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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 29 octobre 2013

Présidence de M. Marie-Christine Dalloz,
secrétaire de la Commission des finances,
de M. François Brottes,
président de la Commission des affaires économiques
et de Mme Catherine Lemorton,
présidente de la Commission des affaires sociales.

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

projet de loi de finances pour 2014

Solidarité, insertion
et égalité des chances

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Mesdames les ministres Marie-Arlette Carlotti, Dominique Bertinotti et Michèle Delaunay, je suis très heureuse de vous accueillir ce matin en commission élargie, en compagnie de Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, et de M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, afin d’entendre vos interventions sur les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. La conférence des présidents a décidé que l’ensemble des missions sera cette année discuté en commission élargie, procédure destinée à favoriser les échanges entre les ministres et les députés, et à les rendre aussi interactifs que possibles.

Je vous rappelle les règles des commissions élargies : à la suite de mes collègues présidents de commission, les rapporteurs des commissions prendront d’abord la parole pour une durée de cinq minutes, sous forme de questions adressées aux ministres. Les porte-parole des groupes s’exprimeront ensuite pour une durée de cinq minutes chacun. Tous les députés qui le souhaitent pourront enfin interroger les ministres, la durée de leurs interventions étant limitée à deux minutes.

M. François Brottes, président. Je serai très bref, parce que ce qui importe, en commission élargie, c’est le rapport de ceux qui ont travaillé en détail sur les crédits de cette mission.

Je rappelle simplement, pour ce qui concerne la commission des affaires économiques, que ce budget s’inscrit dans un contexte marqué par trois débats importants. Le premier a porté sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement. Le second porte sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour accélérer les projets de constructions : en effet, un certain nombre de projets de construction de logements sociaux ou d’équipements publics s’enlisent à cause de recours systématiques. Enfin, le troisième porte sur le projet de loi dit ALUR qui nous reviendra prochainement du Sénat.

Je tenais à le rappeler car les débats budgétaires ne doivent pas être isolés de l’ensemble des autres textes législatifs qui entrent actuellement en vigueur ou qui sont toujours en débat. Je ne serai pas plus long, madame la présidente.

Mme Catherine Lemorton, présidente. Je me félicite de l’usage plus étendu qui est fait cette année des commissions élargies. Elles permettent un débat beaucoup plus large, ouvert, clair et transparent.

Les crédits de la mission dont nous discutons ce matin concernent les personnes les plus en difficulté de notre société. Ils sont très importants, qu’il s’agisse du handicap, de la dépendance, du revenu de solidarité active, de l’expérimentation sociale, de la lutte contre la pauvreté.

Je rappelle que le Premier ministre et le Gouvernement ont annoncé qu’un projet de loi sur la dépendance sera examiné au Parlement l’année prochaine. Cette annonce a été confirmée à maintes reprises et je le fais à nouveau. Cette réforme est attendue depuis des années. Le Gouvernement a donné un premier signe la semaine dernière à l’occasion de l’examen d’un amendement du groupe socialiste, qui représente un coût de 100 millions d’euros. Cet amendement a donné lieu à un large débat, et constitue un premier pas vers cette réforme.

Nous serons très attentifs aux questions des parlementaires et aux réponses des ministres.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Je vais à présent donner la parole aux rapporteurs de nos trois commissions.

M. Gaby Charroux, suppléant M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le président, mesdames les ministres, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de notre collègue Nicolas Sansu, qui sera bien entendu présent lors du débat en séance publique, le jeudi 7 novembre.

Cette mission n’a que très peu évolué depuis l’an passé. Elle regroupe cinq programmes de poids budgétaire très inégal. Au total, les crédits s’élèvent à 13,83 milliards d’euros, en augmentation de 3,2 % par rapport à 2013.

Ce budget peut apparaître, à première vue, comme un bon budget, mais ce jugement doit, à mes yeux, être tempéré, car plus de 90 % des crédits sont affectés à des dépenses de guichet, qui ont un caractère automatique, sauf à décider de dynamiter notre modèle de protection sociale… L’augmentation des crédits alloués au programme 157 consacré au handicap et à la dépendance, au programme 304 de lutte contre la pauvreté ou au programme 106 qui regroupe les actions en faveur des familles vulnérables, témoigne plus d’un accroissement des difficultés sociales qui frappent nos concitoyens que d’une amélioration de leur prise en charge.

L’augmentation très importante du programme de lutte contre la pauvreté provient de l’assèchement du Fonds National de Solidarité Active, assèchement qui avait été pointé du doigt l’an passé. Vous le savez, le financement du RSA est conjointement – et inégalement – assuré par les départements et l’État. L’accroissement très important du nombre d’allocataires a conduit à une augmentation de 10 % environ des dépenses de RSA socle hors revalorisation. Cela a des incidences sur les budgets des conseils généraux et sur le budget de l’État et du FNSA pour le financement du RSA activité, car la contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine ne suffit pas.

En outre, en 2014 l’équilibre du financement du FNSA reposera essentiellement sur l’affectation d’une partie du produit de la contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine. L’article 8 du PLFSS prévoyait une hausse de rendement de cette contribution de 109 millions d’euros, compensée par une baisse du taux prévue à l’article 39 du projet de loi de finances. Le Gouvernement a annoncé dimanche 27 octobre qu’il renonçait, pour l’essentiel, à la modification du taux des contributions sociales sur les PEA, les PEL, l’épargne salariale et l’assurance-vie, sauf contrats multisupports. Il résulte donc de cette décision une perte de recettes de plusieurs dizaines de millions d’euros pour le FNSA, alors que sa trésorerie était réduite à l’étiage, soit 39 millions d’euros, dès la fin de l’année 2012.

Deux questions se posent et pas des moindres. Tout d’abord, quelle est la perte de recettes attendue pour le FNSA, en conséquence des décisions annoncées dimanche par le Gouvernement ? Ensuite, comment le Gouvernement compte-t-il assurer l’équilibre financier du FNSA en 2014 afin de lui permettre de financer le RSA activité, la prime de Noël et ses autres charges ?

J’aborde à présent le programme 304, plus précisément l’action 14 qui porte sur l’aide alimentaire. La légère augmentation des crédits nationaux ne compensera pas, à l’évidence, l’évolution négative du programme européen d’aide aux plus démunis. Quelles dispositions le Gouvernement prendra-t-il pour répondre aux besoins croissants de nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à solliciter une aide alimentaire, de l’avis même des associations de solidarité ?

Le programme 106 rassemble les actions en faveur des familles vulnérables. Il s’agit presque totalement de crédits d’intervention qui augmentent avec le nombre de majeurs bénéficiant de mesures de protections juridiques, par exemple la tutelle et la curatelle.

Le programme 157 est le plus important de la mission : il regroupe l’ensemble des crédits que l’État consacre à la politique du handicap et de la dépendance. Il comprend notamment une action consacrée à l’incitation à l’activité professionnelle et, surtout, les crédits correspondant au versement de l’allocation adulte handicapé, dont le montant est désormais stabilisé, puisque le rattrapage de 25 % qui avait été promis a été réalisé. Elle augmente donc de la même manière que les autres prestations.

Toutefois, malgré une augmentation limitée de l’AAH, nous constatons que l’accroissement des crédits pour 2013 sera supérieur aux 8,15 milliards d’euros inscrits en PLF. L’augmentation de 3 %, soit 246 millions d’euros, prévue pour 2014 peut donc d’ores et déjà être considérée comme insuffisante. A contrario, l’absence d’augmentation substantielle des crédits liés à l’incitation à l’activité professionnelle, notamment l’absence de création de nouvelles places dans les Établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, est un mauvais signe envoyé à tous les acteurs de la politique du handicap.

Aussi, mesdames les ministres, comment pensez-vous combler le déficit prévisible du programme 157 ? Comment pensez-vous compenser l’écart entre les crédits ouverts et les crédits qui seront distribués au titre de l’AAH ? Enfin, vous engagerez-vous à mettre fin au gel de création de places en ESAT ?

Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » ne représentent pas l’ensemble de la politique gouvernementale pour la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations. Il s’agit en effet d’une politique publique transversale, interministérielle, faisant intervenir des acteurs déconcentrés. Une nouveauté est à souligner : l’action 15 de ce programme concerne la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains. La constitution d’une action dédiée à cette cause est un signe positif, même si nous regrettons que son financement soit constitué à 60 % par des redéploiements de crédits, pesant ainsi sur les autres actions du programme.

Enfin, le programme 124, support de l’ensemble des moyens de fonctionnement des administrations du secteur des affaires sociales, de la santé, du sport et de la jeunesse, de la vie associative et de la ville ainsi que du ministère des droits des femmes, est en baisse nette par rapport à 2013. Les administrations concernées vont être littéralement mises à la diète tant en termes d’emplois que de moyens pour les services. Il ne s’agit pas là d’une question que votre rapporteur vous pose, mais d’une appréciation très négative qu’il porte sur votre budget. L’État devrait cesser d’amoindrir les moyens des services chargés de missions importantes en lien avec des collectivités elles-mêmes en difficulté, car il met en danger le service public et ses exigences de continuité et d’égalité sur tout le territoire.

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité. Les crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes feront cet après-midi l’objet d’un long débat. Je m’attarderai donc ce matin sur le programme 304, dédié à la lutte contre la pauvreté, et sur le programme 106, consacré aux actions en faveur des familles vulnérables.

Avant cela, je salue l’importance accordée par le Président de la République et le Gouvernement à l’égalité entre les femmes et les hommes, que reflète la dotation du programme 137 pour l’année 2014 qui, dans un contexte budgétaire très contraint, voit ses crédits augmenter de 3,4 %, passant ainsi de 23,5 millions d’euros en 2013 à 24,3 millions cette année.

Venons-en au programme 304. En tant que rapporteur budgétaire de la mission « Solidarité » depuis des années, je me réjouis de constater, pour la première fois, que le désengagement de l’État sur les crédits RSA n’est plus d’actualité. Plus encore, le montant de crédits demandé passe de 373 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2013 à 544 millions d’euros dans la LFI pour 2014. Cette augmentation est due, entre autres, à la revalorisation annuelle de 2 % programmée par le plan de lutte contre la pauvreté, qui prévoit une augmentation de 10 % à l’horizon 2017.

Je ne peux que m’en réjouir, avec l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales. Cependant, je tiens à redire que l’augmentation des crédits consacrés au RSA ne cachera pas les lacunes structurelles de ce dispositif. Je resterai extrêmement vigilant à la mise en œuvre de la réforme du RSA et de la PPE que j’ai préconisée dans un rapport remis au Premier ministre le 15 juillet 2013. Malgré l’annonce cet été du report de cette réforme, je maintiens qu’il est urgent de l’inscrire le plus rapidement possible à l’ordre du jour de notre Assemblée. Le budget de cette réforme serait de 4 milliards d’euros, 2,5 milliards provenant de la PPE et 1,5 milliard provenant du RSA activité.

D’une part, le RSA activité, créé en 2008, n’a pas trouvé son public, pour diverses raisons dont son assimilation aux minima sociaux et la complexité de son mode de calcul et de sa gestion administrative. D’autre part, la PPE, trop largement distribuée, aboutit à un saupoudrage de la dépense publique. Il est urgent de simplifier et mieux cibler ces deux dispositifs en les fusionnant en une seule prime d’activité qui permettra d’ouvrir le dispositif aux personnes qui, bien qu’éligibles, n’y recourent pas, ainsi qu’aux jeunes.

Par ailleurs, le programme annuel de performance n’explique pas la division par moitié du RSA applicable à Mayotte. La seconde revalorisation de 33 % du RSA mahorais est pourtant prévue le 1er janvier 2014. Elle portera le montant du RSA à Mayotte à 50 % de celui de métropole. Par ailleurs, le RSA applicable à Mayotte a bénéficié, comme le RSA versé en métropole, de la revalorisation de 2 % décidée en septembre 2013 au titre du plan de lutte contre la pauvreté. Toutes ces évolutions rendent cette baisse incompréhensible.

Aussi, ma première question sera : où en sont les évaluations supplémentaires que le Premier ministre appelait de ses vœux ? Madame la ministre, pouvez-vous nous présenter un calendrier d’adoption et de mise en œuvre ?

Deux autres actions du programme 304 « Lutte contre la pauvreté » n’appellent pas de commentaires, car leurs crédits sont reconduits à l’identique : il s’agit de l’action 12 « Économie sociale et solidaire » et l’action 15 « Qualification en travail social ». En revanche, les crédits de l’action 13, qui permet de soutenir les actions des associations têtes de réseaux, notamment l’Agence nouvelle des solidarités actives, diminuent de plus de 17 % en un an, sans explication particulière dans le programme annuel de performances. Cela mérite un petit éclaircissement.

Enfin, la légère hausse de l’action 14 dédiée à l’« Aide alimentaire », dont je me réjouis également, ne peut cacher l’inquiétude que nous nourrissons tous à l’égard de l’avenir de l’aide alimentaire en France en général, cet hiver en particulier. Le problème est suffisamment crucial pour que j’y consacre toute la partie thématique de l’avis budgétaire. Chacun a en mémoire les aléas du PEAD – Programme européen d’aide aux plus démunis – qui, après avoir été mis en péril par une action introduite par l’Allemagne devant la Cour de justice de l’Union européenne, en 2008, va finalement être remplacé par le Fonds européen d’aide aux plus démunis. Or le FEAD, en dépit de sa mise en œuvre au 1er janvier 2014, n’a toujours pas été finalisé. Si nous pouvons, in fine, nous féliciter que la dotation nationale soit en légère hausse, atteignant 23,4 millions d’euros dont 8 millions d’euros de crédits déconcentrés et 15,4 millions d’euros de crédits centraux, nous ne savons toujours pas quel sera le montant de la subvention européenne qui, même à somme équivalente, ne suffirait plus car le nombre de bénéficiaires croît en même temps que le prix des denrées.

Ma deuxième question sera donc précise : quelle compensation, à l’euro près, le Gouvernement s’apprête-t-il à apporter si la subvention européenne issue du FEAD n’est pas suffisante ?

Concernant le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables », je m’étonne que l’action 2 « Soutien en faveur des familles monoparentales » subsiste en dépit de la disparition de l’Allocation parent isolé en 2011. Cette ligne ne se voit attribuer aucun crédit en loi de finances initiale et affiche encore, malgré tout, une dotation de 70 000 euros cette année. Quels sont ces restes à payer ?

Les actions 1 et 3 appellent prioritairement mon attention. D’une part, le transfert de la médiation familiale et des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, qui représentaient 5,5 millions d’euros, ont été transférés à la CNAF. Il existe certainement une bonne raison à cela. Notre commission pourrait-elle être éclairée sur ce point, madame la ministre ? Concernant, d’autre part, la protection juridique des majeurs, la ligne des mandataires individuels se voit doter de 10 millions d’euros supplémentaires. La revalorisation du SMIC horaire et l’effet volume d’un nombre croissant de mesures confiées à cette catégorie d’intervenants ne semblent pas pouvoir expliquer à eux seuls une telle augmentation. Par ailleurs, l’Union syndicale des magistrats nous a fait part, lorsque nous l’avons auditionnée, d’un sérieux problème d’arriérés de paiement. Qu’en est-il ?

Nous pouvons donc, en résumé, considérer que le projet de loi de finances pour 2014 est un bon cru pour la solidarité puisque les crédits sont majoritairement épargnés par l’effort de redressement des comptes publics et bénéficient même d’une nette progression pour certains. Nous pouvons donner un avis favorable au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalités des chances », même si nous souhaitons quelques éclaircissements que le Gouvernement ne manquera pas d’apporter, je l’espère, à notre commission.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour le handicap et la dépendance. Nous le savons tous, le contexte budgétaire est contraint et marqué par la nécessité de redresser nos comptes publics. Pour autant, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est globalement préservé et même accru puisqu'il passe de 13,4 à 13,8 milliards d'euros. Dans ce cadre, la dotation du programme « Handicap et dépendance », qui concentre à elle seule plus de 80 % des crédits de la mission, connaît elle-même une augmentation de 2,4 % par rapport à la LFI 2013. Les crédits en faveur des personnes âgées en perte d'autonomie et des personnes handicapées s'élèvent ainsi pour le prochain exercice, dans le cadre du programme n° 157, à 11,44 milliards d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, contre 11,17 milliards l'an dernier. Certes, cette augmentation résulte pour une bonne part de l'évolution de l’AHH, qui a été revalorisée de 1,75 % au 1er septembre 2013 et dont le nombre de bénéficiaires continue à croître. Cette augmentation traduit aussi la volonté du Gouvernement de préserver, face aux risques de précarisation, les politiques de solidarité au profit des plus fragiles de nos concitoyens. J'en veux pour preuve les crédits prévus au titre des opérations d'investissement et de modernisation des établissements et services d’aide par le travail – ESAT. Témoigne aussi de cette attitude volontariste du Gouvernement le relevé de décisions du Comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier.

Outre l'analyse des crédits, j'ai consacré la rédaction de mon avis budgétaire à la question du projet de vie des personnes handicapées. Vous le savez, cette notion est, en effet, au cœur de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il m'a donc paru essentiel de revenir sur la nécessité d'avoir, le plus possible, une approche du handicap individualisée et non pas globale et administrative, ce qui a, bien sûr, des implications en termes d'organisation, d'outils et de moyens des maisons départementales des personnes handicapées – MDPH. Cela amène aussi à réfléchir sur le rôle et les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA. Ces deux derniers points font, d’ailleurs, l’objet d’une analyse et de propositions dans le rapport.

Cela étant dit, la préparation de l'avis budgétaire et les auditions que j'ai pu mener à cette occasion, me conduisent à vous faire part, madame la ministre, de certaines interrogations sur la politique du handicap et de la dépendance.

Première question, pouvez-vous nous rappeler les grands axes de votre politique conduite depuis dix-huit mois en faveur des personnes handicapées ?

Ma deuxième question porte sur les ESAT, sujet qui me tient à cœur puisque j'y ai consacré, l’année dernière, mon avis budgétaire. En termes de création de places, j'ai noté qu'il avait été choisi de maintenir le moratoire décidé dans le cadre du précédent projet de loi de finances. Ce moratoire est susceptible de poser, à terme, des difficultés à certains ESAT dans leur politique de développement. Peut-on envisager, à votre sens, madame la ministre, de relancer la création de places l'année prochaine, au moins pour les projets déjà engagés dont nous avons eu quelques exemples au cours des auditions ?

Ma troisième interrogation est relative à l'AAH. Depuis 2012, l'éligibilité des allocataires présentant un taux d'incapacité permanente inférieur à 80 % et supérieur à 50 % et souffrant d'une « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi » est réexaminée tous les deux ans et non plus tous les cinq ans. Ce réexamen est souvent ressenti comme particulièrement lourd par les MDPH et tend à renforcer le caractère administratif de l'instruction des dossiers au détriment de l'effort de personnalisation. La qualité de traitement des premières demandes, en particulier, peut s'en ressentir. Auparavant, lorsqu'une personne demeurait employable et qu'il semblait utile de la revoir rapidement, les équipes des MDPH n'attendaient pas cinq ans mais procédaient à un réexamen à plus brève échéance. Quel est votre sentiment, madame la ministre, sur la pertinence de ce délai de deux ans ?

Ma quatrième et dernière question a trait au vieillissement des personnes handicapées. Ce vieillissement, lié aux grands progrès médicaux accomplis au cours de ces dernières décennies, est aujourd'hui une réalité et cela a des conséquences sur tous les champs de la politique du handicap, qu'il s'agisse du nombre d'allocataires de l'AAH, des conditions d'hébergement et de l'organisation des ESAT. Pouvez-nous nous indiquer, madame la ministre, quelles seront les grandes orientations de votre politique dans les mois et années qui viennent pour faire face à ce défi ?

M. François Brottes, président. Lors de mon intervention liminaire, j’ai évoqué le logement et la ville. Je souhaite m’en expliquer. Les régies de quartier, les coopératives d’habitants ou les services associatifs dédiés et développés dans l’habitat intergénérationnel, par exemple, mutualisent, vous le savez, l’accession sociale à la propriété. La commission des affaires économiques s’intéresse particulièrement à l’économie sociale et solidaire, laquelle est l’objet d’un texte porté par Benoît Hamon. Ce texte va nous être transmis par le Sénat et sera rapporté à l’Assemblée nationale par Yves Blein, que je salue. Le champ d’application de ce texte est extrêmement large et a forcément un impact sur tout ce qui concerne la solidarité. J’ai toutefois bien conscience, et je pense que Clotilde Valter, rapporteure pour avis, partage mon avis, qu’il s’agit, à ce stade, d’une préoccupation périphérique.

Mme Clotilde Valter, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour l’économie sociale et solidaire. L’économie sociale et solidaire est, aujourd’hui, un vivier de croissance et de création d’emplois relativement important. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de lui donner toute sa place, d’abord avec la nomination d’un ministre délégué en charge de ces questions, ensuite, comme vient de le préciser François Brottes, avec le dépôt d’un projet de loi qui doit permettre à ce secteur de prendre toute sa place dans notre économie.

Madame la ministre, lors de la constitution du Gouvernement, un choix politique a été fait : celui de rattacher l’économie sociale et solidaire au ministère de l’économie et des finances, et ce pour mieux reconnaître la place de l’économie sociale et solidaire au sein de notre économie au regard de la part et des caractéristiques des emplois concernés, notamment, mais aussi afin de renouveler l’image de l’économie sociale et solidaire qui innerve l’ensemble de l’économie et qui investit certains champs à la pointe de la technologie. Je citerai l’exemple de la fibre optique : le numéro deux européen est une entreprise française de l’économie sociale et solidaire. Ce choix a, enfin, permis d’affirmer la volonté de développer ce secteur économique comme le prévoit et l’organise le projet de loi porté par Benoît Hamon.

Premièrement, pensez-vous, madame la ministre, qu’il faille en tirer toutes les conséquences, éventuellement en rattachant le budget consacré à l’économie sociale et solidaire à la mission « Économie » et non plus, comme c’est actuellement le cas, à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ?

Deuxièmement, un amendement du rapporteur général, adopté en séance publique, voici quelques jours, a annulé l’exonération de plus-values sur les investissements dans les jeunes entreprises innovantes. Ces dernières intervenant assez massivement dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, est-il envisageable de faire une exception pour ce secteur ou cette décision devra-t-elle être revue lors du prochain projet de loi de finances ?

Troisièmement, l’économie sociale et solidaire est diverse par ses activités et par la taille des entreprises. La question posée à l’État et aux collectivités publiques qui participent de plus en plus au financement de ce secteur est celle de l’évaluation pour identifier les résultats obtenus, pour cibler plus précisément les actions qui méritent ou pas d’être financées et, surtout, pour être en mesure de mieux déterminer les projets de l’économie sociale et solidaire qui méritent ou non d’être soutenus. Pensez-vous disposer des outils nécessaires pour conduire cette démarche ? De cette évaluation, on pourrait, en effet, tirer des conséquences quant aux outils nécessaires pour mieux s’adapter aux spécificités de l’économie sociale et solidaire. Par exemple, les avances remboursables pratiquées par nombre de collectivités ne sont accordées qu’à des entreprises dont on sait qu’elles sont en mesure de dégager du profit pour rembourser effectivement alors que ce n’est pas l’objectif premier de l’économie sociale et solidaire.

Quatrièmement, lors de la création de la Banque publique d’investissement, mandat lui a été donné de financer l’économie sociale et solidaire. Or ce secteur économique, par ses caractéristiques propres, n’est pas encore suffisamment connu du monde bancaire et il réclame des produits financiers spécifiques mieux adaptés à ses besoins que ceux de droit commun. Quelle est la réflexion du Gouvernement à ce sujet ?

Enfin, plusieurs acteurs de l’économie sociale et solidaire souhaitent une clarification de la gestion des fonds européens, notamment du Fonds social européen, qui bénéficient au secteur de l’économie sociale et solidaire. Quelles décisions le Gouvernement envisage-t-il de prendre à cet égard ?

Au-delà de ces questions qui témoignent de l’intérêt que le Gouvernement porte au secteur de l’économie sociale et solidaire, je donnerai un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous en venons aux réponses de Mmes les ministres.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Cela vient d’être souligné, dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », deux programmes intéressent particulièrement mon champ ministériel : le programme 157 « Handicap et dépendance » et le programme 304 « Lutte contre la pauvreté ».

Vous l’avez dit, monsieur Charroux, sur 13,6 milliards d’euros, 11,4 milliards sont affectés au programme 157, 75 % de cette somme étant réservés à l’AAH. Plus d’un million d’allocataires sont donc concernés. Les crédits inscrits au programme 304 s’élèvent à 575,4 millions d’euros, 95 % revenant au Fonds national des solidarités actives permettant de financer, en particulier, le RSA activité.

Je tiens à réaffirmer devant vous l’engagement de l’État auprès des personnes fragiles et des ménages en difficulté : il n’est pas question de ne pas verser le RSA activité à un allocataire. Cette dépense obligatoire sera, bien évidemment, assurée. Comme vous l’avez souligné, le Fonds national des solidarités actives est financé via deux recettes. La contribution additionnelle – prélèvements sociaux sur le capital : assurances-vie, portefeuilles d’actions, revenus fonciers – dont le taux est passé, dans la loi de finance rectificative de juillet 2012, de 1,1 à 1,45 %, permet de pérenniser le financement de la prime de Noël, entre autres, donc son versement à tous les allocataires. La contribution d’équilibre est inscrite au programme 304 « Lutte contre la pauvreté ». Elle est, cette année, en augmentation de 45,86 % par rapport à la loi de finances initiale de 2013. Le manque à gagner ne sera a priori pas substantiel. J’ai entendu dire qu’il serait de l’ordre de 90 millions d’euros. Nous n’avons, aujourd’hui, aucune certitude en la matière, car les administrations étudient ces chiffres. Mais tout est organisé pour que la source de financement qui rapportera le moins soit compensée par l’autre.

M. Charroux et M. Sirugue m’ont interrogée sur l’aide alimentaire européenne. Les parlementaires français et européens ainsi que les associations se sont beaucoup battus, avec nous, pour la sauver. Le montant affecté au volet national de l’aide alimentaire dans le projet de loi de finances pour 2014 s’élève à 23,382 millions d’euros. Il est, vous l’avez signalé, en hausse de 1,75 % par rapport à la loi de finances initiale de 2013. Cette hausse représente un effort important dans le contexte actuel, vous l’avez souligné, monsieur Sirugue. Cela prouve à quel point la France soutient l’aide alimentaire et tous ses acteurs. Nous avons fait le choix de consacrer le FEAD à l’aide alimentaire. Les discussions sont en cours au sein de l’Union européenne. Le montant de la dotation française n’est donc pas encore fixé. Je peux, d’ores et déjà, annoncer qu’il sera supérieur à ce qu’on pensait au départ. Les efforts conjugués du Président de la République, au niveau européen, du ministre Repentin et de tous les parlementaires ont finalement payé. Ce qui ne devait plus exister est donc sauvé. Nous devrions en connaître le montant normalement d’ici à fin novembre, lorsque le Parlement européen se sera prononcé par un vote définitif, mais tout laisse à penser qu’il sera identique à celui des années précédentes.

Au niveau national, la mise en place du programme opérationnel du FEAD est en cours de finalisation. Nous avons voulu avancer très vite en la matière afin d’éviter toute rupture de stock, donc tout arrêt de l’aide alimentaire. Nous avons agi avec nos partenaires associatifs pour assurer une flexibilité et éviter une démarche administrative lourde, s’agissant des fonds européens. J’appelle votre attention sur le fait que l’établissement FranceAgriMer, qui joue le rôle de gros acheteur, restera le partenaire traditionnel et principal des associations qui apprécient son travail. Nous nous sommes bien battus dans ce domaine. Nous devrons toutefois surveiller la distribution de l’aide alimentaire. Nous avons pris rendez-vous avec toutes les associations pour en poser les bases et pour lutter contre le gaspillage. Le ministre Garot a évoqué cette piste. Nous y travaillerons dans les années qui viennent. Cette année, nous assurerons le relais. Il n’y aura donc pas d’interruption de l’aide alimentaire comme nous le craignions.

Vous considérez, monsieur Charroux, que l’AAH est sous-budgétisée. Les crédits qui lui sont affectés dans le projet de loi de finances pour 2014 sont de 8 648 millions d’euros, en hausse de 3,02 % par rapport à la loi de finances initiale de 2013, en raison quasiment exclusivement de l’augmentation prévue de plus d’un million du nombre d’allocataires en 2014. Cette augmentation est plutôt moindre que celles de 2012 et 2013, notamment pour la tranche la plus haute.

Nous ne pouvons bien sûr pas nous contenter de constater que, malheureusement, de plus en plus de nos concitoyens tombent dans le régime de solidarité. Comme vous le souhaitez, nous voulons mieux accompagner vers l’autonomie et l’insertion. Mme Carrillon-Couvreur a parlé également de l’importance d’insérer dans la société et d’accompagner les parcours.

Nous avons pris des engagements en ce sens. Nous agissons dès la petite enfance, à l’école, avec les assistants de vie scolaire. Dans le cadre de la circulaire du Premier ministre, que nous devons faire appliquer avec le plus de précautions possible, il devra y avoir un volet handicap dans chaque loi. Quant au comité interministériel du handicap, il dégage des pistes que nous devons suivre sur l’accès à l’emploi, en accompagnant la négociation des partenaires sociaux même s’ils restent maîtres de cette négociation.

Monsieur Sirugue, je vous ai répondu sur le FEAD.

Pour le RSA activité, 575,4 millions d’euros vont abonder cette ligne cette année. Vous avez rappelé que le Gouvernement avait revalorisé le RSA socle et que, de manière complémentaire, le RSA activité allait monter. Je suis très fière de ce que nous avons fait, grâce au travail que nous avons réalisé avec vous, les parlementaires. Il y avait un dangereux décrochage du RSA socle par rapport au SMIC. Ce n’est pas de l’assistanat, c’est vraiment de la solidarité. Une augmentation de 2 % chaque année au 1er septembre pendant cinq ans, c’est le moins que nous puissions faire. Dans le budget contraint que nous avons, c’est extrêmement important.

Cela signifie qu’en matière de lutte contre la pauvreté et en temps de crise, avec une situation extrêmement dure, nous gardons le cap de la solidarité. Il ne faut pas opposer, comme on l’a trop souvent fait en France, les actifs aux inactifs. C’est la raison pour laquelle, pour réformer le RSA activité et la prime pour l’emploi, je veux me fonder sur les travaux que vous avez menés. Les deux mécanismes ont montré qu’ils étaient au bout et qu’il était urgent de passer à autre chose.

J’ai vu les propositions que vous avez faites. On disait que certains resteraient sur le côté du chemin. Nous avons fait marcher les machines et travailler nos cerveaux et notre humanité. Le dispositif est prêt. Une étude approfondie est cependant encore en cours sur la finalisation de la trajectoire financière de la réforme. Où allons-nous financièrement ? J’aimerais que ce soient vos chiffres qui soient retenus, mais nous n’avons pas encore l’arbitrage. Il aura lieu dans le cadre de l’élaboration du plan triennal 2015-2017, afin que le dispositif soit opérationnel au début de 2015. Je souhaite donc que nous continuions à travailler ensemble sur cette question.

Vous avez évoqué le RSA Mayotte. Le Gouvernement a fait un gros effort en 2013 puisque son montant a été revalorisé exceptionnellement à 37,5 % du montant métropolitain. La revalorisation exceptionnelle de 2 % a été également appliquée à Mayotte, c’est normal mais je préférais le signaler, et le plan de rattrapage à 50 % du montant métropolitain se poursuit en 2014.

Madame Carrillon-Couvreur, vous connaissez très bien la question du handicap et celle de la solidarité. Vous êtes présidente du CNCPH, vous avez un rôle actif. Oui, je partage votre approche sur le parcours et l’accompagnement de la personne en situation de handicap.

Nous avons aujourd’hui 119 211 places autorisées en ESAT. Pour la deuxième année consécutive, après cinq années de mesures d’économies, le Gouvernement choisit de valoriser l’existant plutôt que de créer des places au détriment de la qualité de prise en charge. Les responsables des ESAT ayant souligné que la qualité de la prise en charge était mise en cause, nous avons décidé de l’améliorer. En 2014, plus de 10 millions d’euros seront consacrés à la revalorisation de la masse salariale, pour accompagner les salariés, parce que ce sont des gens compétents, dont les salaires sont les plus bas du monde médico-social. L’année 2014 sera donc importante. Je veux rétablir un haut niveau de confiance entre les gestionnaires des ESAT et l’État, et il est très important que nous retravaillions ensemble sur ce point.

Les ESAT sont des structures aujourd’hui financées par l’État, et ce dernier tient à maintenir un financement satisfaisant. L’investissement a donc également augmenté de manière assez significative, passant de 1 million d’euros en 2012 à 2,5 millions en 2013 et 3,5 millions en 2014. Nous continuons à soutenir ce secteur d’activité.

En outre, les ESAT constitueront une priorité dans la réforme de la tarification des établissements médico-sociaux que nous préparons, dans laquelle ils seront inclus. Nous pourrons faire des propositions dans le cadre de la modernisation des politiques publiques. Dans ce contexte, la création de places cette année n’est pas envisageable.

Vous posez des questions très précises, qui montrent que vous connaissez le parcours personnel des personnes en situation de handicap, c’est-à-dire, pour l’éligibilité à l’AAH, un réexamen des dossiers tous les deux ans.

Vous avez raison, cela dérange beaucoup, mais cela ne me paraît pas trop fréquent. Nous devons pouvoir assurer un accompagnement de qualité aux allocataires, depuis leur première demande jusqu’à la sortie, qu’il faut pouvoir anticiper et faciliter. C’est l’objectif de ce réexamen, qui doit éviter les ruptures de droit et les moments de quasi-abandon de ces allocataires. En le faisant plus régulièrement on est plus près d’eux, au-delà des tracasseries administratives que vous évoquiez.

Je sais aussi que les équipes des MDPH gèrent de nombreuses demandes et sont parfois débordées. Il y a d’ailleurs une disparité dans le fonctionnement des MDPH d’un département à l’autre. C’est la raison pour laquelle les procédures de demande seront facilitées, avec l’appui du secrétaire général à la modernisation de l’action publique. Nous allons d’abord assurer très rapidement le suivi internet des dossiers et dématérialiser, ce qui nous permettra d’augmenter la réactivité de la prise en charge et de faciliter le travail des MDPH. Il y aura ensuite, comme vous le préconisez, un dossier simplifié dès la première demande adressée à la MDPH. Nous sommes en train d’y travailler et il sera prêt au premier semestre 2014. Je crois que cela facilitera vraiment la vie des usagers et des équipes.

Michèle Delaunay répondra à la question relative aux personnes handicapées vieillissantes. Nous travaillons ensemble. C’est un phénomène de société que nous n’avons pas assez pris en considération par le passé, qui est extrêmement important. Pour les 3 000 ou 4 000 places qui seront créées cette année, en fonction des appels à projet, j’essaie d’opérer un rééquilibrage en tenant compte des projets concernant les personnes handicapées vieillissantes. Nous avons mis en place un groupe de travail avec Patrick Gohet, qui nous donnera ses préconisations prochainement et viendra rendre compte devant vous mais aussi devant le CNCPH. Je pense que Mme Delaunay complétera mes réponses.

Madame Valter, il y a un ministre chargé l’économie sociale et solidaire : Benoît Hamon. Les entreprises adaptées relèvent à la fois du secteur économique et de la solidarité et du secteur social, et elles sont très importantes.

Sur la ligne 304, ce sont 5,7 millions d’euros qui sont consacrés à l’économie sociale et solidaire. Les entreprises sont soumises à une évaluation de la modernisation de l’action publique, évaluation qui montre d’ores et déjà que la transversalité doit rester entière entre l’emploi, le social et l’économie. Il faut donner de la force économique mais garder le lien social de ces entreprises.

Vous parliez d’un ancrage administratif à Bercy. Cela paraît logique car c’est une administration qui a les compétences juridiques pour inclure le secteur de l’économie sociale et solidaire au cœur de l’économie, mais il n’y a encore eu aucun arbitrage.

Au-delà du projet de loi que présente Benoît Hamon, que vous aurez à nouveau à examiner, les entreprises de l’économie sociale et solidaire ont bien entendu accès au crédit d’impôt recherche ainsi qu’aux aides aux jeunes entreprises innovantes, si elles répondent à ce critère, et elles peuvent émarger à la Banque publique d’investissement comme les autres entreprises. La Banque publique d’investissement doit être pleinement mobilisée et, comme vous le souligniez, avoir, pour financer l’économie sociale et solidaire, des produits qui financent l’économie dans sa diversité.

Je vous suis donc sur ce point mais Benoît Hamon serait plus à même de répondre à toutes ces questions puisqu’il est justement le ministre de l’économie sociale et solidaire. C’est important symboliquement mais il fera aussi largement avancer le secteur grâce à son projet de loi.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Je tiens d’abord à souligner, comme l’a fait Mme Lemorton, que le secteur de l’autonomie est marqué par l’annonce du Premier ministre qui, moins de dix-huit mois après que nous sommes arrivés aux affaires, a posé de manière définitive l’agenda, la structure et les grandes mesures de notre loi sur l’autonomie. Je vous remercie de votre soutien.

Une seule question me concerne, mais Mme Carlotti est principalement à la manœuvre, car la question de la longévité et de l’espérance de vie des handicapés touche tous les champs de son ministère. Elle vous a parlé du nombre de places : si la longévité augmente, on peut comprendre qu’il en faille en plus grand nombre.

Le groupe de travail présidé par Patrick Gohet nous a remis ses conclusions. Il est très frappant de remarquer que les personnes handicapées veulent la même chose que les personnes vieillissantes, quels que soient leurs préoccupations et leurs éventuels handicaps.

Nous souhaitons donc d’abord mener une politique de prévention. C’est un moteur dans la loi que je prépare qui, comme toute loi, comportera naturellement un volet handicap.

Comme pour 100 % des Français, le domicile est au cœur de tous les souhaits des personnes handicapées. Elles veulent vieillir là où elles ont vécu, domicile proprement dit ou foyer, et cela nous amène à réfléchir à l’évolution de ces foyers pour qu’elles soient le moins possible déconnectées de leur lieu de vie précédent.

Un volet sera donc inclus dans la loi relative à l’autonomie. Les personnes handicapées souhaitent que leurs questions particulières soient traitées dans cette politique de l’âge que va porter notre gouvernement ; ils veulent en faire partie et y être considérés à part entière. Ce sera le cas et nous travaillons conjointement avec Mme Carlotti, car c’est elle qui est bien sûr sur le devant de la scène pour les questions concernant son ministère, en particulier le logement, l’accueil et l’accompagnement.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Le programme 106, monsieur Sirugue, s’organise autour de deux actions.

Il y a, d’une part, l’accompagnement des jeunes et des familles vulnérables. Il s’agit très concrètement de financer des lieux d’accueil pour les jeunes et leurs familles. Ce programme s’inscrit dans une politique plus large de soutien aux parents. C’est une ligne très modeste dans le projet de loi de finances, puisque ce sont des crédits inférieurs à 10 millions d’euros.

Il y a, d’autre part, la protection des enfants et des familles. Une partie de ces fonds est affectée au financement de l’Agence française de l’adoption, au numéro de téléphone « l’enfance en danger » ou, plus généralement, à des associations qui œuvrent dans la protection des enfants, mais la plus grande part des crédits sont consacrés à la prise en charge des tutelles puisqu’il s’agit d’une dépense obligatoire dont les règles s’imposent au Gouvernement. Le programme 106 représente plus de 248 millions, dont presque 239 millions sont consacrés à la prise en charge des tutelles, ce qui représente 96 % du programme, et, selon les estimations au 31 décembre 2014, ce sera plus qu’en 2013.

Si nous avons décidé de faire financer les dispositifs de médiation familiale et des REAPP par la CNAF, 5,5 millions d’euros devant être intégrés à partir de 2014 dans son fonds national d’action sociale, cela ne doit pas du tout être lu comme un désengagement de l’État du soutien à la parentalité. Nous voulons au contraire rationaliser le mode de financement des structures qui interviennent dans ce domaine, car un grand nombre d’entre elles se plaignaient précisément d’avoir des financements de sources différentes, dont la pérennisation n’était pas forcément assurée. En opérant un tel transfert vers l’ensemble des CAF, nous montrons notre volonté de sécuriser les associations. Lors de la dernière convention d’objectifs et de gestion qui vient d’être signée entre l’État et la CNAF, nous avons ainsi doublé le budget du soutien à la parentalité, qui passe de 50 à 100 millions, en intégrant le transfert des crédits. Vous voyez que ce doublement va bien au-delà du transfert des crédits de soutien à la parentalité.

Je tiens à dire aussi que l'État garde une forme de contrôle pour s’assurer du bon usage des crédits, puisque des schémas territoriaux de services aux familles, petite enfance mais aussi soutien à la parentalité, seront établis dans les départements. Nous saurons très précisément quelles sont les actions menées dans chaque département et comment elles sont financées.

Vous m’avez posé une deuxième question, relative à l’allocation de parent isolé, qui a été supprimée et n’a fait l’objet d’aucune demande de crédits mais dispose cependant d’une ligne budgétaire de 70 000 euros. Cela correspond à une opération comptable et ne remet absolument pas en cause la fin de l’abondement de cette ligne budgétaire. Il s’agit en fait de dépenses liées à la réserve parlementaire, sur diverses demandes des députés et sénateurs, telles que l’accompagnement de familles monoparentales, un soutien financier par le biais d’aides spécifiques pour la petite enfance, l’accueil de jour pour femmes et enfants victimes de violences intrafamiliales, l’accueil au sein d’un café associatif pour rompre l’isolement…

La troisième et dernière question concerne les 10 millions supplémentaires de l’action 3 du programme 106. Cette somme correspond à des besoins nouveaux. Pour 2,8 millions, il s’agit du paiement des arriérés de 2013, puisque la loi de finances initiale avait prévu 222,6 millions de crédits et que les besoins ont été en réalité de 225,4 millions. Restent 7,1 millions, destinés aux services mandataires et aux mandataires individuels : 4,8 millions sont dus à l’évolution des prix et 2,3 millions à la croissance du nombre de décisions de justice et à la nécessité pour l'État d’y répondre.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Avant d’en venir aux interventions des porte-parole des groupes et aux questions de nos autres collègues, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme la vice-présidente de la commission des affaires économiques souhaitent également s’exprimer.

Mme Catherine Lemorton, présidente. Ce sera plus une remarque qu’une question. Nous avons des remontées des caisses primaires d’assurance maladie sur leur Fonds d’action sociale qui, de plus en plus, est obligé de prendre à sa charge, par exemple, l’achat de fauteuils roulants pour les personnes handicapées, car la Sécurité sociale ne rembourse pas l’intégralité de ces dépenses pour la plupart des fauteuils. C’est aussi le cas pour l’aide à l’acquisition d’une complémentaire, pour laquelle la prise en charge ne suffit pas à ce type de public. J’alerte donc, au nom des caisses primaires d’assurance maladie, sur les limites du Fonds d’action sociale, qui ne pourra tout pallier. Si nous nous félicitons, moi la première, des augmentations de crédits sur certaines lignes budgétaires, n’oublions pas que cela cache parfois des aides complémentaires qui, avec le temps, seront forcément limitées. Il faut être vigilant.

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. J’appuie les propos de notre rapporteure Clotilde Valter sur le rattachement de l’économie sociale et solidaire à la partie « Économie » du budget. C’est la commission des affaires économiques qui est saisie de ces questions et qui le sera, au fond, sur le futur projet de loi. Nous sommes heureux de vous entendre, mesdames les ministres, mais le ministre Benoît Hamon aurait certainement pu apporter des compléments d’information sur des questions que poseront nos collègues.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Je souhaite poser, au nom de la commission des finances, deux questions sur le financement du revenu de solidarité active en 2014. L'article 8 du PLFSS prévoyait une hausse de 109 millions d'euros pour l’équilibre du financement du Fonds national de solidarité active, avec l’affectation d’une partie du produit de la contribution additionnelle aux revenus du patrimoine. Le Gouvernement a annoncé, dimanche 27 octobre, qu’il renonçait, pour l’essentiel, à la modification du rendement des contributions sociales sur les plans d’épargne logement, l’épargne salariale, les PEA. Il en résulte une perte de recettes conséquente pour le financement du FNSA, de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Vous avez annoncé que vos services faisaient les calculs. Je crois qu’ils seront assez vite faits ; il y aura de toute façon un manque à gagner. Comment le Gouvernement compte-t-il assurer en 2014 l’équilibre financier du FNSA, le financement du RSA activité, de la prime de Noël et des autres charges du Fonds ?

Ma seconde question porte sur l’allocation aux adultes handicapés. Vous avez annoncé que la prévision pour 2014 faisait état de plus d’un million d’allocataires supplémentaires. La projection de dépenses en 2013 pour l’AAH n’a pas été transmise. Cette situation va probablement nécessiter un abondement de crédits en gestion. Comment comptez-vous procéder, à la fois sur le bouclage de 2013 et la prévision pour 2014 ?

Je vais à présent donner la parole aux porte-parole des groupes.

Mme Martine Pinville, pour le groupe SRC. Je tiens à saluer un budget soutenu du fait de sa progression.

Dans un contexte de redressement des comptes publics, nous devons, à l'occasion de ce projet de loi de finances, mettre en des politiques publiques volontaristes de solidarité et de cohésion sociale.

Ce budget correspond à notre souci de répondre à l'urgence sociale, de structurer notre politique de solidarité sur le long terme, de nous mettre en conformité avec les grands objectifs du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale présenté par Marie-Arlette Carlotti et adopté lors du comité interministériel de lutte contre l'exclusion du 21 janvier 2013.

En forte augmentation, le programme 304, « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », marque bien cette volonté politique. Cela s'explique par l'accroissement des bénéficiaires, cela a été dit, mais également par le coup de pouce donné au RSA, plus 2 % au 1er septembre 2013, et par la volonté de gagner 10 % en sus de l'inflation d'ici à 2017.

Au sein de ce même programme 304, 5 millions d'euros sont destinés à des actions tendant à financer le développement de l'économie sociale et solidaire, à favoriser l'émergence de nouveaux modèles économiques de développement et à encourager l'expérimentation.

Cette volonté se traduira dans le cadre d'une loi visant à la reconnaissance et au développement de l'économie sociale en lui assurant une meilleure visibilité. Ce texte important concernera le secteur des personnes âgées et des personnes handicapées : notre commission des affaires sociales doit y être étroitement associée.

Le programme 157, en direction des personnes âgées, concerne le développement de la politique de bientraitance. C’est un petit budget, légèrement en baisse : il sera important que nous y revenions dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement.

Le programme 106, en faveur de l'accompagnement des jeunes et des familles vulnérables, passe de 15 à 9 millions d'euros. Cette baisse s'explique par la réforme de la gouvernance du soutien à la parentalité et le doublement des moyens de la branche famille pour ce soutien, décidés par le Gouvernement. La branche famille devient l'acteur principal et le programme 106 évolue en conséquence. Les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents, les REAAP, et les dispositifs de médiation familiale disparaissent donc de ce programme. Je souhaite que nous assurions le suivi des moyens attribués au soutien à la parentalité dans le vaste champ de la branche famille.

M. Jean-Louis Costes, pour le groupe UMP. Le budget de cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est important puisqu’il traduit directement l’application de la solidarité nationale, dont on parle si souvent. Ce budget augmente cette année de 400 millions d'euros.

Le Gouvernement affirme vouloir insuffler un nouvel élan à la politique du handicap, mais quelle est sa stratégie en la matière ? Le précédent gouvernement avait – le rapporteur l’a confirmé – décidé d’augmenter l’AAH de 25 % sur les cinq dernières années. Or, cette année, l’augmentation est limitée à 1,75 %.

Mme la ministre a déjà répondu à la question que je souhaitais poser sur la création de places en ESAT en indiquant qu’il n’y en aurait pas cette année, mais simplement des valorisations des places existantes. Nous aimerions que vous reveniez sur une décision que nous déplorons car il s’agit d’un sujet extrêmement douloureux dans certains territoires.

Il est question depuis plusieurs années d’une réforme, très attendue, de la dépendance. Mme la présidente de la commission en a encore parlé dans son propos introductif. Nous insistons sur la nécessité impérieuse de cette grande réforme, tant pour les personnes concernées qu’eu égard à la situation financière des départements, extrêmement contrainte.

En ce qui concerne l’aide aux familles vulnérables, il est bien évident que la protection des enfants et des adultes vulnérables doit être soutenue par la solidarité nationale.

On peut toutefois regretter les orientations du Gouvernement en matière de politique familiale. Depuis deux ans, on revient petit à petit sur un certain nombre d’acquis et sur le consensus qui existait depuis la Seconde guerre mondiale sur cette politique : baisse du quotient familial, l’an dernier, et diminution importante, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de cette année, de la prestation d’accueil du jeune enfant, qui entraînera sa disparition pour 300 000 à 400 000 familles françaises.

En ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes, les crédits sont en baisse de 1,5 %. Globalement, on est dans la continuité de ce qui avait été engagé par le précédent gouvernement, que ce soit sur la place des femmes dans la fonction publique ou les violences faites aux femmes – on en est au quatrième plan en la matière. Ce budget s’inscrit dans la politique du gouvernement précédent.

Vous insistez, madame la ministre, sur la lutte contre la prostitution. Nous aimerions avoir quelques informations sur les modalités de l’action que vous souhaitez engager.

De façon plus générale, doit-on se réjouir de l’augmentation des crédits, de 400 millions d'euros, lorsqu’il s’agit de lutter contre la pauvreté ? Des dépenses supplémentaires dans ce domaine ne prouvent-elles pas simplement que notre pays va mal ? S’agissant de l’augmentation du nombre de bénéficiaires, j’avais le chiffre de 7 % mais le rapporteur a parlé de 10 % entre 2012 et 2013. Cela va s’accélérer : les chiffres du chômage, tout le monde le sait, ne sont pas bons. Si la pauvreté s’aggrave, c’est tout simplement parce que l’économie va mal, et même très mal.

Les ministres ont beau le nier, ce résultat est la conséquence d’une politique qui asphyxie notre économie. Je rappelle qu’en 2013 4 milliards d'euros de charges supplémentaires ont handicapé la compétitivité de nos entreprises. À cela s’ajouteront, en 2014, les 12 milliards qui seront ponctionnés sur les ménages et réduiront donc leur pouvoir d'achat.

Où en est la refondation de la lutte contre la pauvreté dont parlait l’an dernier Mme Carlotti, répondant à une question de ma collègue Marianne Dubois ?

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe UMP ne saurait cautionner la politique du Gouvernement dans ce domaine et il votera par conséquent contre ce budget.

M. Arnaud Richard, pour le groupe UDI. La France prend-elle véritablement le chemin d’un nouveau modèle de croissance qui intègre l’exigence de justice et de solidarité ? Telle est la question fondamentale à se poser au regard de cette mission budgétaire, qui revêt, plus que jamais, une importance toute particulière. Il s’agit, en effet, de notre cordon sanitaire national, mais aussi d’un filet de sécurité qui couvre tous les espaces de notre territoire. Cette mission illustre des politiques publiques qui entremêlent les interventions d’acteurs publics nationaux et locaux. Au total, elle pèse infiniment plus que son poids budgétaire. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? Nous sommes là, en tout cas, dans l’ultime épaisseur de la trame sociale, après l’on en sort, sauvé ou oublié.

Cette ultime étape du recours public, c’est l’expression essentielle d’un projet de société, selon l’orientation qui est donnée.

Fait significatif, après plusieurs années consécutives de croissance, ce projet de budget enregistre une nouvelle progression, mais deux fois moins élevée que de 2012 à 2013. Dans une période où toutes les solidarités actives, si l’on peut dire, doivent être mobilisées, cet affichage est surprenant, comme si, au fond, le Gouvernement considérait que nous sommes sortis de la crise et de son cortège de conséquences sociales. Partagez-vous ce sentiment, mesdames les ministres ?

L'essentiel de cette mission, c'est le financement du RSA, qui représente la quasi-totalité du programme 304. Avec une revalorisation exceptionnelle de 2 % par an, ce PLF nous propose non pas des solutions mais des facilités de gestion de la crise. À moins que vous nous annonciez une réforme du dispositif et de ses modalités de mise en œuvre ? Je ne la vois pas : rien n'annonce l'indispensable réforme du RSA, lequel ne permet ni de réduire la pauvreté ni de réinsérer les chômeurs, notamment les plus jeunes d'entre eux.

J’en viens au volet jeunesse de cette mission. Depuis le début de la législature, le groupe UDI réclame pour la jeunesse un grand plan, cohérent et puissant, visant à l’insertion massive et durable des jeunes sur le marché du travail, un grand « plan jeunesse » qui concentrerait l’effort national sur cette priorité absolue, pour mieux accompagner nos jeunes et mieux les orienter, pour porter toute notre attention sur les plus fragiles et les plus pauvres d’entre eux.

Nous sommes donc surpris de voir réduit le programme 124, alors qu’il est l’outil de l’intégration dans notre société d’une jeunesse mieux encadrée, mieux sollicitée par des activités d’ouverture, sport ou culture. Comment expliquez-vous la baisse de ces crédits de paiement ?

Mon ultime question porte sur nos minima sociaux. Il nous semble qu’une fois encore une occasion a été manquée de réfléchir à une réforme de ce système complexe, qui concerne près de six millions de nos compatriotes, avec des différences géographiques importantes. Il y a d’ailleurs là une problématique fondamentale d’accès aux droits. Malheureusement, face à la nécessité de trancher ce nœud gordien que constituent les minima sociaux dans notre pays, rien n’est fait ; le Gouvernement ne propose que des pseudo-plans de simplification, qui ne feront pas mentir ce constat.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » passe une fois encore à côté d’un projet structurant qui repense notre pacte social et le relie à l’impératif de compétitivité. Celui-ci était pourtant nécessaire, à un moment charnière de notre histoire, où nous devons, face à la crise, tenir nos engagements européens sans pour autant laisser au bord de la route une partie de la population.

Vous comprendrez que le groupe UDI ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste. Le groupe écologiste tient à saluer le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » qui est en phase avec les annonces du Gouvernement, soutenu par notre majorité, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.

Cette lutte, importante dans le contexte que nous connaissons, est liée, me semble-t-il, à ce que l’on appelle l’autonomie financière de nos concitoyens, qui passe évidemment par l’emploi ; j’y reviendrai en abordant l’économie sociale et solidaire.

Nous tenons également à saluer la prise en compte des besoins pour les personnes en situation de handicap, même s’il reste la question des places en ESAT. Vous l’avez dit, madame la ministre, dans le cadre des contraintes budgétaires, la réflexion se poursuit, mais il est évident que les personnes en attente de places auront besoin d’y voir plus clair.

Je tiens aussi à saluer les crédits pour le programme « Égalité entre les femmes et les hommes », notamment les 2,4 millions d’euros consacrés à la lutte contre la traite des humains dans le cadre de la prostitution.

Cela a été rappelé tout à l’heure au sujet du programme 304, la revalorisation du RSA – à raison de 2 % par an, en plus des traditionnelles revalorisations du 1er janvier –, est un symbole fort, mais ce sera surtout une réalité concrète, ce minimum social concernant un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens. Demeurent un certain nombre de questions sur le financement du fonds lui-même, ainsi que sur les mécanismes de compensation pour les départements, qui jouent un grand rôle dans les politiques d’insertion. Ce ne sont pas des politiques de guichet, mais de vraies politiques, menées par ces collectivités, en lien avec l’État, auprès de personnes en situation de fragilité.

Je salue les crédits de l’action « Aide alimentaire » – certes essentiellement tournée vers la gestion de FranceAgriMer –, qui sont très attendus au vu du contexte actuel.

Quant à l’action « Économie sociale et solidaire », évoquée précédemment par Mme Valter, on peut se demander s’il ne faudrait pas l’inscrire dans les programmes économiques, sachant que la commission des affaires économiques a traité ces dossiers. Elle constitue en effet un programme de développement économique à part entière. Cette année est particulière, puisqu’un projet de loi sur l’économie sociale et solidaire nous sera présenté, avec l’ambition de relancer ce secteur, auquel environ 5 millions d’euros de crédits sont alloués. Nous pourrions discuter de leur augmentation car des moyens supplémentaires seraient nécessaires afin de porter ces crédits à la hauteur du montant qui était alloué à cette action il y a quelque temps.

Les règles budgétaires nous obligent à redéployer des crédits d’une manière qui n’est peut-être pas adaptée à la réalité de l’économie sociale. J’en ferai la démonstration par le biais d’un amendement déposé au nom de mon groupe : l’économie sociale et solidaire n’a sans doute pas toute la place qu’elle doit avoir au sein de cette mission. L’enjeu me semble pourtant primordial : dans le cadre de la solidarité, c’est l’autonomie financière qu’il faut soutenir avant tout. Or nous sommes persuadés que l’économie sociale et solidaire peut créer un certain nombre d’emplois nouveaux, qui permettraient de diminuer le recours aux minima sociaux et aux dispositifs de solidarité dont nous discutons depuis tout à l’heure.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous en venons aux questions de nos autres collègues.

M. Michel Heinrich. Le 22 décembre 2011 était signé pour trois ans un pacte pour l’emploi en entreprise adaptée, qui prévoyait la création annuelle de 1 000 aides au poste durant trois ans, de 2012 à 2014. Or le PLF 2014 ne finance pas ces aides au poste en entreprise adaptée. Après avoir renoncé à créer des places en ESAT, c’est un nouveau coup porté aux personnes en situation de handicap, déjà frappées par le chômage, et un mauvais signal envoyé à ce secteur, protégé ou non, qui œuvre en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Si l’on ajoute à cela la faible augmentation de l’AAH et le silence du Gouvernement quant à la quote-part de l’État dans le budget des fonds de compensation du handicap, on pourrait légitimement s’interroger sur la volonté de celui-ci de poursuivre l’insertion des personnes handicapées au sein de notre société.

Je souhaite également appeler l’attention du Gouvernement sur la réduction, voire la suppression, des aides de la CARSAT, notamment dans le nord-est, aux personnes âgées malades restant à leur domicile. Ces réductions, qui se sont faites insidieusement et sans évaluation des besoins, vont à l’encontre de l’autonomie des personnes et conduisent à des hospitalisations ou à des entrées en EHPAD, ce qui provoque des surcoûts considérables. En outre, ces financements ont le mérite de favoriser l’emploi pour les professionnels de l’aide à la personne et leur réduction va donc entraîner du chômage. Que comptez-vous faire, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, pour mettre fin à ces décisions incohérentes qui causent un véritable gaspillage ?

Enfin, à partir de 2014, la demi-part fiscale accordée aux contribuables qui n’ont pas élevé seuls leur enfant durant au moins cinq ans est supprimée. Cette décision est pertinente, en ce qu’elle corrige une incohérence de notre système fiscal qui favorisait une situation de rupture de couple – séparation, divorce ou rupture de PACS. Toutefois, ces situations relèvent d’une décision des parties qui ont pu mesurer les conséquences de leur acte ; il n’en est pas de même pour les veuves et les veufs, qui n’ont pas été décisionnaires de leur situation, mais qui ont subi un événement imprévisible qui a bouleversé leur vie et qui se trouvent brutalement contraints de supporter seuls des charges jusqu’alors partagées, sans pour autant bénéficier de prestations compensatoires. Ne serait-il pas équitable de différencier les personnes veuves des célibataires, des divorcés et de ceux qui se sont séparés ?

Mme Frédérique Massat. Ma question porte sur les appels à projets dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, lancés en début d’année avec une dotation de 10 millions d’euros, dont les premiers résultats ont été dévoilés au mois de juillet. Certes, elle s’adresse plutôt à Benoît Hamon, mais je me permets de la poser dans le cadre de l’examen de ce budget, même si je n’obtiens pas immédiatement une réponse. Quel est le résultat de l’évaluation de cet appel à projets ? Quels secteurs ont été retenus ?

Mme Véronique Louwagie. Madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, ma première question concerne l’engagement pris lors du comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier de créer mille ambassadeurs de l’accessibilité, via le service civique, qui a déjà fait ses preuves, puisque près de 46 000 jeunes ont été séduits par ce dispositif qui a prouvé son efficacité depuis 2010. Le rôle de ces ambassadeurs sera d’intervenir auprès de tous les acteurs concernés par l’obligation d’accessibilité. Peut-on d’ores et déjà connaître leur répartition régionale et départementale, car nous avons une mosaïque de situations avec des zones rurales plus importantes dans certains secteurs ?

Ma deuxième question est relative au retard accumulé depuis 2005 en matière d’accessibilité, qui compromet l’échéance prévue de 2015. Quelles solutions comptez-vous trouver ? Un report ou des délais supplémentaires sont-ils envisagés ?

Enfin, s’agissant du RSA, qui est l’un des points majeurs de l’action des conseils généraux, vous avez décidé une revalorisation de 10 % d’ici à la fin du quinquennat, qui s’est traduite concrètement le 1er septembre par une hausse de 2 %. Vous avez ajouté que vous étiez fière de ce dispositif, dans un budget contraint, mais est-il aujourd’hui compatible avec les charges financières de l’État et des collectivités locales concernées ? La hausse des crédits décidée est-elle tenable pour les départements qui se trouvent dans un contexte budgétaire très difficile ?

Mme Marianne Dubois. Les centres d’information sur la surdité, les CIS, créés dans certaines régions sont des lieux d’accueil, d’information et de soutien pour les personnes et les familles touchées par la surdité. Ceux-ci seront remplacés à la fin de l’année 2013 par un centre national unique, pour permettre aux personnes concernées de disposer d’informations homogènes, objectives, neutres et actualisées, sur l’ensemble du territoire. Un appel à projets a été lancé en juillet dernier dans cette perspective. Néanmoins, nous pouvons regretter la disparition des CIS, qui disposaient d’une implantation territoriale de proximité. Madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, le choix définitif du candidat ayant répondu à l’appel à projets a-t-il été fait ? Comment cette nouvelle entité sera-t-elle suivie et évaluée ? Que sera in fine ce centre national d’information sur la surdité ?

M. Marc Goua. Plusieurs orateurs ont déjà évoqué les places en ESAT, mais je veux rappeler que, parmi les 400 000 personnes handicapées capables de travailler, le taux de chômage est double de celui de la population valide. Une étude KPMG a montré que les financements de ce type de places étaient récupérés par la communauté par le biais des recettes fiscales et sociales. Or, si ce PLF ne respecte pas le plan élaboré, cela a été dit, il va encore plus loin, puisque les décisions prises entraîneront la suppression de 424 postes, à cause d’une sous-évaluation du coût annuel, qui devrait être de 13 731 euros et non de 12 152 euros. Est-il possible, mesdames les ministres, de revoir votre copie sur ce point, qui touche à un domaine extrêmement important ?

M. Bernard Perrut. Les besoins d’aides à l’autonomie, liés au grand âge ou au handicap, sont de plus en plus importants. C’est pourquoi nous attendons le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, mais également un renforcement de la politique du handicap, dans le respect de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le financement de l’AAH retient mon attention. Ne mériterait-il, madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, d’être plus important ? L’allocation n’est revalorisée que de 1,75 % cette année, quand elle l’a été de 25 % au cours de la précédente législature. Quel est votre objectif pour les prochaines années et votre engagement devant la représentation nationale ce matin ?

Une autre de mes préoccupations concerne les ESAT. Nous pouvons regretter qu’aucune place ne soit créée en 2014. Quels sont, madame la ministre, vos objectifs, sachant que les attentes sont fortes et que les responsables de ces structures ne peuvent se satisfaire du moratoire que vous avez proposé ? Quelles perspectives pouvez-vous nous offrir ? Quelles mesures allez-vous prendre pour mieux aider les ESAT à trouver des solutions d’insertion en milieu ordinaire, en lien avec les branches professionnelles et les activités économiques de notre territoire ? Comment pourriez-vous mieux accompagner les personnes handicapées vieillissantes, lorsqu’elles quittent les ESAT, alors qu’elles rencontrent des difficultés à franchir cette nouvelle étape de leur vie, loin de leur lieu de travail, qui est souvent devenu un espace quasi familial de partage et de bonheur ? Il existe là une véritable préoccupation que nous pouvons tous partager.

Mme Sylviane Bulteau. Permettez-moi d’avoir une pensée pour M. Jean-Marie Barbier, qui a été président de l’Association des paralysés de France et dont les obsèques ont eu lieu hier ; nous garderons le souvenir d’un grand président.

Il est important d’avoir un projet de vie et une approche individualisée pour les personnes en situation de handicap, vous l’avez souligné, madame la ministre. Cependant, aujourd’hui, je voudrais vous alerter sur la souffrance des familles qui ne trouvent pas de places, notamment pour les jeunes, dans le secteur médico-social. Si j’examine le seul cas de la Vendée, mon département, le taux y est de 7,61 places pour 1 000 jeunes de 0 à 19 ans, soit un taux bien inférieur à la moyenne nationale, qui se situe à 9,3. En Vendée, il manque 109 places en IME ou 217 en SESSAD. Vous avez déclaré récemment qu’il fallait mieux connaître les besoins pour mieux adapter les réponses, car nous ne disposions pas de données précises. Au-delà de mon département, c’est dans toute la France qu’il faudrait affiner notre connaissance des besoins afin de réorienter et de réorganiser l’offre, à défaut de pouvoir financer de nouvelles places.

M. Denis Jacquat. Le Premier ministre a annoncé récemment un prochain projet de loi sur la perte d’autonomie. Il s’agit bien de perte d’autonomie – j’y insiste. Sont donc concernées les personnes âgées et les personnes handicapées, quel que soit le groupe iso-ressources dont elles relèvent. Les associations souhaitent qu’il n’y ait pas de limite d’âge. Quant à moi, je souhaite que la loi ne se fasse pas en trois temps : l’annonce, l’examen de la question du maintien à domicile, enfin l’institutionnel. De même que pour la création de l’APA, tout doit commencer en même temps. Le plus grand problème concerne, je le rappelle, le reste à charge.

Par ailleurs, plusieurs orateurs ont parlé des handicapés vieillissants. Il se posera sans doute à ce sujet un problème de choix de lieux, qui doit être laissé à l’appréciation des associations. Certaines personnes qui ont toujours vécu en établissement ou en institution souhaitent rester le plus proche possible de ces lieux. Doit-on les construire près des EHPAD ? N’oublions pas que les personnes handicapées vivent de façon individuelle et que se posera aussi la question de leur aide.

Enfin, s’agissant des personnes veuves et de la pension de réversion, le problème actuel est surtout celui du plafond du cumul.

M. Patrick Lebreton. Je souhaite obtenir quelques précisions sur le programme « Lutte contre la pauvreté », et plus particulièrement sur la transition entre le dispositif RSTA, qui était appliqué dans les DOM, et celui du RSA. La loi du 1er décembre 2008, qui a créé le RSA, avait exclu les outre-mer de son champ. Ce péché originel avait constitué une telle injustice que l’ancienne majorité a dû la réparer en partie, en créant un dispositif temporaire par décret du 27 mai 2009 : le revenu supplémentaire temporaire d’activité. Ce RSTA avait vocation à s’éteindre le 31 décembre 2012. De fait, l’ancien gouvernement, en choisissant cette date, n’avait fait que repousser le problème de la transition après les échéances électorales de 2012. L’année dernière, à la façon d’un cadeau empoisonné, le dispositif du RSTA a été prolongé par l’actuel gouvernement jusqu’au 31 mai 2013.

Les conditions d’éligibilité au RSTA – plafond de salaire de 1,4 SMIC et contrat de travail d’au moins un mois –, étant plus souples que celles du RSA activité, sa suppression, même programmée, suscite un certain émoi dans les outre-mer. Lorsque l’on compare les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du PLF 2012 à ceux de cette année, on constate que la dépense passe de 190 millions d’euros à 148 millions d’euros. Sans tenir compte des éléments objectifs d’évaluation de ces crédits, on peut estimer un écart de crédits de l’ordre de 42 millions d’euros, qui ne seront plus injectés dans les économies ultra-marines. Cette situation crée également un certain émoi chez les ultra-marins qui percevaient le RSTA et qui ne sont plus éligibles au RSA activité.

Nous confirmez-vous cet écart de 42 millions d’euros ? Pourriez-vous nous préciser avec exactitude, aujourd’hui ou plus tardivement, le nombre de salariés ultra-marins anciennement bénéficiaires du RSTA qui ne percevront plus de revenus de solidarité, la CAF étant dans l’impossibilité de répondre à cette question ?

M. Lionel Tardy. S’agissant tout d’abord du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » et de l’action « Économie sociale et solidaire », j’aimerais avoir des précisions sur deux aspects. Premièrement, en ce qui concerne les emplois d’avenir et les contrats de génération, vu le succès mitigé de ces deux mesures gouvernementales, je m’interroge sur l’utilité de pousser les acteurs de l’ESS à les utiliser et sur le coût d’une telle mobilisation. Deuxièmement, la reconnaissance de l’économie sociale et solidaire en France serait déjà un pas qui devrait satisfaire le ministre Benoît Hamon, pourquoi alors en faire une priorité au niveau européen, et là aussi pour quel coût ?

Mon autre question porte sur l’action « Pilotage du programme » du programme « Handicap et dépendance ». La ligne « Frais de justice », d’un montant de 200 000 euros, attire mon attention. Elle sert à couvrir les condamnations de l’État dans les contentieux liés aux MDPH, au défaut de scolarisation d’enfants handicapés ou encore au refus de délivrance de cartes de stationnement. Cette ligne n’est certes pas nouvelle, mais elle stagne par rapport à l’année dernière, alors que les contentieux étaient déjà en hausse. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour éviter ce genre de contentieux avec des personnes qui s’en passeraient volontiers ?

Mme Gisèle Biémouret. Mesdames les ministres, vous êtes longuement intervenues sur la question de l’aide alimentaire. Ne pensez-vous pas qu’une réflexion à plus longue échéance soit nécessaire sur le don en nature ? Certes, il existe aujourd’hui un certain nombre d’initiatives de récupération de produits, par exemple le Potager de Marianne au MIN de Rungis, et le Premier ministre a annoncé en septembre dernier, à Nantes, la création d’un nouveau dispositif pour développer les dons en nature des agriculteurs aux organisations caritatives, lesquels pourraient ainsi obtenir l’avantage fiscal prévu par la loi. Pouvez-vous nous en dire plus aujourd’hui sur les modalités du dispositif ? Cette réflexion sur le don aurait le mérite de souligner l’importance et la nécessité de la mise en relation de tous les acteurs locaux – donateurs, associations et collectivités territoriales – pour créer des partenariats, c’est-à-dire des filières d’insertion pour collecter les produits hors calibre et non récoltés.

La dimension logistique est une donnée forte, mais c’est le maillon faible de la chaîne du don dans l’aide alimentaire. Les frais de transport croissants représentent une part importante des enveloppes financières dédiées à l’aide, de même que les frais de stockage.

Voilà quelques pistes de réflexion autour de l’idée de mutualiser les bonnes pratiques, ce qui est à mon sens nécessaire à l’évolution efficace du dispositif de l’aide alimentaire.

M. Marc Francina. Mesdames les ministres, pour une chaise roulante qui coûte en moyenne 2 800 euros, la Sécurité sociale ne rembourse que 500 euros. Croyez-vous que toutes les familles puissent financer le complément ? Une chaise électrique avec verticalisateur coûte 25 000 euros, elle est remboursée à hauteur de 5 000 euros seulement par la Sécurité sociale. Quant aux aménagements d’un logement pour cause de handicap, ils donnent lieu à un crédit d’impôt de 10 000 euros. Or, j’ai interrogé à ce sujet le Gouvernement dans une question écrite, et on m’a répondu que ce crédit d’impôt est d’un montant de 10 000 euros sur cinq ans. Croyez-vous qu’une telle somme permette d’aménager une maison ? Cela coûte au moins 100 000 euros !

M. Gérard Bapt. Ma question rejoint celle de M. Francina. Au préalable, après avoir entendu plusieurs collègues de l’opposition, notamment M. Denis Jacquat, je rappelle que quand on réclame davantage de moyens et de crédits, il faut prévoir des recettes supplémentaires et éventuellement proposer des économies.

Concernant le problème des fauteuils roulants et pour compléter les propos de la présidente de notre commission des affaires sociales, je signale qu’il y a à Toulouse une entreprise adaptée, Le Cri, qui fabrique des prothèses, mais peut aussi rénover des fauteuils roulants. Ces fauteuils ont bénéficié, parce qu’ils sont parfois très chers, de financements croisés d’aide à l’acquisition par la personne handicapée. Lorsque celle-ci change d’appareillage ou bien malheureusement disparaît, le fauteuil peut être récupéré. La rénovation prend bien sûr du temps et nécessite des investissements – parce qu’il faut parfois changer des pièces. N’oublions pas que nous sommes sur un marché concurrentiel. Or on dit à l’entreprise qu’elle ne peut pas bénéficier d’aides, car le fauteuil a déjà été subventionné au moment de la première acquisition. En conséquence, si le dégât est un peu important, on le jette et la personne va devoir racheter un fauteuil aux tarifs indiqués par M. Francina. Voilà un exemple d’économies qui mériterait que l’on y réfléchisse, et nous sommes nombreux à pouvoir citer de tels cas. Sinon on va se tourner, comme le disait Mme Lemorton, vers les fonds d’action sociale des caisses primaires d’assurance maladie, qui n’en peuvent déjà plus. La question que j’ai soulevée devrait amener une réponse réglementaire.

Mme Monique Orphé. Mesdames les ministres, à l’heure où je parle, M. Chérèque est à La Réunion pour présenter le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, mais je tenais à être présente ici puisque nous débattons de la solidarité, de l’insertion et des moyens de réduire la pauvreté. Ce sujet central fait débat à La Réunion, et c’est normal puisque les chiffres de l’INSEE sont mauvais : je rappelle que 42 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, que celle-ci touche six enfants sur dix et que le taux de chômage reste très élevé. Mon collègue Patrick Lebreton a évoqué la fin du RSTA, qui prévoyait le versement de 100 euros pour les ménages gagnant jusqu’à 1,4 SMIC. Cette mesure a produit une perte de pouvoir d’achat pour environ 30 000 foyers et a créé des crispations au sein des ménages réunionnais. La fin probable du COSPAR, une prime accordée aux salariés touchant une faible rémunération – dont le montant était de 50 euros fin 2013 – risque encore d’aggraver la situation. De plus, la présidente du département menace de ne plus verser le RSA en raison de la charge que ferait peser cette allocation sur le budget de la collectivité.

Bien évidemment, je me réjouis du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté dévoilé par le Premier ministre. Un tel plan a le mérite d’exister, mais il n’est pas à la hauteur des défis à relever pour les outre-mer. Pour réduire sensiblement et durablement la pauvreté dans nos territoires, ne pourrait-on pas, madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, réfléchir à un plan non pas sur cinq ans mais sur quinze ans, à l’instar de ce que prévoit la LODEOM pour soutenir l’économie réunionnaise ? Cela permettrait d’avoir une vision plus globale de la pauvreté dans les outre-mer et de prendre des mesures qui la réduiraient radicalement.

Par ailleurs, le département réunionnais fera-t-il l’objet d’un plan de rattrapage financier concernant le RSA ?

Enfin, j’ai bien compris que la mise en place de la prime d’activité est toujours à l’étude. N’y aurait-il pas moyen de simplifier le dispositif, notamment celui du RSA Activité, puisque, aujourd’hui, le taux de non-retour est très élevé, et plus encore dans nos territoires ?

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous en venons aux réponses de Mmes les ministres.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame Lemorton, le fonds d’action social des caisses primaires d’assurance maladie est en effet extrêmement sollicité pour aider les personnes en difficulté. Chaque caisse fixe ses priorités en matière d’action sociale, que ce soient des aides individuels ou des aides complémentaires, et la caisse nationale reste vigilante sur l’état des besoins de son réseau, notamment dans les territoires les plus touchés par la crise. C’est un sujet qui mérite de notre part une attention toute particulière.

Madame Dalloz, vous avez évoqué, ainsi que M. Gaby Charroux, les pertes de recettes du Fonds national de solidarité active. Je précise que la perte anticipée de recettes liée à la décision de ne pas soumettre les PEL et les PEA à la contribution sociale abondant ce fonds ne devrait pas être trop élevée – je ne sais pas exactement à combien elle s’élèvera puisqu’elle est en train d’être chiffrée. J’ai également précisé que le mode de compensation n’était pas encore arbitré. Mais je vous assure que la compensation aura bien lieu : le paiement du RSA Activité sera assuré puisqu’il s’agit d’une dépense obligatoire. Concernant l’AAH, le montant affecté à la dépense est beaucoup plus important que l’année précédente – plus 3,02 % – parce que nous avons intégré prévisionnellement un nombre d’allocataires plus important, même si l’augmentation devrait être moins rapide qu’auparavant.

Je réfléchis à divers autres moyens d’éviter le cumul du handicap et de difficultés financières ; je pense notamment à l’accès aux droits. Ainsi plus de 100 000 personnes susceptibles de bénéficier de l’AAH sont entrées dans le dispositif dans le cadre de la hausse de 7 % du plafond de la CMU-C et de l’ACS, intervenue en juillet 2013. Nous essayons vraiment de favoriser l’accès à leurs droits des personnes en situation de difficulté, particulièrement les personnes handicapées.

L’équilibrage de la gestion en fin 2013 relève de la loi de finances rectificative. Il sera assuré compte tenu des données que nous aurons précisément sur le nombre de personnes concernées. S’agissant des prévisions de dépenses en 2014, le budget se base sur une fourchette d’estimation du nombre de bénéficiaires, mais je tiens à vous garantir, mesdames, messieurs les députés, que le budget est bien entendu transparent.

Sur les ESAT, je vous ferai une réponse collective puisque beaucoup d’entre vous en ont parlé. Le Gouvernement a choisi, depuis deux ans, de consolider les places existantes car ces établissements, leurs personnels et leur encadrement sont d’une grande fragilité. Nous menons cette politique, d’une part en stabilisant la masse salariale, bien mal en point les années précédentes, d’autre part, en augmentant les investissements dans les ESAT pour qu’ils se modernisent. Afin de faciliter la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, nous travaillons à favoriser l’obtention d’un travail à temps partiel. Il s’agit d’ouvrir de nouvelles pistes au sein des établissements pour mieux prendre en compte cette population. Nous allons valoriser la formation des salariés en ESAT mais également en entreprise adaptée. Nous menons en ce moment une négociation avec les acteurs de la formation professionnelle pour améliorer l’encadrement. Dans le cadre du comité interministériel du handicap, nous travaillons à améliorer les liens entre les ESAT, les entreprises adaptées et les entreprises ordinaires. Nous essayons ainsi de mettre en œuvre ce qui était depuis longtemps un objectif affiché : il s’agit de créer des passerelles, ce que réclament vraiment les personnes en situation de handicap et leurs familles. Mon ministère soutient particulièrement les ESAT mais aussi les entreprises adaptées pour qu’ils aient plus facilement accès aux acheteurs publics à travers les marchés publics. Un référentiel, accessible à tous les acheteurs, a été créé pour montrer qu’il s’agit de vraies activités professionnelles et non d’activités marginales, exercées par de vrais travailleurs, quelquefois très compétents dans leur domaine. J’ai travaillé à Eurocopter, et je peux témoigner que ce groupe sous-traite à des ESAT et à des entreprises adaptées des secteurs de son activité extrêmement pointus.

Je voudrais maintenant parler de la convergence tarifaire : 126 ESAT sont concernés, soit 10 % du total. Vous savez qu’un tarif plafond a été fixé en 2009, qui est aujourd’hui de 12 000 euros par an et par place. En 2012, une circulaire avait prévu que les ESAT dépassant le tarif plafond verraient leurs dotations diminuer de 2,5 %, de même que celles que versaient les ARS, ce qui privait ces dernières de toute marge de manœuvre. Aussi, en 2013, j’ai souhaité adopter une politique adoucie, en gelant plutôt qu’en annulant les crédits dépassant le tarif plafond. Le Conseil d’État vient d’annuler la circulaire de 2012, et ce sera probablement le cas pour celle de 2013, ce qui entraîne un coût supplémentaire de 3,36 millions d’euros. Mais je dois rédiger, sur les ESAT, une nouvelle circulaire au cours du premier trimestre 2014 : il s’agit d’introduire une convergence plus souple, de revaloriser les tarifs par rapport à l’inflation, conformément à la demande du Conseil d’État, et de permettre aux ARS de procéder de façon plus modérée pour atteindre des tarifs plus équilibrés en leur octroyant une plus grande marge de manœuvre.

Par ailleurs, vous savez que le ministère des affaires sociales et de la santé mène une réforme de la tarification des établissements médico-sociaux. Cette réforme est très attendue depuis longtemps, elle est nécessaire et urgente ; elle abordera bien entendu la tarification des ESAT.

Christophe Cavard et d’autres députés ont abordé la compensation aux conseils généraux. Le Gouvernement a prévu un pacte de confiance et de responsabilité avec les départements ; un fonds de solidarité de 830 millions d’euros a été mis en place, plus une capacité fiscale accrue pour deux ans afin de leur permettre d’obtenir des recettes supplémentaires. Ces deux ressources seront accordées après la signature du pacte entre l’État et l’Association des départements de France. Le Gouvernement soutient les collectivités territoriales, en particulier les départements dans le cadre de leurs actions pour les personnes en situation de handicap.

M. Tardy a évoqué les contentieux. Nous menons plusieurs actions pour en diminuer le nombre. Il ne suffit pas d’inscrire chaque année une ligne budgétaire consacrée aux contentieux, encore faut-il que ceux-ci régressent. À cet égard, nous recensons maintenant chaque année les effectifs dans les MDPH et nous remboursons celles-ci à l’euro près, et nous sommes en train de réformer, avec l’appui de la mission de modernisation de l’action publique, l’attribution des cartes de stationnement, réforme qui aboutira en 2014.

M. Lebreton a parlé du RSTA. Cette prestation a en effet pris fin le 31 mai 2013, comme il en avait été décidé. Je ne suis pas en mesure aujourd’hui d’indiquer le nombre de salariés concernés, mais ils entrent dorénavant dans le droit commun du RSA socle et du RSA Activité. Ce passage de relais se passe plutôt bien, mais je compte beaucoup sur la réforme du RSA Activité et de la prime pour l’emploi pour mieux couvrir l’ensemble des personnes concernées, notamment à La Réunion.

Sur la question de la surdité, le comité interministériel du handicap a effectivement programmé la transformation des centres régionaux en un centre national : le centre d’information sur la surdité. Le choix s’est porté sur l’Œuvre des villages d’enfants, situé en Rhône-Alpes, porteur de ce qui a été considéré comme le meilleur des projets présentés. L’évaluation sera organisée par les services de l’État, c'est-à-dire que nous gardons le contrôle de l’évaluation et du suivi.

S’agissant du plan de lutte contre la pauvreté et la précarité, lancé il y a moins d’un an, M. Chérèque est chargé de faire le tour de France pour vérifier son état d’avancement. Il est important de savoir si nous faisons ou non reculer la pauvreté et la précarité puisque tel était l’objectif du plan. Une fois que nous aurons fait le point, avant la fin d’année, nous vous en rendrons compte.

Nous avons avancé sur certaines dispositions, sur lesquelles je ne reviens pas : le RSA socle, le plafond de la CMUC, les tarifs sociaux de gaz et d’électricité – qui ont été étendus à plusieurs centaines de milliers de foyers nouveaux qui n’y avaient pas droit jusqu’alors – et la garantie jeune qui, à peine créée, a été décriée alors qu’elle est prévue dans le plan de lutte contre la précarité et la pauvreté.

Cette mesure n’est pas un nouveau droit acquis, quelque chose qui va tomber tous les mois chez des jeunes qui vont rester à leur domicile sans rien faire, contrairement à la caricature qui en a été faite. Il s’agit de sortir de la précarité, de la galère, des jeunes qui n’ont rien, ni emploi ni formation, et qui sont quelquefois en désarroi familial. Nous allons les prendre en charge, les accompagner pour qu’ils trouvent une formation, un emploi, un emploi d’avenir qui peut être une sortie, et nous leur donnerons l’équivalent du RSA pendant les périodes où ils n’auront pas de moyens, avec des contraintes extrêmement rigoureuses.

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme du RSA Activité et de la prime pour l’emploi, nous avons prévu – M. Sirugue qui est présent – d’intégrer les jeunes à partir de dix-huit ans, de manière à ne pas les abandonner sur le bas-côté du chemin. La jeunesse reste bien notre priorité.

S’agissant de l’économie sociale et solidaire, je peux répondre à vos questions de manière globale mais je ne suis pas en mesure de le faire de manière très détaillée. Comme le problème se pose depuis deux ans, n’oubliez pas d’inviter Benoît Hamon l’année prochaine. En tout état de cause, je vous propose de vous donner une réponse écrite, après l’avoir consulté.

Madame Louwagie, vous m’avez parlé d’accessibilité, un sujet important et un élément fort du Comité interministériel du handicap. Nous avons décidé de recruter 1 000 ambassadeurs de l’accessibilité dans le cadre du service civique. Aujourd’hui, rien n’est décidé, dans aucune région, mais j’ai entendu votre message : il y a des régions urbaines, des campagnes, des zones de montagne. Compte tenu de la diversité de la France, ces ambassadeurs peuvent être fort utiles pour aller chez les petits commerçants, y compris dans les petites communes qui n’ont pas les moyens que les grandes communes ou grosses collectivités peuvent avoir.

Sachez que la sénatrice Claire-Lise Campion négocie actuellement avec l’ensemble des partenaires. Elle a jusqu’à la fin de l’année pour élaborer une proposition de contrats – je n’aime pas le mot – pour après 2015, même si l’objectif reste 2015. Nous allons tout faire pour accompagner ceux qui vont tenir l’objectif de l’accessibilité en 2015. Pour les autres, il n’est pas question de laisser tomber : nous allons leur proposer un délai de quatre ans, cinq ans, à négocier avec les associations, sachant que ces dernières tablent sur des échéances plus courtes que les collectivités ou les commerçants. Nous essayons de définir un calendrier satisfaisant.

Ceux qui ne respecteront pas l’objectif à l’issue de ces contrats se verront infliger des sanctions financières qui iront abonder un fonds qui pourra refinancer l’accessibilité. Nous avons fait des propositions quant aux retards pris en matière d’accessibilité. Rendez-vous en fin d’année pour faire le point sur la poursuite de cet objectif et sur les 1 000 ambassadeurs de l’accessibilité ; ces derniers ne vont pas être recrutés maintenant puisque le dispositif sera mis en place au tout début de 2014.

Que ceux auxquels je n’aurais pas répondu veuillent bien m’excuser ; je leur adresserai des réponses plus précises.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur Costes, votre discours était un peu convenu, et ne comportait pas de véritable question sur la branche famille dans le projet de loi de finances. Il est insupportable d’entendre que l’on porterait atteinte à la politique familiale. Vous vous satisfaisiez de considérer que des enfants issus de milieux aisés reçoivent, après fiscalité, plus de la politique familiale que des enfants de milieux modestes, car c’était la réalité.

Pour notre part, nous souhaitons un rééquilibrage de la politique familiale, qui comporte deux aspects : des prestations financières et des services aux familles. À notre arrivée, nous avons trouvé une branche famille déficitaire et une politique consistant à geler l’indexation des prestations familiales. C’étaient vos choix ; nous en avons d’autres et nous envisageons une politique familiale beaucoup plus redistributive.

Quand vous plaidez contre l’abaissement du plafond du quotient familial, je rappelle que cela ne concerne que 12 % des familles, les plus aisées, et que, par conséquent, 88 % des familles ne sont pas concernées. Quant à la réévaluation de l’allocation de base de la PAJE, elle concerne moins de 180 000 familles – et non pas 300 000 –, soit 10 % des familles allocataires de cette prestation.

Vous oubliez, dans le même temps, la revalorisation de l’allocation de soutien familial et celle du complément familial. Or la revalorisation de ces deux prestations vise justement à lutter contre la précarité de certaines familles.

Nous pourrions attendre un discours plus commun sur le sujet. Qu’est-ce qu’une politique familiale ? Elle vise à permettre à toutes les familles, quel que soit leur niveau social, d’éduquer leur enfant dans des conditions satisfaisantes. Il y a encore des marges de progression pour introduire plus de justice dans notre politique familiale et nous nous y engageons, car il en va de son efficacité. Pour être efficace, elle doit aussi être fondée sur le développement des services aux familles qui, eux, concernent indifféremment tous les milieux sociaux.

En effet, il s’agit d’une vraie rupture avec la politique précédente, qui avait le choix de la déscolarisation massive des enfants de deux et trois ans et de la réduction très faible des places en crèches. Pour notre part, nous avons choisi d’investir énormément dans ce qui est le développent de la politique des services à toutes les familles, et de l’aide aux plus précaires d’entre elles.

Ce sont de vrais choix. Si plusieurs conceptions de la politique familiale peuvent exister, il n’y en a pas une qui serait bonne et l’autre destructrice. Cela, je ne peux l’entendre et c’est pourquoi je voulais revenir sur un discours convenu que je ne laisserai pas s’enkyster dans l’esprit de certaines familles.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Avant de répondre à Mme Pinville, je voudrais vous poser une question : connaissez-vous le numéro d’Allô maltraitance, le numéro vert que nous mettons à la disposition de 100 % des Français ? Je vois des personnes très avisées qui acquiescent, mais elles ne représentent pas la totalité d’entre vous. Si nous ne le connaissons pas, cela signifie que beaucoup trop de Français ne le connaissent pas. N’hésitez donc pas à le faire connaître, à le mentionner dans vos courriers de député.

Ce numéro est le 39 77 et ses crédits vont être augmentés – bonne nouvelle qui n’a pas été saluée –, car nous voulons mieux couvrir le territoire, notamment les trois départements qui ne disposent pas encore de ce service. Mais nous voulons avant tout faire connaître ce numéro. S’il n’est objectivement pas bon sur le plan mnémotechnique, il serait encore pire d’en changer, car au moins deux ou trois députés le connaissent…

Monsieur Jacquat et monsieur Costes, bien sûr, nous sommes tous pressés et ambitieux en ce qui concerne la loi sur l’autonomie, mais il est peut-être préférable de la mettre en œuvre en deux temps, comme annoncé dès janvier dernier, que de ne pas la faire du tout. N’ayons pas la langue de bois et reconnaissons que, pour des raisons de contrainte budgétaire, la partie portant sur le reste à charge et sur la tarification des établissements, prendra effet pendant la deuxième moitié du quinquennat. Compte tenu aussi de son importance financière, ce volet viendra après la discussion sur la refondation du financement de la protection sociale. Sachons donc voir le verre à moitié plein, d’autant qu’il est bien rempli.

Monsieur Heinrich, vous m’avez interrogée sur la réduction des heures attribuées par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, en parlant des « personnes malades ». Sachez que les heures des CARSAT aux personnes relevant des GIR 5 et 6, c'est-à-dire les moins dépendantes, sont attribuées pour aider ces dernières à reprendre plus d’autonomie, et que nous allons d’ailleurs les destiner davantage encore à la prévention. Pour les personnes malades nécessitant des soins, il faut recourir à une intervention couplée avec les syndicats intercommunaux d'aide à domicile.

Globalement, la dotation des CARSAT dans ce budget n’est pas le fait de mon ministère mais nous sommes en train de travailler au socle commun de ces aides qui entrent dans le cadre de la politique sociale, de les réorienter, de les homogénéiser. Nous parviendrons dans tous les cas à une amélioration.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Même si ce sujet relève du ministère de l’emploi et non pas de la mission solidarité, je voulais revenir sur une question à laquelle je n’ai pas répondu, qui portait sur l’aide au poste dans les entreprises adaptées.

Il a été question du pacte destiné à créer des places, de 2012 à 2014. Certes, ce pacte existe mais son budget est sous-consommé : il reste des places car les établissements n’en créent pas suffisamment. Le programme se poursuit, mais un nouvel échelonnement sera nécessaire, notamment en raison des disparités entre les territoires.

Il est donc faux de dire que nous ne créons pas de places dans les entreprises adaptées. Nous en créons, le plan existe et il se poursuit, mais il est sous-consommé. Je tenais à le préciser. Cela étant, un nouvel échelonnement 2014-2017 des aides au poste sera nécessaire, de manière à être plus près de la réalité.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Mesdames les ministres, je vous remercie.

Je rappelle que la discussion et le vote en séance publique auront lieu le jeudi 7 novembre 2012.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures vingt.

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