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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 11 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Transition vers un système énergétique sobre

Lecture définitive

Présentation

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur

Motion de rejet préalable

M. Lionel Tardy

M. François Brottes, rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre, M. Noël Mamère, M. André Chassaigne, M. Yves Blein, Mme Laure de La Raudière, M. Bertrand Pancher

Discussion générale

M. Denis Baupin

M. André Chassaigne

M. Yves Blein

M. Daniel Fasquelle

M. Bertrand Pancher

M. Razzy Hammadi

M. Jean-Marie Tetart

M. Fabrice Verdier

M. François Brottes, rapporteur

Mme Delphine Batho, ministre

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Amendements nos 14, 15, 26, 16, 27, 17, 28, 18, 29, 30, 1, 2, 19, 3, 4, 31, 11, 10, 5, 12, 20, 32

Mme Delphine Batho, ministre

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 6, 25, 7, 21, 8, 22, 9, 23, 13, 24, 33

Vote sur l'ensemble

Mme Delphine Batho, ministre

M. François Brottes, rapporteur

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Transition vers un système énergétique sobre

Lecture définitive

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en lecture définitive de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes (nos 733, 761).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les députés, nous voici à l’étape ultime de la procédure parlementaire concernant cette proposition de loi.

Je voudrais d’abord remercier François Brottes, votre rapporteur, pour l’ensemble de son travail sur ce texte dont il est à l’origine. Je remercie également les parlementaires des différents groupes de la majorité, mais aussi ceux de l’opposition : quoiqu’ils aient combattu ce texte, ils ont, par leurs remarques, contribué à un certain nombre d’améliorations.

Nous avons eu, tout au long des lectures successives, un débat qui a fait honneur à l’initiative parlementaire. À cette dernière étape, nous sommes dans le cadre de la procédure régie par l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, c'est-à-dire que le texte qui revient devant l’Assemblée nationale est le dernier qu’elle avait adopté et que ne peuvent être adoptés que des amendements qui avaient été discutés et adoptés par le Sénat en dernière lecture.

Cette proposition de loi est une première étape dans la direction de la transition énergétique ; c’est le premier texte de ce que nous appelons la social-écologie.

M. Lionel Tardy et M. Daniel Fasquelle. Ben voyons !

Mme Delphine Batho, ministre. Aujourd’hui, en France, ce sont les mêmes qui subissent les inégalités sociales et les inégalités environnementales. Nous sommes fiers d’étendre, à travers le vote de cette proposition de loi, le bénéfice des tarifs sociaux de l’énergie à 8 millions de Français, alors que s’aggrave dans notre pays le scandale de la précarité énergétique, qui voit de plus en plus de familles aux prises avec des situations très difficiles face à l’augmentation des factures d’électricité et de gaz.

Le Gouvernement a déjà étendu par arrêté, au mois de décembre dernier, le bénéfice des tarifs sociaux de 1,2 million à 1,7 million de foyers, mais seul le vote de la loi permettra à 8 millions de Français d’accéder à ces tarifs sociaux – rappelons que cela représentera en moyenne un gain de pouvoir d’achat de 200 euros par an pour une famille se chauffant au gaz et de 90 euros pour une famille se chauffant à l’électricité. Le plafond de revenus, jusqu’alors de 661 euros, va passer à 893 euros pour une personne seule, ce qui correspond à peu près au seuil de pauvreté. C’est donc une avancée sociale majeure.

Ce texte instaure aussi la trêve hivernale. C’est une question de dignité : au XXIsiècle, dans un pays avancé comme la France, on ne peut pas couper le chauffage à une famille entre le 1er novembre et le 15 mars.

En même temps que nous procédons à l’extension des tarifs sociaux, nous avons souhaité porter un message de responsabilisation et d’incitation aux économies d’énergie en direction des consommateurs. Nous sommes donc également fiers de l’innovation que constitue la création du bonus-malus sur les factures d’énergie de réseau. C’est un signal vertueux qui sera envoyé aux ménages pour qu’ils maîtrisent leur consommation.

Le bonus-malus s’appliquera en 2015. Il touchera les énergies de réseau ; 75 % des consommateurs percevront un bonus et seront donc gagnants avec ce dispositif doté de surcroît d’une forte dimension sociale. Il y aura un premier niveau de malus, de nature essentiellement pédagogique ; s’appliquera ensuite un malus dissuasif qui visera les consommations réellement extravagantes. Ainsi que l’avait souhaité le groupe socialiste, ce dispositif ne s’appliquera pas aux personnes qui, bien qu’elles habitent dans des « passoires » énergétiques, bénéficient des tarifs sociaux.

Ce déploiement du dispositif du bonus-malus va de pair avec la mise en place du service public de la performance énergétique, lequel va constituer une priorité nationale. Les travaux d’efficacité énergétique viseront à éliminer les logements énergivores dans notre pays. À cette fin, un important travail est en cours ; les décisions seront finalisées d’ici la fin du mois par le Premier ministre. Le but est de permettre à tout un chacun de réaliser des travaux d’isolation thermique dans son logement.

À cet égard, je voudrais appeler votre attention, mesdames, messieurs les députés, sur la récente note du Centre d’analyse stratégique concernant l’effet rebond en matière d’économies d’énergie. Ce texte est très intéressant car il révèle que les travaux d’isolation thermique et d’efficacité énergétique dans les logements engendrent un effet rebond représentant entre 5 % et 50 % des économies d’énergie réalisées s’ils ne sont pas accompagnés d’un message en direction des consommateurs visant à une modification des comportements. C’est tout le sens du bonus-malus. La démonstration en a d’ailleurs été faite par toute une série d’économistes : on voit bien qu’il y a une cohérence à mener de front une extension des tarifs sociaux, en réponse la précarité énergétique, un travail sur la performance énergétique des logements, avec un programme de grande ampleur au niveau national pour éliminer les logements énergivores et un système de bonus-malus permettant de responsabiliser les consommateurs et d’inciter aux changements de comportement.

Vous le savez, la France a aujourd’hui un important retard en matière d’économies d’énergie : alors que nous nous sommes fixé l’objectif de 20 % d’économies d’énergie en 2020, nous sommes seulement à 3 % ; il reste donc à accomplir 85 % de l’effort. Nous sommes aux prises avec un gros problème de développement de la pointe électrique : c’est ce qui a conduit, l’année dernière, à une augmentation de 35 % de la part du charbon dans la production d’électricité, ce qui constitue une régression historique. Il y a donc urgence à prendre des mesures de grande ampleur en faveur de la maîtrise de notre consommation d’énergie.

Pour conclure, la présente proposition de loi comporte d’autres mesures très attendues et importantes : la valorisation de l’effacement industriel et de l’effacement diffus, sans oublier les mesures d’urgence en faveur de l’énergie éolienne, qui est une énergie renouvelable parmi les plus compétitives…

Mme Laure de La Raudière. N’importe quoi ! Comment pouvez-vous dire une horreur pareille, madame la ministre ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. On se calme, madame de La Raudière !

Mme Delphine Batho, ministre. …et l’expérimentation du tarif social de l’eau.

J’espère que le débat de ce soir sera fructueux et qu’il nous permettra d’adopter cette importante proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission, chers collègues, nous arrivons ce soir au terme d'un processus engagé l'été dernier.

M. Lionel Tardy. C’est sûr que cela a été long !

M. François Brottes, rapporteur. En effet, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution, l'Assemblée nationale est saisie par le Gouvernement d'une demande tendant à ce qu'elle statue définitivement sur la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

Lorsqu’il s’agit d’aborder un texte – qu’il s’agisse de celui-ci ou de n’importe quel autre –, il y a deux écoles : soit on commence par la conclusion, soit on termine par elle. Comme je viens d'entendre sur une antenne de télévision notre collègue UMP M. Poisson émettre sur ce texte un jugement des plus définitifs alors que son expertise, par ailleurs reconnue, et son intérêt ne sont pas spécialement tournés vers les textes relevant de la commission des affaires économiques,…

M. Henri Jibrayel. Quel talent !

M. Daniel Fasquelle. Il n’y a pas besoin d’être un expert pour savoir que cela ne marchera pas !

M. François Brottes, rapporteur. …je me suis dit qu'il valait mieux commencer par ma conclusion, qui est la suivante : à moins d’être de mauvaise foi, force est de reconnaître que nous vous présentons un texte de consensus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bertrand Pancher. Il y a de quoi s’étrangler !

M. François Brottes, rapporteur. Chacun le sait ici : j'aime la confrontation. Lorsque j'étais dans l'opposition – je m’en souviens encore –, je crois que je n'ai déçu personne sur ce terrain. (Sourires.) Il ne m'est donc pas permis de douter de la bonne foi des arguments développés par l'opposition, comme celle-ci n'a jamais douté de ceux que je présentais à l'époque où je siégeais en pareille situation.

Pourquoi donc affirmé-je qu’il s’agit là par nature d’un texte de consensus ? Parce que c'est une loi qui affirme et conforte – il y en avait besoin – le fait que l'énergie est un bien de première nécessité dont on ne doit exclure absolument personne. Le texte procède à l’élargissement du périmètre des bénéficiaires des tarifs sociaux ; comme l’a rappelé Mme la ministre, le nombre de ménages concernés, qui s’élevait à 650 000, est multiplié par trois.

Le texte instaure également la généralisation de la trêve hivernale. Rappelez-vous que cet hiver, en Haute-Garonne, Jeanne Fajardeau, âgée de quatre-vingt-six ans, s’est vu couper le gaz. Rappelez-vous aussi que l’on a dénombré, en 2012, 230 000 résiliations de contrats d’abonnement au gaz ou à l’électricité.

Enfin, toujours sur le terrain des biens essentiels, il met en place un guichet unique, accessible à tous, à travers un service public de la performance énergétique de l'habitat. Les projets qui arrivent, portés par Mme Duflot et par Mme Batho, en préciseront les contours ainsi que les modalités de soutien aux économies d'énergie. Cela concerne tout à la fois la modification des comportements des usagers, ce qui veut dire, par exemple, ne pas chauffer avec les fenêtres ouvertes – je ne dis pas que beaucoup le font, mais cela peut arriver, notamment lorsqu’on a le chauffage collectif – ; l’optimisation des appareils ménagers, souvent énergivores ; l’amélioration de la gestion des appareils électriques avec ce que l’on appelle le smart grid ; cela concerne surtout l’isolation thermique, domaine dans lequel notre pays est particulièrement en retard.

Je vous le demande donc franchement : peut-on s'opposer à ces trois mesures concernant l’élargissement des tarifs sociaux, l’instauration de la trêve hivernale et la mise en place d’un guichet unique du service public de la rénovation de la performance énergétique de l’habitat ?

Pour continuer à démontrer, et en convaincre M. Fasquelle, que ce texte est par nature un texte de consensus, je veux vous persuader que la société de la sobriété énergétique souhaitée par le Président de la République, François Hollande, est une exigence nationale d'intérêt général qui s'impose à nous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons ici, sur le chemin de l’indispensable transition énergétique.

Pour sortir de notre dépendance, aujourd’hui massive, à l'importation du gaz et du pétrole, mais aussi de notre dépendance au tout-nucléaire – ou presque, puisqu’il représente plus de 75 % de notre production d’électricité –, nous avons deux solutions.

Premièrement, bien sûr, développer toujours plus les énergies renouvelables. À cet égard, ce texte prend toute sa part, comme Mme la ministre vient de le rappeler, concernant l'énergie renouvelable, en particulier avec l'éolien terrestre, énergie renouvelable désormais mature, sans oublier évidemment l'hydroélectricité.

Deuxièmement, et c'est l'objectif principal de ce texte, mettre le paquet – pardonnez-moi d’être trivial – sur les économies d'énergie. La consommation d'électricité du secteur résidentiel tertiaire s’est élevée en 2011 à 290 térawattheures. Une réduction de 30 % de notre consommation d'énergie dans le bâtiment – objectif atteint dans d’autres pays – représenterait plus de 90 térawattheures d'économies annuelles. À raison de 50 euros le mégawattheure, cela fait, à moyen terme, de l'ordre de 4,5 milliards d'euros par an en moins sur la facture d'électricité des ménages – et je pourrais tenir le même raisonnement avec le gaz.

Cette perspective a une incidence évidente sur les coûts structurels de la production d'énergie. Chacun en conviendra, il faut sortir de la spirale du consommer plus pour produire toujours plus, qui nous emmène inévitablement vers une augmentation incessante des tarifs. À force d’augmentations de 3 %, 4 % ou 5 %, on arrive vite à 30 % par an. Certains disent que c’est inexorable. « Mon pauvre monsieur, c'est comme ça, on ne peut rien y faire. » Eh bien, si ! Comme on dit chez moi, on peut y faire quelque chose. (Sourires.) Nos voisins allemands ont une électricité beaucoup plus chère, mais une consommation par ménage beaucoup plus faible.

Le curseur de la réduction des consommations est le plus efficace et le plus accessible pour changer la donne rapidement. Cette proposition de loi porte cette ambition d'une mobilisation générale et massive en faveur de l'économie d'énergie. Pour atteindre cet objectif, avec lequel, encore une fois, tout le monde ne peut qu'être d'accord, nous proposons pour l’heure deux voies – il faudra en proposer d'autres, notamment pour le secteur tertiaire.

La première, c'est l'instauration d'un modèle économique vertueux pour valoriser l'effacement de consommation, particulièrement chez les industriels : le consommateur accepte d'effacer une partie de sa consommation en période de pointe de la consommation, c'est-à-dire à des moments où l'on importe de l'électricité à plus de 2 000 euros le mégawattheure. Autrement dit, on consomme moins plutôt que de produire ou d'importer plus.

La seconde, c'est l'instauration d'un « radar pédagogique », avec le fameux bonus-malus, souvent caricaturé. Je sais bien que la caricature est souvent plus facile à retenir que la réalité, car elle ne fait preuve ni de nuance,…

M. Daniel Fasquelle. Vous ne convaincrez personne !

M. François Brottes, rapporteur. …ni de subtilité, monsieur Fasquelle.

Là encore, le bon sens nous oblige à admettre que le besoin en énergie n'est pas le même selon le climat sous lequel on vit, selon le mode de chauffage que l'on utilise ou selon le nombre de douches qui sollicite chaque jour le ballon d'eau chaude.

Ces trois critères sont universels et incontestables ; pour ne pas en ajouter d'autres, qui pouvaient aussi avoir leur pertinence, nous avons proposé, lors de la précédente lecture à l'Assemblée, de reculer l'application d'un malus au-delà de 300 % du volume de base dont a besoin chaque foyer, ce qui permettra à 75 % des foyers de bénéficier d'un bonus. Ces critères de modulation resteront d'ailleurs mineurs. C'est donc mieux que le radar qui, lui, ne propose pas de bonus pour ceux qui roulent à une vitesse vertueuse.

À certains d’entre vous qui craignent que ces critères n’entraînent une rupture d’égalité, un peu comme si le fait de ne pas faire payer au même prix la cantine à tous les enfants d’une commune créait une rupture d’égalité, je veux rappeler que, depuis 1979 et la décision du Conseil Constitutionnel relative à la loi sur les ouvrages d’art, il ne fait plus aucun doute que, si le principe d’égalité devant la loi implique qu’à situations semblables il soit fait application de solutions semblables, les situations différentes peuvent faire l’objet de solutions différentes.

M. Daniel Fasquelle. C’est bien ce que nous n’avons cessé de répéter lors du débat sur le mariage pour tous !

M. François Brottes, rapporteur. En l’occurrence, dans cette décision, la situation différente tenait notamment au fait de résider dans des départements distincts.

Enfin, monsieur Fasquelle, ainsi que ceux dont l’imagination est sans limite et la créativité sans borne – au point de qualifier le dispositif d’un texte sur l’énergie d’usine à gaz –, je vous demande de bien vouloir entrer dans un nouveau cycle combiné de bonne foi et d’intelligence. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste et du groupe UMP.)

Ne vous en déplaise, le système est très simple. Chaque ménage fera la déclaration de son mode de chauffage, de sa composition, pour chacun de ses lieux d’habitation – il peut s’agir d’une résidence d’étudiants ou d’une double résidence pour les ménages séparés par la vie professionnelle. Chaque fournisseur d’énergie, sans avoir connaissance des détails des données personnelles, appliquera à la consommation constatée de chaque énergie en réseau la référence du volume de base qui leur est affecté.

M. Daniel Fasquelle. Encore de la bureaucratie !

M. François Brottes, rapporteur. Tant que la consommation ne sera pas trois fois supérieure à cette consommation de base – ce qui sera le cas de 75 % des foyers –, on paiera moins qu’aujourd’hui.

Mme Laure de La Raudière. Ils paieront moins en 2015 qu’aujourd’hui ? Cela m’étonnerait !

M. François Brottes, rapporteur. Pour ce qui est du malus, qui concernera les 25 % restants, l’objectif n’est pas de sanctionner financièrement : il ne s’agira que de quelques dizaines d’euros par an. L’objectif est que chacun puisse agir sur sa propre consommation en connaissance de cause…

M. Daniel Fasquelle. Il n’y a pas besoin d’une loi pour cela !

M. François Brottes, rapporteur. …et que les mesures d’accompagnement bénéficient bien à la fois à ceux qui ont le plus besoin mais aussi, en priorité, à ceux qui consomment le plus. C’est en cela que ces consommateurs et l’intérêt général du pays ont le plus à gagner.

Je conclus donc par là où j’avais commencé : à moins d’être de mauvaise foi, considérez que ce texte est, par nature, un texte de bon sens et de consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Fasquelle. Parce que c’est être de mauvaise foi que de ne pas être d’accord avec vous ? Vous venez de perdre encore quelques points dans les sondages !

Mme Delphine Batho, ministre. Il en reste encore ? (Sourires)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteure, mes chers collègues, nous arrivons ce soir au terme du parcours parlementaire de cette loi, examen qui fut on ne peut plus chaotique. Cela n’est guère surprenant pour un texte aussi mal ficelé, dans lequel, à chaque lecture, on découvre de nouvelles malfaçons.

Cette lecture du dernier mot ne fait pas exception. Malheureusement, en continuant à travailler sur ce texte, on découvre encore, jour après jour, de nouvelles failles. Je vous les exposerai en défendant cette motion de rejet préalable.

Sur la procédure et sur la forme, bien que l’examen de ce texte fût heurté et chaotique, tout n’a pas été négatif. Les délais ont parfois été très courts, surtout lors de l’examen en commission en première lecture et l’urgence ne s’imposait pas pour un tel texte.

Son rejet par le Sénat a finalement été une chance pour ce texte, qui a connu un véritable saut qualitatif, avec des améliorations inspirées de remarques que l’opposition avait émises lors de la première lecture.

La procédure accélérée n’est jamais une bonne chose pour la qualité des textes ; nous venons d’en avoir encore un exemple. Nous tenons toutefois, sur les bancs de l’UMP, à saluer l’écoute et le sens du dialogue dont a su faire preuve le rapporteur. Si nous pouvions avoir cette qualité d’écoute à chaque fois, ce serait formidable.

J’en viens maintenant au fond et je serai sans doute moins agréable à vos oreilles, monsieur le rapporteur.

M. François Brottes, rapporteur. C’est dommage ! (Sourires)

M. Lionel Tardy. Tel qu’il est rédigé, et même s’il a connu des améliorations, ce texte présente encore bien des défauts. Ils pourraient entraîner sa censure devant le Conseil constitutionnel, que nous saisirons.

Sa recevabilité financière, au titre de l’article 40 de la Constitution, est un premier problème.

M. François Brottes, rapporteur. Pas du tout !

M. Lionel Tardy. Vous avez affirmé à maintes reprises qu’il ne créait pas de nouvelle charge publique, puisque le produit des malus est censé couvrir l’ensemble des charges, bonus et frais de gestion compris.

Vous auriez été autrement plus crédible en nous donnant des chiffres. Nous en revenons, au passage, à l’absence d’étude d’impact. Malheureusement, vous n’avancez aucun élément probant à l’appui de votre affirmation.

Voilà une recevabilité financière qui est évaluée au doigt mouillé, sur la bonne foi et la bonne mine de l’auteur du texte, qui en est aussi le rapporteur. Reconnaissez que c’est un peu léger !

À aucun moment le président de la commission des finances n’a donné son avis en séance. Il aurait été pourtant très intéressant de l’entendre. Peut-être n’est-il pas trop tard ? En tout cas, je soulève ici formellement le problème de la recevabilité financière de ce texte, afin que le Conseil constitutionnel puisse l’examiner.

Sur cet aspect, deux points au moins posent problème. L’article premier ne s’équilibrera pas financièrement, c’est évident. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que nous étions dans le même système que celui de la contribution au service public de l’électricité. Or le produit de la CSPE ne suffit pas à couvrir les charges, au point que, très récemment, l’État a signé une reconnaissance de dette de 5 milliards d’euros à EDF…

M. François Brottes, rapporteur. Vous y êtes pour quelque chose !

M. Lionel Tardy. …pour compenser les charges relevant de la CSPE et qui n’ont pas été financées, faute d’argent, obligeantdu coup EDF à faire les avances de trésorerie.

Mme Delphine Batho, ministre. Ce n’est pas faute d’argent, mais faute de décisions !

M. Lionel Tardy. Si la CSPE ne suffit déjà pas, comment nous faire croire que votre dispositif de bonus-malus s’équilibrera ? C’est illusoire !

M. François-Michel Lambert. Ce n’est pas la même chose !

M. Lionel Tardy. Monsieur le rapporteur, il existe donc une forte présomption de création de nouvelles charges publiques dans l’article 1er. Au vu des éléments concernant la CSPE, vous devriez nous produire les éléments indiquant que le budget de l’État ne sera pas amené à boucher les trous. Nous attendons toujours…

Par ailleurs, l’extension des tarifs sociaux, prévue à l’article 3, représente, vous l’avez dit, 650 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Mais comme cette augmentation serait financée par une augmentation de la CSPE, vous prétendez échapper à l’article 40. À ceci près que la CSPE ne suffit déjà pas à couvrir toutes les charges, et que l’État est déjà obligé de combler le trou.

M. François Brottes, rapporteur. La CSPE n’augmente pas !

M. Lionel Tardy. Cinq milliards d’euros rien que pour les arriérés, reconnaissez-le, ce n’est pas rien.

Si vous rajoutez encore des charges, la CSPE ne pourra pas tout absorber et c’est le Trésor public qui, au final, viendra combler le trou. Il y a donc bel et bien création de nouvelles charges publiques. Je sais que vous contestez cette analyse, monsieur le rapporteur. Le Conseil constitutionnel tranchera !

Le deuxième point que je souhaite soulever est celui de l’incompétence négative.

L’article 34 de la Constitution dit très clairement que la loi fixe l’assiette, le taux, et les modalités de recouvrement des impositions, de toutes natures. Pour nous, le bonus-malus que vous mettez en place est une imposition.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Lionel Tardy. Nous avons déjà abordé ce point dans les débats, monsieur le rapporteur, et vous nous avez répondu que votre modèle étant la CSPE, le problème ne se posait pas. Je ne suis pas aussi certain que vous de la solidité juridique de la CSPE, qui est, à mes yeux et aux yeux de beaucoup de juristes, une imposition.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Lionel Tardy. La Cour des Comptes, dans son rapport de 2012, a utilisé l’expression « imposition innomée » pour qualifier la CSPE.

L’incertitude ne pèse donc que sur la catégorie d’impôt dans laquelle il faut la ranger. Dans un arrêt du 15 mai 2012, le Conseil d’État a implicitement reconnu le caractère fiscal de la CSPE, en s’appuyant sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2008.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Lionel Tardy. Cet arrêt dit clairement qu’un financement, par un supplément de prix imposé par l’État, pour une mission d’intérêt général, est une taxe.

On peut tourner la chose comme on veut, ou plutôt, vous pouvez la tourner comme vous voulez, monsieur le rapporteur : la CSPE est bel et bien un prélèvement obligatoire auquel le consommateur final ne peut se soustraire, et qui sert à financer des missions de service public.

Or que ce soit pour la CSPE ou pour votre dispositif de bonus-malus, la loi renvoie certains éléments concernant le taux, l’assiette, et les modalités de recouvrement à des décrets. Il y a donc incompétence négative. Si le Conseil constitutionnel nous donne raison sur ce point, la CSPE tombera avec le bonus-malus.

De toute manière, si la question de la nature exacte de la CSPE n’est pas posée maintenant, elle le sera bien un jour par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Je souhaite également soulever un autre problème relatif à la CSPE, que personne ne semble avoir remarqué, et sur lequel j’ai été alerté très récemment. Jusqu’ici, globalement, seul EDF était concerné par la CSPE, et cette taxe venait compenser des charges qui étaient imposées à cette entreprise, qu’il s’agisse de tarifs sociaux, de tarifs de rachat d’éolien et de photovoltaïque ou des dépenses liées à la continuité territoriale. L’article 3 tel qu’il est rédigé autorisera tous les fournisseurs à accorder des tarifs de première nécessité, avec en prime une extension du nombre de bénéficiaires. EDF continuera à venir au guichet de paiement, avec ses factures concernant les tarifs sociaux et les tarifs de rachats d’énergie renouvelables, et d’autres entreprises se présenteront également au guichet, mais uniquement pour les tarifs sociaux… Compte tenu de l’insuffisance patente des fonds de la CSPE, avec la reconnaissance de dette de 5 milliards accordée à EDF, comment va-t-on faire ?

M. Daniel Fasquelle. Oui, comment ?

M. Lionel Tardy. Proposera-t-on aux nouveaux entrants dans le système de toucher une partie de leur dû en argent et l’autre sous forme de titres de dette de l’État ?

Ou peut-être allez-vous décider que l’on doit payer en priorité les demandes relatives aux tarifs sociaux, faisant ainsi peser les problèmes de ressources et de trésorerie sur les autres postes financés par la CSPE ?

J’aimerais, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous expliquiez à la représentation nationale ce que vous envisagez de faire.

Troisième motif d’inconstitutionnalité, la rupture d’égalité devant les charges publiques. Nous avons largement abordé ce sujet dans les débats sans qu’aucune réponse satisfaisante ne soit apportée.

Selon votre lieu d’habitation, vos choix de vie et vos choix de mode de chauffage, vous ne serez pas traité de la même manière. Certes, et vous l’avez dit, la loi peut traiter différemment des situations différentes, mais à condition que ces différences de situation soient pertinentes au regard des objectifs de la loi.

Ici, l’objectif est d’inciter à la sobriété énergétique, sans distinction d’énergies. Or le fioul, qui est pourtant un mode de chauffage très répandu, et pas spécialement écologique, est exclu d’un dispositif qui vise clairement à modérer la consommation d’énergie destinée au chauffage.

M. François Brottes, rapporteur. Nous traitons de l’énergie en réseau !

M. Lionel Tardy. À situation strictement égale par ailleurs, une personne se chauffant au fioul – ce qui est mon cas, et, à la lumière de ce texte, vous me permettrez de m’en réjouir – ne sera pas traitée de la même manière que celle qui se chauffe à l’électricité ou au gaz.

M. Daniel Fasquelle. La France rurale est exclue une nouvelle fois !

M. Lionel Tardy. Cette distinction n’est pas pertinente au regard de l’objectif de la loi. Il y a rupture d’égalité, puisque la différence de traitement n’est pas justifiée.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Lionel Tardy. J’ai aussi repéré un problème technique qui constitue une rupture d’égalité : dans les alinéas 58 et 59 de l’article 1er – autrement dit dans le V. du texte proposé pour l’article L. 230-3 du code de l’énergie – il est prévu que dans les immeubles qui ne peuvent être équipés d’installations individuelles de comptage des consommations, les bonus-malus seront intégralement répartis entre tous les logements sans qu’il soit fait de distinction entre résidences principales et résidences secondaires.

De ce fait, on attribuera des bonus pour des résidences secondaires si elles se trouvent dans un immeuble collectif n’ayant pas de compteurs individuels, alors que cela ne sera pas possible pour les résidences secondaires se situant dans des locaux pourvus de compteurs individuels. La rupture d’égalité de traitement entre résidences secondaires, selon un critère qui n’est absolument pas pertinent, est manifeste. Quand je vous disais, monsieur le rapporteur, qu’à chaque lecture, on trouve des nouveautés : en voilà un bel exemple…

Le quatrième grief porte sur la clarté et l’intelligibilité de la loi. Même si, formellement, il n’y avait pas besoin d’étude d’impact, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, force est de constater qu’elle est nécessaire sur des sujets aussi techniques et complexes.

Les débats auraient eu certainement une autre tenue…

M. Daniel Fasquelle. Si l’on avait renoncé au texte !

M. Lionel Tardy. …si nous avions disposé d’une véritable étude d’impact, avec des simulations et des chiffrages Nous n’aurions pas passé notre temps en séance à vous les demander !

L’initiative parlementaire est une bonne chose, mais encore faut-il produire des textes qui tiennent la route. Nous avons dénoncé à plusieurs reprises le déguisement de projets de loi en proposition de loi, qui permet d’escamoter le passage en conseil d’État et de ne pas avoir à produire une étude d’impact.

M. François Brottes, rapporteur. Ce n’est pas le cas de ce texte.

M. Lionel Tardy. On se retrouve ainsi avec des débats à deux vitesses, avant tantôt des textes où l’on dispose de tous les éléments techniques, et notamment des études d’impact, pour en apprécier la portée, tantôt avec des textes pour lesquels nous passons notre temps, en commission et en séance, à les réclamer dans jamais obtenir satisfaction.

Cette proposition de loi est en tout cas un bel exemple des limites de la capacité des parlementaires à rédiger des propositions de loi. Monsieur Brottes, vous êtes même sans doute allé un peu au-delà de cette limite !

Cela me rappelle les propositions de loi de simplification du droit, entre 2007 et 2012…

M. François Brottes, rapporteur. De grâce, pas cette référence !

M. Lionel Tardy. …où nous avons laissé passer, parce que nous ne pouvions pas tout analyser, des modifications qui ont permis à l’église de scientologie d’éviter la dissolution… Nous ne nous en sommes rendu compte qu’après coup,

Le gaspillage des deniers publics que constitue le dispositif du bonus-malus est une question importante que nous voulons également soulever.

Alors que nous sommes en période de crise, que l’austérité est à l’ordre du jour et qu’un tour de vis budgétaire encore plus drastique est en préparation, comment peut-on justifier un dispositif aussi coûteux ?

Ce coût est d’autant plus scandaleux que l’objectif est de sensibiliser, de faire de la pédagogie. Nous nous retrouvons dans la même situation qu’avec la HADOPI qui, moyennant un budget de 10 millions d’euros par an, a en tout et pour tout prononcé une seule condamnation à 150 euros d’amende, au bout de trois ans d’activité !

Que l’on fasse de la pédagogie en faveur de la sobriété énergétique est une très bonne chose, mais le faire avec une usine à gaz à l’efficacité douteuse, mais au coût financier certain, ce n’est pas acceptable.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’exigence constitutionnelle de bon usage des deniers publics a déjà permis de censurer des dispositifs manifestement trop coûteux au regard des objectifs poursuivis.

Avec ce texte, les conditions sont remplies pour qu’une censure de l’article 1er, sur la base de l’atteinte au principe de bon usage des deniers publics, soit possible.

Enfin, certains amendements, monsieur Baupin, notamment ceux relatifs à l’éolien, sont des cavaliers législatifs et doivent être censurés comme tels.

M. Denis Baupin. Pas du tout. (Sourires)

M. Daniel Fasquelle. C’est évident !

M. Lionel Tardy. Ils concernent les règles d’urbanisme relatives aux implantations d’éoliennes et n’ont donc pas de lien avec la tarification de l’énergie.

Ce sera la première fois que le groupe écologiste provoquera la censure partielle d’un texte de la majorité : encore une innovation, après le retoquage de leur proposition de résolution sur la co-présidence des groupes à l’Assemblée nationale !

Les conditions dans lesquelles ces amendements ont été discutés en séance, en première lecture, ont été très mauvaises, toutes les personnes présentes en séance à ce moment là peuvent en attester. Le sujet est important et mérite un débat d’une autre qualité. On ne peut pas prendre de cette manière, à la hussarde, à deux heures du matin, des décisions aussi importantes, sans qu’un vrai débat, honnête et loyal, ait pu avoir lieu.

Vous le voyez, mes chers collègues, la barque est lourde. Même si nous sommes en toute fin d’examen de ce texte et que le droit d’amendement est très restreint, il est encore possible de le rejeter, ce que le groupe UMP vous invite à faire dès maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Très convaincant !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Brottes, rapporteur. Je remercie Lionel Tardy d’avoir salué la capacité du rapporteur à entendre tout le monde. Cela honore justement le fait que nous portons des propositions de loi : il ne faut pas désespérer, mon cher collègue… Vous aurez d’ailleurs noté que lorsqu’une proposition de loi ne sert qu’à faire passer un projet du Gouvernement sans véritable implication des parlementaires, cela peut poser problème : voyez les propositions de loi Warsmann, que vous avez évoquées. Nous sommes aujourd’hui dans une logique différente : ce texte est largement soutenu par le Gouvernement, il correspond à une volonté politique, exprimée par le Président de la République, du Premier ministre et de Mme Batho, de ne pas tarder à réaliser la transition énergétique. C’est le premier étage de cette fusée. Un consensus s’est dégagé entre le Parlement, sa majorité et le Gouvernement, ce qui me permet d’ailleurs de vous répondre que, le Gouvernement soutenant totalement les dispositions de ce texte, nous sommes hors application de l’article 40. De surcroît, le Gouvernement n’a contesté aucune des mesures proposées.

Par ailleurs, toutes les énergies en réseau sont traitées, y compris dans le milieu rural, monsieur Fasquelle, desservi par le réseau d’électricité. Je ne connais pas d’exemple où cela ne soit pas le cas.

M. Daniel Fasquelle. On ne se chauffe pas à l’électricité dans les campagnes, vous le savez très bien !

M. François Brottes, rapporteur. Vous avez posé le problème du chauffage collectif. Mais il y a déjà une distorsion de traitement entre les gens qui sont en chauffage collectif et dont la facture ne reflète pas exactement la consommation, et ceux qui sont au chauffage individuel. Or le texte permet précisément de changer les choses afin que ceux qui habitent dans des locaux en chauffage collectif aujourd’hui puissent accéder plus rapidement à un compteur individuel. C’est extrêmement important ; si l’on veut se responsabiliser en matière de consommation d’énergie, encore faut-il être en mesure de savoir exactement ce que l’on consomme.

Ensuite, vous nous faites un procès en gaspillage des deniers publics : l’argument est assez extravagant. Je vous ai expliqué que l’enjeu de ce texte était de réaliser une économie de l’ordre de 4,5 milliards par an sur notre facture énergétique : c’est cela, le véritable enjeu.

M. Lionel Tardy. On verra ! Pour le moment, nous n’avons aucun chiffre, aucune étude d’impact, rien !

M. François Brottes, rapporteur. L’enjeu est bel et bien de proposer un texte de sobriété et d’économies pour notre pays. Je vous ai déjà donné les chiffres, y compris en les mesurant par rapport à la consommation d’énergie.

Quant à l’éolien, rappelons tout d’abord le titre du texte : « Proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes ».

M. Daniel Fasquelle. Mais vous l’avez changé !

M. Lionel Tardy. Il a changé vingt fois, le titre !

M. François Brottes, rapporteur. Si toutes les mesures que nous votons à deux heures du matin étaient inconstitutionnelles, il faudrait reprendre toutes les lois votées par le Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. Allez ! On prend date, monsieur Brottes !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. À ce stade de la discussion, je m’en tiendrai à une réponse politique et je reviendrai sur les arguments techniques plus tard dans le débat.

Vous aviez bien commencé, monsieur Tardy, en saluant un texte qui avait été amélioré. En revanche, à propos de la contribution au service public de l’électricité, j’ai été très étonnée de vous entendre évoquer la dette de 5 milliards de CSPE que l’UMP a laissée en quittant les responsabilités…

M. Jean Grellier. Une de plus !

Mme Delphine Batho, ministre. …et que nous avons dû assumer vis-à-vis des Français puisque nous nous sommes engagés à la résorber. J’ai du mal à comprendre que vous ayez pu avancer un tel argument.

Pour le reste, notamment la procédure parlementaire en matière d’éolien, le président François Brottes vous a répondu. J’ajouterai que des centaines et des milliers d’emplois sont directement concernés par le vote de ces dispositions qui, je l’espère, seront ce soir définitivement adoptées par le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. La position de notre collègue Tardy ne nous étonne pas : son parti, aidé par le parti communiste français, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, s’est attaché à limiter la portée de ce texte au point que notre rapporteur a été conduit à le qualifier de « texte pédagogique ».

M. Lionel Tardy. Il coûte cher, pour un texte pédagogique !

M. Noël Mamère. Or il est effectivement conçu pour être la première étape vers ce que nous appelons la transition énergétique, qui doit s’appuyer à la fois sur l’efficacité énergétique, les économies d’énergie, les tarifs sociaux que nous avons proposés avec les amendements de notre collègue Baupin, ainsi que sur le développement des énergies renouvelables.

J’en profite pour rappeler ce qui a été révélé par un journal de fin de semaine : selon un rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, si une catastrophe majeure comparable à celle de Fukushima se produisait en France, il pourrait en coûter près de 5 000 milliards d’euros à notre pays.

M. Lionel Tardy. Quel rapport ?

M. Noël Mamère. Évidemment, il est impossible pour un pays comme le nôtre, même pour n’importe quel grand pays riche, de pouvoir faire face à une telle catastrophe. Des problèmes se poseraient en termes économiques, en termes sociaux et un certain nombre de principes démocratiques pourraient même être remis en cause tant il est vrai que, dans notre pays, pas une seule centrale nucléaire n’est située à moins de soixante-quinze kilomètres d’une grande ville. En cas de catastrophe majeure, nous serions conduits à forcer les populations à partir, au risque de remettre en question nos principes démocratiques.

M. Lionel Tardy. Quel rapport ?

M. Noël Mamère. Dès lors, nous considérons qu’il faut évidemment voter ce texte ; reste qu’il apparaît particulièrement limité par rapport aux ambitions affichées.

M. Lionel Tardy. Arrangez-vous avec votre majorité !

M. Noël Mamère. Si l’on doit s’adosser sur ce texte pour réaliser la transition énergétique sans reposer la question de la fiscalité écologique et de la taxe carbone, alors il ne servira à rien.

M. François Brottes, rapporteur. C’est un début !

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Noël Mamère. Nous souhaitons simplement que les décrets d’application ne restent pas dans les tiroirs et que l’on n’attende pas 2016 pour mettre en œuvre cette proposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Si je m’arrêtais au contenu de ce texte, j’aurais pu voter la motion de rejet préalable. Mais je ne le ferai pas, et pour deux raisons. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Tout d’abord, ce texte comporte une partie extrêmement importante que nous réclamions depuis de nombreux mois puisque nous avions même déposé une proposition de loi reprenant ces dispositions : élargissement des tarifs sociaux, interdiction des coupures, mesure qui a d’ailleurs été étendue lors du dernier examen par notre assemblée par l’interdiction de résilier le contrat, ce qui est une avancée.

Cela dit, reste en dehors de cette partie centrale du texte l’article relatif au bonus malus. J’aurai l’occasion de dire ce que j’en pense plus tard, mais vous le savez déjà. Je suis même convaincu que ce dispositif sera si difficile à mettre en œuvre …

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

M. André Chassaigne. …qu’après en avoir beaucoup discuté et avoir eu la satisfaction de voter l’article 1er, il n’est pas certain qu’on en verra l’application,…

M. Lionel Tardy. C’est impossible, en effet.

M. André Chassaigne. …tant cela a été fait, en quelque sorte, pour faire plaisir. On aura l’occasion d’apprécier… Quant à la partie relative à l’éolien, je crois très franchement qu’elle sera soumise à la sanction du Conseil constitutionnel et vraisemblablement censurée.

M. Lionel Tardy. Bien sûr, c’est tellement évident !

M. André Chassaigne. Plutôt que de voter ici le rejet préalable, ayons la sagesse de laisser faire le Conseil constitutionnel. Nous aurons au final quelques surprises, pas pour tout le monde, mais pour certains !

M. Lionel Tardy. Il ne restera plus grand-chose !

M. Daniel Fasquelle. Quelle lucidité ! Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Blein. Vous ne serez pas surpris, monsieur Tardy, que notre groupe ne vote pas votre motion de rejet préalable : après tant de discussions, pourquoi vouloir rejeter ou créer un préalable à un nouveau débat alors que celui-ci a déjà eu lieu et qu’il faut aujourd’hui le conclure ?

M. Lionel Tardy. Il fallait venir au début, on l’a déjà dit !

M. Yves Blein. Plutôt que de nous y inviter ou d’avancer des arguments que nous aurions pu entendre sur l’absence de qualité sociale, le manque d’audace écologique, ou de vision économique, vous nous parlez de recevabilité financière, de la question de savoir si le bonus-malus est un impôt, du risque de rupture d’égalité…

M. Lionel Tardy. On fait la loi, en effet !

M. Yves Blein. Bref, de questions de forme qui ne nous invitent pas à réinterroger le fond que nous avons voulu donner à ce texte.

M. Lionel Tardy. La forme est importante à l’Assemblée !

M. Yves Blein. C’est la raison pour laquelle nous apporterons notre soutien à ce texte, et voterons contre votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. La forme ne vous intéresse donc pas ? Le Conseil constitutionnel appréciera !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Soyons clairs : l’objectif que poursuit cette proposition de loi est majeur : faire des économies d’énergie. Nous le réaffirmons au sein de notre groupe : nous adhérons pleinement à cet objectif.

Pour autant, nous ne pensons pas que ce texte puisse conduire à réaliser les économies que vous promettez. Aucune étude d’impact n’a été menée, aucune expérimentation n’a été lancée alors qu’il va toucher tous les Français. Nous avons le sentiment d’avancer comme des apprentis sorciers, …

M. Lionel Tardy. Au doigt mouillé !

Mme Laure de La Raudière. Exactement.

Vous venez de prendre un engagement très fort, monsieur le rapporteur : les Français qui bénéficieront du bonus grâce à ce texte paieront leur électricité moins cher qu’aujourd’hui. Je suis prête à parier avec vous qu’après 2015, alors que nous sommes en 2013, même ceux qui bénéficieront du bonus paieront leur électricité plus cher qu’aujourd’hui. Cela, vous ne l’avez pas dit aux Français.

M. Daniel Fasquelle. C’est vrai.

Mme Laure de La Raudière. Je voudrais par ailleurs insister sur un point qui nous paraît très important, celui de l’incohérence de votre démarche en matière d’énergie.

Madame la ministre, vous avez récemment lancé avec fierté le grand débat national sur la transition énergétique. Or les dispositions de cette proposition de loi, qui intéresse tous les Français, auraient eu toute leur place dans votre débat. Et il faut y ajouter les mesures relatives à l’éolien, qui est l’un des éléments de la transition énergétique.

Le Gouvernement fait preuve de la plus totale incohérence quand il veut, en urgence, faire adopter ce texte, quitte à passer en force, plutôt que de débattre avec les Français.

M. Lionel Tardy. C’est pour faire plaisir aux Verts !

Mme Laure de La Raudière. Je pense que vous n’avez pas envie de débattre de toutes ces dispositions avec les Français. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Razzy Hammadi. Il faut un référendum !

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe UDI.

M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI votera cette motion de rejet préalable défendue par Lionel Tardy, parce que nous considérons toujours que ce texte est socialement très injuste. Comment allez-vous expliquer à une femme seule, à un chômeur, à quelqu’un qui habite dans une petite ville de province, dans un grand logement, qu’il va falloir payer beaucoup plus que celui qui habite dans le 7e arrondissement de Paris ?

M. Razzy Hammadi. Ce n’est pas vrai !

M. Henri Jibrayel. C’est méchant pour Rachida !

M. Bertrand Pancher. Tout cela est très injuste sur le plan social et vos quolibets, chers collègues, ne changeront rien à cette réalité !

De surcroît, ce texte est écologiquement très discutable. Vous allez installer nos concitoyens dans la précarité énergétique. C’est une réalité. Pire encore : pour certains de nos concitoyens, qui habitent dans de grandes maisons dans de petites villes de province et qui se chauffent au gaz, voire à l’électricité, la tentation sera grande de passer au chauffage au fuel lorsque vous les taxerez massivement.

M. Daniel Fasquelle. Ça a déjà commencé !

M. François Brottes, rapporteur. Caricature !

M. Henri Jibrayel. Pourquoi pas au charbon !

M. Bertrand Pancher. C’est un texte aberrant sur le plan écologique.

Enfin, je le maintiens, votre volonté de supprimer les zones de développement de l’éolien est une très grave erreur. Dans mon département de la Meuse, 332 communes pourront désormais implanter des éoliennes en dehors des zones de développement de l’éolien.

M. Razzy Hammadi. Bravo !

M. Bertrand Pancher. Faites comme moi, cher collègue ! Nous sommes le département le plus éolien au plan national.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député !

M. Bertrand Pancher. J’invite une délégation parlementaire, notamment de personnalités engagées pour les suppressions de ZDE à venir dans mon département, et vous verrez comment vous allez vous faire accueillir, chers collègues ! Votre système va conduire à ce que tout le monde s’oppose, hélas ! à l’éolien, que nous voulons précisément soutenir.

J’invite donc à voter cette motion de rejet préalable.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, triste coïncidence, ce projet de loi concernant la transition énergétique intervient le 11 mars, c’est-à-dire deux ans jour pour jour après le début de la catastrophe de Fukushima. Je dis : après le début de la catastrophe de Fukushima, parce que cette catastrophe est loin d’être terminée aujourd’hui.

Je voudrais ce soir, au moment où nous abordons ce débat, avoir une pensée pour les habitants de Fukushima. J’y suis allé il y a un an ; je garde en mémoire le regard de ces parents angoissés par la situation de leurs enfants, par la présence de ce poison invisible partout, dans l’eau, dans l’air, dans la nourriture, dans les sols, angoissés pour l’avenir de leurs enfants, s’inquiétant de leur capacité à avoir des enfants plus tard, angoissés de savoir que leurs enfants, tous les jours, vont à l’école avec un dosimètre. Il y a désormais au Japon un territoire grand comme la Belgique qui est inhabitable.

J’invite tous ceux qui pensent que le nucléaire peut être une énergie sûre et qui l’ont réaffirmé encore aujourd’hui, à rencontrer la population à Fukushima, pour se rendre compte de ce que sont les conséquence d’un accident nucléaire majeur. Après, nous rediscuterons de la possibilité ou non de maîtriser le risque nucléaire. Je le dis aussi parce que je pense qu’à ce jour, la France n’a pas encore pris la mesure de ce que sont l’accident de Fukushima et ses conséquences. C’est ce que disent aussi bien l’Autorité de sûreté nucléaire que l’Institut de radioprotection : il nous faudra longtemps avant de prendre la mesure de ce qu’il s’est passé.

Prenons un peu la mesure de ce que disent les experts de la question.

L’ancien directeur de l’agence belge de sûreté nucléaire, M. de Roovere, à Noël dernier : « Nous devons nous demander si le risque nucléaire est encore acceptable. En toute honnêteté, si je considère ce risque, je choisirais d’autres formes d’énergie. »

Naoto Kan, ancien Premier ministre japonais, en poste lors de l’accident de Fukushima : : « Ayant traversé le désastre nucléaire du 11 mars, j’ai changé ma manière de voir les choses. J’en suis arrivé à la déduction que le moyen le plus sûr de construire une société ne doit pas inclure de sites de production nucléaire, et cette option est parfaitement réalisable. »

Je citerai également M. Repussard, responsable de l’IRSN, en avril 2011 : « Sur le parc mondial, 14 000 années-réacteur sont déjà passées, et les statistiques montrent qu’on est à vingt fois plus d’accidents qu’attendu selon les études probabilistes… Le nucléaire fait jeu égal avec l’industrie chimique. C’est insuffisant. On peut donc se poser la question : l’homme est-il en mesure de maîtriser cette technologie ? Y a-t-il une barrière ? Ce serait une conclusion inquiétante, car cela signifierait qu’avec 1 000 réacteurs installés, un accident nucléaire grave se produirait en moyenne tous les dix ans, ce qui n’est pas supportable ».

André-Claude Lacoste, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire française, au lendemain de Fukushima, déclarait : « Personne ne pourra jamais garantir qu’il n’y aura pas d’accident nucléaire en France ».

Cela a d’ailleurs amené M. Repussard, responsable de l’IRSN, à expliquer il y a quelques jours, dans Le Monde, que nous devrions changer de paradigme en matière de sûreté nucléaire en France. Changer de paradigme : cela en dit long sur l’ampleur des enseignements que nous devrions tirer de cette catastrophe. De notre point de vue, changer de paradigme en matière de sûreté nucléaire, c’est s’engager vers la sortie du nucléaire.

M. André Chassaigne. Ce n’est pas ce qu’il dit.

M. Denis Baupin. Ce n’est pas ce qu’il dit, mais c’est ce que nous disons.

M. André Chassaigne. Mais ce n’est pas ce qu’il a dit, et il ne faut pas déformer ses propos !

M. Denis Baupin. Il faut changer de paradigme en matière de sûreté nucléaire, s’assurer qu’il n’y a plus de risque. Faisons comme l’indique le responsable de l’ASN en Belgique, faisons ce que dit l’ancien Premier ministre du Japon, Naoto Kan. Se passer du nucléaire, c’est arrêter de prendre ce risque.

M. Lionel Tardy. Parlez-nous plutôt de la PPL !

M. Denis Baupin. J’y viens !

La PPL, c’est l’application de l’engagement n° 42 de François Hollande. Vous avez pris une demi-heure pour parler de ce qui vous intéressait, monsieur Tardy. Permettez-nous maintenant de parler de la transition énergétique !

M. Lionel Tardy. Nous, nous avons parlé du texte !

Mme la présidente. Seul M. Baupin a la parole.

M. Denis Baupin. Nous en parlons aussi.

L’engagement n° 42 du candidat Hollande est relié à l’engagement n° 41 qui porte sur la réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2025, la fermeture de Fessenheim et le soutien aux filières des ENR. L’engagement n° 42 porte sur la tarification progressive de l’énergie et la lutte contre la précarité énergétique.

Pour nous, ces deux engagements sont liés, ils ne font quasiment qu’un. C’est pour cette raison que nous sommes favorables, comme je l’ai déjà indiqué lors des deux lectures précédentes, au texte qui nous est proposé : nous y voyons une étape préparant la transition vers un système énergétique sobre et mettant en place un certain nombre de dispositions concernant les éoliennes.

Je voudrais saluer la ténacité de notre rapporteur, François Brottes, et celle de notre ministre, Delphine Batho, pour faire aboutir cette proposition de loi qu’il nous est donné ce soir de voter à l’issue d’un parcours législatif particulièrement long et complexe.

M. Henri Jibrayel. Très bien !

M. Denis Baupin. À ce stade du débat, nous ne proposerons pas d’amendements : il ne nous était permis de reprendre que des amendements adoptés par le Sénat, mais nous n’en avons trouvé aucun qui nous intéressait. Nous n’avons donc pas repris d’amendement, d’autant que nous souhaitons pour notre part que le texte reste conforme à celui adopté par l’Assemblée nationale, en tout cas, avec le moins de changements possible.

Nous voterons ce texte, car nous considérons qu’en matière de vocation pédagogique, il marque un premier pas vers la tarification progressive…

M. Lionel Tardy. À quel prix !

M. Denis Baupin. C’est un élément important. Non seulement la tarification progressive permettra de lutter contre la précarité énergétique, notamment grâce à l’extension des tarifs sociaux, mais elle encouragera les comportements les plus vertueux.

J’ai travaillé avec nos collègues allemands à Berlin sur ces questions énergétiques. Nous avons constaté à quel point la politique mise en place en Allemagne depuis vingt ans avait permis de réduire la consommation énergétique des Allemands de 20 %, voire de 27 % en matière d’électricité spécifique par rapport à la consommation des Français.

M. Lionel Tardy. Du coup, ils sont passés au charbon !

M. Denis Baupin. Oui, il faut mettre en place des dispositifs qui incitent à avoir des comportements vertueux en matière de consommation énergétique.

M. Lionel Tardy. Comme passer au charbon ?

M. Denis Baupin. Nous voterons également ce texte parce qu’il lance le projet d’un service public de la performance énergétique du bâtiment. Nous attendons avec impatience, madame la ministre, les prochaines annonces sur la rénovation thermique des bâtiments et le plan énergie sur les bâtiments qui sera un élément extrêmement important de la transition énergétique.

Nous voterons ce texte parce qu’il fait évoluer la CRE – la commission de régulation de l’énergie –, ses fonctions, ses objectifs et sa composition dans un sens qui permettra une meilleure prise en compte de l’efficacité énergétique et de la lutte contre la précarité énergétique.

Nous voterons enfin ce texte pour les premières mesures qui permettront de desserrer l’étau mis en place par nos prédécesseurs en ce qui concerne l’éolien.

Oui, nous affirmons clairement que nous sommes favorables, nous, aux énergies renouvelables ; et favoriser les énergies renouvelables, c’est desserrer toutes les mesures que vous avez mises en place pour tenter d’empêcher le développement de cette énergie en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas par hasard s’il faut huit ans pour mettre en place des éoliennes en France quand il en faut seulement quatre en moyenne dans l’Union européenne. Oui, nous sommes favorables à ce qui va permettre aujourd’hui de développer cette énergie, même si nous avons conscience que cela ne suffira probablement pas et qu’il faudra poursuivre le travail pendant le débat sur la transition énergétique.

M. Lionel Tardy. De toute façon, le texte sera retoqué !

Mme la présidente. Monsieur Tardy, s’il vous plaît !

M. Denis Baupin. Je comprends que cela vous énerve beaucoup, mais nous allons mener ce travail avec la majorité pour aller jusqu’au bout. Nous sommes fiers de le faire parce que nous sommes convaincus que la transition énergétique est bénéfique sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique et social, et notamment en termes de créations d’emplois, Mme la ministre l’a rappelé tout à l’heure.

En Allemagne, chez votre amie Mme Merkel, chers collègues de l’opposition, 380 000 emplois ont été créés en sortant progressivement du nucléaire et en développant les énergies renouvelables.

M. Lionel Tardy. Et les centrales à charbon !

M. Denis Baupin. Nous voterons ce texte avec enthousiasme, avec la conviction qu’il va dans le bon sens, mais aussi avec impatience, en attendant que ce premier pas soit suivi par beaucoup d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. Daniel Fasquelle. Enfin un peu de bon sens !

M. Lionel Tardy. Quelqu’un qui va nous parler de la réalité, ça va changer !

M. Denis Baupin. Voilà l’alliance entre les gaullistes et les communistes !

M. Daniel Fasquelle. Heureusement qu’ils étaient là, les gaullistes et les communistes, à une certaine époque !

M. Denis Baupin. C’était autre chose !

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons une dernière fois aujourd’hui a suivi un parcours législatif complexe et douloureux, tant ses principales dispositions ont laissé la représentation nationale interrogative, pour ne pas dire dubitative. Lors de ce dernier passage, dont la procédure semble quelque peu rocambolesque, nous repartons donc en examinant le texte adopté initialement par notre assemblée.

Je rappellerai une nouvelle fois notre appui aux dispositions relatives à l’élargissement des tarifs sociaux, à l’interdiction des coupures et des résiliations de contrat, acquis d’un amendement fondamental adopté par notre assemblée lors de la nouvelle lecture.

Je tiens à rappeler aussi notre adhésion sans retenue à la création d’un véritable service public de la performance énergétique.

Ce texte peut donc reprendre, comme vient de le faire le Sénat, tous ces articles urgents, qui ne peuvent attendre et font consensus à gauche. Nous y sommes prêts, mais j’ai employé à tort le mot « consensus » : notre rapporteur vient d’en donner une définition totalement nouvelle par le biais d’une forme de révolution lexicale copernicienne !

M. Lionel Tardy. Bravo !

M. André Chassaigne. Force est de constater, monsieur le rapporteur, que la commission des affaires économiques de notre assemblée n’a pas souhaité reprendre à son compte l’excellent travail mené par la Haute assemblée. Il s’agissait pourtant d’un juste rééquilibrage de son contenu, permettant de lever toute une série de risques inhérents aux mesures concernant le mécanisme du bonus-malus, mais aussi l’éolien. Le texte issu du Sénat avait pourtant trouvé une large adhésion au sein de ses groupes parlementaires.

Je conçois donc qu’il appartient désormais, et in fine, à chaque député de se faire sa propre opinion sur la réalité de ce que pourra être son application. C’est avec la conviction que la sagesse des députés pourrait converger avec celle des sénateurs que j’ai redéposé un certain nombre d’amendements qui me paraissent pouvoir emporter l’adhésion du plus grand nombre, pour un vote définitif conforme aux attentes de nos concitoyens.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, oui, je considère moi aussi qu’il est « sage » de ne pas maintenir l’instauration du mécanisme d’un bonus-malus sur les consommations d’énergie de réseau dans ce texte. Oui, cet article 1er est toujours d’une complexité extrême, que bien peu de ménages comprendront, alors qu’il aura un impact direct sur leur facture énergétique. Je n’y reviendrai pas, il continue de remettre en cause la péréquation tarifaire et le principe d’un tarif unique sur tout le territoire, fondement de notre service public.

M. Lionel Tardy. Absolument !

M. Daniel Fasquelle. C’est l’héritage du CNR !

M. André Chassaigne. Mais surtout, je le répète, aucune des personnes et aucun des organismes que j’ai consultés n’estime qu’il apportera les bénéfices escomptés ou qu’il sera d’application facile. Les représentants d’associations de consommateurs, de représentants syndicaux, de techniciens de l’environnement, de juristes, tous dénoncent à la fois l’inégalité induite par le dispositif en l’état…

M. Lionel Tardy. C’est vrai !

M. André Chassaigne. …pénalisant les familles les plus dépourvues pour procéder aux travaux d’isolation ou les locataires impuissants à faire engager ces mêmes travaux.

Bien en amont de la sanction, l’engagement en faveur du soutien de la rénovation thermique de l’habitat aurait dû constituer la mère des batailles de notre assemblée !

M. Bertrand Pancher. Évidemment !

M. Lionel Tardy. Bien sûr ! Tout est dit !

M. André Chassaigne. Malgré vos nombreuses explications et un début de prospective, madame la ministre, je m’interroge encore sur ce qui peut vous conduire à adopter une telle mesure dans la précipitation.

M. Daniel Fasquelle. Eh oui !

M. André Chassaigne. Outre l’injustice sociale, les mêmes personnes consultées m’ont alerté sur l’inefficacité écologique du système. Quels sont les réels objectifs ciblés du dispositif en matière de réduction des consommations dans le secteur résidentiel ? À quelle échéance ? Pour quels transferts entre énergies carbonées et non carbonées, renouvelables et non renouvelables ? Quels seront les effets de rebond de cette mesure en terme d’équipements, avec un bonus très bas et donc sans effet réel ou au contraire très haut et à caractère punitif ?

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. André Chassaigne. Ce sont là des questions essentielles aux yeux de n’importe quel énergéticien. Elles sont pourtant éludées, car le dispositif anticipe en quelque sorte sur l’objectif de baisse des consommations énergétiques.

M. Lionel Tardy. Belote, rebelote et dix de der !

M. André Chassaigne. J’aurai l’occasion d’y revenir lors des débats sur l’amendement de suppression de l’article 1er, adopté par les sénateurs de la majorité, mais je considère que la représentation nationale aurait tout intérêt à lier directement les objectifs de sobriété énergétique dans le secteur résidentiel à une refonte des leviers incitatifs d’amélioration de l’isolation ou d’acquisition de matériels comme les chauffe-eau solaires, dont l’efficacité est reconnue et qui figurent toujours parmi les grands oubliés. En raison, peut-être, du lobbying de certaines énergies renouvelables bien plus rentables pour leurs actionnaires ?

Une dernière fois, je veux d’ailleurs faire le point sur les dispositions concernant l’éolien, qui visent à modifier profondément la réglementation actuelle.

M. Lionel Tardy. On ne s’en lasse pas !

M. André Chassaigne. Je tiens une dernière fois à essayer de vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas trancher ici en quelques minutes des problématiques complexes qui n’ont pas leur place dans ce texte.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Lionel Tardy. Nous sommes bien d’accord !

M. André Chassaigne. Là comme ailleurs, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas repris le travail des sénateurs, qui ont pourtant montré avec justesse leur souci de ne pas pousser les feux de la déplanification du développement éolien sans tenir compte des réalités territoriales et des impacts d’un développement anarchique guidé uniquement par la rente électrique tirée d’un système à revoir en profondeur.

M. Daniel Fasquelle. Très bien ! Il a raison !

M. Lionel Tardy. Nous allons adhérer au groupe d’André Chassaigne !

M. André Chassaigne. Oui, la sagesse impose aussi d’intégrer le développement maîtrisé de l’énergie éolienne dans le débat d’ensemble sur la transition énergétique ! Au lieu d’un retour serein sur ces cavaliers législatifs, vous persévérez dans votre choix de libéralisation et de déréglementation du développement de cette énergie. Je l’ai déjà dit il y a quelques mois lors de la nouvelle lecture : ces dispositions constituent selon moi une erreur colossale et une faute contre la démocratie locale.

M. Daniel Fasquelle. Eh oui !

M. Denis Baupin. Contre la démocratie ? N’exagérons rien !

M. André Chassaigne. Légiférer en l’état sur ce sujet aura de lourdes conséquences sur la capacité à anticiper les développements de réseau nécessaires à l’accueil des productions et sur les capacités d’ERDF à gérer l’accueil des demandes, les études de raccordement et la gestion des contrats d’accès. Par ailleurs, la suppression des zones de développement de l’éolien confiera l’essentiel des décisions aux préfets, sous l’influence prédominante des promoteurs et dans des zonages toujours plus lâches consacrés par les schémas régionaux éoliens.

M. Daniel Fasquelle. Eh oui !

M. André Chassaigne. Les schémas adoptés dans les régions sont déjà marqués par le lobby éolien, et les quelques boucliers contre le mitage disparaîtront si l’article 15 est maintenu en l’état. En maintenant uniquement la démarche des installations classées pour la protection de l’environnement, on se borne à restreindre les autorisations et déclarations aux seules puissance et hauteur des mâts. Cette procédure n’offre aucune possibilité réelle d’associer les élus locaux et les populations, contrairement aux ZDE.

Quant à l’argument répété à l’envi selon lequel les communes pourront toujours s’opposer à l’implantation d’éoliennes en élaborant leurs PLU ou leurs SCOT, il atteint vite ses limites : la majorité des communes rurales n’ont pas de PLU et pourront se voir imposer par une majorité de communes des zonages de développement éolien dans le cadre des SCOT.

M. Lionel Tardy. Eh oui ! Ce sont les réalités du terrain !

M. André Chassaigne. La procédure des ICPE applicable aux éoliennes de plus de cinquante mètres de hauteur ne permet pas davantage aux communes de s’opposer à une implantation, leur avis simple étant requis, et non leur avis conforme.

M. Lionel Tardy. Nous allons vous laisser entre vous…

M. André Chassaigne. En outre, comme je l’ai déjà fait remarquer lors de l’examen précédent, les schémas régionaux se réfugient souvent derrière la procédure ZDE pour offrir des garanties de concertation que la suppression des ZDE fera disparaître de fait. Une révision complète serait donc indispensable pour les schémas régionaux déjà votés. C’était d’ailleurs en partie l’objet de l’amendement repris par la rapporteure du texte au Sénat, qui, dans sa grande sagesse, s’était sans doute inspirée des débats que notre assemblée avait tenus sur les articles 12 bis et 15.

La perspective de maintien en l’état de l’article 15 favorisera frustrations, conflits et contentieux sur un sujet déjà très sensible dans les territoires. Nous avons besoin de renouer avec un débat territorial serein lourdement menacé par la suppression des ZDE, que les députés du front de gauche continuent de regretter. C’est donc avec un souci d’apaisement que j’ai tenu à déposer à nouveau l’amendement consensuel adopté par le Sénat qui ouvre d’autres pistes que celle de la libéralisation aveugle.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

M. André Chassaigne. Pour les députés du front de gauche, la maîtrise publique et sociale de la production, du transport et de la distribution d’énergie est la condition indépassable d’une transition énergétique rapide, socialement et écologiquement pertinente, vers un système énergétique le plus décarboné possible. Nous avons besoin d’un débat ouvert qui ne préempte pas les choix que les citoyens français doivent faire en toute connaissance de cause. Nous avons aussi besoin d’une véritable planification écologique et non d’une libéralisation accrue d’un secteur déterminant pour l’avenir de nos concitoyens et de l’écosystème humain.

Je le répète, les députés du front de gauche sont résolus à améliorer ce texte et réaffirment leur volonté d’adopter les mesures urgentes d’amélioration de l’égalité et de la justice sociale en matière d’accès à l’énergie de nos concitoyens. Nous refusons que des questions complexes et essentielles en matière énergétique soient d’ores et déjà entérinées à la va-vite, avant même de se fixer des objectifs concrets en lien avec le débat national sur la transition énergétique qui vient de s’engager !

M. Lionel Tardy. Eh oui ! Il faut appeler un chat un chat !

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le président Chassaigne.

M. André Chassaigne. Il ne me restait que deux lignes, mais je m’arrête là, puisque vous me le demandez, madame la présidente.

Mme la présidente. Je ne faisais que vous indiquer que vous aviez dépassé votre temps de parole, monsieur le président.

M. Lionel Tardy. Démonstration éclatante ! Il aura l’occasion de défendre ses excellents amendements !

M. Daniel Fasquelle. Quelle clairvoyance !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici au terme de l’examen de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Enfin ! Ce texte a été amplement étudié et débattu, c’est le moins que l’on puisse dire. Voté en première lecture par l’Assemblée nationale en octobre dernier, il a ensuite été rejeté au Sénat par une alliance politique que l’on pourrait qualifier de contre nature.

M. Lionel Tardy. C’est tout de même votre majorité !

M. André Chassaigne. Sous peu, c’est l’accord national interprofessionnel qui sera contre nature !

M. Yves Blein. Lors de la discussion en nouvelle lecture devant notre assemblée, le rapporteur s’est attaché à apporter des réponses aux interrogations soulevées par les sénateurs, grâce auxquelles ce texte a finalement été voté après suppression du dispositif du bonus/malus, pourtant essentiel. Je veux saluer ici, après d’autres, le patient travail d’orfèvre accompli par François Brottes avec le souci constant de ne laisser aucune interrogation sans réponse.

Il nous appartient donc aujourd’hui de traduire en actes ce texte une bonne fois pour toutes. L’objectif de cette proposition de loi, on l’a dit et répété, est de lutter contre la précarité énergétique et de conduire notre pays à adopter une autre approche de sa consommation d’énergie en s’engageant vers un modèle de société basé sur la sobriété énergétique et non plus sur le « produire toujours plus pour consommer plus ». Ce texte vise donc à promouvoir une consommation raisonnée d’électricité et de gaz tout en assurant à ceux qui vivent en situation de précarité énergétique le minimum qui leur est nécessaire. Il a donc une triple portée sociale, économique et écologique.

M. Lionel Tardy. Parlez-nous de la France !

M. Yves Blein. On ne peut que se réjouir que nos collègues sénateurs aient conservé les aspects sociaux du texte. La précarité énergétique grandit dans notre pays en raison notamment de l’envol des prix du gaz et de l'électricité, caractérisé par un doublement du prix du gaz dans les années 2000 et une augmentation annuelle du prix de l’électricité de 5 % depuis 2005. Ce texte vient répondre à l’urgence sociale de la situation par plusieurs dispositions destinées aux ménages les plus modestes : élargissement du nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux de l’énergie de 600 000 ménages aujourd’hui à plus 4 millions demain, extension de la trêve hivernale à tous et mise en place d’un service public de la performance énergétique de l’habitat qui accompagnera les ménages aux logements mal isolés.

En revanche, il est bien difficile de comprendre que nos collègues sénateurs aient, d’une certaine manière, vidé le texte d’une partie de sa substance en supprimant le dispositif du bonus-malus, pourtant essentiel à sa cohérence et à sa finalité.

M. Daniel Fasquelle. Quelle clairvoyance !

M. Lionel Tardy. Relisez le compte rendu de leurs débats !

M. Yves Blein. Pourquoi faudrait-il absolument, alors que nous avons maintes fois ici démontré le contraire, que le mécanisme du bonus/malus mis en place par ce texte remette en cause la péréquation tarifaire et constitue une rupture d’égalité devant l'accès à l’énergie ? Ce texte ne remet nullement en cause la péréquation, à laquelle nous sommes tous attachés, puisqu’il ne touche pas aux tarifs.

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

M. Yves Blein. La future loi ne fait qu’instaurer un bonus-malus pondéré par trois critères, dont celui de la situation géographique.

M. Lionel Tardy. Nous verrons ce qu’en dit le Conseil constitutionnel !

M. Yves Blein. Nous cherchons au contraire à aller plus loin et à rendre le coût des énergies plus juste en prenant en compte des éléments systématiquement ignorés auparavant, en particulier les injustices liées au climat, selon que l’on se chauffe en montagne en hiver ou que l’on habite dans des zones chaudes l’été. Il ne s’agit donc pas de créer une rupture d’égalité des citoyens devant l’accès à l’énergie, mais bien au contraire de renforcer l’égalité entre les usagers en insistant sur l’équité. Le texte tend donc à rétablir en droit une égalité qui n’existe pas forcément dans les faits.

M. Lionel Tardy. En somme, tout va bien ! C’est la meilleure !

M. Yves Blein. En outre, lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée, le rapporteur a répondu, par une nouvelle rédaction de l’article 1er, aux interrogations soulevées par les sénateurs au cours de la discussion en première lecture. Il a ainsi répondu au problème de constitutionnalité soulevé par les sénateurs soucieux de laisser au pouvoir réglementaire la définition des règles et modalités de l’assiette bonus-malus. Le texte prévoit donc de moduler le volume de base en fonction du nombre de personnes dans le foyer selon un ratio prédéfini.

Le dispositif a également été critiqué pour son éventuel impact sur les ménages les plus modestes, souvent mal logés dans des passoires énergétiques. Là encore, le texte a répondu à cette interrogation en permettant au Gouvernement de définir par arrêté des niveaux de malus minorés pour les consommations individuelles des foyers ayant droit à la tarification de première nécessité pour l’électricité ou au tarif spécial de solidarité pour le gaz.

François Brottes a ouvert tout à l’heure nos débats sur cette interrogation métaphysique : comment siéger raisonnablement dans cet hémicycle et ne pas voter ce texte ? Je tiens ici à lui ôter toute inquiétude séance tenante : oui, monsieur le rapporteur, madame la ministre, le groupe SRC votera avec enthousiasme – et bien sûr énergie (Sourires) – le texte visant à engager la France dans une transition vers un système énergétique sobre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons une fois de plus ce texte – une fois de plus, malheureusement. Mal préparée, sans étude préalable ni aucune concertation, cette proposition de loi sur la transition énergétique surgit en plein débat sur la transition énergétique ouvert par vous-même, madame la ministre. C’est incroyable ! Ajoutons que tous – énergéticiens, juristes, associations de consommateurs, ONG – y sont hostiles. Mais vous demeurez sourds à tous les appels, y compris ceux du Sénat et de certains membres de votre propre majorité, vous obstinant à imposer un texte dont pourtant personne ne veut, avec, au cœur du dispositif, la tarification progressive de l’énergie. Vous avez eu beau changer de terme à plusieurs reprises pour en arriver au bonus-malus, c’est bien de tarification progressive qu’il s’agit, c’est bien aux tarifs de l’énergie que vous touchez.

Un texte injuste qui remet en cause un acquis du Conseil national de la Résistance : la tarification progressive de l’énergie. Un texte qui va créer de profondes inégalités dans les communes elles-mêmes. En zone de montagne, par exemple, selon que votre appartement ou votre maison sera du côté de l’adret ou du côté de l’ubac, vous aurez du bonus ou bien du malus. Où est l’égalité, mes chers collègues ? Dans les communes littorales comme la mienne, selon que vous aurez un appartement sur le front de mer ou à l’abri, plus à l’intérieur des terres, vous bénéficierez d’un bonus ou paierez un malus.

M. Lionel Tardy. La justice, c’est maintenant !

M. Daniel Fasquelle. Un tel paiera sur le front de mer le bonus que percevra celui qui habite quelques centaines de mètres à l’abri des vents et qui aura pourtant exactement le même appartement, la même structure familiale. Où est l’égalité, mes chers collègues ?

M. François Brottes, rapporteur. Et aujourd’hui, où est l’égalité ?

M. Daniel Fasquelle. Il y a bien pire : qui va payer le malus ? Ceux qui n’ont pas aujourd’hui les moyens de s’isoler. Il n’y a pas besoin de votre usine à gaz, monsieur Brottes, pour se rendre compte que les prix de l’énergie augmentent et qu’il faut faire en sorte de mieux s’isoler pour diminuer sa facture d’électricité, de gaz ou de fioul – n’importe quel Français est capable de le comprendre.

Il s’est tenu dans ma commune, il n’y a pas très longtemps, un salon de l’habitat et de l’environnement qui a connu un vrai succès parce que les Français sont venus pour se renseigner sur les moyens de mieux s’isoler. Je le répète, il n’y a pas besoin de votre système : tout le monde est capable de faire le lien entre une meilleure isolation et la diminution de sa facture d’électricité, de gaz ou de fioul. Et si certains ne le font pas, c’est qu’ils n’en ont pas les moyens ; or ce sont ceux-ci que vous allez « cogner » avec votre malus. Où est l’égalité, où est la justice dans tout cela ? Vous ne faites en réalité qu’instaurer l’injustice et l’inégalité.

Sans compter que vous allez pénaliser parmi les Français les plus fragiles, ceux qui souffrent. Vous en aviez du reste tenu compte lors de la première lecture, pour ensuite abandonner, on ne sait trop pourquoi, les dispositions permettant d’éviter, justement, de pénaliser ces Français les plus fragiles. Vous aviez introduit un critère d’âge ; il a disparu. Vous aviez introduit un critère de santé ; il a disparu également. Que vais-je répondre à ceux qui sont hospitalisés à domicile et qui vont payer un malus ? Que vais-je répondre à cette famille d’Étaples-sur-Mer dont les deux enfants sont atteints de myopathie, maladie qui nécessite de lourds appareils à domicile consommant énormément d’électricité, famille qui demain devra payer un malus ? Je leur répondrai que la majorité a vu de la justice dans un texte qui en réalité est profondément injuste.

M. Bertrand Pancher. Tout à fait !

M. Daniel Fasquelle. Vous n’avez pas voulu entendre ces arguments que nous n’avons cessé de répéter. Ce ne sont pas seulement ceux de l’opposition, mais également ceux des associations de consommateurs que vous auriez dû écouter. Si ce texte avait fait l’objet d’un vrai travail de préparation, une telle proposition de loi ne nous aurait sans doute pas été soumise, mais vous vous enfermez dans vos convictions sans écouter les Français.

Cette proposition est injuste mais aussi inefficace, lacunaire : la prise en compte des locataires dans le texte initial était des plus maladroites, mais de là à les écarter complètement… Toute une catégorie de Français ne seront donc pas touchés par le dispositif. En outre, le fioul n’est pas pris en considération et, de ce fait, vous ignorez une grande partie de la France rurale.

Face aux critiques dénonçant l’injustice de votre proposition, vous avez tout de même diminué le niveau du malus. La ficelle est grosse et nous l’avons bien vue. Mais si vous baissez le niveau du malus, le texte n’aura plus aucun effet ; et si vous l’augmentez, il sera inefficace. On voit bien qu’il n’y a pas d’issue possible : c’est le système en lui-même qui est mauvais, mal conçu.

C’est aussi un texte complexe et coûteux. Vous-même, monsieur Brottes, pour nous l’expliquer, vous avez dû lire vingt lignes d’un papier, que je ne suis pas sûr d’avoir entièrement comprises alors que je me suis plutôt bien penché sur le sujet. Vous-même, d’ailleurs, avez-vous bien compris votre explication ? Je n’en suis pas certain mais je ne vous en veux pas parce que plus personne n’y entend rien et tous ceux qui s’y sont intéressés ont eu ce mot à la bouche pour qualifier ce texte : « complexe ».

Complexe et coûteux car il va falloir collecter les informations, les traiter, il va falloir surveiller les consommateurs, sanctionner les fraudeurs. Cela créera une bureaucratie supplémentaire. Le dispositif engendrera aussi un coût pour les fournisseurs d’énergie : à la fin, qui va payer ? Toujours les mêmes : les consommateurs et les contribuables. Vous vouliez faire payer les riches, on voit bien, chaque jour, que ce n’est pas vrai : vous allez ici, pour le coup, faire payer les classes moyennes et même les Français les plus modestes.

Vous faites varier le malus en fonction du tarif social. Il n’empêche que même les Français bénéficiaires du tarif social seront amenés à payer le malus et par conséquent à financer en partie le système en tant que consommateurs quand d’autres le financeront en tant que contribuables.

Il s’agit, de plus, d’un texte qui constitue une véritable ingérence dans la vie des Français : il est une atteinte aux libertés individuelles. Il révèle une philosophie qui nous inquiète. On commence aujourd’hui par l’énergie. On crée des quotas : on va avoir un quota de gaz et un quota d’électricité. Cette démarche est invraisemblable ! On se croirait revenu au bon temps de l’Union soviétique, de l’homo sovieticus – voilà en tout cas un point de divergence entre André Chassaigne et nous.

Demain, monsieur Brottes, vous allez nous pondre un texte précisant que nous avons droit à tant de mètres carrés pour nous loger : « Si vous vous logez trop largement vous allez payer un malus. » Après-demain, vous allez nous ressusciter la Volga ou je ne sais quel véhicule de l’Union soviétique…

M. François Brottes, rapporteur. Vous êtes sérieux ou c’est un sketch ?

M. Daniel Fasquelle. Non, ce n’est pas un sketch, c’est la vérité des choses, c’est la philosophie de votre système. Vous allez bientôt nous dire que nous avons droit à un véhicule de tant de places puisque nous avons une famille de tant de personnes, mais que si l’on est seul, on n’aura pas droit à un véhicule trop grand.

M. Denis Baupin. Et alors ?

M. Daniel Fasquelle. Vous voyez : M. Baupin est déjà prêt à signer votre prochain texte !

M. Denis Baupin. Vous oubliez le vélo !

M. Daniel Fasquelle. Nous n’acceptons pas cette conception liberticide. Vous procédez, j’y insiste, à une ingérence incroyable dans la façon de vivre des Français.

Pour faire passer votre dispositif, vous l’avez assorti d’une dimension sociale que nous ne pouvons pas réfuter : nous-mêmes avons pris des décisions pour améliorer et élargir le tarif social à davantage de Français. Reste qu’il y a pour cela d’autres moyens que la loi. Pour faire plaisir aux écologistes, vous avez cédé sur l’éolien et c’est très grave – je ne répéterai pas les propos d’André Chassaigne dont je partage tout à fait l’inquiétude. J’ajouterai que les éoliennes vont abîmer les paysages et que pour créer quelques emplois à un endroit on va en détruire d’autres ailleurs. Or nous avons besoin de préserver nos paysages, notamment pour attirer les touristes : nous vivons, dans les territoires, de l’économie touristique qui représente 6 % du PIB.

On a commis l’erreur incroyable de bétonner certaines stations de montagne ou de la Côte d’Azur…

M. François-Michel Lambert. Et qui a fait cela !

M. Daniel Fasquelle. Eh bien, plutôt que d’en tirer les enseignements, vous allez recommencer avec les éoliennes ! Et sans compter la gêne pour nos concitoyens : il suffit d’aller à leur contact pour se rendre compte que vivre avec une éolienne à 500 mètres de chez soi peut être extrêmement désagréable – certains Français le supportent très mal.

Mme Delphine Batho, ministre. Cette disposition était préconisée par le rapport Ollier !

M. Daniel Fasquelle. Vous avez déposé une proposition de loi visant à protéger les Français des ondes électromagnétiques. Protégez-les donc également des effets néfastes des éoliennes. Vous avez une conception de la santé des Français à géométrie variable. Je n’insisterai pas sur le coût de l’éolien qui va exploser et qu’on est incapable aujourd’hui de financer. La Cour des comptes elle-même a récemment fait observer que ce coût était exagéré en France.

M. François-Michel Lambert. Cela coûtera bien moins cher !

M. Daniel Fasquelle. On a voulu tout mélanger dans ce texte : les aspects sociaux, l’éolien et la tarification progressive. M. Baupin s’est ainsi, tout à l’heure, emmêlé les pinceaux en nous expliquant que nous allions avoir un tarif social grâce à la tarification progressive de l’énergie alors que c’est complètement faux. Il faut bien distinguer entre ces différentes questions. L’éolien est en tout cas, en l’espèce, un cavalier législatif.

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue.

M. Daniel Fasquelle.. Je conclurai en soulignant que les Français ne veulent pas de ce texte – assez d’impôts et assez de bureaucratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous voici réunis pour l’ultime vote d’un texte dont le parcours parlementaire a été tourmenté, pour ne pas dire chaotique, à chacune des étapes de son examen.

Fait parlementaire rarissime, nous examinons une proposition de loi dans le cadre du dernier mot laissé à l’Assemblée nationale, alors même que le Gouvernement dispose de la majorité dans les deux chambres du Parlement.

M. Lionel Tardy. Cela fait désordre… Cela donne l’impression qu’on veut faire passer un texte au forceps !

M. Bertrand Pancher. C’est vraiment une grande première dans l’histoire de la Ve République.

Car, rappelons-le, le Sénat a rejeté le texte en première lecture, ce qui a conduit à l’échec de la commission mixte paritaire le 19 décembre. Puis, il l’a finalement adopté en nouvelle lecture, mais en supprimant son article phare, le désormais fameux dispositif du bonus-malus.

Qu’importe, puisque dans cette configuration rarissime le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement, ce qui nous amène à abréger les souffrances de M. Brottes en achevant l’examen parlementaire de ce texte.

M. François Brottes, rapporteur. Tout va bien pour moi, je vous remercie !

M. Bertrand Pancher. Et tant pis pour nos collègues sénateurs qui n’auront donc pas leur mot à dire. Quand on voit la façon avec laquelle est traitée la majorité, on est parfois heureux de rester encore un peu dans l’opposition.

Mme Carole Delga. Vous risquez d’y rester encore longtemps !

M. Bertrand Pancher. À circonstances exceptionnelles, procédure exceptionnelle : notre droit d’amendement, à cette étape de la discussion, est réduit comme peau de chagrin puisque nous n’avons la possibilité de ne déposer que les amendements adoptés en nouvelle lecture au Sénat lors de la séance publique. N’ayant plus aucune marge de manœuvre à ce stade des débats, le groupe UDI n’a donc pas déposé d’amendements sur ce texte identique à celui adopté ici même le 17 janvier dernier.

Sept mois nous séparent du premier examen de cette proposition de loi. L’empressement qui présidait à l’adoption de ce texte, inscrit dès la rentrée du mois de septembre selon la procédure accélérée peut prêter à sourire : votre social-écologie fonctionne en mode diesel, madame la ministre (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Tout au long de ces sept mois, le Gouvernement et sa majorité auraient pu entendre les réticences grandissantes que suscite cette proposition de loi.

La conférence environnementale a traité des sujets de performance énergétique des bâtiments et de responsabilisation des consommateurs d’énergie. Vous auriez pu, comme nous vous y invitions, attendre ses conclusions. Vous auriez également pu attendre le projet de loi sur la transition énergétique qui ne cesse d’être repoussé ou encore, celui sur le logement censé prévoir des dispositifs de soutien à l’isolation thermique des bâtiments.

Vous avez certes partiellement entendu l’opposition en prenant en compte certaines de ses remarques lors de la réécriture intégrale de votre dispositif de bonus-malus en commission, le 9 janvier dernier. Vous avez d’ailleurs démontré, à cette occasion, la totale impréparation de la version initiale que vous défendiez pourtant hier avec la même férocité qu’aujourd’hui. Vous avez tellement changé de direction qu’on se demande pourquoi vous avez laissé passer une version initiale aussi mal préparée.

M. Lionel Tardy. Même le titre a été changé !

M. Bertrand Pancher. J’espère que les historiens nous éclaireront un jour sur l’énigme de la préparation de la proposition de loi Brottes.

M. Lionel Tardy. Très juste !

M. Bertrand Pancher. Mais vous auriez surtout dû entendre toutes ces associations environnementales, d’élus, de citoyens que nous avons rencontrées depuis sept mois et qui, au mieux, ne comprennent rien à votre dispositif, et, en général, le trouvent inapplicable et bien souvent inutile voire dangereux.

M. André Chassaigne. Il n’y a pas consensus !

M. Bertrand Pancher. Mais peu importe, là encore, du moment que la majorité aura la possibilité de cocher enfin un engagement de François Hollande, le 42e engagement de son programme, et d’annoncer fièrement qu’elle a mis en place la tarification progressive de l’énergie, comme promis, à un détail près tout de même : votre texte ne semble prévoir aucune progressivité...

Aujourd’hui, vous ne semblez plus croire à la pertinence du bonus-malus puisque votre principal argument pour justifier l’adoption rapide de ce texte, c’est l’extension des tarifs sociaux, comme si cette extension légitime ne devait son sort qu’à la proposition de loi de François Brottes.

Je rappelle pourtant qu’à l’origine de nos travaux nous étions partis d’un texte centré sur le système de bonus-malus. Sauf qu’aujourd’hui nous sommes confrontés à un véritable fourre-tout législatif où l’on retrouve des dispositions relatives à une expérimentation dans le domaine de l’eau, à l’effacement, à la composition et aux missions de la commission de régulation de l’énergie, et surtout, cerise sur le gâteau, à une révision totale des règles relatives à l’implantation d’éoliennes. Vous comprendrez donc que, sur le fond, le groupe UDI maintienne sa ferme opposition à votre proposition de loi.

Nous l’avons dit : nous ne sommes pas opposés au principe du bonus-malus qui permet de responsabiliser le consommateur tout en le sensibilisant sur la nécessité de réduire ses émissions de gaz à effets de serre à l’heure où le secteur du bâtiment représente 40 % de la facture énergétique du pays.

Nous sommes favorables aux dispositions relatives à l’effacement pour contrer les effets de la pointe, comme nous soutenons l’extension des tarifs sociaux et l’allongement de la trêve hivernale. Mais avait-on réellement besoin de raccrocher ces dispositions à la machine infernale que vous nous proposez de nouveau ? Car votre dispositif du bonus-malus reste socialement très injuste, et surtout écologiquement aberrant : avouez que vous avez fait relativement fort sur cette proposition de loi !

Les injustices restent flagrantes et vous installez nos concitoyens dans la précarité énergétique. Pourquoi ne pas avoir fait précéder l’examen de votre texte d’une vraie analyse d’impact ? De quoi aviez-vous peur ? Cette précipitation est incompréhensible s’agissant d’un texte qui ne s’appliquera, vous le savez tous, mes chers collègues, que dans trois ans.

M. Lionel Tardy. C’est incroyable !

M. Bertrand Pancher. Les sources de contentieux sont innombrables, car le bonus-malus va créer une rupture d’égalité certaine entre les usagers du service public de l’énergie : les télétravailleurs, les chômeurs, les personnes âgées, les assistantes maternelles, toutes ces personnes seront pénalisées, simplement parce qu’elles n’ont d’autre choix que de rester à leur domicile.

Votre texte aura surtout l’effet inverse du but qu’il s’est assigné : vous allez installer durablement nos compatriotes dans une situation de précarité énergétique en déresponsabilisant les usagers concernés par le tarif social. Vous allez par ailleurs conduire nos concitoyens à se chauffer au fioul domestique dont le seul mérite sera de ne pas entrer dans le champ de votre dispositif. En milieu rural, et même partout en province, où les maisons sont grandes, c’est cela qui va se produire.

Si nous avions eu le temps de la concertation, nous aurions pu nous mettre d’accord pour étendre légèrement le champ du malus et réduire celui du bonus, afin de dégager des moyens financiers permettant de rénover les logements des plus précaires. En résumé, nous sommes face à une véritable occasion manquée.

Pour finir, je voudrais m’insurger une nouvelle fois contre l’apparition d’amendements nocturnes du Gouvernement sur la déréglementation sauvage des implantations d’éoliennes. Si la simplification des ZDE était une nécessité – et nous vous aurions soutenue dans cette direction, madame la ministre – leur suppression, telle qu’elle est prévue par le texte, sans la moindre concertation, nous semble une grave erreur.

Les collectivités n’auront plus la possibilité de faire prévaloir des exigences d’adaptation des projets éoliens aux spécificités locales : on se prive ainsi de tout un espace de concertation pour choisir les lieux d’implantation, dans un souci d’harmonisation du territoire.

Chez moi, dans la Meuse, on dénombre 327 communes possédant des zones favorables au développement de l’éolien, selon le dernier schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie. Les élus s’étaient organisés et concertés pour accueillir de nouvelles implantations sur leur territoire : leurs efforts sont réduits à néant. On m’appelle en ce moment pour me dire que des sociétés qui anticipent l’évolution de la législation démarchent partout : c’est un véritable drame et il n’y a pas de filet de sécurité.

Monsieur Brottes, vous nous aviez indiqué en commission qu’il suffisait de mettre en place des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, mais avant qu’ils voient le jour, le mal sera déjà fait. Vous nous aviez dit aussi que les permis de construire constitueraient des filets de protection, mais ils sont obligés de se conformer à la législation : par conséquent, il n’y aura aucune possibilité de réguler intelligemment ces implantations, comme nous aurions souhaité que cela se passe. Ma certitude, c’est qu’il nous faudra vite réguler de nouveau, mais beaucoup de dégâts auront été faits.

En conclusion, nous partageons, à l’UDI, la volonté d’adopter une approche écologique, économique et sociale de la tarification de l’énergie, à travers une responsabilisation accrue du consommateur. Néanmoins, votre proposition de loi ne répond ni à la nécessité de l’urgence, ni à celle de lutter efficacement contre la précarité énergétique : la précipitation, la complexité, les injustices et l’inefficacité environnementale de votre texte ne nous laissent, hélas, pas d’autre choix que de nous y opposer, en attendant la décision du Conseil constitutionnel – non sans une certaine fébrilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires économiques, nous devons nous livrer à un exercice inédit : pour la première fois dans l’histoire de notre législation, nous avons à aborder, en termes sociaux et écologiques, un texte de cette nature, qui vise à la tarification progressive…

M. Lionel Tardy. On s’en souviendra !

M. Razzy Hammadi. Eh oui, monsieur Tardy, vous vous en souviendrez, et pour une raison simple : ce texte n’est qu’une première étape…

M. Lionel Tardy. Rendez-vous dans quelque temps, quand il sera retoqué. Vous allez voir !

M. Razzy Hammadi. …qui vise à émettre un signal pédagogique, porté par un autre signal : le signal coût – sûrement le plus efficace, chacun en conviendra.

M. Lionel Tardy. Nous sommes d’accord sur le fond, mais pas sur la forme.

M. Razzy Hammadi. À propos du signal coût, monsieur Tardy, j’aurais voulu entendre vos cris d’orfraie quand vous avez convoqué dans nos débats cette retraitée vivant seule…

Mme Chantal Guittet. Écoutez cela, monsieur Tardy !

M. Razzy Hammadi. …ou encore cette assistante maternelle – ma mère est assistante maternelle –, qui seront, à vous entendre, victimes d’une inégalité du fait du bonus-malus ? Mais pourquoi n’avez-vous pas fait de même lorsque vous défendiez le bonus-malus dans le secteur de l’automobile, où après tout, des chefs d’entreprise peuvent être pénalisés lorsque des voitures sont concernées par le malus ?

Mme Chantal Guittet. Très bien !

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas le problème !

M. Razzy Hammadi. Aujourd’hui, le principe même du bonus-malus, en tant que signal,…

M. Lionel Tardy. Ah ! Un signal !

M. Razzy Hammadi. …qu’il s’agisse du signal à finalité pédagogique que nous recherchons, ou du signal coût, a toute sa légitimité et demeure la pierre angulaire de ce texte.

M. Lionel Tardy. Parlez-nous de la forme !

M. Razzy Hammadi. Mais la première étape ne se limite pas à cela. Ce texte pose les bases fondamentales d’un service public de la performance énergétique…

M. Lionel Tardy. C’est du blabla : nous sommes d’accord sur le fond, alors parlez-nous de la forme !

M. Razzy Hammadi. Nous savons que nous avons affaire à quelque chose de très complexe : l’évolution des habitudes, l’évolution des comportements,…

M. Lionel Tardy. Nous sommes d’accord !

M. Razzy Hammadi. …nos habitudes de consommation, face à cet enjeu de la transition énergétique à laquelle l’ensemble de la représentation nationale travaille. Cette complexité, nous l’assumons pour rechercher l’efficacité pleine et entière que nécessite cette nouvelle étape de la consommation énergétique dans notre pays.

Sur les ZDE, pardonnez-moi, mais nous sommes un des rares pays de l’Union européenne à s’être imposé les contraintes les plus sévères, allant jusqu’à limiter le nombre de mâts dans des zones régionales ou des zones communales très réduites.

M. Lionel Tardy. Mais qu’est ce que cela vient faire dans ce texte ?

M. Razzy Hammadi. Vous soutenez que c’est faux : vous pourriez avoir raison, dans certains cas, au niveau régional, et c’est ce à quoi répondent les schémas régionaux,…

M. André Chassaigne. Mais enfin ! Des pays viennent de les interdire !

M. Razzy Hammadi. …mais pas au niveau d’une commune. Pour ma part, je me félicite de ce choix.

M. Lionel Tardy. On prend date : ce sera retoqué !

M. Razzy Hammadi. C’est un choix que nous assumons pleinement, notamment parce que c’est le premier texte qui, fondamentalement, inscrit dans la loi une démarche qui, au-delà des discours, des tweets, des effets de tribune…

M. André Chassaigne. On les voit, les effets de tribune ! Et des effets de tribune un peu creux !

M. Razzy Hammadi. …inscrit dans la loi le concept de social-écologie, monsieur Chassaigne !

C’est également un texte social. Aujourd’hui, 1,5 million de personnes ont accès aux tarifs sociaux. Demain, elles seront 8 millions, soit 4 millions de foyers. Plus la garantie de la trêve hivernale pour tous. C’est un acte fondamental. Nous ne pouvons plus avoir d’un côté l’écologie et de l’autre côté le social : nous avons là les deux jambes qui permettent d’avancer dans cette transition écologique.

M. André Chassaigne. C’est du grand théâtre !

M. Lionel Tardy. On va bien rigoler !

M. Razzy Hammadi. Je tiens à remercier ce soir notre rapporteur, François Brottes : en réunissant le social et l’écologie dans ce texte et en nous permettant de franchir une première étape dans la transition écologique, il permet de réunir toute la gauche, monsieur Chassaigne – je vous vois sourire –,…

M. Lionel Tardy. Au Sénat, ça a bien marché !

M. André Chassaigne. Je vous applaudis. C’est un spectacle extraordinaire !

M. Razzy Hammadi. …écologistes et socialistes.

« C’est la sobriété énergétique que nous visons : moins de consommation pour des usages identiques. Nous mettrons en place une tarification sociale et progressive. » Je suis fier de conclure mon intervention à cette tribune en citant la page 14 du programme d’un parti frère, le Front de Gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Jibrayel. Quel talent !

M. André Chassaigne. J’applaudis le numéro de clown !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, c’est la troisième et dernière lecture : comme cela a été laborieux !

Que d’énergie dépensée pour passer d’un dispositif qui devait à la fois changer radicalement la consommation dans les bâtiments d’habitation et pourfendre la précarité énergétique, à un simple exercice de sensibilisation et de pédagogie à l’égard de nos compatriotes !

On pourrait s’en amuser, si le texte de loi ne lançait pas, par ailleurs, un gigantesque mitage éolien imposé aux territoires et s’il ne proposait aussi des expérimentations dans le domaine de la tarification de l’eau. En tout cas, le système qui va être voté, s’il devient un jour opérationnel, aboutira à montrer des évidences.

Il montrera que, si la précarité énergétique touche les plus démunis, ce n’est pas parce qu’ils ont moins de ressources à consacrer à l’énergie, mais parce que, comme l’a montré récemment une étude du CRÉDOC, ils occupent les logements les moins bien isolés, parce qu’ils vivent plutôt en zones périurbaines ou rurales, parce que leurs déplacements consomment une part importante de leur budget et parce que dans ces zones, on dépend davantage du pétrole pour se chauffer ou se déplacer.

Plus qu’une précarité énergétique liée à l’habitation, c’est une précarité énergétique résidentielle qu’il faut évaluer, en retenant le « coût résidentiel », qui intègre le coût du logement et de ses charges et le coût des déplacements qui s’imposent au ménage. C’est ce coût résidentiel, recommandé par le CRÉDOC, qui devient pertinent pour bâtir des politiques adaptées à la réduction des inégalités économiques et territoriales. C’est ce que nous avons essayé de vous dire, à longueur d’amendements et d’interventions. Votre dispositif introduit de nouvelles inégalités sociales et territoriales. Le bonus-malus n’apportera aucune solution à ceux qui sont les plus fortement touchés par ce coût résidentiel.

Votre dispositif, qui n’est plus qu’un outil de sensibilisation, comme vous le soulignez désormais, est coûteux et complexe. La seule et vraie voie à suivre prioritairement en matière de réduction des consommations d’énergie résidentielle, c’est de lancer un vaste programme d’isolation des bâtiments d’habitation. C’est un programme d’utilité nationale, créateur d’emplois pérennes et non délocalisables, et qui soutiendra sur tout le territoire national les petites entreprises du bâtiment.

Mais que de chemin il reste à faire ! Vous proposez bien le développement d’une aide à la maîtrise d’ouvrage : je l’appuierai sans réserve si elle sait réunir les compétences déjà existantes des divers agences et organismes. Il est tellement urgent de rendre fiable le diagnostic de performance énergétique ! Quoique totalement erratique, il sert aujourd’hui de référence pour les mutations et les locations.

L’évolution des modalités régissant la prise de décision des copropriétés n’est pas moins urgente. La reconnaissance et la montée en régime d’une grande cause nationale, celle de l’isolation des bâtiments d’habitation, aurait dû mobiliser toutes les énergies. Il nous tarde tant de savoir comment vous financerez cette grande cause nationale et quelles seront les mobilisations exceptionnelles de financement et les dispositions fiscales qui seront adaptées. Faire de l’isolation des résidences la priorité absolue, c’est le moyen le moins coûteux et le plus pérenne de réduire la précarité énergétique et de donner du sens au développement des énergies alternatives.

Donner du sens aux énergies alternatives, ce n’est pas les imposer aux maires et aux populations comme vous voulez le faire. Par l’encouragement inconditionnel qu’il veut donner au mode éolien, votre projet organise et impose un mitage éolien du territoire, au nom du miracle attendu de la révolution des emplois verts. Le lobby industriel éolien ne s’y trompe pas : il envoie déjà ses prospecteurs dans les campagnes pour séduire propriétaires et exploitants et faire signer des promesses de réservations de terrains.

M. Yves Censi. Bravo !

M. Jean-Marie Tetart. Alors que l’éolien n’est qu’une source d’énergie parmi d’autres, qui s’offre aux choix des territoires, on l’impose. Faisons confiance au dialogue, à la concertation locale. Engageons les territoires et leurs intercommunalités sur des contrats territoriaux de transition énergétique combinant isolation et production d’énergie alternative. Laissons aux territoires la responsabilité de choisir l’énergie solaire et le biogaz, plutôt que l’éolien, s’il n’est pas adapté. Fixons des objectifs, mais n’imposons pas les voies pour les atteindre.

Quant au droit ouvert à la tarification sociale de l’eau, que votre projet veut codifier, bien des collectivités se sont heureusement octroyé depuis longtemps ce droit à l’expérimentation. Cette expérimentation ne signifie-t-elle pas plutôt pour vous le droit à ouvrir la tarification de l’eau en fonction des revenus ? Tarifer, taxer, aider en fonction des revenus : c’est une obsession de votre majorité. Ne voyez-vous pas qu’on ne pourra taxer indéfiniment les mêmes revenus de manière multiple et cumulative ?

Ne peut-on plus simplement, s’agissant de l’eau, appliquer ce que la France recommande au niveau international, à savoir un nombre de mètres cubes gratuits ou à un prix symbolique pour tous les abonnés ? C’est simple à imaginer, à expliquer et à mettre en œuvre. Trop simple sans doute.

Mme Delphine Batho, ministre. C’est dans le texte !

M. Jean-Marie Tetart. Vous l’avez compris, madame la ministre : nous pouvons partager les exigences et l’urgence de prise en compte de la précarité en matière d’accès à l’énergie et à l’eau, comme nous pouvons partager l’urgence d’une sobriété énergétique indispensable à la transition énergétique, mais les chemins que vous proposez pour y parvenir sont étroits, tortueux, mal balisés et ne peuvent répondre aux défis posés.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabrice Verdier.

M. Fabrice Verdier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, préparer la transition vers un système énergétique sobre, voilà un premier texte précurseur qui exprime la volonté de la majorité et du Gouvernement de modifier notre façon de consommer de l’énergie.

Parce que la précarité énergétique touche 8 millions de personnes en France, le Président de la République a fait de la transition énergétique un engagement de son quinquennat. Le texte que nous votons ce soir est une première étape qui prend en compte la dimension sociale.

Les premières mesures seront incitatives et pédagogiques afin que les comportements citoyens évoluent vers une démarche qui concilie maîtrise de la consommation d’énergie, production des énergies renouvelables et solidarité énergétique.

Notre objectif est donc de faire en sorte que les Français modifient leur comportement de consommation en voyant les bénéfices sur leur propre facture. Le mécanisme bonus-malus est une innovation mais c’est pourtant une idée qui va rassembler. La grande majorité des Français est prête à adapter ses comportements pour mieux consommer et pour protéger l’environnement.

Avec ce texte, nous mettons en place des nouveaux dispositifs pour faire face à l’augmentation du prix de l’énergie, pour accompagner ceux qui vivent dans des logements vétustes, véritables passoires énergétiques, et pour protéger ceux qui vivent dans la plus grande précarité énergétique.

M. Yves Censi. C’est l’inverse !

M. Fabrice Verdier. Nous ne pouvons laisser courir le message mensonger et politicien selon lequel ce texte serait une rupture d’égalité et une injustice sociale. Il faut rétablir ici la vérité.

Les Français ne sont pas tous égaux en matière d’accès à l’énergie. Le lieu d’habitation ou encore le pouvoir d’achat des ménages créent de l’inégalité. C’est pourquoi le texte prend en compte les injustices climatiques et énergétiques et entend établir une équité qui n’existe pas dans les faits.

De plus, avec la bonification de la facture, les ménages au pouvoir d’achat le plus fragile verront leur facture diminuer en maîtrisant mieux leur consommation. Le malus sera transformé en euro symbolique pour ceux qui vivent dans la grande précarité énergétique. L’élargissement des tarifs sociaux du gaz et de l’électricité à 8 millions de personnes et la généralisation de la trêve hivernale protégeront les ménages les plus vulnérables. Enfin, un service public de la performance énergétique de l’habitat accompagnera les ménages vivant dans des logements mal isolés, pour diminuer leur consommation et réaliser des travaux de rénovation thermique.

Si nous avons pour objectif de consommer mieux, nous devons aussi produire mieux.

Nos ressources en hydrocarbures sont polluantes et limitées. Les prix des énergies que nous utilisons massivement aujourd’hui sont en constante augmentation. Nous nous devons de modifier les modes de consommation pour un système plus sobre, ce qui implique une démarche de développement et de soutien aux filières des énergies renouvelables, qui peuvent devenir des filières d’excellence et un levier fort de création d’emplois.

Ces dix dernières années, l’éolien a connu une diminution conséquente des projets menaçant près de 11 000 emplois. Aujourd’hui, en assouplissant les conditions d’implantation, nous réaffirmons notre soutien au développement de la filière éolienne.

Cette proposition de loi, comme son nom l’indique, prépare la transition vers un système énergétique sobre. Elle ouvre la marche vers notre ambition commune : celle de la construction d’une politique énergétique plus écologique, plus responsable, plus sociale, pouvant constituer un levier économique créateur d’innovation et d’emplois.

Chers collègues, le grand débat sur la transition énergétique conduira à des choix qui engageront l’avenir durable de la France. La proposition de loi que nous votons ce soir est une première étape, créatrice de dispositifs liant les enjeux environnementaux aux enjeux sociaux afin de permettre un double progrès : celui de l’écologie et celui de la justice sociale.

C’est la traduction de l’engagement du Président de la République, et c’est la transition énergétique social-écologique que nous souhaitons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Brottes, rapporteur. Madame la présidente, puisque l’on a eu la courtoisie de dire que je voulais bien entendre et répondre à ce qui était dit, je souhaite apporter des réponses à quelques-unes des questions qui ont été posées.

Tout d’abord, je tiens à vous remercier, monsieur Baupin, d’avoir indiqué qu’il y avait urgence à diversifier notre mix électrique, qu’il fallait de l’audace en la matière, et que c’est ce que nous amorcions avec ce texte et ceux qui viendront. Vous avez bien compris qu’il s’agissait d’une première étape, tandis que d’autres souhaitent que l’on regroupe tout au sein d’un même texte.

Il faut faire en sorte que les choses se mettent en œuvre étape par étape, et rappeler que nous appliquons une pédagogie de la mobilisation générale au service de l’économie d’énergie. Je vous remercie de votre enthousiasme, non que nous en ayons particulièrement besoin, mais c’est toujours agréable à entendre par rapport à d’autres.

Monsieur Chassaigne, je vous remercie d’avoir appuyé depuis le début la mise en œuvre des tarifs sociaux et de la trêve hivernale, et d’avoir salué la mise en place d’un service public de la performance énergétique de l’habitat.

J’ai bien compris que vous étiez toujours extrêmement sceptique sur les moyens mis en œuvre pour favoriser les économies d’énergie, même si je ne vous ai pas entendu formuler de propositions particulières au service de cet objectif d’économie d’énergie auquel, je pense, nous souscrivons tous.

Pour autant, il s’agit de lier deux choses. Vous dites que la mère des batailles aurait été de s’intéresser à l’isolation thermique des logements. Vous avez raison, mais il ne peut pas y avoir de bataille livrée en ce domaine si l’on ne sait pas orienter les interventions publiques en priorité vers ceux qui en ont le plus besoin. Ce qu’avait fait la droite, c’était un guichet ouvert à tous mais qui bénéficiait surtout à ceux qui pouvaient défiscaliser en matière d’isolation thermique sans nécessairement être les plus nécessiteux. Le principe du signal qui sera de mise grâce à ce bonus-malus sera de flécher prioritairement les interventions auprès de ceux qui en ont le plus besoin pour gagner ce que vous appelez la mère des batailles.

Si l’on veut réduire les factures, il faut baisser les coûts. Pour baisser les coûts, il faut diminuer la consommation d’énergie – l’enjeu est de 4,5 milliards de moins chaque année. Tel est notre objectif, et je ne peux pas imaginer que vous n’y souscriviez pas, même si je peux comprendre que nous ne soyons pas d’accord sur la méthode à suivre.

Quant à l’éolien, vous m’avez accusé d’enfoncer le clou en matière de PLU, mais c’est depuis la loi SRU que l’on doit les mettre en œuvre. Ceux qui ne l’ont pas fait, et il y en a, en particulier dans le milieu rural, subissent depuis l’origine toutes sortes de décisions qui leur sont imposées par celui qui a la signature, c’est-à-dire le préfet. Il est temps que ces communes, où qu’elles soient, maîtrisent leur destin en matière d’urbanisation, et peut-être que les PLU intercommunaux les y aideront. Cela ne vaut d’ailleurs pas que pour l’éolien, mais concerne l’ensemble des initiatives prises sur un territoire, y compris en direction du monde agricole. Le milieu rural, de ce point de vue, est particulièrement concerné.

Je le répète : lorsqu’un PLU interdit la mise en place d’établissements soumis à ICPE, une éolienne ne pourra pas s’implanter. Donc la maîtrise locale continue d’exister. Et pour faire les PLU, il faut réaliser des enquêtes publiques. On a donc toujours rendez-vous avec la démocratie citoyenne et la transparence des décisions. Ne faisons pas croire que nous sommes en recul de ce point de vue sous prétexte que nous supprimons la source de contentieux que sont les ZDE.

Je rappelle que les schémas régionaux sont issus de décisions parfaitement démocratiques prises par des assemblées élues démocratiquement et porteuses d’ambitions territoriales fortes.

Monsieur Blein, merci de vos compliments à l’égard du rapporteur, sachant, si je puis dire, que vous en êtes presque un autre puisque vous travaillez avec moi depuis le début en tant que responsable de ce texte au niveau des élus socialistes. Merci également d’avoir souligné que nous avions, au fil des débats, rendu plus lisible, plus simple et plus accessible ce dispositif. On ne peut pas avoir la science infuse du premier coup. Pourquoi y aurait-il plusieurs lectures, devant deux assemblées, si ce n’est pour faire en sorte qu’au terme de la procédure, l’intelligibilité de la loi y gagne ? Tel est bien l’objet du travail que nous faisons ensemble. Merci enfin d’avoir fait une démonstration de l’équité que porte ce texte.

Monsieur Fasquelle, je ne sais comment vous remercier d’avoir eu l’élégance de considérer que je ne savais pas ce que je lisais !

M. Daniel Fasquelle. On peut se poser la question !

M. François Brottes, rapporteur. C’est d’une élégance sans nom.

M. Henri Jibrayel. C’est du Fasquelle tout craché !

M. François Brottes, rapporteur. Laissez-moi vous rassurer : c’est moi qui écris ce que je lis, et quand j’écris, je sais à peu près de quoi il s’agit ! En tout cas je tenais à saluer cette forme d’élégance qui vous caractérise parfois.

M. Daniel Fasquelle. On peut ne pas être d’accord !

M. François Brottes, rapporteur. Ce n’est pas une question d’accord, c’est un problème de courtoisie.

Ceci étant dit, vous avez salué l’innovation de ce texte, qui oblige à sortir des sentiers battus. Cela vous dérange un peu, mais quand on entre dans un nouveau modèle, celui de la sobriété énergétique, on bouscule forcément un peu les habitudes et les repères.

Vous avez évoqué – vous êtes un spécialiste ! – l’inégalité en zone de montagne.

M. Daniel Fasquelle. Et alors ?

M. François Brottes, rapporteur. Le Touquet n’est pas tout à fait en altitude…

M. Daniel Fasquelle. Je suis déjà sorti du Pas-de-Calais !

M. Yves Censi. Et rassurez-vous, moi, je suis là !

M. François Brottes, rapporteur. Il existe une inégalité forte, de fait, entre les zones de montagne et d’autres zones, et nous corrigeons un petit peu cette inégalité. Ce n’est pas parfait, mais c’est bien mieux que ce qui existe aujourd’hui.

Quant à cogner sur les plus pauvres, pour reprendre votre expression, je vous répète ce que je viens d’expliquer : vous aviez mis en place un guichet accessible à ceux qui avaient de l’argent pour faire de l’isolation thermique.

M. Daniel Fasquelle. C’est ce que vous faites !

M. François Brottes, rapporteur. Nous mettons en place un guichet qui fléchera les soutiens, y compris avec un tiers investisseur qui portera 100 % de l’investissement, auprès de ceux qui sont les plus précaires.

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas ce que vous faites !

Mme la présidente. Monsieur Fasquelle, laissez parler s’il vous plaît le rapporteur.

M. François Brottes, rapporteur. Quant à la série d’exemples que vous avez donnés et que nous ne prendrions pas en compte, nous en avons au contraire largement tenu compte : aujourd’hui, le malus ne s’appliquera que 300 % au-delà du volume de référence, au lieu de 150 % comme c’était le cas initialement, justement parce que vous et d’autres avez appelé l’attention sur des cas particuliers.

La question du fioul, vous avez raison, est pertinente. Certes, le texte concernant exclusivement les énergies en réseau, le fioul n’en fait pas partie, mais un rapport renvoie à la mise en œuvre d’un bouclier énergétique à l’initiative de nos collègues écologistes. Or ce bouclier énergétique comprend évidemment l’ensemble des énergies, et pas seulement les énergies en réseau. Du chemin reste à faire pour traiter l’ensemble des énergies, nous en convenons, et c’est bien pour cela que ce texte, qui ne peut pas tout traiter, ne constitue qu’une première étape.

Monsieur Fasquelle,…

M. Henri Jibrayel. C’est son jour de gloire !

M. François Brottes, rapporteur. …il me semble que vous n’avez pas compris que nous étions face à un enjeu d’intérêt général. Vous nous reprochez le bétonnage, mais si nous encadrons la liberté de construire, nous n’avons pas pour autant porté un préjudice considérable à la liberté individuelle ! Et heureusement que nous avons le souci de la densification pour arrêter de miter la construction de l’espace et de prendre sur les zones naturelles et les zones agricoles.

M. Daniel Fasquelle. C’est la même chose pour les éoliennes !

M. François Brottes, rapporteur. Nous le faisons par le biais de mesures coercitives que sont les plans locaux d’urbanisme. En faisant cela, nous considérons que l’intérêt général est de faire des économies d’énergies, qui rapporteront à tout le monde à la sortie.

M. Yves Censi. Sauf que vous subventionnez les éoliennes !

M. François Brottes, rapporteur. Vous souhaitez de la coercition dans certains domaines, pas dans d’autres, et les exemples que vous avez pris en matière de libertés individuelles étaient, pardon de le dire, relativement grossiers.

Monsieur Pancher, je ne vous en veux pas des attaques personnelles dont je fais l’objet de votre part assez régulièrement.

M. Henri Jibrayel. Ces attaques sont odieuses, c’est scandaleux !

M. François Brottes, rapporteur. Vous avez été rapporteur du Grenelle de l’environnement, vous avez donc été le champion de dispositions qui ne sont pas applicables ou qui ne sont pas appliquées, et elles sont nombreuses – je ne pourrais les citer toutes !

M. Bertrand Pancher. Corrigez-les, on vous soutiendra !

M. François Brottes, rapporteur. Quand on est rapporteur, ce n’est pas toujours facile à porter ensuite.

Je ne veux pas vous rappeler de mauvais souvenirs, mais simplement vous dire que l’on peut aussi faire preuve d’élégance et d’humilité quand on a soi-même été confronté à des textes qui étaient bien plus que des usines à gaz, puisqu’il y avait des centaines d’articles dont certains ne seront jamais appliqués. Je vous renvoie à vos turpitudes, puisque vous avez l’amabilité de me renvoyer à ce que vous considérez être les miennes.

Mme Laure de La Raudière. Nous vous donnons de bons conseils ! Profitez de notre expérience !

M. François Brottes, rapporteur. Pour autant, vous avez marqué dans vos propos l’envie d’avancer sur beaucoup de questions, et j’ai noté de nombreux points d’accord, notamment sur l’effacement, lequel d’ailleurs, contrairement à ce que vous avez dit, faisait partie du texte dès l’origine, au même titre que les tarifs sociaux ou encore la modification de la composition du régulateur. Ce n’est pas apparu à la suite des débats. Ces dispositions font partie d’un ensemble, car le combat pour la sobriété énergétique ne passe pas que par le signal pédagogique du bonus-malus – je voulais juste corriger la chronologie de votre analyse.

J’en viens à Razzy Hammadi, qui a expliqué avec brio…

M. Lionel Tardy. Et quel brio !

M. Razzy Hammadi. Ne soyez pas jaloux ! (Sourires.)

M. François Brottes, rapporteur. …que nous nous engagions dans une révolution consistant à poursuivre en même temps des objectifs sociaux et des objectifs écologiques. Cette synthèse n’est pas facile à réaliser. En effet, l’objectif écologique ne peut pas être que l’apanage de ceux qui ont les moyens : il nous concerne tous car lorsqu’il est atteint, il bénéficie aux plus précaires. C’est la démonstration qu’a faite M. Chassaigne – je voulais dire M. Hammadi ! Si j’ai parlé de M. Chassaigne, c’est parce que M. Hammadi a cité la page 14 du programme auquel M. Chassaigne adhère.

M. André Chassaigne. Sauf qu’il ne l’a pas du tout comprise, ce qui ne me surprend d’ailleurs pas !

M. François Brottes, rapporteur. Un rapprochement me semble en tout cas possible.

M. André Chassaigne. Mais non ! Il a cité une phrase sans tenir compte du contexte !

M. François Brottes, rapporteur. Ce rapprochement ne sera peut-être pas immédiat mais, au fur et à mesure de l’échange d’arguments, notamment dans le cadre de l’examen du texte sur la transition énergétique, nous nous retrouverons.

M. Yves Censi. Chassaigne avec nous !

M. Denis Baupin. Il est déjà avec vous !

M. François Brottes, rapporteur. Monsieur Tetart, vous avez indiqué que nous ne franchissions qu’une étape. Vous avez raison : ce texte n’est en effet qu’une première étape. D’autres viendront.

Votre analyse sur le coût résidentiel – ce n’est d’ailleurs pas la vôtre, vous l’avez reprise – est exacte : dans le cadre des prochaines étapes, nous devrons travailler pleinement sur ce sujet, car il s’agit de la bonne approche. Pour autant, faut-il ne rien faire parce que l’on ne traite pas la globalité des questions ? Je ne le pense pas. La grande cause nationale concerne certes l’isolation du bâtiment, mais elle est d’abord celle de l’économie d’énergie. Il faut alléger notre facture de pétrole, réduire notre dépendance au nucléaire et atteindre tous ensemble les 4,5 milliards d’euros d’économies d’énergie visés par ce texte. Nous devons y croire. Nous prenons rendez-vous, chère madame de La Raudière, lorsque le texte sera mis en œuvre.

Monsieur Tetart, l’idée des contrats territoriaux que vous avez évoquée est une excellente idée. Elle n’est pas incompatible avec la mise en place d’un bonus-malus qui sert de signal.

S’agissant de l’eau, vous avez souhaité mille et une choses qui figurent déjà dans le texte : vous avez donc été entendu avant même que vous ne vous exprimiez ce soir.

Monsieur Verdier, je vous remercie d’avoir bien compris que nous étions dans une démarche de mobilisation qui devra concerner l’ensemble de nos concitoyens, et qu’il existait une articulation entre le signal pédagogique de ce bonus-malus et la boîte à outils qui sera mise en place par les prochains textes – celui porté par Mme Duflot sur le logement et celui porté par Mme Batho sur la transition énergétique. Ensemble, nous aurons ainsi accompli la meilleure des œuvres à destination d’abord des plus précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Avi Assouly. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Je veux d’abord signaler que tous les intervenants, y compris M. Fasquelle, ont souligné que l’on ne pouvait pas réfuter la dimension sociale de ce texte.

M. André Chassaigne. C’est vrai !

Mme Delphine Batho, ministre. C’est votre propre phrase, monsieur Fasquelle, et c’est déjà beaucoup.

La proposition de loi comporte une mesure de justice sociale : l’extension des tarifs sociaux de l’énergie, que nous sommes très fiers de soutenir et qui sera adoptée ce soir.

M. Lionel Tardy. Ça, ce sera plus dur !

Mme Delphine Batho, ministre. Je ferai juste deux remarques.

Premièrement, j’entendais – en aparté évidemment – citer un certain nombre de sondages. J’en rappellerai un : 71 % des Français sont favorables au bonus-malus sur les factures d’énergie, parce qu’ils ont bien compris le sens de ce message incitatif…

M. Daniel Fasquelle. Quel optimisme !

M. Lionel Tardy. Ils ne sont même pas au courant !

Mme Delphine Batho, ministre. …qui permettra de voir sur sa facture de gaz ou d’électricité si sa consommation est vertueuse ou non. Les Français ont très bien compris ce mécanisme,…

M. Daniel Fasquelle. S’ils ont compris l’article 1er, ils sont très forts !

M. Lionel Tardy. Cela doit être leur priorité !

Mme Delphine Batho, ministre. …qui est beaucoup plus simple que certains ont bien voulu le dire.

Je vous remercie de ne pas parler en même temps que moi : comme vous l’avez peut-être entendu, je suis légèrement grippée, ce qui m’oblige à élever la voix et à tirer encore davantage sur mes cordes vocales.

M. Daniel Fasquelle. Ménagez votre voix, alors !

Mme Delphine Batho, ministre. Ma seconde remarque concerne l’éolien terrestre.

En vérité, vous avez délibérément créé un désordre réglementaire après le Grenelle de l’environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Lionel Tardy. Cela n’a rien à voir avec le texte !

Mme Delphine Batho, ministre. …pour défaire à l’Assemblée nationale ce qui avait été décidé alors.

M. Daniel Fasquelle. La bonne blague !

Mme Delphine Batho, ministre. Voilà ce que vous avez fait ! Vous avez voulu contrecarrer dans la législation les objectifs du Grenelle de l’environnement en matière d’éolien terrestre. Nous n’effectuons donc pas du tout aujourd’hui, monsieur Chassaigne, une déréglementation ou une libéralisation. Nous remettons de l’ordre et de la clarté dans une réglementation qui a été tellement empilée qu’elle est aujourd’hui source de confusion et de contentieux.

M. Yves Censi. En muselant les populations, il y aura plus de contentieux !

Mme Delphine Batho, ministre. Il existera toujours un schéma de planification : c’est le schéma régional.

Un député du groupe UMP. Staline aurait été pour !

Mme Delphine Batho, ministre. Il existera toujours une consultation des citoyens. Il existera toujours une procédure d’autorisation : il s’agit de la procédure ICPE.

M. Lionel Tardy. Le Conseil constitutionnel va faire très mal !

Mme Delphine Batho, ministre. La France est en train de décrocher en matière d’objectifs de développement des énergies renouvelables. Nous devons remédier à cette situation, et le Gouvernement l’assume parfaitement.

M. Lionel Tardy. Nous prenons date !

Mme Delphine Batho, ministre. Depuis 2010 ou 2011, nous avons largement décroché, notamment – mais pas seulement – du fait du coup d’arrêt qui a été donné au développement de l’éolien terrestre et du photovoltaïque. Aujourd’hui, nous voulons développer massivement les énergies renouvelables : c’est aussi le sens des dispositions de cette proposition de loi, en prélude au débat national sur la transition énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. Vous n’allez pas être déçus !

Texte adopté par l’Assemblée nationale
en nouvelle lecture

Mme la présidente. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, la proposition de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

J’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisie.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 14 tendant à introduire un article additionnel après l’article 1er A.

M. Daniel Fasquelle. Les choses doivent être claires. Nous dénonçons une remise en cause de la péréquation tarifaire, qui est un grand acquis du Conseil national de la Résistance, à savoir le principe de l’égal accès à l’énergie en France posé en 1946. Il est vrai qu’il coûte plus cher de transporter l’électricité dans un logement isolé de la France rurale qu’au cœur de Paris, mais le choix a été fait – c’est un choix politique et courageux – d’offrir l’énergie au même tarif à l’ensemble des Français. Votre remise en cause de ce principe est, pour nous, extrêmement grave. Vous brisez en effet la péréquation tarifaire et l’égal accès des Français à l’énergie, puisque le tarif sera différent d’une commune du territoire national à l’autre, et même au sein d’une même commune, dans des conditions complètement injustes. Je ne cesserai de le répéter, de même que les associations de consommateurs, ne vous en déplaise, monsieur Brottes.

Soit vous considérez que ce texte ne remet pas en cause la péréquation tarifaire, et vous adopterez alors cet amendement qui réaffirme la péréquation tarifaire, soit vous repoussez cet amendement, et ce sera alors l’aveu que ce texte remet bien en cause la péréquation tarifaire.

L’heure de vérité est arrivée, monsieur Brottes ! Soit vous votez avec moi…

M. Avi Assouly. Vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. Daniel Fasquelle. …et vous réaffirmez le principe de la péréquation tarifaire, soit vous votez contre cet amendement et je considérerai que j’ai raison depuis le début en affirmant que vous remettez en cause ce principe.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. J’aime quand M. Fasquelle est dans la caricature !

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas une caricature ! Vous êtes de mauvaise foi !

M. François Brottes, rapporteur. Monsieur Fasquelle, êtes-vous pour ou contre les taxes locales sur l’électricité qui ne sont pas fondées sur les mêmes termes, selon les mêmes montants, dans chaque commune ?

M. Daniel Fasquelle. Arrêtez !

M. François Brottes, rapporteur. Je vous pose une question.

M. Daniel Fasquelle. Je vous en avais posé une : répondez-y !

M. François Brottes, rapporteur. Vous avez vous-même à l’époque, avec M. de Courson, fait voter un texte permettant l’instauration de taxes locales sur l’électricité qui varient selon les communes. Dans ma commune, par exemple, ces taxes sont nulles.

M. Daniel Fasquelle. Répondez à ma question ! Êtes-vous pour ou contre mon amendement ?

M. François Brottes, rapporteur. Il existe bien aujourd’hui une disposition qui va à l’encontre de ce que vous voulez démontrer.

Par ailleurs, votre amendement n’est pas nécessaire puisque l’article L. 121-5 du code de l’énergie, que cette proposition de loi ne modifie pas, consacre déjà le principe de la péréquation tarifaire comme moyen d’assurer la cohésion sociale. En aucun cas, je vous le répète, la péréquation tarifaire n’est remise en cause par le dispositif du bonus-malus.

Je vois bien ce que vous voulez démontrer mais, de même que les taxes locales – sur lesquelles vous ne me répondez pas,…

M. Daniel Fasquelle. Cela n’a rien à voir !

M. François Brottes, rapporteur. …car vous savez bien qu’elles soulignent vos contradictions –, le bonus-malus ne remet pas du tout en cause ni les tarifs de l’énergie ni la péréquation. Votre amendement reçoit donc un avis défavorable du rapporteur.

(L’amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 15 et 26, visant à supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 15.

M. Daniel Fasquelle. Je prends acte que M. Brottes et la majorité ont refusé de réaffirmer le principe de la péréquation tarifaire : en réalité, ils remettent celle-ci en cause.

M. François Brottes, rapporteur. Il faut écouter, quand on vous parle !

M. Daniel Fasquelle. J’ai remarqué que notre collègue André Chassaigne s’était d’ailleurs abstenu lors du vote, parce qu’il a bien compris la portée de mon amendement.

Il faudra également que vous vous expliquiez devant la Commission européenne, puisqu’il s’agit bien ici de toucher à la tarification, ce qui est tout à fait contraire au droit européen. Nous ne manquerons pas de saisir la Commission européenne pour qu’elle vous ramène à la raison.

S’agissant de l’article 1er et du principe du bonus-malus, je veux mettre définitivement fin à une confusion que l’on entretient depuis le début en mélangeant la tarification sociale, des préoccupations tout à fait dignes comme la lutte contre la précarité énergétique et ce principe du bonus-malus. Bien évidemment, nous sommes d’accord pour lutter contre la précarité énergétique et pour considérer que les tarifs sociaux tels qu’ils existent ne suffisent pas. La précédente majorité avait d’ailleurs commencé à élargir très largement les tarifs sociaux. C’est d’ailleurs un sujet – le niveau du tarif social – dont nous devrions aussi débattre. Encore cette semaine, j’ai reçu dans ma permanence des familles qui bénéficient du tarif social mais qui n’arrivent pas à payer leurs factures de gaz ou d’électricité. Avant de l’élargir à 8 millions de Français, encore faudrait-il savoir si ce tarif correspond à la situation de ceux qui en bénéficient.

Il en va de même concernant la lutte pour une meilleure isolation et contre la précarité énergétique. Contrairement à ce que vous dites, monsieur Brottes, il existe des dispositifs comme les OPAH qui, votés par l’ancienne majorité et appliqués par des élus de tous bords, permettent justement d’aider les plus défavorisés à lutter contre la précarité énergétique. Cela n’a rien à voir avec le principe du bonus-malus.

Je conclus.

Mme la présidente. Brièvement, s’il vous plaît, monsieur le député.

M. Daniel Fasquelle. Oui aux objectifs sociaux, oui aux objectifs environnementaux, mais non à la tarification progressive de l’énergie qui ne permet en aucun cas d’atteindre ces objectifs. C’est même le contraire : ce système sera injuste, difficile à appliquer et surtout anti-environnemental.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 26.

M. André Chassaigne. Mon amendement reprend un amendement adopté au Sénat, en particulier par les sénateurs socialistes qui ont constaté que cette question du bonus-malus comportait un vrai risque.

On peut toujours contester que cette mesure touche à la péréquation tarifaire. Cependant, une chose est certaine : on ouvre la boîte de Pandore, car on pourra au final considérer que la consommation peut faire l’objet de tarifs différents selon le lieu d’habitation, l’altitude ou la géographie. Le problème c’est qu’en mettant la main dans cet engrenage – ce que les libéraux souhaitent –, la tarification pourra changer selon le coût de production et de transport de l’électricité. Demain, on nous dira qu’une exploitation agricole au fin fond de l’Auvergne, à soixante-dix kilomètres du chef-lieu du département, devra payer son électricité plus cher parce que celle-ci coûtera plus cher en transport que pour un appartement au pied de la tour Eiffel, par exemple.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. André Chassaigne. Au-delà du débat sur la péréquation tarifaire, il existe un vrai risque, que les sénateurs de gauche ont vu. En outre, comme cela a été souligné, tous les critères considérés sont bien évidemment très contestables. Vous habitez un village : selon l’emplacement de votre habitation, vous serez soumis ou non au bonus ou au malus. Tout cela est mal ficelé : je crois qu’il existe un risque réel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?

M. François Brottes, rapporteur. Je remercie les députés qui ont déposé ces amendements d’accepter que je réponde de façon relativement synthétique, puisque je pense avoir apporté quelques réponses depuis le début de ces débats.

Vous avez raison, monsieur Fasquelle : techniquement, il n’y a pas de lien entre le tarif social et le bonus-malus.

M. Daniel Fasquelle. Évidemment ! Je suis assez d’accord avec M. Chassaigne sur ce point !

M. François Brottes, rapporteur. Pour autant – c’est cela que j’ai du mal à vous faire comprendre –, c’est bien en baissant structurellement les coûts – puisque l’on économisera de l’énergie et des investissements de production – que l’on permettra d’alléger la facture. C’est bien en réalisant des économies d’énergie que l’impact tarifaire sera moins élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. C’est bien en utilisant le signal pédagogique du bonus-malus, qui permettra de mobiliser d’abord des moyens en direction des plus précaires et de ceux qui surconsomment le plus, que l’on viendra en aide aux plus précaires.

De fait, il existe un lien : le tarif social est en quelque sorte un dispositif transitoire. Dès l’instant où l’on aura amélioré significativement les économies d’énergie, on espère qu’il y aura beaucoup moins de personnes en situation de précarité énergétique.

Quant à l’égalité d’accès, monsieur Chassaigne, le besoin de chacun en énergie est pris en compte et vise l’égalité de chacun par rapport au service attendu. Cela n’a rien à voir avec les coûts de fournisseur du service. Nous sommes en effet inégaux en matière de besoins. Mais nous rétablissons une équité en prenant en compte des différences de situation. En fait, nous améliorons l’égalité avec le dispositif proposé. J’espère vraiment pouvoir vous en convaincre, à terme.

Avis donc défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques n°s 15 et 26 ?

Mme Delphine Batho, ministre. Avis défavorable dans la mesure où les auteurs des amendements veulent supprimer une disposition phare de la proposition de loi, à savoir le bonus-malus.

Afin qu’il n’y ait pas, monsieur Chassaigne, de malentendu quant à la position d’un certain nombre de sénateurs de gauche, je rappelle qu’ils étaient favorables au maintien d’un malus et à la suppression du bonus. Au cours du débat au Sénat, j’ai fait valoir que nous ne défendions pas une écologie punitive. Il ne peut pas être envisageable de mettre en place un malus pour sanctionner les consommations extravagantes d’énergie sans donner un message positif sous la forme d’un bonus, qui encourage les comportements positifs dans la consommation d’énergie.

(Les amendements identiques nos 15 et 26 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 16 et 27.

La parole est à Mme de la Raudière, pour soutenir l’amendement n° 16.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement vise à supprimer l’article 1er bis qui découle de l’application de l’article 1er. Par cohérence, nous souhaitons le supprimer.

Nous nous opposons à ce texte qui met en place une tarification progressive de l’électricité car elle repose – et je suis d’accord avec M. Chassaigne – sur des critères contestables, qui peuvent être dangereux à l’avenir. Nous n’avons aucune certitude de ne pas avoir à terme des modulations du tarif de l’électricité en fonction de l’aménagement du territoire ou de différents critères qui seraient rajoutés au détour d’un texte de loi.

L’usine à gaz ainsi créée va générer un travail administratif supplémentaire pour les Français. De plus, on crée un organisme spécifique. Chaque Français se verra affecté des quotas ainsi qu’un montant de bonus et de malus pour arriver à l’équilibre, cet ensemble pouvant être révisé chaque année. Sans étude d’impact, sans expérimentation, nous craignons que les ménages défavorisés ou les classes moyennes – toujours les mêmes – soient finalement les premiers touchés par ce dispositif et par le malus mis en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement identique n° 27.

M. André Chassaigne. Je ne reprendrai pas les arguments de Mme de la Raudière, mais je tiens à cet égard à indiquer à mes collègues socialistes que je préfère défendre avec le groupe UMP des amendements communs sur ce texte – qui, au passage, est une erreur législative – plutôt que voter comme eux avec la droite prochainement l’accord national interprofessionnel, qui aura bien d’autres conséquences ! Je précise cela à l’adresse de ceux qui font observer que je voterais comme les collègues de droite. Certaines convergences auront des conséquences beaucoup plus graves que celle d’aujourd’hui !

M. Lionel Tardy. On va vous laisser entre vous ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. François Brottes, rapporteur. Défavorable, par cohérence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Je souhaite corroborer le propos d’André Chassaigne.

Au-delà des clivages idéologiques, ce n’est pas la première fois que nous nous retrouvons sur certains amendements avec André Chassaigne, notamment pour ce qui concerne la défense des territoires.

Mme Laure de La Raudière. Oui.

M. Yves Censi. Lorsqu’il s’agit de défendre des territoires ruraux, notamment de montagne, il arrive que, dans un souci commun de protéger nos populations, nous défendions des amendements communs. Cela peut choquer nos collègues écologistes, mais il est bon parfois d’échapper à une approche excessivement doctrinaire. Si cela peut faire rire certains, soit. Hélas, cela ressemble à du cynisme.

M. André Chassaigne. Les staliniens ont changé de camp ! (Sourires.)

M. Yves Censi. Il y a quelques mois, les écologistes avaient, par amendement, proposé – tenez-vous bien – l’augmentation de la taxe sur le kérosène au prétexte que ce sont les riches qui prennent l’avion.

M. Denis Baupin. C’est la Cour des comptes qui l’avait demandé !

M. Yves Censi. M. Baupin ne me contredit pas !

Une telle proposition est absolument grotesque. Permettez-moi à cet égard de citer l’exemple de la ligne aérienne Paris-Rodez qui est plus chère de 20 à 25 % que sur d’autres destinations équivalentes. Or ce ne sont pas les plus riches qui prennent l’avion, mais ceux qui sont les plus enclavés et les plus éloignés.

Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à la question de la diversité des territoires. Vous ne les prenez pas en compte alors que les critères qui les caractérisent sont très complexes. Pourtant, nous ne sommes pas à l’abri d’offensives de type taxe sur le kérosène – nous le constaterons pour l’éolien – qui sont tout simplement meurtrières pour le développement de nos territoires.

M. André Chassaigne. Oui.

(Les amendements identiques nos 16 et 27 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 17 et 28.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur Brottes, si votre dernier argument pour défendre votre système de bonus-malus consiste à dire que cela enverra un signal pédagogique. Mettre en place une usine à gaz aussi coûteuse pour les contribuables et les consommateurs au seul motif d’envoyer un signal pédagogique, est pour le moins incompréhensible. Le meilleur signal, c’est l’augmentation du coût de l’énergie.

Vous prétendez par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’écologie punitive, mais vous instaurez un malus. Certes, vous l’avez réduit pour prétendument tenir compte des cas que nous avons évoqués, en oubliant du reste les véhicules électriques. D’un côté, vous voulez développer l’usage de ces véhicules, mais de l’autre, vous ne les prenez pas en compte dans votre dispositif. On est dans le gag absolu : Arnaud Montebourg veut développer l’usage des véhicules électriques en France alors que vous, avec votre système, allez freiner leur développement.

Nous déplorons ce qui est bel et bien une écologie punitive. Nos concitoyens percevront la mesure comme un impôt supplémentaire, car c’est ainsi que cela finira. Notre collègue Tardy l’a excellemment démontré.

Nous déplorons également l’absence de toute étude d’impact et d’un véritable travail de droit comparé. Tous les pays un peu sérieux qui se sont intéressés à ce dispositif ont fini par l’abandonner. Vous allez certainement nous trouver deux ou trois exemples contradictoires. Mais dans ces pays, car je me suis penché sur la question, le système fonctionne différemment, en particulier au Japon. Bref, tous les pays qui ont examiné sérieusement ce système ont fini par y renoncer. Vous seriez bien inspirés d’en faire de même ce soir.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 28.

M. André Chassaigne. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques n°s 17 et 28 ?

M. François Brottes, rapporteur. M. Fasquelle regrette que nous soyons précurseurs.

M. Daniel Fasquelle. Comme pour les 75 % ?

M. François Brottes, rapporteur. La France doit montrer l’exemple dans un certain nombre de domaines. Il faut avoir de l’audace, monsieur Fasquelle !

Mme Laure de La Raudière. Précurseurs du point de vue administratif !..

M. Yves Censi. C’est une décision kafkaïenne !

M. François Brottes, rapporteur. Mme Batho a fait en sorte d’accélérer la mise en œuvre des compteurs Linky et du compteur individuel, ce qui nous permettra d’arriver plus facilement à la mise à disposition d’un système plus performant, avec des plages heures pleines et heures creuses.

M. Daniel Fasquelle. Même en heures creuses, il y aura du malus !

M. François Brottes, rapporteur. La voiture électrique, c’est bien si on la recharge la nuit, mais pas si l’on pratique l’opération le jour. La réponse ne se situe pas sur le terrain du bonus-malus, mais elle dépend du moment où l’on recharge la batterie du véhicule. Et c’est là qu’intervient le dispositif des heures pleines et des heures creuses. Cela n’a donc rien à voir. Si l’on pompe de l’électricité en pointe de consommation, on a tout faux. Révisez vos tablettes !

Par ailleurs, sur le plan de l’économie du système, la dépense tournera autour d’un ou deux euros par compteur. Je vous renvoie à cet égard à la campagne intitulée « Chasse aux gaspis », mais vous n’étiez peut-être pas né : c’était il y a fort longtemps, au siècle dernier.

De grandes campagnes de communication expliquaient qu’il fallait faire des économies. Cela a coûté très cher et n’a servi à rien.

M. Yves Censi. C’est faux !

M. François Brottes, rapporteur. En revanche, disposer d’un repère sur sa facture personnelle permet de mesurer l’effort accompli pour aboutir à une économie générale. Cela coûtera moins cher et sera plus efficace.

Avis défavorable donc.

(Les amendements identiques nos 17 et 28, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 18 et 29.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 18.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur Brottes, des dispositifs, il en existe. Si vous aviez pris la peine de consulter ne serait-ce que l’association des maires de France, vous auriez vu, par exemple, que les opérations programmées d’amélioration de l’habitat, les OPAH, sont particulièrement efficaces. Si vous aviez pris la peine de consulter l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, on vous aurait expliqué qu’il existe des dispositifs, et qu’ils peuvent être renforcés. Je me réjouis que le Gouvernement s’y intéresse et que des outils encore plus efficaces vont être mis en place pour aider les Français à mieux isoler leurs logements. Nul besoin de votre usine à gaz pour cela. L’argent que vous allez y consacrer, aurait été mieux employé dans des dispositifs type ANAH ou dans les OPAH.

Les collectivités locales sont les grandes oubliées de votre texte – même si au fur et à mesure des lectures, vous les avez quelque peu associées – auraient pu vous expliquer que l’on peut toucher au plus près du terrain ceux qui sont dans la précarité énergétique. Plutôt que de leur « coller » des malus, il y avait d’autres moyens de les repérer et de les aider. Soutenons financièrement ces dispositifs plutôt que de dépenser de l’argent pour rien par le biais d’un système complexe dont a démontré qu’il serait inefficace et injuste.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 29.

M. André Chassaigne. L’amendement est défendu.

M. Yves Censi. Ne baissez pas les bras !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. François Brottes, rapporteur. S’agissant des opérations d’amélioration de l’habitat, elles concernent des montants réduits, même si elles ont le mérite d’exister – vous avez raison de le dire, monsieur Fasquelle – et portent le plus souvent sur l’amélioration du confort de l’habitat, les aspects sanitaires notamment, et pas spécifiquement sur l’isolation, même si l’on peut changer des fenêtres par ce biais. Mais cela ne suffit pas.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr.

M. François Brottes, rapporteur. Il faut être plus ambitieux, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut supprimer les OPAH, loin de nous une telle idée.

L’ambition est de notre côté. Vous, vous contenteriez de ce qui existe aujourd’hui. Ce n’est pas suffisant.

Avis défavorable.

M. Daniel Fasquelle. Mettez de l’argent sur l’existant !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. La dernière lecture d’un texte présente des avantages, mais également des inconvénients. Les arguments se répètent sans faire avancer la discussion.

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, mais M. Fasquelle n’écoutait sans doute pas,…

M. Daniel Fasquelle. Si ! Mais il faut m’écouter moi aussi !

Mme Delphine Batho, ministre. …il est nécessaire de développer les travaux d’efficacité énergétique et d’avoir des dispositifs accessibles au plus grand nombre et pas seulement à une petite minorité, qui a les moyens d’engager des frais pour isoler sa maison.

M. Daniel Fasquelle. On est d’accord et c’est ce que je viens de dire !

Mme Delphine Batho, ministre. C’est à cela que nous travaillons. En même temps, nous adressons un message vertueux sur l’évolution des comportements. À cet égard, je vous communiquerai la note du conseil d’analyse stratégique.

Selon cette note, ces deux choses doivent être faites en même temps, car les travaux d’efficacité énergétique effectués dans les logements n’entraînent pas forcément la baisse de la consommation d’énergie.

M. Razzy Hammadi. Eh oui !

Mme Delphine Batho, ministre. Avis défavorable donc.

(Les amendements identiques nos 18 et 29 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. André Chassaigne. Je suis très gêné que, sur des textes importants, à dimension sociale, les députés socialistes votent avec les députés de droite, ou l’inverse : je parle du pacte de stabilité européen et, dans quelques semaines peut-être de l’accord national interprofessionnel, l’ANI qui vous veut du mal…

C’est pourquoi j’ai décidé de présenter un amendement qui permettra aux députés socialistes de se séparer des députés de droite.

Il vise à souligner que l’ouverture du marché énergétique à la concurrence a des conséquences désastreuses sur le plan social, environnemental et économique.

Même si je suis sûr que mes collègues de gauche ne vont pas me soutenir, je les invite à voter cet amendement car il tend simplement à demander la publication d’un rapport sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie, notamment s’agissant du prix des énergies. Il faut aussi faire la lumière sur cet aspect des choses.

Mme Laure de La Raudière. Nous voulons bien le voter, nous.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. Je soutiens pleinement la proposition d’André Chassaigne, mais la manière dont il l’a présentée ne correspond pas exactement à la rédaction de l’amendement.

En tant que rapporteur, je me dois de lui rappeler que cet amendement revient à supprimer la référence au bonus-malus. Autrement dit nous revenons au débat précédent et comme nous n’étions pas alors d’accord, je peux difficilement acquiescer dans le présent débat.

La procédure parlementaire vous interdit de sous-amender, mais si vous n’aviez pu conserver que la partie que vous avez mentionnée, nous aurions pu trouver un accord, à une réserve près : demander un rapport pour le 31 mars 2013 – même si c’est la date de mon anniversaire (Sourires.) – ne paraît pas très sérieux, compte tenu de la brièveté des délais.

Si vous voulez un rapport sérieux, il faut reculer cette échéance de quelques semaines. Vous souriez vous-même car vous savez bien que cette date n’a aucune pertinence.

M. André Chassaigne. Cet amendement a été voté au Sénat : ce sont les sénateurs socialistes qui ne sont pas sérieux !

M. François Brottes, rapporteur. Permettez-moi ne faire aucun commentaire. Du reste, je n’ai pas à en faire : je ne siège pas au Sénat mais à l’Assemblée nationale.

Pour que sénateurs et députés soient satisfaits, je précise que la Cour des comptes s’est saisie de ce sujet, de sa propre initiative. Elle devrait remettre un rapport dans le courant de l’année 2013 : pas le 31 mars, c’est certain, mais un peu plus tard.

Votre amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer, monsieur Chassaigne.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Lors du débat au Sénat, j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer que la Cour des comptes dressera un bilan du processus d’ouverture à la concurrence, ce qui constituera un élément utile et au moins aussi important que les travaux qu’elle a menés sur le coût de l’électricité selon les différents modes de production.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. Oui, madame la présidente.

(L'amendement n° 30 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 1.

M. François Brottes, rapporteur. Amendement de coordination.

(L'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 2.

M. François Brottes, rapporteur. Cet amendement peut paraître étrange, venant d’un parlementaire.

En fait, notre collègue Tardy avait émis les plus grands doutes à propos de certaines dispositions de l’article 5, non parce qu’il s’y opposait mais parce qu’il considérait qu’elles comportaient un risque d’inconstitutionnalité. Comme il a amicalement, oserai-je dire, souligné la courtoisie dont j’ai su faire preuve à certains moments du débat, je veux saluer l’éclairage qu’il a ainsi apporté.

Depuis la réforme constitutionnelle, les personnes ne figurant pas dans la liste des personnes qui doivent être auditionnées par les commissions permanentes du Parlement en vue de leur nomination dans certaines autorités ne peuvent être auditionnées préalablement à leur nomination. Cela paraît absurde mais c’est ainsi.

Pour éviter de vous donner un motif de satisfaction en alimentant le recours que vous allez déposer devant le Conseil constitutionnel, monsieur Tardy, je propose donc que nous mettions ces dispositions de l’article 5 en conformité avec les exigences que vous avez préalablement exprimées.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Favorable.

(L'amendement n° 2 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement n° 19.

M. Daniel Fasquelle. Madame la ministre, je tiens tout d’abord à vous préciser que si je vous écoute lorsque vous intervenez, l’inverse n’est pas tout à fait vrai. Dois-je vous rappeler que dans mon introduction, j’ai salué les efforts déployés par le Gouvernement pour aider tous les Français, y compris ceux qui sont en situation de précarité énergétique, à mieux isoler leur logement ? C’est évidemment dans cette direction qu’il faut aller et c’est celle que vous semblez vouloir suivre.

Quant à la note stratégique que vous m’avez transmise, je vous en remercie : elle apporte de l’eau à mon moulin. Elle prouve en effet que les Français qui auront des bonus ne seront absolument pas incités à faire des économies énergie. Il faudra en plus dépenser de l’argent pour communiquer. Ainsi, l’argument de M. Brottes tombe : il faudra faire de la communication en plus de celle destinée au bonus-malus. Si jamais un Français isole son logement pour ne plus payer de malus et bénéficier du bonus, il va falloir communiquer pour expliquer qu’il n’a pas encore fait assez.

De toute façon, si tout le monde s’isole, il n’y aura plus de malus versés et donc plus d’argent pour financer les bonus. Nous voyons bien qu’il s’agit là d’un système aberrant et inefficace. Et je vous remercie, madame la ministre, d’avoir apporté des arguments supplémentaires à ma démonstration.

Mais venons-en à l’amendement.

L’article 5 prévoit que le collègue de la Commission de régulation de l’énergie doit comprendre un « membre nommé par décret sur proposition du ministère chargé de l’outre-mer, en raison de sa connaissance et de son expérience des zones non interconnectées ». Il apparaît important, vous en conviendrez tous, que ce membre soit auditionné après sa nomination par la délégation aux outre-mer nouvellement créée à l’Assemblée nationale afin qu’il précise les orientations qu’il entend promouvoir au sein de la CRE.

Au Sénat, cet amendement avait reçu un avis favorable de la commission et le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de la Haute assemblée.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. Il sera défavorable, autant le dire tout de suite.

Je dois avouer que je suis un peu surpris car M. Fasquelle connaît l’article L. 132-5 du code de l’énergie. Celui-ci prévoit que « les membres du collège ou du comité ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur des sujets relevant de la compétence de la Commission de régulation de l'énergie. » Autrement dit, un membre de la CRE ne peut venir s’exprimer à titre personnel devant une commission parlementaire, quelle que soit sa qualité. Certes, la délégation des outre-mer n’a pas le même statut législatif que les commissions permanentes. Mais peu importe : la commission des affaires économiques, commission permanente ayant en charge les questions de l’outre-mer, peut parfaitement s’associer à la délégation pour envisager une audition du président de la CRE sur les questions de l’outre-mer. Toutefois, inviter l’un des membres du collège à s’exprimer à titre personnel alors que l’article L. 132-5 empêche ses membres d’exprimer des positions publiques, voilà qui paraît un peu compliqué.

Je vous renvoie aux textes que vous connaissez parfois mieux que moi, monsieur Fasquelle, pour vous dire que ce que vise votre amendement n’est pas possible.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Défavorable !

M. Daniel Fasquelle. Je retire mon amendement, madame la ministre.

(L'amendement n° 19 est retiré.)

Mme la présidente. M. François Brottes a présenté un amendement n° 3, tendant à corriger une erreur matérielle, auquel le Gouvernement est favorable.

(L'amendement n° 3 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de précision, n° 4, présenté par la commission.

(L'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne pour soutenir l'amendement n° 31.

M. André Chassaigne. Défendu.

(L'amendement n° 31, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l'amendement n° 11.

M. Jean-Marie Tetart. Cet amendement prévoit d’intégrer dans les règles établies à l’article 7 bis les modalités d’identification des sites concernés au moyen des références des gestionnaires de réseau auxquels ils sont raccordés.

Il faut pouvoir assurer une coordination entre les opérateurs d’effacement et les gestionnaires de réseaux. Cela suppose d’établir des règles de façon que les sites concernés par l’effacement soient connus par l’opérateur, sur la base d’une proposition ou d’un suivi des gestionnaires de réseau.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. Monsieur le député, votre proposition ne manque pas de pertinence. Simplement, elle relève du domaine réglementaire. Le décret que publiera Mme la ministre prendra en compte cette question, et d’autres. Préciser de telles modalités techniques n’est pas du domaine de la loi.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Je confirme que cela relève du décret. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Je prends ces déclarations comme un engagement à traiter la question dans un décret. Je retire donc mon amendement.

(L'amendement n° 11 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l'amendement n° 10.

M. Jean-Marie Tetart. Cet amendement appellera peut-être la même réponse de la part du rapporteur et de Mme la ministre !

Il doit y avoir une cohérence entre l’estimation des effacements et les comptages, qui restent de la responsabilité des gestionnaires des réseaux publics d’électricité et non pas des gestionnaires du seul réseau de transport.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. Non, mon cher collègue, je ne vous ferai pas la même réponse en vous disant que cela relève du domaine réglementaire.

Votre amendement aurait pour conséquence de faire intervenir dans le champ de la rémunération de l’effacement d’autres opérateurs que celui ayant le monopole de transport du réseau, je veux parler des régies ou d’ERDF.

Comme l’effacement vise à équilibrer l’ensemble du réseau, nous souhaitons que RTE reste le seul interlocuteur du dispositif.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Même avis.

(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 12.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. François Brottes. Amendement de coordination.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n° 12.

M. Jean-Marie Tetart. Défendu !

(Les amendements identiques nos 5 et 12, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 20 et 32.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Daniel Fasquelle. J’ai été stupéfait d’entendre tout à l’heure Mme la ministre expliquer que la majorité précédente avait semé le désordre dans le domaine des éoliennes en menant une politique permissive. Au contraire, nous avons voulu mettre un peu d’ordre en obligeant à regrouper les éoliennes par groupe de cinq. Par ailleurs, nous avons maintenu le dispositif des zones de développement éolien : seules les éoliennes implantées dans ces ZDE bénéficient du tarif de rachat. Nous avons encore préservé nos paysages et d’une certaine manière nos habitants qui se plaignent de plus en plus des effets négatifs des éoliennes sur leur vie quotidienne. Avec la proposition de loi, nous assistons à un déverrouillage complet du dispositif qui aboutira à un mitage du territoire national, ce qui est extrêmement dangereux.

Nous présentons un amendement de bon sens, adopté par le Sénat, qui tend à permettre une révision des schémas régionaux de l’éolien afin de tenir compte de la disparition des ZDE. Il me semble que nous pourrions tous l’adopter.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. André Chassaigne. Je voudrais tout d’abord revenir sur les ZDE. Depuis quelques mois, les voilà diabolisées alors même qu’elles ont permis d’établir des critères complémentaires pour l’installation d’éoliennes : critères relatifs à la biodiversité – désormais, la prise en compte de l’environnement ne sera plus la même –, au patrimoine archéologique ou encore à la sécurité publique du fait des conséquences des implantations.

Leur mise en place s’est en outre appuyée sur la démocratie locale puisque la procédure permettait aux collectivités locales de prendre l’initiative avant que le dossier ne soit instruit par les services régionaux de l’État et qu’une autorisation ne soit donnée par le préfet de département.

Il est important de rappeler ce que pouvaient apporter les ZDE, même si elles n’étaient pas parfaites et qu’elles posaient certains problèmes.

Or ce qui s’est passé, c’est que dans beaucoup de régions, des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie et leurs annexes consacrées aux schémas régionaux éoliens ont été adoptés alors que les ZDE étaient obligatoires.

Cela signifie que, dans certaines régions, le schéma régional éolien permet d’implanter des éoliennes dans la quasi-totalité des territoires, en tablant sur le fait que les éventuels problèmes seront résolus par les ZDE qui apporteront les limites nécessaires et mettront en valeur des critères permettant de limiter le développement anarchique des éoliennes.

Il est bien évident que si nous supprimons maintenant les ZDE, il faut revoir les schémas régionaux déjà votés, sinon nous nous dirigeons vers un contentieux terrible.

Mme Laure de La Raudière. C’est vrai !

M. André Chassaigne. J’ai vérifié dans le texte, c’est écrit noir sur blanc : on renvoie aux ZDE dans le cadre des schémas régionaux éoliens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. François Brottes, rapporteur. Nous reprenons un débat que nous avons déjà eu, certes nuitamment ; mais ici, quelle que soit l’heure à laquelle nous siégeons, nous travaillons sérieusement puisque nous légiférons pour l’ensemble de nos concitoyens.

M. Daniel Fasquelle. Certains amendements n’ont pas été examinés en commission, monsieur le président !

M. François Brottes, rapporteur. Ils ont bien été vus en commission, mais vous n’y étiez pas. Pour débattre, encore faut-il qu’il y ait du monde !

M. Daniel Fasquelle. Ils n’ont pas été examinés dans le cadre de l’article 88 !

M. François Brottes, rapporteur. Nous avons débattu en article 88.

M. Daniel Fasquelle. Pas sérieusement !

M. François Brottes, rapporteur. Les débats ne sont pas interdits par l’article 88. Je vous renvoie à vos tablettes – et à Mme la vice-présidente Massat également, puisqu’elle préside la commission à ma place en cette circonstance.

On ne peut en tout cas laisser dire qu’avec ce texte, tout est déverrouillé.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr que si !

M. François Brottes, rapporteur. Lorsque les ZDE ont été créées, les ICPE n’existaient pas. Puis, l’enchevêtrement des ZDE et des ICPE a créé des nids à contentieux un peu partout, bloquant complètement le système.

Certains auraient souhaité que l’on supprime les ICPE pour ces installations soumises à autorisation avec enquête publique. Or le texte maintient les ICPE ; Mme la ministre a insisté sur ce point.

De plus, les schémas régionaux relèvent d’un deuxième niveau d’encadrement, et les PLU d’un troisième niveau. Aussi, dire que tout est déverrouillé et que l’on peut partout faire tout et n’importe quoi, ce n’est pas vrai !

En supprimant les ZDE, nous supprimons un nid à contentieux qui a porté préjudice au développement de l’éolien terrestre : telle est la seule volonté exprimée dans ce texte.

M. André Chassaigne. Ce n’est pas l’objet de l’amendement !

M. François Brottes, rapporteur. M. Chassaigne a raison : j’ai répondu de façon générale.

L’amendement propose de réviser systématiquement la totalité des schémas.

M. André Chassaigne. Ceux qui ont été votés !

M. François Brottes, rapporteur. Telle est bien la portée de l’amendement : que vous le vouliez ou non, ce que vous proposez, et qui a été voté au Sénat, entraînerait la révision de tous les schémas déjà votés.

Cela signifie que l’on se place dans une approche systématique qui ne laisse pas de poser problème puisque les schémas régionaux de l’éolien sont adossés aux schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, les SRCAE, dont ils constituent l’un des volets.

M. André Chassaigne. C’est vrai.

M. François Brottes, rapporteur. Imaginez donc le chantier – si vous me passez cette expression un peu triviale : réviser aujourd’hui systématiquement tous les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie reviendrait à entrer dans un débat interminable qui entraînerait le gel absolu de toutes les initiatives en matière d’énergie renouvelable. La portée de cet amendement n’est donc pas acceptable.

M. André Chassaigne. Cela créera des contentieux !

M. François Brottes, rapporteur. En revanche, je veux rappeler, monsieur Chassaigne, puisque vous m’avez sollicité sur ce point, que les schémas régionaux éoliens, adossés aux SRCAE, sont révisables : c’est l’article L. 222-2 du code de l’environnement qui le permet, selon diverses modalités qui impliquent le préfet et le conseil régional, et imposent des délais à respecter. Mais la révision des schémas est d’ores et déjà possible.

Quant au fait d’en systématiser la portée à ce stade, très franchement : même vous, vous ne le souhaiteriez pas ! L’avis de la commission est donc défavorable pour ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Delphine Batho, ministre. Avis défavorable. Je rappelle tout d’abord qu’une disposition du texte permet à la procédure ICPE de tenir compte des zones favorables prévues par les schémas régionaux éoliens.

Par ailleurs, contraindre les collectivités à une révision généralisée des schémas régionaux ne me paraît pas fondé, dans la mesure où elles ont en général mené des travaux très approfondis sur la définition des zones favorables. Ces amendements sont donc dénués de sens.

M. Daniel Fasquelle. Merci, c’est agréable !

M. André Chassaigne. C’est terrible !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je ne reviendrai pas sur les arguments excellemment développés par nos collègues Fasquelle et Chassaigne. La suppression des ZDE monsieur le rapporteur et madame la ministre, est une fausse bonne idée.

Nous sommes nombreux à être favorables à l’éolien ; or le futur est à l’éolien offshore. Nous devrions en tout état de cause mener une réflexion sur ce sujet. Mais supprimer les ZDE est vraiment une fausse bonne idée, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, ces ZDE permettaient des échanges au niveau local entre le préfet et les élus. Chacun se mettait autour de la table pour définir un périmètre et tenir compte des problématiques environnementales et patrimoniales, en traitant tous les aspects de ces questions.

Ensuite, en supprimant la limitation de cinq éoliennes, vous faites le choix de mettre peu d’éoliennes dans beaucoup d’endroits, plutôt que beaucoup d’éoliennes dans peu d’endroits : or ce n’est pas du tout la même chose !

M. Yves Censi. Bien sûr !

M. Philippe Folliot. Que se passera-t-il in fine ? Certains de nos concitoyens se lèveront pour dire qu’ils en ont assez de cette logique exclusivement financière et de ces grands groupes qui tentent de faire du fric sur le dos de l’usager, lequel paie le surcoût de l’énergie éolienne. Ce faisant, on ne rend pas un bon service à l’environnement.

Enfin, nous aurons des schémas, et j’en termine par là, madame la présidente…

Mme la présidente. Non, monsieur Folliot. Il y a beaucoup d’inscrits sur ce point et je ne peux laisser chacun déborder à chaque fois de son temps de parole.

La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Je n’entends pas votre argument, madame la ministre et monsieur le rapporteur : les schémas régionaux étaient bâtis sur un principe reposant sur le socle constitué par les ZDE. Si vous supprimez le socle, il faut réviser les schémas !

M. Daniel Fasquelle. Évidemment, c’est une question de bon sens !

M. Yves Jégo. Vous nous dites que c’est long et compliqué. Or, tout d’abord, on peut faire des révisions simplifiées : cela est prévu dans les modalités d’application des révisions.

En outre, cela permettra de rassurer tous ceux qui aujourd’hui sont très inquiets par les dispositions tendant à la suppression des ZDE ; le Sénat a du reste joué son rôle de représentant des collectivités locales sur ce sujet.

Vous ne pouvez vraiment pas nous opposer l’argument de la complexité de la révision, d’autant monsieur le rapporteur que vous avez apporté le contre-argument dans votre intervention, puisque vous avez indiqué que la révision était possible.

Si elle est possible, c’est donc qu’elle n’est pas si compliquée, et si elle n’est pas si compliquée, c’est qu’elle peut être utile. Adoptons donc cet amendement pour permettre cette révision et rassurer tout le monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Nous avons beaucoup de choses à dire, d’autant que la réflexion de Mme la ministre affirmant que nos arguments étaient dénués de sens nous démontre que nous faisons face à un mur, et que cela nécessite un long débat.

Je m’oppose totalement au développement libertaire et quasiment anarchique – tel est le sens du mitage – de ces éoliennes. Je m’y oppose d’autant plus que j’ai dans les mains un communiqué de presse d’une de ces sociétés que je qualifie de « rapaces », qui probablement se sent pousser des ailes en ce moment à la suite de ce texte.

M. Daniel Fasquelle. Il faut sortir de Paris !

M. Yves Censi. Nous les voyons débarquer sur nos territoires, se comportant comme Christophe Colomb chez les indigènes, promettant des fortunes avec de la verroterie ; or c’est l’argent public qui favorise cette spéculation !

Concernant le mitage, monsieur le rapporteur, vous avez pris tout à l’heure l’exemple des bâtiments : mais ils ne sont pas subventionnés au même niveau que l’éolien.

Nous allons subir partout en France un mitage qui « désingularise » totalement nos cultures et nos territoires. Je me targue d’avoir convaincu l’ensemble des élus de ma circonscription de n’installer aucune éolienne ; mais cela sera de plus en plus difficile du fait de la proposition de loi.

Concernant les ZDE, il est évident que les remettre en question et les renégocier est tout à fait possible. Il est du reste plus facile de procéder ainsi que de déployer les critères kafkaïens de tarif social que vous avez évoqués tout à l’heure.

Il s’agit vraiment d’un appel en faveur de la singularité de nos territoires et de la liberté des populations locales de choisir le destin de leurs territoires, à l’encontre d’opérateurs dont les objectifs sont uniquement capitalistiques et s’opposent aujourd’hui totalement aux objectifs culturels des élus et des populations.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je souhaite poursuivre cette réflexion en m’associant à ces amendements de bon sens.

Monsieur Brottes, j’ai bien en mémoire les débats qui se sont tenus lors de l’examen de la loi Grenelle II, notamment les positions défendues tant par nous-mêmes que par l’opposition de l’époque, aujourd’hui majoritaire.

Vous aviez attaqué la stratégie de la majorité de l’époque sur les éoliennes en critiquant non pas les ZDE ni les schémas régionaux, je m’en souviens parfaitement, mais les installations classées. Vous aviez juré vos grands dieux que vous changeriez ce dispositif ; vous aviez tort, et d’ailleurs vous ne l’avez pas changé. Cela étant dit, on peut toujours changer d’avis…

M. François Brottes, rapporteur. Et les cinq mâts ?

M. Bertrand Pancher. Vous aviez en outre attaqué une seconde disposition portant sur le régime des cinq mâts. Peut-être aviez-vous raison sur ce sujet, car à mon avis nous sommes allés trop loin dans ce domaine.

Cela étant, vous voulez supprimer les ZDE : il faut alors nous expliquer où se trouvent réellement les filets de sécurité. Je suis convaincu pour ma part qu’il n’y en a plus aucun, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toutes les sociétés sonnent aujourd’hui aux portes de toutes les communes rurales !

M. Daniel Fasquelle. Mais oui !

M. Lionel Tardy. C’est vraiment incroyable : c’est open bar !

M. Bertrand Pancher. Un certain nombre de maires, souvent agriculteurs, sont venus me voir. Je leur ai fait part de vos arguments, monsieur Brottes, expliquant qu’il y avait les PLU – mais ce n’est pas demain la veille ! – et les permis de construire – mais on ne peut s’opposer au droit. Il n’y a donc aucun filet de sécurité.

Je répète que les schémas régionaux ont été construits sur la base des ZDE. Or il n’y a plus de ZDE ; il faudrait donc les réviser de façon à diminuer nettement les possibilités d’implantation, parce que sinon ce sera le bazar, l’anarchie, et vous vous en mordrez les doigts !

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Au moins, ce soir, les masques tombent !

M. Yves Censi. Il n’y a jamais eu de masque !

M. Denis Baupin. On a le bal des hypocrites : vous voulez prétendument les éoliennes, mais vous ne voulez surtout pas ni ceci ni cela. Au moins, le message est clair : vous ne voulez pas d’éoliennes !

M. Yves Censi. Et vous, vous en installez dans quel arrondissement ?

M. Denis Baupin. Ceux qui se prétendaient les héritiers du Grenelle, qui vantaient Jean-Louis Borloo, son auteur, et qui voulaient le développement des énergies renouvelables, avouent finalement qu’ils n’en veulent pas (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), tout comme ceux qui se sont pourtant fait élire sur le thème de la planification écologique.

Aujourd’hui, vous refusez de créer des emplois, après que vous en avez fait perdre près de 10 000 dans le domaine de l’éolien à cause de vos mesures, et d’irriguer les territoires avec ces nouvelles possibilités de développer l’économie. (Mêmes mouvements.)

Prenez l’exemple de Montdidier : voyez à quel point le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique a permis à cette ville de créer de l’emploi !

M. Yves Censi. Pourquoi ne peut-on pas débattre ?

M. Denis Baupin. Au moins, l’ensemble des salariés dans le domaine des renouvelables et de l’éolien sauront ce soir sur qui ils peuvent compter pour les soutenir et qui ne veut absolument pas développer ces énergies renouvelables.

Pour ma part, je suis fier de participer à une majorité qui progressivement est en train de développer les énergies renouvelables dans ce pays. (Mêmes mouvements.)

M. Yves Censi. Vous n’êtes pas obligé d’être aussi agressif !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Je ne sais pas si les ministres ont la possibilité de prendre la parole pour un fait personnel, mais je voulais rappeler à M. Fasquelle qu’avant d’être ministre, j’étais députée des Deux-Sèvres. Si jamais il vient un jour dans la jolie ville de Melle, il constatera que dans cette jolie commune, qui comporte trois églises romanes classées au patrimoine de l’humanité,…

M. Yves Censi. Avec des éoliennes, il n’y a plus de classement !

Mme Delphine Batho, ministre. …ont été installées des éoliennes qui n’ont en rien remis en cause ce classement. Sachez d’ailleurs que je les vois de mon jardin. J’apprécierais donc, dans les débats à l’Assemblée nationale, de ne pas être traitée, puisque visiblement c’est une injure, de parisienne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Vous avez habité dans les Deux-Sèvres : voilà qui est intéressant !

Mme Delphine Batho, ministre. J’en viens à vos propos, monsieur Censi : vous êtes contre les éoliennes. Vous l’avez d’ailleurs dit de façon extrêmement claire en affirmant que vous ne vouliez « aucune éolienne » sur le territoire dont vous êtes élu ; c’est votre droit.

Pour répondre précisément à votre question dans ce débat devenu à cette heure passionnel, ce qui n’est pas le fait du Gouvernement, sachez que le texte est clair : le schéma régional éolien demeure.

Les schémas régionaux éoliens qui ont été adoptés par les régions restent en vigueur. Ils définissent des zones favorables à l’implantation de projets d’éoliennes et les procédures ICPE tiendront compte désormais de la définition de ces territoires favorables dans le schéma régional éolien.

Mme Laure de La Raudière. Mais il y a une insécurité juridique !

Mme Delphine Batho, ministre. Dans le cadre de la procédure ICPE, une enquête publique et une étude d’impact seront réalisées. Chaque citoyen pourra donner son avis. Les élus locaux seront consultés avant que les préfets ne prennent leur décision, comme cela a toujours été le cas.

J’ai été très étonné de vous entendre dire que la procédure ICPE était anarchique, légère. Dans un certain nombre de territoires, on parle au contraire plutôt de sa lourdeur. Il n’y a pas de déréglementation, mais une remise en ordre liée au fait que la procédure ZDE n’apporte rien, qu’elle est superfétatoire par rapport au schéma régional éolien et à la procédure ICPE et que, de surcroît elle est source de contentieux.

(Les amendements identiques nos 20 et 32 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Madame la présidente, je demande une brève suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mardi 12 mars 2013 à zéro heure quarante-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 6.

M. François Brottes, rapporteur. Il s’agit du raccordement des énergies renouvelables au réseau.

Nous avons adopté une disposition qui vise à faciliter, y compris en zone littorale, le raccordement direct des éoliennes – ce qui évite de faire le tour de la terre. Je précise qu’il s’agit d’un raccordement souterrain, c’est-à-dire sans aucun impact sur le paysage. Comme le coût de ce raccordement est très élevé, cela renchérit le coût pour les usagers du développement des énergies renouvelables.

L’amendement qui a été adopté par le Sénat et que je propose de reprendre applique cette disposition dérogatoire en zone littorale dès lors que l’on fait la preuve que les réseaux ainsi mis en œuvre visent à favoriser les énergies renouvelables.

(L'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Daniel Fasquelle. Madame la ministre, je n’ai pas très bien compris votre remarque sur la possibilité pour un ministre de faire un fait personnel. Quand je dis qu’il faut sortir de Paris, car il me semble que le siège de votre ministère est bien à Paris, c’est que je considère qu’il est souhaitable que les ministres s’intéressent aussi à ce qui se passe en province.

Mme Delphine Batho, ministre. Je crois que vous n’avez pas bien compris ma réponse !

M. Daniel Fasquelle. Mais vous allez comprendre ma remarque !

Il y a actuellement un débat sur l’implantation d’éoliennes à proximité de sites classés, en particulier par l’Unesco. M. Censi pourrait vous parler du projet près du Mont-saint-Michel…

Mme Delphine Batho, ministre. Je connais bien le problème !

M. Daniel Fasquelle. …et je pourrais évoquer le projet d’installation d’éoliennes autour de Vézelay.

Ceux qui cherchent à protéger nos espaces et des sites remarquables s’inquiètent de l’implantation d’éoliennes à proximité de ces sites.

M. Philippe Folliot. Eh oui !

M. Daniel Fasquelle. Je vous invite à vous rendre sur le terrain pour interroger les hôteliers, les restaurateurs, les élus et les habitants d’un certain nombre de communes qui s’organisent en associations et qui demandent que nos villages, nos paysages, nos sites ne soient pas défigurés et que les erreurs qui ont pu être commises par le passé ne le soient pas à nouveau. Leurs voix méritent d’être entendues, même par une ministre de l’écologie qui, comme vous le faites, peut militer en faveur des éoliennes.

Contrairement à ce que dit M. Baupin qui ne cesse de nous caricaturer,…

M. Denis Baupin. Oh !

M. Daniel Fasquelle. Il n’y a pas d’éoliennes à Paris !

…il s’agit simplement de trouver un juste équilibre et d’accepter que, dans certaines parties du territoire national, des élus puissent ne pas souhaiter voir s’installer des éoliennes.

En déverrouillant le dispositif, vous allez encourager les pressions d’un certain nombre de promoteurs sur nos territoires et nous verrons malheureusement le mitage du territoire, les éoliennes se multiplier et nos paysages être défigurés.

M. Philippe Folliot. La France défigurée !

M. Daniel Fasquelle. Quant à mon amendement,…

Mme la présidente. Merci, monsieur Fasquelle, votre temps de parole est épuisé.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

M. François Brottes, rapporteur. J’ai écouté avec attention l’argumentation de M. Fasquelle qui, comme chacun l’aura compris, portait exclusivement sur son amendement ! (Sourires.)

M. Yves Censi. On s’exprime comme on peut !

M. François Brottes, rapporteur. Reconnaissez qu’on me demande de répondre à une argumentation qui n’a pas été développée.

M. Daniel Fasquelle. Lisez l’exposé sommaire !

M. Yves Censi. La parole est libre dans cet hémicycle !

M. François Brottes, rapporteur. La question que pose cet amendement mérite en tout cas une réponse précise, sachant toutefois que la disposition proposée vise à aller beaucoup plus loin que mon amendement précédent n° 6 contre lequel vous avez voté – je vois là une petite incohérence.

Selon la procédure actuelle, il y a enquête publique systématique pour une installation de lignes à haute tension supérieure à quinze kilomètres, et au cas par cas lorsque l’installation est inférieure à quinze kilomètres, que les lignes soient ou non enterrées.

L’article 12 ter assure qu’une enquête publique sera réalisée pour toutes les canalisations souterraines. Dans le cas où une DUP serait nécessaire en raison d’un manque de foncier disponible, une procédure d’autorisation au titre de l’article L. 323-11 du code de l’énergie interviendrait une fois les tracés définis.

L’amendement fait donc remonter l’analyse d’un impact environnemental de la canalisation souterraine trop en amont : pour faire cette analyse, il faut que le tracé soit défini. Voilà pourquoi la procédure prévue par le code de l’environnement permet à l’analyse de se faire au bon moment, ce qui n’est pas le cas de la proposition formulée. Je suis donc défavorable à cet amendement. J’espère, monsieur Fasquelle, avoir été clair en lisant mes notes !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le rapporteur, j’ai parfois l’impression qu’il y a deux instituteurs sur les bancs des ministres et de la commission qui expliquent que nous n’avons rien compris, que nous répondons à côté ou que nous posons des questions qui n’ont pas de rapport avec le sujet. N’oubliez pas que la parole est libre dans cet hémicycle !

Je veux revenir sur la question du patrimoine mondial de l’Unesco. Chacun connaît l’histoire récente du Mont-saint-Michel : une vingtaine d’éoliennes devaient être implantées à une vingtaine de kilomètres de ce site. Tout le monde s’en est ému, à commencer par l’Unesco qui a expliqué qu’il ne fallait pas gêner la vue depuis le Mont-saint-Michel ni du Mont-saint-Michel par ce que l’on peut considérer comme des horreurs. Expliquez-moi, en tant qu’arbitre des élégances, en quoi des éoliennes sont inadmissibles parce que laides dans le paysage du Mont-saint-Michel mais pas dans l’Aubrac ni dans la forêt des Palanges dans l’Aveyron !

M. Philippe Folliot. Ni dans le parc régional du Languedoc !

M. Yves Censi. Sommes-nous des sous-territoires ? Sommes-nous des sous-hommes ? Tout cela ne tient pas la route. Voilà une inégalité, une incohérence gravissime. Sachez, madame la ministre, que les jeunes couples d’agriculteurs rencontrent les pires difficultés pour construire des bâtiments. Je pourrais vous transmettre au moins vingt dossiers qui montrent qu’il est impossible d’obtenir un permis de construire au motif qu’il faut protéger les territoires.

Monsieur Baupin, je suppose que vous ne connaîtrez nos territoires que pendant les vacances. Mais vous ne devez pas oublier de représenter l’ensemble de la nation même si vous êtes élu de Paris…

M. Denis Baupin. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Yves Censi. …plutôt que de nous accuser de tomber le masque car il n’y a jamais eu de masque sur ce sujet.

Laissez construire des bâtiments et empêchez l’implantation des éoliennes !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure de La Raudière – sur l’amendement n° 25, je le rappelle.

Mme Laure de La Raudière. Je veux rappeler que l’éolien se développe très correctement en France uniquement grâce à des subventions publiques. Dans ces conditions, pourquoi ne pas demander, avant la suppression des ZDE, un rapport de la Cour de comptes sur cette politique publique ?

Mme Delphine Batho, ministre. Il en existe déjà un !

Mme Laure de La Raudière. Le Grenelle de l’environnement a prévu la mise en place de 15 000 éoliennes environ d’ici à 2020, ce qui représente pour les finances publiques un coût de 50 milliards.

Le programme du Gouvernement qui vise à arrêter près du tiers des centrales nucléaires à l’horizon 2020 conduit à revoir la mise en place du nombre d’éoliennes qui s’élèveraient à 40 000 environ.

Mme Delphine Batho, ministre. Pas du tout !

Mme Laure de La Raudière. Alors, combien y en aura-t-il ?

Mme Delphine Batho, ministre. Je vais vous répondre.

Mme Laure de La Raudière. Je répète : pour atteindre l’objectif du Grenelle de l’environnement, il faut mettre en place 15 000 éoliennes. Or si vous arrêtez près du tiers des centrales nucléaires, il va falloir augmenter le nombre d’éoliennes, à moins de remettre en route des centrales à charbon.

Il faut choisir : soit vous faites écolo, soit vous ne faites pas écolo. Mais si vous faites écolo, c’est une facture d’à peu près 150 milliards que vont payer les ménages français, tout cela pour défigurer en plus nos paysages.

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est une heure du matin : je vous demande d’en rester aux amendements que vous êtes censés soutenir.

La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je voudrais d’abord répondre à M. Fasquelle, qui s’inquiétait de la situation à Paris, pour l’inviter au mois de mai prochain à l’inauguration des deux éoliennes que nous allons mettre en place à la porte des Lilas : on met des éoliennes partout, y compris à Paris.

J’en viens ensuite à M. Censi : vous vous intéressez à la Normandie, monsieur Censi, mais y êtes-vous allé ? Parce que moi j’y suis né, voyez-vous. Je suis né à Cherbourg que l’on a défiguré. La Normandie a en effet été défigurée par l’arsenal, par La Hague, par Flamanville, et elle est en train de l’être par votre THT. Pourtant, je ne vous ai pas entendu vous inquiéter de la population, de nos paysages, de la belle Normandie défigurée de tous les côtés par le nucléaire ! Je ne vous ai pas entendus, les uns et les autres, proclamer à quel point c’était moche !

Plutôt que de faire preuve d’hypocrisie sur les éoliennes, qui seraient moches, vous seriez un peu plus crédibles si depuis des années vous vous étiez battus contre les 250 000 pylônes qui ont été installés en France afin de développer le réseau électrique pour le nucléaire ! Là, vous seriez crédibles pour parler de paysage, mais franchement aujourd’hui, quelle hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme Laure de La Raudière. Vous ne pourrez jamais enterrer une éolienne, monsieur Baupin !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Il y a des propos qui dépassent certainement la pensée de leurs auteurs – je fais allusion à M. Baupin.

Sur cette question des énergies renouvelables, je pense qu’il pourrait y avoir des points de convergence. Nous n’avons ainsi pas du tout parlé des hydroliennes, des énergies marines renouvelables : il y a des potentialités tout à fait intéressantes. À la différence des éoliennes, les hydroliennes produisent une énergie constante. Avec les éoliennes, il faut qu’il y ait du vent et quand il n’y a pas de vent, il n’y a pas d’électricité. Le jour où vous aurez dans votre mix énergétique trop d’éoliennes, vous ne pourrez pas assurer la permanence de la production électrique : il faut avoir le courage de le dire.

M. Lionel Tardy. Il y a des centrales à charbon en Allemagne ! Et plein de lignes électriques !

M. Philippe Folliot. On ne peut pas ne pas entendre le message des territoires ruraux, des territoires de montagne : comme l’a dit fort justement notre collègue Yves Censi, quand on veut installer le moindre bâtiment agricole, quand un agriculteur veut construire sa maison d’habitation, on lui fait les pires difficultés, alors qu’on va nous imposer l’installation anarchique d’éoliennes. Il y a là deux poids, deux mesures, ce qui est intolérable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre. Je ne peux laisser dire qu’il y aurait aujourd’hui deux poids, deux mesures dans le traitement des procédures ICPE. Pour un projet d’implantation d’éoliennes, la situation est exactement la même que pour d’autres demandes d’installation classée pour la protection de l’environnement. C’est pourquoi l’instruction d’une installation d’éoliennes prend six à huit ans. Je ne peux donc laisser dire que ce serait rapide, dérégulé et libéralisé. Ce n’est pas du tout le cas.

M. Yves Censi. Vous n’avez pas écouté.

Mme Delphine Batho, ministre. Par ailleurs, les schémas régionaux éoliens prévoient précisément la prise en compte des paysages et permettent de traiter toutes les questions que vous avez évoquées.

La question des paysages, bien sûr, doit être considérée. Pour prendre l’exemple du sud des Deux-Sèvres, une décision a été prise en concertation, et sans que cela suscite d’opposition locale, d’implanter des éoliennes. Mais des décisions différentes peuvent être prises ailleurs.

Madame de La Raudière, vous avez voté le Grenelle de l’environnement. Je vous rappelle donc le chiffre que vous avez voté concernant le développement de l’éolien : 19 000 mégawatts à l’horizon 2020, soit 7 600 éoliennes, et non 40 000, pour 700 millions d’euros de charges sur la CSPE en 2013.

Mme Laure de La Raudière. J’ai dit 15 000 !

(L’amendement n° 25 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 7.

M. François Brottes, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.

(L’amendement n° 7, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 21.

M. Daniel Fasquelle. Cet amendement vise à prévoir l’avis de la commission départementale de consommation des espaces agricoles et à renforcer ainsi les protections du secteur agricole en outre-mer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. M. Fasquelle pourrait retirer cet amendement parce qu’il est satisfait par l’article 12 quater du code qui précise que l’autorisation est refusée si des constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou si elles sont incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière.

Mme Delphine Batho, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je ne retire pas mon amendement : s’il était satisfait, il n’aurait pas été voté par le Sénat.

Mme Audrey Linkenheld. Ce n’est pas sûr !

(L’amendement n° 21 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 8 et 22.

La parole est à M. François Brottes pour défendre l’amendement n° 8 de la commission.

M. François Brottes, rapporteur. C’est un amendement fondamental, en tout cas indispensable, puisqu’il permettra d’adapter les dispositions de la loi au calendrier des élections municipales. C’est une proposition qu’a faite le Sénat, qui est de bon sens si ce n’est de consensus.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle pour défendre l’amendement n° 22.

M. Daniel Fasquelle. C’est un grand moment de bonheur que nous allons vivre, puisque nous allons enfin nous retrouver sur un amendement avec la majorité. Il semble en effet raisonnable de repousser le délai qui était proposé au 31 décembre 2014. La sagesse du Sénat aura enfin été entendue dans cet hémicycle.

(Les amendements identiques nos 8 et 22, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 9 et 23.

La parole est à M. François Brottes pour défendre l’amendement n° 9 de la commission.

M. François Brottes, rapporteur. C’est, dans la même allégresse, un amendement de coordination !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle pour défendre l’amendement n° 23.

M. Daniel Fasquelle. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 9 et 23, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 13.

M. Lionel Tardy. Monsieur le rapporteur, j’avais brièvement posé une question concernant l’amendement 19 bis rectifié de nos collègues sénateurs Marseille et Cambon, adopté au Sénat avec avis favorable du Gouvernement, mais que vous n’avez pas repris.

Cet amendement propose d’améliorer l’information sur les coûts de gestion dans le cadre des expérimentations de tarification progressive de l’eau. Quitte à faire des expérimentations, autant en tirer le maximum d’enseignements. Des retours sur les coûts réels seront toujours utiles, car on l’a dit et répété, ces tarifications sont génératrices de coûts de fonctionnement importants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. J’ai indiqué à M. Tardy, en commission, que je serai favorable à cet amendement : je le confirme ici.

(L’amendement n° 13, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 24 et 33.

La parole est à M. Daniel Fasquelle pour défendre l’amendement n° 24.

M. Daniel Fasquelle. Essayons de suivre encore la sagesse du Sénat. Il s’agit à nouveau de l’implantation des éoliennes, non pour les interdire – vous avez rappelé madame la ministre, que nous avions voté un texte en la matière – mais pour qu’elles soient regroupées au lieu d’être éparpillées afin d’éviter tout mitage.

Dans le cadre du Grenelle II, nous avions proposé avec Patrick Ollier un amendement pour regrouper ces éoliennes par paquets de cinq. Le Sénat a proposé plus modestement de regrouper ces éoliennes par trois : cela me semble être une mesure de bon sens, pour éviter justement l’effet de mitage.

Nous pourrions nous retrouver sur ce point : à côté des dispositions qui faciliteraient l’implantation des éoliennes, puisque c’est ce que vous souhaitez, cette règle des trois éoliennes me semble une mesure de bon sens. Ce serait de nature à rassurer tous ceux qui sont inquiets devant la pression des promoteurs dans les territoires ruraux. Faisons preuve d’un peu de bon sens et de sagesse pour terminer cette séance !

Mme la présidente. La parole est à M. Chassaigne, pour défendre l’amendement n° 33.

M. André Chassaigne. Il ne s’agit pour moi que d’un amendement de repli car je pense qu’il fallait maintenir les cinq mâts.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr.

M. André Chassaigne. Pourquoi cet amendement de repli ? Pour essayer de limiter la casse. Il y a un point en effet qui n’a jamais été abordé au cours de ce débat, celui du raccordement au réseau.

Mme Laure de La Raudière. Exact !

M. André Chassaigne. Je m’en suis entretenu avec des techniciens, avec tous ceux qui sont chargés d’instruire les demandes de raccordement ou de planifier les raccordements, en particulier en matière de haute tension : ce sera absolument ingérable ! On ne pourra pas instruire en effet toutes les demandes individuelles de raccordement sur un seul mât. La situation sera extrêmement compliquée, avec un engorgement au niveau d’ERDF. Elle aura aussi des conséquences visuelles, encore qu’il y ait sur ce point une certaine subjectivité, mais en tout état de cause les difficultés de raccordement au réseau seront une réalité. D’où cette exigence d’avoir au minimum le seuil de trois mâts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, rapporteur. Je ne vais pas reprendre l’ensemble de l’argumentation développée par Mme la ministre pour montrer que nous n’étions pas dans la libéralisation totale du dispositif. Je voudrais juste dire à mon collègue Chassaigne qu’il pose une question pertinente, comme souvent.

M. Lionel Tardy. Allez voir en Allemagne !

M. François Brottes, rapporteur. La question du raccordement est une vraie question et c’est la raison pour laquelle il y a maintenant des schémas régionaux de raccordement. En dehors de ces schémas régionaux de raccordement, il n’y a pas de raccordement !

Cette question est donc traitée. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Les schémas régionaux de raccordement font l’objet d’un groupe de travail dans le cadre du débat national sur la transition énergétique. Ce sont des questions qui doivent être prises en considération, comme plus généralement celle des réseaux et de l’intégration aux réseaux des énergies renouvelables et de l’intermittence.

Je donnerai un avis défavorable sur cet amendement pour la simple et bonne raison que j’ai eu l’autre jour le cas d’un projet légitime d’implantation d’une éolienne d’une très forte puissance dans le département du Rhône. Le vote de cet amendement ferait obstacle à de tels projets – qui doivent être l’exception. La logique de protection de l’environnement n’est pas en effet de favoriser le mitage ni les tout petits projets qui engendreraient des problèmes de raccordement. Mais fixer un cadre trop rigide ne permettrait pas de traiter des situations exceptionnelles comme celle de ce beau projet qui verra le jour dans le département du Rhône.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. La suppression du seuil de cinq éoliennes serait une vraie catastrophe. Chacun sait qu’une seule chose motive l’implantation d’éoliennes sur un territoire : l’appât du gain. Vous semblez croire qu’en dehors de cet appât du gain, ces centaines de milliers d’euros annuels que font miroiter les opérateurs, un territoire n’aurait aucune capacité à créer de la valeur ajoutée.

Or, c’est le contraire : la création d’éoliennes ferme le territoire, et on assiste à la lutte du pot de terre contre le pot de fer. La plupart du temps, les populations ne sont pas les mieux organisées : les opérateurs sont mieux financés et mieux organisés pour, petit à petit, imposer leurs projets et tenter de convaincre les élus. Pourquoi avons-nous proposé de retenir un seuil de trois éoliennes ? Pas parce que ce chiffre nous paraissait idéal, mais simplement parce que nous ne disposions pas d’autre solution que de reprendre l’amendement du Sénat.

La possibilité d’implanter un seul mât va permettre de diviser pour mieux régner, c’est-à-dire de mettre les uns et les autres encore plus en compétition car si certains ne veulent pas d’une éolienne, ils sauront que celle-ci sera implantée à côté et qu’ils auront alors la même pollution visuelle sans le bénéfice de la redevance. Il faut donc absolument voter cet amendement, mes chers collègues. J’espère qu’André Chassaigne ne renoncera pas à voter avec nous pour l’avenir de nos territoires et de nos populations, car la situation pourrait devenir dramatique.

M. Lionel Tardy. Absolument !

M. Yves Censi. Puisque Mari-Lou Marcel est là, elle sera sensible à ce que nous lui offrions la possibilité de protéger, grâce à notre amendement, ce magnifique site de Sauveterre-de-Rouergue, aujourd’hui en danger.

M. Lionel Tardy. Tout est dit !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. C’est une erreur que de revenir sur le seuil de cinq éoliennes minimum par implantation. Comme cela a été dit, notre amendement proposant un seuil de trois éoliennes est un amendement de repli visant à limiter, autant que faire se peut, le saupoudrage. Madame la ministre, vous savez bien qu’il va y avoir des demandes très dispersées : une éolienne par ici, une autre par là.

Il y a, derrière tout cela, une logique financière sur trois niveaux,…

M. Daniel Fasquelle. Eh oui, et cela a déjà commencé !

M. Philippe Folliot. … à savoir les groupes qui implantent les éoliennes, les communes à qui l’on présente un miroir aux alouettes – quelques milliers d’euros de taxe professionnelle –, et les propriétaires des terrains.

Si ces arguments ne vous suffisaient pas, mes chers collègues, votez au moins cet amendement pour aider notre collègue Baupin qui nous a dit tout à l’heure avoir sur sa circonscription un projet d’implantation de deux éoliennes du côté de la porte des Lilas – à Paris, en tout cas.

M. Yves Censi. Sur le périphérique !

M. Philippe Folliot. Si notre amendement était voté, il serait obligé d’implanter non pas deux, mais trois éoliennes dans sa circonscription ! Moi qui en ai quelques dizaines, j’aimerais bien qu’il en ait au moins trois !

M. François-Michel Lambert. Il n’en a pas la possibilité !

M. Philippe Folliot. J’espère en tout cas vous avoir convaincus, grâce à cet argument supplémentaire – et tout à fait pertinent, me semble-t-il – de voter cet amendement à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Nous n’allons pas bouder notre plaisir d’entendre, ce soir, nos collègues de l’UMP et de l’UDI déclamer autant d’odes anticapitalistes…

M. Yves Censi. Ce n’est pas la première fois que nous exposons ces arguments !

M. Razzy Hammadi. Ce sont des chavezistes !

M. Denis Baupin. …dénonçant avec hargne l’appât du gain et les gens qui cherchent à faire de l’argent.

Mme Laure de La Raudière et M. Yves Censi. Nous parlons de l’argent public !

M. Denis Baupin. J’espère qu’au cours des débats à venir, nous vous entendrons dénoncer avec la même conviction les capitalistes qui, partout, cherchent à gagner de l’argent sur le dos des territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Seul M. Baupin a la parole.

M. Denis Baupin. Je dois vous avouer que je suis assez d’accord avec l’idée d’implanter autant d’éoliennes qu’il est possible, et votre enthousiasme me réjouit. Mais pourquoi cinq éoliennes, et pas dix ou quinze ? Je le répète, je suis favorable à ce qu’on en implante le plus possible.

M. Daniel Fasquelle. Des champs d’éoliennes !

M. Denis Baupin. Cependant, comme Mme la ministre l’a rappelé, il y a des endroits où on ne peut pas en mettre beaucoup. Ainsi, à Paris, on ne peut en implanter que deux, ce qui doit vous désoler.

M. Philippe Folliot. Non, c’est pour vous que nous sommes désolés !

M. Denis Baupin. Notre conviction est qu’il faut favoriser tous les projets d’implantation.

M. Philippe Folliot. Vos propos sont contradictoires !

M. Denis Baupin. Si nous voulons que les éoliennes soient acceptées sur nos territoires comme elles le sont dans beaucoup d’autres pays, faisons en sorte de privilégier la participation citoyenne, qui passe par des projets de petite taille.

Enfin, monsieur Chassaigne, quel aveu quand vous reconnaissez que des entreprises françaises prétendument d’excellence, qui exercent leur activité dans le secteur de l’électricité depuis des années, sont en fait incapables de raccorder une seule éolienne – alors que c’est faisable sans aucune difficulté partout ailleurs dans le monde !

M. Daniel Fasquelle. Complètement à côté de la plaque !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur Baupin se livre, comme d’habitude, à la caricature…

M. Denis Baupin. Ben voyons !

M. André Chassaigne. …car il ne s’agit pas de raccorder une éolienne, mais des milliers d’éoliennes…

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

M. André Chassaigne. …chacune d’elle étant implantée séparément, ce qui va, indiscutablement, poser des problèmes techniques. Vous choisissez de tourner cela en dérision et de nous accuser d’être opposés à la planification écologique et à la transition énergétique. C’est oublier que les énergies renouvelables ne se limitent pas aux éoliennes…

M. François-Michel Lambert. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. André Chassaigne. …et que l’on peut être favorable aux énergies renouvelables sans pour autant être fanatique des éoliennes, comme vous l’êtes.

M. François-Michel Lambert. Nous ne sommes pas fanatiques !

M. André Chassaigne. Quant aux leçons que vous prétendez donner sur les élections des uns et des autres, puisque vous m’avez mis en cause, je vous rappelle que je fais partie de ceux qui ont été élus sur un territoire, à partir d’un projet, et qu’en tout état de cause, je n’ai jamais rien cédé contre un plat de lentilles – ce qui n’est pas le cas de tout le monde !

M. Daniel Fasquelle. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Les questions que pose André Chassaigne sont importantes et montrent bien que nous traitons là, au débotté, d’un sujet qui mériterait un vrai débat.

M. Yves Censi. Quant à M. Baupin, il nous fait parfois penser à Eva Joly durant la campagne présidentielle !

M. Lionel Tardy. En Allemagne, monsieur Baupin, la sortie du nucléaire va nécessiter, comme chacun le reconnaît, un renforcement du réseau électrique du pays. D’ici à 2022, l’Allemagne va devoir investir 32 milliards d'euros dans ses réseaux électriques. L’électricité produite par les éoliennes situées en mer du Nord doit, en effet, être acheminée vers les centres de consommation du sud du pays. Ce sont ainsi plus de 3 800 kilomètres de nouvelles lignes électriques, comprenant quatre grandes autoroutes électriques, qui vont devoir être installés. Ces grandes questions ne peuvent pas, à mon sens, être ainsi traitées à une heure du matin, dans le cadre d’un tel texte : elles méritent d’être examinées de façon approfondie. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

En tout état de cause, mes chers collègues, croyez bien que cette partie du texte sera rejetée par le Conseil constitutionnel.

(Les amendements identiques nos 24 et 33 ne sont pas adoptés.)

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Puisque personne ne demande la parole pour des explications de vote, je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

(La proposition de loi, ainsi amendée, est adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Lionel Tardy. Rendez-vous devant le Conseil constitutionnel !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Madame la présidente, je veux remercier l’Assemblée nationale du vote de cette proposition de loi, qui montre que l’initiative parlementaire a sa place dans la conduite de réformes importantes.

Je salue François Brottes, qui a été à l’initiative de ce texte que nous allons maintenant mettre en œuvre – je pense à l’élargissement du bénéfice des tarifs sociaux, au bonus-malus, aux mesures relatives aux énergies renouvelables. Mon ministère engage, d’ores et déjà, la préparation des décrets d’application que j’aurai plaisir à venir présenter devant la commission des affaires économiques.

Je salue également l’ensemble des parlementaires ayant pris part à la discussion, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Brottes, rapporteur. Je veux, à mon tour, remercier Mme la ministre pour son soutien sans faille et son enthousiasme. Nous avons eu, sur ce texte, de longues discussions, souvent techniques, mais passionnées. Sur tous les bancs, chacun a pu développer ses arguments – parfois à répétition, mais c’est là un exercice obligé.

Je tiens aussi à remercier les collaborateurs de la commission – car, je le rappelle, quand une proposition parlementaire émane des députés, nous avons besoin d’eux – comme d’ailleurs tous les personnels de l’Assemblée.

Je remercie également nos collègues de la majorité qui ont suivi attentivement ce texte et l’ont porté.

Nous continuerons à être à vos côtés, madame la ministre, pour réussir la transition énergétique. Le chemin est long, nous le savons. Ce soir, nous avons franchi une première étape sur le plan législatif – nous avons, en quelque sorte, procédé au lancement du premier étage de la fusée –, mais il y aura d’autres débats sur ces questions.

Je suis convaincu que nous avons raison de porter cette grande cause de la sobriété énergétique, qui permettra de réduire la précarité énergétique et la dépendance nationale en matière d’énergie, et qui permettra à la France d’être un grand pays en matière d’énergies renouvelables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 12 mars 2013 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 12 mars 2013, à une heure vingt-cinq.)