Histoire et Patrimoine
Frise chronologique
Troisième République
La République radicale
La République dite « radicale » s’étend de 1898 à 1914. Elle traverse des bouleversements idéologiques, sociaux et économiques avant la Grande guerre.
Le parti radical s’implante en France à la suite de l’Affaire Dreyfus et devient la principale formation de gouvernement et de rassemblement de la vie politique française. Globalement situé entre l’extrême-gauche et la fraction centrale des républicains – les « opportunistes » –, le parti est issu de plusieurs tendances. Elles sont globalement libérales et en accord avec un capitalisme de libre-échange, anticléricales et en faveur de la séparation des Églises et de l’État, opposées à la lutte des classes mais soucieuses de réformes sociales, favorables à la propriété privée, et partagées sur l’expansion coloniale.
Les radicaux rapprochent des milieux issus de toutes les couches sociales, urbaines et rurales. Certains sont partisans d’une dose de conservatisme mais tous sont favorables à une république démocratique. Un compromis est recherché entre la bourgeoisie et les milieux ouvriers et paysans. Manifestant leur ancrage à gauche, la discipline électorale républicaine est la règle : au deuxième tour d’une élection, les partis de gauche se désistent pour celui de leur candidat le mieux placé.
De juin 1899 à juin 1902, Pierre Waldeck-Rousseau, président du Conseil d'un gouvernement de « défense et d’action républicaine », met fin à la politique d'apaisement de la République modérée. Il mène une politique de fermeté à l'égard des milieux nationalistes et remanie le haut commandement militaire. Son cabinet établit un record de longévité de presque trois ans sous la Troisième République.
Le Gouvernement s’efforce de développer la législation du travail et l’arbitrage dans le règlement des conflits sociaux. L'œuvre législative comprend la loi du 1er juillet 1901 qui reconnaît la liberté d'association sans autorisation préalable, hormis son titre III qui soumet les congrégations religieuses à une demande d’autorisation.
Les radicaux emportent les élections d'avril et mai 1902, obtenant presque autant de sièges que la droite. À la Chambre des députés, l’alliance électorale est prolongée par la « Délégation des gauches » réunissant les quatre groupes politiques qui la soutiennent : l’Union démocratique, la gauche radicale, la gauche radicale-socialiste et les socialistes.
Émile Combes, devenu président du Conseil, accentue la politique anticléricale de son prédécesseur et opte pour une interprétation restrictive du titre III de la loi de 1901. Seules cinq congrégations religieuses sont autorisées ; des expulsions sont menées contre certaines d’entre elles. La loi du 5 juillet 1904 accorde un délai de dix ans aux congrégations autorisées pour procéder à la clôture de leurs écoles. Trois mille écoles catholiques sont fermées en juillet 1902. Les relations diplomatiques avec le Saint-Siège sont rompues le 30 juillet 1904.
À la suite de dissensions internes et de protestations au sein des centres libéraux et des droites, la Délégation des gauches cesse d’œuvrer à partir de l’été 1904.
Le scandale de l'Affaire des fiches établies par l’administration préfectorale et des réseaux de renseignement recensant les opinions politiques et religieuses des officiers supérieurs de l’armée, provoque la chute du ministère Combes en janvier 1905.
Sous le Gouvernement de centre droit, laïc et libéral de Maurice Rouvier, la loi du 21 mars 1905 réduit à deux ans la durée du service militaire mais en supprime toutes les dispenses. Alors député, Aristide Briand fait voter la loi de séparation des Églises et de l'État le 9 décembre 1905.
Les élections de mai 1906 sont remportées par les partis radical et radical-socialiste qui développent la législation sociale en adoptant, le 13 juillet 1906, la loi instaurant un repos hebdomadaire de 24 heures après six jours de travail.
Georges Clemenceau (parti radical) devient président du Conseil en octobre. Il crée un ministère du travail qu'il confie à René Viviani, nomme Aristide Briand au ministère des cultes et le général Marie-Georges Picquart à la guerre, après sa réintégration dans l’armée. Des réformes sont engagées : l’unification des retraites des cheminots, la parité dans les conseils de prud'hommes…, mais le projet d'introduction de l'impôt sur le revenu, adopté par la Chambre des députés est rejeté par la commission des finances du Sénat.
Clemenceau est confronté à une vague massive de mouvements sociaux et de grèves qu’il brise très fermement. La révolte des vignerons du midi, des instituteurs et des fonctionnaires amène les socialistes à se désolidariser des radicaux. Le Gouvernement est renversé en juillet 1909.
Les divergences grandissantes entre radicaux et socialistes réduisent l’opposition entre la droite et la gauche. Une formation du centre tend à se former après les élections de 1910 mais elle est freinée par l’instabilité ministérielle marquée entre 1909 et 1914 par onze gouvernements successifs.
Raymond Poincaré (partie Alliance démocratique, centre droit) est élu président de la République en janvier 1913 contre le candidat officiel des partis de gauche, Jules Pams. En raison du coût de l’application de la loi adoptée le 7 août 1913 portant le service militaire de deux à trois ans et du programme de réarmement décidé en parallèle, un projet d’impôt annuel sur les revenus – les cédules, comprenant les bénéfices, les salaires et les dividendes –, présenté le 15 janvier 1914 par Joseph Caillaux, ministre des finances du Gouvernement de Gaston Doumergue (parti radical), est accueilli favorablement, dans un but de solidarité nationale à l’approche d’une guerre jugée inévitable. Contraint à la démission après un scandale politique d’ampleur, son successeur aux finances, René Renoult, ajourne le vote, le 19 mars 1914.
Les élections législatives d’avril et mai 1914 sont remportées par les partis de gauche. Joseph Noulens, ministre des finances dans le Gouvernement de René Viviani (parti républicain socialiste), présente au Sénat un projet de loi fiscale qui supprime les impôts cédulaires, rend facultative la déclaration de revenus, plafonne à 2% le taux de l’impôt et instaure des réductions pour charges de famille. La loi de finances est adoptée le 15 juillet 1914 et promulguée au Journal officiel le 18 juillet.
Le déclenchement de la guerre conduit à la formation d’une « Union sacrée » pour rassembler les Français et affronter les périls à venir. Cette union permet aux socialistes d’entrer au Gouvernement.