviens, parce que cela apparaissait comme une extraordinaire avancée sociale, et comme la reconnaissance d’un droit à ceux qui étaient considérés comme les exclus de la société. Au-delà de la retraite elle-même, c’est cette reconnaissance-là que vous êtes en train de détruire.

Je voudrais dire à mon tour que ce projet de loi a été discuté dans des conditions extraordinairement difficiles, et notamment depuis hier soir à seize heures. J’ai presque de la compassion, monsieur le secrétaire d’État, à vous voir lutter avec courage contre un sommeil qui serait bien mérité. Nous aurions dû, rien que pour cela, organiser autrement le débat, ce qui aurait permis, au-delà de votre sommeil, d’avoir des débats plus sereins et plus approfondis, notamment à la fin d’une séance qui a frisé le ridicule. Rien que pour cela, nous voterons contre ce projet de loi.

Mais nous voterons également contre ce projet, car votre réforme est la preuve de votre échec, de l’échec de votre propre réforme de 2003. Beaucoup l’ont dit au cours du débat : en 2003, il avait été pris l’engagement de financer à 100 % les régimes de retraite, et nous sommes aujourd’hui en train de nous poser exactement les mêmes problèmes. Pour masquer cet échec, vous imposez aux Français une réforme faussement comptable, puisqu’elle n’est pas financée, vous l’avouez vous-même, inefficace, et surtout injuste. Injuste, car elle est l’illustration de votre conception de la société, au-delà des aspects techniques de la réforme, celle qui détruit les protections collectives pour faire place à la seule responsabilité individuelle.

C’est la même chose quand vous parlez des chômeurs, à qui vous faites porter la responsabilité de leur propre chômage ; c’est la même chose quand vous parlez de l’échec scolaire dont vous accusez les élèves en difficulté eux-mêmes. Vous êtes très exactement dans la même logique, et c’est d’ailleurs ce qui vous a conduit à commettre cette extraordinaire escroquerie de la pénibilité que vous évacuez pour laisser place à l’invalidité. On a parfois l’impression en vous entendant, messieurs les ministres et les membres de la majorité, que les maladies professionnelles, la baisse de l’espérance de vie due à la pénibilité sont de la responsabilité des travailleurs eux-mêmes. C’est une conception parfaitement dogmatique, que nous refusons.

C’est pour cacher ce dogmatisme et cette conception fallacieuse de la société que nous refusons – et je m’excuse d’employer le terme s’il choque M. Woerth – les mensonges dans ses discours. Mensonges sur les propositions des socialistes : combien de fois n’avons pas entendu que nous n’avions pas de projet alors que nous avons passé des heures à avancer nos propositions ? Mensonges sur le financement, mensonges sur la nature même de votre réforme, qui n’est ni juste ni efficace, voilà pourquoi nous la refuserons et nous serons aux côtés de ceux qui la combattent.

M. le président. Je constate que M. Durand s’est exprimé dans le sens de son groupe. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, qui s’exprimera dans le même sens, je l’imagine.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Tel une Margaret Thatcher du vingt et unième siècle, le Premier ministre s'évertue depuis des mois à crier sur tous les toits qu'il n'y a pas d'alternative. Cette tentative, très construite, s'est déroulée en deux étapes.

Au premier acte, l'UMP prétend que le parti socialiste n'a pas de projet. Quand il est devenu évident que le parti socialiste avait un projet, puisque c'est celui que les Français préféraient, vous avez changé votre fusil d'épaule.

Malheureusement pour vous, votre deuxième acte, qui définissait notre procédé comme une avalanche de taxes, n'a guère été plus apprécié et n'est pas parvenu à faire retomber l'hostilité à votre projet sur les retraites.

Vos tentatives étaient vouées à l'échec parce qu'elles étaient plombées par le péché originel de votre projet de loi, à savoir : son injustice. Cette injustice a été reconnue par tous : les syndicats, réunis ; les manifestants, à nouveau nombreux ; les Français, unanimes dans les sondages ; et même les députés de la majorité, absents avant-hier soir.

L'injustice a sauté aux yeux de notre pays depuis que les salariés ont compris qu’ils allaient supporter 85 % de l'effort financier à venir. Les mêmes salariés, qui subissent les dix-neuf taxes créées par votre gouvernement depuis 2007, je pense notamment aux franchises médicales, n'ont pas oublié que votre bouclier fétiche et fiscal ne leur était pas destiné. Ils n'ont pas oublié que la promesse de la hausse du pouvoir d'achat n'avait pas été tenue ; ils ont compris que le report de l'âge légal à soixante-deux ans allait rendre encore plus difficile sa réalisation, en rendant obligatoire des fins de carrières précaires et hachées.

En faisant passer des vessies pour des lanternes, et la prise en compte de l'incapacité pour celle de la pénibilité, vous avez insulté l'intelligence de nos concitoyens. Les Français qui souffrent au travail ont intégré que vos ergotages sur les pourcentages d'incapacité ne visaient qu'une chose : rendre la réforme illisible, sans prendre en compte la situation du plus grand nombre. Là où vous auriez pu habiller votre réforme avec un peu d'humanité, vous n'avez opposé que mépris à nos propositions et aux attentes des salariés.

Il en a été de même concernant une autre situation tout aussi injuste : je pense ici à l’impossibilité de toucher une pension de réversion pour les conjoints survivants d'un couple pacsé. Cette promesse présidentielle est allée rejoindre aux oubliettes du sarkozysme la république irréprochable, la hausse du pouvoir d'achat et la lutte contre l'insécurité.

M. Daniel Paul. Sarkozy te sera reconnaissant !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Cette réforme est injuste. Elle est, et c'est aussi grave, promise à l'échec. En siphonnant le Fonds de réserve des retraites et en ne répondant pas aux impératifs de financement du système de retraites par répartition en 2018, la réforme portée par MM. Woerth et Tron représente ce que la politique du gouvernement a de pire : on met à contribution les plus faibles tout en ignorant leurs revendications, pour un résultat que les générations futures devront gérer, nous aurons malheureusement l’occasion d’en reparler. C’est pourquoi je voterai contre ce texte, comme tous mes collègues de l’opposition.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous voilà donc à la fin de ce débat. Je rappelle que nous avions dit être ouverts à la recherche d’un consensus social et politique. Nous pensons qu’une réforme est nécessaire, et que cette réforme consiste à redessiner un pacte social, de solidarité intergénérationnel, et cela ne peut se faire que dans la recherche d’un minimum de consensus.

Je voudrais vous dire pourquoi, à la fois sur la forme et sur le fond, nous sommes malheureusement obligés de confirmer notre opposition déterminée à votre projet de loi au terme de ce débat. À l’injustice sur le fond, vous ajoutez en quelque sorte l’indignité et le déshonneur sur la forme. Si vous étiez sûrs de votre fait, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous n’auriez pas peur du débat, ni de la négociation avec les syndicats. Pour nous, la négociation avec les partenaires sociaux, qu’il s’agisse des syndicats représentant les salariés ou les associations professionnelles représentant les employeurs, cette négociation est plus que jamais à l’ordre du jour depuis la manifestation du 7 septembre dernier, et alors que se profile une nouvelle mobilisation d’une ampleur comparable dans un peu plus d’une semaine.

Si vous étiez si sûr de votre fait sur le fond, vous n’auriez pas peur du débat au Parlement. Or, qu’avons-nous constaté ? Ce que nous craignions est arrivé. En ce qui concerne le groupe de la gauche démocrate et républicaine, nous nous sommes vus privés de toute possibilité d’expression, alors que j’avais personnellement plusieurs amendements à défendre, plus de seize articles avant la fin de l’examen du texte. Je les ai comptés pendant la nuit, et entre les articles « bis », « ter », « quater » ou « quinquies » dans lesquels le président Accoyer lui-même s’emmêlait les pinceaux au moment de les soumettre au vote, au point d’en oublier certains, nous nous sommes vus privés de toute possibilité d’expression plus de seize articles avant la fin du texte.

Je ne reviens pas sur le fait que, sur ce que vous appelez vous-même la réforme-clef du quinquennat, vous avez conduit l’Assemblée nationale à débattre plus de dix heures d’affilée sans la moindre interruption, en pleine nuit, alors que cela ne se justifiait absolument pas. Réduire les députés à user de toutes les procédures pour essayer de faire vivre un débat que vous voulez étouffer est à nos yeux un terrible aveu de faiblesse.

Sur le fond, qui est évidemment en rapport avec la forme, quasiment aucun amendement, pas plus de la majorité que de l’opposition, n’a été adopté. Votre choix du passage en force, du fait accompli, est indissociable d’un choix politique qui a consisté à imposer une mesure brutale, uniforme, donc injuste et qui est inadaptée à la réalité sociale de notre pays, à ce que vivent réellement les salariés dans les entreprises.

Notre opposition vient de ce que vous avez tout misé sur le relèvement de l’âge légal de départ en retraite de soixante à soixante-deux ans. Vous avez refusé obstinément de jouer sur d’autres leviers, alors que vous savez très bien qu’une réforme du régime de retraite doit être – c’est ainsi que nous la concevons – systémique, progressive, négociée, donc jouer sur plusieurs leviers.

Je le répète à l’issue de ce débat, nous sommes favorables à ce que l’on discute avec les partenaires sociaux des différents paramètres : la durée des cotisations, leur niveau – nous écartons pour notre part une augmentation générale et massive des cotisations sur les salaires que nous considérons comme insupportable pour les salariés – mais aussi, ce qui est fondamental à nos yeux, que l’on recherche des recettes nouvelles.

Comme vous avez refusé à la fois la négociation avec les partenaires sociaux et la recherche de solutions diversifiées, nous vous disons une fois encore notre opposition déterminée à ce projet de loi. Nous voterons contre lorsqu’il sera soumis au vote.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le ministre, il y a bien des années, je regardais, vous regardiez peut-être, une série télévisée, devenue culte depuis, qui s’appelait Mission impossible. Au début de chaque épisode, un agent écoutait sur un magnétophone un message concernant la mission à effectuer ; ce message s’autodétruisait ensuite.

Le titre de cette série et le sort du message sont en quelque sorte le reflet de ce qui vient de se passer ces derniers jours à propos de votre texte de loi et peut être du sort qui vous attend, monsieur Woerth, après les débats parlementaires.

Pour les députés du groupe socialiste, ce fut mission impossible que de vous faire entendre raison sur une réforme injuste qui tient plus d’un rafistolage à court terme que d’une pérennisation à long terme de notre système. Monsieur le ministre, vous le savez, votre réforme ou plutôt, devrais-je dire, la réforme du Président de la République, ne règle en rien le problème de l’équilibre financier au-delà de 2018.

Mission impossible aussi pour nous de vous faire comprendre que les mesures d’âge que vous avez fait voter pénalisent les millions de personnes ayant commencé à travailler jeune.

Mission impossible encore lorsque nous avons tenté de vous faire sortir de votre refus obstiné de prendre en compte la pénibilité au travail. En fait, vous avez une seule obsession : ne pas demander au MEDEF de participer au financement de mesures concernant la pénibilité.

M. Jean-Marc Roubaud. Mais non !

Mme Laurence Dumont. C’est pourquoi vous vous réfugiez dans une définition de la pénibilité invalidité qui, pour des milliers de salariés usés, fatigués, sera synonyme de travail au-delà de soixante ans.

Quelles sont donc les raisons d’une telle rigidité, d’une telle inflexibilité ?

Vous jugez votre réforme courageuse. Au vu de la mobilisation dans la rue, vous êtes bien les seuls.

M. Jean-Marc Roubaud. La démocratie est ici, pas dans la rue !

Mme Laurence Dumont. Le courage n’est pas de s’attaquer aux plus fragiles et aux seuls salariés qui devront assumer pratiquement l’intégralité du financement de votre réforme. Le véritable courage politique est de chercher d’autres financements. Les revenus du capital et du patrimoine doivent être également taxés pour contribuer à préserver notre système de retraites. Chacune de ces sociétés, de ces entreprises et même de ces personnes sont connues. Monsieur le ministre Woerth, vous les connaissez mieux que quiconque !

Le débat à l’Assemblé nationale va s’achever. Comme dans cette célèbre série, votre mission est remplie. Comme un bon soldat de l’Élysée, vous avez joue le rôle qui vous était confié. Je crains un peu pour vous que, comme la bande du magnétophone de Mission impossible, votre carrière de ministre ne s’autodétruise à la fin de nos débats. C’eest un autre sujet.

Mme Marie-Christine Dalloz. À votre place, je ne serais pas fière !

Mme Laurence Dumont. Cela pourrait nous pousser à sourire, si le sujet de nos débats, les retraites, n’était éminemment sérieux.

L’application de cette réforme injuste met à bas un pan entier de notre modèle social. Notre mission à nous, et nous l’acceptons bien volontiers, sera, dés 2012, de remettre à plat la réforme des retraites pour qu’elle soit juste, efficace et viable sur le long terme. C’est notre devoir pour les générations à venir et c’est l’engagement que nous prenons devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel. S’exprimera-t-elle dans le sens de son groupe ?

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voterai contre ce projet de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. Cela ne nous avait pas échappé !

Mme Marie-Lou Marcel. Il y a à cela de nombreuses raisons.

D’abord je ne voterai pas ce projet de loi parce que je suis en faveur d’une réforme des retraites juste et durable.

Aujourd’hui, sept ans après la loi Fillon qui garantissait le financement des retraites jusqu’en 2020, nous examinons un projet de loi qui a pour horizon 2018 ! L’axe principal de cette réforme des retraites est le report de l’âge légal de départ de soixante à soixante-deux ans. En conséquence l’âge de départ à la retraite à taux plein passera de soixante-cinq à soixante-sept ans.

On voit bien que la seule variable que vous avez choisie pour garantir la survie de notre système de retraite par répartition, c’est l’âge. En procédant à un tel choix, vous vous donnez la possibilité de reporter sans cesse cet âge de départ à la retraite.

Imaginons qu’en 2013, les comptes publics soient dans le rouge et que l’on s’aperçoive alors que le dispositif prévu par ce texte ne permet plus de financer les retraites ; quelle serait alors la solution choisie par un gouvernement de droite ? Repousser encore l’âge légal de départ à la retraite ? C’est une fuite en avant que vous permettez avec ce dispositif, fuite en avant qui finira par supprimer totalement le temps de la retraite. C’est la raison pour laquelle les socialistes veulent maintenir une borne : l’âge légal de départ à la retraite à soixante ans. C’est la raison pour laquelle nous voulons procéder à une réforme des retraites, mais à une réforme qui soit juste…

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme Marie-Lou Marcel. …une réforme qui ne fasse pas reposer l’effort sur les plus humbles et qui garantisse une pérennité du financement.

De nombreux élus de la majorité pensent que supprimer la niche fiscale, dite niche Copé, faciliterait les délocalisations. C’est un argument comparable à celui employé par le Gouvernement pour justifier le bouclier fiscal : il favoriserait le retour des évadés fiscaux. Or est-ce que la mise en place du bouclier fiscal les a fait revenir ? Non. Les entreprises françaises qui souhaitent se soustraire à la fiscalité le feront, même si nous supprimons la niche Copé.

Rappelons que si les comptes publics sont si déficitaires, c’est en premier lieu du fait de l’échec de votre politique. Vous prenez prétexte de la crise pour agir, mais il n’a pas fallu attendre cette crise pour qu’en trois ans, de 2005 à 2008, la branche vieillesse passe de 2 milliards à 6 milliards de déficit !

Vous prétextez l’allongement de l’espérance de vie, mais nous avons rappelé de nombreuses fois que l’espérance de vie d’un homme cadre était supérieure de sept ans à celle d’un homme ouvrier. Selon Serge Volkoff, directeur du centre de recherches et d’études sur l’âge et les populations au travail, à trente-cinq ans un ouvrier peut statistiquement espérer connaître encore vingt-quatre ans de bonne santé, soit dix de moins qu’un cadre !

Cela nous amène à la question de la pénibilité.

Votre projet de loi met l’accent sur le taux d’invalidité d’un salarié avec un suivi personnalisé. En réalité, et tous les débats d’aujourd’hui l’ont rappelé, en procédant ainsi vous semblez ignorer ce qu’est la vraie pénibilité de certains métiers.

Lina, ouvrière de quarante-huit ans qui travaille à la chaîne depuis quinze ans dans une usine de produits chocolatés le dit dans une interview. « Je suis fatiguée par le rythme de travail en trois huit, par le bruit, les pépins physiques liés aux gestes répétitifs... Mon travail debout est pénible et monotone... En soi, mes tâches ne sont pas lourdes, le problème c’est la répétition... J’ai des fourmillements dans les mains. Lorsque je ne peux plus les bouger, je les secoue pour réactiver la circulation sanguine » déclare cette ouvrière qui accumule les douleurs dorsales et les tendinites dans les avant-bras.

Lina sera de surcroît, victime de votre texte à un autre titre, parce que sa carrière est incomplète comme celle de nombreuses femmes.

Voilà des raisons précises, des raisons tangibles pour nous opposer à votre énième texte de régression sociale, élaboré dans la précipitation, sans concertation. C’est pourquoi je voterai contre ce projet injuste et inéquitable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au terme de ce débat, je souhaite donner mon avis personnel sur ce projet de loi, conformément à l’alinéa 13 de l’article 49 de notre règlement.

Il y a beaucoup à dire sur un texte aussi important. Il faut déplorer le « temps législatif couperet » qui ne permet pas aux députés de s’exprimer dans des conditions démocratiques.

Puisque cette réforme des retraites ne faisait partie ni du programme législatif de l’UMP ni du programme présidentiel, il aurait fallu qu’elle soit consensuelle, acceptée sur tous les bancs et même en dehors. Tel n’a pas été le cas. Le Gouvernement n’a pas négocié avec les syndicats. Le débat dans cet hémicycle a été complètement fermé. Les Français jugeront d’autant qu’ils n’ont eu droit qu’à des spots de propagande gouvernementale à la télévision !

Au prétexte de la crise, le but est de porter un véritable coup de poignard aux travailleurs, tout en épargnant la rente et le capital, ce qui a été largement démontré au cours du débat.

Des ouvriers de l’usine Umicore d’Auby, dans ma circonscription, m’ont envoyé un message d’alerte ce matin. Ils ont très peur. Si le projet de loi est adopté, les longues carrières seront lourdement pénalisées par l’allongement de l’âge de départ à la retraite. Pourquoi s’attaquer aux droits sociaux des travailleurs pour régler un problème de financement conjoncturel, dû à la crise ?

En 2009, 680 000 emplois ont été supprimés. Cela représente une perte de cotisations retraite de 10 milliards. Qu’attend-on pour interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits ?

Par ailleurs, augmenter d’un seul point les salaires représenterait un apport de 3 milliards de cotisations.

Alors, on le voit bien, casser les droits sociaux relève du cynisme absolu, de l’opportunisme.

Pire, le Gouvernement a profité de l’examen de ce texte pour faire passer un amendement qui remet en cause les missions de la médecine du travail. Le projet de loi contient en effet la partie législative de la réforme de la médecine du travail préparée en catimini par le ministère. L’argumentaire pour justifier l’entrée de dispositions sans rapport avec le sujet est tout simplement faux, comme l’indique le groupement national « Sauvons 1a médecine du travail ».

Le Gouvernement avance que « la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à la pénibilité fait jouer un rôle important aux services de santé au travail ». C’est tout simplement un nouveau mensonge. Faut-il rappeler que ce sont les médecins conseil de la sécurité sociale qui attribuent les invalidités professionnelles, et non les médecins du travail ?

Il faudrait aussi que les missions de ces services de santé au travail soient clairement définies par la loi. En réalité, ce sont les dispositions préconisées par le MEDEF qu’on nous ressert ici, dispositions que les organisations syndicales ont repoussées à l’unanimité il y a un an.

Si le chamboulement du code du travail se confirmait, ce ne serait plus les médecins du travail qui seraient chargés de la prévention médicale des risques professionnels, mais bien les employeurs, responsables de l’organisation du travail et des risques qu’ils font encourir aux travailleurs. Il faut refuser catégoriquement cette manœuvre qui consiste à abroger la médecine du travail actuelle et à confier la santé des salariés à leurs propres employeurs.

Cela est complètement irresponsable. Est-ce par un amendement bâclé, présenté au dernier moment, que peut se régler le sort d’un des acquis de la Libération, voté à l’unanimité sur proposition du Conseil national de la Résistance, à savoir la médecine du travail ?

Je le dis avec gravité : couplé à l’allongement de la durée de cotisation et au report de l’âge de la retraite, ce projet fait courir aux salariés des risques énormes pour leur santé.

L’argent existe dans notre société pour financer le départ en retraite à taux plein, sans décote, à soixante ans et à cinquante-cinq ans pour les métiers pénibles, pour revenir sur la réforme Balladur et abroger la réforme Fillon.

Les revenus financiers ont été multipliés par plus de sept depuis 1980. Depuis trente ans, si l’espérance de vie à partir de soixante ans est passée de vingt à plus de vingt quatre ans, le montant des dividendes, lui, est passé de 3,2 % à 8,4 % du PIB ! En 2009, les entreprises du CAC 40 ont enregistré des bénéfices en baisse, mais elles vont tout de même versé à leurs actionnaires des dividendes en hausse, pour un montant total de 36 milliards d'euros. Entre 1997 et 2007, la part des bénéfices distribués aux actionnaires dans les entreprises est passée de 34,2 à 44,5 %.

Une question se pose alors : qui subit vraiment la crise ?

Une nouvelle mobilisation du monde du travail est prévue le 23 septembre prochain. Les Français vont descendre massivement dans la rue pour exiger le retrait de ce projet de loi inique. On va tout droit vers un emballement social, avec une grève générale reconductible afin d’obtenir le retrait du texte. Les Français auront le dernier mot ; souvenons-nous du CPE !

Je suis confiant, et, à titre personnel, sans présager de la position de mes collègues communistes, républicains et du Parti de gauche, je voterai contre ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Au terme d’une discussion qui se conclut plutôt mal et pendant laquelle on a entendu des écarts de langage allant au-delà de l’acceptable…

M. Éric Woerth, ministre du travail. De la part de l’opposition !

Mme Catherine Coutelle. …nous finissons l’examen de ce projet de loi avec plus d’interrogations que de certitudes, avec plus d’inquiétudes que d’assurances, et avec une réforme qui aggrave les injustices et les inégalités au lieu de les corriger. Ce projet de loi ne répond pas aux questions des Français inquiets pour l’emploi et pour l’avenir de leurs enfants.

Comme le disait avec gravité Marisol Touraine en présentant la motion de renvoi en commission : « C’est l’avenir de notre pacte social qui est en cause, c’est la relation entre les générations qui est en jeu, c’est la place dans la société et non la charge des futurs retraités qui est en jeu. »

Mme Marie-Louise Fort. Ça, on le sait !

Mme Catherine Coutelle. Vous annonciez une réforme juste et équitable et, à Versailles, le Président de la République précisait : « C’est une question de morale à l’endroit des générations qui vont nous suivre. » Or qu’allons nous leur laisser finalement : un financement insuffisant puisqu’il n’est prévu – et encore qu’incomplètement – que jusqu’en 2018, soit seulement dans huit ans, et une situation beaucoup plus injuste.

Les comparaisons avec les autres pays européens vous ont souvent servi d’argument. Un comparatif paru hier dans un quotidien du soir soulignait pourtant que la réforme française était la plus dure et la plus injuste car elle se fondait sur deux facteurs temps : la croissance de la durée du travail et le recul de l’âge. Ceux qu’elle atteint le plus fortement sont les salariés à bas salaire ou aux carrières sans progression. Je pense aussi aux femmes qui restent au SMIC toute leur vie, ou à celles qui travaillent à temps partiel.

Je suis intervenue à plusieurs reprises – pas assez à mon goût – au cours des débats sur la quadruple peine infligée aux femmes qui accumulent tous ces critères. Cette réforme est particulièrement injuste pour tous ceux qui ont commencé à travailler tôt : les deux ans de rallonge ne leur apporteront rien pendant leur retraite et ils travailleront plus pour ne pas gagner plus. Je crois que les Français qui avaient cru au slogan de campagne du Président de la République sont particulièrement déçus par ce qui les attend après le travail.

Cette réforme est également injuste pour ceux qui ont des métiers pénibles. Nous nous sommes très longuement attardés sur le sujet, mais vous restez insensibles et sourds à toute évolution alors que vous aviez annoncé que vous étiez ouverts sur ce sujet. Au bout du compte, seulement 10 000 personnes seront concernées par vos mesures ; l’incompréhension est totale.

Après la manifestation du 7 septembre, vous aviez donné le sentiment de vouloir écouter et modifier votre réforme, mais vous n’avez rien donné sinon des miettes. Plutôt que d’améliorer la prévention, vous en avez même profité pour démanteler la médecine du travail en défendant un amendement introduit subrepticement. Comme le précise un communiqué des acteurs du secteur, vous avez « confié les clés du poulailler au renard ».

Votre réforme est injuste pour les jeunes qui entrent tardivement dans le monde du travail dans des conditions précaires, et qui devront travailler longtemps. Le fonds de réserve des retraites est destiné à les accompagner après 2020.

Votre réforme est aussi très injuste pour les femmes qui constituent 52 % de la population et 48 % des actifs. À force d’être questionnés, vous avez fini par vous intéresser au sujet à la faveur d’un rapport de la délégation de l’Assemblée aux droits des femmes, que nos collègues n’ont malheureusement pas eu la possibilité de défendre, ce que je regrette. Médiatisée par les associations féminines, cette injustice, qui était totalement occultée, a fini par revenir sur le devant de la scène.

Votre réforme donne le sentiment que la société n’évolue pas. Votre modèle est un salarié masculin dont la carrière est continue et progressive et se déroule sans facteur aggravant pour la santé. Aujourd’hui, notre société n’est plus comme cela : les rythmes de travail ont profondément changé, les carrières ne sont plus linéaires, les femmes ne sont plus protégées par des droits acquis, elles sont souvent chefs de famille en situation précaire. Les inégalités se sont recréées ; les retraites en sont le miroir grossissant.

M. le président. Madame Coutelle, il faut conclure !

Mme Catherine Coutelle. Interrogée sur les femmes, nouvelles prolétaires, Simone Veil, au lendemain de son élection à l’Académie française parlait ainsi de la régression de la place des femmes dans la société : « Je crois que c’est surtout du mépris. »

Monsieur le ministre, votre réforme, c’est surtout du mépris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville pour exprimer une opinion personnelle, que j’imagine distincte de celle de son groupe.

M. Jean Mallot. Son opinion peut parfaitement être cohérente avec celle du groupe !

M. Philippe Briand. Le problème c’est que son opinion est la même que celle du groupe !

Mme Martine Pinville. Nous venons de passer soixante-dix heures pour débattre d’un projet de loi de réforme des retraites qui concerne l’ensemble de nos concitoyens. Nos discussions se sont déroulées dans des conditions difficiles ; le débat parlementaire n’y a rien gagné.

Vous nous avez proposé une réforme particulièrement injuste. En reculant l’âge de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans, vous avez fait le choix de financer la réforme par des mesures d’âge sans régler la dégradation financière des régimes de retraite.

La réforme est injuste parce la modification de cette borne d’âge pénalise ceux qui ont commencé à travailler jeunes et qu’elle entrave la liberté individuelle de choisir la retraite à soixante ans.

La réforme est injuste parce que le report de soixante-cinq à soixante-sept ans de l’âge de la retraite à taux plein pénalise ceux qui auront des carrières fractionnées, particulièrement les femmes.

Par ailleurs, vous prétendez traiter le problème de la pénibilité alors que vous parlez de l’incapacité qui est un sujet complètement différent. Dans votre réforme, il n’y a rien sur les petites retraites, sur les polypensionnés ou sur l’emploi des seniors.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que vous ne nous proposez pas un bon projet de loi ; nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Je veux tout d’abord déplorer les conditions de notre débat, en particulier depuis la séance de l’après-midi d’hier. Elles démontrent bien le caractère antidémocratique de notre règlement et de ce temps programmé imposé à l’Assemblée nationale – mais pas au Sénat – qui ne permet pas aux parlementaires de défendre l’ensemble des amendements déposés.

M. Richard Mallié. C’est plutôt le manque de responsabilité de l’opposition qui est en cause !

M. Marc Dolez. Ces conditions ont permis, cette nuit, au détour d’un amendement présenté par le Gouvernement, le passage en force de mesures prises contre la médecine du travail, destinées à la mettre aux ordres du monde économique avec toutes les conséquences sanitaires qui en découleront pour 15 millions de salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Tout cela est un peu répétitif !

M. Philippe Briand. C’est toujours la même chose !

M. Marc Dolez. Selon vous, monsieur le ministre, ce projet de loi est la réforme clé du quinquennat, la réforme indispensable, et aucune autre solution n’est possible.

En fait, et c’est la raison de mon opposition absolue à ce projet de loi, il s’agit d’une régression sociale considérable qui revient sur une conquête sociale chèrement payée, acquise en 1982 après un siècle de lutte du mouvement ouvrier. Il s’agit d’un recul historique, lourd de conséquences, et d’une réforme injuste pour les salariés qui ont commencé à travailler très tôt, pour les femmes dont les carrières sont incomplètes ou pour les jeunes.

M. Christian Jacob. Vos collègues ont déjà dit tout cela !

M. Marc Dolez. Je m’exprime solennellement depuis cette tribune contre cette réforme qui se traduit par le recul de l’âge légal de la retraite et l’allongement des durées de cotisation. Je le fais en étant fidèle au mandat que m’ont confié les électeurs devant lesquels je me suis engagé, en 2007, à m’opposer à toute régression sociale mise en œuvre par ce gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette réforme est évidemment une régression sociale sans précédent qui s’inscrit dans une offensive plus vaste contre notre pacte social et républicain. Je vous renvoie sur ce sujet aux déclarations de M. Denis Kessler, vice-président du MEDEF, qui expliquait, en 2007, que la démolition de l’œuvre du Conseil national de la Résistance et des lois qui en sont inspiré constituait une priorité.

Il y a quinze jours, lors de l’université d’été du MEDEF qui s’est tenue en présence d’une dizaine de membres de ce gouvernement, Mme Parisot vous a donné ce qui est en quelque sorte votre feuille de route. Selon elle, après « l’indispensable » réforme de retraites en cours, il faudra s’attaquer à l’assurance maladie. C’est effectivement ce qui nous attend si, par malheur, cette réforme devait être adoptée.

Peut-être ce texte sera-t-il voté dans cette assemblée par une majorité au terme de notre débat ; ce qui est certain, c’est que le débat n’est pas terminé dans le pays et que le combat va continuer pour obtenir le retrait de cette contre-réforme, de ce projet de loi scélérat traduisant une régression sociale. La lutte continue parce, même si le Gouvernement n’en a pas conscience, l’exaspération, le ras-le-bol et la colère sociale sont très profondément ancrés dans ce pays.

M. Philippe Briand. Franchement, quelle est la différence avec la position de votre groupe ?

M. Christian Jacob. Vous dites tous la même chose !

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon qui, je l’imagine, va exprimer une opinion divergente de celle de son groupe.

Mme Pascale Crozon. Je souhaite évoquer un débat qui n’a pas eu lieu : celui sur l’égalité professionnelle.

Je devrais sans doute me réjouir que, après les grandes déclarations du Président de la République promettant l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes avant la fin de l’année 2009, le sujet soit évoqué pour la première fois devant la représentation nationale. Cependant, je ne peux me satisfaire de votre façon d’évacuer la question en affirmant qu’il n’y a pas de problème de retraite des femmes, mais qu’elles ont seulement un problème de carrière.

Voilà près de quarante ans que l’on déplore les inégalités professionnelles, comme on déplore que les six lois adoptées en la matière ne soient pas appliquées ou que leur application ne produise que peu d’effets. La dernière de ces lois, votée en 2006, vous engage à adopter un cadre contraignant de sanctions si l’égalité entre hommes et femmes n’est pas satisfaisante au 31 décembre prochain. Et j’ose espérer que cet article 31 ne constitue pas votre réponse à cet engagement.

Vous demandez en effet à la représentation nationale de signer un chèque en blanc, dont elle ne connaît ni le montant, puisque seul un plafond de 1 % est fixé, ni même le destinataire, puisqu’il sera possible de s’exonérer de la pénalité en manifestant des « efforts » dont vous renvoyez la définition à un décret. Mais cet article 31 apparaît surtout en retrait par rapport aux lois antérieures, puisque l’obligation de négociation mise en place par la loi Génisson de 2001 pourra être contournée par la publication de simples indicateurs, eux aussi définis par décret.

C’est là un rude coup que vous portez au dialogue social en incitant les entreprises qui – pour les plus citoyennes d’entre elles – ont entrepris la négociation d’accords pour l’égalité ou envisageaient de le faire, à attendre la publication de ces normes minimales plutôt que de s’engager dans la voie plus exigeante de la négociation avec les représentants syndicaux.

Nous avions donc déposé une série d’amendements pour vous inviter, si telle est bien votre volonté réelle, à poursuivre le combat pour l’égalité : en replaçant la conclusion d’un accord au cœur des priorités, en renforçant le pouvoir de contrôle des comités d’entreprise en la matière, en définissant des sanctions claires et égales pour tous. Nous n’avons malheureusement pas pu discuter de ces amendements. Je le regrette.

Mais nous souhaitons avant tout que le Gouvernement prenne l’engagement de ne pas en rester à ce simple article. L’égalité professionnelle est un sujet à part entière, qui mérite d’être débattu pour lui-même et de faire l’objet d’une réelle étude d’impact afin de tirer les enseignements des manquements des lois précédentes. Ce sujet mérite aussi que l’État montre sa détermination à faire appliquer la loi de la République. Il mérite, surtout, que l’on s’attaque aux vrais enjeux que sont, par exemple, la lutte contre les trappes à précarité où s’enlisent les carrières des femmes, ou encore la dissymétrie des rôles qui veut que ce soient presque toujours les mères qui s’arrêtent de travailler pour s’occuper des enfants et qu’elles soient seules à en assumer les conséquences financières.

Vous n’avez pas souhaité regarder ces problèmes en face lors du débat sur les retraites, alors qu’ils ont des conséquences majeures sur le niveau de pensions des femmes. Nous espérons donc, au minimum, que nous nous donnerons rendez-vous avant la fin de l’année pour avancer sur ces questions.

Très récemment, une interview de Mme Veil par Christine Clerc m’a fait penser que les femmes étaient vraiment les oubliées de votre réforme des retraites, et que leur avenir était bien sombre dans ce pays. Simone Veil a jugé que la situation des femmes était en train de régresser. Elle a une vision pessimiste de l’avenir. À la question : « Les femmes feraient-elles peur aux hommes ? », elle a répondu : « Non, je crois que c’est du mépris ». Je pense, monsieur le ministre, que dans cette réforme, vous avez traité les femmes avec mépris. C’est pourquoi je ne la voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Monsieur le ministre, au terme de ce marathon que vous avez voulu conduire à marche forcée, je retiens, personnellement, trois raisons qui me conduisent à voter contre votre projet de loi.

Premièrement, il me semble que vous n’avez pas une vision globale du problème des retraites. Lorsque l’on voit la place minime, voire ridicule, que vous réservez à l’emploi des seniors dans votre projet de loi, il apparaît qu’à l’évidence, vous ne mesurez pas toutes les conséquences de cette réforme. Avant d’imposer une réforme d’une telle ampleur, qui va avoir des effets sur la vie de millions de Français, avant de les contraindre à travailler jusqu’à soixante-sept ans, vous auriez dû vous assurer qu’il y avait suffisamment de travail. Les seniors, vous le savez, peinent à retrouver un emploi. Un tiers de ceux qui sont au chômage le sont depuis deux ans. Avec ce texte, vous faites en sorte qu’ils le restent jusqu’à soixante-sept ans !

Ce n’est pas votre article 32 – c’est-à-dire dix petites lignes du projet de loi – qui réduira la crise du chômage. Je pense que vous avez pris le problème à l’envers.

Deuxièmement, cette réforme est profondément injuste. « L’espérance de vie a augmenté de 15 ans depuis 1950 ». Telle est la phrase que vous nous avez continuellement rabâchée. On dirait presque que vous regrettez le temps où très peu de Français prenaient leur retraite, parce qu’ils mouraient avant l’âge du départ légal. Aujourd’hui, s’ils vivent plus longtemps, c’est, entre autres raisons, parce qu’ils peuvent prendre leur retraite à soixante ans.

Votre réforme, comme tous les propos qui l’accompagnent, est profondément nostalgique. Alors qu’il faudrait se féliciter de cette longévité, vous me donnez l’impression de vouloir lutter contre ce qui est à vos yeux une fatalité.

Personnellement, je me réjouis de ce constat. Par contre, je m’inquiète de ce projet de loi qui va inévitablement réduire l’espérance de vie des Français. Ceux-ci ne sont pas dupes : ils savent que ce n’est pas parce que l’on vit plus longtemps que l’on est en capacité de travailler plus longtemps. Ils savent qu’il y a d’autres solutions, plus justes, plus équitables, pour redresser la barre.

Le parti socialiste vous a fait des propositions, mais vous avez refusé de les entendre. Une réforme juste consiste à mettre à contribution tous les revenus, y compris ceux du capital, à augmenter les prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, à relever le forfait appliqué à 1’intéressement et à la participation, et surtout, en amont, à mettre en place une véritable politique de l’emploi permettant aux seniors de retrouver la place qui leur est due dans le monde du travail. Voilà, concrètement, quelques-unes de nos propositions visant à assurer l’équilibre du système.

La troisième raison qui me conduit à voter contre votre texte, c’est que vous confondez volontairement la pénibilité avec l’incapacité et l’invalidité, des termes qui n’ont absolument rien à voir.

En tentant de régler au cas par cas la pénibilité, vous voulez appliquer la bonne vieille méthode du « diviser pour mieux régner ». On constate aujourd’hui que le management d’entreprise a pour seul but d’imposer la culture du résultat, d’où le stress, les cadences infernales, les objectifs imposés, qui font que les gens craquent. Et l’on voit où cela peut mener. Quelle est aujourd’hui, d’après vous, l’espérance de vie d’un agent de France Télécom ?

Aussi, je crois qu’il faut que la loi détaille tous les facteurs de risque, car je suis persuadé que beaucoup de situations ne seront pas prises en compte dans le décret auquel vous renvoyez.

Qu’en est-il, aussi, pour ces nombreux Français de cinquante ans qui se lèvent à deux heures tous les matins pour faire des ménages dans de grosses entreprises, qui embraient, ensuite, à la caisse de la station-service d’une grande surface, le tout pour à peine 1 200 euros par mois ? Ont-ils un rythme et des conditions de travail pénibles ? La succession de tous leurs emplois sera-t-elle prise en compte ? Je suis curieux de savoir quels critères vous retiendrez pour base. À n’en pas douter, vous allez cloisonner les choses et recourir à une multitude de garde-fous afin de durcir les conditions d’exposition requises pour qu’un salarié puisse voir inscrire la notion de pénibilité dans son dossier de médecine du travail.

On se souvient du mot d’Albert Camus: « Il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir ». Avec votre projet de loi, vous enlevez à nos concitoyens l’espoir de profiter plus tôt, et pleinement, de leur retraite. Soyez sûr qu’ils sauront vous le rappeler !

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Mon intervention dans le cadre de cette explication de vote est la conséquence directe de la procédure du temps programmé, qui ne m’a pas permis de soutenir trois amendements importants. Ils concernaient l’outre-mer, qui, une fois de plus, se trouve relégué en fin de texte et, dans le cas présent, hors débat. Trois points, donc.

Le premier concerne les retraités agricoles des départements d’outre-mer. Pour des raisons historiques, mais aussi techniques, le montant de leurs pensions est encore plus faible que la moyenne nationale, elle-même déjà bien faible.

À La Réunion, en 2010, les trois quarts des 15 000 agriculteurs à la retraite perçoivent une pension qui ne dépasse pas 365 euros par mois.

La faiblesse de leur pension oblige ces agriculteurs à continuer à travailler bien au-delà de soixante-cinq ans, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’installation des jeunes. Le montant de ces pensions est particulièrement faible en raison de modalités de calcul extrêmement défavorables. En effet, elles sont calculées en fonction de la surface de l’exploitation et du type de culture. Or, à La Réunion, la taille moyenne des exploitations est nettement inférieure à ce qu’elle est en France continentale : 5 hectares, contre 80 hectares. Elles sont également calculées sur l’ensemble de la carrière, et non sur les vingt-cinq dernières années, comme c’est le cas dans le régime général.

Par ailleurs, bon nombre d’agriculteurs ont cotisé durant peu d’années alors qu’ils ont commencé à travailler très jeunes.

La situation des salariés agricoles retraités n’est guère enviable. Dans nos départements, il n’y a pas de régime spécifique pour les retraités agricoles. La Mutualité sociale agricole n’y est pas présente.

Sur la base de la loi du 4 mars 2002, et à la suite des décrets d’application successifs, les exploitants agricoles ont pu bénéficier d’un régime de retraite complémentaire à titre obligatoire. Par contre, à l’exception de la Guyane, cela n’a pas été le cas pour les salariés agricoles, puisque les décrets qui, en 1975, ont généralisé la retraite complémentaire pour les salariés agricoles relevant de la MSA, n’ont pas été appliqués dans les départements d’outre-mer.

Toutes ces raisons plaident pour un réexamen de la situation des exploitants et des salariés agricoles des départements d’outre-mer.

La retraite des marins pêcheurs faisait l’objet d’un deuxième amendement. Ils sont absents de ce projet de loi, alors que leur situation est loin d’être satisfaisante, particulièrement dans les départements d’outre-mer, où un grand nombre des marins retraités ne perçoivent que 200 euros par mois et vivent donc dans une très grande précarité.

Du fait d’une organisation relativement récente, ils n’ont pas cotisé durant la plus grande partie de leur vie professionnelle, ou alors ils l’ont fait, selon une faculté ouverte uniquement outre-mer, au « demi-rôle ». Ils se retrouvent aujourd’hui avec des pensions extrêmement faibles et sont de plus en plus démunis. Leur situation doit être améliorée.

À ceux qui, comme il leur a été proposé de le faire, ont cotisé au demi-rôle, il faut au moins donner la possibilité d’avoir droit à une retraite pleine, ou encore, en considérant leurs conditions de travail extrêmement pénibles, prévoir la bonification de trimestres complémentaires.

Mon troisième point est relatif à un dispositif spécifique aux départements d’outre-mer. Il s’agit du congé solidarité qui avait été instauré par l’article 15 de la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, et auquel le Gouvernement a mis fin en décembre 2007. Son objectif était de favoriser l’embauche en contrat à durée indéterminée des jeunes de moins de trente ans par le départ en préretraite des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans. Il a concerné entre 3 000 et 4 000 salariés, dont les deux tiers à la Réunion, et environ un millier d’entreprises.

Cette mesure, qui a permis l’embauche de milliers de jeunes, bénéficie d’un consensus rare. En 2006, sa prorogation pour une durée d’un an a été soutenue par tous les élus des départements concernés, y compris ceux de l’UMP.

Aujourd’hui, à La Réunion, la réactivation du dispositif de congé solidarité fait l’unanimité et est souhaitée par l’ensemble des organisations syndicales et patronales. Les uns et les autres reconnaissent son apport non négligeable dans la lutte contre le chômage massif des jeunes ultramarins, un chômage qui, avec la crise, vient encore d’augmenter.

Je regrette infiniment que ces questions qui concernent les plus fragiles et les plus jeunes n’aient pas pu être abordées comme elles auraient mérité de l’être, simplement pour des raisons de procédure. L’honneur de la politique est d’être au service des citoyens, et non pas de s’en détourner. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(M. Bernard Accoyer remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.

M. Simon Renucci. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme des retraites menée par le Gouvernement n’est pas une réforme juste, chacun le sait. S’il est fondamental de souligner l’injustice sociale de ce projet, on oublie parfois d’évoquer l’avenir de nos enfants, au cœur d’un système financièrement à bout de souffle.

Cette réforme est aussi injuste du point de vue de l’équité intergénérationnelle. Les jeunes générations sont spoliées des 34 milliards d’euros capitalisés au sein du fonds de réserve des retraites : alors qu’ils leur étaient destinés, le Gouvernement a décidé de les verser aux retraités actuels.

Cette iniquité entre générations n’est pas spécifique aux retraites. À la vérité, toutes les grandes politiques sacrifient les jeunes générations. L’emploi des jeunes s’est massivement dégradé, au cours de ces vingt dernières années, par rapport au reste de la population active. Les jeunes générations ont servi de variable d’ajustement à la crise que traverse notre pays.

Face à un monde en pleine mutation, il faut soutenir et aider les jeunes générations à préparer sereinement leur avenir. Il y va de notre survie. Cet avenir, vous l’avez obéré en pillant le fonds de réserve des retraites, d’autant que l’équilibre de notre système par répartition fonde – tout le monde est d’accord sur ce point – notre modèle social de solidarité. Votre projet met à mal de nombreux acquis et ne propose aucune solution à long terme.

Le recul de l’âge légal de la retraite à soixante-deux ans et à soixante-sept ans pour le départ à taux plein, mesure phare de votre projet est inéquitable et injuste. Elle pénalisera principalement les ouvriers et les employés qui ont été contraints de travailler jeunes. Ils devront travailler plus, alors qu’ils ont exercé les métiers les plus pénibles et qu’ils ont une moins grande espérance de vie.

En réalité, le report de l’âge légal de la retraite n’est pas une solution. L’emploi doit être au cœur des politiques. Chacun sait que les périodes de chômage conduiront mécaniquement à une baisse du montant des pensions. Tous les salariés qui connaissent des ruptures de carrière, particulièrement les femmes, seront les grands perdants d’une telle réforme.

Que dire de la pénibilité et de la confusion entre pénibilité et invalidité ?

La pénibilité n’est pas l’incapacité ou le handicap. La pénibilité représente l’un des enjeux majeurs de cette réforme. Votre dispositif n’a pas grand chose à voir avec la pénibilité du travail comme facteur de réduction de l’espérance de vie. Je tiens à rappeler solennellement ici que la solidarité intergénérationnelle et l’équité doivent présider à toutes les politiques publiques.

C’est parce que votre projet oublie les générations futures que je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou.

M. Jacques Bascou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles se déroule ce débat. Vouloir le contraindre et le limiter pour respecter un calendrier politique montre qu’il ne passe pas dans la population. Vous dites qu’il y a eu des négociations avec les syndicats, un débat au Parlement, tandis que vous répétez depuis le début qu’il n’y a pas d’autres solutions. « C’est la vérité, c’est la réalité » sont les mots qui reviennent dans toutes vos interventions.

La façon de mener le débat ici n’est que la traduction de la crise morale et démocratique que traverse notre pays. Et ne sont pas uniquement les députés socialistes qui le disent. Je vous invite à procéder à une revue de presse internationale et vous verrez quel est le jugement porté par les étrangers sur notre pays. La démocratie est bafouée au Parlement, mais elle est aussi en danger dans notre pays. En effet, pour une majorité de Français, ces dernières années ont été des années de régression sociale, de difficultés croissantes et pour certains de désespérance.

Hier encore, lors des questions au Gouvernement, nous avons appris que tous les clignotants seraient au vert. Pourtant nos concitoyens sont chaque jour plus inquiets pour leur emploi, pour la sécurité de leur retraite et pour l’avenir de leurs enfants. Ils l’ont manifesté en nombre dans la rue. Toutefois le pire serait la résignation, car un fossé se créerait entre une majorité de Français et ceux qui les représentent, alors qu’il ne se passe pas un jour sans que l’on évoque des centaines de millions d’euros attribués à travers des stocks options, des parachutes dorés, des jetons de présence dans les conseils d’administration de grands groupes ou des remboursements dans le cadre du bouclier fiscal, tandis que l’on demande à la majorité des Français de faire des sacrifices.

La réforme des retraites n’est pas faite pour les rassurer, ni pour leur redonner confiance dans une démocratie où les promesses s’envolent, les mensonges s’accumulent et la parole publique n’a plus de valeur. Le Président de la République s’était engagé, à plusieurs reprises, à ne pas toucher au droit à la retraite à soixante ans. Le recul de l’âge est aujourd’hui présenté comme la grande réforme du mandat. Vous auriez sauvé les retraites, alors que la réforme n’est pas financée dans le temps ; même le Premier ministre l’a reconnu sur France-Inter.

Je ne voterai pas ce texte, car je me fais le porte-parole de ceux que nous rencontrons dans nos permanences, que nous soyons dans la majorité ou dans l’opposition. Ils souhaitent conserver la retraite par répartition, ils sont conscients qu’une réforme est nécessaire, mais ils veulent une réforme efficace, garantie dans la durée.

Les députés socialistes l’ont dit et répété au cours des débats : la réforme est inacceptable car fondamentalement injuste. En effet, elle va d’abord pénaliser les plus faibles, ceux qui n’auront pas eu la chance d’accéder à soixante-deux ans au droit à la retraite à taux plein et qui, en raison d’une carrière incomplète, devront attendre soixante-sept ans mais avec quels moyens d’existence, pour ne pas dire de survie ? Cette réforme va créer de nouveaux pauvres aux cheveux gris, pour de pas dire de vieux pauvres. Vous faites appel aux exemples étrangers en Europe, mais cette réforme fait du système français un des plus durs d’Europe pour accéder à une retraite à taux plein.

Je me fais le porte-parole de ceux qui ne comprennent pas que votre système de santé, qui devrait être un système de solidarité, aboutisse à leur demander des sacrifices, tout en préservant les intérêts des plus aisés, au détriment de tous ceux et celles qui ont commencé à travailler jeunes et qui auront eu des métiers durs avec des conditions de travail difficiles. La régression des pouvoirs de contrôle des médecins du travail montre que ce n’est pas votre préoccupation.

Qui pourra bénéficier du dispositif de pénibilité ? Ainsi que nous l’avons souligné à plusieurs reprises, le Gouvernement reste dans la logique inacceptable du simple constat médical de troubles qui se sont déjà manifestés, alors qu’il faut, au contraire, prendre en compte les troubles qui apparaîtront probablement dans le futur et raccourciront l’espérance de vie. Ces travailleurs viennent dans nos permanences ; ils ont travaillé à la chaîne, porté des charges lourdes, travaillé dans le bâtiment ou ont été au contact de matières dangereuses.

La situation des jeunes et des travailleurs précaires qui n’auront pas de carrières complètes s’aggravera. Enfin la situation des femmes a été évoquée, je n’y reviens pas.

On pourrait continuer – mes collègues l’ont fait – mais cette réforme des retraites ne va qu’accroître les inégalités et favoriser la précarité.

Une autre réforme des retraites est non seulement possible, mais nécessaire.

M. Jean-Marc Roubaud. Laquelle ?

M. Jacques Bascou. Les socialistes en proposent une. C’est l’avenir de notre pacte social qui est en jeu.

M. le président. La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement et l’UMP s’accrochent à un modèle de société dépassée. Évidemment tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut examiner la question des moyens pour les retraites, mais monsieur le ministre, le Gouvernement et l’UMP ont une vision archaïque de la réalité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vais donner quelques exemples.

Ainsi vous ne prenez jamais en compte l’évolution de la productivité, de la compétitivité et, en parallèle, la réduction du pouvoir d’achat des salaires des pensions, des retraites.

Nous entendons beaucoup de discours sur la compétitivité de la France, la rentabilité au niveau économique. Le Gouvernement et sa majorité défendent une conception de la compétitivité, de la productivité, qui a abouti à la crise de 2008. L’abandon de pans entiers de notre industrie en France depuis dix, vingt, trente ans est l’une des conséquences des politiques engagées depuis Valéry Giscard d’Estaing.

M. Dominique Dord. Vous êtes co-auteur. Vous avez été dans des gouvernements, vous aussi !

M. André Gerin. J’assume mes responsabilités.

Ce Gouvernement n’a pas d’idées nouvelles. On n’a jamais réfléchi à l’après soixante ans.

Vous vous attachez à remettre en cause des avancées de civilisation, comme vous essayez de toucher aux avancées de civilisation qu’ont été 1936, le Conseil de la Résistance, mai et juin 1968 et les 35 heures.

Monsieur le ministre, où sont vos idées nouvelles ? Vous n’avez que des idées archaïques. Vous ne pensez pas que l’on puisse imaginer après soixante ans d’autres parcours professionnels. Vous n’imaginez pas que l’on développe la formation par alternance à seize ans, dix-sept ans, dix-huit ans des ingénieurs, des cadres, des polytechniciens, ou que la société soit capable de développer la retraite par répartition dès l’entrée dans la vie active.

Vous êtes archaïque et vous ne voulez pas débattre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Sortez du dogme de la rentabilité à tous prix ; sortez du dogme du moindre coût ; ouvrez le débat sur une vraie compétitivité, sur une vraie industrie. Je pense que les communistes et la gauche vous surprendront.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

M. Yves Cochet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande également la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Il n’y a pas de rappel au règlement pendant les explications de vote. Il n’y en a jamais eu. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Seule Mme Biémouret a la parole.

Mme Gisèle Biémouret. Monsieur le ministre, ce projet de loi sur les retraites va instaurer une énième régression sociale. Malgré la forte mobilisation du 7 septembre dernier, ce texte illustre, une fois de plus, le mépris du Gouvernement pour les plus faibles, ceux qui ont commencé à travailler tôt, les femmes, les salariés aux carrières chaotiques.

Je retiendrai dans mon propos deux catégories de la population qui verront leur condition sociale se détériorer inexorablement : les retraités agricoles et les femmes.

Après les débats sur les retraités agricoles, que nous avons tenus dans cet hémicycle au mois de janvier dernier, je tiens à rappeler que les conjoints et les aides familiaux ne bénéficient toujours pas du régime complémentaire de retraite obligatoire prévu par la loi de 2002. Ainsi, 1,8 million de retraités agricoles sont mis à l'écart de la solidarité nationale, alors même que les mesures mises en place sous le gouvernement Jospin avaient bénéficié à plus de 900 000 retraités agricoles, dont la pension avait augmenté de 29 % pour les chefs d'exploitation, de 45 % pour les veuves et de 79 % pour les conjoints et les aides familiaux.

Les revalorisations sous les gouvernements suivants se sont avérées insuffisantes et partielles. Beaucoup de retraités sont soit écartés du dispositif, soit victimes des mécanismes de minoration.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoyait l'instauration d'un montant minimum de retraite fixé à 633 euros par mois pour les agriculteurs et à 506 euros pour les conjoints, mais l'instauration du plafond de 750 euros par mois, toutes pensions confondues, a eu un effet pénalisant. Nous sommes très éloignés du nombre des bénéficiaires de vos mesures fiscales.

La réforme de 2003 avait pourtant fixé un montant minimum à 85 % du SMIC, c'est-à-dire 880 euros par mois, soit 130 euros de plus que le plafond de 750 euros. Nous restons donc en dessous du minimum prévu. Concrètement, pour les quelque 15 000 retraités agricoles de mon département du Gers rien ne va changer. Il devient pourtant nécessaire de réparer cette injustice envers celles et ceux qui ont eu une activité pénible, sans laquelle aujourd'hui notre économie ne serait pas ce qu'elle est. Il faut étendre le régime de retraite complémentaire obligatoire prévue par la loi de 2002.

Dans le prolongement de celles de 1993 et 2003, votre projet de réforme va avoir pour effet une baisse du niveau des pensions et un creusement des inégalités entre les femmes et les hommes. Or les femmes ont une espérance de vie de sept ans supérieure à celle des hommes.

M. Dominique Dord. Ce n’est pas une explication de vote !

Mme Gisèle Biémouret. Mais, au moment de leur départ à la retraite, les femmes perçoivent une pension inférieure de 42 % en moyenne à celle des hommes et plus de la moitié des retraitées touchent une pension inférieure à 900 euros.

En allongeant la période d'activité, vous faites comme si le passage direct de l'emploi à la retraite était aisé, ignorant le cas des personnes qui n’ont pas d’emploi à la fin de leur vie active. Les femmes sont 2,6 fois plus nombreuses que les hommes à être inactives. Et elles sont bien moins nombreuses que les hommes à passer directement de l'emploi à la retraite. Ainsi, un tiers des femmes salariées attendent d'avoir soixante-cinq ans pour liquider leurs droits à la retraite.

Avec l'ensemble de mes collègues socialistes, nous préconisons une autre réforme. Une autre réforme est possible. Une réforme juste, efficace et durable. (« Vous l’avez déjà dit ! » sur les bancs du groupe UMP.- Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Vous vous répétez !

Un député UMP. C’est de l’obstruction !

Mme Gisèle Biémouret. Ce contre-projet est marqué sous le signe de « la retraite choisie » : maintien de l'âge légal de départ à soixante ans, (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

Mme Gisèle Biémouret. …garantie de revenus, effort collectif pour garantir les droits des plus faibles (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC-Exclamations sur les bancs du groupe UMP), solidarité envers ceux qui ont eu les carrières les plus pénibles, retraite plus tardive sur la base du volontariat. (Des députés du groupe UMP font claquer leur pupitre.- Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord. Bla-bla-bla…

Mme Gisèle Biémouret. Ce projet est fondé sur un principe dont vous devriez plus souvent vous inspirer : celui des efforts partagés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

Mme Gisèle Biémouret. … mettant à contribution tous les revenus, notamment ceux du capital. Ce projet procurerait une nouvelle espérance à des milliers de nos concitoyens dont les retraités agricoles et les femmes ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius.

M. Jean-Marc Roubaud. Vous êtes enfin arrivé ? (Les députés du groupe UMP scandent : le plombier, le plombier, le plombier !)

Mme Valérie Rosso-Debord. Le plombier, le plombier !

M. le président. Je vous en prie !

M. Laurent Fabius. Monsieur le président, mes chers collègues, j’interviens à cette tribune en application de l’article 49, alinéa 13, de notre Règlement qui prévoit des explications de vote personnelles liées au caractère personnel du mandat que chacun d’entre nous a reçu de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et je remercie Mme Imbert de m’avoir permis d’intervenir.

M. Richard Mallié. Vous allez nous expliquer le plan B ?

M. le président. Je vous en prie.

Mme Valérie Rosso-Debord. Les retraites B !

M. Laurent Fabius. Les retraites sont évidemment un problème très important. Chacun ici est d’accord pour le constater. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Vous enfoncez des portes ouvertes.

M. Laurent Fabius. J’essaierai de montrer en quelques minutes, si vous me laissez parler, que vous n’apportez pas de solutions au problème des retraites, messieurs les ministres ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes un élément fondamental du problème des retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pourquoi ? Si l’on veut traiter cette question, il faut d’abord respecter ses engagements. (« Ah » ! sur les bancs du groupe UMP.) Or j’ai sous les yeux une déclaration solennelle de M. le Président de la République, après son élection : « S’agissant de la mise en cause du droit à la retraite à soixante ans et de son passage à soixante-deux ans, je ne le ferai pas pour un certain nombre de raisons. La première, c’est que je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris – c’est toujours M. Sarkozy qui s’adresse aux Français –, je n’ai donc pas de mandat pour faire cela et ça compte, vous savez, pour moi ! » (« Il a la mémoire courte » ! sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il y a eu la crise entre-temps.

M. Laurent Fabius. Deuxièmement, pour parvenir à une réforme efficace des retraites, il faut une négociation avec les syndicats.

M. Richard Mallié. Où est la position personnelle ?

M. Laurent Fabius. Vous n’avez cessé, au cours du débat, mesdames et messieurs de l’UMP, de mettre en cause les socialistes, les communistes et la gauche.

Mme Valérie Rosso-Debord. Et alors ?

M. Bernard Deflesselles. Vous arrivez enfin dans le débat !

M. Laurent Fabius. En réalité, vous mettez en cause la totalité des syndicats de ce pays et le mouvement social qui les soutient, en désaccord fondamental avec vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Troisièmement, si l’on veut apporter une vraie solution au problème des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Mme Valérie Rosso-Debord. On appelle le plombier !

M. Laurent Fabius. …il faut évidemment que les propositions soient justes et que l’on ne tape pas sur les salariés les plus modestes. Or la seule chose que vous proposez, c’est de rendre plus difficile les conditions de travail et de vie pour ceux qui partaient à soixante ans ou soixante-cinq ans. Ce sont eux que vous pénalisez alors que vous ne demandez aucun effort aux plus privilégiés de notre pays. C’est cela aussi qui vous interdit d’apporter une solution au problème des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Boënnec. Démago !

M. Laurent Fabius. Quatrièmement, il est évident qu’il faut traiter la pénibilité. (« Prenez votre retraite » sur quelques bancs du groupe UMP.) Mais vous confondez volontairement pénibilité, invalidité, incapacité. La première aggravation que vous apportez à la pénibilité, c’est la suppression du droit à la retraite à soixante ans : on ne peut pas dire que l’on veut alléger la pénibilité alors que l’on aggrave la situation de milliers et de milliers de travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Bertrand. Démago !

M. Laurent Fabius. Enfin, s’agissant du financement des retraites, je citerai Mme Karniewicz, syndicaliste reconnue, qui estime que le financement n’est pas assuré. Vous ne vous en sortez, si je puis dire, que par une astuce comptable car 15 milliards d’euros restent non financés, ce que vous appelez gentiment la contribution nette de l’État, ce qui veut dire endettement. Par ailleurs, vous faites main basse sur 34 milliards d’euros du Fonds de réserve des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui signifie qu’en 2018 – et la France continuera après 2018…

M. Christian Paul. Et même après !

M. Laurent Fabius. …il n’y a aucun financement pour votre prétendu plan de réforme !

Le constat est simple : vous n’apportez aucune solution à cette vraie question.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous non plus.

M. Laurent Fabius. Et je vous mets en garde très tranquillement…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas ici par un vote acquis, dans les conditions que l’on sait…

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Quel mépris !

M. Xavier Bertrand. On a déjà vu ce geste !

M. Laurent Fabius. …que les choses se trancheront. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est d’une manière ou d’une autre, par la décision du peuple dont vous ne devez pas oublier qu’il est le seul souverain ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, notre Règlement a prévu, à l'article 49, alinéa 13, un droit nouveau pour les députés ; celui de faire des explications de vote individuelles dans le cadre du temps législatif programmé.

M. Christian Paul. Vous vous rappelez soudain qu’il y a un règlement !

M. le président. Comme en attestent les travaux préparatoires, ces explications de vote individuelles sont destinées à permettre à des membres de notre Assemblée d'exprimer une sensibilité particulière ou une opinion divergente par rapport à leur groupe. (« En effet ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. C’est vrai.

M. le président. Elles peuvent également permettre à un député qui n'aurait pas pu s'exprimer en raison de l'expiration du temps de son groupe d'apporter un complément au débat. (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Paul. Putschiste !

M. le président. En l'espèce, le nombre d'inscrits pour de telles explications – 166 –, le fait que beaucoup de leurs auteurs se soient déjà longuement exprimés (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) montrent qu'elles n'ont d'autre objet que de retarder la fin du débat (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) alors que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'un vote solennel le mercredi 15 septembre à 15 heures. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Parce que j’ai un grand attachement pour nos institutions, je crois de mon devoir d’en assurer le bon fonctionnement. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

C’est dans cette perspective que notre Règlement a été modifié et le temps législatif programmé institué. (« Bravo ! sur les bancs du groupe UMP.) Je ne laisserai pas, à travers de petites manœuvres, l’obstruction (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qui est paralysante et dévalorisante pour notre Parlement, se réinstaller. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)

J’ajoute que le Règlement ne saurait faire obstacle à l’application d’une disposition constitutionnelle. C’est un principe que le Conseil constitutionnel rappelle de façon constante. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.- Protestations et huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Or la session extraordinaire a été convoquée par le Président de la République en application de l’article 30 de la Constitution. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP.)

L’ordre du jour a été déterminé par le Gouvernement conformément à son article 29. (Mêmes mouvements.)

En conséquence, pour la bonne organisation de nos travaux et la clarté des débats, je considère en l'espèce que l'article 49, alinéa 13 ne peut pas faire obstacle à une décision de la Conférence et qu'il n'y a donc pas lieu d'en faire une application détournée de son objet. (Les membres des groupes SRC et GDR se lèvent et brandissent le Règlement.)

Cette application serait au demeurant contraire à l'esprit de la réforme du Règlement dans son ensemble et du temps législatif programmé en particulier, qui avait pour objet de permettre une meilleure organisation de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.- Vives exclamations et huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) :

Vote solennel sur le projet de loi portant réforme des retraites ;

Discussion du projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire ;

Discussion, en seconde lecture, du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 14 septembre à neuf heures quarante.)