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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 12 décembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Sécurité et lutte contre le terrorisme

Présentation

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission mixte paritaire

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

Discussion générale

M. Alain Marsaud

M. Jacques Alain Bénisti

M. Gilles Bourdouleix

M. Paul Molac

M. Patrice Carvalho

M. Sébastien Pietrasanta

M. Pascal Popelin

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée

Vote sur l’ensemble

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Sécurité et lutte contre le terrorisme

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme. (n° 478)

Présentation

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés ce soir à donner une sanction définitive aux travaux qui ont accompagné la gestation, puis le vote, du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

Le texte qui nous revient après la tenue de la commission mixte paritaire, puis le vote du Sénat lundi dernier, est un texte équilibré, qui porte la marque de nos deux assemblées.

Je préciserai dans un instant quel est cet équilibre auquel nous sommes parvenus grâce aux travaux de la commission mixte paritaire. Je me borne à rappeler brièvement au préalable les origines et les raisons d’être de ce texte.

L’affaire Merah avait conduit la majorité précédente, on le sait, à mettre sur pied un projet de loi qui n’avait toutefois pas dépassé le stade du Conseil des ministres. La majorité issue du vote présidentiel puis législatif du printemps dernier a remis sur le métier ce projet, avec l’appréciation qu’il lui appartenait de porter et qui a conduit à regarder certaines dispositions comme pertinentes et d’autres moins acceptables, que ce soit au regard des principes mêmes – on songe au délit de consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme – ou au regard de l’efficacité.

Mais l’affaire Merah n’est que la partie visible d’un phénomène relativement nouveau, qu’il convenait de cerner au mieux. Il s’agit des possibilités nouvelles offertes par la communication électronique pour attirer et former ce qu’il faut bien nommer, hélas, des apprentis terroristes.

Le Gouvernement, comme le Sénat et comme l’Assemblée en première lecture, s’est montré soucieux de trouver une pleine réponse aux défis nouveaux qui sont ainsi posés à la lutte antiterroriste dans un État de droit.

À cet égard, il ne suffit pas de créer de nouvelles incriminations ; il convient de réfléchir au dispositif le plus efficace pour limiter, et s’il se peut réduire à néant, la nuisance de sites au rôle particulièrement actif.

La question de la « captation des données » par l’utilisation de logiciels espions aptes à s’introduire à distance dans les sites à raison de leur dangerosité demande que soit évaluée la pertinence de dispositifs adéquats. Le Gouvernement mène une réflexion sur ce problème afin d’aboutir à un dispositif débarrassé de tout risque constitutionnel et pourvu d’une efficacité suffisante. Votre rapporteur tient à souligner ce point.

J’en viens à présent aux dispositions résultant des travaux de la commission mixte paritaire.

Tout d’abord, la majorité des dispositions que nous avions votées ici a été maintenue, parfois sous réserve de modifications rédactionnelles ou de corrections de portée mineure. C’est le cas, à l’article 2, de la nouvelle incrimination pour délits rattachables au terrorisme commis à l’étranger, incrimination étendue, comme vous l’aviez voulu, aux personnes résidant habituellement en France.

C’est encore le cas pour les modifications portées par l’article 2 ter à la loi de 1881, étendant la prescription et la possibilité de détention provisoire en matière d’apologie du terrorisme.

C’est enfin le cas pour les dispositions bénéficiant aux victimes du terrorisme, et notamment les dispositions qui, à côté d’une mention sur l’acte de décès qui apporte assez peu, à vrai dire, aux droits que les victimes tiennent déjà de la loi, allongent le délai de prescription comme le fait l’article 2 quater A en l’alignant sur le droit commun.

Sont également maintenues dans le texte, respectivement aux articles 2 quater à 2 sexies, certaines modifications de la procédure de gel des avoirs financiers.

Enfin, à l’article 3, est maintenue une innovation proposée par le Gouvernement, consistant à créer une rubrique « Mort pour le service de la Nation » permettant de reconnaître le sacrifice des agents publics civils et militaires tués en service ou, comme les militaires de Montauban victimes de Merah, à raison de leur qualité.

Cette dernière innovation a été améliorée par le rapporteur du Sénat, et la commission mixte paritaire a adopté les modifications qu’il a proposées sur le texte voté par l’Assemblée, donnant au ministre le pouvoir et non l’obligation de reconnaître la qualité de « Mort pour le service de la Nation » ; faculté également étendue à la qualité de « Victime du terrorisme » et donnée en ce cas au ministre de la justice.

J’en viens donc aux modifications résultant de la commission mixte paritaire. Tout d’abord a été réintroduit un article 2 bis que le Sénat avait voté en première et unique lecture, qui vise à créer une incrimination spécifique de recrutement en vue de participer à un groupement terroriste ou de commettre un acte terroriste.

Votre assemblée, comme la commission des lois et comme le rapporteur, n’avait pas vu l’utilité d’une telle incrimination, déjà contenue dans celle d’association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste, et pouvant même conduire, si j’en crois plusieurs des personnes auditionnées, à affaiblir cette dernière incrimination. La commission mixte paritaire l’a toutefois réintroduite en se fondant sur ce qu’elle apportait une précision qui a paru utile à la majorité de ses membres.

Deux autres modifications sont encore et pour finir à exposer. À l’article 3, 1a procédure d’expulsion d’un étranger dont la présence porte atteinte à l’ordre public a fait l’objet d’un débat au terme duquel la commission mixte paritaire est convenue que cette procédure, telle que modifiée par le Sénat, devait s’appliquer, comme l’avait souhaité votre assemblée, à tout étranger entrant dans le champ de l’article L 522-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA – et non aux seuls étrangers susceptibles d’être regardés comme terroristes. Par ailleurs, le délai supplémentaire d’un mois laissé à l’étranger pour saisir à nouveau la commission a été réintroduit dans la loi elle-même.

Le souci d’une majorité de sénateurs, sur cette disposition, de ne pas mêler le traitement du terrorisme avec celui des questions de sécurité, semble à votre rapporteur et, comme on peut l’imaginer, à beaucoup d’entre vous, un souci légitime. Mais il ne s’agit ici que d’une disposition de pure procédure administrative, portant sur quelques dizaines de cas par an, et le fait qu’en dehors de ce cas marginal le présent projet de loi ait pour objet d’accentuer les traitements spécifiques, tant préventifs que répressifs, du seul terrorisme est la preuve même qu’il s’agit bien d’un texte ne mêlant pas des impératifs ou des questions qui sont en effet différents.

Enfin, la commission mixte paritaire a, comme le Sénat, refusé la ratification du code de la sécurité intérieure. Le point n’est pas majeur et il serait sans doute abusif d’y voir une différence d’approche, plus encore de doctrine, entre les deux assemblées quant aux modalités de ratification de codes dont elle ont déjà eu à connaître du contenu.

Qu’il me soit enfin permis, au moment où nous allons inscrire dans notre droit une loi ayant pour objet principal le terrorisme – la troisième seulement depuis 25 ans –, d’en souligner certaines caractéristiques propres.

Il est indiscutable qu’elle a été conçue dans la perspective d’une lutte plus efficace contre ce qu’il est convenu de nommer le djihadisme et en gardant le souci, je l’ai dit, de prévoir tous les moyens nécessaires de se prémunir à l’avenir contre le cyberdjihadisme.

Ce fléau permettant de démultiplier l’action terroriste à tous les stades est spécifique à notre temps. D’abord, certes, parce que les méthodes de communication électronique le servent en démultipliant ses possibilités et ses effets. Mais aussi, est-il permis de penser – c’est du moins une réflexion de votre rapporteur –, parce que ces mêmes moyens, redoutables, n’auraient pas d’efficacité s’ils ne reposaient sur un développement de formes du terrorisme à l’intérieur même de notre pays, alimentées au terreau d’extrémismes qui importent des formes de radicalité qui jusqu’ici, quelles qu’en soient les raisons, nous étaient épargnées.

Ce contexte méritait, je pense, d’être rappelé pour expliquer que le texte soit principalement dirigé contre la menace du djihadisme, élément marquant des débuts du XXIe siècle, et non contre le terrorisme interne de factions indépendantistes ou de mouvements se réclamant d’une radicalité révolutionnaire, comme nous l’avons davantage connu jusqu’aux années 80 et 90.

Sans doute les historiens diront-ils un jour que le terrorisme aura connu des formes variables aux XXe et XXIe siècles. Il reste que ce qu’il a en commun est cette position d’altérité radicale par rapport à des valeurs auxquelles nous sommes légitimement attachés. Nos valeurs républicaines doivent impérativement être défendues, porteuses qu’elles sont d’un idéal collectif pacifique né du débat raisonné. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous voici parvenus au terme du travail qui a réuni les deux chambres depuis plusieurs semaines autour du vote du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

Le ministre de l’intérieur aurait souhaité être présent parmi vous pour achever ces travaux. Il est malheureusement en déplacement…

M. Alain Marsaud. En Corse !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Non, pas du tout ! Il accompagne le Premier ministre au Maroc et il m’a demandé de vous présenter ses regrets.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions de ce projet de loi, enrichi par vos débats, ce dont le Gouvernement se félicite.

Madame le rapporteur, je tiens à saluer votre travail, dont vous venez de présenter l’essentiel, et je voudrais saluer le travail qui a été fait par la commission mixte paritaire tout entière.

Ce texte, après discussion devant les deux assemblées et leurs commissions, est conforme aux intentions initiales du Gouvernement parce que mesuré, cohérent et garant d’un équilibre indispensable entre les besoins des services opérationnels et les exigences posées par nos principes constitutionnels.

Il restera un regret, sans doute partagé avec vous, puisque l’Assemblée nationale avait suivi la position du Gouvernement : l’absence de ratification de l’ordonnance relative à la partie législative du code de sécurité intérieure. Néanmoins, il s’agit de passer rapidement sur ce point afin de souligner l’ensemble des dispositions désormais acquises au bénéfice de notre action de lutte contre le terrorisme.

Je reviendrai particulièrement sur la création d’une incrimination nouvelle de participation à des actes de nature terroriste commis à l’étranger. Je l’ai dit, le souci constant du Gouvernement a été d’être utile aux praticiens de la lutte antiterroriste. C’est le sens de la prorogation des dispositions de la loi de 2006 ; c’est aussi le sens de cette nouvelle disposition.

La menace à laquelle nous devons faire face aujourd’hui est d’autant plus complexe que les zones de tension se sont multipliées et que les apprentis djihadistes, dont vous avez parlé madame le rapporteur, font des allers et retours de plus en plus courants entre le territoire national et les théâtres du djihadisme international.

Je souhaite insister sur deux séries de nouvelles dispositions introduites lors des débats à l’Assemblée nationale.

Les premières concernent le gel des avoirs criminels. Ces dispositions seront désormais d’une grande utilité pour lutter, par le gel de leurs avoirs, contre les actions de personnes physiques ou morales qui incitent au terrorisme. De nombreux prêcheurs ultra-radicaux ont en effet une influence déterminante dans le processus de radicalisation, sans forcément participer directement à des actes terroristes.

Les secondes ont trait aux droits des victimes. Ainsi, le délai d’action des victimes d’actes de terrorisme devant le fonds de garantie prévu par l’article 9 de la loi relative au terrorisme de 1986 a été prolongé à la suite d’un amendement du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.

En outre, deux nouvelles mentions viennent désormais honorer la mémoire des victimes du terrorisme. Tout d’abord, la mention « Mort pour le service de la Nation » : le ministre compétent pourra décider que cette mention est portée sur l’acte de décès d’un militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire, ou d’un autre agent public tué en service ou en raison de ses fonctions ou de sa qualité.

L’inscription sur un monument aux morts est prévue. Vous l’aurez compris, nous pensons ici aux victimes militaires de M. Merah, aux gendarmes tués en Guyane dans la lutte contre l’orpaillage, aux victimes des attentats de Karachi.

Ensuite, la mention « Victime du terrorisme » pourra être portée sur l’acte de décès sur décision du ministre de la justice et avec l’accord des ayants droits. Ici encore, nous pensons aux victimes de M. Merah qui ont été attaquées, dans une école de Toulouse, du fait de leur religion.

Je tiens à nouveau ici, comme l’a fait lundi, au Sénat, le ministre de l’intérieur, à vous remercier pour la qualité de nos échanges, et pour l’esprit de concorde qui a régné tout au long de notre discussion. Sur ce sujet particulièrement, l’intérêt national doit primer sur toutes les postures partisanes.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Nous avons beaucoup débattu de la menace terroriste actuellement la plus forte, celle qui s’inscrit dans les mouvances de l’islamisme radical djihadiste, complexes à combattre. Cette menace cumule en effet à la fois un risque extérieur très élevé et un risque intérieur. Les itinéraires de plus en plus rapides de conversion idéologique violente de jeunes nés et ayant grandi dans nos pays européens ne doivent pas être sous-estimés.

Cette menace passe largement par internet, car le terrorisme djihadiste pense et conçoit le recours au cyberespace aussi bien comme un vecteur de prosélytisme que comme un vecteur d’organisation et de logistique. Un pas a été fait grâce à de nouvelles facilités procédurales visant à lutter contre le cyberterrorisme. Ce thème devra faire l’objet d’une réflexion globale. Nos services doivent en effet être dotés de moyens d’enquête à la mesure de la menace.

Le ministre de l’intérieur l’a rappelé tout au long des débats, la menace terroriste est protéiforme ; elle ne se résume en aucun cas à l’islam radical. La nuit de vendredi, en Corse, durant laquelle des résidences privées ont été détruites à l’explosif, est venue nous rappeler la réalité d’autres formes de menaces terroristes. Jamais la République ne tolérera ces « nuits bleues », jamais elle ne négociera avec ceux qui veulent imposer leurs intérêts par la terreur et qui camouflent bien mal des intérêts affairistes et des pratiques d’extorsion de fonds.

Tout ceci confirme la nécessité d’une réponse ferme et résolue contre la violence politique terroriste. Pour ce faire, nous avons besoin d’une législation performante mais aussi de services opérationnels agissant avec méthode, cohérence et efficacité.

Telles sont les orientations arrêtées par le ministre de l’intérieur depuis son arrivée place Beauvau. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Marsaud.

M. Jacques Alain Bénisti. Un ancien magistrat !

M. Alain Marsaud. Madame la ministre, je me rends compte qu’il aura fallu l’intervention, ô combien violente, d’un dénommé Merah – il ne me semble pas adéquat de dire M. Merah – …

M. Alain Chrétien. Vous avez raison !

M. Alain Marsaud. …pour que tout le monde en vienne à la raison. Mais quand je dis « tout le monde », je pense surtout à vous, mesdames, messieurs de la majorité.

J’ai entendu tout à l’heure la ministre déléguée nous parler de l’intransigeance du Gouvernement à l’égard des poseurs de bombes à Ajaccio et à Bastia. Sans polémiquer…

M. Philippe Baumel. C’est mal parti !

M. Alain Marsaud. …je vous rappelle pour mémoire, en ma qualité d’ancien combattant du terrorisme, que j’ai assisté à deux amnisties de votre part concernant des membres du FLNC, y compris de ceux qui avaient assassiné des gendarmes.

M. Alain Chrétien. Ce n’est pas possible !

M. Alain Marsaud. Je constate qu’aujourd’hui notre nouveau ministre de l’intérieur, sans doute plein de bonne volonté et que je crois dans sa détermination, a décidé de changer de politique.

M. Pascal Popelin. On n’a jamais dit qu’on terroriserait les terroristes !

M. Alain Marsaud. Tout cela est nouveau, et c’est tant mieux, puisque vous êtes au gouvernement ! Vous venez peut-être de trouver le chemin du réalisme, vous venez de découvrir que le terrorisme ce n’est pas véritablement du rousseauisme. J’ai entendu certains d’entre vous, au cours de mes pérégrinations, dire : au fond, le terroriste naît bon, c’est la société qui le pervertit.

M. Sébastien Pietrasanta. C’est très caricatural !

M. Alain Marsaud. Vous avez pensé cela pendant vingt ans, mesdames, messieurs de la majorité, et vous ne pouvez pas savoir quels sont ma joie, mon bonheur et ma satisfaction de voir que vous êtes enfin devenus réalistes avec ce petit projet de loi.

Mme Michèle Fournier-Armand. Il aurait fallu qu’on soit élus avant !

M. Alain Marsaud. Faisons un peu d’histoire : en 1986 a été votée la grande loi fondatrice de la lutte antiterroriste, qui a retenu la notion d’association de malfaiteurs. Ce texte a été critiqué pendant quinze ans, sur ces bancs, mais aussi dans votre presse. Or c’est le texte autour duquel nous avons construit les éléments les plus fermes de la lutte antiterroriste qui nous a permis d’avoir les meilleurs résultats. Du reste, notre législation est enviée par de nombreux pays. Pourtant, vous l’avez critiquée très fermement. Et ne parlons pas des syndicats de magistrats qui vous sont affiliés et qui sont allés raconter que l’on venait de ressusciter la Cour de sûreté de l’État.

Il y a eu des abus de langage chez vous, comme il arrive qu’il y en ait chez nous dans d’autres domaines. Mais en tout état de cause, je suis heureux de vous retrouver sur ces bancs avec le langage que vous tenez aujourd’hui.

La loi du 23 juillet 2006 dont j’étais le rapporteur n’a pas eu la chance de recevoir votre approbation, alors que, pour notre part, nous allons voter le texte que vous nous soumettez. En effet, en 2006, lorsqu’il a fallu passer au vote, le groupe socialiste et ses alliés de l’époque ont foutu le camp. Ils ne se sont pas véritablement abstenus, ils ont préféré aller ailleurs, laissant la majorité de l’époque en face de ses responsabilités. Et c’est ce qu’elle a fait, elle a pris ses responsabilités.

Le texte que nous allons voter propose des ajouts mineurs à la loi de 2006 que vous n’aviez pas votée. Pour notre part, nous allons vous accompagner en votant le présent projet de loi.

Je ne reviendrai pas en détail sur les différentes dispositions que comporte le texte, Mme la rapporteure l’ayant fait avec beaucoup de précision et avec le talent juridique qui est le sien, ainsi que Mme la ministre. Certes, il y a à boire et à manger dans ce texte, il y a des choses totalement inutiles, tout le monde ayant voulu se faire plaisir en faisant voter des amendements. Par exemple, je me souviens qu’en commission mixte paritaire nous avons eu une longue discussion sur le gel des avoirs financiers. Je sais bien que c’est le législateur de 2006 qui avait introduit cette disposition. Mais elle ne sert à rien. En effet, depuis cette date, aucune affaire concernant le gel des avoirs financiers n’a été traitée par un magistrat ou un service de renseignements parce que les terroristes n’ont pas vraiment besoin d’argent pour commettre des attentats, et nous l’avons vu.

Le texte de 2006 sur l’association de malfaiteurs permettait déjà la poursuite éventuelle de ceux qui s’en vont promener la kalachnikov entre Jalalabad et Islamabad et que l’on peut considérer comme des touristes agressifs. Et n’oublions pas que ceux qui ont été détenus par les Américains à Guantanamo et qui avaient commis exactement ce genre de délit ont été inculpés et mis en examen par la justice nationale française, ce qui veut dire que le texte de 2006 paraissait suffisant.

Bref, avec le présent texte, on se fait plaisir juridiquement en faisant des ajouts à la loi de 2006 qui, du coup, commence à devenir de plus en plus difficile à comprendre.

Il y a un élément qui figure dans ce texte et qui, s’il permet lui aussi de se faire plaisir, prévoit une reconnaissance particulière des victimes avec les mentions « Mort pour le service de la Nation » et « Victime du terrorisme ». Cette disposition a été prise à l’initiative de M. Darmanin, député de l’opposition.

Chaque année, nous nous rendons derrière l’Hôtel des Invalides pour nous recueillir avec les familles des victimes devant un monument qui a été érigé il y a une dizaine d’années. Cette année, les familles des victimes assassinées par Merah assistaient à cette cérémonie très émouvante. C’est peut-être le moyen d’être encore plus près des victimes.

Madame la ministre, mesdames, messieurs du groupe socialiste, nous vous accompagnerons dans cette affaire, car nous savons ce qu’est le terrorisme. En effet, comme notre pays a hélas ! été souvent touché, nous avons su avoir ce réalisme bien nécessaire parfois en politique. Je suis très satisfait de vous retrouver dans ce grand mouvement de réalisme aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, suite à la réunion de la CMP qui a abouti, heureusement d’ailleurs, à un accord, nous ne pouvons que saluer l’esprit du texte et son large consensus. En effet ces dispositions s’inscrivent dans la continuité des travaux menés sous l’ancienne législature à l’initiative de l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, et de son Premier ministre, François Fillon.

Les faits divers dramatiques que nous avons connus récemment à Toulouse, mais aussi l’incendie criminel du journal Charlie Hebdo, les enlèvements en Somalie par le groupuscule AQMI et dernièrement les attentats en Corse ont clairement mis à jour les menaces terroristes latentes et surtout les difficultés à les contrecarrer avant leur passage à l’acte.

Nous avons certes un arsenal législatif déjà très important mais qui nécessite d’être en perpétuelle évolution pour s’adapter aux nouvelles formes et supports qu’elle utilise. La menace que nous avons découverte avec stupeur au printemps dernier nous ordonne de renforcer la prévention et la répression.

La multiplication des sites internet et la propagande djihadiste qu’ils diffusent permettent d’attirer de nouvelles recrues. Certains jeunes sont endoctrinés, des réseaux renforcent leur puissance dévastatrice en diffusant leur propagande ou en organisant des camps d’entraînement en Afghanistan et au Pakistan. Nous ne sommes plus à l’abri, comme nous l’a démontré l’affaire Merah il y a quelques semaines.

C’est pourquoi, face au consensus qui règne sur ces bancs, nous aurions aimé que certaines propositions faites par l’opposition puissent être retenues. Nous regrettons notamment que les amendements visant à pénaliser la consultation, voire à bloquer des sites internet faisant l’apologie du terrorisme n’aient pas été adoptés, car il s’agit là d’outils redoutables et malheureusement très efficaces de recrutement et de prosélytisme.

De même, nous déplorons que l’amendement de notre collègue Mercier visant à créer une nouvelle incrimination pour tout acte de recrutement, même non suivi d’effet, en vue de participer à un acte terroriste n’ait pas été retenu au cours des débats, car les magistrats antiterroristes considéraient que cela aurait été une évolution notable et surtout utile.

Concernant la création des mentions « Mort pour le service de la Nation » et « Victime du terrorisme », je forme le vœu qu’elles soient employées à bon escient, notamment du fait de leur rétroactivité qui risque, vous le savez, de créer certains contentieux.

Les forces de police doivent pouvoir bénéficier de pouvoirs d’investigations étendus pour mener à bien leurs missions. En cela, nous ne pouvons que saluer les dispositions visant à élargir la communication d’informations couvertes par le secret bancaire et l’extension des dispositions relatives au gel des avoirs financiers des personnes qui commettent ou tentent de commettre des actes terroristes. Il est indispensable que les banques, ainsi que Tracfin, puissent transmettre aux services de l’État des informations relatives aux mouvements de fonds, afin que la décision de gel soit prise au moment le plus propice.

Enfin, madame la ministre, permettez-moi de regretter qu’aucune disposition ne traite des problèmes de prosélytisme en milieu carcéral. En effet, comme le ministre de l’intérieur, monsieur Valls, l’a très justement rappelé lors des débats, en prison aujourd’hui on construit de la récidive, de la criminalité et sans doute des réseaux terroristes.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Rassemblement-UMP soutiendront bien évidemment ce projet de loi car il s’agit d’un texte vital pour notre sécurité intérieure et extérieure.

Même si nous aurions aimé aller plus loin sur certains aspects, nous n’en restons pas moins responsables et surtout cohérents avec la ligne politique que nous avons toujours suivie ces dernières années. C’est pourquoi nous voterons ce texte sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP, UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Bourdouleix.

M. Gilles Bourdouleix. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, après une lecture au Sénat puis à l’Assemblée nationale, après un accord de nos deux assemblées sur les articles restant en discussion, nous sommes appelés à statuer définitivement sur le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

Qu’elles concernent le territoire national ou les ressortissants français à l’étranger, les menaces terroristes qui pèsent sur la France sont malheureusement bien réelles. Aussi, en débattant dans un esprit relativement consensuel, le Parlement a su témoigner de sa capacité à se rassembler lorsqu’il s’agit de donner aux forces de police et aux magistrats toutes les armes dont ils ont besoin pour lutter avec efficacité contre le terrorisme. Il a manifesté sa volonté d’assurer la protection et la sécurité de nos concitoyens.

De même, en soumettant à notre examen un texte qui, s’il n’est pas identique à celui préparé au printemps dernier par le garde des sceaux, Michel Mercier, en est néanmoins très proche, le Gouvernement démontre qu’il partage les préoccupations qui étaient celles de la majorité précédente. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette continuité. Nous serons toujours présents pour encourager les initiatives visant à anticiper les menaces que le terrorisme fait peser sur notre pays.

Je confirme en conséquence ce que j’avais indiqué en première lecture : le groupe UDI votera ce texte.

Nous le voterons d’une part, parce que notre arsenal juridique, hérité de ces trente dernières années, reconnu de tous pour sa pertinence, mérite d’être adapté aux mutations du terrorisme.

Multiplication des comportements de transition entre l’intégrisme et le terrorisme actif, développement d’internet, embrigadement d’individus souvent jeunes qui décident de passer à l’acte : les manifestations, les causes et les caractéristiques du terrorisme évoluent. Le terrorisme d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier. Nous devons donc faire en sorte qu’aucun outil, aucun moyen de détection, d’identification et de répression ne manque à celles et ceux qui le combattent.

Nous le voterons, d’autre part, parce que nous en approuvons les principales mesures.

Je pense en particulier à l’élargissement de la compétence de la justice française aux actes de terrorisme commis à l’étranger par des ressortissants français. Cette disposition se révèle être nécessaire et même indispensable si nous voulons poursuivre et condamner les Français qui se rendraient à l’étranger pour participer à des camps d’entraînement terroristes, alors même qu’aucun acte n’a été commis sur le territoire français.

Le texte qui résulte d’un accord de la commission mixte paritaire est finalement assez proche de celui que nous avions adopté au sein de notre assemblée.

En première lecture, à l’initiative de notre collègue Gérald Darmanin et du Gouvernement, le principal apport de l’Assemblée nationale a concerné la création, à l’article 6 bis, de deux nouvelles mentions à côté de celles de « Mort pour la France » et « Mort en déportation » : la mention « Mort pour le service de la Nation », qui concernera les personnes ayant fait le choix de s’engager au service de la collectivité et qui ont donné leur vie pour la France, et la mention « Victime du terrorisme », destinée aux familles des victimes du terrorisme. La commission mixte paritaire a choisi de conserver cette nouvelle disposition dans le texte, en y apportant quelques modifications.

Autre point de discussion en commission mixte paritaire, le rétablissement de l’article 2 bis, introduit par le Sénat à l’initiative du sénateur Michel Mercier, relatif à la répression de l’instigation en matière de terrorisme. Cet ajout permet de transposer une disposition de la directive relative à la lutte contre le terrorisme. La législation actuelle ne couvre pas le cas de l’individu qui cherche à recruter d’autres personnes pour une association de malfaiteurs à des fins terroristes, mais qui n’y parvient pas. Cet article a donc pour vocation de mettre notre législation en conformité avec le droit européen, en réprimant le recruteur, indépendamment de la réussite du recrutement.

J’avais évoqué en première lecture la nécessaire dimension européenne de la lutte contre le terrorisme. Elle fait partie, au même titre que la lutte contre la cybercriminalité, des nouveaux défis du XXIe siècle, qui nécessitent de mettre en place des politiques européennes coordonnées.

Le terrorisme n’a pas de frontières. Seule une réponse globale et cohérente au niveau européen, favorisant l’échange de renseignements et la coopération policière et judiciaire, peut nous permettre de lutter efficacement contre ce fléau. Il y aurait une certaine contradiction à vouloir lutter efficacement contre le terrorisme en faisant abstraction du droit communautaire. C’est pourquoi nous sommes favorables à ce que la législation nationale relative à la lutte contre le terrorisme se conforme au droit européen.

En revanche, concernant le délit d’apologie d’actes de terrorisme, le groupe UDI vous a proposé en première lecture de transférer cette infraction, actuellement définie par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, vers le droit commun. Cette proposition a été écartée par le Gouvernement ; nous le regrettons. S’agissant d’un texte largement soutenu par l’opposition, madame la ministre, nous aurions apprécié qu’un peu plus d’intérêt soit accordé à cette proposition, même s’il nous a été indiqué que le Gouvernement étudierait cette éventualité pour un futur texte.

En dépit de ces réserves, le présent projet de loi comporte, à notre sens, les dispositions nécessaires à la défense de la démocratie et de la République. Pour l’ensemble de ces raisons, les députés du groupe UDI réaffirment leur soutien à ce texte qu’ils voteront. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’ai déjà eu l’occasion de rappeler à cette tribune lors de la première lecture de ce texte que la lutte contre le terrorisme est une priorité nationale.

La menace terroriste est réelle ; le terrorisme peut s’attaquer à tous sans distinction. Notre protection est donc nécessaire, je dirais même qu’il s’agit d’une impérieuse nécessité.

Nous connaissons la détermination du ministre de l’intérieur sur ce sujet. Mais, si nous avons le devoir de mener un combat résolu contre ce fléau, nous ne devons pas pour autant agir sans prendre certaines précautions. En effet, pour être efficaces, la détermination et la fermeté doivent s’allier avec la clairvoyance et la mesure.

Rappelons que notre législation anti-terroriste est l’une des plus fermes d’Europe. Cela lui permet bien sûr d’être l’une des plus efficaces, mais elle ne laisse que peu de place au doute. À cet égard, elle peut contrevenir à certaines libertés fondamentales lorsqu’elle est utilisée à mauvais escient.

La loi anti-terroriste ne doit en effet servir qu’à la lutte contre le terrorisme. Elle ne doit pas servir à réprimer certaines idées minoritaires dans notre espace politique. Notre législation contre le terrorisme pose des exceptions au droit commun parfois nécessaires pour combattre la spécificité des crimes terroristes. Toutefois, la solution ne peut venir d’une pénalisation excessive. La loi anti-terroriste ne doit pas être dévoyée au risque notamment de devenir un instrument de lutte contre l’immigration clandestine, comme cela a été souligné la Ligue des droits de l’homme.

C’est pourquoi nous nous interrogions en première lecture sur l’utilité de la prolongation jusqu’en 2015 des dispositions concernant les contrôles d’identité à bord des trains internationaux. Ces interrogations s’exprimaient également au regard des articles 3 et 4, complétant le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En effet, on ne saurait profiter d’un texte sur le terrorisme pour renforcer le droit applicable aux étrangers.

Les interventions récentes, dans cette assemblée, de M. le ministre de l’intérieur, lors de l’examen du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour, nous ont confortés dans l’idée que ce Gouvernement adoptera une attitude différente de celle de la précédente majorité sur les sujets liés à l’immigration. Les amalgames entre terrorisme et immigration ne seront pas ceux de ce Gouvernement ; nous ne pouvons que nous en féliciter.

Nous le savons, le terrorisme a des racines profondes qu’une législation anti-terroriste ne saurait d’ailleurs pleinement prévenir. Pour lutter efficacement contre ce mal insidieux, il convient néanmoins de se donner les moyens de prévenir son émergence. L’engagement présidentiel portant sur le renforcement de la police de proximité, grâce aux zones de sécurité prioritaire, doit participer de cet effort global. Le renforcement du lien social dans les endroits déshérités, par le biais du travail, de l’école, de la vie associative, de la présence des services publics de proximité et de la lutte contre la pauvreté, sera à notre sens tout aussi utile dans la lutte contre les extrémismes.

Pour en revenir au projet de loi, je souhaite rappeler que les mesures qu’il nous est demandé aujourd’hui de proroger jusqu’en 2015 nous avaient été présentées lors de leur instauration, en 2006, comme expérimentales et non comme définitives.

Nous nous interrogions en première lecture sur la nécessité de multiplier des dispositions qui s’ajoutent à l’arsenal déjà existant pour lutter contre le terrorisme. Pour répondre à cette question, nous avions présenté un amendement demandant qu’un rapport d’information évaluant la pertinence et l’efficacité des dispositions prorogées de la loi du 23 janvier 2006 soit remis au Parlement dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi. En effet, le rapport que le Gouvernement devait remettre chaque année au Parlement sur ces dispositions n’a jamais été remis.

C’est donc avec attention que nous avons entendu la réponse de Mme la rapporteure sur notre amendement, finalement rejeté. Elle nous a rappelé que la remise d’un rapport annuel par le Gouvernement était prévue par l’article 32 de la loi du 23 janvier 2006, et que si ce rapport n’était plus remis depuis 2008, ce n’était pas faute d’une loi. Gageons que le Gouvernement saura appliquer, dès l’année prochaine, une recommandation législative dont les précédents gouvernements s’étaient affranchis ! J’espère que cela nous permettra, en 2015, lorsque la question de la prorogation de ces dispositifs se reposera inévitablement, d’y voir un peu plus clair sur leur efficacité.

Notre principale crainte concernant ce projet de loi provenait de l’innovation contenue dans l’article 2 ter, permettant la détention provisoire pour l’apologie et la provocation aux actes terroristes.

La loi anti-terroriste ne doit pas entraver de manière conséquente la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de la presse. Il s’agit de biens précieux qu’il nous faut défendre. Comme nous l’avions exprimé de concert avec notre collègue Colette Capdevielle, toute modification de la loi sur la presse doit se faire avec la plus grande précaution. La détention provisoire doit rester exceptionnelle et toujours spécialement motivée. Nous serons donc vigilants quant à l’application de cette nouvelle disposition qui doit s’inscrire dans le respect de la loi de 1881. Nous avons également bien pris note du souhait exprimé par M. le ministre de l’intérieur d’une révision de la loi de 1881 afin de mieux l’adapter aux infractions commises sur les nouveaux supports technologiques. Cela permettra, nous l’espérons, de clarifier les choses et de ne pas faire peser de menaces inutiles sur la liberté de la presse.

Au final, nous partageons le souci du Gouvernement qui veut pallier les manquements dans le suivi des candidats potentiels au terrorisme, notamment lorsque ces derniers rejoignent des camps d’embrigadement à l’étranger pour ensuite commettre leurs actes odieux en France ou ailleurs.

C’est d’ailleurs pourquoi le groupe écologiste a demandé et obtenu la création une commission d’enquête parlementaire sur le fonctionnement des services de renseignements dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés.

Comme cela a été exprimé par de nombreuses voix issues de tous bords dans cet hémicycle lors de l’examen en première lecture, il est nécessaire d’aboutir à un contrôle parlementaire des services de renseignements. Il y va de leur efficacité, mais également de l’avancée de la démocratie. Le ministre de l’intérieur avait d’ailleurs reconnu que les services eux-mêmes étaient demandeurs d’un tel contrôle. Le groupe écologiste, désireux de travailler en bonne intelligence sur ce sujet, ô combien important et difficile, compte par ce biais apporter sa contribution aux travaux déjà engagés sur ces questions, notamment grâce à la mission d’information mise en place par notre collègue Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Ainsi, la volonté impérieuse de protection de nos concitoyens, alliée à un nécessaire renforcement des contrôles des services de renseignement, et à un suivi que l’on espère efficace de l’application des lois anti-terroriste, amène le groupe écologiste à voter pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite des événements meurtriers survenus à Toulouse et à Montauban en 2012, le précédent gouvernement avait déposé, en mai dernier, un projet de loi renforçant la prévention et la répression du terrorisme.

Sans reprendre toutes les dispositions de ce texte, écartant en particulier la pénalisation de la consultation habituelle de sites internet à caractère terroriste, le projet de loi que nous examinons s’inscrit dans sa continuité. Il s’agit ainsi d’adapter notre dispositif anti-terroriste à l’émergence de nouvelles menaces, et de consolider son efficacité d’ensemble.

Or, comme l’a très récemment souligné la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, il convient de s’interroger sur l’opportunité même d’apporter des modifications à la législation antiterroriste.

En effet, force est de constater que notre législation antiterroriste a connu un renforcement graduel depuis vingt-cinq ans. Et comme le ministre de l’intérieur l’a lui-même relevé devant notre assemblée, « la législation française en matière de lutte contre le terrorisme est particulièrement complète ».

Dès 1986, il a été considéré que le terrorisme n’était pas un agissement criminel comme les autres, tant dans ses motivations que dans ses effets. La loi du 9 septembre 1986 a ainsi défini une incrimination pénale spécifique et en a tiré des conséquences procédurales particulières, notamment la compétence centralisée à Paris et une durée de garde à vue prolongée.

Après les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme a ensuite connu une accélération vertigineuse : de nombreuses mesures et décisions ont été prises à l’échelon international, communautaire et national. Notre dispositif législatif a donc été modifié pour prévoir un grand nombre de mesures exceptionnelles.

Or, si nous admettons naturellement que des circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles, la question de la ligne de partage entre l’efficacité de la législation antiterroriste et le respect des libertés publiques doit toujours être posée.

Si la nécessité de lutter contre les méthodes et les actes terroristes – qui visent « l’anéantissement des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la démocratie », comme le rappelle la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 8 septembre 2006 – n’est pas discutable, il convient en revanche de ne pas banaliser les procédures d’exception. Le développement des procédures dérogatoires et d’exception restreint inéluctablement l’état de droit et les libertés de tous.

En cette matière sensible, les moyens mis en place pour lutter efficacement contre le terrorisme doivent veiller à préserver l’équilibre entre ces mesures et le respect des libertés fondamentales et de l’état de droit.

Or, comme je vous l’ai dit, nous sommes dubitatifs quant à la nécessité même d’adapter, une nouvelle fois, notre législation antiterroriste. Nous ne sommes pas les seuls à le penser, nombre d’experts et de hauts magistrats considèrent qu’elle est suffisante.

Ainsi, M. Marc Trévidic déclarait devant la commission sénatoriale d’évaluation de la législation : « La loi française nous donne tous les pouvoirs nécessaires, et il ne me paraît pas sain de la modifier en réaction à un fait divers ». Il précisait : « De nouveaux textes nous ont donné des pouvoirs croissants ; nous ne pourrions pas aujourd’hui en avoir beaucoup plus. Nous avons à notre disposition tous les moyens d’investigation. Nous pouvons à peu près tout faire ».

De même, M. Alain Bauer a estimé que la législation n’était pas en cause : « La lutte contre le terrorisme ne se heurte pas à des problèmes techniques, ni légaux. Notre législation est riche et seuls seraient utiles quelques ajustements concernant les nouvelles technologies. »

Nous considérons, pour notre part, que notre législation antiterroriste est déjà très répressive et que la lutte contre le terrorisme doit passer avant tout par un combat contre ce qui le nourrit, à savoir la misère des peuples et leur humiliation par des comportements dominateurs. Les interventions militaires en Afghanistan, en Irak, en Libye, qui ont contribué à accroître les tensions et à développer l’insécurité, ainsi que le creusement des inégalités entre pays riches et pauvres, qui s’accentue encore du fait de la crise financière, sont les maux qui forment le terreau du terrorisme. Ce sont ces maux qu’il convient de soigner urgemment. Pour lutter efficacement contre le terrorisme, il convient également d’appréhender le phénomène dans son intégralité. Comme l’a souligné le Président François Hollande en octobre dernier, l’État doit se mobiliser pour « lutter contre toutes les menaces terroristes », tout en exprimant son « refus de tout amalgame » visant la communauté musulmane française.

À cet égard la situation en Corse apparaît particulièrement préoccupante. L’impuissance de l’État est patente, et les dispositions de ce projet de loi ne sauraient répondre aux attentats qui se multiplient sur l’île.

Aussi comprendrez-vous que nous ne puissions soutenir votre projet de loi. Le texte reprend en son article 1er les dispositions des articles 3, 6 et 9 de la loi de 2006 – déjà prorogées en 2008 – pour en demander la prorogation jusqu’à la fin de l’année 2015. Ces dispositions interfèrent directement avec l’exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux. Adoptées à titre expérimental et pour un temps limité, elles sont loin d’être insignifiantes, et la gauche dans son ensemble s’y était d’ailleurs opposée en raison de leur caractère restrictif.

Il s’agit d’abord des mesures de contrôles d’identité sur les lignes ferroviaires internationales, détournées de leur objet pour participer à la lutte contre l’immigration clandestine. Sur ce point, au regard des discriminations et des dérives liées aux contrôles d’identité, les députés du Front de gauche souhaitent une réforme globale de cette procédure. Il s’agit d’un vœu également émis par le Défenseur des droits lui-même, qui porte un regard sévère sur l’état des relations entre la police et la population dans son rapport du 16 octobre dernier « relatif aux relations police-population et aux contrôles d’identité ».

Il s’agit, ensuite, d’autoriser de manière extensive l’accès, en principe réservé à l’autorité judiciaire, des agents de police administrative à des données personnelles : communication de données d’identification ou de connexion à des services de communication électronique, accès direct à des fichiers administratifs.

En outre, la constitutionnalité de ces dispositions expérimentales, prorogées pour la seconde fois, pose question au regard de l’article 37-1 de la Constitution, qui prévoit la possibilité « pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Dans notre cas, l’expérimentation en viendrait tout de même à durer près de dix ans.

L’article 2 du projet de loi crée un nouvel article 113-13 dans le code pénal, qui permettra de poursuivre en France un délit terroriste commis à l’étranger dès lors que son auteur est de nationalité française ou réside habituellement sur le territoire français. Nous sommes sceptiques quant à l’utilité de la création de ce nouveau délit. D’une part, le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste permet déjà de couvrir la plupart des situations, l’association de malfaiteurs étant une notion très large, qui laisse beaucoup de souplesse au régime antiterroriste français. D’autre part, il est difficile de réunir les preuves concernant les activités concrètes auxquelles une personne a pu se livrer à l’étranger, d’autant plus que dans ce cas, les magistrats devront recourir à la coopération pénale internationale, dont les résultats dépendent de la bonne volonté des autorités du pays.

Concernant l’article 3 et la commission d’expulsion, nous sommes défavorables à l’instauration d’un délai impératif pour l’émission de ses avis, car cela ferait inévitablement peser négativement sur les ressortissants étrangers les conséquences des encombrements des audiences. En outre, l’introduction de la notion de rejet implicite revient à amoindrir encore le rôle de la commission, pourtant essentiel dans la garantie des droits de la défense, sachant que, depuis la loi du 24 août 1993, ses avis n’ont déjà plus qu’un caractère facultatif.

Pour conclure, les députés du Front de gauche maintiendront leur abstention sur ce projet de loi.

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.

M. Sébastien Pietrasanta. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, après de nombreux échanges fructueux entre l’Assemblée, le Sénat et le Gouvernement, nous achevons ce soir l’examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

Ce texte, que nous allons voter, est issu d’un accord intervenu en commission mixte paritaire jeudi dernier et s’est vu enrichi de plusieurs dispositions qui préservent la sécurité de nos concitoyens et nos libertés fondamentales.

C’est la synthèse de ce que le Sénat et l’Assemblée ont estimé de plus efficace et de plus utile, neuf mois après les meurtres commis à Toulouse et à Montauban par Mohammed Merah, pour lutter contre toutes les formes de terrorisme et contre le recrutement par internet, notamment le cyberdjihadisme qui embrigade nos jeunes.

Je me félicite, tout d’abord, d’une disposition fondamentale grâce à laquelle les auteurs d’actes de terrorisme perpétrés à l’étranger pourront enfin être poursuivis par la France. Actuellement, ce n’est pas possible. La jurisprudence considère que les tribunaux français sont compétents dès lors qu’un seul élément de l’infraction, par exemple le recel ou l’instigation, a été commis sur notre sol. Or ce n’est pas toujours le cas : nos tribunaux se trouvent alors démunis. Dorénavant, grâce à l’article 2, la France sera en mesure de poursuivre, selon sa loi et devant ses tribunaux, tout Français ou toute personne résidant habituellement sur le territoire français dont l’action a été menée intégralement à l’étranger. C’est une véritable extension de la compétence française en matière de lutte contre le terrorisme, qui ne se heurtera à aucun obstacle autre que la question de la preuve.

Elle s’ajoute à l’élargissement prévu de l’ensemble de la loi sur tout le territoire de la République.

Le Sénat s’est rangé, par ailleurs, à notre position concernant certaines précisions terminologiques, voire techniques. Il a adopté des mesures introduites par l’Assemblée nationale en faveur des victimes.

C’est le cas de l’article 2 quater A, dont les dispositions ont été portées par le groupe socialiste à travers l’amendement que j’ai proposé avec Mme la rapporteure. Ainsi, les victimes dont l’action civile est prescrite pourront à nouveau demander des dommages et intérêts dans un délai d’un an suivant la condamnation définitive des terroristes auteurs de leur préjudice. Ils seront prévenus de ce droit nouveau.

Parallèlement, comme l’a souhaité le Président de la République, des dispositions contenues dans l’article 6 bis permettent de saluer la mémoire, d’une part, d’un militaire décédé en service ou à raison de sa qualité de militaire – je pense aux victimes de Merah – et, d’autre part, de toute personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Les familles des victimes décédées au service de l’État verront porter sur l’acte de décès la mention « Mort pour le service de la Nation ». Leurs enfants pourront prétendre au statut de pupille de la nation.

Par ailleurs, l’acte de décès des victimes du terrorisme comportera une nouvelle mention, celle de « Victime du terrorisme ». Chacun comprendra que la barbarie du terrorisme oblige la nation française à reconnaître la particularité de cet acte de mort. Leurs enfants pourront également bénéficier du statut de pupille de la nation.

Les sénateurs comme les députés ont cependant jugé utile, compte tenu de l’automaticité de cette mention et de ses effets, d’instaurer un filtre de même nature que celui qui existe pour les militaires, les policiers ou les gendarmes, par exemple. Ce filtre, ce sera le garde des sceaux.

Il est heureux également que les deux chambres se soient accordées sur le principe de la rétroactivité au 1er janvier 2002 de ces dispositions, ce qui permettra aux victimes de Karachi et à leurs enfants d’en bénéficier.

Par ailleurs, faciliter le gel des avoirs des terroristes était une nécessité. Alors qu’il n’était pas possible auparavant, le gel, qui n’est pas une confiscation mais un simple blocage des fonds, sera possible à l’endroit des personnes fortement suspectées d’inciter, de faciliter ou de préparer des actions terroristes. C’est une disposition intelligente. On ne dira jamais assez que le financement du terrorisme est le nerf de cette guerre particulière, d’autant que ce financement est grandement facilité par la dématérialisation de l’argent, qui permet une circulation quasi instantanée de fonds, quelle que soit leur provenance, dans la sphère internationale. Bloquer ces fonds permettra d’amoindrir considérablement leur capacité de nuire.

La contrepartie de ces apports majeurs au texte a été durement négociée.

Ainsi, la création d’incriminations nouvelles telles que la notion de chantage, à l’article 2 bis A, ou de recrutement, à l’article 2 bis, a été maintenue par le Sénat.

Pour notre part, nous considérions ces notions comme inutiles, voire équivoques. Je tiens à dire ici que, pour le législateur, ces notions nouvelles constituent des précisions utiles dans la mesure où elles étendent la capacité de l’État à agir. Ces nouveautés ne sauraient atteindre ni le contenu, ni la portée, ni l’utilité de « l’association de malfaiteurs à visée terroriste », cet outil fondamental de la lutte contre le terrorisme.

Un certain nombre de précisions ont également été introduites dans la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers, ainsi qu’au droit d’asile.

Je tiens à rappeler mes propos tenus lors de la première lecture à l’Assemblée nationale pour fixer le sens que le législateur a voulu donner à ces modifications. Il est fondamental d’éviter toute confusion entre terrorisme et immigration. Cela étant, la disposition qui consiste à fixer à un mois le délai dans lequel la commission d’expulsion doit se prononcer est compréhensible. Il est inutile de laisser dans l’expectative ceux qui doivent rester en France et ceux qui ne le doivent pas.

Enfin, nous approuvons le délai supplémentaire d’un mois accordé à l’étranger qui le demande pour raison légitime. J’ajouterai cependant que cette disposition ne trouve sa pertinence que dans la mesure où les commissions d’expulsion seront effectivement en mesure de rendre des décisions motivées dans ces délais contraints.

Pour conclure, je voudrais rappeler que ce texte, qui ne comportait à l’origine que sept articles, a été plus que doublé par l’Assemblée et le Sénat.

En CMP, les échanges ont été d’autant plus approfondis que la procédure accélérée avait été déclarée, compte tenu de l’urgence de certaines dispositions. Chaque disposition a été mûrement pesée. Je tiens à remercier personnellement notre rapporteure, Marie-Françoise Bechtel, qui a porté ce texte avec une grande intelligence, le président de notre commission des lois, qui a su défendre avec abnégation le point de vue de l’Assemblée nationale, ainsi que tous les élus du groupe SRC mobilisés sur ce texte.

Ainsi, le point d’équilibre qui a été trouvé nous paraît acceptable, et nous voterons bien évidemment ce texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme va devenir loi au terme de nos échanges de ce soir.

C’est l’occasion de rappeler que ce texte s’inscrit dans une perspective plus large ; il est l’un des éléments d’une ambition beaucoup plus globale, celle de redonner à notre pays les moyens de mener efficacement la bataille contre toutes les formes d’insécurité, restaurer l’autorité de l’État et mieux protéger l’ensemble de nos compatriotes.

Dès l’élection de François Hollande à la présidence de la République et la mise en place du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, le ministre de l’intérieur a engagé le changement dans la politique de sécurité de la France.

Il a mis un terme à la saignée des effectifs de police et de gendarmerie – nous en avons débattu avec précision lors de l’examen de la mission « Sécurité » du projet de loi de finances pour 2013.

Il a engagé le déploiement des zones de sécurité prioritaires, notamment grâce aux moyens supplémentaires accordés à son ministère.

Dans un autre domaine, le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour, sur lequel nous avons travaillé hier soir fort tard dans cet hémicycle, permettra de mettre rapidement un terme au vide juridique que nous avons trouvé. Il redonnera à la France les moyens adéquats pour lutter contre l’immigration clandestine.

Même si ces mesures budgétaires et législatives n’ont pas emporté à chaque fois l’adhésion unanime de notre assemblée, j’ai observé qu’elles n’avaient pas non plus suscité une réelle opposition, au-delà des figures polémiques imposées que constituent de manière paroxysmique les séances de questions d’actualité ou, dans une moindre mesure et selon les tempéraments – n’est-ce pas, cher monsieur Marsaud ? – les interventions en discussion générale. Chacun le sait, un texte ne peut s’abstraire d’un contexte, lui-même parfois générateur de prétextes.

En tout état de cause, la loi que nous nous apprêtons à voter définitivement ce soir constitue bien un élément important de la politique de sécurité de la France. Il n’est d’ailleurs pas fortuit que, dans son intitulé, le mot « sécurité » ait été adossé à ceux de « lutte contre le terrorisme ». Cela a suscité un débat au sein de la commission mixte paritaire, en particulier lors de l’examen de l’article 3. Je me réjouis que le point de vue des députés, en parfaite harmonie avec celui du Gouvernement, ait convaincu sur ce point nos collègues sénateurs, au-delà de nos différences politiques.

Je l’avais dit, comme d’autres intervenants, lors des débats de la semaine dernière : la gravité du sujet traité exigeait que nous sachions faire preuve d’unité et de cohésion et que nous l’abordions dans un esprit de rassemblement. Nous y sommes parvenus, me semble-t-il, sans que personne renie son approche.

À chaque étape du processus parlementaire, que ce soit au sein des commissions des lois saisies au fond ou lors de l’examen en séance publique – d’abord au Sénat, puis ici à l’Assemblée nationale – les échanges ont été de qualité et ont permis une amélioration du projet initial. Cet état d’esprit a conduit à ce qu’il soit voté dans les deux chambres à l’unanimité des suffrages exprimés, dans un équilibre fondé sur le nécessaire renforcement de notre arsenal légal de lutte contre le terrorisme et le respect des libertés publiques et individuelles qui font la force d’un État de droit.

C’est avec cette même volonté de trouver un consensus qu’ont été engagés les travaux de la commission mixte paritaire réunie le 6 décembre dernier au Palais du Luxembourg. À l’issue d’une confrontation utile des approches, où sénateurs et députés ont défendu leurs positions avec conviction, notamment sur des questions de droit très pointues et très précises, nous nous sommes finalement mis d’accord sur un compromis qui ne trahit en rien, d’après moi, la nature et l’objectif que le Gouvernement souhaitait assigner à ce projet de loi.

Je pense d’abord aux éléments de nature à permettre le renforcement de notre appareil légal face à une menace terroriste en constante évolution. Les dispositions sur lesquelles nous sommes tombés d’accord – qu’il s’agisse de la possibilité légale de demander des comptes à ceux qui sont présumés avoir participé à des voyages dont l’objet n’a rien de touristique, du contrôle de certains échanges électroniques ou de la possibilité de geler des avoirs douteux – seront utiles au combat contre le terrorisme que nous entendons poursuivre avec une détermination et une efficacité accrues.

Je pense aussi au point d’accord que nous avons trouvé sur la question de la distinction à titre posthume des victimes d’actes terroristes. La possibilité, introduite par le Gouvernement, de porter sur l’acte de décès les mentions « Mort pour le service de la Nation » ou « Victime du terrorisme » répond à une attente légitime des familles. Il s’agit d’une disposition symbolique, certes, mais les symboles ont du sens. Montrer qu’une nation fait bloc face à la menace terroriste, c’est aussi savoir honorer de manière spécifique la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie l’entreprise meurtrière et lâche des individus qui en ont fait des victimes, avec pour seul projet d’attenter à nos valeurs.

Lundi, le Sénat a approuvé les travaux de la commission mixte paritaire. Il ne nous reste plus maintenant qu’à faire de même pour que ces dispositions deviennent une loi utile pour la sécurité de notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, j’ai écouté avec la plus grande attention les observations des uns et des autres. Presque unanimement, vous avez dit l’impérieuse nécessité de lutter avec une détermination sans faille contre le terrorisme sous toutes ses formes.

Je ne manquerai pas de rapporter vos propos à M. le ministre de l’intérieur qui a dit lui-même tout au long des débats que ce projet de loi devait s’inscrire dans un esprit de rassemblement. Vous y êtes parvenus – nous y sommes parvenus. Sur tous les bancs, nous partageons un même objectif : renforcer l’efficacité de notre action contre le terrorisme. Cette capacité d’action repose bien entendu sur le droit ; c’est cela, la force des démocraties.

La sérénité et le sérieux ont marqué les débats, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Au nom du Gouvernement, je veux vous en remercier.

Le ministre de l’intérieur l’a évoqué au Sénat et vous avez été plusieurs à le relever : l’évolution de la menace terroriste réclame une adaptation constante de notre droit. Nous devrons donc, dans les prochaines années, mener une réflexion sans cesse renouvelée pour maintenir une action efficace de prévention et de répression du terrorisme.

Le respect des libertés publiques constitue un impératif catégorique. Ainsi faudra-t-il envisager l’unification des régimes juridiques de la loi de 1991 et de la loi de 2006 en matière d’interception des données de télécommunications.

De même, comme vous l’avez également souligné, le contrôle parlementaire sur les activités de renseignement doit être renforcé. C’est l’objet de la mission d’information qui est en cours au sein de votre commission des lois. Le ministre de l’intérieur prendra d’ailleurs connaissance avec le plus grand intérêt des travaux que dirige aujourd’hui le président de votre commission des lois, M. Urvoas.

Enfin, les progrès inquiétants du cyberdjihadisme devront nous conduire à une réflexion globale sur les évolutions à donner à notre cadre juridique, toujours dans le respect de la liberté d’expression.

Dans ce combat contre le terrorisme, dans cette défense résolue de toutes les valeurs qui font la démocratie, vous pouvez compter sur la détermination sans faille du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, jeudi 13 décembre, à neuf heures trente :

Commission mixte paritaire sur le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement ;

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures quarante.)