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(Application de l’article 120 du Règlement)
La réunion de la commission élargie commence à vingt-et-une heures cinq.
M. le président Gilles Carrez. Nous sommes heureux, Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales, et moi-même, de vous accueillir, monsieur le ministre du travail de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour examiner en commission élargie les crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2014. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé en juillet dernier que les crédits de toutes les missions seraient examinés en commission élargie, ce qui nous vaudra de nous retrouver sur ce même sujet, en séance publique cette fois, le 7 novembre.
Le débat entre le Gouvernement et les parlementaires en commission élargie doit être interactif, concis, incisif le cas échéant. À cette fin, il convient que chacun respecte scrupuleusement son temps de parole.
Mme la présidente Catherine Lemorton Je rappellerai simplement que, depuis le début de la législature, et dans un contexte extrêmement difficile, le Gouvernement a bien eu comme fil conducteur de son action l’amélioration de la situation de l’emploi : en témoignent les travaux menés par notre Commission, qu’il s’agisse des emplois d’avenir, des contrats de génération, de la sécurisation de l’emploi ou encore de la reprise des sites rentables.
M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances. La mission « Travail et emploi » – qui concentre les moyens alloués à la lutte contre le chômage, première priorité du Gouvernement – bénéficiera en 2014 de 11,14 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 7 %, et, comme cette année, de 12,29 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Précisons toutefois que la mission connaît d’importantes évolutions. En particulier, le programme 412, « Formation et mutations économiques », qui permettra d’identifier les investissements d’avenir, a pour objectifs de mieux anticiper les mutations économiques et de promouvoir des solutions locales.
Cette priorité budgétaire découle de la situation de l’emploi : en octobre 2013, près de 3,23 millions de chômeurs sont inscrits en catégorie A, soit 10,5 % de la population active, au terme de cinq années de hausse presque constante. Votre rapporteur spécial souligne toutefois que la politique gouvernementale, qui privilégie l’amélioration de la situation de l’emploi et des entreprises, commence à porter ses fruits : depuis quatre mois, en moyenne, le chômage des moins de 25 ans est en baisse.
Cela résulte notamment des efforts consentis par le Gouvernement pour maintenir un volume de 340 000 contrats aidés non marchands en 2014, auxquels il convient d’ajouter les 150 000 emplois d’avenir prévus d’ici à la fin de l’année prochaine. Contrairement à ce que l’on entend parfois, ces contrats sont irréductibles à un traitement social du chômage, car le Gouvernement a mis l’accent sur l’accompagnement de leurs bénéficiaires et a veillé à en accroître la durée : celle des contrats uniques d’insertion de la sphère non marchande est ainsi passée, en moyenne, de 6,81 mois en janvier 2013 à 8,26 mois à la fin de septembre. Nous n’avons pas l’emploi aidé honteux, et ceux qui, aux premiers jours de 2012, avaient engagé 80 % de l’enveloppe devraient se montrer plus conséquents.
En outre, Pôle Emploi bénéficiera de 70 millions d’euros de plus qu’en 2013 et le dispositif de chômage partiel, simplifié et renforcé, gagnera 50 millions d’euros, tout comme le financement des contrats de sécurisation professionnelle. Le dispositif NACRE – nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d’entreprise –, instauré sous la précédente majorité, sera maintenu l’année prochaine. Il donne en effet satisfaction puisque le taux de survie des entreprises créées par des demandeurs d’emplois atteint 84 % trois ans après le démarrage de l’activité. Même si, optiquement, les crédits sont en baisse, les moyens d’intervention ne le sont pas.
Saluons également l’effort consenti en faveur des missions locales, qui bénéficieront de 45 millions d’euros supplémentaires, et de l’insertion par l’activité économique, l’IAE, qui gagne 25 millions. Dans les deux cas, la décision n’a pas été prise sans concertation avec les acteurs concernés. Je proposerai toutefois d’accroître encore ce soutien.
En somme, ce budget est conforme aux orientations définies par le Président de la République : soutien à l’emploi, simplification des dispositifs, hausse des moyens alloués au service public de l’emploi et souci d’efficacité des politiques de l’emploi. Ces dernières sont renforcées, comme il se doit dans un contexte de crise. Ces priorités impliquent des arbitrages – et nous allons certainement reparler des maisons de l’emploi. Cela dit, toute politique doit faire l’objet d’une évaluation et nous devons, dans le cadre budgétaire contraint qui s’impose à nous, veiller à clarifier les compétences de chacun.
Monsieur le ministre, la réforme de l’apprentissage intéresse directement le compte d’affectation spéciale (CAS) et la mission, du fait de la compensation, accordée par l’État aux régions, de la nouvelle prime à l’apprentissage prévue à l’article 77 du PLF. Les contrats d’objectifs et de moyens – COM – resteront-ils nécessaires ? Le CAS sera-t-il modifié ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités transitoires, sur la nouvelle prime destinée aux entreprises de moins de 11 salariés et sur la compensation financière dont bénéficieront les régions une fois supprimée l’indemnité compensatrice forfaitaire ?
La fusion et la réforme des dispositifs d’activité partielle est-elle déjà effective et les entreprises se sont-elles saisies des possibilités ainsi offertes ?
Enfin, les crédits destinés à la dotation globale de restructuration demeurent stables, à 31,5 millions d’euros ; ne serait-il pas bienvenu de renforcer les outils dont dispose l’État pour appuyer les restructurations, notamment en matière de reconversions professionnelles ?
M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour l’emploi. Ce budget est un bon budget, qui prépare l’avenir et anticipe la décentralisation de la formation. Contrairement à ce que l’on entend souvent dire, le Gouvernement sait s’affranchir du carcan des lois de programmation pluriannuelle et du plafonnement des dépenses publiques pour intervenir efficacement lorsque la situation l’exige. La forte remontée du chômage provoquée par la crise financière, puis économique exige une intervention ferme du service public de l’emploi pour inverser la courbe ; le budget de la mission « Travail et emploi » lui en donne les moyens.
Ainsi, 1,6 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires financeront en 2014 les emplois d’avenir, l’allongement de la durée des contrats aidés, les contrats de génération et la garantie jeune. Ces mesures ont pour objectif commun de donner aux jeunes les moins qualifiés et les moins favorisés – ceux que les sociologues appellent parfois les « invisibles » –, non un stage de quelques mois pour qu’ils ne soient plus comptabilisés dans les statistiques du chômage, mais un premier emploi d’une ou plusieurs années, qui leur ouvre le marché du travail, leur redonne confiance en eux et leur permette d’acquérir une qualification professionnelle. De ce point de vue, les 75 000 contrats d’avenir déjà signés sont un succès. La garantie jeune permettra aux plus démunis, que menacent le repli sur soi et l’exclusion sociale, de s’engager, avec les missions locales, dans un parcours de réinsertion par étapes.
Si sont ainsi tenus les engagements pris par le Président de la République en faveur des jeunes qui ont quitté le système scolaire sans qualification et qui se retrouvent sans emploi ni ressources, souvent à la charge de familles elles-mêmes démunies, ce n’est pas au détriment des autres charges du service public de l’emploi. Ainsi la réorganisation de Pôle Emploi et l’augmentation planifiée de ses effectifs sont financés par une hausse de 70 millions d’euros de sa dotation, qui s’ajoute à la hausse mécanique de l’apport de l’Unedic, laquelle représente 50 millions d’euros. Il paraît nécessaire d’abonder également la dotation des missions locales, bloquée depuis plusieurs années, et d’accroître le montant alloué à l’accompagnement des emplois d’avenir.
La réforme de l’insertion par l’activité économique est engagée. À la suite d’un rapport de l’IGAS, le Centre national d’appui et de ressources a créé un groupe de travail en vue de faire de l’aide au poste le mode de financement des quatre formes d’insertion par l’économique, tout en ménageant une possibilité de modulation locale à la marge. Le montant de l’aide et le nombre de postes étaient bloqués depuis 2002. Votre rapporteur avait obtenu l’an dernier par voie d’amendement que le plafond des postes des entreprises d’insertion, acteurs majeurs du secteur, soit revalorisé. Toutefois, compte tenu de la fongibilité des crédits, un tiers seulement de ceux qui ont été votés sont allés aux entreprises d’insertion. Le Gouvernement s’est engagé à mener à bien cette réforme en deux ans. Il provisionne, pour 2014, 15 millions d’euros supplémentaires afin de porter l’aide au poste à 10 500 euros ; à compter de 2015, il indexera le montant des aides sur le SMIC, après que 90 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi auront basculé, au second semestre, dans ce dispositif d’aide au poste.
Le transfert aux régions de recettes fiscales, qui remplacent à l’euro près les dotations de décentralisation qu’elles percevaient pour la formation, recentre le programme 103 sur l’accompagnement des mutations économiques. Des inquiétudes se sont certes exprimées à propos de la prime d’apprentissage, mais vous allez certainement les dissiper, monsieur le ministre. Les transferts budgétaires devraient s’achever avec la prochaine réforme de la taxe d’apprentissage et de la formation professionnelle.
Les contrats de génération progressent très lentement, mais les représentants des organisations syndicales et patronales que nous avons auditionnés estiment que le retard pris lors de la négociation des accords préalables de branche est en passe d’être rattrapé.
Ils sont moins rassurants sur la situation de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA. Après avoir alerté l’année dernière à ce sujet, puis entrepris de faire le point sur son plan de refondation, j’ai approfondi au fil des auditions l’analyse des causes de ses difficultés, et vous trouverez mes conclusions dans le rapport.
L’AFPA n’est pas tirée d’affaire, loin s’en faut. La nouvelle direction, installée en début d’année, a fait beaucoup en très peu de temps. Elle a pris de l’avance sur le plan de réduction des coûts fixes et lancé plusieurs chantiers de reconquête de marchés et de clientèles laissés de côté tant que la commande publique suffisait à faire vivre l’association. Cette refondation inclut des chantiers de longue haleine tels que la modularisation des certifications et la création de nouvelles formations, plus courtes ou plus segmentées, à l’intention des salariés qui bénéficieront bientôt du compte personnel et de parcours adaptés aux restructurations d’entreprises. L’adaptation du maillage territorial de l’AFPA doit être négociée au cas par cas avec les conseils régionaux. Le déploiement des personnels et le changement des méthodes de formation prennent du temps. Mais il y a des urgences : l’AFPA continue de perdre des marchés, notamment ceux de l’État, alors qu’elle n’a récupéré qu’une faible part des 30 000 formations prioritaires demandées par le Président de la République. Elle aura donc du mal à atteindre le chiffre d’affaires qu’elle s’est fixé.
L’avenir de l’AFPA se joue donc sur le fil, à 30 millions d’euros près. L’État lui a déjà apporté 110 millions d’euros de fonds propres mais les banques, qui doivent prendre le relais de la recapitalisation, attendent la suite. Nous ne pouvons dissimuler notre inquiétude. Il faut un accord général avec les régions, qui assurent l’essentiel des recettes de l’AFPA par leurs commandes ; quant à l’État, il doit appliquer l’engagement pris par le Premier ministre. Nous devons parvenir à maintenir dans les territoires des formations à recrutement national, souvent onéreuses, car pointues, et que chaque région rechigne à subventionner pour les autres. Ne pourrait-on mettre à profit les programmes d’investissements d’avenir pour entretenir et adapter les plateaux techniques, ce qui permettrait de réduire le coût de l’heure stagiaire pour les régions ?
La régionalisation des formations a réduit de moitié leur mobilité interrégionale. L’AFPA dispose de la structure administrative et technique nécessaire pour assurer sa mission nationale, mais elle n’en a plus les moyens financiers. Je m’interroge donc sur la stratégie immobilière du Gouvernement, qui semble hésiter entre la signature complexe de baux emphytéotiques administratifs et une dévolution du patrimoine de l’AFPA aux régions, comme le prévoit le projet de loi de décentralisation. Imposer à l’AFPA des conditions draconiennes en matière de loyers et de taux d’intérêt des obligations associatives, c’est prendre le risque d’un défaut de trésorerie. On ne peut faire dépendre d’un incident de ce genre le sort des 9 000 salariés de l’AFPA, ni le patrimoine de ses 216 centres de formation.
Le « tout État » n’étant plus possible, non plus que le « tout régions », nous devons trouver le moyen de conjuguer l’action à ces deux niveaux. L’AFPA n’ayant été ni intégrée au service public de l’emploi ni privatisée, nous devons la placer au cœur des futurs services publics régionaux de la formation tout en lui conservant une dimension de service public national. Le SIEG – service d’intérêt économique général – pourrait le permettre. Le destin de l’association va se jouer dans les mois qui viennent ; monsieur le ministre ; les orientations que vous allez donner à propos des possibilités de financement de l’État, notamment pour les publics spécifiques, de l’évolution du patrimoine et de la constitution d’un SIEG national seront décisives, et significatives du nouvel équilibre entre État et régions auquel vous souhaitez parvenir dans la future réforme de la formation professionnelle.
M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail. Pour la cinquième année consécutive, j’ai l’honneur d’avoir été nommé rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales pour les programmes 111 et 155 de la mission « Travail et emploi ».
Je ne peux que constater qu’aucune impulsion nouvelle n’est donnée à ces programmes, dont les priorités restent celles qui avaient été fixées par la précédente majorité, mais dont les moyens sont réduits en ce qui concerne la santé au travail, la qualité et l’effectivité du droit ainsi que le dialogue social, domaines cruciaux pour l’avenir du marché de l’emploi. Pourtant, l’actuel gouvernement n’a-t-il pas fait du dialogue social une priorité ? En outre, cette année encore, il ne nous a communiqué que l’évolution prévisionnelle globale de la mission pour 2015, alors que le précédent gouvernement nous présentait ses prévisions programme par programme. Enfin, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) ne dispose toujours pas de nouveau contrat d’objectifs et de moyens, alors que son dernier contrat de progrès est arrivé à échéance fin 2012.
Je me suis intéressé cette année aux addictions pendant le travail – et non au travail ! Dans ce domaine, les nombreuses auditions que j’ai menées font apparaître une véritable irresponsabilité collective. En effet, les employeurs ne disposent pas de moyens efficaces de prévenir ce phénomène ou de le combattre ; les médecins du travail considèrent souvent que leur rôle n’est pas de « fliquer » les salariés ; enfin, les représentants syndicaux réduisent le problème à une question d’organisation du travail. Or les responsabilités en jeu sont lourdes pour tous les acteurs, notamment en cas d’accident. La responsabilité pénale du chef d’entreprise peut ainsi être engagée, de même que celle des collègues de travail de la victime. Dans certains secteurs professionnels, comme le bâtiment, les entreprises demandent instamment de nouveaux moyens d’action, en particulier en matière de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool. Monsieur le ministre, comptez-vous autoriser les entreprises à employer des outils de détection simples et fiables de l’absorption de drogues, à l’image des tests comportementaux de vigilance aujourd’hui pratiqués par les forces de l’ordre lors des contrôles routiers ?
Les conseils de prud’hommes doivent être renouvelés au plus tard en 2015 ; envisagez-vous une réforme du mode de désignation des juges prud’homaux ?
Enfin, quand comptez-vous inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le projet de loi de révision constitutionnelle sur le dialogue social, déposé en mars dernier ?
M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage. Pour la deuxième année consécutive, la Commission des affaires sociales m’a confié le rapport pour avis sur le compte d’affection spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
Je ne peux cacher aux commissaires les difficultés auxquelles je me suis heurté en préparant mon rapport. En effet, les documents déposés au Parlement ne retracent pas la réalité du budget réellement alloué à l’apprentissage, notamment du fait de la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire – l’ICF – annoncée en juillet dernier. Les arbitrages interministériels étant intervenus après le dépôt du projet de loi, c’est par voie d’amendement que le Gouvernement a équilibré les dépenses et les recettes du compte. Certains amendements ont d’ores et déjà été adoptés à l’article 25 du projet de loi de finances pour 2014. Ainsi, avant même son examen en commission élargie, le budget de l’apprentissage s’est beaucoup éloigné du bleu budgétaire. En outre, 18 % seulement des réponses au questionnaire budgétaire sont parvenues à votre rapporteur pour avis. Cette incertitude a nourri l’inquiétude, notamment celle des régions, compétentes en matière d’apprentissage, qui risquent de devoir compenser le désengagement de l’État.
L’action n° 01 du programme 787, qui concerne la péréquation entre les régions, se voit attribuer 60 millions d’euros au lieu des 200 millions d’euros octroyés depuis sept ans. Il semble toutefois que le Gouvernement ait l’intention de rétablir la précédente dotation. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ?
Le présent projet de loi de finances inclut deux réformes importantes : le resserrement du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage et le remplacement de l’ICF.
La formation d’un apprenti reste pour les entreprises une dépense, que le crédit d’impôt les incite à consentir. En 2013, le montant de ce crédit atteint 500 millions d’euros, ce qui représente une aide substantielle. Mais en resserrant le crédit d’impôt sur la seule première année de formation des apprentis et sur les seuls niveaux 5 à 3, le Gouvernement réalise une économie de 234 millions d’euros, soit de près de moitié. Voilà qui ne favorise guère la signature de contrats d’apprentissage alors que les entreprises perçoivent toujours moins d’aides, qu’elles ont déjà subi la suppression de l’ICF et que les entrées en apprentissage diminuent.
Quant à la nouvelle prime à l’apprentissage, elle sera ouverte aux seules entreprises de moins de 11 salariés et s’élèvera à 1 000 euros au minimum, les régions pouvant éventuellement décider de l’augmenter. Un dispositif spécifique assure la transition des contrats en cours. Le montant de l’indemnité reste inchangé la première année, sur la base de 1 360 euros, calculée par l’État. Pour les entreprises de moins de 11 salariés, l’aide atteindra 1 000 euros pour les deuxième et troisième années de formation. Pour les entreprises de plus de 11 salariés, elle sera de 500 euros la deuxième année et de 200 euros la troisième. La mesure pose un problème juridique puisqu’elle modifie les règles applicables à des contrats déjà signés.
Le financement du dispositif de transition s’élèverait à 430,8 millions d’euros en 2014 pour passer à 231 millions en 2017. Alors que l’État se fonde comme je l’ai dit sur une indemnité de 1 360 euros, les régions se fondent, elles, sur un montant moyen de 1 570 euros, ce qui représente pour elles une perte de 50 millions dont les calculs de l’État ne semblent pas tenir compte. Pourriez-vous nous fournir des précisions à ce sujet, monsieur le ministre ?
Afin de financer la nouvelle prime, le Gouvernement affecte aux régions une fraction des produits de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Cette taxe est dynamique puisqu’elle est liée à l’impôt, mais elle sera fixée différemment à chaque exercice budgétaire alors que la dotation garantissait la pérennité des montants.
Enfin, de nombreux acteurs du secteur considèrent que le seuil de onze salariés est trop restrictif. J’ai donc déposé un amendement visant à le porter à vingt salariés, amendement qui bénéficie d’une approbation quasi unanime – certains voulaient même aller jusqu’à 50 salariés. Le Gouvernement y sera-t-il favorable ?
Par ailleurs, le quota d’alternants sera porté à 5 % en 2015, mais de nombreuses entreprises du tertiaire qui recherchent des jeunes hautement qualifiés ne peuvent atteindre cet objectif. Non seulement elles ne trouvent pas les apprentis dont elles ont besoin, mais elles devront payer pour cette raison une lourde pénalité. Ces entreprises recrutent pourtant de nombreux jeunes pour des stages longs de fin d’études, souvent mieux rémunérés que ne l’impose la loi. Le Gouvernement est-il prêt à réformer le statut de ces jeunes de manière à les comptabiliser dans le quota d’alternants, à des conditions strictes – rémunération minimale, durée minimale de stage, embauche à la fin du stage ?
Enfin, le nombre de contrats d’apprentissage conclus dans le secteur public ne dépasse pas 10 000, malgré un vivier considérable. Monsieur le ministre, avez-vous l’intention d’aider le secteur public, notamment les collectivités territoriales, à recourir à ce type de formation ? Rappelons que le Gouvernement devait rendre un rapport sur le sujet pour juillet 2012, en application de l’article 14 de la loi du 28 juillet 2011, et que de nombreuses personnes auditionnées, dont des représentants des collectivités, ont proposé d’étendre à ces dernières la taxe d’apprentissage, moyennant un taux à déterminer.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je rappellerai d’abord quelques-uns des grands enjeux de ce budget. L’essentiel de nos efforts est consacré aux emplois aidés et aux contrats d’avenir, qui bénéficient d’une hausse substantielle des crédits. Je ne suis pas de ceux qui jugent ce budget bon parce qu’il est supérieur à celui de l’année dernière : il est bon parce qu’il contribue à lutter contre le chômage, et ce le plus intelligemment possible. Toutes les majorités ont eu recours aux contrats aidés durant les périodes de forte augmentation du chômage. Ce n’est donc pas sur la légitimité de la mesure qu’il s’agit de s’interroger, mais sur son efficacité à long terme. Voilà pourquoi les emplois d’avenir doivent être de vrais emplois, assortis d’une obligation de formation – à laquelle tous les groupes parlementaires ont été particulièrement attentifs lors de la discussion du projet de loi –, et durer trois ans, afin que les jeunes s’insèrent beaucoup plus facilement dans le marché du travail à l’issue de leur contrat, soit au poste que celui-ci leur a permis d’occuper, soit à un autre.
Le dispositif de la garantie jeune est instauré à titre expérimental. Nous aidons en outre les missions locales à mieux accompagner les emplois d’avenir et nous consolidons le service public de l’emploi, puisque Pôle Emploi bénéficiera cette année de 2 000 emplois supplémentaires, dont les deux tiers sont financés par une hausse de la subvention de l’État et le tiers restant par des efforts de gestion internes à l’organisme.
Au total, le budget de l’emploi est celui qui, en pourcentage, augmente le plus, ce qui montre la priorité accordée par le Gouvernement à l’emploi et à la lutte contre le chômage.
Le budget de la mission se caractérise ensuite par une refonte poussée des crédits de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Il s’agit d’abord – c’est la modification la plus significative – d’une simplification, fondée sur le principe selon lequel c’est celui qui décide qui paye. Les régions, responsables de la formation professionnelle, doivent en gérer entièrement le budget. Voilà pourquoi nous remplaçons systématiquement par des ressources propres des régions la dotation générale de décentralisation créée à la suite des transferts de compétences intervenus il y a quelques années. Très simple et clair s’agissant de la formation professionnelle, le processus est évidemment plus complexe s’agissant de l’apprentissage, car il s’y ajoute une réforme des aides à l’apprentissage – ICF et crédit d’impôt.
Pour ce qui est de la formation professionnelle, la compensation sera intégrale et portera donc sur 900 millions d’euros, sous forme d’un transfert de ressources fiscales dynamiques – bien plus, en tout cas, que ne l’était la dotation générale de décentralisation. Pour 600 millions, il s’agira de ressources correspondant à des frais de gestion perçus par l’État – notamment au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – et, à hauteur de 300 millions, d’une fraction de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétique – TICPE.
Il en ira de même en ce qui concerne l’apprentissage, dont le financement, à la fin du processus, sera assuré en totalité par les régions qui, outre une partie de la TICPE, bénéficieront à cette fin du produit de la taxe d’apprentissage – une ressource dynamique, là encore –, qu’elles percevront directement.
En 2015, les régions disposeront donc de ressources propres pour remplacer en totalité la contribution de l’État. Ce dernier réalisera certes une économie de l’ordre de 1,5 milliard d’euros en termes de dépenses budgétaires, mais comme la plus grosse partie en sera compensée par des transferts de fiscalité, ses recettes seront par ailleurs diminuées.
J’en viens à la réforme proposée par le Gouvernement s’agissant des aides à l’apprentissage. Le versement de l’indemnité compensatrice forfaitaire – ICF – à tout employeur d’apprenti constituait une obligation pour les régions et faisait à ce titre l’objet d’une compensation par l’État. Les régions avaient toutefois la possibilité de verser une aide supplémentaire en fonction des politiques qu’elles entendaient promouvoir : ainsi, pour améliorer la mixité dans des métiers considérés comme des métiers d’homme, elles pouvaient attribuer une prime supplémentaire à des employeurs acceptant de prendre une jeune femme en apprentissage. De même pour les inciter à accueillir des publics particulièrement difficiles, nécessitant un accompagnement.
Nous nous sommes posé la question de savoir s’il était bien efficace de verser la même somme à tout employeur d’apprenti. Toutes les études réalisées sur ce sujet – y compris par la Cour des comptes – ont répondu par la négative. En effet, si cette aide représente, pour certains employeurs, un élément décisif dans leur décision de recrutement, le fait de ne pas la percevoir ne changerait absolument rien pour Renault ou Peugeot, par exemple. Dans leur cas, on avait affaire à un simple effet d’aubaine et à une dépense publique inopérante, et donc inutile. Dans la mesure où nous faisons la chasse aux dépenses publiques apparaissant infondées, ou du moins peu pertinentes, nous avons donc jugé qu’il convenait de marquer une différence entre différentes catégories d’employeurs. Ce genre de distinction est toujours discutable, mais nous avons fini par considérer que la séparation entre les employeurs qui pouvaient être décidés à recruter par l’attribution d’une aide et ceux pour qui cette aide aurait moins d’importance se situait au stade d’un effectif de dix salariés.
Pour les entreprises de moins de onze salariés, le versement de la prime à l’apprentissage sera une obligation et sera donc compensée intégralement. Bien évidemment, les régions auront comme auparavant la possibilité d’aller au-delà, en prenant sur leurs propres deniers afin de tenir compte de particularités propres au territoire ou au secteur concerné ou d’appliquer une politique qu’elles jugeraient prioritaire.
En revanche, pour les entreprises de plus de dix salariés, les régions n’auront pas l’obligation de verser une aide et c’est pourquoi, à la fin du processus, environ la moitié des 500 millions de dotation ne sera plus compensée aux régions, ce qui représente une économie équivalente pour le budget de l’État.
Dans le cadre de la modernisation de l’action publique – MAP –, nous avons également voulu évaluer l’efficacité du crédit d’impôt sur les sociétés accordé automatiquement aux entreprises employant un apprenti, quelle que soit la catégorie à laquelle appartient ce dernier. Or si ce dispositif apparaît pertinent pour les niveaux 3 à 5, il ne l’est pas pour les niveaux plus élevés. Nous l’avons donc recentré, au moyen d’une disposition adoptée en première partie de la loi de finances, qui entraînera, à terme, une économie de l’ordre de 250 millions. Si l’on y ajoute la moindre dépense représentée par la réduction de la compensation aux régions, on parvient à 550 millions d’euros d’économies pour l’État.
Nous avons souhaité que les effets de la réforme soient lissés dans le temps. Pour cette rentrée, rien n’est changé mais, ensuite, le soutien à l’apprentissage va évoluer jusqu’à prendre la forme que je viens de décrire : la compensation aux régions diminuera progressivement, jusqu’à ce que l’aide versée aux entreprises de dix salariés et moins soit seule compensée. Cela étant, la remarque de M. Cherpion est juste : le dispositif n’était pas complètement arrêté au moment de la publication des bleus budgétaires. Le détail précis vous en sera communiqué d’ici à l’examen en séance publique.
Comme l’a remarqué le président Carrez, il est toujours difficile de réaliser des économies, mais nous avons ici appliqué la méthode qui consiste à distinguer entre les aides pertinentes et celles qui le sont moins, pour réduire l’ampleur de ces dernières.
Plus généralement, un travail est en cours sur l’apprentissage, qui va conduire à une réforme de la taxe d’apprentissage dans le projet de loi de finances rectificative de la fin de cette année, ainsi qu’à l’examen de plusieurs dispositions sur ce sujet dans le cadre du projet de loi portant réforme de la formation professionnelle qui sera présenté au début de l’année prochaine en conseil des ministres et soumis aussitôt après au Parlement. En particulier, le système de collecte de la taxe d’apprentissage sera à nouveau simplifié, ce qui devrait recueillir l’assentiment de tous.
Monsieur le rapporteur spécial, les contrats d’objectifs et de moyens ne seront plus nécessaires en matière d’apprentissage dans la mesure où on aura transféré aux régions la totalité des crédits du compte d’affectation spéciale. Il ne sert à rien, en effet, de maintenir des circuits de financement complexes par lesquels l’État redonne aux régions ce qu’il leur a pris auparavant. Le CAS évoluera nécessairement à l’issue de la réforme de la taxe d’apprentissage ; nous en discuterons lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative.
Pour développer l’apprentissage dans les trois fonctions publiques, une mission conjointe des inspections des ministères du travail, de l’éducation nationale et de la fonction publique vient d’être mise en place. Nous souhaitons voir ce sujet inscrit à l’agenda social et discuté avec les organisations syndicales de la fonction publique en 2013 et 2014. Le développement de l’alternance, à laquelle on n’a pas suffisamment recours dans les collectivités locales et au sein de l’État, sera également abordé.
En ce qui concerne l’activité partielle, les dispositifs sont applicables et d’ailleurs beaucoup mieux utilisés que par le passé. Je rappelle que la loi de sécurisation de l’emploi a défini trois grands principes, précisés par décret, qui sont entrés en application le 1er juillet : l’unification du dispositif actuel, grâce à la fusion de l’ensemble des allocations existantes ; la définition de contreparties plus souples et plus adaptées, modulées en fonction de l’importance du recours à l’activité partielle, et la différenciation du niveau d’indemnisation du salarié lorsque des actions de formation sont mises en œuvre pendant la période de sous-activité. Les partenaires sociaux, qui ont à nouveau examiné ce dispositif au cours d’une récente réunion, l’ont jugé beaucoup plus efficace, en particulier dans la période que nous traversons.
Je ne reviendrai pas sur la situation dans laquelle se trouvait l’AFPA à notre arrivée, sur l’aide de 110 millions d’euros qui lui a été accordée pour passer ce cap difficile ou sur les engagements pris par ses responsables de mener à bien une restructuration interne. Vous avez, monsieur Gille, insisté à juste titre sur la nécessité de rétablir le dialogue entre l’association et les régions. Il est vrai que les évolutions ont été très contrastées d’une région à l’autre. Un tel dialogue permettra à l’AFPA de démontrer ses capacités dans des domaines concurrentiels comme dans ceux où elle est quasiment la seule à pouvoir proposer une offre de formation, notamment lorsqu’il s’agit de faire venir des stagiaires qui ne sont pas issus du territoire concerné – il conviendra d’améliorer la prise en charge du coût de ces formations grâce à des accords entre les régions.
Un autre sujet de préoccupation est l’utilisation, par les régions, de la notion européenne de service d’intérêt économique général (SIEG), qui leur permettrait d’éviter le recours systématique à des appels d’offres pour répondre à leurs besoins.
Concernant l’AFPA, toutefois, notre travail n’est pas terminé. Des adaptations restent à effectuer qui n’ont rien de simple. Nous réfléchissons par exemple, avec le ministère des finances et France Domaine, au meilleur moyen de résoudre le problème posé par l’absence totale d’actif dans le bilan de l’association, en dépit des nombreux bâtiments, parfois d’une très grande valeur, qui sont mis à sa disposition. Il conviendra d’y apporter une réponse rapide –disant cela, je m’adresse aussi à d’autres que vous, y compris au sein de l’État.
Monsieur Vercamer, le contrat de progrès entre l’État et l’ANACT devrait être signé d’ici à la fin du mois de novembre. Nous vous communiquerons le document.
Vous avez évoqué le dépistage de l’alcool et de la drogue dans les entreprises…
M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. C’est un problème de responsabilité pénale de l’employeur !
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. En ce qui concerne l’alcool, des tests de dépistage peuvent être utilisés sous certaines conditions par l’employeur pour certains emplois où il existe un risque. Conformément au plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives qui vient d’être adopté, nous préparons un projet de décret pour permettre aux employeurs de limiter, voire d’interdire, par la voie du règlement intérieur, la consommation de toute boisson alcoolisée durant le temps de travail et sur le lieu de travail. Le Conseil d’État a en effet annulé des règlements intérieurs posant cette interdiction de manière trop générale, en jugeant qu’ils portaient atteinte aux libertés individuelles.
S’agissant des prud’hommes, le système d’élection des conseillers, autrefois parfaitement adapté, semble désormais avoir perdu en importance compte tenu de l’évolution de la représentation syndicale. Les résultats aux élections constituaient auparavant un critère fondamental pour juger de la représentativité des grandes organisations syndicales, et c’est pourquoi celles-ci y attachaient une grande importance. Ce n’est plus vrai aujourd’hui : grâce à la réforme engagée avant nous mais que nous avons menée à son terme, nous connaissons désormais de façon indiscutable le poids réel des organisations syndicales, et l’organisation d’élections se justifie donc moins.
Sur ce sujet controversé, j’ai demandé un rapport à M. Jacky Richard et entamé un tour de table avec l’ensemble des organisations. J’observe une certaine convergence en faveur d’un dispositif alternatif à l’élection. Je rappelle qu’une élection prud’homale coûte environ 100 millions d’euros à l’État – sans même parler des frais exposés par les organisations syndicales. C’est une somme considérable pour un mécanisme qui a perdu une grande partie de ses vertus.
Vous aurez donc compris où va ma préférence, même si, pour l’instant, rien n’est décidé. Je vous proposerai, dans le cadre de l’examen du texte sur la formation professionnelle, l’apprentissage et la démocratie sociale, de déterminer s’il faut maintenir l’élection et, dans le cas contraire, de juger par quel mode de désignation il faudrait la remplacer pour maintenir la composition paritaire des conseils de prud’hommes.
Monsieur Vercamer, des réunions ont été organisées entre le Premier ministre et l’ensemble des groupes parlementaires, au cours desquelles ont été passés en revue tous les sujets pouvant donner lieu à une modification de la Constitution. Nous avons ainsi pu constater que la constitutionnalisation du principe même du dialogue social – c’est-à-dire des dispositions de l’article L1 du code du travail – ne pourrait pas recueillir une majorité qualifiée. C’est la seule raison pour laquelle le texte auquel vous avez fait allusion n’a pas été inscrit à l’ordre du jour. Toutefois, si vous parvenez à convaincre suffisamment de vos collègues pour parvenir à une majorité de trois cinquièmes, nous serons heureux de pouvoir vérifier à cette occasion la capacité du Parlement à se rassembler…
M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Qu’en est-il de la réduction de 200 à 60 millions d’euros du montant de la péréquation au bénéfice des régions ?
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je vais vous communiquer toute une série de chiffres qui vous permettront de constater qu’une telle baisse n’aura en fait pas lieu.
M. le président Gilles Carrez. La parole est maintenant aux orateurs s’exprimant au nom des groupes.
M. Michel Liebgott. « Travailler est aussi un droit », avez-vous dit récemment, monsieur le ministre. Pour rendre effectif ce droit, nous avons une obligation de moyens, sans renoncer à une exigence de résultats. Or, pendant dix ans, la précédente majorité a failli sur ces deux points.
Les résultats, nous les connaissons : un marché du travail dégradé, 750 000 emplois industriels détruits, une fracture sociale consommée avec le développement de la précarité et des temps partiels subis.
Quant aux moyens, ils ont fondu : des crédits en baisse de 40,7 %, passant de 16,8 milliards d’euros en 2002 à 9,95 milliards d’euros en 2012, alors que le chômage augmentait dans le même temps de 1,3 % ; des contrats aidés réduits de moitié ; un service de l’emploi sacrifié – souvenons-nous du gel de la subvention versée par l’État à Pôle Emploi et de la suppression, au sein de cet établissement, de 1 800 postes en 2011.
M. Michel Herbillon. Et aujourd’hui tout va bien ?
M. Michel Liebgott. Aujourd’hui, la situation économique est toujours difficile, et le legs financier de la droite pèse sur nos marges de manœuvre. Mais les moyens sont visibles et massifs, et les premiers résultats se font sentir. La décélération du chômage observée depuis quelques mois est encourageante. Le budget de la mission « Travail et emploi » est en hausse de plus de 7,5 % – voire de 17 % si l’on tient compte des transferts aux collectivités locales. Les opérateurs sont confortés dans leurs missions – comme Pôle Emploi, qui gagne 2 000 contrats à durée indéterminée supplémentaires. Les crédits destinés aux contrats aidés augmentent de 35 % – pour les contrats uniques d’insertion et les contrats d’accompagnement dans l’emploi de plus de dix mois. En moyenne, dans le secteur non marchand, 150 000 emplois d’avenir seront financés. Et je veux aussi souligner les efforts importants consentis en faveur de l’insertion par l’activité économique.
Cet effort budgétaire s’accompagne de mesures structurelles, déjà adoptées comme les dispositions de la loi de sécurisation de l’emploi ou le crédit d’impôt en faveur de la compétitivité des entreprises, ou à venir, avec les réformes en cours de la formation professionnelle et de l’apprentissage, notamment dans le secteur public.
Nous faisons donc face à notre obligation de moyens, et notre devoir est de poursuivre en ce sens.
Vous avez l’ambition de refondre le service public de l’emploi qui, sans renoncer aux objectifs nationaux de coordination et d’impulsion, doit intégrer une logique territoriale, au plus près des attentes de nos concitoyens. Parmi les acteurs de la politique de l’emploi, les maisons de l’emploi ont un réseau, une gouvernance et des modèles hétérogènes. La droite n’a pas réussi à les intégrer au service public de l’emploi, mais le voulait-elle vraiment ? Ces opérateurs ont pourtant toute leur place, pour peu que leur activité réponde à un cahier des charges précis. Une baisse sèche des crédits, purement comptable, ne saurait donc constituer une solution. Quelles mesures entendez-vous prendre pour replacer les maisons de l’emploi au sein du service public de l’emploi ? Avec quels objectifs et quels moyens ?
L’allocation transitoire de solidarité (ATS), qui remplace l’allocation équivalent retraite (AER), est destinée aux demandeurs d’emploi n’ayant pas atteint l’âge de la retraite mais justifiant des trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein. À notre demande, les critères de son attribution ont été élargis par le décret du 4 mars 2013. Toutefois, des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle Emploi au 31 décembre 2010, restent exclues du bénéfice de l’ATS et sont condamnées à une situation de grande précarité jusqu’à leur retraite, en 2015. Lors de la discussion sur le projet de loi relatif à la retraite, nous avions adopté un amendement demandant un rapport sur le sujet, mais notre vœu est bien que les attentes légitimes de nos concitoyens soient entendues. Pouvez-vous nous donner une première évaluation du nombre de personnes concernées et une estimation du coût que représenterait l’attribution de l’ATS à ce public particulier ?
Les inspecteurs du travail sont pour les salariés et les représentants des entreprises les garants de l’application du droit. Une réforme est en cours en ce domaine, qui a débuté avec le renforcement des compétences et des pouvoirs des inspecteurs. Les postes de contrôleur du travail de catégorie B seront ainsi transformés en postes d’inspecteurs de catégorie A, dotés de pouvoirs plus étendus. Ce mouvement de promotion et de formation, effectué sur dix ans, doit conduire à tripler le nombre d’inspecteurs du travail.
Vous avez récemment annoncé pour le début de l’année 2014 un renforcement des pouvoirs des inspecteurs, leur permettant par exemple de prendre des sanctions administratives et financières en plus des sanctions pénales. Les défis sont en effet immenses pour répondre aux demandes individuelles mais aussi collectives – lutter contre le travail illégal, mettre en musique la loi de sécurisation de l’emploi, faire vivre le dialogue social auquel le Président de la République et ce Gouvernement sont si attachés.
Alors que des négociations sont en cours au sein du ministère du travail, quelle garantie pouvez-vous nous apporter sur cette nouvelle force de frappe et sur l’indépendance dont doivent pouvoir jouir ses membres ?
Mme Véronique Louwagie. Que l’on se situe à l’entrée ou à la sortie du tunnel, le même constat s’impose : le Gouvernement va peiner à inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année.
Les contrats de génération connaissent des errements : depuis leur lancement, le 1er mars, 11 000 seulement ont été signés dans les entreprises de moins de 50 salariés, pour une cible de plus de 3,5 millions de personnes.
En matière de chômage, les chiffres de septembre, après le « bug informatique » d’août, sont mauvais. Avec une hausse de 1,9 %, le nombre de demandeurs d’emploi, toutes catégories confondues, s’élève désormais à 5 473 000. Les jeunes de moins de vingt-cinq ans sont les premières victimes de cette dégradation du marché du travail, ce qui est le comble du paradoxe pour un gouvernement qui a fait de la jeunesse une priorité nationale.
L’Unedic prévoit en outre 75 600 chômeurs de catégorie A de plus au compteur fin 2014, après une augmentation de 168 800 cette année, soit un total de 244 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en deux ans.
Finalement, force est de constater que le seul levier à votre disposition reste celui des contrats aidés dans le secteur non marchand, qui concerneront 382 000 personnes fin 2014, dont 150 000 jeunes en emploi d’avenir.
Mais le coût de ces dispositifs reste élevé : 7 milliards d’euros en 2014, d’après l’Observatoire français des conjonctures économiques, dont 2,5 milliards pour le financement des contrats aidés.
Les crédits alloués à la mission « Travail et emploi » s’élèveront à 11,14 milliards d’euros en 2014, contre 10,31 milliards d’euros en 2013. Le budget continue d’augmenter – à hauteur de 7 % – alors que la loi de programmation prévoyait une baisse des crédits à 9,6 milliards d’euros. Il s’agit donc d’un budget de crise.
Votre stratégie consiste surtout à augmenter les crédits des dispositifs d’indemnisation, qu’il s’agisse de la hausse de la dotation du Fonds de solidarité ou de la consolidation des ressources. À cet égard, vous n’êtes toutefois pas exempts de contradictions : ainsi vous amputez de 50 % le budget des maisons de l’emploi, fixé à 40 millions d’euros, contre 63 millions l’année précédente. Ce dispositif créé en 2005 par la loi de cohésion sociale a pourtant fait la preuve de son efficacité dans nombre de territoires, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Votre priorité, ce sont les contrats aidés. Il faut noter que si le coût mensuel moyen du contrat initiative-emploi s’élève à 409 euros, celui des emplois d’avenir est de 1 059 euros, auxquels il faut ajouter les dépenses annexes de l’État pour faire vivre le dispositif, comme les fonds dédiés à la mise en place d’un accompagnement personnalisé au sein des missions locales.
Vos solutions sont donc coûteuses pour le contribuable, et leurs résultats hasardeux puisque vous semblez avoir revu vos prévisions à la baisse.
Nous regrettons la relégation au second plan de l’apprentissage. Non seulement la suppression des indemnités compensatrices forfaitaires et leur compensation par une nouvelle aide ciblée sur les très petites entreprises posent de nombreuses questions, mais elles s’accompagnent d’une considérable restriction de l’accès au crédit d’impôt. N’est-ce pas d’ailleurs de là que procèdent les économies que vous annoncez pour l’État ? D’autre part, les modalités de compensation laissent perplexes. Entre les projets annuels de performance et les différents amendements adoptés à la demande du Gouvernement – qui font que les chiffres qui nous sont donnés sont d’ores et déjà dépassés –, il devient difficile de comprendre la logique d’une action qui manque pour le moins de lisibilité.
Nous souhaiterions des éclaircissements sur le seuil de moins de onze salariés, retenu en définitive alors que figurait dans la version initiale du PLF le seuil ordinaire de dix salariés : pourquoi cette modification ? Quel sera l’impact de cette disposition sur les PME employant plus de onze salariés ?
Le Gouvernement propose d’affecter des ressources supplémentaires aux centres de formation des apprentis (CFA) tout en préservant, dans la future réforme de la formation professionnelle, le principe dit de la « libre affectation par les entreprises ». Qu’en sera-t-il véritablement ?
Alors que les entreprises constituent le moteur de la création d’emplois, il convient de regretter qu’aucune incitation ne soit prévue dans ce PLF pour les y encourager. À titre d’exemple, l’article 5 supprime l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de couverture complémentaire santé.
La hausse de la subvention dédiée au fonds de solidarité prouve que la hausse du nombre de demandeurs d’emploi se poursuivra à un rythme soutenu dans les prochains mois. Il est du reste regrettable que vous vous focalisiez uniquement sur l’augmentation des crédits des dispositifs d’indemnisation.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas les crédits de cette mission en l’état.
M. Arnaud Richard. Les crédits de la mission « Travail et emploi » connaissent une augmentation par rapport à ceux votés pour 2013, ce qui tendrait à démontrer que le Gouvernement entend bien allouer des moyens à l’accompagnement de la création d’emplois. Cet effort est néanmoins contrarié par une politique consistant à multiplier les taxes et les prélèvements, au risque de porter un coup fatal à la compétitivité de nos entreprises et au pouvoir d’achat des ménages. Comme l’année dernière, nous regrettons que la politique fiscale du Gouvernement aille à l’encontre d’une reprise économique que l’État devrait favoriser : vous avez réussi à installer, depuis un an et demi, un climat de défiance envers celles et ceux qui entreprennent, qui investissent et qui sont donc susceptibles de créer des emplois pérennes.
Dans ce contexte, vous utilisez votre énergie et celle de votre administration, monsieur le ministre, à déployer toute une panoplie d’emplois aidés comprenant les emplois d’avenir et les contrats de génération. Personne ne doute de votre bonne foi ni de votre volonté de faire vivre les outils du nécessaire traitement social du chômage, mais le Gouvernement torpille dans le même temps tout ce qui pourrait contribuer à un traitement économique de long terme de la demande d’emploi.
La création des emplois d’avenir et des contrats de génération a bénéficié de notre doute bienveillant, tant la situation de l’emploi que connaît notre pays depuis plusieurs années justifie que l’on mobilise tous les instruments permettant à chaque chômeur de trouver une solution adaptée à sa situation et à celle du bassin d’emploi dans lequel il vit. Notre esprit d’opposition constructive sur ce sujet, après nous avoir incités à soutenir ces dispositifs, nous conduit aujourd’hui à faire montre de la plus grande exigence quant à leur mise en œuvre. Ainsi, quelles suites comptez-vous donner aux propositions que nous avons formulées avec M. Jean-Marc Germain, Mme Monique Iborra et M. Christophe Cavard sur l’évolution des emplois d’avenir ?
Vous prévoyez la création de 150 000 emplois d’avenir en 2014 : il s’agit d’un objectif ambitieux, compte tenu de la montée en charge très progressive de ce dispositif en 2013 et de la difficile mobilisation des collectivités territoriales – inquiètes du gel de leurs dotations –, du secteur associatif et de l’économie sociale et solidaire dont les ressources ne sont pas garanties. Il fallait sans doute du temps pour que les structures d’accompagnement vers l’emploi et les employeurs s’approprient ce dispositif mais, dès la création de celui-ci, nous avions insisté pour qu’il soit ouvert au secteur marchand : vous avez tardé à entrouvrir cette possibilité et avez ainsi perdu un temps précieux pour favoriser la montée en charge de ces emplois.
L’expérimentation des emplois francs poursuit un objectif de lutte contre les discriminations territoriales et sociales tout à fait louable, mais elle a engendré de nombreux flottements chez les opérateurs du service public de l’emploi et chez les employeurs potentiels, tant ce dispositif se recoupe avec celui des emplois d’avenir. Nous vous mettons donc en garde contre l’illisibilité résultant de la multiplication de tels outils, illisibilité qui pourrait expliquer le relatif échec des contrats de génération, dont 11 000 seulement auraient été signés à ce jour ; là encore, le groupe UDI vous avait mis en garde contre une estimation trop optimiste des résultats à attendre. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour accélérer la montée en charge de ces contrats de génération ? Ne vaudrait-il pas mieux réduire vos ambitions pour ce dispositif et réactiver ceux qui ont fait leurs preuves, comme celui du « zéro charge » dans les TPE, qui avait permis la création de centaines de milliers d’emplois en un an.
Notre groupe souhaite se faire l’écho de l’inquiétude des entreprises adaptées, qui constatent le gel du volume des emplois créés dans leurs domaines d’activité, ainsi que celui de la subvention qui leur est dédiée.
Depuis 2008, la situation des bénéficiaires de l’allocation équivalent retraite (AER) constitue chaque année un sujet de débat à l’occasion de l’examen du PLF. Notre groupe s’est toujours opposé à la suppression de ce dispositif et s’est montré vigilant quant à la situation de ces demandeurs d’emploi âgés en fin de droits qui, faute d’avoir atteint l’âge légal, ne peuvent partir à la retraite bien qu’ils disposent du nombre de trimestres nécessaire. Nous rappelons notre attachement au règlement de cette question et demandons au Gouvernement de proposer un dispositif stabilisé en 2014.
Les gouvernements successifs n’ont jamais bien traité dans leurs budgets les maisons de l’emploi, et je me réjouis que mes collègues du groupe SRC aient exprimé leur préoccupation à cet égard.
La future réforme de la formation professionnelle doit garantir une articulation adéquate entre les collectivités territoriales – notamment les régions –, les structures locales de l’emploi et celles du service public local de l’emploi. Nous attendons de vous que vous soyez très vigilant sur ce point.
Au total, le budget de cette mission donne l’impression, monsieur le ministre, que vous répondez à l’urgence que le Gouvernement contribue à aggraver : autrement dit, vous écopez tandis que d’autres ouvrent largement les écoutilles ! Si j’osais, je répéterais cette année encore que vous souffrez de la déficience de votre capitaine.
M. Christophe Cavard. Ce budget était très attendu, en raison d’une situation économique difficile mais aussi, chacun devrait le reconnaître, d’un héritage qu’il a fallu assumer. La mission « Travail et emploi » contribuera à l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi, en renforçant les agences de Pôle Emploi et les missions locales, actuellement très sollicitées. Cependant, nous attendons aussi beaucoup de la réforme à venir de la formation professionnelle pour améliorer la situation.
En ce qui concerne les maisons de l’emploi, je rappellerai que le plan de cohésion sociale organisait leur cofinancement par les collectivités territoriales pour compenser la diminution des moyens alloués par l’État à Pôle Emploi. Le sujet mériterait donc un débat plus sérieux que celui qui semble s’esquisser, ne serait-ce que parce que les actions menées par ces maisons sont de niveau très inégal.
Nous soutenons la volonté du Gouvernement de rendre les contrats aidés plus accessibles car ceux-ci peuvent être utiles à nombre de nos concitoyens de tout âge. Les emplois d’avenir ont été conçus de manière cohérente et ils répondent à une réelle attente. Quant aux contrats de génération – qui ne doivent pas à mon sens être assimilés à des emplois aidés car le soutien financier aux entreprises est loin d’y être systématique –, ils ont le mérite de lier embauche d’un jeune et maintien au travail d’un aîné.
Nous nous réjouissons que l’intérêt du secteur de l’insertion par l’activité économique soit reconnu : grâce à l’augmentation de 22 millions d’euros de l’enveloppe qui lui est allouée, nous allons enfin pouvoir mettre un terme à dix ans de gel de l’aide au poste. Des moyens sont également prévus pour soutenir les ateliers et chantiers d’insertion (ACI), qui bénéficieront d’une dotation globale dans le cadre d’une prochaine réforme. Les nouveaux contrats à durée déterminée d’insertion (CDDI) permettront à toutes ces structures et entreprises de se développer, mais elles font valoir que les titulaires des anciens contrats aidés – les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) – n’étaient pas comptabilisés dans leur effectif : si les futurs CDDI devaient l’être, certaines pourraient alors dépasser le seuil de dix salariés, ce qui emporterait pour elles de nombreuses conséquences juridiques, économiques et sociales. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, faire en sorte qu’une disposition par ailleurs bienvenue n’entraîne pas pour elles des effets qu’elles redoutent ?
M. le président Gilles Carrez. Ceux de nos collègues qui le souhaitent peuvent maintenant interroger le ministre, pendant un temps qui, je le rappelle, ne peut excéder deux minutes.
M. Jean-René Marsac. Je me réjouis moi aussi de l’effort fait pour soutenir et développer l’insertion par l’activité économique.
L’action des maisons de l’emploi est sans doute inégale – mais on pourrait faire le même reproche à Pôle Emploi. Repréciser les critères régissant l’attribution de crédits à ces organismes est envisageable, mais il convient de ne pas éluder la question, déjà ancienne puisqu’elle se posait déjà à l’époque des comités de bassin, de l’articulation de leur action avec celle des collectivités territoriales, de Pôle Emploi et des acteurs sociaux et économiques : le service public de l’emploi a-t-il ou non besoin d’une mobilisation des territoires à ses côtés ?
Il est proposé que les communautés de communes ou d’agglomération gèrent éventuellement les maisons de l’emploi, mais cela ne résout en rien le problème, car l’intérêt de ces maisons est de constituer un lieu de coopération entre service public de l’emploi et acteurs locaux. Monsieur le ministre, considérez-vous que la mobilisation des territoires est utile ? Je crains que la diminution des crédits dévolus aux maisons de l’emploi n’induise une démobilisation locale qui conduira les collectivités territoriales à ne plus agir aux côtés de Pôle Emploi contre le chômage de longue durée et contre l’exclusion.
M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, vous vous apprêtez à décréter la mort des maisons de l’emploi. Alors que notre pays compte 3 300 000 chômeurs de catégorie A et ce nombre augmente tous les mois, il est pour le moins surprenant que vous vous apprêtiez à réduire de moitié les crédits accordés par l’État à ces maisons, quels que soient leurs résultats. Si une simplification de nos outils de lutte contre le chômage est nécessaire dans un souci d’efficacité, les conséquences de cette décision nous inquiètent. Ces maisons ne pourront plus remplir leurs missions et devront sans doute supprimer 700 emplois ; elles constituent pourtant des lieux de coopération où l’ensemble des acteurs territoriaux impliqués dans la lutte contre le chômage fédèrent leurs efforts. Confirmez-vous cette baisse de la dotation de l’État – et si oui, pourquoi prenez-vous cette décision ? – ou acceptez-vous de prendre en considération les amendements visant à préserver l’avenir des maisons de l’emploi ?
Mme Monique Iborra. Puisque le sujet semble tant importer, à l’opposition notamment, je rappellerai que l’institution des maisons de l’emploi, par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, a perdu tout sens dès la création de Pôle Emploi. Ces maisons interviennent essentiellement aujourd’hui sur les clauses d’insertion – comme l’a montré le rapport approuvé par la mission d’information sur Pôle Emploi et le service public de l’emploi présidée par M. Dominique Dord – du fait des décisions prises par l’ancienne majorité parlementaire ; n’oublions pas que les maisons de l’emploi ont connu chaque année une baisse de leurs crédits !
Il n’est pas question de supprimer les maisons de l’emploi, mais puisqu’elles sont majoritairement gérées par les communautés d’agglomération, elles doivent intervenir dans le développement économique, domaine de compétence des agglomérations. On peut le regretter, mais c’est indéniable : elles ne répondent actuellement pas au besoin d’une action urgente pour l’emploi.
M. Michel Heinrich. On ne peut pas soutenir, monsieur le ministre, que l’ICF faisait bénéficier d’un effet d’aubaine les entreprises de onze, quinze ou vingt salariés, et sa suppression contrariera le développement de l’apprentissage.
S’agissant de l’insertion des jeunes dans l’emploi, je voudrais vous faire part d’une indication qui m’a été donnée cette semaine par la directrice de l’école de la deuxième chance d’Épinal : elle m’a affirmé que son école se vidait, les jeunes préférant la « garantie jeune ».
L’inspection générale des affaires sociales recommande le maintien des plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), mais aussi celui des maisons de l’emploi et leur intégration dans un service public de l’emploi rénové car leur contribution se révèle essentielle. La baisse massive des crédits alloués à ces maisons me paraît donc totalement inopportune.
Envisagez-vous la possibilité d’étendre les contrats de professionnalisation aux collectivités publiques et à leurs établissements publics administratifs ? La fonction publique ne peut y recourir faute de participer au financement de la formation professionnelle, mais certaines collectivités locales pourraient être intéressées par ces contrats du fait des difficultés auxquelles elles se heurtent pour recruter des agents de catégories A et B ; elles sont également sollicitées pour recruter des jeunes bacheliers ou des diplômés de l’enseignement supérieur qui pourraient ainsi compléter leur formation initiale pour mieux se préparer aux concours administratifs. À défaut de la participation requise au financement de la formation professionnelle privée, l’employeur public assurerait seul la charge financière du recrutement, sans autre soutien financier que l’aide forfaitaire à l’embauche versée par Pôle Emploi.
Mme Kheira Bouziane. Monsieur le ministre, j’ai le sentiment que vous présentez là un budget de transition en attendant la réforme de la formation professionnelle que les partenaires sociaux élaborent actuellement avec le Gouvernement. Les souhaits de ceux-ci y sont en effet déjà pris en compte, s’agissant en particulier du développement de l’apprentissage.
Les jeunes choisissent de plus en plus nombreux cette voie à la sortie du lycée. Il convient de rationaliser la collecte de la taxe d’apprentissage, notamment par la simplification du réseau et par la désignation d’un chef de file. Cependant, il y a lieu de ne pas oublier le rôle important joué par l’Éducation nationale au travers des lycées des métiers et des campus de qualification, non plus d’ailleurs que celui du ministère de l’agriculture. Il conviendra en outre de permettre aux jeunes de suivre une formation dans une autre région que la leur : il est en effet inutile de multiplier les formations, qui survivent parfois difficilement.
Je me joins à tous mes collègues qui ont défendu les maisons de l’emploi, dont la contribution est essentielle à l’avenir de nos territoires. Si leurs crédits budgétaires devaient diminuer, les collectivités locales n’auraient pas les moyens d’assurer leur survie, quelque envie – et quelque besoin – qu’elles en aient. Ces maisons seraient donc condamnées.
Mme Sylviane Bulteau. Nos concitoyens réclament un travail et un salaire, et les emplois d’avenir, les contrats de génération, les emplois aidés, l’IAE, le reclassement des salariés et l’apprentissage visent à répondre à ce besoin.
En octroyant davantage de moyens à Pôle Emploi, nous favorisons le cœur de métier de cette structure qui consiste à rapprocher les demandeurs d’emploi de ceux qui en offrent. Il convient également d’anticiper les mutations économiques ; à cet effet, les crédits affectés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) revêtent une importance primordiale. Cette GPEC constitue l’incontestable plus-value des maisons de l’emploi, qui remplissent dans leur grande majorité leur rôle d’acteur de proximité. Monsieur le ministre, quels nouveaux objectifs pourrions-nous assigner à ces maisons de l’emploi de ce point de vue ?
Je suis très satisfaite que l’insertion par l’activité économique soit soutenue et reconnue à sa juste valeur ; les entreprises et les acteurs de ce secteur travaillent à de nouvelles solutions contre le chômage. Des expérimentations sont déjà conduites, comme celle de pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), sortes de pendants des pôles de compétitivité, et il serait intéressant, monsieur le ministre, de développer ce genre d’actions.
Mme Marie-Christine Dalloz. Alors que la loi de programmation prévoyait une baisse, les crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » pour 2014 progressent de 7 %. Le fait est révélateur de vos difficultés à tenir votre promesse d’inverser la courbe du chômage !
Vous favorisez les contrats aidés, dont l’effet de levier sur le chômage est loin d’être acquis, au détriment de l’apprentissage, véritable victime de votre politique. La suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire, compensée par une nouvelle aide ciblée sur les TPE, constitue, entre autres choix, un très mauvais signal envoyé à notre jeunesse, aux apprentis et aux entreprises. Elle fait tout simplement passer la décision de François Hollande de porter le nombre d’apprentis à 500 000 en 2017 pour une nouvelle opération d’affichage.
À en juger d’après votre politique à l’égard des zones de revitalisation rurale (ZRR), il semble que, pour vous, les salariés de nos territoires ruraux n’auraient pas besoin de qualification. Mais mon collègue Pierre Morel-A-L’Huissier va y revenir.
Membre de la Commission des affaires sociales durant la précédente législature et auteure de deux rapports parlementaires sur les maisons de l’emploi, je me souviens parfaitement que Mme Monique Iborra et M. Jean-Patrick Gille étaient les premiers, à l’époque, à déposer des amendements pour rétablir les crédits finançant ces structures. Jamais nous n’avons osé les réduire de 50 % comme vous le faites tout en nous accusant de tous les maux…
M. Régis Juanico. Cela a pourtant été tenté !
Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avions réussi à rétablir par amendement les crédits supprimés. J’ose espérer que, dans l’hémicycle, les députés de la majorité sauront suivre cet exemple et rejoindre notre position.
Monsieur Gille, votre rapport fait état d’une « priorité donnée à l’accompagnement des mutations économiques » ; quelle structure serait à même de traduire cet engagement mieux que les maisons de l’emploi ?
M. Gérard Sebaoun Je m’intéresse particulièrement à l’action « Santé et sécurité au travail » du programme 111, qui est principalement portée par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSÉS).
Comme dans le PLF pour 2013, l’ANACT est dotée d’une subvention de 11 millions d’euros. Les emplois de l’agence sont préservés ainsi que, à hauteur de 6 millions d’euros, le montant des dépenses d’intervention destinées à mieux connaître les risques professionnels et à alimenter les actions du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail.
La dotation de l’ANSÉS est également stable par rapport à l’année dernière, même si les 9 millions d’euros de subventions en question ne représentent qu’une part mineure de son budget. Cette agence a la charge d’expertiser et d’évaluer scientifiquement de nombreuses substances chimiques hors procédures européennes. Les emplois de cette agence aussi sont préservés.
En revanche, monsieur le ministre, je tiens à vous faire part de l’inquiétude des personnels de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et du réseau des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), dont chacun connaît l’implication en faveur de l’amélioration des conditions de travail. Êtes-vous en mesure de rassurer ces organismes sur le contenu de leur mission et sur le maintien des budgets qui y sont consacrés ?
Mme Joëlle Huillier. Le renforcement de Pôle Emploi, la consolidation des contrats aidés et le financement des emplois d’avenir proposés dans ce très bon budget doivent permettre de contenir, puis de faire reculer le chômage. Le contraste avec la politique de vos prédécesseurs est frappant : la création des maisons de l’emploi, l’une des rares mesures adoptées à l’époque, avait été annihilée par celle de Pôle Emploi, l’une dénaturant l’autre et créant un doublon. L’IGAS comme la mission d’information parlementaire à laquelle j’appartenais et dont la rapporteure était Mme Monique Iborra, s’interrogent sur l’avenir de ces structures. L’évaluation du service qu’elles rendent n’est pas évidente car leur réseau n’est pas coordonné nationalement, et les données disponibles sont partielles et peu fiables. Un véritable suivi et une évaluation de chaque maison de l’emploi sont nécessaires – ils pourraient être confiés aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). J’ai constaté sur le terrain que les prestations étaient disparates d’un territoire à l’autre, que leur champ d’action correspondait peu aux bassins d’emplois, et que leurs dépenses de fonctionnement étaient élevées. Leurs missions mériteraient d’être recentrées et leurs modalités de financement révisées, peut-être par l’intermédiaire d’appels à projet.
Cependant, alors que, selon le rapport de l’IGAS, elles sont financées à 59 % par l’État, l’importante contraction des crédits qui leur sont consacrés dans le PLF pour 2014 inquiète les élus locaux. Monsieur le ministre, comment voyez-vous l’avenir de ces structures dans le cadre d’une réorganisation globale du service de l’emploi au niveau territorial ?
M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Créées par la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, les zones de revitalisation rurale (ZRR) permettent à des territoires ruraux fragiles en voie de dépeuplement de bénéficier d’exonérations fiscales et sociales. En 2005, nous avons permis l’application de ce régime à des associations d’intérêt général de ces secteurs. Cette mesure profite essentiellement à des associations gestionnaires de maisons de retraite et de centres pour handicapés, pour un montant qui s’élevait, il y a trois ou quatre ans, à 200 ou 250 millions d’euros – le dispositif étant figé sur la base de la masse salariale de novembre 2007. Vous proposez aujourd’hui une réduction de 30 millions d’euros de ces montants. Je m’opposerai fermement à cette baisse qui toucherait l’action sociale dans les territoires les plus fragiles.
M. Denys Robiliard. De façon globale, le budget qui nous est proposé est en progression et traduit clairement la priorité donnée par le Gouvernement et la majorité à la lutte contre le chômage.
Je constate néanmoins une diminution du nombre de postes accordés à l’administration du travail. Cette évolution est expliquée par la mutualisation des fonctions supports – qu’il faut tout de même maintenir à un certain niveau –, et par une réorganisation de l’inspection du travail. Cette dernière conservera-t-elle les moyens permettant de garantir l’indépendance qui la caractérise ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que la nécessaire rationalisation des moyens ne se fera pas au détriment de la présence d’une administration dont les missions sont renforcées par la récente loi de sécurisation de l’emploi ?
Les crédits du programme 111 diminuent de façon assez notable par rapport à 2013 : de 77 à 71 millions d’euros. Si les explications fournies par le rapporteur spécial sont parfaitement convaincantes, je souhaite toutefois appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la portée symbolique de la baisse de 1,43 million d’euros des montants consacrés à l’action « Santé et sécurité au travail ». J’estime que, sur un sujet aussi vital, il ne faudrait jamais enregistrer aucun recul, aussi faible que soit la somme concernée au regard de votre budget global.
M. Régis Juanico. L’augmentation d’1 milliard d’euros des crédits de la mission « Travail et emploi » par rapport au PLF pour 2013 traduit une priorité : l’inversion dans la durée de la courbe du chômage.
En 2014, 1,7 milliard d’euros seront consacrés à l’emploi des jeunes avec, en particulier, deux dispositifs qui fonctionnent bien : les emplois d’avenir et les contrats de génération. Nous enregistrons d’ores et déjà depuis cinq mois une inversion de la courbe du chômage de cette population.
Grâce à son budget d’1,5 milliard d’euros, Pôle Emploi pourra bénéficier de moyens humains supplémentaires – 2 000 personnes seront à nouveau recrutés en CDI cette année, comme l’année dernière. Dans le rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques que Michel Heinrich et moi avions consacré, en 2011, à l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe, nous suggérions d’augmenter les moyens de Pôle Emploi en fonction de la hausse du chômage. Monsieur le ministre, comment comptez-vous améliorer encore l’efficacité du service public de l’emploi et renforcer l’accompagnement et le suivi personnalisé des demandeurs d’emploi ?
Dans ce budget, 1,8 million d’euros sont consacrés à la consolidation de 340 000 contrats aidés, particulièrement importants pour les collectivités locales et pour les associations qui créent de nombreux emplois. La politique menée en 2009-2010 jouait de façon erratique sur le nombre, sur l’enveloppe, sur le renouvellement et sur la durée de ces contrats. Les six à huit mois prévus ne correspondaient pas aux besoins des employeurs potentiels. En 2011, Michel Heinrich et moi-même proposions dans notre rapport d’information de mettre un terme à l’instabilité juridique qui frappait ces contrats et de les porter à une durée suffisante. Confirmez-vous que la durée moyenne de dix mois sera portée à douze mois dans les prochaines années ?
Comme le rapporteur spécial, je m’interroge sur l’Établissement d’insertion de la défense (EPIDE) dont les crédits sont reconduits à hauteur de 45 millions d’euros. Une évaluation précise de l’efficacité d’un dispositif aussi coûteux – 42 000 euros annuels pour une place occupée – semble nécessaire.
M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, vous avez raison d’être ambitieux en matière de lutte contre le chômage. Après des années de disette, des moyens sont enfin débloqués, mais cela ne suffit pas encore. Comment avancer lorsque l’on sait que, parfois, un seul conseiller de Pôle Emploi doit s’occuper de cent quarante demandeurs d’emploi ? Nous devons réfléchir aux moyens d’un traitement de proximité – y compris l’itinérance – et mobiliser bien au-delà de Pôle Emploi dans la guerre que nous menons contre le chômage. Il faut que nous travaillions tous au plus près de ceux qui souffrent sur tous les territoires et que nous imaginions de nouvelles solutions pour une efficacité maximale.
M. Jean-Marc Germain. Les élus de la majorité assument parfaitement le recours aux contrats aidés parce qu’ils savent qu’en période de faible croissance économique, les contrats d’apprentissage sont moins nombreux.
Les moyens du service public de l’emploi doivent être maintenus – y compris pour les maisons de l’emploi –, mais il faut dans le même temps engager des réformes pour en augmenter l’efficacité tout en faisant confiance aux acteurs locaux.
Monsieur le ministre, diverses inquiétudes se font jour concernant concernent la réforme de l’inspection du travail, le maintien de son indépendance et l’évolution de ses effectifs – un avis du Conseil national de l’inspection du travail s’en est fait l’écho. La création d’un échelon d’encadrement nouveau risque de réduire le nombre de personnels en contact avec les entreprises au moment même où la loi confère un rôle essentiel à cette administration pour l’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi. Pouvez-vous nous rassurer ? Comment assurer l’équité à l’occasion de la transformation de cinq cents postes de contrôleur en postes d’inspecteurs ?
Mme Monique Rabin. Je nous trouve bien pessimistes alors que nous parlons d’un budget en augmentation d’1 milliard d’euros. Une certaine satisfaction ne devrait-elle pas être partagée par tous ?
Créé par l’ordonnance du 2 août 2005, l’EPIDE accueille des jeunes sans diplôme ou en voie de marginalisation qui signent un contrat de volontariat. Depuis sa création, ce dispositif n’a pas pris l’élan que l’on pouvait espérer. Sait-on pourquoi ? Une évaluation a-t-elle été menée ?
Les contrats aidés ne sont pas comptabilisés pour le calcul du nombre de personnes handicapées travaillant, par exemple, dans les collectivités publiques. Cela constitue un obstacle à l’embauche de ces personnes par ce biais. Il me semble que cette règle pourrait être revue.
Nous avons beaucoup parlé de budget en évoquant les maisons de l’emploi. À mon sens, nous devrions aussi raisonner en termes qualitatifs, en fonction des besoins des bassins d’emploi ou de l’implication ou non des collectivités locales. Ces structures doivent être celles des acteurs locaux plutôt que des lieux de consommation des services de l’emploi.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Les « addictions pendant le travail » évoquées par M. Francis Vercamer concernent la consommation de substances psychoactives comme les drogues et l’alcool, mais aussi, je le suppose, de médicaments, de psychotropes. Monsieur le ministre, votre réponse sur le sujet ne me satisfait pas. Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives pour 2013-2017 repose sur l’information et la prévention, mais quid du dépistage ? Pensez-vous pouvoir avancer en la matière ?
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Oui !
Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce ne sera pas aisé car il faudra travailler dans le cadre légal relatif à l’usage des stupéfiants.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Nous atteindrons cette année les 100 000 emplois d’avenir. Les faiblesses soulignées par les travaux de la mission d’information de votre Commission des affaires sociales sont en voie d’être résorbées. L’application du dispositif a logiquement été plus difficile dans les secteurs sensibles – mais c’est toujours le cas –, et d’ici à la fin de l’année, l’objectif de 20 % de jeunes issus des zones urbaines sensibles en emplois d’avenir sera en passe d’être atteint.
L’effort concernant les contrats aidés porte sur leur nombre et, surtout, sur leur durée. Une formation efficace et une véritable réinsertion dans le monde du travail peuvent difficilement être assurées en trois, quatre ou même huit mois. En si peu de temps, on en reste à de « l’occupationnel », d’autant que l’on a affaire à des personnes qui sont souvent au chômage depuis longtemps et qui sont de moins en moins jeunes. Les jeunes de moins de vingt-cinq ans bénéficient en effet de leur côté des emplois d’avenir. Dans cette catégorie de la population, je confirme à nouveau que le chômage diminue depuis cinq mois consécutifs, ce qui devrait tous nous réjouir parce qu’il s’agit du fruit d’un travail commun : les emplois d’avenir sont mis en place par des collectivités dirigées aussi bien par la gauche que par la droite. En juin 2012, la durée moyenne des contrats aidés était de six mois. Ils sont progressivement passés à huit mois puis, aujourd’hui, à onze mois en moyenne. Nous parviendrons rapidement à l’objectif que j’ai fixé à douze mois.
Les contrats de génération et les emplois d’avenir ne sont pas de même nature. Les contrats de génération aident les entreprises à embaucher un jeune tout en maintenant l’emploi d’un plus ancien. Ils correspondent nécessairement à l’anticipation d’un besoin économique et permettent aux entreprises de faire des arbitrages positifs alors que nous constatons un frémissement de reprise. Ces contrats, obligatoires dans les entreprises de plus de trois cents salariés, ont eu la faveur des entreprises de moins de cinquante employés, dans lesquelles les résultats en la matière sont conformes aux objectifs. Dans celles qui emploient cinquante à trois cents personnes, des négociations préalables sont nécessaires et nous avons constaté qu’elles prenaient du retard. J’ai demandé aux partenaires sociaux d’avancer – c’est mon rôle et ce n’était en aucun cas un constat d’échec – et les choses sont en train de décoller.
S’agissant de Pôle Emploi, nous avons deux priorités. Tout d’abord, nous renforçons les moyens, ce qui permettra notamment de résorber peu à peu les disparités géographiques : grâce aux 2 000 nouveaux emplois que nous finançons à nouveau, il y aura 2 000 personnes supplémentaires face aux chômeurs, et dans les zones les moins bien pourvues. Notre seconde priorité est la mise en place de la nouvelle offre de services, qui permet un accompagnement différencié de chaque chômeur en fonction de sa situation – certains sont très autonomes, d’autres beaucoup moins. Des réformes profondes sont donc en cours au sein du service public.
S’agissant des maisons de l’emploi, vos différentes interventions prouvent qu’il y a un débat, au sein même d’ailleurs de chaque groupe politique. J’entends bien tous ceux qui défendent ces maisons, même si je comprends qu’ils défendent d’abord la leur, à laquelle ils sont attachés parce qu’elle fonctionne bien. Mais toutes, absolument toutes les études dont nous disposons, et en dernier lieu le rapport de Mme Iborra, montrent une extrême hétérogénéité des situations. Or on ne peut pas aider de la même manière des maisons de l’emploi qui n’apportent pas du tout les mêmes services ! Les crédits baissent, c’est vrai, mais ils ne baisseront pas partout dans les mêmes proportions.
M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. C’est un refrain que nous avons déjà entendu souvent, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Eh bien, cette fois, c’est vrai ! Baisser les crédits partout de manière uniforme, ce serait une politique « RGPP »… Ce n’est pas ainsi que nous procéderons. Nous recherchons des économies, mais des économies intelligentes, en fonction du service rendu à un territoire.
Mes propos devraient en rassurer certains, mais en inquiéter d’autres : pourquoi l’État devrait-il aider des maisons de l’emploi qui n’apportent rien ?
Aujourd’hui, la principale plus-value apportée par les maisons de l’emploi à Pôle Emploi, aux partenaires sociaux, aux collectivités, c’est la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) au niveau territorial. Ce sera mon critère essentiel, et une partie des crédits destinés à la GPEC – en augmentation – iront aux maisons de l’emploi efficaces en la matière, ce qui permet de tempérer la baisse des crédits spécifiquement alloués à ces organismes. Cela obligera mes services à travailler différemment et à apprécier, au cas par cas, le service rendu par les maisons de l’emploi, pour moduler les aides de l’État. Je note d’ailleurs que les aides pouvaient déjà varier de façon très importante, en fonction de la date de création de chacune. Les défenseurs des maisons de l’emploi efficaces n’ont donc, je le répète, aucun souci à se faire.
L’insertion par l’activité économique a fait l’objet, vous l’avez souligné, d’une réforme de grande qualité, qui a notamment permis l’indexation de l’aide au poste sur le SMIC et sa modulation en fonction de différents critères, mais aussi créé un contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI). Les personnes qui ont signé un CDDI sont, vous avez raison, comptabilisées dans l’effectif de l’entreprise. Cela peut effectivement avoir des inconvénients – qui doivent être contrebalancés par la revalorisation de l’aide au poste –, mais aussi beaucoup d’avantages : pour les personnes longtemps éloignées de l’emploi, il est très important de participer vraiment au fonctionnement de l’entreprise, donc d’être compté. C’est en quelque sorte une insertion par intégration au droit commun.
Que ce soit bien clair : je suis très profondément attaché à l’inspection du travail, institution ancienne qui joue un rôle primordial dans l’équilibre des relations de travail. Son indépendance est garantie par les conventions internationales signées par notre pays comme par notre Constitution. Son caractère généraliste et universel est également essentiel : chaque salarié, chaque entreprise, quel que soit le lieu ou le secteur, dispose d’un interlocuteur. Nous ne touchons pas à ces principes.
Mais, si nous en restions là, l’inspection du travail courrait un grand risque d’être marginalisée, car de nouveaux enjeux apparaissent : ainsi la fraude au détachement, qui repose sur des mécanismes véritablement mafieux, s’organise à l’échelle de plusieurs entreprises, et sur un large territoire ; il est donc nécessaire d’agir à la même échelle. De la même façon, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et la lutte contre les atteintes à la santé des salariés doivent être des priorités sur l’ensemble de notre territoire. Bref, pour relever ces défis nouveaux, il est nécessaire de travailler en système, d’agir sur l’ensemble d’un territoire ou l’ensemble d’une filière.
Je veux un ministère fort avec une inspection du travail forte et capable de répondre aux besoins individuels comme aux nouveaux grands enjeux. Aujourd’hui, un chef d’entreprise peut être pour l’inspecteur du travail tout simplement introuvable : il faut donc s’adapter et travailler autrement, comme l’a fait la magistrature.
C’est pourquoi nous avons effectivement engagé la transformation des postes de contrôleurs en postes d’inspecteurs du travail, dans le respect des droits de chacun et avec des examens de contrôle des qualifications garantissant l’égalité de traitement. Cette année, 540 postes sont concernés ; cette transformation devrait s’étaler sur une dizaine d’années.
Je vous précise également que la loi sur la formation professionnelle, l’apprentissage et la démocratie sociale comportera des dispositions pour renforcer les pouvoirs de l’inspection du travail.
Quant aux questions très précises qui m’ont été posées, concernant par exemple l’INRS ou l’EPIDE, je ne voudrais pas me montrer approximatif et j’y répondrai donc par écrit.
M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le ministre.
La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures vingt.
Le Directeur du service
des comptes rendus des commissions,
Michel Kerautret