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Assemblée nationale

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale
de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 25 octobre 2012

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances,
de M. Alain Tourret, suppléant
M. Jean-Jacques Urvoas,
président de la Commission des lois,
puis de M. Jean-Jacques Urvoas

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente.

projet de loi de finances pour 2013

Gestion des finances publiques
et des ressources humaines ;
Provisions ;
Régimes sociaux et de retraite ;
Gestion du patrimoine immobilier de l’État (compte spécial) ;
Pensions (compte spécial)

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le ministre de l’économie et des finances, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui pour examiner les crédits de plusieurs missions et comptes spéciaux.

Mme Karine Berger, rapporteure spéciale pour les crédits de la stratégie des finances publiques et de la modernisation de l’État, ainsi que pour la conduite et le pilotage des politiques économique et financière. Je ne ferai pas de commentaires sur le programme 218, « Conduite et pilotage des politiques économique et financière » – qui, en 2013, disposera de 883 millions d’euros de crédits de paiement –, pour me concentrer sur le programme 221, « Stratégie des finances publiques et la modernisation de l’État », qui comprend cinq actions et regroupe des crédits relevant de la direction du budget, de la direction générale de la modernisation de l’État (DGME), de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), de l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) et de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Le montant total de ces crédits s’établit à 257 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2013.

L’évolution du programme 221 montre que la révision générale des politiques publiques (RGPP) menée ces cinq dernières années a consisté non pas à moderniser l’État et à le réformer en profondeur, mais à faire la même chose avec moins de moyens.

Je souhaite notamment vous faire part d’éléments qui ressortent des auditions et qui concernent les conséquences de la RGPP sur la DGME. Pour l’essentiel, la DGME a eu recours à des cabinets de consultants et a été dotée d’un volume de crédits important à cette fin. Selon la DGME, ces moyens ont été utilisés pour renforcer sa capacité d’analyse chiffrée. Compte tenu de la compétence technique bien connue des inspecteurs disponibles au sein du ministère de l’économie et des finances, cette réponse ne laisse pas de nous étonner. De plus, les sommes dépensées par la DGME pour faire appel à des consultants ont atteint jusqu’à 65 millions d’euros certaines années, contre seulement 37 millions d’euros en 2012, sans que les raisons de cette baisse apparaissent clairement à ce stade.

En outre, j’ai souhaité savoir quelles actions de conseil la DGME avait menées à bien pour accompagner la modernisation de l’État. J’ai choisi de m’intéresser, à cette fin, à la réforme du ministère de l’intérieur et, en particulier, des préfectures. L’action de la DGME a consisté, selon ses propres dires, à apprendre aux agents des préfectures à mieux ranger leurs armoires, pour gagner du temps et se concentrer sur leurs tâches au service des usagers. Cet exemple m’a semblé assez révélateur.

D’une manière générale, la DGME s’est contentée d’imposer les réductions de personnel, c’est-à-dire le fameux non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ces efforts devaient, en outre, être accompagnés par des mesures catégorielles. Le programme 221 intègre, pour cette raison, le titre II de la DGAFP. J’ai donc souhaité connaître la manière dont les mesures catégorielles avaient été pilotées. Je n’ai pas obtenu toutes les réponses, mais il est apparu assez rapidement que les retours catégoriels ont été très injustes : ils n’ont pas été proportionnels aux efforts consentis par chacun des ministères. Surtout, ils n’ont pas été affectés aux catégories touchées par les suppressions. Dans tous les exemples que j’ai étudiés, l’effort a porté sur les catégories C et B, alors que le retour catégoriel a concerné, majoritairement, la catégorie A et, malheureusement, davantage encore la catégorie A+.

Ces deux constats – bilan peu satisfaisant de la DGME, sur lequel sont revenus les nombreux rapports rédigés à votre demande, monsieur le ministre ; utilisation biaisée du titre II de la DGAFP – m’amènent à recommander de suivre la proposition du Gouvernement : il convient de faire de la DGME une structure interministérielle et de la détacher de la logique des suppressions de poste pour qu’elle se consacre pleinement à la modernisation de l’État. Dès lors, le titre II de la DGAFP cesserait d’être rattaché au programme 221 et serait regroupé, à terme, avec les autres crédits de la DGAFP. L’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit d’ailleurs qu’un programme doit relever non pas de plusieurs ministères, mais d’un seul.

J’en viens aux budgets consacrés à la mise en place de l’Opérateur national de paye (ONP) et au déploiement du logiciel Chorus. Il s’agit, cette fois-ci, de vraies démarches de modernisation de l’État : Chorus doit permettre de gérer la comptabilité de l’ensemble de l’appareil d’État ; l’ONP doit devenir le prestataire unique de la paye des agents de l’État.

En dépit de quelques difficultés, le bilan du déploiement de Chorus est bon. En revanche, la mise en place de l’ONP n’en est qu’à ses débuts et se heurte à un obstacle de taille : à la différence du déploiement de Chorus, il ne s’agit pas d’une action interministérielle, chaque ministère étant responsable de la mise en place des outils qui lui permettront de se connecter, à terme, au système général – les ministères sont d’ailleurs un peu livrés à eux-mêmes. La mise en place de l’ONP est, à mon sens, un excellent objectif de modernisation de l’État. Je recommande, monsieur le ministre, de réfléchir à un pilotage interministériel : il s’agirait de s’assurer que les efforts conduits de manière décentralisée par les différents ministères se traduisent rapidement par des progrès dans la mise en place de l’ONP. Je vous invite également à réfléchir au prochain programme emblématique en matière de modernisation de l’État.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial pour les crédits de la politique immobilière de l’État et le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». La prévision de cessions pour l’année 2013 s’établit, comme en 2012, à 500 millions d’euros. Certes, les réalisations ne sont pas toujours à la hauteur des prévisions. Néanmoins, selon les estimations, 75 millions d’euros – contre 65 en 2012 – pourront être prélevés sur ces recettes et affectés au désendettement de l’État, qui en a bien besoin. Le compte d’affectation spéciale retrace également les dépenses prévues pour les restructurations immobilières de certains opérateurs ou ministères.

J’aborderai quatre points principaux.

Premièrement, monsieur le ministre, avez-vous l’intention de rappeler, en début de législature, les objectifs du Gouvernement en matière de politique immobilière pour les cinq ans qui viennent ?

Le Parlement, votre ministère et ses opérateurs, en particulier France Domaine, ont joué un rôle crucial, aux côtés du Conseil immobilier de l’État, pour édicter un certain nombre de règles qui s’imposent à toutes les administrations. Si l’on en croit le gouverneur de la Banque de France que nous avons auditionné hier, elles ne s’appliqueraient toutefois pas à cette dernière, ce qui ne nous empêchera pas de suivre de près le plan de modernisation de son réseau.

Je rappelle ces normes : une surface de travail utile n’excédant pas 12 mètres carrés par agent ; des loyers ne dépassant pas 400 euros le mètre carré par an. Elles valent également pour les bâtiments situés sur le territoire de la ville de Paris. À cet égard, les administrations sont de plus en plus réticentes à franchir le boulevard périphérique, qui semble devenu une sorte de Mur de Berlin !

Le Conseil immobilier de l’État et les opérateurs – notamment France Domaine et la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) – méritent d’être soutenus. Ils souhaitent, monsieur le ministre, que vous rappeliez vos objectifs et que vous indiquiez, dans un discours politique fort, que le travail conduit précédemment sera poursuivi et même approfondi au cours des cinq années qui viennent.

Deuxièmement, je souhaiterais des éclaircissements sur un certain nombre d’opérations. Le projet de « Pentagone à la française », qui fait l’objet d’un partenariat public-privé, a retenu l’attention de tous par son ampleur. Il va être à nouveau audité. Souhaitez-vous, monsieur le ministre, en dresser un simple état des lieux ou envisagez-vous, si c’est encore possible, d’en réduire le format ? Aurez-vous la capacité d’organiser des audits à chaque étape, pour maîtriser le projet, vous assurer de sa bonne mise en œuvre et éviter d’éventuels dérapages ?

Troisièmement, qu’en est-il du projet de regroupement des services et autorités dépendant du Premier ministre sur le site de Ségur-Fontenoy ? Avez-vous pris des décisions à ce sujet ? Des réticences se sont, semble-t-il, manifestées, alors que l’objectif a été fixé au niveau politique et que les études ont conclu à des gains de productivité, dans la mesure où il sera mis fin à des locations onéreuses. Cette opération doit être poursuivie. À mon avis, compte tenu de ce que j’ai entendu, un nouveau rappel à l’ordre du Gouvernement aux autorités concernées s’impose. Quelle que soit leur importance, elles doivent se conformer aux règles de la République.

Quatrièmement, qu’en est-il de la Grande Arche, qui occupe une place particulière au sein du quartier de La Défense ? Elle est née, certes, d’un geste architectural voulu par un Président de la République. Elle n’en est pas moins concernée par les problématiques d’occupation de locaux, le pilier Sud appartenant à l’État. Plusieurs ministères, certains pour la troisième fois, ont soumis au Conseil immobilier de l’État un projet de regroupement de leurs services à La Défense dans le cadre de leur Schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI). Je souhaite éviter que l’on découvre ultérieurement des éléments qui auraient été cachés. Quid du nettoyage, de la modernisation et de l’utilisation de la Grande Arche ? Les implantations voulues par les ministères pourront s’organiser lorsqu’on aura répondu à ces questions. Avant de prendre une décision définitive, il faut s’assurer que les normes ont été respectées et que l’ensemble du site a été audité, en particulier la tour Séquoia.

M. le président Gilles Carrez. J’appelle l’attention de tous sur l’importance du suivi des programmes immobiliers de l’État par la Commission des finances. Nous sommes ainsi parvenus, l’an dernier, à bloquer un projet d’installation très coûteux du ministère de la justice. Le ministère a choisi, depuis, un autre site et le coût de l’opération s’en est trouvé divisé par deux. Nous devons suivre ces dossiers de manière très vigilante et ne pas hésiter, pour certains arbitrages, à appuyer le ministère de l’économie et des finances.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. C’est bien là notre objectif, monsieur le président.

M. Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial pour les crédits de la fonction publique et de la mission « Provisions ». Il convient aussi d’aider le ministère de la fonction publique, dans une période extrêmement difficile.

Je vous renvoie à la lecture de mon rapport, qui fait apparaître une baisse nuancée des crédits du programme 148, « Fonction publique », une stabilisation des moyens consacrés à la formation des fonctionnaires et une diminution de la dotation dédiée à l’action sociale interministérielle. J’ai notamment auditionné le directeur général de l’administration et de la fonction publique, la direction de l’ENA et les représentations syndicales. Mais je souhaite surtout évoquer quatre points.

Premièrement, au moment où l’on commence à réfléchir au prochain acte de décentralisation, beaucoup s’inquiètent du transfert de personnels de l’État aux collectivités territoriales : comment va-t-il s’organiser ? Sera-t-il conduit sur le modèle de 2004, c’est-à-dire sans discussion possible pour les agents ?

L’opération de 2004 aurait pu représenter une aubaine pour les finances de l’État. Cependant, dans un rapport, la Cour des comptes a relevé qu’elle a en réalité coûté aux finances publiques au sens large – finances de l’État et finances des collectivités territoriales. Les collectivités ont souvent été stigmatisées pour avoir augmenté leurs dépenses, mais le processus de transfert n’a pas été maîtrisé dans son ensemble.

Compte tenu de cette expérience, comment envisagez-vous, madame la ministre, de redéfinir les missions et le périmètre de la fonction publique d’État dans le cadre du prochain acte de décentralisation ? Quelle méthode comptez-vous employer ?

Deuxièmement, la défiscalisation des heures supplémentaires dans la fonction publique a coûté 1,6 milliard d’euros et a bénéficié à 680 000 agents. Sans revenir sur les conclusions du rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, elle a suscité un effet d’aubaine pour les agents de l’État, comme pour les autres salariés. On ne peut pas en dire autant du point de vue de l’État employeur : la Cour des comptes a constaté une dérive des dépenses de personnel de l’État, imputable pour l’essentiel aux mesures catégorielles et au financement de la défiscalisation des heures supplémentaires. La fin de cette mesure va se traduire par des recettes nouvelles pour le budget de l’État, que je ne suis toutefois pas en mesure de chiffrer. Comptez-vous utiliser ces nouvelles marges de manœuvre, madame et monsieur les ministres, pour revaloriser la rémunération des fonctionnaires ? Si oui, de quelle manière ?

Troisièmement, je souhaite poser une série de questions sur l’École nationale d’administration (ENA). La suppression du classement de sortie est devenue un serpent de mer : est-elle encore à l’ordre du jour ou l’abandonne-t-on définitivement ? De mes contacts informels avec d’anciens élèves de l’ENA, il ressort que les points de vue sont très partagés.

En outre, certaines méthodes sont révélatrices d’un pilotage stratégique défaillant. Pour l’ENA – c’est peut-être le cas pour d’autres établissements –, le contrat d’objectifs et de performance et le contrat triennal ne recouvrent pas les mêmes périodes, ce qui compromet la capacité de l’école à anticiper les réformes. Ne pourrait-on pas faire coïncider les bornes de ces deux contrats ? Cela simplifierait la vie de l’école et lui permettrait de gagner en efficacité.

Enfin, un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) relatif à la formation initiale des fonctionnaires préconise de réserver les activités de recherche et de publication aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Or l’innovation ne se réduit pas aux nouvelles technologies et à la recherche et développement. Elle concerne également les services publics : de nouvelles conceptions du service public, manières d’envisager la relation aux usagers ou méthodes d’organisation peuvent contribuer à améliorer leur performance globale. Ces questions sont abordées dans le secteur privé. Je souhaiterais qu’elles le soient également dans les écoles de formation de l’État, non seulement à l’ENA – qui a adhéré au pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) Hautes Études-Sorbonne-Arts et Métiers (HESAM), troisième PRES parisien –, mais également dans les instituts régionaux d’administration (IRA) et les autres établissements. Nous devons envisager l’innovation dans son acception la plus large et, s’agissant de la formation des agents de l’État, ne pas la réserver aux seules écoles d’ingénieurs.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial pour les crédits de la gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local, ainsi que pour la facilitation et la sécurisation des échanges. La direction générale des finances publiques (DGFIP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ont déjà largement contribué à l’effort de réduction des effectifs de la fonction publique d’État, la première étant issue de la fusion de deux grandes directions – la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) – et la seconde ayant restructuré en profondeur ses branches de la surveillance et des opérations commerciales. En outre, elles sont toutes deux entrées de plain-pied dans l’ère de la dématérialisation, avec des systèmes informatiques – notamment le programme Copernic – qui n’ont pas leur équivalent dans le privé.

À l’instar du rapporteur spécial qui m’a précédé, M. Thierry Carcenac, j’ai soutenu ces réformes, pleinement justifiées alors. Cependant, la poursuite de ces mesures va dégrader la situation. Les deux directions vont payer une nouvelle fois, en 2013, un lourd tribut à la réduction des effectifs de l’État : la DGFIP va perdre 2 149 ETP, ce qui correspond à un taux de non-remplacement des départs à la retraite de 67,8 % ; la DGDDI, qui devra pourtant prendre en charge le contrôle, le recouvrement et le contentieux de la future taxe poids lourd, en perdra 184. Si ces efforts peuvent se comprendre, la stratégie qui les sous-tend n’apparaît plus clairement.

Le directeur général des finances publiques, responsable du programme 156, continue à comprimer les effectifs, alors que son prédécesseur avait déclaré, à la fin de l’année 2011, que la limite avait été atteinte. De l’entretien que j’ai eu avec lui, il ressort qu’aucune stratégie de moyen terme ne va guider ces suppressions. Comment comptez-vous préserver la qualité des services tant dans la filière fiscale que dans la filière gestion publique, en particulier des services rendus aux collectivités territoriales ?

La DGDDI gère également les suppressions d’emplois au fil de l’eau depuis le début de l’année. Leur poursuite implique la définition d’une nouvelle stratégie et va sans doute obliger la DGDDI à se transformer radicalement. Comment imaginez-vous la douane à moyen et à long terme ?

J’ai été frappé, en outre, par le flou qui entoure les orientations relatives à la lutte contre la fraude fiscale. M. Éric Woerth avait sanctuarisé les effectifs du contrôle fiscal, à tout le moins le nombre de vérificateurs. Qu’en est-il en 2013 ? Avec la loi de finances, vous allez demander des efforts aux citoyens respectueux de leurs obligations fiscales. Ne conviendrait-il pas, en sus, de renforcer la lutte contre la fraude dans tous ses aspects : mesures dissuasives et répressives, mais aussi moyens budgétaires qui lui sont consacrés ? Les indicateurs de performance de la DGFIP ne semblent pas aller dans ce sens.

Par ailleurs, quels sont les axes de votre politique de lutte contre la fraude économique, qui intéresse également les services de la douane ?

La Cour des comptes a rendu un rapport sur les relations de l’administration fiscale avec les particuliers et les entreprises. Alors que le public ne cesse d’affluer, avez-vous pris des mesures pour améliorer la situation ? Que deviennent les structures d’accueil dans les zones rurales et rurbaines ? La dématérialisation ne peut pas, à elle seule, résoudre tous les problèmes. J’ai entendu dire que la recherche des fraudes reposait aujourd’hui sur des algorithmes et que les services des impôts des entreprises étaient tellement débordés que la qualité du travail risquait d’en être affectée. Qu’en est-il exactement ?

Quels sont vos projets pour le maintien ou l’amélioration du service aux collectivités territoriales ? Comment le réseau se réorganisera-t-il pour atteindre vos objectifs en matière de suppressions de postes sans que la qualité du service en pâtisse ?

La dématérialisation passe par la mise en place de gros progiciels. Or le projet Copernic doit encore développer certaines « briques » capitales – notamment en matière de recouvrement. Le fait qu’il soit financé par report de crédits depuis plusieurs années rend son suivi encore plus difficile. J’ai toutefois appris que ses crédits faisaient actuellement l’objet d’une mesure de « surgel ». Le programme Copernic est-il en train d’accumuler de nouveaux retards ?

Pour en revenir à la douane, avec les difficultés économiques actuelles, nous constatons non seulement l’explosion des trafics et le développement d’une économie souterraine, mais l’apparition de la corruption d’agents publics et de douaniers, y compris en France. Comment lutter contre ces tentations ? Comment les éviter ?

Les réponses aux questionnaires budgétaires nous sont parvenues avec retard et incomplètes. Par exemple, nous n’avons que très peu d’informations sur la mise en place de la taxe poids lourds. Comment la DGDDI est-elle organisée, notamment en matière informatique et de contrôle ? J’ai toutefois appris que l’on était en train de renouveler les matériels de surveillance aérienne et maritime de la douane, ce dont je me réjouis.

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d’affectation spéciale « Pensions ». En 2013, les crédits demandés pour le financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux s’élèvent à 62,6 milliards d’euros. Ce chiffre représente 21,5 % des dépenses inscrites sur le budget général et progresse de 2,7 % par rapport à 2012.

Les retraites de l’État et des régimes spéciaux représentent donc un enjeu absolument capital pour les finances publiques. Au 31 décembre 2011, l’engagement de l’État à ce titre était évalué à 1 200 milliards d’euros.

Je rappelle qu’un compte d’affectation spéciale (CAS) a pour but d’isoler du budget de l’État certaines recettes et dépenses qui, en raison de leur nature, doivent faire l’objet d’une comptabilisation particulière. C’est une exception au principe de non-affectation puisque, normalement, l’affectation d’une recette à une dépense est interdite.

Le compte d’affectation spéciale « Pensions » permet donc de centraliser et de présenter de façon synthétique l’ensemble des crédits que l’État consacre au service des pensions et des allocations viagères. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement demandés pour 2013 s’élèvent à 56,1 milliards d’euros, en hausse de 2,7 % par rapport à 2012.

Le compte se compose de trois programmes : le programme 741, « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité » ; le programme 742, « Ouvriers des établissements industriels de l’État » ; le programme 743, « Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».

En 2013, on observe que les dépenses, au titre du programme 741, s’élèveront à 51,799 milliards et seront en augmentation de 2,87 % et qu’elles représenteront 92 % des dépenses inscrites dans le CAS.

Le taux de contribution « employeur » augmente une nouvelle fois pour se situer à 74,28 % – contre 68,59 % en 2012 pour les fonctionnaires civils, et à 126,7 % – contre 121,55 % en 2012 – pour les militaires. Enfin, le taux de cotisation salariale passe de 8,39 % à 8,66 %, conformément aux dispositions de la loi portant réforme des retraites de 2010.

La mission « Régimes sociaux et de retraites » regroupe des crédits concourant à financer des régimes sociaux et de retraite qui sont structurellement déficitaires, ou des dispositifs de cessation d’activité. Les crédits inscrits sur cette mission s’élèvent à 6,543 milliards d’euros, en hausse de 2,7 % par rapport à 2012, à périmètre constant.

Cette mission comporte trois programmes d’inégal volume.

Le programme 198, « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », essentiellement constitué des subventions versées aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, est doté au total de 4,2 milliards d’euros, ce qui est considérable. Dans son rapport de septembre 2012 sur la SNCF et la RATP, la Cour des comptes observe que les différentes réformes de ces régimes se caractérisent davantage par leur « aspect symbolique » que par « leur contribution à l’équilibre des finances publiques » – faisant sans doute référence à l’allongement de la durée de travail qui a été compensée par une accélération vertigineuse des carrières et des fins de carrière. On pourrait penser que, à la SNCF notamment, la pénibilité du travail justifiait de telles compensations. Or l’espérance de vie y est la plus longue de tous les secteurs.

Le programme 197, « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », retrace principalement la subvention d’équilibre de l’État pour les charges de retraite.

Enfin, le programme 195, « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », est doté de 1,518 milliard d’euros.

L’examen de ces crédits m’inspire quelques questions. Dans son rapport relatif aux deux réformes de la RATP et de la SNCF, la Cour des comptes affirme que « l’importance des mesures compensatrices accordées et leur impact sur la structure d’emploi des entreprises amènent à anticiper […] un bilan financier global négatif pour la présente décennie et sans doute seulement légèrement positif pour les vingt ans qui viennent ». On peut se demander comment il se fait que le contribuable, dont l’âge de départ a été retardé et la durée des cotisations allongée sans compensation, subventionne des régimes de retraite pour lesquels des efforts moins importants ont été demandés. J’aimerais avoir votre avis sur ce sujet.

La réforme de 2009 ayant porté création du Service des retraites de l’État avait pour objectif de centraliser la gestion des pensions civiles et militaires de l’État pour en améliorer l’efficacité et en réduire le coût. Toutefois, les réductions d’emplois prévues ont été revues à la baisse. En 2010, la réduction des effectifs était estimée à 757 équivalents temps plein (ETP), alors qu’elle était de 1 200 ETP en 2007. Selon la note d’exécution budgétaire sur le CAS de la Cour des comptes de mai 2012, cette baisse des réductions d’effectifs prévues s’expliquerait par une résistance partielle des ministères employeurs qui expriment ainsi le besoin de conserver des services pour la gestion et surtout l’information du personnel sur ces questions. Comment accélérer les économies d’échelle en centralisant définitivement la gestion et l’information des retraites de l’État ?

Dans sa note d’exécution budgétaire de mai 2012 sur le CAS « Pensions », la Cour des comptes a annoncé que la Direction du budget et le Service des retraites de l’État travaillaient depuis 2010 à un projet de décret, qui a notamment pour objet d’« infliger des pénalités aux ministères qui ne verseraient pas à temps leurs subventions », comme cela se pratique dans le secteur privé vis-à-vis des employeurs retardataires. Je souscris, pour ma part, à cette importante recommandation, car les retards dans les versements de subventions fragilisent sensiblement la trésorerie du compte. Pourriez-vous détailler les modalités d’application de ce décret et nous donner éventuellement sa date d’entrée en vigueur ?

La mission « Régimes sociaux et de retraite » n’intègre pas l’ensemble des crédits engagés par l’État pour le financement des régimes de retraite : il ignore par exemple ceux de l’Opéra de Paris ou de la Comédie française. Je m’étonne que le périmètre de la mission ne présente pas l’ensemble des régimes spéciaux de retraite qui sont largement subventionnés par le contribuable. Quel est votre avis à ce sujet ?

Enfin, le compte d’affectation spéciale fait face à un problème récurrent de surestimation des retraites, quelle que soit la couleur politique des gouvernements. En loi de finances initiale pour 2011, la surévaluation des recettes était de 300 millions d’euros. L’administration a donc été contrainte de proposer un versement de 237 millions d’euros en provenance du budget général, au moyen de la loi de finances rectificative de décembre 2011 et, bien sûr, d’un décret de transfert, ce qui est contraire au droit budgétaire. Pour résoudre le problème, le gouvernement d’alors a proposé l’inscription, dans la loi de finances pour 2012, de 250 millions d’euros de crédits qui faisaient office de provision sur le programme 195, afin de pallier les éventuelles difficultés de financement du CAS. Dans sa note d’exécution budgétaire de mai 2012, la Cour des comptes a estimé que ce « stratagème » ne pouvait tenir lieu de solution. Quelle est l’analyse du Gouvernement sur cette question, pour l’exercice 2013 comme pour les années à venir ?

M. Alain Tourret, président, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Je m’exprimerai à la fois en tant que rapporteur pour avis et en tant qu’orateur au nom du groupe RRDP.

Les crédits du programme 148, « Fonction publique », de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s’élèvent à 213 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 217 millions d’euros en crédits de paiement, soit, par rapport à l’an dernier, une diminution de 4 % qui reflète la maîtrise des dépenses de fonctionnement et l’effort de stabilisation de l’emploi public.

Je tiens à remercier les services du ministère de la fonction publique – qui nous ont parfaitement répondu, et en temps voulu – et les services de la Commission des lois.

Je me suis demandé en quoi la fonction publique se devait d’être exemplaire : après tout, si elle a un statut, c’est pour être exemplaire. Après avoir entendu plus de quarante personnalités, nous avons décidé de travailler sur un sujet essentiel : les discriminations dans la fonction publique.

Il est très difficile de contrôler les discriminations dans la fonction publique. On n’y reconnaît même pas l’existence du harcèlement moral, phénomène qui aboutit pourtant à la destruction du lien social et dont la gravité est reconnue dans le secteur privé, et l’on ne trouve donc aucune analyse, aucune étude chiffrée le concernant dans les trois fonctions publiques. Il est pourtant indispensable que la représentation nationale dispose de renseignements à cet égard. Je propose donc de créer un Observatoire des discriminations dans la fonction publique – qu’elles soient liées au sexe, au handicap, à des inégalités de rémunération –, qui pourrait travailler au côté de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

J’ai été très surpris qu’une importante différence de rémunérations entre les hommes et les femmes persiste dans les trois fonctions publiques : on constate, en fin de carrière, une différence de plus de 16 % entre la rémunération d’un homme et celle d’une femme qui ont pourtant commencé au même niveau et ont pareillement travaillé. Comment expliquer cela ?

En tant que spécialiste de droit social, je peux prédire que des centaines de milliers de femmes introduiront un jour un recours collectif contre l’administration et contre l’État, en réparation du préjudice financier qu’elles subissent. Ce sont ainsi des milliards d’euros qui seront réclamés à l’État dans les années à venir. Je propose donc que l’on crée dans la fonction publique un comité des rémunérations, comme il en existe dans certaines grandes entreprises : il serait compétent pour engager, le cas échéant, une procédure pour résorber les écarts salariaux injustifiés. Je rappelle que, lorsque ces écarts sont constatés, la charge de la preuve est inversée : il appartient à l’employeur de justifier, salarié par salarié, le niveau de la rémunération servie. La situation est insupportable et il est important d’y remédier.

Puisqu’il faut renseigner l’ensemble des chefs de service et l’ensemble des fonctionnaires sur leurs droits et sur les obligations qui incombent à chaque responsable en cas de discrimination, je suggère de consacrer 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discrimination – ce qui se fait actuellement dans les grandes entreprises qui ont, de ce fait, obtenu des résultats notables.

Je propose par ailleurs que l’on transmette chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat le bilan détaillé de la mise en œuvre des dispositifs de nomination. Depuis la loi du 12 mars 2012, il est indispensable de rattraper le très grave préjudice subi par les femmes, qui ont du mal à accéder aux emplois supérieurs et aux emplois à discrétion.

En 1997, lorsque j’ai été élu député, j’avais remarqué que l’équipe gouvernementale traduisait une certaine recherche de la parité. Malheureusement, sur les quarante ministres, un seul avait une femme comme directeur de cabinet. Aujourd’hui, les progrès sont notables. Dans le gouvernement de M. Ayrault, six ministres ont choisi une femme comme directeur de cabinet. Je signale toutefois que ce n’est le cas que de deux des dix-neuf ministres femmes.

Il y a beaucoup de progrès à faire. Au ministère de la culture, les directeurs des théâtres subventionnés sont des hommes, à 91 %. Les pourcentages sont comparables dans les collectivités territoriales, s’agissant des directeurs de service dans les régions ou, dans la fonction publique hospitalière, s’agissant des directeurs des grands hôpitaux.

Vous avez voté, dans la précédente législature, avec la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 et la loi du 12 mars 2012, l’obligation de revenir sur ces pourcentages à partir de 2013. Le problème, c’est que, en cas de manquement, les sanctions seront d’ordre financier. Or il ne sert à rien d’infliger une sanction financière à une administration, qui pourra récupérer ce qu’elle a perdu dans un collectif plus ou moins lointain.

Pour autant, peut-on obtenir l’annulation de toutes les nominations qui ne respecteraient pas les principes de recherche de parité ? En tant que juriste, nous nous heurtons à un obstacle : il n’y a pas de nullité sans texte. Mais, selon le vice-président du Conseil d’État que j’ai consulté à ce propos, une expertise juridique permettrait de savoir si la chose est possible. Dans la négative ou dans le doute, il faudrait changer la loi et instaurer cette possibilité d’annulation.

Une telle procédure existe dans le droit du travail pour les délégués syndicaux, pour les femmes enceintes, pour les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible dans ce cas, alors même qu’un principe fondamental, constitutionnel, serait bafoué.

Par ailleurs, j’ai demandé que l’on garantisse aux personnes en situation de handicap un droit effectif de saisine directe du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. La loi existe, mais les décrets n’ont pas encore été pris. Il faut qu’ils le soient rapidement.

J’ai proposé d’approfondir le rapprochement entre l’École nationale d’administration (ENA) et l’Institut national des études territoriales (INET), nos deux grandes écoles de fonctionnaires. Je sais, madame la ministre, que vous y êtes favorable. Cela me semble indispensable, alors que nous allons nous engager dans une nouvelle étape de la décentralisation, qui se traduira par le recrutement de cadres de haut niveau dans les collectivités territoriales.

J’ai aussi demandé l’inclusion dans le statut général de la fonction publique d’un nouveau critère de discrimination – les syndicats ont beaucoup insisté là-dessus – qui pourrait être « la situation de famille ».

Je voudrais enfin attirer votre attention sur deux propositions qui, je le sais, ne sont pas fédératrices.

Premièrement, ne faut-il pas détacher la haute fonction publique du statut de la fonction publique ? Nous ne pouvons pas éluder la question. Il me semble important que les 2 000 personnes qui constituent le vivier de la haute fonction publique soient recrutées sur des contrats sui generis – portant sur leurs possibilités de travailler avec le Gouvernement, leur choix, leur révocation, leurs rémunérations, etc. Aujourd’hui, nous assistons au départ des hauts fonctionnaires vers le privé, ce que je trouve insupportable. Le privé doit être attiré vers le public, et non l’inverse. Faute de quoi, se crée cette « zone grise », dénoncée par le Service central de prévention de la corruption.

Deuxièmement, je propose que tout fonctionnaire, élu député ou sénateur, qui a déjà exercé un mandat législatif, doive choisir, une fois réélu, entre son deuxième mandat législatif et son appartenance à la fonction publique. M. Bruno Le Maire m’a certes coupé l’herbe sous le pied avec sa proposition de loi. Il n’en reste pas moins qu’un tel dispositif permettrait de rétablir une certaine égalité entre tous les parlementaires.

M. le président Gilles Carrez. Ma question porte sur le programme 221, « Modernisation de l’État ».

Notre rapporteure spéciale a commencé son rapport par la phrase suivante : « Le projet de modernisation de l’État constitue une priorité, après cinq années de RGPP que l’on peut assimiler à cinq années perdues. » Certes, la RGPP a regroupé essentiellement des fonctionnaires de l’État. Seuls deux élus, les deux rapporteurs généraux, y ont été associés, ce qui était regrettable. Le processus était donc assez technocratique et centralisé, les services déconcentrés de l’État n’ayant pas été très présents ni suffisamment associés, comme je l’ai remarqué à plusieurs reprises. En revanche, les services de Bercy ont été omniprésents, directement ou par le biais de leurs inspections. Pour autant, peut-on être aussi catégorique ? N’est-il pas excessif de prétendre que ces cinq années sont « perdues » ? J’aimerais connaître l’appréciation du ministre responsable de l’administration qui a le plus travaillé sur la RGPP.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je remercie la Commission des finances de son suivi et de son attention. Ses auditions et ses travaux sont toujours très utiles, et ils sont d’ailleurs exploités par nos services.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer devant vous sur les grandes orientations de la politique budgétaire du Gouvernement et sur l’architecture du projet de loi de finances. Le budget de mon ministère est directement concerné par cinq des six programmes de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Je ferai à cet égard trois brèves observations générales.

Le ministère des finances est exemplaire. Il contribue au redressement des finances publiques, avec 2 353 suppressions d’emplois, dont 2 203 pour la mission « Gestion des finances publiques » et une baisse des crédits de la mission de 1,9 % en 2013 à périmètre constant, hors charges de retraites.

J’ai lu que les économies seraient un mythe. Je peux vous assurer que ce n’est pas le cas de manière générale et que ça ne l’est pas plus pour mon ministère, qui, dans le cadre de la RGPP, a déjà été touché par d’importantes restructurations, au point que les agents s’en sont inquiétés. J’ai présidé, la semaine dernière, un comité technique ministériel auquel assistaient Jérôme Cahuzac et les autres ministres de Bercy. Il a permis d’engager, sur les questions budgétaires, un dialogue franc et transparent avec les organisations syndicales. Nous assumons ces économies, mais nous voulons les mettre en œuvre différemment.

Monsieur le président, la question que vous me posiez s’adressait en fait à Mme la rapporteure spéciale. Je me contenterai de vous renvoyer, les uns et les autres, aux travaux qui ont été remis au Premier ministre par les différentes inspections, dont l’Inspection générale des finances, avec qui je m’en suis entretenu.

Le rapport de l’IGF fait apparaître ce que cette procédure a pu apporter, ce qu’étaient ses considérables lacunes et les importantes modifications qui s’imposent si l’on veut moderniser l’État et la fonction publique dans le respect des agents. J’ai d’ailleurs noté que tous les intervenants, quelle que soit leur sensibilité politique, ont manifesté leur respect pour la fonction publique. Celle-ci en a besoin. En effet, il arrive que l’on entende une autre musique ! Pourtant, la fonction publique a été amenée à faire des efforts très importants, au service du pays, dans la production de services publics, et maintenant aussi dans la réalisation des économies.

D’autre part, ce budget exigeant exclut les coupes aveugles. Nous avons voulu rendre des arbitrages différenciés, intelligents, en fonction des priorités, de la réalité des missions et des gains de productivité possibles. Ainsi, lorsqu’une mission est totalement nouvelle, il en est tenu compte – par exemple, la taxe poids lourds à la Direction générale des douanes, avec 300 emplois dédiés.

Les investissements structurants sont préservés. Je pense au renouvellement du matériel de surveillance de la douane – pour 60 millions d’euros d’autorisations d’engagement, en hausse par rapport à 2012 – ou à la refonte de la gestion de la paye de l’État. La répartition des suppressions d’emplois entre métiers et entre territoires se fera en fonction de la charge de travail, sur la base d’une analyse très fine. Ainsi, à la DGFIP, le poids des fonctions d’accueil au public sera mieux pris en compte. C’est en effet prioritaire.

Enfin, ce budget exigeant sera soutenable, grâce à un effort résolu de modernisation, qui se fera en concertation, très en amont des réformes, en réfléchissant systématiquement à l’impact des actions de modernisation sur les conditions de travail des agents – je leur en ai parlé la semaine dernière – et en traçant des perspectives pluriannuelles. C’est en ce sens que j’ai demandé à la DGFIP et à la direction générale des douanes de lancer des réflexions stratégiques et à moyen terme, qui aboutiront au premier semestre 2013. Il s’agit de garantir la cohérence des missions et des moyens, et de donner du sens aux réformes.

Pour réussir, il nous faudra faire preuve de pragmatisme – pas de schémas d’organisation uniformes –, chercher la simplification là où elle est pertinente, et tirer encore davantage parti du développement de l’administration électronique. Je suis convaincu, comme je l’ai indiqué dans le cadre du séminaire gouvernemental, qu’il y a là non seulement un gisement d’économies, mais encore un moyen d’alléger et d’enrichir les tâches, et d’améliorer la qualité du service.

J’ai tenu à faire ces observations préalables, afin de situer les réponses dans un cadre global.

Madame Berger, le programme 221 comprend sept objectifs, pour un total de 258 millions de crédits de paiement demandés pour 2013.

Suite au séminaire gouvernemental du 1er octobre, il a été prévu d’intégrer la DGME dans une structure plus large. Il serait cohérent que, à terme, les effectifs et les moyens de celle-ci soient eux aussi gérés par le Premier ministre – mais cette question doit faire l’objet d’une expertise. Mme Lebranchu reviendra sur ce point.

Le système d’information Chorus est désormais totalement opérationnel. Son déploiement en quelques années était une gageure pour les administrations concernées, qui devaient procéder à un changement d’outil et d’organisation. Après une phase d’apprentissage en 2010-2011, le traitement de la dépense et de la dette est aujourd’hui plus fluide ; on note en outre une nette réduction des délais de paiement, avec moins de vingt-cinq jours en 2012, contre plus de trente-cinq en 2011 – le délai réglementaire étant de trente jours : l’État n’est pas un mauvais payeur. Au plan organisationnel, des services facturiers ont été déployés dans l’ensemble des régions pour un premier groupe de ministères – économie et finances, santé, travail, culture –, et placés auprès du réseau comptable ; ils reçoivent et traitent les factures des fournisseurs. Ils contribuent à la meilleure maîtrise des délais de paiement de l’État, ce qui inciterait à une généralisation progressive du dispositif. La comptabilité de l’État a été intégrée dans Chorus cette année. Cela marque l’achèvement du déploiement de l’outil ; les comptes 2012 seront les premiers tenus par Chorus.

Il convient désormais d’optimiser l’utilisation du système, de faciliter l’appropriation des processus par les acteurs de la dépense et, au-delà, de créer des centres de service partagés. Tous les gains escomptés n’ont pas encore été obtenus. Pour y parvenir, je souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les actions à mener, en étroite liaison avec le ministère chargé de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Cet outil informatique a fait l’objet de nombreuses critiques, mais force est de reconnaître que son déploiement a été réalisé avec un temps d’avance sur l’organisation financière de l’État. Je ne renonce pas pour autant à améliorer celle-ci : les choses doivent avancer de conserve.

La création en 2007 de l’Opérateur national de paye (ONP) répondait à quatre impératifs : remplacer les applications vieillissantes de la DGFIP, afin d’assurer la continuité de la paye des agents de l’État – soit 2 millions de personnes ; améliorer la qualité du service rendu aux agents – rapidité, exactitude – et aux employeurs publics – application homogène des règles, simulation de la paye ; susciter des gains de productivité sur la gestion administrative de la paye ; enfin, permettre à la direction du budget, à la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), aux ministères et aux gestionnaires opérationnels de mieux piloter leur masse salariale et leurs effectifs.

Pour ce faire, une organisation particulière a été retenue : l’ONP est un service à compétence nationale, rattaché à deux ministères. On note aujourd’hui de solides avancées sur les fondamentaux ; les raccordements effectifs des systèmes d’information des ministères auront lieu entre 2013 et 2016. Il s’agit d’un projet structurant qu’il convient de poursuivre, en tenant les nouveaux délais.

Il est vrai que la gouvernance est une difficulté majeure du programme. Le comité d’orientation stratégique interministériel ne suffit pas. Une réflexion est en cours afin de rendre le dispositif plus efficace, en étant peut-être plus contraignant à l’égard des ministères qui doivent adapter leurs systèmes d’information aux exigences du projet. En toute hypothèse, le cabinet du Premier ministre entend jouer son rôle d’arbitrage en cas de besoin.

Je ne crois pas qu’il faille pour autant rattacher l’ONP à Matignon : il s’agit d’une mission opérationnelle, avec des dimensions techniques et financières importantes, qui nécessitent une collaboration quotidienne étroite avec la DGAFP. Un rattachement au Premier ministre risquerait de faire de l’ONP un électron libre, sans régler le problème de sa gouvernance.

Monsieur Dumont, la politique immobilière de l’État a obtenu des résultats incontestables, avec une réduction des surfaces de bureau de 525 000 mètres carrés depuis 2007, une économie de fonctionnement évaluée à 250 millions d’euros à la fin 2011, et des produits de cession, estimés à près de 4 milliards d’euros, qui financent l’investissement immobilier. Elle s’est traduite par l’adoption d’une vision stratégique, qui a permis la mise en place d’une politique immobilière plus rationnelle et plus économe. Sachez que la volonté de l’État est intacte, et que la poursuite d’une politique immobilière dynamique est tout à la fois nécessaire – car respecter la trajectoire de redressement des finances publiques implique d’optimiser l’ensemble des dépenses de fonctionnement – et importante en termes de fonctionnement des services et d’amélioration des conditions de travail des agents ; il ne faut pas aborder l’immobilier sous le seul angle budgétaire. Mon ministère jouera donc son rôle de pilotage de cette politique, via France Domaine.

S’agissant des opérations ponctuelles citées, l’État envisage de restructurer l’ensemble immobilier « Ségur-Fontenoy » afin d’y installer un « centre de gouvernement ». L’opération a pour objectif de regrouper une partie des services du Premier ministre et plusieurs autorités administratives indépendantes se consacrant à la défense des droits et des libertés. Le dispositif retenu prévoit de transférer les droits réels immobiliers à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), société anonyme dont l’État détient la totalité du capital, afin que celle-ci assure directement la maîtrise d’ouvrage des travaux de restructuration. La SOVAFIM a été mandatée par le précédent gouvernement pour engager les études préalables à ce projet. Ses conclusions ont été présentées au Conseil de l’immobilier de l’État (CIE), qui leur a donné un avis favorable, tout en recommandant d’améliorer la performance du dispositif.

Il convient de stabiliser l’ensemble des paramètres avant de lancer le projet. À ce jour, aucune décision n’a encore été prise. Je souhaite que des économies significatives et un effort supplémentaire de rationalisation soient réalisés. Le bon équilibre du projet suppose que toutes les administrations et autorités administratives indépendantes jouent le jeu de l’optimisation des espaces et du respect de la politique immobilière de l’État. Le projet sera de nouveau soumis au CIE en cas de modification sensible des arbitrages.

Le projet de regroupement du ministère de l’écologie à La Défense a lui aussi été soumis au CIE. Les services seraient maintenus dans la paroi sud de la Grande Arche, bien domanial, la paroi nord restant une propriété privée. Ce projet vise à permettre des économies importantes de loyer et une rationalisation des implantations. Il entraînerait des travaux importants d’entretien de la Grande Arche, la réouverture de son toit et l’optimisation des espaces – susceptibles de contribuer à l’amélioration architecturale de l’ouvrage. Hors de la Grande Arche, les services seraient concentrés sur un seul site propre. Nous sommes bien évidemment à votre disposition pour débattre de la suite de ce projet.

Pour ce qui est du Pentagone, il a été décidé, après discussion, de maintenir le projet ; il s’agit d’un chantier ambitieux, très lourd, et sa remise en cause conduirait en effet à des coûts de dédit et à des frais financiers massifs. Les difficultés rencontrées avec la mairie de Paris sont en voie d’être levées. Toutefois, l’opération fera l’objet d’un suivi attentif par les ministères des finances et de la défense, pour ce qui est de la construction comme des cessions associées.

Monsieur de Rocca Serra, je vous rassure : nous lançons l’exercice stratégique, avec un rendez-vous au printemps 2013, sous l’égide du nouveau directeur général des finances publiques. Une démarche similaire aura lieu à la direction générale des douanes et des droits indirects.

Nous sommes favorables à une évolution pragmatique et concertée du réseau de la DGFIP, notamment pour les trésoreries. Il convient de faire évoluer les différents maillages administratifs et territoriaux en fonction du développement de l’intercommunalité, des flux de population et des attentes des usagers. Il faut aussi assurer de bonnes conditions de travail et un niveau élevé de sécurité aux personnes et aux valeurs ; à cet égard, nous sommes très attentifs aux incivilités et aux violences dont les agents des finances publiques sont victimes sur l’ensemble du territoire national.

Enfin, il faudra tenir compte de l’évolution de la carte hospitalière, la DGFIP étant fortement sollicitée sur les dossiers de restructuration affectant le monde hospitalier. Il n’existe bien évidemment aucun objectif quantitatif annuel pour ce qui concerne les fermetures : si l’on doit pouvoir fermer des trésoreries lorsqu’elles ne répondent plus aux attentes des publics, il convient de privilégier une approche intelligente.

Le programme Copernic a été lancé au début de l’année 2001, avant même la création de la DGFIP. Il a pour objectif d’aboutir à un système d’information fiscal unique, décloisonné et partagé. La première étape de ce programme s’est concrétisée, pour les usagers, par la mise à disposition d’un portail fiscal et d’un bouquet de services sur internet, et, pour les agents, par un portail métier et par de nouvelles applications. Une seconde étape a été engagée, qui a donné lieu à la réalisation de référentiels nationaux, à la refonte de l’application de gestion foncière, à la départementalisation des bases et à la refonte de l’application de gestion de la population des professionnels des régimes fiscaux. Cette étape est en voie d’achèvement ; le plan opérationnel 2013-2014 prévoit de nouveaux services à destination des usagers, comme l’accès à l’avis d’imposition électronique ou l’ouverture d’un service d’évaluation des biens immobiliers sur internet ; nous voulons également simplifier les outils à destination des agents.

Le programme Copernic était initialement doté d’un budget pluriannuel de 911,5 millions d’euros. Cette réserve donne lieu depuis plusieurs années à des reports de crédits, ce qui est une technique budgétaire assez fragile. Il faut que les projets en cours soient menés à leur terme, à l’aide d’une gestion souple et intelligente.

L’accueil du public sera l’une des priorités du nouveau directeur général des finances publiques. La dématérialisation ne peut certes pas tout résoudre, mais on peut progresser encore sur ce plan. Toutefois, le contact humain restera toujours nécessaire.

Nous privilégions une approche pragmatique pour faire évoluer le réseau, mais les priorités restent le service à l’usager et les conditions de travail. L’accueil est un métier, qui doit être au cœur de la mission de service public.

Le calendrier relatif à la mise en œuvre de l’écotaxe sur les poids lourds est globalement respecté. Son entrée en vigueur est prévue pour avril 2013 sur le réseau routier alsacien, et pour juillet 2013 sur le réseau national non concédé. Il s’agit d’un dispositif coûteux, qu’il n’est plus possible de remettre en cause. Le rôle de la DGDDI dans le dispositif est bien cadré, et la douane met en place les moyens nécessaires. Les effectifs nécessaires à la gestion et au suivi de la nouvelle taxe sont prévus par le projet de loi de finances pour 2013 et le site de Metz a été retenu pour accueillir le futur service. Le budget total pour la DGDDI sera d’environ 22 millions d’euros en 2013.

Le contrôle fiscal est une priorité pour nous : il s’agit d’une question d’équité et d’efficacité. La fraude évoluant très vite, il faut se moderniser et mieux articuler contrôle sur pièces et contrôle sur place. L’utilisation des techniques modernes de détection de la fraude est nécessaire, mais, rassurez-vous, tout ne sera pas fait par des algorithmes : le flair de l’inspecteur des finances publiques est irremplaçable ! Nous travaillons aussi sur de nouveaux outils juridiques collectifs ; un paquet « fraude » sera notamment présenté dans le prochain collectif.

Monsieur Censi, la réforme de la chaîne des pensions, décidée en 2007, vise à mettre en place un système de liquidation des pensions plus efficace et moins coûteux tout en améliorant le service aux agents. Il s’agit d’une réforme utile, dont la Cour des comptes a dressé un premier bilan en 2012. La Cour donne acte à la DGFIP des actions menées, notamment la création du Service des retraites de l’État (SRE) et les travaux conduits sous l’impulsion du comité de coordination stratégique. Elle note toutefois que les suppressions d’emploi sont inférieures à ce qui avait été annoncé. Surtout, elle observe la réticence de certains ministères à transférer l’expertise retraite au SRE, ce qui risque de vider la réforme de sa substance. Il importe de mener à bien cette réforme structurante qui, par certains aspects, se rapproche de la réforme de la paye. C’est un exemple de mesure qui sera poursuivie, même si le gain en emplois est plus faible que prévu.

S’agissant du compte d’affectation spéciale « Pensions », le projet de loi de finances pour 2013 dote le programme 741 de recettes excédant les dépenses de 689 millions d’euros, ce qui permet de porter le niveau du solde cumulé fin 2013 à environ 1,3 milliard d’euros. Sachant que la Cour des comptes, dans sa note d’exécution budgétaire relative à l’exercice 2011, évaluait le niveau de stabilité à 1 milliard d’euros, l’équilibre du compte devrait être rétabli.

Pour ce qui concerne le recouvrement des cotisations et les pénalités, les projets de décret m’ont été communiqués le 19 septembre ; ils paraîtront probablement d’ici à la fin de l’année.

Pour finir, je remercie les rapporteurs pour la pertinence de leurs remarques et l’attachement qu’ils montrent à la fonction publique et au service de l’usager.

(M. Jean-Jacques Urvoas remplace M. Alain Tourret à la présidence.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame Berger, votre question sur la direction générale de la modernisation de l’État trouve en partie sa réponse dans le rapport des inspections sur le bilan de la RGPP. Un petit rappel historique est nécessaire pour bien comprendre les choses.

Lorsqu’il a été décidé de mettre en place la DGME – avec une part importante de consultants en son sein –, l’objectif annoncé était d’analyser « objectivement » les services, la façon dont on les rendait et de faire des propositions fondées sur des audits. En réalité, il s’agissait de réunir sous l’autorité du directeur du budget la DGME et la DGFIP ; le rassemblement de ces trois directions devait permettre de faire progresser la réforme de l’État. En conséquence, la DGFIP, descendue de quelques marches, s’est probablement moins impliquée qu’elle n’aurait pu le faire.

Nous avons décidé d’assurer une certaine continuité et de ne pas supprimer complètement la DGME. Suite à plusieurs réunions interministérielles, il a été décidé de nommer un secrétaire général de la modernisation de l’État, qui sera rattaché au Premier ministre. Au sein de la DGME, il y aura une direction de la modernisation de l’État et une direction des services d’information et de communication, pour l’heure rattachés au secrétariat général du Gouvernement. J’espère que ce dispositif fonctionnera de façon rationnelle, organisée et efficace.

Une meilleure coordination des travaux interministériels sur le fonctionnement des services déconcentrés est nécessaire. Souvent, quand on commente la RGPP, on oublie que celle-ci est concomitante de la réforme de l’administration territoriale de l’État (REATE) et qu’il y a reconcentration à l’échelon régional de l’encadrement de la fonction publique ; en conséquence, on rencontre dans les départements de plus en plus de difficultés à coordonner les équipes et à leur donner leur feuille de route.

L’impression de désordre des services déconcentrés de l’État est donc en partie une réalité. Notre objectif est de procéder à une analyse, de demander aux ministres de proposer des évolutions du droit et des politiques publiques et, surtout, d’être responsables de nos administrations en veillant à ce que, dans cette période de réduction des effectifs, les services déconcentrés ne soient pas une « variable d’ajustement ».

La présence physique des agents est importante ; et si l’on veut un État stratège, garant et protecteur, il faut aussi que cet État soit présent. La nouvelle organisation doit être un centre de ressources pour tous les ministères afin que, tout en ayant des missions différentes, ils visent les mêmes objectifs avec les mêmes moyens. Il s’agit donc bien d’une réécriture.

Vous avez raison, madame Berger : le problème de la RGPP, c’est qu’elle s’est traduite par l’application aveugle de la règle arithmétique du non-remplacement de un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Pour répondre aux syndicats qui dénonçaient cet aspect, on a ajouté plusieurs centaines de mesures visant à améliorer le fonctionnement des administrations, dont l’administration électronique. La plupart n’ont pas dépassé le stade de l’exposé des motifs ! Il nous faut donc les remettre sur le métier.

Les élus locaux ont beau nous demander de leur rendre leur DDEA, leur DDASS ou leur DDE, il est hors de question pour nous de revenir sur la REATE et sur cette nouvelle organisation. En revanche, il convient de renforcer l’efficacité de l’action publique, depuis l’administration centrale jusqu’à son exercice déconcentré. Nous partageons donc votre analyse, et peut-être serait-il utile que nous nous rencontrions plus longuement afin d’examiner les mesures évoquées.

Il faut donc tenir compte de l’histoire et en tirer des leçons. Le bilan est nécessairement complexe. L’ONP est une belle avancée, mais, jusqu’à la fin juillet, la question des jours de carence n’était pas réglée, car il fallait examiner tous les arrêts de maladie, qui, jusque-là, n’étaient pas pris en compte ; la dépense occasionnée fut importante et la recette n’a pas été à la hauteur des attentes. Ces sujets sont très présents dans l’agenda social.

De même, il convient de remédier à l’absence d’organisation des services prospectifs de l’État, pour que celui-ci soit un centre de ressources pour les collectivités territoriales aussi. Sur ce sujet, comme sur celui des opérateurs, il nous faut analyser, proposer, décider. De nombreuses missions ont été confiées à des agences ; s’il est hors de question de revenir sur toutes, peut-être devrions-nous nous demander s’il ne serait pas préférable de réinternaliser certaines fonctions.

Vous avez raison, monsieur Gagnaire : notre travail essentiel dans la période qui s’ouvre, avec le nouveau projet de décentralisation, sera de redéfinir les missions de l’État autour des quatre impératifs d’un État stratège, garant, protecteur et présent. Nous envisageons d’ailleurs de présenter, en même temps que le projet de loi de décentralisation, un document sur la réforme de l’État et les missions de service public.

Les départements et les régions, autrefois collectivités de mission, sont devenus des collectivités de gestion. Les transferts de personnels de l’État qui en ont résulté ont soulevé des problèmes complexes, en raison de leur nombre et de la disparité des régimes indemnitaires. L’organisation des transferts et la concertation sociale se sont néanmoins déroulées dans de bonnes conditions. Très peu de fonctionnaires ont souhaité revenir dans la fonction publique d’État. Toutefois, cette opération lourde n’a pas permis les économies budgétaires attendues pour l’ensemble de la dépense publique. Mais son bilan n’est pas encore définitif : les conseils régionaux examinent actuellement l’évolution des dépenses compte tenu notamment de la création de nouveaux services.

Personne ne conteste les observations de la Cour des comptes sur la maîtrise du processus. Des propositions ont été formulées pour chaque mission.

Le système des heures supplémentaires a représenté une très forte dépense, de 200 euros par agent au ministère de l’éducation nationale, à 500 euros dans certains services du ministère du budget. En raison de l’évolution du droit, certains se sont sentis défavorisés à la lecture de leur feuille de paye, et des négociations avec les syndicats se sont ouvertes sur leur avenir.

Nous avons donc totalement revu l’agenda social des trois piliers de la fonction publique. Disposés à discuter des grilles, des échelles indiciaires et des régimes indemnitaires, nous remettons tout sur la table afin que l’État employeur se montre plus efficace et que l’on rapproche les différents systèmes de rémunération. On ne saurait, sans cela, parler de parcours professionnel, de mobilité ou d’amélioration de la situation de certaines catégories. La fonction publique comporte aujourd’hui 1 800 régimes indemnitaires différents, ce qui aboutit à des réévaluations incontrôlées au gré des demandes catégorielles des ministères. Il a donc été demandé à l’ensemble des ministres de recourir le moins possible, dans les mois qui viennent, aux mesures catégorielles afin de faciliter la mise en place de mesures générales.

Nous réfléchissons également à la fusion des corps de fonctionnaires et à la création d’un corps interministériel. Ces réformes d’importance permettraient de parvenir à des taux de promotion harmonisés entre les ministères et de mieux contrôler les évolutions de carrière. Les négociations sont en cours.

La stabilisation de la masse salariale de la fonction publique dépend, pour 2013, de notre vigilance à l’égard des mesures catégorielles, car cet engagement doit être tenu dans tous les ministères.

Je souhaite un rapprochement entre l’ENA et l’INET. Le taux d’encadrement, dans la première école, est particulièrement important. Sa directrice, nouvellement nommée, nous a demandé un délai de deux mois avant de discuter de ses objectifs et de ses moyens.

Faut-il modifier le classement de sortie de l’ENA ? Sortir « dans la botte » n’apporte aucune assurance de confort dans la vie professionnelle ultérieure. Nombre d’anciens élèves font valoir qu’exercer très jeune certaines responsabilités, par exemple de juger ou de contrôler des fonctionnaires aguerris, peut s’avérer problématique. C’est pourquoi nous réfléchissons à une nouvelle organisation des deux premières années de vie professionnelle, ainsi qu’à un éventuel retour sur expérience, après une dizaine d’années, afin de vérifier que l’orientation d’origine fut bien la bonne et d’étudier la nécessité d’une formation complémentaire ou continue. De surcroît, les stages initiaux ne se situent peut-être pas tous à la hauteur des attentes et des besoins. Nous nourrissons donc l’ambition de disposer d’une grande école de l’administration française.

À force de répéter que la fonction publique n’est pas la plus efficace pour conduire les actions collectives, à force de la désigner comme une charge plutôt que comme une chance pour le pays, nous risquons de provoquer un certain désintérêt à son endroit. Or je souhaite que, dans quelques années, l’ancien rêve redevienne réalité, qu’on s’aperçoive de la très grande qualité de l’action publique menée par nos fonctionnaires et que, de ce fait, renaisse l’envie d’y entrer. Cela implique de recruter davantage de personnes autres que celles ayant réussi des concours à la fin de leurs études. Certes, l’expérience a montré, par exemple lorsque l’administration a fait appel à des consultants, que l’on a parfois tort de croire à leur efficacité combinée, mais il n’en est pas moins important de confronter des cultures différentes. En tout cas, je ne suis pas favorable à la sortie du statut de la fonction publique des cadres de catégories A et A+.

Nous avons souvent tendance à recruter les plus performants et, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, à les orienter vers l’application plutôt que vers la recherche, y compris celle relative à la gestion de nos systèmes publics. Essayons donc de rééquilibrer les choses, pour l’ENA, l’INET et d’autres grandes écoles, en les faisant travailler avec les laboratoires de recherche universitaires. Nous en reparlerons bientôt, sur la base de diagnostics communs.

La prime de fonctions et de résultats (PFR) n’est pas une bonne idée. Elle est, en tout cas, mal appliquée. J’ai donc demandé à l’ensemble des directions des ressources humaines des ministères, ou de leurs secrétariats généraux, d’éviter d’utiliser les crédits correspondants pour traiter des cas difficiles, sans rapport avec les performances professionnelles mais découlant de l’absence de points d’indice ou de la faiblesse des salaires. La PFR n’a pas été créée pour cela, et nous la jugeons d’autant moins efficace que ses enveloppes ont été détournées de leur but initial. Nous préférons recentrer, sans tabou, le débat sur les grilles de salaires et sur les régimes indemnitaires.

M. Alain Tourret a dressé un réquisitoire contre le harcèlement moral. On a beaucoup parlé, souvent à tort et à travers, de « burn out », d’épuisement au travail. Il est vrai que nous devons améliorer la médecine préventive, afin de l’inscrire dans la prévention générale de tous les types de risques professionnels. Leur volet psychosocial constituera d’ailleurs l’un des objets de la négociation qui va s’ouvrir.

L’État et les autres collectivités publiques ne sont pas exemplaires pour l’emploi de personnes handicapées. Il s’agit certes, pour tous les acteurs, d’une priorité de la concertation avec les syndicats de fonctionnaires. Un certain enthousiasme a d’abord prévalu, mais les réalisations n’ont pas suivi les ambitions : seuls 4,22 % des personnels des trois fonctions publiques sont des handicapés. Il subsiste des freins, par exemple lors des concours, y compris les plus élevés, pour les personnes qui ne peuvent écrire et doivent dicter leur devoir.

Les conditions de travail se sont améliorées, par exemple avec l’aménagement des postes de travail. Le fonds ad hoc devrait permettre des progrès supplémentaires, mais il est encore mal utilisé. Nous devons donc, en liaison avec les collectivités locales, nous montrer plus efficaces. Les décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011 portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, dite « loi Blanc », sont en cours de rédaction. Ils devraient apporter des avancées significatives.

Ce que vous avez dit, monsieur Tourret, sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes ravirait Mme Najat Belkacem, qui a pris l’initiative d’établir un diagnostic de la question dans tous les ministères afin de sensibiliser l’administration. C’est dans les fonctions de deuxième rang que les femmes sont les plus rares. Dans la fonction publique, ce sont les femmes qui font 99 % des demandes de temps partiel et cela ne manque pas d’avoir une incidence sur leur carrière. La lutte contre les inégalités entre hommes et femmes ne s’impose pas moins comme un impératif : c’est l’un des premiers sujets que nous avons abordés au sein du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et nous en débattons dans le cadre des comités techniques paritaires et dans celui du dialogue social de proximité.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Même si le programme « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte uniquement sur les crédits de formation professionnelle et d’action sociale dans leur dimension interministérielle, son examen nous offre, chaque année, l’occasion de dresser un état des lieux de la fonction publique d’État et de la comparer aux deux autres fonctions publiques.

Comment le Gouvernement entend-il traduire dans le budget sa nouvelle politique de la fonction publique ? Vous avez, à juste titre, insisté sur l’importance de la concertation, notamment dans le cadre de la conférence sociale.

En dépit d’un contexte budgétaire très contraint, l’État a un devoir d’exemplarité en matière d’emploi, de protection de ses agents et de conditions de travail.

La stratégie de performances décrite par le programme 148 traduit une politique modèle en matière de formation, de lutte contre la précarisation du parcours des fonctionnaires, de mobilité des agents, de dialogue social et de combat contre les discriminations.

De nouvelles perspectives s’offrent ainsi dès 2013, avec la réaffirmation des valeurs du service public, de l’importance du dialogue social, de la santé au travail, de l’optimisation des rémunérations et de l’amélioration des carrières.

Il s’agit de reconnaître la place éminente de la fonction publique et de rompre avec le dénigrement systématique, dont la précédente majorité s’était rendue coupable, faisant des fonctionnaires, au mieux, une variable d’ajustement budgétaire, au pire les responsables de la dégradation des comptes publics. Vous avez bien fait, madame la ministre, de qualifier la fonction publique de « chance » et non plus de « charge ». Aussi bien en a-t-on fini avec l’implacable application de la RGPP et avec la précarisation de la fonction publique.

La logique budgétaire et comptable ne doit pas peser de façon disproportionnée sur la définition des missions de l’État. Faut-il en supprimer certaines ? Quel niveau de service sommes-nous prêts à financer ?

M. Yves Censi, rapporteur spécial. La mise en place de la fiscalité environnementale risque d’entraîner bien des problèmes, notamment pour la mobilisation des effectifs de fonctionnaires chargés d’en assurer le contrôle. Elle risque ainsi de s’avérer très coûteuse, sinon ruineuse. Avez-vous une idée de son coût ?

Madame la ministre, j’approuve votre phrase sur « la chance », plutôt que « la charge », que représente la fonction publique. Mais ne jetez-vous pas trop vite aux orties le principe de la RGPP ? Aussitôt après le vote des lois de décentralisation de 1982, dites « lois Defferre », il aurait fallu rechercher l’accroissement des performances de la fonction publique. Ce qu’on peut reprocher à la RGPP, c’est d’être intervenue trop tard, au moment de la crise des finances publiques. On a cru qu’elle était inspirée par la seule obsession de faire des économies budgétaires, alors qu’elle visait à rationaliser le fonctionnement de l’État.

En 1997, le gouvernement Jospin avait lancé un intéressant slogan, approuvé par notre collègue d’alors, M. Didier Migaud, et par l’actuel président de la Commission des finances : « Dépenser moins pour dépenser mieux ». Il semblerait que, aujourd’hui, vous abandonniez cette maxime. Pourtant, l’objectif n’a pas changé : il ne s’agit ni de dénigrer les fonctionnaires ni de réaliser des économies, mais de dépenser mieux. C’était d’ailleurs le principe fondateur de la LOLF. En quoi consiste dorénavant votre stratégie ?

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons pu constater, à la fin de 2011, une diminution de la masse salariale de l’État. C’était la conséquence d’un ensemble de mesures, dont la RGPP, qui ont été d’autant plus difficiles à réaliser que l’État, moins maniable qu’une barque, se pilote comme un paquebot. Quel est aujourd’hui l’objectif du Gouvernement ? A-t-il renoncé à diminuer la masse salariale ? Vise-t-il sa stabilisation ? Prévoit-il son augmentation ? Le principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a été abandonné, mais on n’est pas plus informé sur vos intentions. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

M. Éric Alauzet. Merci, madame la ministre, monsieur le ministre, de redonner de la valeur au service public. Nous cherchons tous à pratiquer des économies, mais nous ne devons jamais perdre de vue que ce sont, en définitive, les services à l’habitant qui fondent l’existence d’un État que l’on ne saurait réduire à son « train de vie », terme inapproprié au vu de ses missions d’intérêt général.

L’accès aux services publics est crucial pour la vie dans nos territoires. Or nous manquons d’éléments pour en mesurer la qualité, faute d’indicateurs relatifs à la satisfaction du public, de même qu’il est difficile d’apprécier la façon dont les fonctionnaires ressentent les aménagements et réorganisations des services qui les emploient. Jusqu’où peut-on aller ? Cette difficile question ne cesse de se poser.

Je voudrais d’autre part vous interroger sur la lutte contre les fraudes et les trafics, notamment de stupéfiants et de contrefaçons. Ces dernières ont un impact important sur l’emploi – selon le rapport spécial, 38 000 emplois sont touchés en France –, mais aussi sur la santé de nos concitoyens, avec 20 % de cigarettes frelatées, des jouets dangereux pour les enfants ou certains médicaments. Ces risques justifient que vous mainteniez les moyens affectés à cette lutte.

L’écofiscalité joue également un rôle en la matière, même si elle a été introduite par la petite porte, avec la taxe sur les poids lourds et, antérieurement, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Il nous faut désormais mener une réflexion globale sur ce que doit être une écofiscalité moderne au XXIsiècle. Comment les mesures déjà prises s’intégreront-elles dans une stratégie d’ensemble ?

Ma troisième question porte sur les bâtiments de l’État. Le précédent gouvernement avait fixé des objectifs ambitieux avec une baisse de 40 % de la consommation énergétique et de 50 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de huit ans. La rénovation des bâtiments publics représente un important gisement d’emplois, peu susceptibles d’être délocalisés, ce qui peut donc être bénéfique pour l’activité. Vu que le nombre d’emplois créés pour chaque euro investi est plus élevé dans ce secteur que dans d’autres et qu’il s’agit de l’un des rares secteurs où le temps de retour sur investissement est connu et où l’on peut récupérer assez vite les sommes engagées, les dépenses consacrées à la réduction des consommations énergétiques devraient être relativisées. Dans une ville que je connais bien et que connaît bien aussi le ministre, les économies réalisées à la suite de travaux d’économies d’énergies couvrent le coût des emprunts souscrits à cette fin, si bien que l’opération est totalement neutre pour les finances de la ville.

Dispose-t-on aujourd’hui d’éléments d’évaluation des engagements figurant dans la loi Grenelle II ? Où en est-on par exemple de l’engagement n° 182 concernant l’adaptation du code des marchés publics pour que les critères environnementaux soient pris en compte dans les appels d’offres ; de l’engagement n° 183 relatif à la formation obligatoire des hauts fonctionnaires aux questions environnementales, notamment au volet santé et environnement ; de l’engagement n° 186 visant à réduire de moitié la consommation de papier et à ne plus utiliser que du papier recyclé dans les administrations à l’horizon 2012 ; de l’engagement n° 4 visant à établir le bilan carbone de l’ensemble des bâtiments publics ?

M. Gérard Terrier. Je souhaite aborder la question de la propriété des gendarmeries. Certaines sont dans un état incompatible avec l’exercice de la mission de sécurité assignée aux forces. Alors même qu’il s’agit d’une mission régalienne, l’État tente de se défausser sur les collectivités dans des conditions inacceptables. C’est lui en effet qui fixe la qualité de la construction et le prix de la location. De surcroît, il ne prend aucun engagement sur la durée, cette obligation étant laissée aux collectivités. Pourquoi ne pas revenir aux baux emphytéotiques administratifs ? L’argument selon lequel leur coût serait trop élevé me paraît fallacieux, surtout quand on sait le montant des dépenses supportées à ce titre par les collectivités, qui ont déjà subi beaucoup de transferts de charge.

Mme Valérie Rabault. Je tiens tout d’abord à remercier M. Tourret pour sa défense de la parité et de l’égalité hommes-femmes dans la fonction publique. J’y suis d’autant plus sensible que ce plaidoyer émane d’un homme – c’est une avancée.

Comme vous l’indiquez à la page 29 de votre rapport, madame la rapporteure spéciale, la RGPP s’est traduite par une diminution des effectifs de catégorie C plus forte que celle des effectifs de catégorie A. Cela a créé des tensions dans les services et les agents le ressentent sur le terrain, comme je l’ai constaté dans diverses administrations déconcentrées de ma circonscription. Qu’en est-il exactement ?

Comme en atteste le tableau de la page 27 de votre projet de rapport, les efforts n’ont pas été équitablement répartis entre ministères. Un rattrapage est-il possible ?

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le ministre, il semble que le projet de regroupement des services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur le site de La Défense soit une opération exemplaire et que l’on ait suivi les recommandations de la Cour des comptes. Celle-ci indiquait dans un référé que, faute de regroupement définitif sur un seul site, l’opération serait beaucoup plus coûteuse que prévu. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, car le problème est pendant depuis plusieurs années ?

Je suis en revanche extrêmement inquiet de vos propos sur le regroupement de tous les services du ministère de la défense sur le site de Balard. Vous ne nous avez pas dit que ce projet était intelligent et pertinent, ni qu’il était bien trop avancé matériellement pour être remis en question. Vous nous avez seulement dit que les dispositions du contrat rendraient sa remise en question plus coûteuse pour l’État que sa poursuite. Des interrogations existent sur ce contrat de partenariat, auquel des avenants auraient, dit-on, été apportés tardivement – on parle du 5 mai – et dont certaines dispositions poseraient ultérieurement un problème de coût. Le rapport de la mission que vous avez confiée à l’Inspection générale des finances sera-t-il rendu public ? En saurons-nous davantage sur les conditions de négociation du contrat ? Saurons-nous lesquelles de ses dispositions empêchent qu’il puisse être renégocié et quand elles ont été prises ? En effet, 3,5 milliards d’euros dans le contexte actuel, ce n’est pas rien ! Notre assemblée devrait s’intéresser de plus près à ce contrat, voire créer une mission d’information commune à la Commission de la défense et à la Commission des finances sur le sujet. Beaucoup de points demeurent obscurs alors que les enjeux financiers sont considérables.

Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, la RGPP a été une stratégie de taille dans les effectifs, sans réflexion sur les missions. Comme j’ai pu le constater dans une sous-préfecture, le sous-préfet auquel on demandait de faire du développement local était bien en peine de remplir cette mission, n’ayant à sa disposition pour ce faire que des agents d’exécution – je le dis avec tout le respect que nous devons à cette catégorie d’agents.

Cependant, je souhaite vous interroger sur la discrimination dans la fonction publique, sujet évoqué par notre collègue Alain Tourret. La RGPP a aussi conduit à une dégradation interne dans les services, dont les agents, en particulier les femmes, ont pâti : 16 % d’écart de rémunération en fin de carrière entre les hommes et les femmes, c’est énorme. Je souhaiterais que, à l’avenir, on s’attache à prévenir de telles évolutions et qu’avant que les femmes ne décident de prendre un temps partiel ou un congé parental, elles soient clairement informées des répercussions que cela aura sur leur carrière et leur avenir professionnel. Aujourd’hui, cette information n’est pas donnée. Il faudrait être sûr que les temps partiels ne sont pas pris par méconnaissance des dispositifs, et donc subis, mais bien choisis en toute connaissance de cause.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. La RGPP n’était pas une mauvaise idée – la révision des politiques publiques devrait d’ailleurs être une préoccupation permanente, les missions des services publics devant évoluer de façon constante et non par à-coups. Mais, mal interprétée, elle a conduit aux coupes aveugles que vous avez rappelées. Je l’ai déjà dit, la formation a été insuffisante, l’accompagnement qui aurait été nécessaire n’a pas eu lieu. Nous rediscutons avec les organisations syndicales afin d’évaluer la demande des agents sur le terrain et voir quelles réponses nous pouvons y apporter.

S’agissant de la précarisation et de l’insuffisance du dialogue social, vous avez raison. Nous avons relancé le dialogue lors de la conférence sociale de juillet, le travail a d’ailleurs été ardu. Nous avons fixé un agenda détaillé avec des ordres du jour précis : précarisation, conditions de travail, formation, passerelles, travail des femmes, lutte contre les discriminations… Ayant déjà répondu tout à l’heure, je ne m’étends pas sur les problèmes de carrière, même si je comprends mieux maintenant votre question, madame Descamps-Crosnier. Nous sommes à votre disposition pour discuter de ce sujet avec vous. Cette commission élargie me fait prendre conscience de façon encore plus aiguë que nous ne passons pas assez de temps avec les parlementaires pour écouter leurs suggestions.

Pour ce qui est de l’amélioration du service rendu, « l’e-administration » – je préférerais qu’on trouve un autre terme – est un bel objectif, mais n’oublions pas que 30 % de nos concitoyens n’ont pas d’outils informatiques suffisants à leur disposition. Il faut que nous disions où sera le point d’entrée unique des services de l’État. Lorsque le ministre de l’intérieur évoque les sous-préfectures, cela fait peur. Je citerai pourtant l’exemple de Pau où la sous-préfecture a accueilli dans ses murs quelques fonctionnaires de l’agence régionale de santé et de la DGFIP, ce qui a permis de partager un accueil de qualité et de mettre à la disposition des usagers tous les documents administratifs téléchargeables. Le bâtiment continue de s’appeler sous-préfecture, mais ses activités ont été étendues. Voilà un exemple de la proximité et de l’efficacité auxquelles on peut parvenir dans les territoires, au bénéfice des particuliers et des entreprises qui perdent ainsi moins de temps. Après avoir tiré les enseignements de plusieurs expériences réussies comme celle-ci, nous allons poursuivre dans cette voie. Loin de fermer des sous-préfectures, il faut permettre qu’y soient exercées des missions plus larges de service public de l’État. La RGPP, qui n’était pas une mauvaise idée, je l’ai dit, est devenue insupportable pour les fonctionnaires : or on ne peut pas réformer avec succès contre les agents. C’est pourquoi nous souhaitons redonner tout son sens au dialogue social.

Dépenser mieux pour dépenser moins, chacun en est d’accord. C’est notre objectif – qui n’est pas exclusif de la poursuite de la décentralisation. Je ne peux m’empêcher de dire un mot des gendarmeries, même si le sujet ne relève pas de ma compétence. Le délai entre le moment où est constatée l’inadaptation, voire le caractère indigne, d’un bâtiment et celui où les crédits arrivent est parfois si long qu’entre-temps on s’est adressé au conseil général ou à des structures intercommunales. Il faut être franc dans le dialogue avec les collectivités. L’État doit reconnaître que, dans certains cas, il n’a pas rempli sa mission et qu’elles ont dû se substituer à lui. Dans le cas des gendarmeries, les dépenses sont lourdes pour les collectivités, en particulier pour les conseils généraux, qui sont souvent les propriétaires des locaux. Mais je pense aussi aux tribunaux d’instance appelés à étendre leur périmètre d’intervention dans le cadre de la réorganisation des services judiciaires, et qui sont souvent la propriété des communes. Regardons de près ce qui doit incomber à chacun. Comme le Premier ministre en a exprimé le souhait, il faut « un pacte de confiance entre l’État et les collectivités territoriales ». Ce pacte suppose qu’on recense les services que l’État devait rendre aux collectivités et qu’il ne rend plus, ainsi que les bâtiments dont il leur a confié la charge à un moment où il n’avait pas les moyens de les construire.

M. Alauzet demande si nous disposons d’indicateurs permettant d’évaluer l’accès aux services publics. Il fut un temps où nous croulions sous les indicateurs. Or, chacun le sait, lorsqu’il y en a trop, on ne peut plus les utiliser efficacement. Nous allons réétudier tous les panels dont nous disposons pour élaborer des indicateurs acceptés de tous, reposant sur un diagnostic partagé, et vraiment utilisables. Ces indicateurs seront rationalisés.

Quitte à empiéter une nouvelle fois sur les compétences de mon collègue ministre de l’économie et des finances, je dirai un mot des politiques visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments. Ces politiques tendent à la fois à lutter contre le réchauffement climatique et à réduire les dépenses en énergie, tant des acteurs publics que des acteurs privés, qui pourront ainsi gagner du pouvoir d’achat. Parmi un ensemble de mesures, le Président de la République a retenu celle qui propose d’étudier le transfert d’une compétence transition énergétique aux structures intercommunales, lesquelles possèdent déjà la compétence logement, au travers des différents documents d’urbanisme qu’elles sont chargées d’élaborer. Si l’on avance dans cette voie, il sera possible d’établir des statistiques plus rapidement qu’aujourd’hui. Nous disposons pour l’heure d’indicateurs globaux pour trois régions. Nous les tenons à votre disposition.

De l’État et des collectivités, il faut savoir qui fait quoi à quel moment et avec quelles ressources, fiscales en particulier.

Les agents de catégorie C ne doivent pas être « une variable d’ajustement », vous avez raison, madame Descamps-Crosnier. C’est pourtant l’impression qu’ils ont, dans les départements en particulier. Pour l’instant, aucun indicateur ne nous signale qu’on a commencé à réduire le nombre de postes d’exécutants – même si le transfert des routes aux départements a mécaniquement conduit à réduire les effectifs. Mais sur le terrain, les équipes d’agents de catégorie C souffrent d’un manque d’encadrement. Lors de la négociation sociale, nous avions demandé que les carences soient évaluées, à partir de deux directions départementales interministérielles (DDI), et que l’on réfléchisse à une possible réorganisation si la répartition des effectifs se révélait mauvaise. Cela n’a pas été considéré comme de bonne méthode. Nous soumettrons donc à la négociation une nouvelle façon de faire, afin de pouvoir vraiment évaluer la réorganisation des services de l’État sur le territoire. Il est important, le ministre de l’économie et des finances le sait, de connaître, pour chacun des ministères, non seulement les masses, mais aussi la localisation des personnels et les missions qui leur sont confiées. Ce travail, indispensable à la négociation actuelle, est en cours.

Pour ce qui est de la parité et de l’égalité hommes-femmes, je partage totalement ce qui a été dit et n’ai rien à ajouter.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. M. Censi m’a interrogé sur l’objectif « dépenser mieux pour dépenser moins ». Nous dépenserons à la fois moins et mieux, et ferons encore mieux que par le passé.

Madame Rabault, je ne peux vous laisser dire que ce serait une nouveauté qu’un homme s’intéresse à la cause des femmes. Ces propos suscitent chez moi indignation et colère. (Sourires.)

Monsieur Alauzet, il est vrai que la gestion de la fiscalité environnementale a un coût, mais cela ne doit pas être considéré comme une charge. On sait combien il est difficile de faire évoluer les comportements. On sait moins que cela coûte aussi. La collectivité doit accepter et assumer ces coûts. Nous en tenons compte dans l’organisation des services – je pense à la taxe poids lourds qui devrait procurer 1,2 milliard d’euros de recettes annuelles, sur lesquelles 250 millions iront aux prestataires. Il est aussi, heureusement, des mesures peu coûteuses comme la fiscalité sur les biocarburants. En tout cas, le coût ne doit pas être un obstacle au développement d’une fiscalité environnementale intelligente.

Conformément au Grenelle de l’environnement, il a été décidé que l’État devait être exemplaire en matière d’environnement. Un dispositif « État exemplaire » a été mis en place dans tous les ministères. Si un ministère atteint tous les objectifs fixés à ce titre, il peut obtenir des dégels de crédits. Des progrès restent à faire : les comptes d’un département de taille moyenne représentent chaque année 4 tonnes de papier. Quelle économie de papier si on les éditait sur CD-Rom, en même temps qu’on éviterait à des agents de passer une semaine à composer des liasses de dix centimètres d’épaisseur ! Je ne sais, monsieur Alauzet, si on le fait déjà dans le Doubs. Si tel n’est pas le cas, ce serait une excellente idée qu’approuveraient vos collègues. S’agissant de ce concept d’État exemplaire, je vous transmettrai des réponses précises sur les trois programmes que vous avez évoqués. Soyez assuré en tout cas que ces engagements seront poursuivis.

Pour évaluer la qualité de l’accueil, à laquelle vous êtes, comme nous, attaché, ce qui gêne, ce n’est pas l’insuffisance d’indicateurs, mais plutôt leur excès qui entrave leur bonne exploitation. Les multiples indicateurs de la charte Marianne révèlent que les Français apprécient globalement le professionnalisme des agents de la DGPIF et la qualité de leur accueil, notamment dans les centres des finances publiques. Cela ne signifie pas que l’on ne peut pas progresser encore. Nous y travaillons avec les agents et avec les partenaires sociaux. Comme je le lui ai demandé, le directeur général des finances publiques est très attentif à ces questions. Il se rend souvent sur le terrain, où je l’accompagne parfois. Le chantier est vaste, surtout dans un contexte d’économies budgétaires. Mais celles-ci ne doivent pas conduire à une dégradation du service.

Le service des douanes a engagé une action résolue dans la lutte contre la contrefaçon, le trafic de tabac et de stupéfiants. Il a d’ores et déjà obtenu des résultats, avec 462 000 tonnes de tabac et 9 millions d’articles saisis l’an passé. Il adapte en permanence ses outils, et surtout s’efforce de mieux appréhender les chaînes logistiques internationales, en coopération avec nos partenaires européens et étrangers. J’ai eu l’occasion d’aller visiter les services, qui accomplissent un travail remarquable. Il ne faut surtout pas baisser la garde sur ce terrain.

Si le précédent gouvernement avait pris beaucoup d’engagements dans le cadre du Grenelle de l’environnement, force est de constater que seuls les audits ont été réalisés. De premiers éléments de coût sont disponibles, qui devront être analysés. Il s’agit aujourd’hui d’établir des priorités parmi les moyens du programme « Entretien des bâtiments de l’État ». Vous avez eu raison d’insister sur la formation des agents car les comportements sont essentiels. Les cessions et acquisitions doivent être l’occasion d’améliorer la performance énergétique du parc immobilier public.

Ma collègue Marylise Lebranchu a répondu à la question de M. Terrier sur les gendarmeries. Elle n’a pas empiété sur mes compétences, mais seulement anticipé la réponse que j’aurais faite…

Monsieur Lefebvre, comme le préconisaient la Cour des comptes et le Conseil immobilier de l’État, le ministère de l’écologie va très prochainement déménager à La Défense. Cela permettra plus de 10 millions d’euros d’économies de loyer par an. C’est un bon projet qu’il faut mener à bien rapidement.

Sur l’opération de Balard, je resterai prudent à ce stade. Pour un projet de cette envergure, un audit est légitime. Cela ne préjuge pas de la suite de l’opération – il est toujours souhaitable d’optimiser les projets. La Commission des finances sera étroitement associée à cet audit et informée de ses conclusions. Il appartient au Parlement et à lui seul de décider de l’opportunité d’investigations supplémentaires, en fonction de l’appréciation qu’il portera sur les résultats de cet audit.

M. Dominique Lefebvre. Vous êtes en effet prudent, monsieur le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Prudent, mais ouvert. Je garantis à la Commission des finances qu’elle sera informée. Je conçois que des interrogations puissent se faire jour et demandent à être levées.

M. le président Gilles Carrez. Soyez remerciés, madame la ministre, monsieur le ministre, d’avoir répondu à nos questions.

La réunion de la commission élargie s’achève à midi cinq.

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