Accélération et simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement : adoption d'une proposition de loi

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Commission des affaires économiques : Accélération et simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement

Mardi 16 janvier 2024, la commission des affaires économiques a examiné puis adopté le projet de loi d’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement.

Le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres et a été déposé à l’Assemblée nationale le 12 décembre 2023. La commission des affaires économiques a désigné, le 11 janvier 2024, Guillaume Vuilletet (RE, Val-d’Oise) et Lionel Royer-Perreaut (RE, Bouches-du-Rhône) co-rapporteurs.

Le projet de loi intervient après le bilan à mi-parcours du « Plan Initiative Copropriétés » qui avait été lancé en 2008 et fait suite au rapport pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne remis fin octobre 2023 par Mathieu Hanotin et Michèles Lutz.

Le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre délégué chargé du logement ont expliqué en Conseil des ministres que le projet de loi répond au constat de délais « trop longs » dans l’élaboration et la mise en œuvre des opérations de rénovation de copropriétés dégradées, de traitement de l’habitat indigne et d’aménagement urbain : entre 5 et 10 ans pour des dispositifs de redressement de copropriétés en difficulté, 20 ans et plus pour la transformation des grands ensembles des copropriétés confrontés à des dysfonctionnements majeurs au sein d'un quartier ou la requalification de quartiers anciens dégradés, de 10 à 15 ans pour une grande opération d'aménagement type « opération d'intérêt national ».

L’étude d’impact précise que sur la base des données FILOCOM 2017, le nombre de copropriétés particulièrement fragiles était de 114 253 copropriétés (1 483 433 logements), soit 19,3% du parc étudié, avec une concentration en Île-de-France, en Rhône-Alpes et au sein de l’arc méditerranéen. À l’échelle de l’hexagone, 35,4 % des copropriétés seraient potentiellement fragiles ou présenteraient des signes de fragilité (+1,2 point par rapport à 2015).

Les rapporteurs ont expliqué en commission que l’objectif du texte est triple : « anticiper, accélérer et protéger ». Selon le Gouvernement, il s’agit de moderniser les outils à la main des collectivités et des opérateurs pour permettre une intervention le plus en amont possible ; simplifier les procédures judiciaires et administratives ; faciliter les opérations stratégiques et d’ampleur pour la réalisation ou la rénovation de logements.

Les rapporteurs ont souligné que si le texte porte des « mesures techniques » visant à lutter contre l’habitat indigne et la dégradation des copropriétés, ils précisent que le texte « doit être d’une grande praticité pour accompagner les élus de terrain » et a une philosophie simple « agir avant qu’il ne soit trop tard ».

Le texte présenté par le Gouvernement comporte 17 articles divisés en trois chapitres. Les députés ont adopté 97 amendements lors de son examen en commission.

Le premier chapitre vise à permettre une intervention en amont d’une dégradation définitive et à favoriser les opérations d’aménagement stratégique.

L’article 1er élargit le champ des travaux qui peuvent faire l’objet d’une opération de restauration immobilière en remplaçant la notion d’habitabilité par les notions de salubrité ou d’intégrité de l’immeuble ainsi que de sécurité des personnes. En commission, les députés ont introduit les notions d’habitabilité et de rénovation énergétique dans le champ des travaux (CE397, sous-amendé par le CE431).

L’article 2 crée la possibilité de recourir à des emprunts collectifs souscrits par les syndics de copropriété pour assurer le financement des travaux essentiels et de rénovation énergétique portant sur les immeubles. En commission, les députés ont étendu le champ des travaux aux travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite (CE160 et CE249), ont protégé ces fonds en les rendant insaisissables (CE256 et CE357) et ont ouvert la possibilité pour les nouveaux propriétaires de rembourser par anticipation ce prêt qui est attaché au lot (CE148). Les députés ont, par ailleurs, ajouté un article additionnel permettant aux associations syndicales libres (ou syndicats horizontaux) de souscrire un emprunt global collectif (CE435).

L’article 3 crée une nouvelle procédure d’expropriation pour les immeubles frappés par un arrêté de police, sans être pour autant dans une situation de dégradation irrémédiable, afin d’anticiper l’intervention des pouvoirs publics. En commission, les députés ont étendu les plans de relogement aux mesures d’hébergement devant être proposées aux résidents de ces immeubles frappés d’une interdiction temporaire d’habiter (CE400 et CE172). Ils ont également déduit des droits à indemnités pour expropriation les revenus locatifs perçus par le propriétaire depuis l’adoption des arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité (CE236).

Les députés ont ajouté un article par amendement offrant la possibilité aux maires de procéder d’office, aux frais du propriétaire, à la destruction d’une construction irrégulière si la mise en conformité l’exige (CE341).

En ce qui concerne le soutien aux copropriétés en difficulté, le projet de loi prévoit l’insaisissabilité des sommes versées à la Caisse des dépôts et consignation pour le compte d’une copropriété placée sous administration provisoire (article 4), le recours plus précoce à un mandataire ad hoc dans le cadre de la procédure d’alerte pour les copropriétés en difficulté (article 5). À cet égard, les députés ont imposé aux mandataires de justifier d’une formation relative aux enjeux des copropriétés en difficulté (CE324).

Les députés ont exempté d’autorisation d’urbanisme l’installation de constructions temporaires, dans la limite de cinq ans, à usage exclusif d’hébergement d’urgence des occupés délogés dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain ou de lutte contre l’habitat indigne (CE422 sous-amendé par les CE437 et CE439).

Concernant l’amélioration de l’identification des copropriétés en difficulté et la meilleure circulation de l’information, le projet de loi prévoit d’enrichir les données contenues dans le registre national d’immatriculation des copropriétés (article 8). Il consacre également l’obligation pour les syndics de copropriété d’informer les copropriétaires et les occupants de l’application d’une procédure relevant du champ de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles (article 9). Par ailleurs, les députés ont ajouté un diagnostic des équipements communs au diagnostic technique de l’immeuble (CE184), la possibilité de définir dans le plan local d’urbanisme des secteurs dans lesquels la réalisation d’un diagnostic de structure de l’immeuble est obligatoire (CE414, sous-amendé par le CE436) et ont prévu l’intégration obligatoire de tout arrêté de police spéciale en matière de lutte contre l’habitat indigne au diagnostic technique qui doit être communiqué à l’acquéreur d’un lot (identiques CE390 et CE358).

Les parlementaires ont ajouté au chapitre des dispositions permettant de mieux lutter contre les « marchands de sommeil ». Ils ont ainsi créé un premier délit puni de sept ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende pour les personnes louant un hébergement incompatible avec la dignité humaine (CE419), et un second punissant de un an d’emprisonnement et de 20 000 euros d’amende la dissimulation frauduleuse de l’absence de contrat de location écrit, notamment en refusant les moyens de paiement traçables ou de remettre des quittances (CE243).

Enfin, les députés ont ajouté quelques dispositions relatives aux relations entre les syndics et les copropriétaires en demandant au Gouvernement d’établir un modèle d’avis d’appel de fonds qui devra être utilisé par les syndics (identiques CE31, CE42 et CE81). Ils ont créé un accès numérique aux comptes de la copropriété, en lecture seule, à un membre du conseil syndical (identiques CE30, CE41, CE80, CE129 et CE220) et ont acté la dématérialisation, par défaut, de la communication entre le syndic et les copropriétaires (CE318 et CE345). Ils imposent au syndic d’organiser une assemblée générale dans un délai de quinze jours en cas de demande de résiliation du contrat de syndic par le conseil syndical dans les cas d’inexécution suffisamment grave (CE207). Ils ouvrent, enfin, la possibilité pour un copropriétaire de réaliser à ses frais des travaux d’isolation thermique de la toiture qui affecte les parties communes de l’immeuble (CE224).

Le chapitre 2 vise à accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés et les opérations d’aménagement stratégiques.

L’article 10 permet à l’opérateur chargé d’une opération de requalification des copropriétés dégradées de solliciter devant le juge la scission d’un grand ensemble ou sa subdivision en syndicat principal et syndicats secondaires. Les députés ont ouvert la possibilité pour le juge de retenir l’association syndicale libre pour gérer les espaces et équipements communs (CE411) et ont ouvert la possibilité d’utiliser la procédure de scission des copropriétés dans le cadre d’un plan de sauvegarde (CE429). L’article 11 étend la procédure de prise de possession anticipée dans le cadre de la requalification du bâti dégradé et l’article 12 sécurise l’expropriation « loi Vivien » des immeubles comprenant des locaux commerciaux. En commission les députés ont supprimé la possibilité pour le propriétaire de ne pas réaliser les mesures prescrites par l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité en cas de vacance de l’immeuble (CE212 et CE145) et ont étendu aux baux commerciaux la suspension de loyer en cas d’arrêté d’insalubrité ou de mise en sécurité (CE211).

Le projet de loi facilite la reconnaissance de l’état de carence de la copropriété (article 13) et prévoit des mesures d’accélération de la mise en œuvre d’une opération d’intérêt national (article 14).

Enfin, le chapitre 3 comprend des mesures diverses permettant de corriger des erreurs rédactionnelles dans des textes antérieurs (articles 15 et 16) et ratifiant diverses ordonnances (article 17).

Le projet de loi est examiné en séance publique lundi 22 et mardi 23 janvier 2024.

 

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