Accueil > Projet de loi de finances pour 2015 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2015) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires sociales

Commission des affaires économiques

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Vendredi 31 octobre 2014

Présidence de M. Pierre-Alain Muet,
vice-président de la Commission des finances,
de M. François Brottes,
président de la Commission des affaires économiques,
de M. Patrick Bloche,
président de la Commission des affaires culturelles
et de M. Jean-Paul Chanteguet,
président de la Commission du développement durable.

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq.

projet de loi de finances pour 2015

Recherche et enseignement supérieur

M. Pierre-Alain Muet, président. Madame la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président François Brottes. Cette année encore, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de ceux des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés aux grands organismes de recherche et à la recherche spatiale.

Les crédits dédiés à la recherche sont globalement maintenus, ce qui est louable dans un contexte budgétaire général fortement contraint. Cependant, les organismes de recherche se sentent fragilisés financièrement, et nous devons tous ensemble tâcher de rendre plus lisible et peut-être plus pérenne ce qui relève du contrat et ce qui relève de la subvention – deux sources de financement des organismes de recherche. La question des taux de succès des appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est posée, de même que celle de leur place dans les retombées du crédit d’impôt recherche (CIR), tellement indispensable et auquel je sais le président Muet très attaché.

Plus spécifiquement, le centre national d’études spatiales (CNES) m’a alerté sur la nécessité de maintenir ses crédits et ceux de la recherche spatiale en général dans la perspective du développement d’Ariane 6 et des décisions structurantes pour la filière spatiale française et européenne qui seront prises lors du conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne, le 2 décembre prochain. On nous dit que rien n’est gagné, mais il serait tout de même dommage de laisser tomber ce qui est en cours en matière de lanceurs et de satellites. Les enjeux industriels en matière d’innovation et d’emploi sont en effet très importants dans un secteur où l’Europe, parmi les leaders mondiaux, est fortement concurrencée. L’avenir de la politique spatiale européenne est d’ailleurs le thème de l’avis qui vous sera présenté par notre collègue Franck Reynier.

En fin de semaine dernière, j’étais à Rome pour étudier, avec mes homologues présidents de commissions parlementaires, la manière dont les pays européens devaient se mobiliser pour parvenir à compter sur leur territoire au moins 20 % de PME. Nos discussions ont tourné autour de trois axes : l’innovation, les coûts de l’énergie et l’accès au numérique, auxquels j’ajouterai la nécessité de construire un satellite européen pour offrir à nos entreprises l’accès à un ensemble plus large de données.

M. le président Patrick Bloche. L’examen des crédits de votre ministère en commission élargie va nous permettre une nouvelle fois d’avoir avec vous, madame la secrétaire d’État, un échange large et dynamique sur l’action publique en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Je tiens à souligner l’immense satisfaction des députés de la majorité de voir les crédits de cette mission stabilisés pour les trois années à venir, ce qui confirme la volonté du Président de la République et du Gouvernement de faire des secteurs concernés, porteurs d’avenir, une priorité.

Conformément aux engagements pris, 1 000 emplois seront créés en 2015 dans les universités, et l’emploi scientifique sera préservé dans les organismes de recherche. À cet égard, notre réunion d’aujourd’hui pourrait être l’occasion de rassurer les chercheurs qui nous ont souvent interpellés au cours de ces dernières semaines.

La commission des affaires culturelles a nommé deux rapporteures pour avis : Sandrine Doucet pour l’enseignement supérieur, avec un regard particulier sur les cycles supérieurs courts – sections de technicien supérieur (STS) et instituts universitaires de technologie (IUT) –, et Sophie Dion pour la recherche, avec la thématique spécifique de la montagne.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable a décidé, cette année encore, de se saisir pour avis des crédits qui concourent à la connaissance, à la gestion de la protection des milieux et des ressources et, d’une manière plus générale, au développement durable. À cet effet, elle a désigné deux rapporteurs pour avis : Philippe Plisson pour la recherche dans les domaines du développement durable, et Charles-Ange Ginesy – dont je vous demande de bien vouloir excuser l’absence – pour la recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources.

M. Alain Claeys , rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche. La part « recherche » des crédits de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) est marquée du sceau de la stabilité : stabilité des crédits, reconduits quasiment à l’identique, à 13,89 milliards d’euros ; stabilité de l’emploi avec le renouvellement des départs à la retraite. Cette stabilité recouvre une situation mouvante. En effet, le caractère positif du glissement vieillesse technicité (GVT) et la hausse des cotisations au compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions », d’une part, et l’application de taux de mise en réserve plus élevés pour les crédits de fonctionnement que pour les crédits de personnel, d’autre part, amènent, pour une dotation constante, la part des crédits de personnel à progresser régulièrement aux dépens des dotations récurrentes permettant aux laboratoires de mener des projets de recherche sur crédits propres. C’est ainsi que l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) n’effectue plus que le quart de sa recherche grâce à des crédits récurrents. Les organismes sont donc contraints de financer sur projet une part de plus en plus importante de leur recherche.

En 2015, les sources de financement sont au nombre de trois : l’ANR, pour 580 millions d’euros, en légère hausse ; les programmes d’investissements d’avenir (PIA), pour 1,5 milliard d’euros, dont 520 millions d’euros environ d’intérêts de dotations non consommables, et, enfin l’Europe, pour plus de 700 millions d’euros. Ces trois sources de financement représentent un peu plus de la moitié des financements de la recherche de l’INSERM.

Lors de leur élaboration, les PIA n’intègrent pas forcément les priorités ciblées par le ministère de la recherche. Je pense à l’investissement stratégique que va représenter le renouvellement de la flotte océanographique française. Pour éviter ce type de situation, les PIA ne devraient-ils pas intégrer dès leur élaboration ces priorités, et le ministère y être mieux associé ? Afin d’assurer une meilleure lisibilité stratégique des financements de la recherche, il faut trouver une meilleure articulation entre les investissements d’avenir, l’ANR et les financements européens.

Dans la recherche, les coûts indirects sont extrêmement importants. On sait qu’héberger un laboratoire lauréat d’un projet a un coût pour la structure qui l’héberge : en frais de gestion, en frais d’accueil des contractuels recrutés au titre du projet. Le nouveau programme-cadre européen de recherche et développement technologique, dénommé Horizon 2020, a fixé les coûts indirects d’un projet à 25 % de celui-ci, ce qui semble adapté pour les dirigeants des grands organismes de recherche que j’ai entendus. Or l’ANR les a fixés à 15 % – 4 % de frais de gestion et 11 % de préciput, c’est-à-dire de couverture de charges pour l’établissement hébergeur –, et seulement 4 % de frais de gestion sont alloués au titre des investissements d’avenir, les autres coûts devant être justifiés. Ces taux ne couvrent pas la totalité des coûts indirects des projets, et les organismes d’accueil sont obligés d’y affecter des crédits récurrents qui devraient être consacrés à leurs recherches.

Le problème, c’est qu’en l’absence de financement suffisant des coûts indirects, certains laboratoires pourraient refuser des financements sur projet. Sans aller jusqu’à suivre les modèles américains ou canadiens, où les montants versés au titre des coûts indirects peuvent représenter plus de 50 % du montant du projet, ne faudrait-il pas augmenter progressivement les taux jusqu’à atteindre les taux des financements européens ?

Alors que la France a participé à hauteur de 16,6 % au financement du septième programme-cadre de recherche et développement (PCRDT), elle n’en a capté que 11,3 % des crédits. Une analyse détaillée montre que le taux de réussite français, à 23,6 %, est l’un des meilleurs, celui du CEA atteignant même 31 %. Mais comment prétendre capter 16 % du financement avec 8 % de la demande totale ? À cause de la multiplication des sources de financement, des laboratoires se sont détournés des financements européens. À l’évidence, il faut simplifier les procédures pour constituer les dossiers.

Enfin, concernant les contrats de projets État-région (CPER), je suis tout à fait favorable, en tant que rapporteur spécial, au financement d’excellence, étant entendu qu’il doit être équilibré par des financements d’aménagement du territoire – c’est le rôle des CPER. Or les crédits CPER sont en chute libre.

M. François André, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Le rapport spécial que j’ai l’honneur de présenter porte sur deux programmes emblématiques de la mission : le programme 150 relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaire, et le programme 231 relatif à la vie étudiante. On peut retenir deux grandes idées concernant ces budgets : la sanctuarisation des crédits alloués à l’enseignement supérieur et la poursuite de l’augmentation des aides aux étudiants.

Pour ce qui est du programme 150, on ne peut que se féliciter de la sanctuarisation des crédits alloués à l’enseignement supérieur. Les moyens votés pour 2014 seront reconduits pour 2015, soit 12,8 milliards d’euros de crédits de paiement, dont plus de 12 milliards pour les 191 opérateurs que sont les établissements d’enseignement supérieur. Ce budget confirme donc l’effort engagé depuis 2012 pour rétablir les moyens de l’enseignement supérieur. Il prévoit, comme les deux années précédentes, 1 000 créations de postes, conformément à l’engagement du Président de la République de créer 5 000 emplois en cinq ans dans l’enseignement supérieur.

La masse salariale des opérateurs du programme doit augmenter d’environ 200 millions d’euros, selon les estimations de la conférence des présidents d’université (CPU). Environ la moitié de l’augmentation de la masse salariale sera prise en charge directement par l’État, grâce à des redéploiements de crédits internes au programme. Ces derniers sont notamment permis par la fin du chantier de reconstruction du campus de Jussieu, qui absorbait des sommes importantes.

Je constate que l’État accepte, pour la première fois, de financer une partie du solde positif du GVT des universités. Cette question faisait l’objet de discussions récurrentes entre la CPU et le ministère depuis le passage à l’autonomie. Je considère qu’un geste supplémentaire pourrait être fait en direction des établissements d’enseignement supérieur pour les aider à faire face à l’augmentation spontanée de leur masse salariale. Je proposerai un amendement pour réduire leur contribution au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Ce geste serait d’autant plus justifié que les universités ont accompli ces dernières années d’importants efforts immobiliers pour accueillir les étudiants handicapés. Quel sera l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

La seconde grande idée à retenir de ce budget est la nouvelle augmentation des aides allouées aux étudiants. Ainsi, 2,5 milliards d’euros sont prévus pour le programme 231, soit une hausse de 15 % depuis 2012. Il s’agit d’un effort sans précédent dans un contexte budgétaire fortement contraint par l’impératif de redressement des comptes publics, et qui traduit concrètement l’engagement pris par le Président de la République de placer la jeunesse au cœur des priorités de son quinquennat.

La réforme des bourses sur critères sociaux entre cette année dans sa deuxième phase. Ce soutien aux étudiants les plus précaires est une réelle nécessité alors même que, selon l’observatoire de la vie étudiante, les revenus des mères de 20 % des étudiants sont inférieurs à 750 euros par mois. La première phase de la réforme s’est traduite par la création, à la rentrée 2013, de deux nouveaux échelons de bourse, l’un en bas de barème à destination des étudiants des classes moyennes, et l’autre en haut du barème pour les étudiants les moins favorisés. La seconde phase, qui prend effet à la rentrée 2014, étend le bénéfice du nouvel échelon de bourse 0 bis à 77 500 nouveaux étudiants des classes moyennes aux revenus modestes.

Un mot sur la fin progressive des bourses au mérite, suspendue par le Conseil d’État. Sur le plan budgétaire, les bourses au mérite ne représentent qu’une quarantaine de millions d’euros sur un peu plus de 2 milliards d’euros d’aides directes aux étudiants. Il ne s’agit donc pas d’un enjeu budgétaire majeur, mais d’une question essentiellement symbolique. Durant mes travaux de rapporteur spécial, j’ai pu constater que ce dispositif fonctionnait mal en raison de l’inflation des mentions « Très bien » au baccalauréat et des pratiques inégalitaires des universités en matière de notation. La faible enveloppe allouée à l’aide au mérite rend dès lors difficile le processus de sélection des étudiants méritants. Ce système est, du reste, contesté par les étudiants eux-mêmes. La disparition programmée de l’aide au mérite s’inscrit dans le cadre de la refonte globale des bourses sur critères sociaux ; elle ne traduit pas un désengagement de l’État dans l’aide aux étudiants et ne devrait pas détériorer la condition des étudiants méritants les moins favorisés.-

Je terminerai en soulignant l’effort important accompli pour le logement étudiant avec la mise en œuvre d’un programme de construction de 40 000 logements en cinq ans voulu par le Président de la République. Où en est le déroulement de ce plan ambitieux ?

Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelle, pour la recherche. Le budget de la recherche est, pour 2015, en baisse de 61 millions d’euros en crédits de paiement. Si cette diminution ne représente que 0,4 % des moyens attribués, il s’agit en réalité d’un effort important demandé à la recherche et à ses organismes, une fragilisation supplémentaire après les précédentes réductions budgétaires décidées par le Gouvernement. Il s’agit pourtant de crédits fondamentaux pour notre développement puisqu’ils représentent un investissement qui conditionne l’avenir. Dès lors, augmenter le budget de la recherche ne revient pas à aggraver les déficits publics mais, au contraire, à engranger des bénéfices. Ce sont des investissements d’avenir tant en termes de croissance que de perspectives pour l’ensemble des acteurs : les jeunes, les étudiants, les enseignants, les chercheurs et les entreprises.

Dans un monde en mutation, stagner équivaut à reculer. Au-delà d’une baisse globale apparemment légère, la plupart des crédits diminuent significativement. Si la recherche universitaire est, en apparence, relativement préservée dans ses grandes lignes, le programme 172, « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire », programme phare de la mission puisqu’il regroupe le financement de la plupart des grands organismes de recherche, connaît une baisse nette de ses dotations. Sans maintien d’une réorientation des financements des laboratoires par le renforcement des crédits récurrents ni reprise d’un développement de la recherche sur contrat, la dotation de 2015 pour l’ANR est inférieure à celle de 2006. Dans ce contexte, quel doit être, selon vous, le rôle de l’ANR dans notre système de recherche ?

Ces faibles dotations entraînent une baisse continue du taux de réussite aux appels à projets de l’ANR. Malgré la simplification de la procédure, le temps passé par les chercheurs à instruire les dossiers complexes de financement sur contrat est de moins en moins en rapport avec les résultats potentiels. Les chercheurs croulent sous le formalisme des dossiers administratifs au détriment de leur cœur de métier. De plus, les procédures pour candidater aux appels à projets des programmes-cadres européens, dont notre pays retire d’ailleurs des ressources très inférieures à sa participation financière, sont lourdes et complexes. Comment comptez-vous renforcer la place de la recherche française dans les appels à projets européens du programme Horizon 2020 ?

Plus inquiétant, la plupart des opérateurs du programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », voient leurs moyens diminuer, ce qui semble pour le moins contradictoire avec les engagements très récemment pris par le Gouvernement en matière de transition énergétique et de croissance verte. On note d’ailleurs une baisse parallèle des crédits du programme 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », dont le premier objectif est de contribuer à améliorer la compétitivité des entreprises par le développement des pôles de compétitivité.

Cette baisse est préoccupante à plus d’un titre. En particulier, elle va se traduire par un recentrage des pôles de compétitivité autour des plus stratégiques d’entre eux, au risque de fragiliser les autres. Dès lors, quelles seront les perspectives de financement, par exemple, du pôle de compétitivité « Mont-Blanc Industries », qui accompagne les entreprises de la Haute-Savoie spécialisées dans l’activité particulièrement dynamique, innovante et mondialement connue du décolletage de la vallée de l’Arve, qui concentre à lui seul plus des deux tiers des emplois français du secteur ?

Dans de telles conditions de modération des moyens récurrents des laboratoires comme des appels à projets, le risque est grand de décourager les chercheurs. Dans un contexte mondialisé, cela peut même les conduire à s’expatrier pour aller chercher ailleurs des rémunérations plus attractives. Quelles mesures envisagez-vous pour revaloriser le statut des chercheurs ?

Le cadre budgétaire ainsi dessiné apparaît peu propice à conforter une politique audacieuse en matière d’emplois scientifiques, alors que nous sommes, dans ce domaine, à un tournant. Nous avons le choix, je le répète, entre stagner et régresser ou relancer les recrutements dans le secteur public et renforcer l’incitation au recrutement dans le secteur privé. Qu’en est-il de la prise en compte du doctorat dans les conventions collectives du secteur privé ainsi que dans les statuts de la fonction publique, comme le prévoit la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche ?

Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Je me réjouis que ce projet de budget traduise la priorité donnée par le Gouvernement à la jeunesse et au regroupement des forces vives de notre système d’enseignement supérieur. Les 1 000 postes qui seront créés l’année prochaine viendront conforter les dispositifs centrés sur la réussite étudiante et accompagner la vingtaine de projets de fusion d’universités et de communautés d’universités et établissements. Mon avis sur les crédits proposés pour l’enseignement supérieur ne pourra donc qu’être favorable.

Le thème d’investigation que j’ai choisi est directement lié à l’une des mesures phares de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche : l’institution de quotas d’accès en faveur des bacheliers professionnels et technologiques. Au-delà de la question des quotas, j’ai souhaité me pencher plus largement sur le devenir des filières technologiques courtes qui sont à la recherche de nouveaux équilibres. En effet, les STS et les IUT traversent aujourd’hui une zone de turbulences que j’ai tenté de cartographier dans le rapport que j’ai présenté mardi. Je ne mentionnerai que deux enjeux.

Le premier est la démocratisation des filières technologiques, qui suppose la correction des flux de bacheliers à l’entrée des STS et IUT. Les distorsions actuelles faussent le contrat social proposé par la nation aux jeunes issus de la voie professionnelle, trop souvent orientés par défaut à l’université où ils sont en échec. L’objet des quotas d’accès prévus par la loi ESR est précisément de réguler ces phénomènes ; leur principe reste toutefois contesté par certains formateurs et employeurs. Pour accroître la légitimité de cette politique d’orientation privilégiée, ne faudrait-il pas rendre publics les quotas, expliquer leurs modalités d’élaboration, certes complexes et diverses, et expliciter leur articulation avec le second droit d’accès aux filières sélectives, prévu par la même loi ESR, qui est destiné aux meilleurs élèves par filière de chaque lycée ?

Par ailleurs, il apparaît qu’il ne suffira pas d’ouvrir plus largement la porte des IUT et des STS à certains bacheliers pour en démocratiser l’accès ; il faudra aussi accompagner ces mêmes bacheliers vers la réussite. À mon sens, cette politique d’accompagnement devrait mobiliser une large palette d’instruments, tels que l’établissement de bilans de compétences en fin de premier semestre, l’institution de modules passerelles entre la terminale et la première année ou les deux premières années de STS, une politique d’orientation des bacheliers professionnels qui prenne en compte le fait qu’ils réussissent mieux lorsque leur lycée accueille aussi des STS dans les mêmes filières, ou encore le recours au tutorat et le développement des parcours permettant d’obtenir le diplôme universitaire de technologie (DUT) en deux ans et demi ou en trois ans. Comment comptez-vous inciter les STS et les IUT à mettre en place de tels outils ? Vous n’avez pas, je le sais, la mainmise complète sur le processus de construction des parcours et des diplômes, qui accorde une large place aux discussions entre formateurs et employeurs. Mais, pour ne prendre qu’un exemple, ne faudrait-il pas que les contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus entre les universités et leurs IUT s’emparent de la question de l’accompagnement des bacheliers technologiques vers la réussite ?

Le second enjeu est la cohérence entre la formation et les besoins des entreprises. Ici, je dois avouer que les interrogations sont très nombreuses. Les entreprises et les formateurs s’inquiètent notamment du positionnement du BTS et du DUT et de la qualité des baccalauréats qui ont été réformés en 2009-2010. Par exemple, comment faire en sorte que le BTS ne se transforme pas en « super bac pro », ce qui pourrait le dévaloriser aux yeux de certaines PME ?

Par ailleurs, que faire du DUT, dont 87 % des titulaires poursuivent leurs études au détriment des besoins de recrutement de techniciens par les industries ? Faut-il transformer certaines spécialités d’IUT en classes préparatoires aux universités ? Ne faudrait-il pas plutôt réfléchir à l’institution d’une filière technologique complète à l’université, du post-bac jusqu’à la thèse ?

Enfin, la carte des formations de « bac pro », de BTS et de DUT n’est pas toujours optimale. Il est vrai aussi que tout le monde veut avoir un peu de tout partout alors que ce n’est pas possible ni même souhaitable. Par ailleurs, l’État et les régions n’arbitrent pas toujours en faveur des mêmes priorités : le bac et l’infra bac pour l’éducation nationale, contre les formations post-bac pour les régions. Comment mettre un peu plus d’ordre et de cohérence dans tout cela ?

M. Franck Reynier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les grands organismes de recherche. Je m’étais inquiété, l’année dernière, du ralentissement de l’effort financier en faveur de la recherche. Mes inquiétudes demeurent. Le projet de loi de finances pour 2015 est, une fois de plus, en deçà de nos espérances et, dans le monde de la recherche, l’actualité est à la contestation de la baisse des moyens financiers. Alors que l’innovation est au premier plan des trente-quatre mesures pour réindustrialiser la France et des sept ambitions pour la France de la commission Innovation 2030, force est de reconnaître, à la lecture du PLF 2015, que vous n’avez pas été en mesure de concrétiser votre ambition.

Certes les crédits de paiement dédiés à la recherche, d’un montant de 7,77 milliards d’euros, sont stables par rapport à l’année dernière, et j’ai conscience que le contexte budgétaire est particulièrement contraint. Et si, pour 2015, les crédits de l’ANR, opérateur principal du financement de la recherche sur projets, sont reconduits, la situation budgétaire de l’Agence n’en demeure pas moins difficile. La Cour des comptes, dans son rapport de juin 2013 sur le financement public de la recherche, préconisait d’amplifier le financement sur projets, qui souffre d’un retard grandissant par rapport à ce qu’il est chez nos partenaires étrangers. Pensez-vous que la France pourra continuer à ne pas faire de choix, à ne pas fixer de priorité pour la recherche, et à se contenter d’amputer ou de geler les crédits existants ?

De même, le nouveau document unique de programmation de l’ANR pour 2014-2015, couplé à son mode de sélection en deux temps, s’est traduit par une réduction sensible du taux global de sélection des appels à projets de l’ANR. Ce taux global de 8,5 % seulement en 2014, contraint malheureusement de plus en plus les industriels à renoncer à participer aux appels à projets. Vous devez endiguer cette désaffection des industriels pour les projets de l’ANR qui sont pourtant l’outil privilégié de la recherche partenariale, secteur dans lequel notre pays éprouve déjà des difficultés. Par ailleurs, où en est la conclusion d’un contrat de performance entre l’État et l’ANR ?

Au-delà de ces questions fondamentales pour l’équilibre de la recherche française, je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, appeler votre attention sur certaines difficultés rencontrées plus globalement par les organismes de recherche.

Je commencerai par le problème récurrent de la réserve de précaution. Des efforts substantiels ont été demandés aux établissements et des taux semi-réduits ont été appliqués en 2014. L’application des taux normaux de 0,5 % de la masse salariale et même, en 2015, de 8 % des dépenses de fonctionnement et d’investissement les contraindrait à réduire encore la dotation affectée à leurs unités de recherche. Les établissements publics scientifiques et technologiques continueront-ils à bénéficier de taux réduits de mise en réserve ? Envisagez-vous d’en faire bénéficier l’ANR ? Qu’en sera-t-il pour les EPIC ?

Je reviendrai, à mon tour, sur les difficultés liées aux modalités des coûts de gestion induits pesant sur les établissements qui hébergent des projets issus de contrats conclus avec l’ANR. Comme ces charges fixes supplémentaires ne sont pas compensées par la prise en charge des frais généraux, ils doivent les imputer sur la subvention récurrente de l’État, ce qui a pour conséquence de réduire leurs marges financières. Augmenterez-vous la part des frais généraux de gestion et celle du préciput, comme le demandent de nombreux organismes ? Pourquoi ne pas élargir le volume des frais généraux éligibles au financement par projets, par référence aux taux mis en œuvre dans l’Union européenne ?

La question du renouvellement de l’emploi scientifique et du recrutement de jeunes chercheurs suscite également des inquiétudes. Le Gouvernement compte-t-il amplifier son effort en faveur de l’emploi scientifique dans les prochaines années ? Surtout, peut-on espérer la création d’emplois supplémentaires afin de sauvegarder le recrutement de nos jeunes chercheurs ?

La très forte diminution à venir des ressources financières dédiées aux équipements de recherche est, elle aussi, préoccupante. Elle tient à l’achèvement de la phase d’investissement du PIA 1 en 2016 et à la diminution des financements des contrats de plan État-région, mais aussi à l’absence de capacité des programmes européens à financer les investissements. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour maintenir la qualité des équipements de recherche français, support indispensable au travail et à l’attractivité des laboratoires ?

Enfin, de manière plus spécifique, je m’attarderai sur la situation préoccupante du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Le montant de sa subvention, en baisse de près de 6 millions d’euros en 2015, est inférieur de 41,2 millions d’euros à celui prévu dans le contrat d’objectifs et de performance signé avec l’État, soit une différence de 3,8 %. Pourtant, le CEA devra assumer 91 millions d’euros de charges nouvelles à l’horizon 2017. En 2014, il a déjà dû réduire de 4 % le financement de ses unités de recherche, salaires compris. Quelles mesures prendrez-vous pour pérenniser ses activités ? Envisagez-vous un dégel des crédits dans le courant de l’année 2015 ?

En outre, le financement du démantèlement et de l’assainissement de certaines de ses installations nécessitera une budgétisation de fonds de plusieurs centaines de millions d’euros. Avez-vous déjà anticipé cette augmentation significative ?

Le CEA est particulièrement attaché aux contrats à durée déterminée à objet défini pour l’embauche d’ingénieurs. Le Gouvernement entend-il pérenniser ce dispositif ? Le cas échéant, par quelle mesure législative ?

Je regrette que le Gouvernement nous présente un budget sans vision structurante pour l’avenir : il n’opère pas de véritables choix, se contentant de maintenir ou de diminuer les dotations. Nous aurions pu espérer un budget plus ambitieux pour la recherche.

M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour la recherche dans les domaines du développement durable. Dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons actuellement, je ne peux que me réjouir de la préservation relative des moyens alloués à la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, maintenus au même niveau que l’année dernière, ce qui traduit la priorité accordée par le Gouvernement à la recherche. Je proposerai donc à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de donner un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

S’agissant du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une hausse des autorisations d’engagement, de 1,13 %, et des crédits de paiement, de 0,97 %. Cette évolution est satisfaisante, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.

J’appelle néanmoins votre attention sur la situation préoccupante de beaucoup d’opérateurs du programme. En effet, à l’exception notable du CEA – dont la subvention augmentera de 7 % –, ils contribueront tous, bien que diversement, aux nécessaires économies budgétaires souhaitées par le Gouvernement.

Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) s’apprête à connaître une année particulièrement difficile avec une diminution de près d’un quart de ses subventions. Certes, depuis cinq ans, cet établissement n’a plus le statut d’opérateur de l’État puisque ses ressources sont constituées de moins de 50 % de fonds publics. Pourtant, le rôle déterminant qu’il va être amené à jouer dans la mise en œuvre de la transition énergétique, la faiblesse du taux de recherche et développement de la filière du bâtiment ainsi que les 1,8 million d’euros de gels et annulations de crédits intervenus au cours de l’année 2014, qui ont déjà sévèrement affecté ses activités, plaideraient plutôt en faveur d’un maintien de sa subvention, à tout le moins, d’une diminution moins importante. Ne serait-il pas souhaitable de relâcher la pression budgétaire qui lui est imposée afin de ne pas mettre en péril son rôle d’innovateur technologique en matière de construction, domaine crucial pour la transition énergétique ?

Je suis perplexe face à la suppression totale de la dotation budgétaire de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Certes, les subventions allouées au titre des divers programmes ne financent qu’une partie des activités de recherche de cet opérateur, de nombreux projets étant soutenus par le PIA. Toutefois, je ne peux que m’interroger sur les conséquences de cette débudgétisation sur le rôle d’animateur clef de la recherche et de l’innovation environnementales confié à l’ADEME : ses missions devraient être plutôt encouragées pour contribuer à la mise en œuvre de la transition énergétique. Les programmes financés par les investissements d’avenir relèvent surtout de l’innovation en aval de la recherche, alors que ceux qui étaient impulsés par le programme 190 concernaient principalement des thématiques amont, qui restent essentielles. L’ADEME prévoit de dégager quelques ressources issues de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour poursuivre certains de ses programmes amont, mais je crains que cela ne s’avère insuffisant.

Par ailleurs, les subventions aux programmes incitatifs, par lesquels le ministère de l’écologie mobilisait les acteurs de la recherche en amont des politiques publiques sur des thématiques émergentes pas encore traitées par les organismes scientifiques ou financées par les agences de financement de la recherche, ont été supprimées. Ces subventions, qui s’élevaient à environ 9 millions d’euros entre 2011 et 2013, permettaient une intervention efficace sur une vingtaine de thématiques prioritaires. Leur suppression à partir de 2015 ne risque-t-elle pas d’entraver la mise au point des innovations techniques nécessaires à la réussite de la transition énergétique ?

Je suis parfaitement conscient de la nécessité de contribuer au redressement budgétaire de notre pays, mais si, comme je le crois, la transition énergétique constitue l’une des priorités du quinquennat, ne faudrait-il pas envisager de répartir différemment les efforts budgétaires afin de préserver les programmes de recherche amont, indispensables à la réalisation de ce grand projet ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est stable, en hausse même de 45 millions par rapport à 2014. Depuis 2013, au-delà du simple périmètre de la MIRES, il a augmenté de plus de 600 millions d’euros, dont 458 millions ont été prioritairement consacrés à l’amélioration des conditions de vie des étudiants à travers l’attribution de bourses sur critères sociaux.

François Brottes a appelé l’attention du Gouvernement sur les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et sur la politique spatiale.

Le budget des TGIR est stable : de 277,197 millions d’euros dans la loi de finances pour 2013, il est passé à 276 millions d’euros dans la présente loi de finances, soit une différence d’un million, qui s’explique par le lissage dont ont fait l’objet les crédits alloués à la Source européenne de spallation (ESS). Pour le reste, tous les engagements seront tenus, ce qui est essentiel car la recherche fondamentale, à fort enjeu, est très présente, notamment en physique et en chimie, dans ces infrastructures. Je pense aux travaux sur l’origine du monde menés par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), mais aussi aux projets où sont associées les sciences humaines et sociales, puisque nous avons la chance d’avoir en France une recherche pluraliste. C’est une grande richesse pour notre service public de la recherche de compter des chercheurs comme Étienne Klein, à la fois physicien et philosophe.

La politique spatiale, vous le savez, m’a beaucoup mobilisée. L’Europe a une de position de leader mondial en ce domaine et, à l’intérieur de l’Europe, la France, qui regroupe la moitié des 40 000 emplois directs du secteur, occupe le premier rang. Si l’Europe a d’emblée excellé, c’est que l’un de mes prédécesseurs, le plus illustre sans doute, Hubert Curien, a su imaginer une Europe de l’espace à travers l’Agence spatiale européenne (ESA). Elle nous assure une force de frappe, même si le manque d’intégration nous oblige à consentir des efforts de compétitivité, notamment dans le domaine des lanceurs.

À mon arrivée au ministère en mai 2012, beaucoup de travail restait à faire : les industriels français ne communiquaient plus avec les agences, les acteurs de l’agence spatiale française ne communiquaient plus avec leurs homologues allemands. Nous avons dû, en quelques mois, rattraper le retard pris sur le projet Ariane 6, car depuis l’annonce de son lancement en 2008 par le Premier ministre François Fillon, aucune préparation n’avait été effectuée ni en France ni au niveau européen. Nous avons mis en place le Comité de concertation État-industrie sur l’espace (COSPACE), réunissant les industriels, les opérateurs, les agences, les clients afin de faire émerger une position française cohérente à même de convaincre nos amis et partenaires allemands. Au terme de deux jours et de deux nuits, dans le cadre de la réunion ministérielle des États membres de l’ESA à Naples, nous avons réussi à obtenir, sur le fil du rasoir, le développement d’Ariane 6, assorti d’un passage par Ariane 5 ME imposé par les Allemands. Je peux vous assurer que cela n’a pas été facile.

Nous avons poursuivi sans relâche ce travail. Nous savons que l’expertise européenne est reconnue, notamment en matière de lanceurs : Ariane est le seul lanceur à avoir connu soixante succès consécutifs. Nous savons aussi que les États-Unis ont fortement réinvesti dans le secteur spatial en usant, comme toujours, d’un prête-nom privé : SpaceX, dirigé par le séduisant Elon Musk, inventeur des voitures électriques Tesla, surcoté en bourse alors même qu’à peine 50 000 véhicules ont été vendus dans le monde. Ce faux modèle de start-up cache un très puissant soutien de la NASA. Nous sommes donc aujourd’hui confrontés à une concurrence qui s’apparente à du dumping, dans la lignée de ce qu’ont fait les Chinois avec les panneaux photovoltaïques : le lanceur est vendu sur le marché domestique américain deux fois son prix de vente à l’export, procédé qui nous est, bien évidemment, interdit par les règles européennes.

Cette compétition, les acteurs ne l’avaient pas vu venir. À mon arrivée en 2012, SpaceX m’avait été présentée comme une entreprise vouée à une existence éphémère. La puissance du soutien de la NASA et la forte volonté des Américains de relancer leur politique spatiale étaient passées inaperçues.

Face à ce phénomène, il nous fallait davantage concentrer notre industrie. Une joint-venture est en cours de montage entre Safran et Airbus Defence and Space. Il fallait, par ailleurs, accentuer l’intégration industrielle : la construction spatiale est aujourd’hui trop disséminée à l’échelon européen. Enfin, il fallait aller plus rapidement vers Ariane 6 : pour la première fois dans l’histoire de la politique spatiale, les industriels et les agences ont élaboré une proposition commune, validée par les clients. Présentée en juillet dernier, elle a été soumise à l’ensemble des États membres dans le cadre de deux réunions ministérielles informelles. Tous les États ont donné leur feu vert, sauf un ; nous avons encore des efforts à faire pour convaincre nos amis et partenaires allemands. Si les choses ne sont pas totalement réglées, le processus est plus abouti, et des progrès énormes ont été obtenus par rapport à la situation de 2012, qui était vraiment très dégradée.

Le prochain sommet de l’ESA comporte donc un gros enjeu. Même si nous n’avons pas encore obtenu un accès direct au développement d’Ariane 6, les progrès sont notables : dans la nouvelle configuration sur laquelle tout le monde s’est accordé, les développements effectués pour Ariane 5 ME serviront à l’élaboration d’Ariane 6, puisque la partie supérieure de la fusée est identique. Nous espérons tout de même convaincre nos partenaires allemands de passer directement à Ariane 6 : ce serait un fort signal adressé à nos compétiteurs américains que de montrer que l’industrie européenne est unie. Ce combat n’est pas gagné, mais nous y mettons toutes nos forces.

Que le Centre national d’études spatiales réclame des subventions supplémentaires, rien de plus normal. Il est assez rare, convenez-en, que des responsables d’organismes de recherche demandent à voir leurs subventions diminuer. Les crédits du CNES sont stables, et une grande partie est redirigée vers l’ESA. Nous avons demandé au CNES d’adapter sa configuration aux nouvelles responsabilités qui seront confiées aux industriels, auxquels nous avons demandé, dans la perspective du développement d’Ariane 6, de renforcer leur intégration et de faire des efforts de compétitivité sur les coûts, sans nuire pour autant à la qualité ou à la sûreté. Cela doit avoir pour contrepartie de les impliquer plus tôt dans la chaîne de décision, notamment en les associant à la conception. Précisons que l’organisation nouvelle qui se met en place n’enlève rien aux prérogatives du CNES et de l’ESA. L’État garde toutes ses responsabilités régaliennes en ce domaine.

L’espace est un formidable agent de développement économique : la filière ne comporte pas de sous-traitants mais des co-traitants, elle fait travailler de multiples entreprises, lève de nombreux verrous technologiques et diffuse les innovations dans l’ensemble de l’industrie, du secteur médical aux matériaux en passant par la météorologie. Aujourd’hui, si les satellites cessaient de fonctionner, nous n’aurions plus de lumière, nous ne saurions plus l’heure qu’il est, nous n’aurions plus de régulation des trains, nous ne pourrions plus procéder aux opérations chirurgicales à distance, certains pays non équipés de réseaux terrestres seraient privés de moyens de communication. Les données satellitaires permettent également de mesurer la montée des eaux et les poches de pollution, d’établir les causes de ces phénomènes et donc d’y remédier. L’espace est aussi un lieu de surveillance des activités terroristes. Perdre le leadership en matière spatiale aurait des conséquences très lourdes pour notre industrie mais aussi pour notre souveraineté, car notre dépendance à l’égard d’autres pays augmenterait. Qualité de vie, sécurité, communication, puissance de notre industrie, diffusion des innovations : l’espace a sur notre vie une incidence que nous mesurons mal.

J’ai consacré un long développement au domaine spatial, mais vous comprendrez que les enjeux qui s’y attachent le justifient.

François Brottes évoquait la réunion des présidents des commissions parlementaires compétentes en matière d’agriculture, de développement industriel et de PME qui vient de se tenir à Rome. Nous sommes tous d’accord pour dire que l’énergie et l’innovation sont des éléments clefs pour la compétitivité de nos pays. Dans un contexte où l’État procède à des limitations budgétaires, non pas tant pour se conformer aux règles européennes que pour éviter d’obérer l’avenir des jeunes générations par une charge trop lourde de la dette, la stabilité des crédits dédiés à la recherche et à l’enseignement supérieur montre que ces domaines constituent une priorité pour le Gouvernement.

J’en viens aux chercheurs, dont certains ont récemment manifesté – 1 200 pour être précise. Les chiffres sont globalement bons. Dans le secteur privé, le nombre de chercheurs augmente de plus de 5 % chaque année, tendance dans laquelle on peut déceler l’impact du crédit d’impôt recherche. Le nombre de docteurs continue d’augmenter tandis que le stock diminue. Le raccourcissement de la durée des thèses, passée en moyenne de six ans à trois ans, est plutôt une bonne nouvelle. Il faut se réjouir que les étudiants qui mènent leurs doctorats dans le cadre de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) trouvent rapidement un emploi à 98 %, et à 75 % dans le secteur privé.

Ce chiffre a son importance, car pour les débouchés du secteur public, nous sommes confrontés à deux problèmes principaux. D’une part, les sorties sont moindres. Du fait du relèvement de l’âge de la retraite et du ralentissement des départs, après ceux des baby-boomers, dans certains grands organismes comme le CNRS, les départs à la retraite ont été divisés par deux. Cette tendance est appelée à durer quatre ans et, à budget constant, cela a pour conséquence de limiter mécaniquement les entrées. D’autre part, les impacts sur la recherche de la loi Sauvadet ont mal été évalués : à budget constant, les titularisations effectuées à partir de CDD affectent, elles aussi, le nombre des entrées.

En collaboration avec les organismes de recherche, nous entendons concentrer tous nos efforts sur les jeunes et non sur les fins de carrière, comme cela a été souvent le cas dans la gestion des ressources humaines. Cela nous permettra, pour la première fois, de compenser intégralement les départs à la retraite des chercheurs, mais également des ingénieurs, techniciens, personnels administratifs remplacés seulement à 60 % au cours de ces dix dernières années.

À cet égard, je déplore que certains directeurs de recherche prétendent vouloir se consacrer uniquement à la recherche, car j’estime que lorsque l’on accepte un poste à responsabilité, on s’engage aussi à accomplir des tâches qui ne font pas partie de son cœur de métier. Ces responsables doivent aussi de se préoccuper d’être davantage présents dans les projets européens. Certes, nous avons le meilleur taux de succès pour les appels à propositions, mais nous nous situons à cinq points en dessous de notre taux de contribution. Si cette tendance se poursuivait, cela aurait pour conséquence une perte de 700 millions par an au titre du programme européen Horizon 2020, soit plus que le budget annuel de l’ANR.

La recherche française aurait tout à gagner à répondre davantage aux projets européens, d’autant que nous avons réussi à faire passer le préciput à 25 % grâce aux négociations que nous avons menées avec la précédente commissaire européenne à la recherche, Máire Geoghegan-Quinn, à la suite des difficultés rencontrées par le CNRS. En outre, nous avons mis en place toute une ingénierie d’accompagnement des équipes de recherche afin de les aider dans la recherche de contrats européens. Mieux répondre est bénéfique, non seulement pour nos finances, mais aussi pour la renommée de notre recherche : une recherche qui ne passe pas par les partenariats européens ne se voit pas reconnue internationalement.

Nous avons, par ailleurs, fait passer le préciput de l’ANR de 11 % à 15 %, et obtenu que celui des investissements d’avenir passe de 4 % à 8 %. Le niveau est encore insuffisant, je le reconnais, mais ce doublement a été difficile à obtenir, car le Commissariat général à l’investissement (CGI) craint de se voir détourner de ses missions d’investissement au profit du financement du fonctionnement. Nous avons des discussions très constructives avec son actuel président, Louis Schweitzer, après en avoir eu avec son prédécesseur. Je ne désespère pas d’aller plus loin. Cette instance accueillera peut-être des personnes issues du milieu de la recherche et de l’enseignement supérieur qui pourront sensibiliser ses membres à ces enjeux.

S’agissant du glissement vieillesse-technicité, monsieur Claeys, je soulignerai qu’il s’agit de l’un des grands ratés de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU : les salaires ont été transférés sans prendre en compte leur dynamique, ce qui paraissait pourtant élémentaire. Si les organismes de recherche avaient depuis longtemps intégré le GVT dans leur budget, ce n’était pas le cas pour les universités, qui ont été, de ce fait, mises en difficulté. Cela explique qu’à mon arrivée, dix-huit d’entre elles étaient en déficit, et même dix en double déficit. Elles ne sont aujourd’hui plus que huit à être dans le premier cas, et cinq dans l’autre, grâce à un travail soigneux d’accompagnement et de formation. Désormais, le GVT est pris en compte à hauteur des deux tiers dans le socle budgétaire et non plus dans les frais de gestion, ce qui était source d’incertitudes.

Nous avons également pris en charge la compensation de l’exonération boursière, par quart sur quatre ans, afin de ne pas pénaliser les universités qui accueillent davantage de boursiers que d’autres. C’est le cas des universités que l’on appelait de manière méprisante « universités de proximité », qui ont permis à des jeunes, qui ne se seraient jamais déplacés vers une grande métropole pour suivre des études, d’engager un premier cycle d’études universitaires.

Pour ce qui est de l’ANR, son budget a été stabilisé à un juste niveau. Il faut rappeler que lors du quinquennat précédent, il y a eu un passage trop brutal du tout-crédits récurrents à une frénésie d’appels à projets, qui explique en partie la désaffection pour les projets européens, car les chercheurs étaient trop occupés à répondre aux appels nationaux. Jamais l’ANR ne réussissait à dépenser le budget annuel qui lui était alloué. À mon arrivée, j’ai donc procédé à un toilettage budgétaire pour mettre fin à l’empilement de projets non réalisés. Nous avons voulu redonner à l’Agence la capacité de réaliser ses projets : elle est dotée d’un budget supérieur à 580 millions par an. Par ailleurs, nous avons modifié sa gouvernance afin qu’elle se coordonne davantage avec le ministère et le CGI. Dans une période où les crédits doivent être optimisés, nous avons le devoir d’encourager une meilleure intégration : les organismes ne sont plus en concurrence les uns avec les autres, comme c’était le cas à mon arrivée ; ils travaillent de manière coordonnée, dans l’intérêt général. Tout cela permettra aussi de mieux flécher les priorités, dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche que nous sommes en train de finaliser, en concertation avec l’ensemble des alliances de recherche.

Je mentirais si je vous disais que j’étais satisfaite de la proposition – non officielle – sur les CPER, laquelle prévoyait 950 millions, soit 50 % du réalisé précédent, et s’étendait sur cinq ans, au lieu de sept. J’ai demandé à ce qu’elle soit réévaluée. Il est urgent d’adresser un signal à la recherche et à l’enseignement supérieur, à l’heure où l’on remodèle les régions. Nous avons mis toute notre conviction dans la balance et les présidents de région se sont fortement mobilisés.

Je soutiendrai l’amendement de M. André visant à réduire la participation des universités au FIPHFP. Celles-ci ont consenti des efforts importants, notamment dans le cadre du plan Campus, initiative intéressante que le tout-partenariat public-privé avait quelque peu gelée. Nous avons réduit ce dispositif juridique, qui ne concerne plus que 38 % des projets, les plus complexes. Nous avons aussi fluidifié les procédures. Dans les réhabilitations comme dans les constructions neuves, l’accessibilité aux étudiants et aux personnels en situation de handicap est désormais acquise.

Sur le statut du doctorant, j’ai engagé un travail de fond avec les grands corps. Il y a quinze jours, le Conseil d’État, que j’avais sollicité pendant plusieurs mois, a accepté de faciliter l’accès des docteurs à la haute administration publique. La mesure permettra d’offrir des postes aux docteurs – en petit nombre, il est vrai – et apportera une diversité culturelle au plus haut niveau de la fonction publique. Il n’était pas normal que chaque grand corps reste propriétaire d’un secteur donné, dans un monde où il faut être créatif et trouver des solutions nouvelles à ces nouveaux enjeux que sont la mutation climatique, l’accès aux ressources et la lutte contre les pandémies. L’introduction de docteurs en sciences dures comme en sciences humaines et sociales dans la haute administration favorisera la diversité des cultures et la créativité.

Par ailleurs, une discussion est en cours avec le MEDEF et la CGPME. J’ai mobilisé les grandes entreprises, comme Schneider Electric ou Capgemini, avec lesquelles j’ai signé plusieurs conventions prévoyant l’accueil de docteurs, soit en convention CIFRE, soit en formation universitaire. Dans ce domaine, la France connaît un important décalage avec le reste de l’Europe. Chez nous, le secteur privé, qui finance 63 % de la recherche, accueille 60 % des chercheurs mais seulement 25 % des docteurs, signe que la dualité entre les écoles d’ingénieurs ou les grandes écoles et l’université a une incidence directe sur l’embauche. Dès la première année, les doctorants doivent être conscients que la thèse ne conduit pas uniquement à la recherche publique. Les docteurs sont aptes à formaliser la réflexion. Ils sont autonomes. Ils savent se remettre en cause et apporter des idées nouvelles et créatives. Autant de qualités aussi nécessaires à l’administration nationale ou territoriale qu’à l’industrie. Je me réjouis que notre démarche inédite suscite une large adhésion. Je compte que vous la soutiendrez auprès des syndicats et des organisations.

Madame Doucet, nous avons engagé l’orientation prioritaire des titulaires d’un baccalauréat professionnel ou technologique vers les filières préparant au BTS ou au DUT. La situation étant trop hétérogène, d’un territoire à l’autre ou d’un domaine à l’autre, pour que nous fixions des quotas, nous avons chargé les recteurs de négocier avec les proviseurs, les présidents d’université ou les directeurs d’IUT. Les résultats ne se sont pas fait attendre. En deux ans, le nombre de titulaires d’un bac professionnel accueillis dans les sections de technicien supérieur (STS) a augmenté de 11 % et celui des lauréats d’un bac technologique accueillis dans les IUT, de 5 %.

Ces résultats ne sont cependant pas suffisants. Alors que le nombre de titulaires du bac général est stable, celui des titulaires du bac technologique diminue et celui des titulaires du bac professionnel augmente. Or ceux-ci ne sont pas tous aptes à suivre un enseignement conceptuel. Aider ces bacheliers à poursuivre leurs études après le bac est un nouvel enjeu, dans un monde où l’industrie cherche du personnel de plus en plus qualifié et recrute couramment des techniciens à bac plus trois.

Nous avons engagé un travail avec la conférence des présidents d’université. Le premier obstacle à lever était celui de l’orientation. Nous sommes fiers d’avoir été les premiers à agir dans ce domaine. Il faut aussi construire une filière professionnelle, du lycée au doctorat, qui donne une visibilité aux métiers de l’industrie ou du service à l’industrie, qui représentent la moitié des emplois industriels. À défaut, le pacte productif, qui vise à reconstruire l’industrie ou à créer de nouvelles filières dans les secteurs porteurs, restera purement incantatoire.

L’innovation pédagogique est un autre chantier. Le numérique peut aider des jeunes possédant un bac professionnel ou technique à réussir à l’université. Dans le système pédagogique français, basé sur l’apprentissage conceptuel, on ne tire pas de leçons de ses erreurs et l’on n’apprend pas par itération. Pour aider les titulaires du bac professionnel, souvent issus de milieu peu favorisés, à réussir, il faut adapter nos méthodes à leur profil, par exemple en proposant une licence en quatre ans ou une remise à niveau, comme le font certains pôles universitaires. La question, essentielle sur le plan social et économique, a été soumise aux communautés d’universités et d’établissements (COMUE).

L’université, qui dispense les meilleures formations – au sens où elles sont irriguées par la recherche –, ne reçoit que 3 % des 32 milliards consacrés à la formation professionnelle. C’est assurément une anomalie française. Les universités doivent développer une offre adaptée, plus courte, pas nécessairement diplômante et plus professionnalisante, et les régions doivent davantage se tourner vers elles. La formation tout au long de la vie concernera un nombre croissant de salariés, car les métiers auxquels nous formons les étudiants auront changé dans dix ans, sous l’effet des mutations technologiques ou sociologiques.

J’ai simplifié l’offre des masters, réduisant le nombre d’intitulés de 5 800 à moins de 400, ce qui rend l’offre universitaire plus lisible et facilite le recrutement des jeunes diplômés ou des docteurs par les entreprises. Le nombre de licences générales est tombé de 1 800 à 150 et nous diminuons en ce moment le nombre de licences professionnelles, ce qui contribue à l’efficacité et à la lisibilité de notre système de formation.

Je l’ai dit, il est essentiel de participer aux projets européens, moins pour des raisons financières – encore qu’une dotation annuelle de 700 millions ne soit pas à négliger – que pour nouer des partenariats avec les autres États, ce qui permet de poursuivre des politiques spatiales plus intégrées et de rendre les politiques européennes plus fluides.

Le secrétariat d’État de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a pas réduit ses subventions aux recherches sur le développement durable. Les diminutions que vous évoquez ont été décidées par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Celui-ci a baissé le montant de ses subventions à l’ADEME parce qu’elle dispose d’autres ressources, qui lui permettent de conserver un budget constant.

La subvention au CEA n’a pas augmenté, mais il a fallu financer les investissements non budgétés, qui découlent des mesures post-Fukushima préconisées par l’Autorité de sûreté nucléaire. Un changement d’assiette est intervenu par ailleurs. Ces facteurs étant pris en compte, le budget du CEA est stabilisé. Il est conforme sinon au COM, du moins au plan de développement à moyen et long terme (PMLT), sur lequel nous avons travaillé pendant dix-huit mois avec les responsables de l’instance. Le prochain administrateur général, dont le mandat commencera en janvier, négociera avec chacune de ses administrations de tutelle la part du COM qui en dépend. Il est vrai que le COM précédent n’était pas cohérent avec le PMLT, et que cela pose un problème de visibilité.

La recherche, qui bénéficie de moyens constants, doit s’organiser plus efficacement, ce à quoi visent les regroupements que nous avons mis en place. Certaines unités mixtes de recherche dépendent de trois tutelles différentes en matière de ressources humaines et de logistique. D’autres ont quatre systèmes informatiques différents. Est-ce le meilleur moyen d’optimiser leur gestion ? Il faut gagner en cohérence et, sans brutalité, homogénéiser les moyens généraux.

Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) relève de l’autorité de Mme Royal. J’observe que la volonté de rénovation thermique est très forte. Des industriels français développent des logiciels intelligents permettant, pour un coût réduit, d’éteindre l’électricité à distance ou de ne mettre le chauffage en route que lorsqu’on en a besoin, ce qui permet des économies spectaculaires. Des expérimentations ont été menées ; il est temps d’aller plus loin.

M. Emeric Bréhier. Je ne vous surprendrai pas, madame la secrétaire d’État, en annonçant que le groupe socialiste votera les crédits de la MIRES. Je tiens toutefois à formuler deux réserves.

Si grand que soit votre désir de renforcer l’intégration professionnelle des docteurs, le Conseil d’État a récemment remis en cause les mesures relatives à la haute fonction publique, prévues par la loi de juillet 2013. À ses yeux, la formation et le statut de docteur ne sauraient constituer un avantage permanent et décisif dans l’accès aux carrières ou dans leur déroulement. Voilà qui inspire quelques doutes sur le désir qu’à la haute fonction publique de prendre ce diplôme en compte. Les docteurs pourront du moins être accueillis dans l’industrie, puisque 1 400 CIFRE seront signés en 2015. Bénéficieront-ils de l’intérêt des administrations locales ?

Par ailleurs, je regrette que la baisse des crédits d’investissement alloués à des opérations de grosse maintenance risque d’empêcher la réhabilitation, pourtant indispensable, des espaces non concernés par le plan Campus.

M. Patrick Hetzel. Le budget de la mission soulève plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses. Comme en 2013 et en 2014, le montant accordé à la recherche par projets est en deçà du seuil critique. Les bourses au mérite, déjà réservées aux boursiers sur critères sociaux, sont supprimées, signe que le mérite républicain n’est pas au cœur de vos préoccupations. Votre budget manque de souffle, alors que l’enseignement supérieur et la recherche sont des secteurs stratégiques.

Selon le dossier de presse, l’optimisation de la gestion financière de l’enseignement supérieur contribuera à hauteur de 100 millions au redressement des finances publiques. Autant dire que le Gouvernement met le secteur à la diète et que les crédits ne sont pas sanctuarisés.

Qu’en est-il de la création des établissements privés d’enseignement supérieur d’intérêt général, prévue par la loi de juillet 2013 ?

Où en est l’exécution budgétaire de 2014 ? Les établissements auront du mal à boucler leur budget cette année. Allez-vous procéder, comme vous l’avez fait les années précédentes, à la levée de la mise en réserve, tant pour le volet masse salariale que pour le volet fonctionnement ?

Mme Isabelle Attard. Pourquoi ne souhaitez-vous pas revoir l’attribution du crédit d’impôt recherche, comme le demande la Cour des comptes ? Si l’État ne contraint pas les entreprises éligibles à orienter leur activité vers tel ou tel domaine, décision qui relève de leur seule responsabilité, les universités et les organismes de recherche sont tenus de soumettre leur demande à l’ANR, qui, dans certaines disciplines, en rejette plus de 95 %. Ce chiffre n’est-il pas éloquent ?

Par ailleurs, ce n’est pas parce que les organismes sont autorisés à recruter qu’ils ont les moyens de le faire. En 2013, plus de 4 700 emplois, pour la plupart de titulaires, sont restés vacants dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST).

M. Gabriel Serville. Le budget affiche une hausse de 0,3 %, mais, fondé sur une prévision d’inflation de 0,5 %, il risque de se révéler insuffisant. L’an dernier, j’avais fait part de l’inquiétude que m’inspirait le climat tendu régnant au sein de l’université des Antilles et de la Guyane. Un an plus tard, chacune de ses antennes est devenue un établissement de plein exercice. Je salue votre courage qui a permis, grâce à l’action des universitaires, des étudiants et de la population, l’avènement de ces formidables outils d’émancipation intellectuelle en faveur de la jeunesse.

La création de 1 000 nouveaux postes est une bonne nouvelle, s’ils sont attribués en fonction du besoin réel des territoires. Confirmez-vous que soixante d’entre eux sont destinés au nouveau pôle universitaire de la Guyane, lequel pourra élargir son catalogue de formation encore timoré et accueillir une population étudiante particulièrement dynamique ? Est-il exact que quinze de ces postes seront opérationnels dès janvier ?

J’accueille avec enthousiasme l’annonce du passage de 77 500 boursiers de l’échelon 0 à 0 bis, ce qui donnera un coup de pouce inattendu aux jeunes issus de milieu modeste.

Ma dernière question porte sur le secteur spatial, fondamental pour l’économie guyanaise, puisqu’il emploie un tiers de la masse salariale privée. Il y a quelques jours, la Cour des comptes a rendu un rapport très critique sur l’Agence spatiale européenne. Le taux d’intermédiation prélevé sur la contribution française au développement du centre de Kourou a presque triplé en dix ans, alors que le coût total des programmes a baissé. La politique spatiale est trop coûteuse et profite exagérément aux autres pays : la France assume seule 60 % des coûts du programme Ariane et 80 % de ceux du centre spatial guyanais.

J’ai entendu votre engagement de maintenir notre niveau d’excellence dans ce domaine. Je sais aussi que le combat n’est pas gagné d’avance et que vous entendez renforcer le partenariat avec l’Allemagne. Cependant, en ces temps de restriction budgétaire, que pensez-vous de l’implication financière des autres pays de l’Europe spatiale ?

M. le président Patrick Bloche. Quand elle a adopté à l’unanimité, au mois de juillet dernier, le rapport sur la création architecturale, la commission des affaires culturelles a fait siennes les dix préconisations du rapport Feltesse. Elle a formulé une proposition visant à donner aux enseignants des écoles supérieures d’architecture le statut d’enseignants-chercheurs. Elle souhaite promouvoir le regroupement des laboratoires de recherche, ainsi que le développement d’équipements mutualisés de recherche sur le territoire. La recherche étant un enjeu majeur en architecture, je pense que vous n’êtes pas insensible à ces vœux, qui intéressent aussi le ministère de la culture.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Bréhier, votre rapport nous a été utile quand nous avons réfléchi à l’insertion professionnelle des docteurs. L’industrie française en emploie quatre fois moins que l’industrie allemande, ce qui explique peut-être que la gamme de nos produits et de nos services industriels soit moins élaborée que celle de nos voisins. Si les ingénieurs excellent dans l’innovation incrémentale, qui vise à améliorer collectivement les processus de fabrication ou les services, les docteurs, même en sciences fondamentales, apportent des innovations de rupture, d’un retour sur investissement six à sept fois supérieur. Il est donc essentiel que nous nous efforcions de leur donner une place dans le privé.

Nous devons aussi convaincre la haute administration publique de les accueillir. En 2012, de manière candide, je m’imaginais qu’il suffirait pour y parvenir de prendre un décret. J’ai compris qu’il fallait négocier au corps à corps et corps par corps. Nous avons persuadé le Conseil d’État, ce qui était essentiel pour enclencher le mouvement. Sa seule restriction – sur laquelle on s’est trop focalisé – porte sur le déroulement des carrières.

Les industries ne réagissent pas différemment. Hier, des responsables de Schneider Electric m’ont expliqué que, s’ils embauchaient des docteurs au titre des CIFRE ou au terme de leur parcours universitaire, ils s’intéressaient surtout au potentiel de chaque employé, qu’il soit ingénieur, docteur, commercial ou technicien. Je note d’ailleurs que le président de cette grande entreprise internationale, extrêmement performante, n’est pas issu des grands corps.

Nous sommes donc vraiment très attentifs à la situation des docteurs ; en particulier, nous agissons fortement pour que la baisse de recrutements ne soit pas trop importante. Le nombre de chercheurs, je le redis, n’a cessé de croître – la hausse est de 10 % au cours des dix dernières années, public et privé confondus. Il en va de même pour les enseignants-chercheurs. Sans les mille créations de postes, je ne sais pas où nous en serions aujourd’hui ! De plus, ces postes sont fléchés sur nos priorités : premier cycle, numérique, innovation pédagogique, mais aussi relations avec les milieux socioéconomiques – les étudiants sont particulièrement attachés au renforcement des liens, sous forme de stages ou de formation en alternance par exemple, avec le tissu économique, les entreprises, les associations.

Il y a eu des gels de postes, c’est vrai, mais cela a toujours existé et la situation ne s’est pas aggravée. Au contraire, nous constatons un redressement des universités. Ainsi, l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, qui avait accumulé tous les dysfonctionnements possibles – partenariats public-privé mal négociés, recettes non avérées mais dépensées, entre autres – aura une trésorerie positive en 2015. C’est bien là le résultat d’un travail non dogmatique, mené sur le terrain. C’est aussi la preuve qu’il faut donner aux universités les moyens de leur autonomie, notamment par la formation des personnes qui doivent la mettre en œuvre.

Si l’on voit une baisse des investissements, c’est parce que les travaux de Jussieu, qui coûtaient 100 millions d’euros par an, sont terminés. Nous avons, en revanche, relancé le plan Campus. Laissez-moi vous dire ma satisfaction de poser des premières pierres et d’inaugurer, en ce moment, des bâtiments neufs, à Bordeaux, à Lyon, à Marseille, à Grenoble, à Strasbourg, en Île-de-France. Le financement de ces projets a été diversifié, ce qui est très heureux : l’État, les régions, la Caisse des dépôts, les établissements eux-mêmes ont investi.

Monsieur Hetzel, vous évoquez la suppression des bourses au mérite. Mais, la méritocratie républicaine, c’est de permettre à davantage de jeunes issus des milieux modestes d’accéder à des diplômes de l’enseignement supérieur, ce qui multipliera par cinq leurs chances d’insertion professionnelle ! Aujourd’hui, notre système reproduit, aggrave même, les inégalités sociales : alors que 23 % de la population active appartient aux catégories modestes, c’est le cas de 13,5 % seulement des étudiants en première année d’université, de moins de 9 % des étudiants en master et même de moins de 5 % des doctorants. Les chiffres des grandes écoles sont encore plus déprimants. C’est donc tout un système qu’il faut remettre d’aplomb, tout un parcours de réussite scolaire qu’il faut rétablir. Tous ceux qui ont enseigné le savent : les inégalités se construisent dès le CP. C’est pourquoi nous avons apporté des moyens nouveaux à l’école élémentaire, rétabli la formation des enseignants, très fortement réduite lors du quinquennat précédent, et créé des postes là où ils étaient le plus nécessaires – notamment dans les quartiers sensibles, mais aussi dans les territoires les plus éloignés des métropoles. Nous soutenons également les pédagogies innovantes, notamment le numérique – qui n’est pas la panacée, mais un réel accélérateur. Voilà par quels moyens nous rétablirons la méritocratie.

Quand Claude Allègre a créé les bourses au mérite, il y avait moins de 3 % de mentions « Très bien » au baccalauréat ; il y en a plus de 12 % aujourd’hui. Et nous savons maintenant que ces bourses n’ont pas eu d’effet de levier. De plus, ceux qui en bénéficiaient étaient des boursiers sociaux, mais souvent issus des deux premières catégories, et pas des catégories 2 à 7 ; une fois passé le plafond de verre, ces élèves voient de toute façon s’ouvrir devant eux un avenir de réussite. Il était donc bien préférable de mettre les moyens en amont.

Nous avons préféré nous appuyer sur des critères sociaux et remettre à plat l’ensemble du système d’aides, en concertation avec les organisations étudiantes. Mme Pécresse, qui m’a précédée, avait d’ailleurs elle aussi constaté que ce système ne fonctionnait pas ; elle avait fortement diminué les aides au mérite pour les étudiants en master. Mais le système demeurait injuste – il est plus facile d’avoir un dix-huit en mathématiques qu’en sociologie, et les échelles de notation peuvent varier fortement en fonction des universités – et suscitait de nombreux recours contentieux. C’est donc une décision prise pour des raisons de justice sociale et d’efficacité : je l’assume totalement.

Le Conseil d’État a annulé pour cette année la suppression des bourses au mérite, pour des raisons de forme. Nous en tiendrons compte, bien sûr. L’extinction des bourses sera progressive : nous rétablirons donc les bourses en première année, cette année, pour un montant de 15 millions d’euros. Le montant global est de 39 millions d’euros. En revanche, nous ajoutons 458 millions d’euros sur deux ans pour les boursiers sur critères sociaux. Ainsi, ceux qui, étant à l’échelon 0, ne payaient pas de droits d’inscription mais ne recevaient rien sont désormais à l’échelon 0 bis, et perçoivent un millier d’euros ; nous avons également créé un échelon 7, ce qui a permis aux plus précaires de voir leur bourse augmenter de 15 %. Nous espérons de cette action massive, que nous poursuivrons si nous en avons les moyens, un effet de levier important. C’est, je le répète, une question de justice sociale mais aussi d’efficacité économique : l’exclusion de jeunes nombreux de l’enseignement supérieur n’est bonne ni pour l’économie, ni pour la cohésion sociale, ni pour l’image de notre pays.

Nous prendrons une décision sur les bourses au mérite dans les semaines à venir, de façon à ce qu’elles ne soient plus contestées sur le plan juridique et qu’elles soient efficaces sur le plan social.

Monsieur Hetzel, vous dites que tout va mal, que nous n’avons pas de vision : vous nous tenez tous les ans le même discours, ce que vous avez vous-même reconnu. Vous le tiendrez sans doute encore l’année prochaine.

M. Patrick Hetzel. Cette réponse n’est pas au niveau !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. La question elle-même ne l’était pas. Nous avons tout de même eu depuis deux ans plusieurs prix Nobel – en physique, en chimie, en économie, en littérature –, une médaille Fields, un prix Lasker-DeBakey… Notre recherche est de grande qualité.

M. Patrick Hetzel. Mais bien sûr, je n’ai pas dit le contraire !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle est la sixième au monde en nombre de publications, la quatrième pour l’intensité, la deuxième pour les médailles Fields. Jamais nous n’avions connu une telle reconnaissance internationale.

J’ajoute, madame Dion, qu’il n’y a pas de fuite des cerveaux : au cours des vingt dernières années, nous avons un solde positif de 900 000 personnes qualifiées. Nous accueillons des étrangers nombreux : ils sont 31 % parmi les chercheurs du CNRS, mais aussi 41 % parmi les docteurs – sur ce point, nous remontons la pente, après avoir connu les effets néfastes d’une certaine circulaire. Nous avons remis en place des visas pluriannuels, et nous sommes remontés du cinquième au troisième rang mondial pour l’accueil d’étudiants étrangers. C’est excellent pour nous, comme l’est d’ailleurs le fait que des Français partent faire des études à l’étranger. Quelle que soit la discipline, tout parcours scientifique d’excellence est aujourd’hui international.

L’enseignement supérieur et la recherche retrouvent aujourd’hui cette universalité qui fait la richesse de notre pays et dont nous pouvons être collectivement fiers. Nous n’en sommes pas directement responsables, bien sûr, mais l’environnement où s’inscrivent ces réussites peut être plus ou moins favorable. Aujourd’hui, il semble très favorable.

Vous parlez, monsieur Hetzel, de 100 millions retirés aux universités. Il faudrait plutôt parler de 200 millions ajoutés à leur budget, et de 100 millions d’économies : au total, le solde net est de 106 millions d’euros. Cela permet une prise en considération du GVT et, au cas par cas, de la compensation des bourses. Ainsi, l’université de Montpellier III Paul-Valéry, aujourd’hui en difficulté, va voir ses ressources augmenter. J’observe d’ailleurs que la Conférence des présidents d’université, qui demandait ces 100 millions, en demande maintenant 200 millions. C’est la loi du genre.

Le budget des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général est maintenu à 76 millions d’euros.

Le solde des crédits pour 2014 sera versé d’ici à la fin de l’année. Il y a eu, comme toujours, des discussions avec Bercy, mais les arbitrages nous ont, comme toujours, été favorables : l’enseignement supérieur et la recherche conditionnent l’avenir et sont considérés comme des priorités.

Mesdames et messieurs les députés, je me tiens à votre disposition pour vous démontrer plus longuement la cohérence de notre politique pour l’enseignement supérieur et la recherche. Nous incitons les universités à se regrouper pour être plus ouvertes sur leur écosystème. Vingt-cinq regroupements ont été décidés sur le terrain, principalement sous la forme de COMUE. Il ne s’agit pas de multiplier ou de superposer les structures – nous en avons supprimé d’autres, comme par exemple les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) –, mais de créer un outil contractuel qui permette à l’État stratège de jouer son rôle, et aux universités d’agir dans l’intérêt des territoires et dans l’intérêt général.

Notre ambition est de former toujours plus de jeunes, de tous les milieux, et de donner plus d’importance à la formation tout au long de la vie. C’est pourquoi il est très important de diversifier les pédagogies. À cet égard, je me félicite de l’enthousiasme des universités pour les MOOCs (Massive Open Online Courses, cours ouverts à tous et à distance), qui comptent aujourd’hui 400 000 inscrits. On crée ainsi de nouvelles communautés d’apprenants en interaction, et c’est un véritable succès. Les universités consentent des efforts considérables pour accueillir – ce qu’elles sont seules à faire – des publics très hétérogènes. Elles accomplissent ainsi une véritable mission d’intérêt général.

Madame Attard, le crédit d’impôt recherche a été créé en 1983, et amplifié fortement en 2008, comme réponse à la crise. Le Gouvernement actuel a décidé sa sanctuarisation, les avantages ayant été jugés plus importants que les quelques inconvénients constatés.

Le CIR vise à encourager les entreprises à investir dans la recherche et développement. Les deux tiers des entreprises qui en bénéficient sont des PME-PMI, des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou de jeunes entreprises innovantes – si l’on s’intéresse aux montants, ce sont bien sûr les grandes entreprises qui sont les plus grandes bénéficiaires. De 200 docteurs embauchés chaque année dans le secteur privé, nous sommes passés à 1 350 : l’effet de levier est donc réel, même si, comme je l’ai dit, ces embauches demeurent insuffisantes pour des raisons culturelles.

Je ne peux pas vous laisser dire que son usage ne fait l’objet d’aucun contrôle : il est, au contraire, extrêmement surveillé – certaines PME-PMI viennent d’ailleurs nous le reprocher. Pour ne pas pénaliser ces dernières, nous avons accéléré les procédures de contrôle ; nous devons encore les simplifier et les améliorer.

Quant à l’ANR, à la suite des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, une nouvelle procédure a été mise en place. Celle-ci permet de réduire énormément la paperasse demandée : cela a entraîné le dépôt de 3 000 dossiers supplémentaires. Il est donc logique que le taux de réussite soit moins important. Mais le budget demeure stable. Le nouveau directeur de l’ANR, qui connaît bien l’Agence et travaillera de façon davantage intégrée à l’action du ministère, aura pour tâche de simplifier encore, mais aussi de rendre davantage visible la stratégie. Il ne s’agit pas de programmer les recherches : établir la stratégie nationale de recherche est le rôle des scientifiques eux-mêmes, avec le ministère. En revanche, nous demandons à l’ANR d’être un opérateur intelligent.

Monsieur Serville, vous avez raison, l’Université des Antilles et de la Guyane ne fonctionnait pas – en particulier, les postes destinés à la Guyane restaient souvent aux Antilles – et l’université de Guyane, territoire tourné vers d’autres espaces et engagé dans d’autres stratégies, sera utile. La loi de ratification devrait être votée au mois de janvier prochain. Le président de la nouvelle université, Richard Laganier, est un homme exceptionnel, qui connaît bien la Guyane et a été très bien accueilli par tous. La Guyane a également une nouvelle représentante du CNRS. Il y a une vraie dynamique, j’ai pu le constater, et les progrès se font à pas de géant. Je vous confirme que les quinze postes promis seront bien créés dès janvier 2015.

Dans le domaine spatial, la France et l’Allemagne financent l’Agence spatiale européenne à peu près à égalité, l’Allemagne étant légèrement devant nous. Notre effort commun représente un peu moins de la moitié du budget de l’Agence. Les Britanniques ont créé, il y a quatre ans, l’United Kingdom Space Agency, avec laquelle le CNES vient d’ailleurs de signer un partenariat : ils veulent s’impliquer de plus en plus, mais plutôt dans la station spatiale internationale et dans l’observation de la Terre que dans les lanceurs. Les Espagnols, malgré une baisse de 30 % de leurs crédits de recherche à la suite de leur crise budgétaire, ont augmenté leur effort pour Ariane, de même que les Italiens. Il y a donc une vraie dynamique européenne, même si nous devons encore convaincre nos partenaires d’aller directement vers Ariane 6.

Enfin, vous l’avez dit, monsieur le président Bloche, je suis très sensible à l’architecture, qui touche à la culture, mais aussi au développement durable et à la place que l’on accorde à chacun dans les villes. Depuis la loi de 2013, nous assurons la cotutelle des écoles d’architecture. Notre intention est de procéder par étapes : dans une période de croissance, nous accorderions tout de suite à leurs enseignants le statut d’enseignants-chercheurs ; tel ne peut être le cas aujourd’hui, même si je souhaite vivement que nous puissions y arriver. Au cours des dernières années, les géographes ont pris le dessus dans la recherche en architecture et en urbanisme, tandis que les écoles d’architecture ne développaient pas suffisamment la recherche. On a ainsi sous-estimé l’importance de la création. Nous encourageons aujourd’hui le développement de coopérations entre le CNRS et les écoles d’architecture. L’intégration se fera pas à pas ; les projets communs et la double tutelle la favoriseront.

Les enjeux de développement durable et environnementaux – mobilités durables, accès aux ressources, lutte contre les pandémies, et autres –, auxquels je vous sais tous très sensibles, figureront en bonne place dans notre stratégie nationale de recherche ; ils sont déjà intégrés au programme européen Horizon 2020. Sur ces thématiques privilégiées, nous encourageons en particulier des coopérations entre les plus grands organismes de recherche et d’autres plus petits et plus spécialisés, dont la compétence dans ces domaines est tout à fait reconnue, comme l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ou l’Ifremer.

Pour conclure, je me bats, au niveau européen, pour que nous nous tournions plus activement vers la Méditerranée et l’Afrique, continent qui rencontre des problèmes démocratiques certains, mais dont la croissance est très forte. Il faut dépasser l’esprit post-colonial, aller le sens de l’intérêt général. Nous encourageons des publications communes, des thèses en cotutelle, l’installation d’écoles sur place. Les francophones se comptent par centaines de millions : nous devons donc être davantage présents et tout faire pour que les élites de ces pays se tournent vers notre système d’enseignement supérieur et de recherche, plutôt que vers le système anglo-saxon – ce que les Chinois ont déjà anticipé.

M. Pierre-Alain Muet, président. Merci, madame la secrétaire d’État, de ces réponses détaillées.

Je rappelle que la discussion en séance publique des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » aura lieu le mardi 4 novembre prochain.

La réunion de la commission élargie se termine à onze heures vingt-cinq.

Le Directeur du service
des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON

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