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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 31 mai 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Questions au Gouvernement

Moines tibétains et minorités en Chine

M. Patrick Bloche

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Conséquences de la sécheresse

M. Francis Saint-Léger

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

Salaires dans la fonction publique

M. Daniel Paul

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Prix du carburant

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Sécheresse

M. Germinal Peiro

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

Conclusions du G8

M. Yves Censi

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Dépassements d'honoraires

M. Jean-Luc Préel

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Prix du carburant

M. Alain Néri

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Arrestation de Ratko Mladic

Mme Françoise Hostalier

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Pouvoir d’achat des fonctionnaires

M. Bernard Derosier

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Fin du nucléaire en Allemagne

M. Serge Poignant

M. François Fillon, Premier ministre

M. Jean-Pierre Brard

Pouvoir d'achat outre-mer

M. Serge Letchimy

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Régime de retraites minier

M. Pierre Lang

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Contrats urbains de cohésion sociale

M. Michel Destot

M. Maurice Leroy, ministre de la ville

Propos d’un intellectuel sur le tourisme en Corse

M. Camille de Rocca Serra

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

2. Nomination d’un député en mission temporaire

3. Droits et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques

Explications de vote

Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Luc Préel, M. André Flajolet, M. Serge Blisko

Vote sur l’ensemble

4. Bioéthique

Explications de vote

M. Olivier Jardé, M. Paul Jeanneteau, M. Alain Claeys, M. Noël Mamère

Vote sur l’ensemble

5. Proposition de résolution sur l’attachement au respect des principes de laïcité et à la liberté religieuse

Discussion générale

M. Jean-François Copé

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

Reprise de la discussion

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

M. Jean Glavany

M. François Asensi

M. Jean Dionis du Séjour

M. Jacques Myard

Mme Marietta Karamanli

M. Noël Mamère

M. Dominique Souchet

M. Jean-Claude Guibal

M. Jean-Louis Touraine

Mme Françoise Hostalier

Mme Christine Marin

Explications de vote

M. Christian Jacob, M. Marcel Rogemont, Mme Martine Billard

Présidence de Mme Catherine Vautrin

6. Mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-france

M. Maurice Leroy, ministre de la ville

M. Yves Albarello, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Discussion générale

M. Yanick Paternotte

Mme Annick Lepetit

M. Yves Cochet

M. Pascal Brindeau

M. Yves Vandewalle

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Patrick Braouezec

M. Richard Dell'Agnola

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde

M. Daniel Goldberg

M. Maurice Leroy, ministre

Discussion des articles

Article 1er

M. Jean-Pierre Brard

M. Maurice Leroy, ministre

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Article 2

Vote sur l’ensemble

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Moines tibétains et minorités en Chine

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Patrick Bloche. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Monsieur le ministre d’État, le 16 mars dernier, un jeune moine bouddhiste de vingt et un ans s’est immolé par le feu au monastère de Kirti, au Tibet, pour marquer le troisième anniversaire de la brutale répression des manifestations pacifiques de 2008. Au lieu d’éteindre les flammes, la police chinoise l’a roué de coups, précipitant ainsi sa mort.

Face à l’indignation provoquée par ce drame, les autorités chinoises ont fait le choix de répondre par la force. Ainsi, le 21 avril, 300 moines ont été arrêtés et embarqués dans des camions militaires, et personne ne sait aujourd’hui ce qui leur est advenu.

Parallèlement, ce ne sont pas moins de 2 500 moines qui, à l’heure actuelle, sont encerclés et privés de liberté comme de nourriture par l’armée chinoise.

Ce blocus alimentaire est intolérable et, face à l’urgence humanitaire, le gouvernement français se doit d’exprimer au plus vite son inquiétude et son indignation aux autorités chinoises, comme l’a déjà fait Mme Ashton au nom de la Commission européenne.

La situation de Kirti est, de fait, révélatrice du sort réservé en Chine aux dissidents et aux minorités.

Comment ne pas évoquer ainsi le mouvement de protestation entamé le 10 mai dernier en Mongolie intérieure et qui prend de l’ampleur ? La loi martiale a, depuis, été instaurée dans certaines zones et des dizaines de personnes ont été arrêtées.

Journalistes, moines, écrivains, dissidents chinois, Tibétains, Mongols, Ouïgours, les victimes de la politique de répression systématique des autorités chinoises sont nombreuses.

Aussi, nous souhaiterions connaître les actions que le gouvernement français compte mettre en œuvre pour assurer le respect des droits de l’homme en Chine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, la situation au Tibet s’est de nouveau tendue le mois dernier, avec une répression massive au monastère de Kirti, dans le nord de la province du Sichuan, l’immolation d’un moine, suivie d’arrestations, d’affrontements avec les forces de l’ordre, et de plusieurs condamnations à des peines de prison. Des incidents se sont également produits en Mongolie intérieure ces derniers jours, et nous suivons bien sûr la situation avec la plus grande vigilance.

La Chine est pour nous, c’est évident, un partenaire stratégique. Mais cela ne signifie pas que nous éludions, dans nos relations avec elle, la question des droits de l’homme.

Au plan bilatéral, chaque fois que des responsables français rencontrent des responsables chinois, nous évoquons, dans la plus grande franchise, cette situation et cette question des droits de l’homme. Et je le fais moi-même, avec mon interlocuteur chinois, dans des conditions très directes et très franches.

Nous le faisons aussi au niveau européen. Vous savez qu’il existe un dialogue euro-chinois sur les droits de l’homme. La prochaine session de ce dialogue devrait avoir lieu d’ici à quelques semaines. Elle sera l’occasion de traiter tous nos sujets de préoccupation. Ce sera aussi l’occasion pour nous de réitérer nos demandes de libération des prisonniers de conscience et des prisonniers politiques.

S’agissant plus particulièrement du Tibet, la France, tout comme l’ensemble de l’Union européenne, n’a cessé d’appeler au dialogue, persuadée que ce dialogue est l’unique voie pour parvenir à une solution durable, qui respecte pleinement l’identité culturelle et spirituelle tibétaine, dans le cadre de la République populaire de Chine.

Je voudrais vous faire partager ma conviction que notre politique vis-à-vis de la Chine est une politique équilibrée, entre notre volonté de garder avec cet acteur majeur de la scène mondiale un partenariat stratégique, et, en même temps, la fidélité à ce qui est le principe directeur de notre diplomatie, c’est-à-dire le respect des droits de l’homme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Conséquences de la sécheresse

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le ministre de l’agriculture, la sécheresse qui sévit actuellement a des conséquences dramatiques pour les agriculteurs, et en particulier les éleveurs.

Cette sécheresse record survient alors qu'ils subissent la crise depuis plusieurs années, que leurs trésoreries sont exsangues et que leur moral est loin d'être au beau fixe.

Les récoltes de foin sont inférieures de moitié aux quantités habituelles et même bien en deçà dans certains départements, comme la Lozère, où à peine un quart de la récolte a pu être sauvé par rapport aux années précédentes.

La situation est cruciale pour de nombreux éleveurs qui, tout au long de ces derniers jours, m'ont fait part de leur désarroi et de leur exaspération, me disant que d'ici trois semaines, ils n'auraient plus rien pour nourrir leurs bêtes. Les pertes envisagées sont énormes, souvent égales à plusieurs dizaines de milliers d'euros par exploitation.

Face à ce drame, des solidarités s'organisent rapidement entre agriculteurs pour mobiliser et ne pas broyer la paille des régions céréalières qui commencera à être disponible dans une semaine.

Malheureusement, malgré toute leur bonne volonté, cette entraide ne suffira pas. D'autres solidarités, nationales et européennes, sont nécessaires. Des mesures d'urgence et d'ampleur s'imposent.

Monsieur le ministre, vous avez décrété une mobilisation générale, vous avez commencé à prendre des mesures comme la mise en paiement anticipée des aides. Il faut aller bien plus loin. C’est un véritable cri d'alarme que lancent les éleveurs de notre pays.

Hier, vous convoquiez les préfets pour dresser un tableau de la situation dans chaque région. Ce matin, vous receviez les organismes bancaires et d'assurance. Au plan européen, vous avez pris l'initiative d'une action concertée.

Monsieur le ministre, quel est votre plan pour répondre globalement aux besoins de trésorerie des agriculteurs et aux besoins d'alimentation de leurs troupeaux ?

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison, la situation de l’élevage français est aujourd’hui dramatique, et l’impact de la sécheresse est comparable à celui que nous avons connu en 1976.

Face à cette réalité dramatique pour les éleveurs français, depuis des semaines, nous avons voulu, avec le Président de la République et le Premier ministre, organiser la solidarité nationale et européenne de la manière la plus efficace et la plus rapide possible.

L’État a convoqué le fonds national de garantie des calamités agricoles le 15 juin afin que les dossiers puissent être traités dès la mi-juillet, et que les premiers versements de trésorerie puissent avoir lieu à la mi-septembre. Nous sommes prêts à examiner des mesures complémentaires de trésorerie si cela était nécessaire.

La profession a mis en place, à ma demande, des contrats portant sur un million de tonnes de paille à un prix fixe et garanti de 25 euros la tonne sur champ, car nous refusons la spéculation sur les pailles dont ont besoin tous les éleveurs français.

Les banques se sont également montrées solidaires, en acceptant de mettre à disposition des éleveurs 700 millions d’euros pour des prêts à taux préférentiels. Solidarité aussi des assureurs. La Mutualité sociale agricole a accepté de reporter les appels à cotisations de juin, de façon à éviter aux éleveurs d’avoir à débourser 2 500 à 3 500 euros dans les semaines qui viennent.

La solidarité s’est également mise en place à l’échelle européenne. À ma demande, les versements de la PAC auront lieu de manière anticipée : 480 millions d’euros seront versés aux éleveurs le 16 octobre, et non pas en décembre, comme cela aurait dû être le cas.

Au sein de la filière, un groupe à haut niveau a été mis en place pour réfléchir sur l’avenir de la filière bovine en France et en Europe, comme le demandait l’interprofession bovine.

Tous les éleveurs français sans exception vivent une situation dramatique. Ils savent qu’ils peuvent compter sur la solidarité totale et la mobilisation du Gouvernement, du Premier ministre, du Président de la République et de l’ensemble de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Salaires dans la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Daniel Paul. Monsieur le Premier ministre, le pouvoir d'achat est au cœur des préoccupations de tous nos concitoyens, retraités, salariés du privé ou du public. À tous, vous prétextez la crise pour refuser toute amélioration des retraites, salaires et traitements.

Pourtant, malgré la crise, vous n'avez mis aucun frein à l'augmentation et à l'étalage indécent des dividendes et des grandes fortunes.

Malgré la crise, et alors que face au mécontentement, vous étiez contraint de supprimer le bouclier fiscal, vous n'avez pas hésité à compenser cette mesure par un surcoût budgétaire pour l'État, un cadeau de plus d’un milliard d'euros, en faveur des assujettis à l'ISF.

Malgré la crise, vous avez accordé 73 milliards d'exonérations et de niches fiscales aux plus nantis de notre pays, sans contrôle, ni critères d'efficacité sociale.

En revanche, sous le prétexte de la crise, vous avez décidé une triple peine pour la fonction publique et les fonctionnaires.

Ainsi : vous accentuez les mesures issues de la RGPP, avec des coupes sombres dans tous les services publics, dégradant les conditions de travail des personnels et pénalisant les usagers et les territoires ; vous prétendez imposer un gel du point d'indice de la fonction publique pour la première fois depuis la Libération ; vous osez lier une amélioration des débuts de carrière aux économies budgétaires réalisées par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. C'est inacceptable.

Il n’y a donc rien d'étonnant à ce que tous les syndicats appellent aujourd'hui à manifester contre votre politique. Tous dénoncent votre mépris, vos discours mensongers, vos tours de passe-passe pour tenter de cacher la réalité de votre politique ; tous refusent la politique d'individualisation que vous menez et exigent des mesures communes.

Alors, monsieur le Premier ministre, allez-vous entendre les colères et inquiétudes qui s'expriment ? Allez-vous ouvrir de véritables négociations avec les organisations syndicales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, au concours des tours de passe-passe, vous serez sans contestation le David Copperfield !Comment pouvez-vous tout mélanger dans l’analyse, alors que les faits sont têtus : ils sont publiés par l’Institut national de la statistique et montrent bien la réalité de l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires depuis 2007.

Vous commettez une première erreur en considérant que le point d’indice conditionne l’ensemble du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Le point d’indice ne représente plus aujourd’hui que 25 % de l’évolution du pouvoir d’achat – je vous renvoie aux chiffres de l’INSEE.

Le reste dépend de l’addition de mesures individuelles, de mesures catégorielles, du glissement vieillesse-technicité, et de la garantie individuelle du pouvoir d’achat, point important qui garantit que, quelle que soit l’évolution économique, aucun fonctionnaire ne saurait perdre en pouvoir d’achat au regard de l’évolution du coût de la vie.

C’est si vrai qu’au cours de cette période 2007-2011, l’augmentation moyenne du pouvoir d’achat des fonctionnaires est de plus de 3 %. Elle était même de 3,6 % l’année de la crise, il est vrai que le coût de la vie avait alors fort peu évolué. Pour autant, cette évolution est de plus du double de l’inflation en moyenne.

Deuxième élément que vous devriez prendre en note dans votre analyse : plus de la moitié des économies issues de la révision générale des politiques publiques, qui porte sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, est redistribuée sous forme d’évolution indiciaire. C’est 1,8 milliard d’euros qui a été redistribué entre 2007 et 2011, et 1,5 milliard sera proposé aux fonctionnaires entre 2011 et 2013. Vous le voyez, monsieur Paul, le pouvoir d’achat des fonctionnaires n’a pas baissé pendant cette période. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Prix du carburant

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Président, les Français sont hélas habitués à une triste farce. Mais je voudrais poser ma question à M. Lefebvre, secrétaire d’État chargé de la consommation en l’absence de Mme Lagarde.

Depuis des années, chaque fois que le prix du baril de pétrole augmente, on le voit immédiatement se répercuter à la pompe. Depuis des années, chaque fois que le prix du baril baisse, on ne voit pas la répercussion à la pompe.

La DGCCRF, le 27 mai dernier, l’a cruellement montré à travers un rapport sur lequel Mme Lagarde a indiqué qu’elle entendait ne pas rester inerte.

En moins d’un an le prix du baril de pétrole a augmenté de plus de 50 %. Il a baissé ce mois dernier entre 15 et 20 %. L’adage qui veut que les hausses sont répercutées et non les baisses se vérifient encore, puisque nous voyons, pendant que les prix ont baissé de 15 à 20 %, une baisse à la pompe de 2,5 à 5 %, c’est-à-dire de quatre à huit fois inférieure.

Lorsque cela ne baisse pas, on nous explique que c’est parce que les pétroliers ont des réserves, des stocks pour plusieurs semaines, pour plusieurs mois. Mais quand cela augmente on oublie de nous parler des stocks qui ont été achetés moins chers et sont vendus immédiatement plus chers.

Monsieur le secrétaire d’État, le groupe Nouveau Centre voudrait vous poser des questions, au nom de ces millions de citoyens et notamment de ceux qui vivent en zone périurbaine et qui n’ont pas de transports en commun comme mode alternatif pour se déplacer : Quelles sanctions seront prises contre les pétroliers qui ne jouent pas le jeu des règles du marché ? Quelles décisions seront prises pour imposer des baisses des prix à la pompe ?

Enfin, le Gouvernement entend-il mettre en place un barème officiel, public transparent des prix du baril et des prix à la pompe qui permettrait aux Français de constater qui joue le jeu et qui ne le joue pas, afin qu’ils cessent enfin d’être les dindons de cette mauvaise farce pétrolière. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Jean-Christophe Lagarde, comme vous le savez, Christine Lagarde, Éric Besson et moi-même avons reçu, le 11 avril dernier, quelques jours après que le baril de brent a connu un pic, la filière pétrolière. Nous avons, à cette occasion, obtenu d’abord que grâce à une taxation de 115 millions d’euros on puisse revaloriser le barème kilométrique pour les professionnels, vous savez : cette France qui se bat, qui résiste à la crise, cette France qui travaille et cette France qui roule.

Dans le même temps, quelques mois, quelques semaines avant, nous avons mis en place, ce qui est nouveau dans notre pays un Observatoire des prix et des marges des produits pétroliers – cela répond à votre question –, afin que l’on sache ce qui se passe entre le prix à la pompe et le prix du baril.

Or quand les prix du pétrole ont commencé, début mai, à baisser et que les prix à la pompe semblaient rester élevés, Christine Lagarde et moi-même avons demandé à la DGCCRF de réaliser une enquête particulière pour mesurer la vitesse de répercussion de la baisse du prix du brut à la pompe.

Comme vous l’avez indiqué la baisse a été répercutée sur le prix du gazole à la pompe. En revanche, elle ne l’a pas été sur le sans plomb. C’est la raison pour laquelle, sur la base de ces résultats, nous avons avec Christine Lagarde d’abord décidé – c’est votre volonté de transparence – de mettre en ligne ce rapport, afin que tous les consommateurs, tous les Français puissent en prendre connaissance.

Ensuite, les acteurs de la filière seront reçus avec la DGCCRF et la DGEC parce que nous voulons, évidemment, veiller à ce que les engagements pris soient tenus.

Nous le devons aux Français.

Sécheresse

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, de l’agriculture, plus de la moitié des départements français connaissent une période de sécheresse extrêmement grave et ont dû prendre des mesures de restriction des différents usages de l'eau. Cette sécheresse que l'on compare déjà à celle de 1976 place l'agriculture et en particulier le secteur de l'élevage, déjà durement frappé par la crise, dans une situation dramatique.

De nombreux éleveurs ne sont plus en mesure de nourrir leurs troupeaux et en sont réduits à faire abattre une partie de leurs animaux.

Face à cette situation exceptionnelle, nous attendons du Gouvernement qu'il prenne des mesures exceptionnelles pour assurer l'alimentation des animaux et la survie financière des exploitations.

Pour l'instant, vous avez pris quelques mesures techniques. Elles sont insuffisantes, nous le savons tous. À l'instar de ce qu'ont déjà fait certaines régions, les agriculteurs attendent du Gouvernement des engagements financiers et des actes pour éviter la spéculation sur le fourrage, la paille et les aliments du bétail.

Monsieur le ministre, que répondez-vous aux propositions que nous formulons comme le font les organisations professionnelles et syndicales. Interdire le broyage des pailles, encadrer le prix de l’alimentation du bétail, réserver les deux millions de tonnes de céréales destinées aux agro-carburants à l'alimentation des animaux, allouer une aide financière d'urgence au secteur de l'élevage.

Monsieur le ministre, sans ces mesures d’urgence, vous le savez, la sécheresse risque de porter un coup fatal à la filière élevage qui connaissait déjà une crise sans précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Je sais, monsieur Peiro, que vous êtes un spécialiste des questions agricoles et attaché, comme moi, à la défense de l’agriculture française.

Vous savez aussi bien que moi que nous avons déjà commencé à prendre les mesures d’urgence que vous réclamez. L’élevage est la priorité absolue, car des dizaines de milliers d’éleveurs sont aujourd’hui non seulement confrontés à une situation économique difficile, mais également dans une situation de détresse et de désarroi personnel extrêmement profond.

La priorité consiste à mobiliser l’ensemble de l’alimentation animale disponible sur le territoire français : fourrage ou paille. J’ai reçu ce matin le président de la SNCF pour voir comment nous pouvions assurer le transport des pailles d’un point à l’autre du territoire, en utilisant le ferroutage, plutôt que des camions. Nous avons mis en place des contrats inter filières, qui garantissent la livraison de paille en quantité suffisante sur plus de quarante départements français à un prix fixe et garanti de moins de 25 euros la tonne. Je le répète, il est indispensable qu’il n’y ait pas de spéculation sur les pailles. Nous assurerons la mobilisation totale des fourrages et des pailles. J’ai indiqué, hier, aux préfets que si jamais il devait y avoir de la spéculation à un point ou à un autre du territoire, il leur fallait prendre des arrêtés d’interdiction de broyage des pailles pour empêcher cette spéculation. Ils ont déjà commencé à le faire sur certains points du territoire.

La deuxième priorité est la mobilisation de la trésorerie. Nous l’avons fait en convoquant le Fonds national de garantie des calamités agricoles pour le milieu du mois de juin. Ce fonds n’avait jamais été réuni aussi tôt depuis sa création.

Nous avons également demandé aux banques de participer. Ainsi, 700 millions d’euros ont été mis sur la table à disposition immédiate pour les prêts des éleveurs qui pourraient être concernés.

La trésorerie, c’est également les aides européennes. Elles seront versées au 16 octobre.

Dernier point essentiel : il faut éviter l’effondrement des cours des bovins en France ou en Europe. J’ai déjà alerté la Commission européenne pour qu’elle prenne, à son tour, des décisions communautaires essentielles, pour éviter l’effondrement du cours des bovins sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Conclusions du G8

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Censi. Ma question s'adresse au ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé.

Les 26 et 27 mai derniers, le G8 se réunissait à Deauville sous la présidence de la France. Créé à l'initiative de la France en 1975, ce rendez-vous annuel permet aux principaux dirigeants des pays démocratiques de se parler librement et d'essayer d'harmoniser leurs positions, comme l'a rappelé le Président de la République.

Tout comme le G20, le G8 a un rôle d'orientation politique majeur permettant d'aborder les questions géopolitiques d'importance, de réfléchir aux problèmes économiques et sociaux mondiaux et de définir des solutions.

Cette année, le contexte a été marqué par de nouveaux équilibres internationaux et une sorte d'accélération du rôle croissant des pays émergents. La France, par la voix du Président de la République Nicolas Sarkozy, a assumé un leadership indéniable, que Barack Obama a d'ailleurs expressément salué. Elle a ainsi proposé de recentrer le G8 sur des enjeux stratégiques tels que la question du nucléaire, la solidarité avec le Japon, internet, les révolutions arabes ou encore le développement de l'Afrique. Car la meilleure façon de faire face aux mouvements migratoires du XXe siècle, c'est bien sûr – vous l’avez souvent dit, monsieur le ministre d’État – le développement des pays d'origine.

Le sommet de Deauville a ainsi été placé sous un double signe : celui des libertés et de la démocratie, avec un soutien déterminé aux printemps arabes et l'adoption pour la première fois d'une déclaration sur l'internet ; celui des solidarités et protection, avec un partenariat renouvelé avec l'Afrique et un renforcement de nos engagements en matière de sûreté nucléaire.

Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre d'État, comment ces grandes orientations, impulsées à l'occasion de ce forum, s’appliqueront-elles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, le G8 a été une grande réussite. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les sept chefs d’État et de gouvernement qui étaient rassemblés autour du président Sarkozy, ainsi que les responsables de l’Union européenne.

Pour résumer, je crois pouvoir dire que trois messages ont été adressés au monde.

D’abord, un message de solidarité avec les démocraties, les nouvelles démocraties arabes puisque la Tunisie et l’Égypte étaient présentes et qu’un plan d’action très ambitieux va être mis au point pour les aider dans leur processus de transition démocratique. Un message de solidarité aussi avec les démocraties africaines puisque les présidents Ouattara, Issoufou et Condé étaient là. Dans ces trois pays, les élections se sont déroulées dans des conditions satisfaisantes.

Ensuite, un message de modernité. C’est la première fois qu’internet est inscrit à l’ordre du jour du G8 et cela a été une formidable réussite, notamment avec le eG8 qui s’est tenu à Paris dans les journées précédentes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) et qui a rassemblé tout ce qui compte dans le monde de l’internet. Bref, un message équilibré avec la reconnaissance du formidable outil de liberté, d’innovation et de création de richesses qu’est internet, mais également la nécessité de le réguler face à la cybercriminalité ou aux violations du principe de propriété intellectuelle.

Enfin, un message de convergence politique sur un certain nombre de grandes crises. Sur la Libye, le G8 a dit explicitement que Kadhafi devait partir, y compris la Russie, ce qui va nous aider dans la recherche d’une solution politique. Idem pour ce qui concerne le processus de paix au Proche-Orient.

Ce succès est dû à une excellente préparation de la rencontre. Il est dû aussi, je veux le dire parce que j’ai pu assister à la quasi-intégralité des débats, à ce qu’il faut bien appeler dans le langage international, le leadership du Président de la République française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) qui a su animer les débats et les conduire à des conclusions opérationnelles et concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Dépassements d'honoraires

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail et de la santé.

Au Nouveau Centre, nous sommes très attachés à l'égal accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.

Nous savons qu'il existe des problèmes de démographie et, surtout, de répartition des professionnels sur le territoire ; que la permanence des soins est difficile à assurer, notamment si les professionnels ne signalent pas leurs absences.

Mais je voudrais, monsieur le ministre, vous interroger sur les dépassements d'honoraires. Des études récentes démontrent qu'ils augmentent et qu'il devient difficile de pouvoir être soigné à des tarifs remboursables, notamment pour certaines spécialités et dans certaines régions.

Ce problème est fondamental si nous voulons maintenir un système de santé solidaire accessible à tous. Il ne se poserait pas si les actes, les consultations étaient revalorisées régulièrement, si la CCAM clinique était mise en place, si la CCAM technique était révisée régulièrement. Mais est-ce possible avec un ONDAM limité ?

Un accord – entre les caisses d’assurance maladie, les professionnels et les assurances complémentaires – était intervenu pour créer le secteur optionnel, les assurances complémentaires remboursant les dépassements d'honoraires à condition que les médecins s'engagent à soigner 30 % de leurs patients aux tarifs remboursables et à ne pas dépasser de 50 % ces tarifs pour les autres.

Ce secteur optionnel n'est pas la panacée. Qu'en pensez-vous ? Ne doit-il pas être étendu à l'ensemble des spécialités ?

Enfin, allez-vous, dans le cadre des discussions conventionnelles, oeuvrer pour un accord indispensable et permettre l'accès de nos concitoyens à des soins remboursés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Oui, monsieur le député, la mise en place d’un secteur optionnel sera une véritable avancée en matière d’accès aux soins et pour éviter que les dépassements d’honoraires ne continuent à se développer.

M. Jean-Paul Bacquet. Chiche !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je partage votre constat, monsieur le député. Si les actes avaient été régulièrement revalorisés, nous n’aurions pas de tels dépassements (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) dans certaines régions. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je vous rappelle, mesdames et messieurs les députés, que c’est cette majorité qui a revalorisé la rémunération des généralistes, en faisant passer l’acte à vingt-trois euros…

M. Jean Glavany. Il y a tout de même des dépassements, cela n’a rien empêché !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous l’assumons car je préfère des actes de qualité, correctement rémunérés, au laisser-aller et au laisser-faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) de ceux qui visiblement n’ont pas la même attention pour notre système de santé. J’assume ce choix et c’est notre majorité qui l’a fait !

Quant au secteur optionnel, il ne s’appliquera pas seulement dans le domaine purement conventionnel, car il faut intégrer un autre acteur, les assurances complémentaires, la mutualité ou les assureurs.

J’ai noté avec beaucoup de satisfaction la confirmation des propos de M. Caniard, le président de la Mutualité française. Ils sont disposés à avancer sur ce sujet. Et avec Nora Berra, j’ai bien l’intention, dans les semaines qui viennent – en tout état de cause avant les vacances –, de commencer les discussions sur la base de l’accord de 2009. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

À cet égard, j’entends beaucoup de déclarations. Tout le monde dit que nous devons favoriser l’accès aux soins, éviter la progression des dépassements.

M. Jean-Paul Lecoq. Il faut les supprimer.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous verrons si, oui ou non, nous parviendrons à un véritable consensus politique. En tout cas, il y a, semble-t-il, un consensus dans le domaine de la santé. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J’ai bien l’intention d’avancer sur ce sujet comme vous le demandiez, monsieur le député. C’est cela qui permettra de garantir un accès à des soins de qualité, remboursables, opposables. Il ne s’agit pas que les professionnels du secteur 1 puissent pratiquer des dépassements. Eux, ils sont concernés par la logique des revalorisations.

M. Jean Glavany. Quel cynisme !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’agit bien de permettre qu’il y ait davantage de soins accessibles aux Français. C’est l’accès à des soins de qualité qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Prix du carburant

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Néri. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

La hausse du prix des carburants à la pompe pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des Français, particulièrement des plus modestes. Le Gouvernement justifie ces hausses exorbitantes par l’augmentation du prix du baril de brut. Or, quand le prix du baril baisse, le bon sens voudrait que le prix à la pompe diminue. Mais chaque jour, les Français constatent que cette baisse n’est pas répercutée à la pompe.

Face à cette situation, Mme Lagarde fait mine de se mettre en colère, ne se contentant plus d’encourager les Français à préférer le vélo à la voiture. Elle menace les pétroliers de sanctions. Total, dont les bénéfices ont bondi de 32 % en 2010, en tremble déjà !

M. Jean Glavany. Ils sont terrorisés !

M. Alain Néri. À la fin du mois de mars, j’avais invité M. Besson à bloquer le prix de l’essence : il m’avait taxé de démagogie. Lorsque M. Ayrault et d’autres de ses collègues du groupe socialiste ont suggéré à Mme Lagarde de mettre en œuvre le décret du 8 août 1990 permettant de refuser des hausses excessives pour lutter contre la spéculation, elle les a traités de ringards.

Mais être ringards, c’est se laisser berner par les compagnies pétrolières, comme le Gouvernement. En mai, le prix du baril de brut a baissé de 8,5 %, ce qui aurait dû entraîner une baisse dans des proportions équivalentes à la pompe, soit 6 centimes pour le gasoil, dont le prix n’a baissé que de 3,2 centimes, et 4 centimes pour l’essence sans plomb, dont le prix n’a baissé que de 0,2 centime. Où est passée la différence, si ce n’est dans la poche des pétroliers ?

Mme Lagarde, dès le 10 mars, promettait de surveiller les tarifs des carburants. On voit le résultat ! Aujourd’hui, elle affirme qu’elle va demander des explications appropriées aux pétroliers.

Mais les Français ne veulent plus se contenter d’explications, même appropriées, ils veulent des actes. Ils exigent tout simplement qu’en cas de baisse du prix du baril, le prix de l’essence à la pompe baisse également.

Quand allez-vous enfin vous décider à prendre des mesures appropriées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Néri, je suis désolé de vous décevoir mais le temps des économies administrées est révolu. Mon collègue Éric Besson a eu parfaitement raison de parler de démagogie à propos de votre proposition de bloquer les prix.

En temps de crise des matières premières, le rôle du Gouvernement est de protéger les consommateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Bataille. Vous ne faites rien du tout !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Le Président de la République a mis à l’ordre du jour du G20 la question des matières premières.

M. Jean Glavany. Chiche !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Pour le reste, avec Christine Lagarde, avec Éric Besson, nous agissons. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Bataille. Zéro !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Avec le forfait kilométrique, nous avons protégé cette France qui roule, qui travaille dur, qui résiste à la crise. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Glavany. La France qui se fait rouler plutôt !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Pour ce qui concerne la question du prix du carburant, je vous rappelle que c’est notre gouvernement qui a mis en place l’observatoire des prix et des marges, qui nous permet aujourd’hui de demander des comptes à la filière pétrolière parce que nous sommes bien décidés à ce que les engagements pris en matière de répercussion à la baisse soient tenus.

Pour que les consommateurs puissent faire jouer la concurrence, notre objectif est de les informer en temps réel.

M. Jean Glavany. Il va nous parler d’Internet !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Nous avons mis en place un site internet, www.prix-carburants.gouv.fr, afin que nos concitoyens puissent comparer les prix entre pompes, sachant que les différences vont parfois jusqu’à 15 centimes entre stations même peu éloignées l’une de l’autre.

Excusez-moi de vous rappeler un mauvais souvenir, mais la TIPP flottante, lorsque vous l’avez mise en place, a coûté 2,7 milliards d’euros aux contribuables pour une baisse de moins de 2 centimes des prix à la pompe.

Dans cette affaire, nous agissons ; vous, comme d’habitude, vous critiquez.

M. Jean Glavany. Que d’applaudissements !

Arrestation de Ratko Mladic

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement. populaire

Mme Françoise Hostalier. Monsieur le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, après une traque de plus de quinze ans, l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, vient d'être arrêté en Serbie. Il sera prochainement extradé vers La Haye où il pourra enfin être jugé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour tous les crimes dont il est accusé et notamment pour le massacre de Srebrenica.

Le 11 juillet 1995, il aurait ordonné de tuer tous les hommes musulmans réfugiés dans la vallée de Srebrenica, de déporter toutes les femmes, tous les enfants et tous les vieillards et d'organiser l'assassinat de beaucoup d'entre eux. L'horreur aura été également de déplacer les charniers de ce premier massacre en dispersant les corps dans des charniers secondaires voire tertiaires, une première dans l’histoire des crimes contre l'humanité.

La nouvelle de cette arrestation a été accueillie avec un immense soulagement par toutes les victimes encore vivantes et notamment par les femmes de Bosnie, auxquelles je rends hommage.

Cette arrestation, attendue depuis si longtemps, intervient bien à propos au moment où Serge Brammertz, procureur en chef du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, devait rendre un rapport pouvant avoir une incidence sur la candidature de la Serbie à l'Union européenne. Il semblerait donc que les autorités serbes aient compris l'urgence de cesser le double langage et de coopérer réellement avec les structures internationales.

Malgré notre impatience de pouvoir tourner la page de cet épisode tragique, il faut reconnaître le travail extraordinaire effectué depuis quinze ans par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, puisque sur les 161 criminels de guerre identifiés, il n'en reste désormais qu'un seul en cavale, Goran Hadzic, ex-président de l'éphémère république serbe de Croatie.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, la situation reste fragile : pouvez-vous nous assurer que la France veillera à ce que le TPI continue à disposer de tous les moyens pour mener à bien sa mission ? Comment la France peut-elle contribuer à convaincre la Serbie d'apaiser les tensions avec la Republika Sprska ?

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame Hostalier, sachez que je partage votre émotion à l’évocation du massacre de Srebrenica pendant lequel 8 000 hommes, femmes, enfants, vieillards ont été tués sur ordre, sans doute, de Ratko Mladic. Je pense comme vous à leurs familles.

Ce massacre a été qualifié de génocide par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la Cour internationale de justice. Je peux vous préciser – le président serbe Boris Tadic l’a confirmé – que Mladic sera bien extradé vers La Haye pour y être jugé, en dépit des tentatives des avocats de Mladic de retarder cette extradition.

Le procureur du Tribunal pénal international, M. Serge Brammertz, a estimé que la Serbie avait ainsi rempli l’une de ses obligations internationales. Nous estimons pour notre part qu’un très grand pas vient d’être franchi sur le chemin qui mènera la Serbie vers son adhésion à l’Union européenne.

D’autres pas doivent encore être franchis, vous avez raison de le rappeler : l’arrestation du chef politique des Serbes de Croatie, Goran Hadzic, qui court toujours ; la réforme de la justice ; la lutte contre le crime organisé et la corruption ; la réforme de la loi électorale ; l’engagement dans la coopération régionale avec ses voisins. Tous ces éléments seront pris en compte au moment de décider du lancement d’une procédure de discussion avec la Serbie.

Belgrade fait d’autres progrès, notamment dans ses relations avec le Kosovo. Nous sommes également très attentifs à la situation en Republika Sprska. Mme Ashton s’est rendue récemment à Sarajevo et a obtenu le retrait du projet de référendum qui risquait de menacer la cohésion de ce pays encore extrêmement fragile.

Au-delà des Balkans, je voudrais souligner la portée morale, d’un très grand retentissement, de cette arrestation. Elle prouve clairement à tous les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocides, que, même seize ans après, il n’y a pas d’immunité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pouvoir d’achat des fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Derosier. Monsieur le Premier ministre, la majorité qui soutient votre politique depuis neuf ans favorise le démantèlement des services publics dans notre pays : on le constate partout dans nos départements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Aujourd’hui, celles et ceux qui sont les acteurs de ces services publics sont engagés dans une journée d’action, de revendications. Depuis dimanche, ils ont de nouveau comme seul interlocuteur le ministre du budget ; ils souhaitent un ministre ou un secrétaire d’État en charge de la fonction publique.

Vous mettez régulièrement en avant les protocoles signés par les organisations syndicales et votre Gouvernement pour tenter d’accréditer l’idée que les représentants des fonctionnaires approuvent votre politique. Or, aujourd’hui, c’est l’ensemble des syndicats de fonctionnaires, représentant les 6 millions d’agents des services publics, qui sont à l’origine de cette journée d’action.

C’est dire que tous les fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales, des services hospitaliers dénoncent votre politique d’austérité salariale.

Ils sont indignés, et en ont assez de constater la dégradation de leur pouvoir d’achat. Ils sont indignés, et en ont assez de devoir exercer leurs missions sans en avoir les moyens.

La crise économique et financière du système libéral est pour vous une bonne excuse pour geler les salaires des fonctionnaires ou pour supprimer des emplois au détriment du bon fonctionnement des services publics.

Et ne me répondez pas que la garantie individuelle du pouvoir d’achat ou le glissement vieillesse-technicité répondent à l’attente des fonctionnaires !

Monsieur le Premier ministre, comment et avec quelles mesures allez-vous répondre aux revendications des agents de l’État, des collectivités territoriales et des services hospitaliers ? Allez-vous répondre à leur interpellation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Derosier, vous me permettrez tout d’abord de revenir sur les chiffres officiels de grève à la mi-journée : 4,33 % dans la fonction publique d’État, 5,13 % dans la fonction publique territoriale, 4,92 % dans la fonction publique hospitalière, et 4,49 % dans l’éducation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est d’abord la preuve de la vigueur de notre démocratie sociale. Nous avons des points de désaccord avec les organisations syndicales, ils sont connus ; mais cela ne nous empêche pas de poursuivre le dialogue, de mener des négociations et d’aboutir, c’est vrai, à la signature par six des huit organisations syndicales d’un accord sur la lutte contre la précarité dans la fonction publique.

M. Jean-Pierre Brard. Il manque le principal syndicat ! Où est la CGT ?

M. Bernard Derosier. Ce n’est pas la question !

M. François Baroin, ministre. Vous me permettrez de dire que les faits, les chiffres, et la réalité de la poursuite du dialogue social ne correspondent en rien à l’image que vous voulez en donner. Peut-être n’êtes-vous pas suffisamment informé sur ce point !

Pour le reste – pardon de vous le dire – je maintiens que la garantie individuelle de pouvoir d’achat a permis qu’aucun fonctionnaire ne voie son pouvoir d’achat diminuer, malgré l’absence, dans tel ou tel cas particulier, de mesures de nature individuelle.

Oui, le glissement vieillesse-technicité est un élément consubstantiel – si j’ose dire – des fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière.

M. Jean-Pierre Brard. La consubstantiation, monsieur le ministre, c’est parpaillot ! (Sourires.)

M. François Baroin, ministre. Il conditionne l’évolution, en fonction des grades et de l’avancée dans les responsabilités, des rémunérations des fonctionnaires qui remplissent leurs missions au service de l’État, des collectivités locales ou de l’hôpital.

Oui, naturellement, l’addition des mesures individuelles représente aujourd’hui une part prépondérante dans l’évolution du pouvoir d’achat.

M. Jean Glavany. On croirait voir David Copperfield !

M. François Baroin, ministre. Oui, monsieur Derosier, le point d’indice est désormais gelé dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. Au passage, je signale que cette mesure a été recommandée par M. le premier président de la Cour des comptes lui-même, M. Migaud, ancien président de la commission des finances de cette assemblée. Cela nous permet de participer à l’effort de réduction des déficits publics. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Fin du nucléaire en Allemagne

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Serge Poignant. Monsieur le Premier ministre, après avoir dans un premier temps annoncé la prolongation de leur durée de vie, Mme Merkel a pris la décision de fermer l’ensemble des centrales nucléaires allemandes. Je m’interroge. En effet, je crains que l’Allemagne ne soit amenée à développer les centrales à charbon, qui représentent déjà aujourd’hui 55 % de la production énergétique allemande, avec les conséquences lourdes que l’on connaît en termes d’émission de gaz carbonique et de réchauffement climatique.

Conformément au Grenelle de l’environnement, je prends la précaution d’affirmer ici mon engagement pour une réelle diminution de notre consommation d’énergie comme pour le développement accru et déterminé des énergies renouvelables dans notre pays, en Europe et dans le monde ; je prends cette précaution pour poser la question du nucléaire, que je pense indispensable dans le mix énergétique mondial pour répondre à la fois à la réalité de la demande et à la lutte, essentielle, contre le réchauffement climatique.

Dans notre pays, l’énergie nucléaire représente plus de 75 % de notre production d’électricité – à comparer avec 23 % en Allemagne – et garantit notre indépendance énergétique.

M. Noël Mamère. Mais non !

M. Serge Poignant. Ce secteur, dans lequel notre savoir-faire et notre démarche de sécurité sont mondialement reconnus, représente 200 000 emplois.

Après Fukushima et des engagements français légitimes en termes de sécurité accrue, après cette décision allemande, qui peut provoquer le doute chez nos concitoyens – doute peu ou prou entretenu par notre opposition, fortement divisée en la matière –, pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, affirmer clairement la position de la France sur cette question du nucléaire ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président de la commission des affaires économiques, le Gouvernement allemand a en effet décidé de confirmer la décision, prise par le Gouvernement de M. Schröder il y a quelques années, de sortir du nucléaire.

M. Noël Mamère. Il a eu raison !

M. François Fillon, Premier ministre. Le Gouvernement français n’a pas de jugement à porter sur cette décision.

M. Jean Glavany. Alors pourquoi donc en parle-t-on ? (Sourires.)

M. François Fillon, Premier ministre. Comme vous l’avez indiqué, cette décision aura naturellement des conséquences à court terme : malgré un effort très important en matière d’énergies renouvelables, l’Allemagne devra augmenter son recours au gaz, au charbon et à l’importation d’électricité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. D’électricité nucléaire…

M. Jean-Pierre Brard. D’électricité nucléaire…

M. François Fillon, Premier ministre. Ce n’e st pas le choix que fait notre pays.

Depuis trente ans, d’une façon, je veux le rappeler, assez consensuelle…

M. Noël Mamère et M. François de Rugy. Il n’y a pas de consensus !

M. François Fillon, Premier ministre. …nous avons choisi d’investir largement dans le domaine du nucléaire, avec des objectifs qui sont toujours d’actualité : l’indépendance énergétique de notre pays…

M. Noël Mamère. Non ! Nous n’avons pas d’uranium !

M. François Fillon, Premier ministre. …et l’obtention de coûts d’énergie qui permettent à notre industrie d’être compétitive ; s’y est ajoutée la lutte contre le réchauffement climatique, puisque chacun constate qu’après cette décision, il sera plus difficile pour l’Allemagne de respecter les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. François Fillon, Premier ministre. L’accident de Fukushima pose toutefois en matière de sécurité des questions que personne n’a le droit d’éluder. (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.) Ces questions, nous avons choisi d’y répondre de la manière suivante – je l’ai d’ailleurs indiqué devant l’Assemblée nationale dans les premiers jours qui ont suivi cet accident : nous allons mettre en place un dispositif de test qui conduira à simuler, pour chacun de nos centrales, des situations parfaitement exceptionnelles, qui sont celles qu’a connues la centrale de Fukushima : tremblement de terre supérieur à ceux que la France a connu au cours de son histoire, inondation massive à l’exemple du tsunami qui s’est produit au Japon, provoquant la panne de l’ensemble des systèmes d’alimentation et de refroidissement des réacteurs.

M. Noël Mamère. Et le terrorisme ?

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons passer chacune de nos centrales à ce crible-là. Si certaines ne répondaient pas à ces critères, nous prendrions la décision de les fermer.

À l’occasion du Grenelle de l’environnement, et même si le nucléaire reste au cœur de notre stratégie en matière d’énergie, nous avons décidé de consentir un effort important en faveur des énergies renouvelables, afin de mettre en place un mix énergétique plus large. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC)

Nous avons pris l’engagement d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables en 2020, et nous tiendrons cet engagement. Nous allons d’ailleurs lancer dans quelques semaines l’appel d’offres pour la première tranche de 3 000 mégawatts pour l’éolien en mer, pour atteindre l’objectif de 6 000 mégawatts en 2020.

Dans dix ans, 34 % de notre production électrique seront issus des énergies renouvelables. Voilà la politique que le Gouvernement français a choisi de mener.

Sur cette question du nucléaire, depuis trente ans, et malgré les cris que j’entends ici ou là, un consensus s’est créé – en tout cas un consensus entre les majorités successives qui ont gouverné notre pays. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Je demande que, de chaque côté de l’hémicycle, l’on soit prudent avant de le remettre en cause. Le débat sur l’énergie est naturel et légitime ; nous devons nous écouter les uns les autres pour ne pas casser de façon artificielle ce consensus qui a fait la force de notre pays. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Daniel Paul et M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

Pouvoir d'achat outre-mer

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Serge Letchimy. Monsieur le Premier ministre, dans le monde actuel les inégalités s'accroissent dans l'accès aux ressources élémentaires, comme l'alimentation, le logement, l'énergie.

La situation en France est inquiétante : 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 13,4 % de la population. C’est aussi la conséquence, qu’on le veuille ou non, de choix politiques et économiques marqués par le désengagement de l’État, notamment face aux marchés financiers.

Au cours des dix dernières années, le revenu annuel moyen des 10 % les plus modestes s'est élevé de 970 euros quand celui des 10 % les plus riches s'accroissait de 11 500 euros. Dans le même temps, sachez que 0,01 % des plus riches ont gagné 360 000 euros supplémentaires. Où est l’État dans son rôle régulateur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les inégalités de revenus se creusent face à des jeunes dont près de 20 % sont au chômage. En outre-mer, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 25 % de chômage, un PIB inférieur de 30 % par rapport à l'hexagone, des produits de base supérieurs de 35 %.

Les événements en Grèce et en Espagne doivent nous interpeller et nous faire prendre conscience d'un risque de rupture de la solidarité et de la cohésion au sein de nos sociétés.

Monsieur le Premier ministre, plutôt que d'accuser, comme l'a fait votre ministre des affaires européennes, les populations pauvres de se complaire dans l'inactivité, plutôt que de rejeter, comme le fait votre ministre de l'intérieur, la responsabilité de cette situation sur les immigrés et les étrangers, quand accepterez-vous enfin d'assumer la question éminemment politique du partage et de la redistribution des richesses et du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. M. Lefebvre va nous parler de la France qui roule ! (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser la ministre de l’outre-mer qui est en ce moment même retenue au Sénat.

Vous avez posé un certain nombre de questions qui concernent nos compatriotes d’outre-mer.

Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Marcel Rogemont. Pas uniquement ! M. Letchimy est député de la nation tout entière !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je veux vous rappeler les axes qui ont été décidés lors du Conseil interministériel de l’outre-mer. Vous savez que le Gouvernement s’est fixé notamment comme obligations de favoriser la concurrence en outre-mer par un renforcement des contrôles et de la transparence,…

M. Jean Glavany. Vous n’avez pas écouté la question !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. C’est vous qui ne l’avez pas écoutée !

M. Jean Glavany. Votre cabinet a mal fait son travail !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. …l’abaissement du seuil de contrôle des concentrations d’entreprises dans la distribution, et la création de GIR-concurrence qui permettent de mutualiser les expertises avec les services des douanes et les services fiscaux.

Vous avez insisté sur le chômage en outre-mer en citant le chiffre de 25 %. Chacun doit évidemment réfléchir.

Le plan en question contient un volet consacré au développement économique local qui est un enjeu majeur, et notamment au développement économique endogène.

M. Jean Glavany. C’est la France qui croule !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Lors de notre déplacement de quarante-huit heures en outre-mer avec Marie-Luce Penchard, qui faisait suite à celui du Président de la République, vous avez pu mesurer, monsieur Letchimy, à quel point le Gouvernement était décidé à s’engager de manière déterminée, notamment en matière de tourisme qui est si important en outre-mer, pour soutenir le développement économique endogène. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Malgré les cris d’orfraie qui sont poussés sur quelques bancs, nous sommes déterminés à continuer d’agir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Vous devriez plutôt écouter la question !

Régime de retraites minier

M. le président. La parole est à M. Pierre Lang, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Pierre Lang. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, vous avez annoncé, le 12 mai dernier, une réforme du régime minier de sécurité sociale.

La nation ne peut que reconnaître le sacrifice des mineurs, les conditions de travail exceptionnellement éprouvantes qui ont été les leurs et la brièveté de la vie de beaucoup d'entre eux.

Dans ma circonscription, vous le savez, les anciens mineurs représentent une part très importante de la population et je mesure, mieux que personne, l’attachement légitime qui est le leur à leur régime spécifique de protection sociale.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle prétention !

M. Pierre Lang. Nous reconnaissons, comme vous, la nécessité de faire évoluer ce régime, afin que celui-ci puisse continuer d'apporter toutes les garanties que les anciens mineurs sont en droit d'attendre.

Il nous semble donc très important que l'ensemble des garanties soient apportées aux affiliés quant à la prise en charge à 100 % des dépenses de soins qui fait partie de leur statut.

Il est essentiel également que les salariés du régime se voient offrir toutes les garanties liées à leur statut.

Enfin, le gouvernement socialiste de M. Jospin et sa ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme Guigou, avaient exclu, en 2002, de la revalorisation des retraites les mineurs les plus âgés, les retraités les plus anciens, ceux qui avaient le plus souffert des conditions de travail très difficiles dans les galeries poussiéreuses des mines, ceux qui n'avaient eu que quatre semaines de congés payés et qui travaillaient plus de quarante heures par semaine.

M. Daniel Mach. C’est honteux !

M. Pierre Lang. Il faut revenir sur cette injustice, comme le Président de la République s'y est engagé.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer l'ensemble des mesures que vous entendez mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs et conforter les garanties dont bénéficient les affiliés et les salariés du régime minier ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, comme vous, je pense que nous avons une dette envers les mineurs. Aussi faut-il apporter des garanties, à la fois aux affiliés de ce régime, aux retraités et aux salariés.

J’avais proposé, dans ce document d’orientation du 12 mai qui fait suite au rapport de votre collègue Yves Bur, d’inscrire dans les textes la prise en charge à 100 % de l’ensemble des dépenses liées à la santé. Cela constitue une juste reconnaissance.

Quant à la suppression du fameux 2-2b, elle sera intégralement compensée par des crédits supplémentaires d’action sociale pour qu’il n’y ait pas de recul en termes de prise en charge.

Concernant l’offre de soins, il est proposé d’adosser ces établissements au régime général. C’est la meilleure des garanties, à la fois pour le statut du personnel, mais aussi parce que, lorsque ce sera nécessaire, les investissements pourront être pris en charge.

Honorer notre dette, c’est être au rendez-vous des engagements que je prends et qui figurent dans ce document.

Vous avez évoqué un autre engagement. En 2001, c’est vrai, Mme Guigou avait créé une injustice sans nom en oubliant les retraités les plus âgés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Élisabeth Guigou. Menteur !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous avons donc décidé de revenir sur cette injustice, comme s’y était engagé le Président Sarkozy. Nous allons donc revaloriser progressivement jusqu’à 5 % ces retraites.

Si ce sujet avait été réglé en 2001, vous n’auriez pas eu à poser la question, et nous n’aurions pas à réparer les injustices créées par d’autres.

Mme Élisabeth Guigou. Menteur !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà notre conception de l’intérêt général et quels sont nos engagements pour mettre en œuvre la réforme du régime minier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Mensonges !

Contrats urbains de cohésion sociale

M. le président. La parole est à M. Michel Destot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Destot. À la suite du comité interministériel des villes du 18 février dernier, je vous avais interrogé, monsieur le ministre de la ville, sur la réforme de la géographie prioritaire ainsi que sur l’avenir des programmes de rénovation urbaine. Nous attendons toujours des précisions de votre part sur ces deux points.

Depuis, le Gouvernement a récemment identifié 33 contrats urbains de cohésion sociale, contrats « expérimentaux » pour lesquels le droit commun est supposé se mobiliser de manière privilégiée.

Reste qu’au-delà des effets d’annonce, de nombreux élus s’interrogent aujourd’hui sur les moyens effectifs qui seront affectés à ces territoires en grande difficulté. En effet, les délais semblent très courts pour préparer les avenants nécessaires et, dans le meilleur des cas et sous réserve d’inventaire, comme en Seine-Saint-Denis, le maintien des crédits de l’année précédente sera tout juste assuré. Quel sera, en outre, le sort des sites qui n’ont pas été retenus au titre de cette nouvelle géographie prioritaire très resserrée ?

Pour mémoire, à Caen, Rouen, Saint-Étienne, Lille ou Amiens, les baisses de crédits pour 2011 varient entre 20 et 60 %, mettant en péril de nombreux organismes associatifs, essentiels au lien social. Les crédits de droit commun sont partout en cause.

En tant que président de l’Association des maires des grandes villes de France, j’insiste sur le fait que le risque est grand de désespérer professionnels, experts, responsables associatifs et élus, sans oublier, bien entendu, nos concitoyens.

Les besoins sont connus de tous : les habitants souffrent durement de la crise et de plus en plus de territoires sont en train de s’inscrire dans des logiques de ghettoïsation et de précarisation.

Monsieur le ministre, que répondez-vous aux habitants des quartiers populaires qui désespèrent de la promesse républicaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, ministre de la ville.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Monsieur le député et président de l’Association des maires des grandes villes de France, votre question me permet de rappeler l’action conduite par le Gouvernement dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale.

Nous avons décidé de prolonger ces contrats jusqu’en 2014. C’est très important et j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec vous-même, avec des représentants de l’association que vous présidez ainsi qu’avec les représentants d’autres associations d’élus. Cette décision, attendue non seulement par les quartiers, par les associations mais également par les municipalités qui avaient besoin de visibilité pour développer des actions de cohésion sociale, a été ratifiée par le comité interministériel des villes.

J’ai ensuite proposé que soit menée une expérimentation avant que nous ne modifiions la géographie prioritaire de la politique de la ville. Votre ville sera concernée et en particulier les quartiers de la Villeneuve et d’Échirolles.

M. Gaëtan Gorce. Pourquoi ne pas créer un observatoire, pendant que nous y sommes ?

M. Maurice Leroy, ministre. Ainsi disposerons-nous d’une typologie de tous les quartiers d’intervention et pourrons-nous formuler de nouvelles propositions en matière de géographie prioritaire de la politique de la ville.

Enfin, monsieur Destot, vous avez raison d’insister sur le fait qu’il faut absolument remobiliser le droit commun. Je m’y emploie, et le Premier ministre s’y est engagé au cours du comité interministériel des villes du 18 février.

M. Manuel Valls. De l’argent, monsieur Leroy !

M. Maurice Leroy, ministre. C’est tout le sens de l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Propos d’un intellectuel
sur le tourisme en Corse

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d’État chargé du tourisme… (« Encore ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Oui, encore lui. (Vives exclamations ironiques sur les mêmes bancs.) Récemment, un intellectuel français…

M. Manuel Valls. Voltaire !

M. Camille de Rocca Serra. …a lancé un appel au boycott touristique de la Corse lors d’une émission télévisée, en raison des actes de violence commis sur l’île. Comme l’ensemble de la population locale, j’ai été particulièrement choqué par ces propos scandaleux qui ont injustement stigmatisé les Corses.

Comme les autres élus locaux, je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence. Je souhaite également rappeler qu’ils sont le fait d’une infime minorité et que la Corse en est victime. Il n’y a aucun sens à pénaliser toute une économie par un appel au boycott auprès des touristes.

C’est tout simplement méconnaître que la violence et les systèmes mafieux se nourrissent du non-développement, alors que les activités touristiques représentent un moteur économique indispensable pour notre île puisqu’elles emploient environ 15 % des personnes salariées.

Je reste persuadé que, dans le respect de son cadre exceptionnel, grâce à son patrimoine et à la qualité de ses produits agricoles, notre île peut et doit encore développer ces activités auprès de la clientèle européenne, notamment en élargissant la saison touristique.

Pour soutenir l’activité touristique, il nous faudra également répondre à deux questions relatives, l’une, à l’annualisation du temps de travail et l’autre à la nécessaire adaptation du crédit d’impôt, questions qui ne relèvent pas, je le sais bien, de votre domaine de compétence.

M. Henri Emmanuelli. Et les primes ?

M. Camille de Rocca Serra. Je souhaite donc vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur les intentions du Gouvernement pour soutenir le développement des activités touristiques en Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le député, en tant que secrétaire d’État chargé du tourisme, je ne peux que condamner un appel au boycott d’une partie de notre territoire. Je m’y suis d’ailleurs immédiatement employé, comme vous le savez.

C’est d’autant plus vrai concernant la Corse que le tourisme constitue une activité incontournable.

M. Jean Glavany. Bravo !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. En 2010, plus de 3 millions de touristes ont visité la Corse. Le tourisme représente 20 % du PIB de l’île – avec des recettes de plus de 1,5 milliard d’euros – contre 6 % sur le plan national.

M. Jean Glavany. La Corse est une île entourée d’eau de toutes parts, n’est-ce pas ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Les activités touristiques emploient 15 % des salariés corses, soit trois fois plus qu’à l’échelon national.

M. Henri Emmanuelli. Vendez-le !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Le développement d’un tourisme de qualité, dans le respect du cadre de l’île, c’est évidemment l’augmentation du nombre des séjours de 5 % en 2009 et de 2 % en 2010.

Que pouvons-nous faire pour la Corse ? J’ai demandé à Atout-France de définir, avec l’agence du tourisme corse qui en a pris l’initiative, un partenariat stratégique. Il s’agit d’abord d’appuyer la stratégie marketing et la promotion de la destination, notamment sur le marché européen où il reste beaucoup à faire pour attirer les touristes vers la Corse. Il s’agit ensuite de structurer l’offre touristique et des filières stratégiques – l’hôtellerie, la restauration, le commerce – qui doivent bénéficier d’un soutien.

J’aurai le plaisir de me rendre prochainement dans l’île de beauté (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe SRC) pour signer cet accord de partenariat, sans doute à la fin du mois de juillet, afin d’encourager les touristes à venir découvrir, s’ils ne l’ont déjà fait, cette île merveilleuse…

M. Jean Glavany. Bravo !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. … dont notre territoire peut-être si fier.

M. Jean Glavany. Il l’a dit !

M. le président. La séquence des questions au Gouvernement est terminée.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Nomination d’un député en mission temporaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Patrice Martin-Lalande, député du Loir-et-Cher, d’une mission temporaire auprès de M. le ministre de la culture et de la communication.

3

Droits et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (nos 3440, 3445).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen de ce projet de loi qui fait la quasi-unanimité contre lui, tant parmi les psychiatres et l’ensemble des professionnels concernés que parmi les patients et leurs associations. Un texte sécuritaire et réducteur qui se limite aux soins sans consentement,…

M. Guy Lefrand, rapporteur de la commission des affaires sociales. Discours idéologique !

Mme Jacqueline Fraysse. …comme si cette situation particulière pouvait être abordée efficacement sans revoir l’ensemble de l’organisation des soins en psychiatrie.

Avec ce texte, votre objectif est de faire croire à nos concitoyens qu’ils seront mieux protégés face aux actes potentiellement dangereux de certains malades mentaux, ce qui n’est pas la réalité.

En fait, le seul point positif est l’intervention d’un juge dans la procédure de soins sans consentement. Un point qui ne figurait pas dans votre projet initial et qui a été imposé par le Conseil constitutionnel. Vous avez d’ailleurs veillé à ne surtout pas aller au-delà des strictes exigences de celui-ci.

M. Guy Lefrand, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. Quelques autres avancées ont été introduites par voie d’amendement au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Il s’agit de la création d’un droit à l’oubli fixé à dix ans, de l’organisation par les agences régionales de santé d’un dispositif de réponse aux urgences psychiatriques ou encore de l’unification du contentieux de l’hospitalisation sous contrainte sous l’égide du juge judiciaire, contentieux jusqu’alors éclaté entre ce dernier et le juge administratif.

Mais ces avancées sont bien modestes et ne sauraient, en tout état de cause, permettre de surmonter l’essentiel des dysfonctionnements actuels, d’autant que le texte ne prévoit pas de moyens nouveaux pour mettre en œuvre les mesures. Pas de moyens pour la justice, dont pourtant la situation est préoccupante. Pas de moyens pour les hôpitaux, dont le manque de lits est criant pour accueillir sans délai les patients qui en ont besoin. Comme le fait très justement remarquer le contrôleur général des lieux de privation de liberté, ces dispositions vont engorger un peu plus les hôpitaux et rendre plus difficiles les hospitalisations librement consenties. Pas de moyens, non plus, pour les hôpitaux de jour, les centres médico-psychologiques et, plus généralement, les structures de la psychiatrie de secteur.

Vous prétendez mettre en place des soins sans consentement en ambulatoire, mais qui va suivre ces patients, et où, puisqu’ils seront repartis à leur domicile ? Les équipes actuelles ne parviennent déjà pas à faire face dans des conditions satisfaisantes à leurs tâches. Comment pourront-elles y ajouter le suivi de ces patients particulièrement difficiles ?

Lors de l’examen de la loi HPST, j’avais regretté que la psychiatrie soit absente d’un texte sur l’hôpital. Mme Bachelot nous avait alors promis une grande loi sur la santé mentale, dont nous savons maintenant qu’elle ne viendra jamais. Aujourd’hui, on nous présente une loi sur les soins psychiatriques sans consentement et en ambulatoire, mais sans évoquer les objectifs et les moyens de ces structures ambulatoires. On marche vraiment sur la tête !

Pour toutes ces raisons, et malgré les quelques avancées dues au Conseil constitutionnel et aux amendements des sénateurs et députés, nous voterons contre ce texte, dont nous ne partageons absolument pas la philosophie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau centre.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte revient en deuxième lecture ; il est peu modifié sur le fond.

L’objet de ce projet de loi est majeur en démocratie mais ce domaine est particulièrement complexe et difficile. Nous devons, en effet, tenter de trouver un juste équilibre entre la liberté de la personne et la nécessaire protection d’elle-même, de ses proches, des soignants et de la société, tout en sachant que le risque zéro n’existe pas.

Il convient aussi de s’abstraire des faits divers et d’éviter de légiférer sous le coup de l’émotion.

Beaucoup attendaient un grand texte concernant la psychiatrie. Le Gouvernement s’est engagé à présenter un plan à l’automne. Espérons qu’il puisse résoudre les problèmes en suspens.

La loi du 17 juin 1990 aurait dû être réformée depuis longtemps. Il était d’ailleurs prévu qu’elle devait être révisée dans les cinq ans.

Ce projet de loi, certes limité, était nécessaire et urgent en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. L’article 66 de la Constitution exige, en effet, que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, afin d’éviter les décisions arbitraires liées à des intérêts personnels ou politiques.

Le Conseil constitutionnel a estimé que cette hospitalisation sous contrainte ne pouvait être prolongée au-delà de quinze jours sans l’intervention d’un juge. Il s’agit là d’une bonne nouvelle au regard des libertés individuelles ainsi que des normes européennes, mais son application sera difficile.

Définir la dangerosité d’une personne, dans un contexte le plus souvent d’urgence, porter un diagnostic sur la pathologie, décider si les soins peuvent être effectués en milieu ouvert ou doivent l’être en milieu fermé, est particulièrement délicat et nécessite une grande expérience dont seuls les experts disposent. Mais ceux-ci ne sont pas à l’abri d’erreurs, d’autant que la démographie des professionnels de santé ne permet pas de disposer d’un temps médical important.

Dans ce domaine où intervient l’autorité administrative, le chemin est étroit entre la lettre de cachet et la liberté de la personne, même si cette personne peut être dangereuse pour elle-même, ses proches ou la société. Des drames imprévisibles, souvent médiatisés, peuvent survenir ; il est difficile de prévoir un raptus avant qu’il se produise.

Le texte du projet de loi est équilibré. Il prévoit notamment les avancées suivantes : un protocole de soins avant la soixante-douzième heure établi par un psychiatre de l’établissement et définissant le type de soins, le lieu de leur réalisation et leur périodicité ; la possibilité de soins en établissement, bien sûr, mais aussi en ambulatoire – c’est une nouveauté ; l’intervention du juge des libertés au quinzième jour puis tous les six mois ; la constitution d’un collège pour les patients dits difficiles ; le renforcement du rôle des commissions départementales des soins psychiatriques.

Certains interprètent ce texte comme sécuritaire. Il semble, au contraire, proposer des mesures renforçant la protection de la personne hospitalisée sans son consentement. Nous souhaitons rendre le patient acteur de sa santé en toutes circonstances, mais ce principe est d’application délicate lorsque le patient n’a pas conscience de sa dangerosité. Il convient cependant de protéger cette personne contre des tiers mal intentionnés ou intéressés, ou contre des abus de l’État, qui pourrait souhaiter mettre à l’écart des opposants en les taxant de déviants, de malades.

Ce texte est équilibré, même si son application sera difficile et complexe. Il prévoit ainsi une multiplication des certificats alors que la démographie des psychiatres est difficile. Le juge des libertés aura-t-il la disponibilité nécessaire ? Sur quels arguments jugera-t-il si ce n’est sur les certificats médicaux ? Avec 80 000 décisions devant être rendues dans l’année, le garde des sceaux a-t-il prévu de renforcer, et de manière suffisante, les moyens humains ?

Par ailleurs, la composition du collège n’est pas satisfaisante. L’obligation pour le psychiatre de dénoncer son patient ne suivant pas son projet de soins pose un problème déontologique. La sectorisation de la psychiatrie n’est pas intégrée dans ce texte ; c’est pourtant sur elle que repose l’organisation de la psychiatrie.

M. Serge Blisko. Exact !

M. Jean-Luc Préel. Malgré ces remarques importantes qui laissent prévoir des difficultés sérieuses dans l’application de cette loi, parce qu’il y a urgence, que l’intervention du juge est souhaitable, que le garde des sceaux prévoit de renforcer les moyens, que le Gouvernement a annoncé un plan pour la psychiatrie à l’automne, le groupe Nouveau centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. Je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. André Flajolet, pour le groupe UMP.

M. André Flajolet. Monsieur le président, chers collègues, le texte soumis à notre vote résulte d’un constat : nos outils législatifs sont incomplets et nos moyens insuffisants pour répondre à une question qui concerne l’être humain en tant que personne, d’une part, en tant que personne dans sa relation à autrui et à la société, d’autre part. Cette question est la suivante : peut-on obliger une personne à se soigner alors que, sans qu’elle en ait conscience, elle présente un danger potentiel pour elle-même et pour autrui ?

Nous complétons aujourd’hui notre édifice législatif pour permettre aux personnes en besoin de soins sans le savoir de recevoir l’attention des soignants. Ce sont peut-être quelques criminels qui font la une des journaux ; ce sont surtout 4 000 de nos concitoyens souffrant de troubles qui se suicident chaque année.

M. Guy Lefrand, rapporteur. Très bien !

M. André Flajolet. Nous assumons et assurons par ce texte un équilibre entre la sécurité et la liberté dues par la société à chacun de ses membres. Cet équilibre est contenu dans la reconnaissance du pouvoir du soignant en charge d’accompagner chaque patient sur la route de sa rédemption et du devoir de l’État de protéger, y compris la personne en souffrance et en désespérance.

Un regard rétrospectif montre l’immense chemin parcouru dans le domaine du soin, tant dans le cure que dans le care, pour reprendre des expressions anglaises, tant dans l’accueil institutionnel en établissement que dans les groupes de parole, les ateliers temporaires ou l’intégration sociétale.

Cela, je le disais au départ, suppose des moyens. L’opposition, fidèle à son habitude, doute de la parole de l’État,…

M. Alain Néri. Elle a des raisons !

M. André Flajolet. …qui s’est engagé tant par la voix du garde des sceaux que par celle du ministre de la santé.

M. Alain Néri. Ce n’est pas une garantie ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. André Flajolet. Pour ma part, je suis convaincu, ainsi que mon groupe, que ces engagements ministériels ne sont pas soumis aux aléas et concrétisent la volonté de la représentation nationale. Les sollicitations portées par notre éthique de conviction ont été satisfaites tant par la reconnaissance du droit à l’oubli que par l’affirmation de la priorité absolue du droit du patient et du psychiatre, de la place spécifique du juge et de celle de l’autorité administrative, dont les limites du champ de responsabilité sont bien définies.

Je tiens à remercier le rapporteur pour son écoute attentive et humaniste. Je pense que le texte définitif est une bonne synthèse qui évacue les peurs du sécuritaire et les illusions du spontanéisme comme marque de fabrique supposée de la liberté. Notre groupe votera ce texte, résultat équilibré d’un travail partagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe SRC.

M. Serge Blisko. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi ne répond en rien aux attentes de ceux-là mêmes qui vont être censés l’appliquer. Il n’est pas le grand plan de santé mentale tant attendu par l’ensemble des acteurs du monde psychiatrique. Vous nous obligez à légiférer par le petit bout de la lorgnette et uniquement sur un volet sécuritaire, sans aucune hauteur de vue sanitaire. C’est une manie, décidément bien ancrée à droite, de n’aborder les questions de société que par l’angle sécuritaire !

Certes, nous nous félicitons de l’intervention du juge des libertés et de la détention au quinzième jour puis au sixième mois de l’hospitalisation sous contrainte, mais le Gouvernement a été obligé d’accepter l’ajout de cette disposition in extremis, à la demande du Conseil constitutionnel. Et l’on remarque que le préfet reste bien, malgré cela, à l’origine de nombre de décisions, qu’il s’agisse du protocole de soins, de l’arrêt ou non des soins sans consentement, de la transformation des soins ambulatoires en hospitalisation et vice versa ; il doit même donner son aval aux sorties !

Comment appliquer cette loi en respectant la décision du Conseil constitutionnel sur l’intervention du juge quand on connaît la faiblesse des moyens de la justice et surtout sans remédier à ceux de la psychiatrie publique ?

Huit cents postes de psychiatres ne sont pas pourvus dans le secteur public, mais vous augmentez les obligations administratives d’un personnel débordé et découragé.

Vous introduisez le concept de soins en ambulatoire sans consentement, mais les structures de soins extra-hospitalières manquent cruellement de moyens en personnel et, de fait, ne rendent pas les services que les malades et leurs familles sont en droit d’attendre.

Vous pointez, à juste titre, le désordre des services d’urgence et la difficulté d’organiser rapidement l’entrée dans un service de psychiatrie – louable constat –, mais vous portez à trois jours le temps d’observation avant toute prise de décision médicale définitive.

Enfin, négligeant toutes les réserves, vous avez organisé un système de fichage administratif et policier sur dix ans pour les malades passés dans les services les plus lourds, alors même que s’ils sont sortis, c’est qu’ils sont stabilisés et qu’il faudrait privilégier leur réadaptation plutôt que renforcer leur surveillance.

Ce texte, vous le savez, ne pourra être appliqué sans la coopération active des professionnels de la santé mentale. Or vous n’avez tenu compte ni de leurs critiques, ni de leur colère, ni de leurs inquiétudes. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 496

Nombre de suffrages exprimés 488

Majorité absolue 245

(Le projet de loi est adopté.)

4

Bioéthique

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 3324, 3403).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Olivier Jardé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, nous arrivons au terme de la deuxième lecture du texte sur la bioéthique, domaine tout à fait mouvant qui progresse avec la science et sur lequel chacun réfléchit de façon personnelle, sans technique particulière, dans le respect de sa propre conviction et de celle des autres. La bioéthique replace l’homme dans la société, elle fixe un cadre ; elle renvoie aux cas de conscience, elle est non universelle, pluraliste et évolutive.

Au Nouveau Centre, nous sommes très attachés à l’humanisme, au respect du corps humain et à sa non-marchandisation, ainsi qu’à la famille.

Nous affirmons avec force que nous sommes contre le clonage thérapeutique et reproductif.

Nous sommes opposés à la gestation pour autrui, car nous respectons énormément le corps de la femme : celui-ci n’est pas un instrument et la grossesse n’est pas une période neutre. La gestation pour autrui ouvre la voie au droit à l’enfant, au contrat pour l’enfant parfait. Et d’ailleurs, verra-t-on, un jour, une femme riche porter l’enfant d’une femme pauvre ?

Nous sommes opposés à la procréation médicalement assistée motivée par des raisons non médicales.

Nous sommes favorables à une révision des lois de bioéthique à une date fixe. C’est pour cette raison que nous avons soutenu l’amendement qui prévoyait des états généraux de la bioéthique tous les cinq ans.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela aurait été mieux !

M. Olivier Jardé. S’agissant de la lecture des caractéristiques génétiques en prénatal, nous y avons ajouté par voie d’amendement l’obligation, en plus de l’avis médical, de rencontrer une association de parents d’enfant atteints de maladies telles que la mucoviscidose, la myopathie ou la trisomie.

S’agissant des greffes, très marqués par les refus de prélèvement qui atteignent encore pratiquement 30 % dans notre pays, nous avons défendu des amendements proposant que les Français, une fois informés, doivent préciser s’ils acceptent des prélèvements en cas d’accident.

Nous refusons l’assistance médicale à la procréation à des âges avancés chez les femmes. Nous réaffirmons que l’on ne peut pas être enceinte à soixante ans.

Le dernier point important a fait l’objet d’un débat respectueux : faut-il interdire la recherche sur l’embryon avec dérogation ou l’autoriser avec encadrement ? Je tiens à rappeler que les cellules embryonnaires sont des cellules en devenir qui donnent la vie. Elles sont donc tout à fait particulières et remplissent une mission importante. Si leur utilisation à des fins de recherche est actuellement nécessaire, je pense que ce n’est que temporaire ; elle devra être abandonnée dès que la recherche pourra procéder autrement. Ayant entendu les arguments des uns et des autres, le Nouveau Centre a voté pour l’article 23, c’est-à-dire pour l’interdiction avec encadrement.

Les lois de bioéthique renvoient à une réflexion très personnelle. Chacun des membres de notre groupe prendra donc ses responsabilités de façon individuelle. À titre personnel, je voterai pour. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Christophe Lagarde et M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour le groupe UMP.

M. Paul Jeanneteau. Monsieur le président, mes chers collègues, les progrès scientifiques s’accélèrent et nous ne pouvons que nous en féliciter. Néanmoins, ces progrès posent des questions auxquelles nous devons répondre, notamment lorsqu’ils touchent au début de la vie. C’est là tout l’objet des lois de bioéthique : définir un cadre éthique des droits et devoirs sur des sujets difficiles, tels la procréation médicale assistée, les examens génétiques ou la recherche sur l’embryon.

Quelle conception avons-nous de l’homme et du vivant ? C’est à cette question, fondamentale pour le devenir de notre société, que ce projet de loi doit répondre.

Débattre des questions de bioéthique est un devoir pour les parlementaires, mais c’est aussi une mission particulièrement importante. Chacun d’entre nous a reçu des témoignages de situations humainement douloureuses, s’agissant d’un parcours d’aide médicale à la procréation ou de dons d’organes. Chaque parcours de vie, chaque expérience personnelle, chaque désir ou souffrance est éminemment respectable. Bien évidemment, le législateur n’y est pas insensible et compatit. Mais il doit agir en gardant à l’esprit l’intérêt général, c’est-à-dire l’intérêt des individus transcendé par celui de la collectivité. Défendre l’intérêt général n’est donc pas autoriser tout ce qui est techniquement réalisable, cela ne serait pas socialement souhaitable.

Ainsi, notre assemblée a choisi de ne pas autoriser le transfert d’embryons post-mortem, comme l’avait envisagé la commission spéciale, décidant ainsi de fixer comme limite à la conception celle de la vie. Elle a également refusé de permettre l’ouverture du don de gamètes aux couples de femmes, estimant que la loi de bioéthique se doit d’apporter des réponses à une stérilité médicale et non sociétale. Notre débat a également porté sur l’information délivrée aux femmes sur le diagnostic prénatal : l’amendement adopté en séance, sur proposition de notre rapporteur Jean Leonetti, répond parfaitement à l’exigence éthique de neutralité en rappelant que l’information donnée doit être loyale, claire et appropriée.

Enfin, dans le domaine de la recherche sur l’embryon, notre assemblée a décidé de rétablir le principe d’interdiction avec dérogation. Ce dispositif permet de protéger l’embryon tout en autorisant certaines recherches sous le contrôle strict de l’Agence de la biomédecine. De plus, il est en parfaite adéquation avec notre droit national, notamment avec l’article 16 du code civil, qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer la qualité des débats auxquels cette deuxième lecture a donné lieu. Les dissensions et les accords que nous avons eus sur certains points, indépendamment de nos groupes politiques, ont bien montré que les questions de bioéthique transcendent les clivages partisans.

Les choix éthiques affirmés dans ce texte sont courageux. Soyons fiers, mes chers collègues, de ne pas avoir cédé, par mimétisme ou par peur de la page blanche, à la tentation du moins-disant éthique en cours chez certains de nos voisins. La France, pays des droits de l’homme, a des valeurs qu’elle affirme. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter ce texte équilibré, conforme à nos principes éthiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe SRC.

M. Alain Claeys. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, notre pays peut s’honorer d’avoir été le premier à créer un comité national d’éthique, à l’initiative du Président François Mitterrand. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Notre pays peut se réjouir qu’à chaque fois qu’il a fallu le faire, nos dirigeants ont su défendre la non-marchandisation du vivant. C’est la position qu’ont adoptée Jacques Chirac, Président de la République, et Lionel Jospin, Premier ministre, lorsqu’il s’est agi de transposer la directive européenne sur le vivant.

Notre pays s’est doté d’un remarquable encadrement de la recherche à travers l’Agence de la biomédecine. Cette agence autorise et évalue. Personne, ici ou à l’extérieur de l’hémicycle, ne peut mettre en doute ses grandes compétences.

Dans le cadre de cette révision de la loi de bioéthique, nous avons eu à prendre une décision simple, mais d’autant plus importante que nous avons décidé collectivement que cette loi ne sera plus révisable tous les cinq ans : en fonction de l’encadrement et de toutes les barrières éthiques mises en place au nom des deux grands principes que sont le respect de la dignité de la personne humaine et la non-marchandisation du corps humain, allons-nous permettre à la recherche sur le vivant de faire son travail dans de bonnes conditions et dans un encadrement précis ? Le moment était venu de trancher.

Au lendemain de son élection, le Président des États-Unis, a pris comme première mesure l’autorisation du financement public des recherches sur les cellules souches embryonnaires. Il n’a pas pris cette décision sous l’influence de lobbies financiers ou de je ne sais quel autre groupe de pression, mais simplement parce qu’il avait écouté des chercheurs et des associations de malades, qui lui avaient dit : « Il faut chercher. Cela demandera du temps, mais peut-être cette voie de thérapie cellulaire, avec bien d’autres, pourra-t-elle déboucher sur une meilleure connaissance et éventuellement sur des traitements thérapeutiques. » Peut-on dire non à une telle demande ?

Les dispositions que nous avons aujourd’hui chez nous, tant en matière d’encadrement que d’évaluation, ne sont-elles pas suffisamment solides pour répondre favorablement à cette demande ? Ce serait un message fort à adresser à nos chercheurs et aux malades que de leur dire : « Oui, dans notre pays, qui a été le premier à se doter d’une structure indépendante d’évaluation de tous les sujets éthiques, vous pouvez aujourd’hui chercher librement. »

Mes chers collègues de la majorité, cela n’a pas été votre choix. Je vous le dis calmement mais je le pense profondément : vous avez pris la pire des solutions.

M. Dominique Dord. Voilà un jugement nuancé !

M. Alain Claeys. En fait, vous n’avez pas choisi. Interdire en prévoyant des dérogations peut conduire à s’adapter en fonction des personnes, du temps, des circonstances. Avec le respect que je vous dois, je vous le dis : vous avez pris cette décision parce que vous n’étiez pas d’accord entre vous.

Dans l’hémicycle, certains députés – et je salue leur travail – ont combattu depuis deux ans toute recherche sur les cellules souches embryonnaires. C’est leur droit, je respecte ce choix. (« Et le respect du temps de parole ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Il faut conclure, monsieur Claeys.

M. Alain Claeys. Mais il fallait assumer ce choix jusqu’au bout.

D’autres, au sein de l’UMP et au Nouveau Centre, sont favorables aux recherches encadrées, et ils n’ont pas pu prendre cette décision.

En conclusion, je crois que c’est une occasion manquée pour notre assemblée et pour notre pays. Nous étions assez forts éthiquement pour concilier (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Claeys. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Claeys. Cela ne mérite pas d’invectives !

Je disais que nous étions assez forts éthiquement pour concilier progrès et éthique.

Merci, monsieur le président, de m’avoir permis de m’exprimer jusqu’au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il était normal que notre collègue Claeys prenne le temps de s’exprimer sur un sujet aussi important dans la mesure où il était le président de la commission de révision des lois de bioéthique et en particulier de la commission spéciale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette prise de parole me donne aussi l’occasion de rendre hommage au travail réalisé par notre collègue Jean Leonetti. Ce n’était pas facile pour lui : comme vient de très bien le souligner Alain Claeys, il était pris entre ceux qui voulaient encadrer le progrès technique par le droit – ce qui est notre mission – et ceux qui ont préféré des choix beaucoup plus conservateurs.

En réalité, il m’est très difficile de procéder à cette explication de vote tant chacun agit selon sa conscience. Je ne peux pas exprimer le point de vue qui se retrouvera dans le vote de chacun des collègues de mon groupe. Cependant, je peux dire qu’au cours du vote qui va intervenir dans quelques instants, notre point de vue se traduira soit par une abstention soit par un vote contre, non pas parce que nous sommes dans l’opposition, mais parce que nous considérons que la politique du juste milieu ou du statu quo sur un sujet de cette importance vaut régression.

En effet, avec la première attitude du Gouvernement représenté par Mme Bachelot puis celle de nos collègues sénateurs, nous pouvions avancer, par exemple, sur la question de la recherche sur les embryons et sur les cellules souches embryonnaires. Au lieu de rester dans une forme de progrès contrôlé, le Gouvernement et la majorité ont choisi de maintenir l’interdiction. Frein à la recherche, cette interdiction n’est pas le signe d’un respect de la bioéthique mais plutôt celui d’un véritable recul.

Les écologistes, malheureusement très minoritaires ici,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Heureusement au contraire !

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Mamère a la parole.

M. Noël Mamère. Il me semblait qu’un tel sujet pouvait susciter autre chose que des invectives et conduire à s’écouter ne serait-ce que durant deux minutes trente.

Je ne vous demande pas grand-chose, simplement de savoir que les députés écologistes étaient, par exemple, favorables à ce que soit apportée une réponse à cette question qui nous angoisse tous depuis notre naissance : à qui dois-je d’être né ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est la raison pour laquelle nous étions favorables à ce que l’on puisse connaître ses origines, même lorsque l’on est né de dons de gamètes et que l’on a donc des parents sociaux.

De la même manière, nous ne sommes pas favorables à la limitation de l’aide à la procréation imposée par la révision des lois bioéthiques et par la majorité. L’aide à la procréation n’est accordée que pour des raisons médicales, alors que nous pensions qu’elle pouvait être ouverte à des femmes, par exemple.

M. Michel Raison. Homosexuelles !

M. Noël Mamère. Soutenu par quelques rares collègues du parti socialiste, j’ai été bien seul à défendre la gestation pour autrui, à condition qu’elle soit encadrée. S’il existe actuellement une marchandisation des ventres, c’est précisément parce qu’il n’y a pas de loi…

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Très juste !

M. Noël Mamère. …et que nous préférons choisir la politique de Ponce Pilate.

En conclusion, je dirai que le statu quo est la pire des choses. Dans la mesure où il a été décidé qu’il n’y aurait pas de révision des lois bioéthiques, nous risquons de nous trouver dans une situation très bien décrite par un précurseur, un philosophe de la science – ils sont bien rares dans notre pays –, Jacques Éllul. En 1953, il a écrit un livre intitulé La Technique ou l’enjeu du siècle dans lequel il nous expliquait que le progrès humain n’est pas forcément proportionnel au progrès technique…

M. Jacques Myard. Il avait raison !

M. Noël Mamère. …et que lorsque l’on ne le contrôle pas, le progrès technique peut se retourner contre nous. Vous allez laisser faire le progrès technique sans l’encadrer par le droit, et vous avez tort ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 534

Nombre de suffrages exprimés 497

Majorité absolue 249

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Proposition de résolution sur l’attachement au respect des principes de laïcité et à la liberté religieuse

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Jean-François Copé, Christian Jacob et plusieurs de leurs collègues sur l’attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain, et de liberté religieuse. (n° 3397)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, mes chers collègues, je m’adresse à vous aujourd’hui avec la conviction profonde que le texte dont nous allons débattre est essentiel, au sens étymologique du terme. Le sujet sur lequel nous nous apprêtons à nous prononcer est, en effet, de première importance, puisqu’il s’agit d’un fondement de notre république : le principe de laïcité. Notre attachement à la liberté fondamentale, dont le principe de laïcité est le corollaire et permet de garantir le respect, est la liberté de conscience.

Or voilà que, depuis quelques années, on observe, sur ces questions, un étrange paradoxe : alors qu’il y a un siècle, la laïcité était un sujet de division, elle est devenue aujourd’hui un sujet de consensus. Au moins en apparence.

M. Marcel Rogemont. Oui.

M. Jean-François Copé. Le débat que l’UMP a ouvert sur la laïcité et l’organisation d’un islam de France a été l’occasion d’entendre des personnalités de tous horizons. Nous avons rencontré des intellectuels, des experts, des représentants des grandes religions et des courants philosophiques et, tous, ont réaffirmé leur attachement à ce qui, depuis plus d’un siècle, constitue un ciment de notre modèle de société : une république tolérante mais exigeante, qui représente un modèle quasiment unique au monde.

Pourquoi présenter une proposition de résolution alors que tout le monde est d’accord pour défendre la laïcité, s’interrogent certains ? Parce que, au-delà de l’unanimité proclamée, nous constatons, tous, chaque jour des entorses à ce principe. Dans certains quartiers, dans certains services publics et dans certaines entreprises, les principes de laïcité et de liberté de conscience sont fragilisés.

Ils le sont, d’abord, par ignorance ou méconnaissance de l’autre, de sa confession, de ses croyances, de ses doutes, de ses espérances. Cette ignorance entretient des peurs, engendre des incompréhensions et suscite des préventions et un repli sur soi.

Les principes de laïcité et de liberté de conscience sont, ensuite, fragilisés par des mouvements de contestation et par des revendications individuelles. Ces revendications sont de moins en moins exceptionnelles et nous n’avons pas le droit de nous y accoutumer. Chacune porte en elle la négation de valeurs de notre république aussi essentielles que l’égalité entre les hommes et les femmes – lorsque, par exemple, des parents demandent que leur fille soit dispensée de certains enseignements au motif que leur religion leur interdit de les suivre ou de le faire en même temps que des garçons – et la neutralité de l’État : lorsque d’aucuns demandent, pour des motifs religieux, que des équipements publics soient réservés à certaines heures aux femmes.

M. Henri Plagnol. Il a raison.

M. Jean-François Copé. Ces valeurs sont également niées lorsque certains élus locaux acceptent des aménagements qui reviennent à faire primer les règles d’une religion ou d’une communauté sur les lois de la République, au nom d’accommodements prétendument raisonnables.

La vérité, c’est que certains extrémistes cherchent à instrumentaliser la religion à des fins politiques. Or, je tiens à le réaffirmer ici, l’un des fondements de mon engagement est de lutter sans faille contre toutes les formes d’intégrisme et d’extrémisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Chiche !

M. Marcel Rogemont. D’accord !

M. Jean-François Copé. Il existe un grand écart entre ce qui se dit dans les salons parisiens au sujet de la laïcité et de la liberté religieuse et ce qui se vit sur le terrain.

À Paris, on nous dit : « Il n’y a rien à voir. Arrêtez la stigmatisation ! », tandis que, sur le terrain, il nous est, au contraire, demandé de continuer. « Votre engagement vaut la peine », nous assure-t-on, « nous n’en pouvons plus d’être laissés seuls face à des situations que nous ne savons pas gérer. »

C’est ce que nous avons entendu lorsque, avec d’autres parlementaires, nous avons évoqué, à Meaux et dans d’autres villes, la question du voile intégral, appelé par certains burka.

M. Yves Albarello. Exactement !

M. Jean-François Copé. À Paris, on nous riait au nez. On nous menaçait même en nous accusant de stigmatiser à nouveau. Sur le terrain, nous avons réalisé, les uns comme les autres, que nous ne pouvions pas accepter une république dans laquelle on puisse vivre autrement qu’à visage découvert, dans le déni de l’identité des femmes de notre pays. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Qui vous riait au nez ou vous menaçait à Paris ?

M. Jean-François Copé. Vous semblez avoir la mémoire qui flanche, monsieur Rogemont !

Cette proposition de résolution est l’occasion d’affirmer une vision positive de la laïcité, empreinte de respect et de tolérance.

Chaque Français est important. La laïcité n’est en rien la négation des religions.

M. Jean Glavany. Très bien ! Quelle découverte !

M. Jean-François Copé. Elle est, tout au contraire, la liberté, pour chacun, d’exercer, s’il le souhaite, son culte, dans le respect de celui des autres et, surtout, des lois de la République.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Jean-François Copé. Or, dans ce domaine, il est sans doute nécessaire, dans le strict respect de la loi de 1905, de clarifier un certain nombre de règles.

Oui, la laïcité est un principe de liberté, comme je viens de l’indiquer.

M. Roland Muzeau. A-t-on le droit de ne pas avoir de culte ?

M. Jean-François Copé. Elle est aussi un principe d’égalité. Elle n’est en rien une stigmatisation ; elle assure plutôt l’égalité de tous : de ceux qui croient comme de ceux qui ne croient pas…

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Jean-François Copé. …et, pour ceux qui croient, leur égalité quelle que soit leur religion, sans distinction.

M. Jean Glavany. Très bien ! Quel progrès !

M. Jean-François Copé. La laïcité est aussi un principe de fraternité, puisqu’il fonde le vivre ensemble de notre république.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Jean-François Copé. Le nombre de « Très bien ! » prononcés par M. Glavany me laisse penser qu’il va finalement voter cette proposition de résolution !

M. Jean Glavany. Non, et nous allons vous expliquer pourquoi !

M. Jean-François Copé. Il ne s’agit pas, à travers cette résolution, de faire œuvre théorique. Au-delà des principes que nous souhaitons réaffirmer, parce que certains pensent pouvoir, en toute impunité, bafouer la République, nous faisons des propositions très concrètes pour répondre à des questions que les Français ne cessent de nous poser. Ces propositions ne stigmatisent personne ; elles sont valables pour tous et visent à renforcer la connaissance des règles communes, non seulement par la pédagogie, lorsqu’elle se révèle nécessaire, mais aussi, par des dispositions réglementaires ou législatives qui viennent compléter le droit existant.

Nos propositions reposent sur un principe simple, qui est, d’ailleurs, la charte de l’UMP : le principe des droits et des devoirs.

Quand le PS multiplie les droits sans jamais parler de devoirs,…

M. Jean Glavany. Mensonge ! Vous n’avez pas lu le projet socialiste.

M. Jean-François Copé. …quand les extrêmes n’ont que faire d’un équilibre entre les deux parce qu’ils préfèrent les appels à la haine et à la caricature,..

M. Marcel Rogemont. En matière de caricature, vous n’êtes pas mal !

M. Jean-François Copé. …l’UMP se présente comme le parti des droits et des devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) D’ailleurs, nous attendons toujours que la gauche, et singulièrement le parti socialiste, prenne position.

Êtes-vous, mesdames et messieurs de la gauche, pour ou contre l’élaboration d’un code de la laïcité et de la liberté de conscience qui reprendrait toutes les règles applicables en la matière, afin que nul n’ignore la loi ?

M. Jean Glavany. Contre ! On vous expliquera pourquoi.

M. Jean-François Copé. Êtes-vous pour ou contre la formation des agents de l’État aux principes de laïcité ? Êtes-vous pour ou contre le développement de formations aux principes républicains pour les ministres des cultes ?

Mme Françoise Hostalier. Évidemment !

M. Jean-François Copé. Êtes-vous pour ou contre l’extension des exigences de neutralité et de laïcité aux collaborateurs occasionnels du service public ?

Êtes-vous pour ou contre le fait de permettre à des entreprises d’intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions qui leur permettent de mieux gérer des revendications religieuses exprimées en leur sein ?

M. Jean Glavany. Vous ne nous lisez pas assez, monsieur Copé !

M. Jean-François Copé. Voici quelques-unes des propositions que nous défendons.

Cette proposition de résolution est, en quelque sorte, une invitation faite à la gauche pour l’aider à sortir de l’ambiguïté,…

M. Jean Glavany. Quelle plaisanterie !

M. Jean-François Copé. …et de rattraper les propos de certains de ses membres qui, ces dernières semaines, ont dépassé tout ce qu’on pouvait imaginer en matière de caricature.

En effet, si l’UMP est au clair sur la laïcité et la liberté de conscience,…

M. Marcel Rogemont. Tu parles !

M. Jean Glavany. On va vous en parler de votre clarté !

M. Jean-François Copé. …il est temps pour la gauche de sortir de l’ambiguïté. Cette résolution y contribuera peut-être. C’est, en tout cas, le risque que nous prenons. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Martine Billard. C’est raté. La résolution n’est pas assez claire !

M. Jean-François Copé. La gauche hésite toujours entre deux postures.

Parfois, elle reconnaît qu’il y a là un enjeu : par exemple, quand elle organise – ce qu’elle semble avoir oublié – des rencontres sur le thème de la laïcité, comme en décembre 2010. Le PS expliquait alors que ces rencontres seraient l’occasion d’apporter des réponses aux défis qu’affrontent nos principes laïcs face au retour de revendications religieuses ou identitaires dans la vie quotidienne : contestations dans l’enseignement scolaire, refus de la mixité, …

Mme Valérie Rosso-Debord. Eh oui !

M. Jean-François Copé. …opposition à des pratiques médicales ou à des recherches scientifiques,…

Mme Valérie Rosso-Debord. Eh oui !

M. Jean-François Copé. …affirmation de coutumes vestimentaires et alimentaires,…

Mme Valérie Rosso-Debord. Eh oui !

M. Jean-François Copé. …construction de lieux de culte.

M. Marcel Rogemont. Et alors ?

M. Jean-François Copé. Le problème, c’est que, contrairement à nous, la gauche n’a tiré aucune proposition concrète de ce débat.

M. Jean Glavany. Bien sûr que si !

M. Jean-François Copé. Pire, l’un des représentants éminents du parti socialiste, Mme Aubry – excusez du peu ! – a signé une tribune dans Le Nouvel Observateur,dans laquelle elle demandait que l’UMP – de quoi se mêlait-elle ? – annule son débat sur la laïcité. Plus étonnant encore, elle a cosigné cette tribune avec, je vous le donne en mille, Tariq Ramadan. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Ce que vous faites n’est pas bien !

M. Jean-François Copé. Qu’est-ce qui n’est pas bien, monsieur Glavany ? De le dire ou d’avoir signé cette tribune ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. C’est inadmissible !

M. Jean-François Copé. Comme vous le voyez, le moins que l’on puisse dire, c’est que, dans ces domaines-là, l’ambiguïté est omniprésente.

La seconde posture de la gauche est la tentation du déni le plus complet et la propension à fermer les yeux sur des réalités qui dérangent.

Le groupe UMP a déposé cette proposition de résolution pour sortir de l’ambiguïté et voir si nous sommes capables, les uns et les autres, de parler franchement sur ces sujets, car c’est ce que les Français attendent.

L’UMP a toujours été très claire, aussi bien dans ses propos que dans ses actes.

M. Jean Glavany. Duplicité !

M. Jean-François Copé. J’attends avec impatience de savoir ce qu’en dira le parti socialiste. Les Français nous regardent. À un an de l’élection présidentielle, ils seront très intéressés de savoir si l’opposition, qu’elle soit socialiste ou communiste, assume ses responsabilités face à des principes qui devraient rassembler l’Assemblée nationale.

Sur ces sujets, nous ne devons avoir qu’une constance : être justes et fermes. Les principes de laïcité et de liberté de conscience sont un rendez-vous majeur pour permettre le vivre ensemble dans notre société. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Avant que Jean Glavany n’intervienne au nom du groupe socialiste, radical et citoyen et que le débat ne commence, je veux juste dire à M. Copé, secrétaire général de l’UMP, qu’il commence, lui, bien mal.

Nous avions cru de bonne foi, il y a quelques semaines, que l’UMP…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Marc Ayrault. Cela a un rapport avec le bon déroulement de la séance.

Nous avions cru, donc, que l’UMP n’aurait eu de cesse d’engager une concertation pour rassembler un consensus républicain sur une question aussi importante que le vivre ensemble autour des valeurs de la République. Or ce n’est pas du tout ce qui s’est passé : il n’y a eu aucune concertation, il y a surtout, nous venons de l’entendre, un réquisitoire pur et dur contre le parti socialiste. C’est cela l’objet de votre proposition de résolution : dénigrer, caricaturer, défigurer les propositions du parti socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous allez maintenant entendre le fond de ces propositions, exposées par Jean Glavany. Mais vous avez eu bien tort de procéder ainsi au moment où notre pays a besoin de se rassembler autour de ses valeurs, en particulier de la laïcité, plutôt que de se diviser, comme vous avez cherché à le faire il y a quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Vous reconnaîtrez que ce n’est pas un rappel au règlement.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Jean Glavany. Ce n’était pas prévu !

Mme Martine Billard. C’est un débat entre l’UMP et l’UMP ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avec la proposition de résolution sur la laïcité aujourd’hui en débat, la représentation nationale se saisit d’un des principes les plus structurants de la société française.

Cette laïcité, vous le savez, est le résultat d’une longue histoire qui n’a pas été simple. Si nous sommes, heureusement, aujourd’hui bien loin des affrontements du début du XXe siècle,…

M. Marcel Rogemont et M. Jean Glavany. Pas sûr !

M. Claude Guéant, ministre. …certains développements récents de la pratique religieuse dans notre pays posent de nouvelles questions, auxquelles il est de notre devoir de répondre. Il en va de la cohésion de notre société. Nombre de nos concitoyens ont le sentiment, devant la multiplication des atteintes au principe de laïcité, d’un certain recul de notre unité nationale.

Il faut le dire et le répéter : sans le respect du principe de laïcité, il ne peut y avoir dans notre pays de cohésion.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Sans le respect du principe de laïcité, il ne peut exister d’espace commun où les hommes et les femmes laissent de côté leurs différences pour se parler, se comprendre et vivre ensemble.

Les inquiétudes de nos compatriotes ne doivent pas être ignorées. C’est la raison pour laquelle nous devons faire évoluer les conséquences que nous tirons du principe de laïcité au même rythme que la société, de façon à apporter des solutions adaptées à mesure que les problèmes se posent. C’est ce que nous avons fait en 2004, en interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école ; c’est également ce que nous venons de faire en 2010, en interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.

M. Christian Jacob. Très bien !

M. Henri Plagnol. Parfaitement !

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement et le Parlement ont été systématiquement au rendez-vous des attentes des Français en exprimant leur attachement aux valeurs de la République et de la laïcité, en refusant de céder au repli sur soi et aux communautarismes. C’est l’esprit de votre proposition de résolution, c’est également l’esprit qui a présidé aux décisions prises par le Gouvernement, à la suite du débat sur la laïcité que j’ai eu l’honneur de présenter aux principaux représentants des cultes de France, après une longue période de concertation.

Tous ensemble, nous entendons, chacun dans notre rôle, réaffirmer notre attachement commun aux principes de la laïcité et de la liberté de conscience, dans le respect de la loi de 1905.

Cela passe, en premier lieu, par la nécessité de mieux faire connaître la laïcité.

C’est pour cela que l’élaboration d’un code de la laïcité et de la liberté religieuse nous apparaît, à vous comme au Gouvernement, indispensable. Vous en formulez le souhait dans votre proposition de résolution. Je précise qu’il s’agit d’une compilation des textes existants et de la jurisprudence, en aucun cas d’une modification des lois existantes. Sachez que le travail mené au ministère de l’intérieur devrait aboutir dans les tout prochains jours. Il fera l’objet d’une publication dans le courant du mois de juin à la Documentation française et sera accessible sous forme électronique.

Les agents du service public doivent être formés, notamment pour faire face à des situations de pressions ou de revendications communautaristes. Vous le soulignez dans la proposition. Je peux vous dire que le Gouvernement prendra des mesures pour développer la formation initiale et continue des fonctionnaires à la laïcité.

Au-delà, il faut aussi que l’enseignement de la laïcité à l’école soit mieux identifié dans le cadre de l’instruction civique.

Formation toujours, mais des ministres du culte cette fois : nous devons amplifier les efforts conduits depuis 2003, notamment en ce qui concerne les ministres du culte musulman. Il s’agit de mieux insérer ces ministres du culte au sein de la République, afin de mieux faire respecter ses valeurs.

La création, à l’université de Strasbourg, d’un diplôme universitaire « État, société et pluralité des religions » est prévue pour l’automne 2011. Cette formation, bien sûr, en appellera d’autres.

Enfin, dans chaque préfecture, un sous-préfet sera le référent des élus et des responsables de services publics, de représentants de culte sur l’ensemble des questions liées à la mise en œuvre du principe de laïcité. Les correspondants « laïcité » ont d’ores et déjà été désignés par les préfets.

Après la connaissance de la laïcité, il faut, deuxièmement, travailler à sa meilleure application, en réaffirmant le principe de neutralité du service public, qui est son corollaire indispensable.

Il est de notre devoir, collectivement, de rappeler les règles du vivre ensemble dans les services publics. Voilà pourquoi, avant l’été, un certain nombre de principes seront rappelés par voie d’instructions ministérielles aux différents services. Le service public n’a pas à s’organiser en fonction des convictions religieuses, politiques ou philosophiques de l’usager.

Un groupe de travail est, par ailleurs, chargé de clarifier les conditions d’application du principe de neutralité du service public et d’en proposer les conclusions juridiques appropriées.

Comme cela est évoqué dans votre proposition de résolution, une clarification s’impose pour les personnes qui prêtent leur concours au service public, et plus particulièrement au service public de l’éducation nationale, par exemple les parents d’élèves. Cette clarification s’impose aussi pour les organismes de droit privé du secteur médical, médico-social et social chargés d’une mission de service public, tels que les structures médicales et médico-sociales privées, les crèches, les missions locales, les centres de formation en apprentissage.

Le groupe de travail interministériel chargé d’approfondir les questions juridiques qui se trouvent posées vient d’être installé. Il présentera rapidement ses conclusions.

Mon souhait est de privilégier le recours au règlement intérieur de la structure pour intégrer des prescriptions en matière de neutralité. Cette solution permettrait à la fois de mieux faire respecter le principe de neutralité des agents de structures privées concourant au service public et de respecter un espace de liberté pour tenir compte des spécificités propres à certains établissements, notamment ceux qui présentent, comme le dit le texte de la proposition de résolution, un « caractère propre d’inspiration confessionnelle ».

Le troisième et dernier point que je souhaite mentionner ne sera contesté par personne : toutes les mesures précédentes n’entament en rien la volonté qui est la nôtre de garantir et de favoriser dans notre pays la liberté de conscience et le libre exercice du culte. Je fais expressément référence à la lettre de la loi de 1905.

La liberté religieuse trouve son corollaire dans le droit,…

M. Jean Glavany. Nulle part dans le droit !

M. Claude Guéant, ministre. …pour chaque religion, de se doter de locaux adaptés à la célébration publique du culte. Dans cet esprit, les prières qui se déroulent dans la rue, en dehors de circonstances particulières reconnues ou d’événements ponctuels, ne sont pas compatibles avec nos principes républicains.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas admissible, nous sommes d’accord !

M. Claude Guéant, ministre. Cette situation n’est pas digne pour les fidèles, et il faut admettre qu’elle peut heurter la sensibilité de certains de nos concitoyens.

M. Marcel Rogemont. Pour toutes les religions !

M. Claude Guéant, ministre. En la matière, toutefois, il faut être pleinement responsable et pragmatique. C’est la voie de la concertation, dans un esprit de responsabilité, qui est privilégiée aujourd’hui. Une solution a d’ores et déjà été apportée à Nice. Le problème n’est donc pas insurmontable et les pouvoirs publics s’engagent à faire de même à Paris et à Marseille. Dès cet été, nous obtiendrons des résultats. Les correspondants « laïcité » dans les préfectures ainsi que la conférence départementale de la liberté religieuse permettront de réaliser un diagnostic local pour résoudre les problèmes concrets auxquels sont confrontées les associations cultuelles locales.

En revanche, je le dis clairement, il est exclu de financer sur fonds publics la construction de lieux de culte. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés, la vision de la laïcité qui transparaît de vos travaux et de l’action du Gouvernement est équilibrée. Ma conviction demeure que tous nos concitoyens, croyants ou non, doivent se féliciter de l’intérêt toujours vif que suscite la laïcité dans notre pays. La laïcité n’est pas un facteur de division, mais de rassemblement. Elle demande simplement aux uns et aux autres d’accepter de faire les concessions qui sont indispensables à l’existence d’une vie harmonieuse en société.

Je me félicite, encore une fois, que notre majorité soit au rendez-vous de ce débat. Je suis convaincu que, grâce à cette proposition de résolution, nous avons la possibilité, ensemble, de renforcer notre cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany.

M. Christian Jacob. Ça va être moins bien !

M. Jean Glavany. Cela s’appelle un procès d’intention, monsieur Jacob.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d’abord dire, en ouverture de ce débat, que le groupe socialiste est toujours disponible pour parler de laïcité, dans cet hémicycle comme ailleurs. (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP.) C’est le cas depuis plus d’un siècle. Je ne vais pas rappeler que ce sont des socialistes et des radicaux qui ont inventé la laïcité à la fin du XIXe siècle, à l’époque contre la droite, même si vous avez sans doute eu le temps de changer.

Nous, socialistes, parlons de la laïcité à chacun de nos congrès, à chacune de nos conventions, à chacune de nos rencontres et dans tous nos textes. Nous sommes donc toujours disponibles pour en parler. D’ailleurs, vous avez même rendu hommage, monsieur Copé, à des rencontres que nous organisons régulièrement à l’Assemblée ; je vous remercie d’y avoir prêté attention.

Ce débat est important, je vous rejoins sur ce point. Encore faut-il que, les uns et les autres, nous nous respections, que nous respections la parole, la pensée et les écrits, les méthodes et les comportements de chacun. En particulier, il ne faut pas être dans la caricature, comme s’il y avait, du côté de l’UMP nouvellement convertie à la laïcité (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Jean Glavany. …la lumière et, du côté des socialistes et de la gauche, qui ont inventé la laïcité et qui y travaillent depuis un siècle et demi, l’ombre. Monsieur Copé, si vous aviez eu le courage ou la curiosité de regarder les propositions de loi déposées par le groupe socialiste, vous auriez trouvé la proposition de loi n° 710 – je vous la ferai livrer tout à l’heure, par porteur – qui répond à l’essentiel des questions que vous avez posées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ne soyez donc pas dans la caricature. Cette proposition de loi apporte des réponses précises là où vous ne faites souvent que poser des questions.

Dans le même ordre d’idées, je vais vous dire, monsieur Copé, ce que j’ai sur le cœur, s’agissant de l’allusion que vous avez faite à propos de Martine Aubry et de Tariq Ramadan, que je trouve très nauséabonde. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Perez. Minable !

M. Jean Glavany. Je vais vous dire le fond de ma pensée, si on me permet de m’exprimer.

Tout d’abord, quand on signe une pétition – cela a dû vous arriver, monsieur Copé –, on ne vous donne pas la liste des signataires. Ensuite, dès que Martine Aubry a su qui était sur cette liste, elle a retiré sa signature. Voilà qui ôte à votre attaque une large part de son bien-fondé.

M. Jean-François Copé. Ce n’était pas une attaque !

M. Jean Glavany. C’était certainement un éloge de votre part, nous l’avons tous compris ainsi ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans la mission d’information parlementaire présidée par M. Gerin et dont M. Raoult était le rapporteur, on nous a dit un jour qu’il fallait recevoir M. Ramadan. Les socialistes sont les seuls à s’y être opposés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), tandis que l’UMP exigeait que M. Ramadan eût les honneurs de l’Assemblée nationale ! (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Comment cela, non ?

M. Ramadan est donc venu et, devant la mission d’information, le seul qui lui soit rentré dans le chou, si vous me permettez cette expression triviale, c’est moi ; Jacques Myard en est témoin. Je lui ai dit qu’il ne méritait pas l’honneur que l’Assemblée nationale lui faisait. Et qui m’a insulté au prétexte que je portais atteinte à la liberté d’expression de M. Ramadan ? Les députés UMP présents ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, monsieur Copé ! Je vous dis les choses telles qu’elles se sont passées. Cela devrait vous inciter à un peu plus de mesure, de modération et de raison.

M. Christian Jacob. Évitez de réécrire l’histoire !

M. Jean Glavany. J’en viens maintenant à cette résolution, et tout d’abord à son contexte parlementaire. M’exprimant avec ma franchise et ma spontanéité, j’ai remarqué depuis quelque temps certains mouvements autour de nos travaux. Ainsi, la loi bioéthique dont parlait tout à l’heure Alain Claeys, avec la hauteur de vue, la maîtrise du sujet et la rigueur intellectuelle qu’on lui connaît, a été l’occasion, pour certains lobbies et groupes religieux, d’agir en vue d’empêcher des évolutions législatives pourtant indispensables non seulement aux progrès de la science, mais aux droits de nos concitoyens.

Je me souviens des réactions de certains députés UMP, comme Mme Barèges – je sais que vous l’avez désapprouvée –, à une proposition de loi de M. Bloche visant à autoriser les mariages entre personnes du même sexe. Je n’ose répéter à la tribune les propos qu’elle a tenus pour défendre les valeurs judéo-chrétiennes !

Aujourd’hui, avec cette proposition de résolution, je me dis que c’est n’importe quoi.

En même temps, je ne peux m’empêcher de sentir qu’une offensive idéologique s’exprime à travers nos débats. Je le dis parce que je le ressens ainsi, et je ne suis pas le seul.

Contexte plus politicien maintenant, celui de la convention UMP, mais je serai bref sur ce point. La personne qui s’est le mieux exprimée dans cet hémicycle sur ce qui devait être une convention contre l’islam…

M. Dominique Dord. Cela n’a jamais été une convention contre l’islam !

M. Jean Glavany. …et qui est devenue une convention à la recherche de la laïcité, c’est M. de Charrette, qui a dit ici ce que ressentaient fortement tous les républicains. M. Fillon lui a d’ailleurs répondu d’une manière assez irréprochable.

C’est ce contexte et cette convention qui ont évolué, et ce que nous voyons aujourd’hui est la queue de la comète.

M. Christian Jacob. Vous ramez un peu !

M. Jean Glavany. J’en arrive à vous, monsieur Jacob.

Une proposition de résolution n’étant pas amendable, on nous a dit que c’était à prendre ou à laisser. Nous nous sommes donc adressés au groupe UMP, comme nous l’avions déjà fait, monsieur Copé et monsieur Jacob, pour le texte sur le voile intégral, qui avait fait également l’objet d’une proposition de résolution. Comme nous n’avions pas le droit de l’amender, nous vous avions demandé de modifier le texte au moins sur un point, pour pouvoir le voter. Vous aviez donné votre accord et nous l’avions adopté à l’unanimité.

M. Jean-François Copé. Vous n’avez pas voté cette proposition de résolution !

M. Jean Glavany. C’était avant, monsieur Copé ! Ne mélangez pas tout !

Nous avions voté cette proposition de résolution. Cette fois, nous avons fait la même chose : M. Ayrault et moi-même avons dit à Christian Jacob que nous étions prêts à discuter avec lui pour modifier ce texte. Mais on nous a répondu : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

C’est pourquoi, monsieur Jacob, lorsque vous déclarez, dans une dépêche AFP, que les socialistes sont dans la posture…

M. Christian Jacob. C’est vrai ! Regardez comme vous ramez !

M. Jean Glavany. Non, ce n’est pas vrai ! Nous avons proposé de débattre avec vous. C’est un mensonge, je suis obligé de le dire : nous vous avons proposé le dialogue, mais vous l’avez refusé. C’est pour cette raison qu’il n’y aura pas de consensus républicain.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Jean Glavany. J’en viens au fond, car c’est le plus important.

M. Bernard Deflesselles. Oui, arrêtez de commenter ! Parlez plutôt de vos idées !

M. Jean Glavany. Je vais continuer, si toutefois je ne suis plus interrompu.

Nous ne voterons pas ce texte, d’abord parce qu’il comporte des ambiguïtés, s’agissant de la loi de 1905. Cela étant, je reconnais que M. Guéant les a levées, pour partie, dans son intervention. Alors que votre texte propose d’aménager les conditions de financement, M. Guéant apporte la précision suivante : « sans qu’il soit question de remettre en cause la loi de 1905 ». Pourquoi ne l’inscrivez-vous pas dans la proposition de résolution ?

M. Jean-François Copé. Parce que c’est évident ! Nous avons toujours été très clairs sur ce point !

M. Jean Glavany. Avec « l’amendement Guéant », si je puis me permettre, monsieur le ministre, nous serions d’accord sur ce point.

Vous parlez, par ailleurs, d’exercice de codification. C’est une question dont nous pouvons parler ici, car il y a quelques juristes parmi nous. Quelques parlementaires se sont attachés à cet exercice de codification dans différents domaines. De deux choses l’une : soit il s’agit d’un véritable exercice de codification qui consiste à remettre le droit à plat, de façon à en expurger tout ce qui est dépassé, et cela signifie une remise en cause de la loi de 1905 ; soit il s’agit d’un recueil ou d’une compilation et, dans ce cas, si « l’amendement Guéant » – pardonnez-moi, monsieur le ministre – figurait dans la proposition de résolution, nous pourrions la voter.

Après avoir évoqué ces deux ambiguïtés,…

M. Jean-François Copé. Vous n’avez pas retenu grand-chose !

M. Jean Glavany. …j’en viens, monsieur Copé, au principal. Le principal, c’est cette satanée expression de liberté religieuse ! Permettez-moi de commenter le titre de votre proposition de résolution : « Attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain » : jusqu’ici, tout va bien. Je continue : « et de liberté religieuse ». Mes chers collègues, pourquoi croyez-vous que le principe de liberté religieuse n’a jamais été intégré dans le droit républicain et laïc alors que c’est une vieille revendication de l’église catholique depuis 1905 ?

Monsieur Copé, je ne vous fais pas un procès d’intention. Ce que je vais vous dire va peut-être vous choquer, mais le principe de liberté religieuse est aussi une revendication de l’église de scientologie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne le saviez peut-être pas, monsieur Copé, mais c’est bel et bien une revendication de l’église de scientologie.

Mme Marylise Lebranchu et Mme Martine Billard. Très bien !

M. Jean-François Copé. C’est absurde !

M. Jean Glavany. C’est la vérité ! Et si les républicains ont refusé cette revendication, c’est que la liberté religieuse n’est pas un droit universel.

M. Jean-François Copé. Que de contorsions, monsieur Glavany !

M. Jean Glavany. Vous êtes terrible, monsieur Copé ! Vous n’acceptez pas le débat, vous n’acceptez pas que l’on ne soit pas d’accord avec vous ! Pour notre part, nous ne mettons pas le doigt sur la couture du pantalon.

Pourquoi les républicains n’ont-ils jamais donné droit à cette revendication ? Parce que la liberté religieuse, c’est la liberté de croire. Mais il y a une autre liberté, c’est celle de ne pas croire, d’être athée ou agnostique. Les républicains ont inventé le merveilleux concept de la liberté de conscience, qui englobe la liberté religieuse et la liberté de ne pas croire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si, monsieur Copé, vous réduisez le débat à la liberté religieuse, vous amputez la liberté de conscience. C’est ce qu’ont toujours affirmé les républicains. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais il en est ainsi ! C’est pour cette raison que nous ne pouvons pas souscrire au principe de liberté religieuse.

Je vous donne un seul exemple, monsieur Copé : imaginez un jour la gauche au pouvoir. (« Oh ! là ! là ! » sur les bancs du groupe UMP.) Reportez-vous au passé, si cela peut vous rassurer ! Imaginez qu’un jour, un ministre, dans un texte, propose la liberté de penser à gauche dans l’hémicycle ! Vous hurleriez et vous objecteriez, à juste titre, que l’on a le droit de penser à droite ou au centre. Voilà pourquoi, monsieur Copé, les républicains ont inventé cette merveilleuse conception de liberté d’opinion : pour ne pas disséquer la liberté individuelle. C’est la même chose avec la liberté de conscience.

Nous voterons contre ce texte, car il est contraire à la loi de 1905. Ce n’est pas un texte laïc, car il ne s’arrête pas à la liberté de conscience ; il veut imposer un concept de liberté religieuse qui a toujours été repoussé par les républicains et les laïcs.

Mon temps de parole est écoulé, aussi j’en termine, monsieur le président.

Monsieur Copé, vous avez dit être disponible pour lutter contre tous les intégrismes. Chiche ! Car le problème est là. La laïcité n’a jamais été un combat contre les religions. La preuve en est que la loi de 1905 « garantit le libre exercice des cultes ». En revanche, elle est un combat contre les intégrismes et les fondamentalismes religieux, de toutes les religions.

Mme Martine Billard. Oui, c’est important de le souligner : de toutes les religions !

M. Jean Glavany. Si vous voulez lutter contre les intégrismes religieux, souscrivez donc à la proposition de loi que le groupe SRC vient de déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale, afin de créer une commission d’enquête parlementaire sur les dérives intégristes de l’enseignement privé auprès de certains jeunes. Dans toutes les religions, il y a des dérives intégristes et l’Assemblée nationale, la République et l’État feraient bien d’aller voir de quoi il retourne. Car il s’agit, en l’occurrence, d’attaquer la conscience des plus fragiles d’entre nous, c’est-à-dire nos enfants.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Glavany.

M. Jean Glavany. Je conclus, monsieur le président.

Nous sommes toujours disposés à parler de la laïcité et à la défendre en tous lieux. C’est parce que votre proposition de résolution n’est pas de philosophie laïque et qu’elle est contraire à la loi de 1905 que nous voterons contre. Mais nous resterons disponibles pour d’autres occasions. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Christian Jacob. C’était laborieux !

M. Marcel Rogemont. Non, excellent !

M. Roland Muzeau. C’est une véritable fessée pour vous !

Mme Martine Billard. Vous confondez laïcité et liberté religieuse !

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui comme hier, les députés communistes et républicains demeurent profondément attachés au principe de laïcité, fruit des Lumières et de la séparation du spirituel et du politique. Je rappelle d’ailleurs que le principe de laïcité de notre république est entré dans la Constitution, en 1946, à l’initiative des parlementaires communistes.

Précisément en raison de cet attachement, nous refusons l’instrumentalisation de ce beau principe par un parti politique, fût-il majoritaire.

Après des décennies d’affrontements et d’ingérence de l’église dans les affaires de l’État, la loi de 1905 apaisa la France en garantissant les libertés individuelles et la neutralité de l’État. Elle rendit possible la cohésion de notre société, quelles que furent les convictions ou la culture de ses citoyens.

Notre composante demeure attachée à cet esprit d’apaisement, que je sais largement partagé sur ces bancs. C’est ce message qu’ont envoyé les responsables des principaux cultes en s’opposant à ce débat. L’immense majorité des croyants aspire à vivre paisiblement sa foi. Les musulmans, aussi bien que les catholiques et tant d’autres cultes, respectent les lois de la République et se retrouvent dans le principe de laïcité. Les surenchères de quelques extrémistes, que nous condamnons avec la plus grande fermeté, ne peuvent le masquer.

À quoi bon raviver les ferments de la division ?

Un an après les polémiques sur le voile intégral, la majorité lance un nouvel écran de fumée. Mais cette entreprise de diversion ne fera pas oublier son échec sur le terrain économique et social. À l’approche des échéances électorales, la droite courtise les électeurs du Front national, quitte à attiser les peurs et à jouer sur les sentiments xénophobes.

Une nouvelle fois, l’islam se trouve sur le banc des accusés : des pratiques minoritaires et condamnables sont surexploitées ; la présence importante de musulmans en France est jugée « problématique ». Un lien délétère est également établi par certains responsables de la majorité entre l’immigration et les atteintes à la laïcité. Comment accepter cette stigmatisation injuste ?

Les citoyens français et musulmans refusent d’être mis à l’écart de la communauté nationale.

M. Jacques Myard. Il n’y a pas de citoyens musulmans ! Il n’y a que des citoyens français !

M. François Asensi. Nous ne partageons pas la vision de la société française et de la laïcité que reflète cette résolution. Notre nation n’est pas la nation sclérosée de Latran, qui se reconnaît comme origine immuable la chrétienté et l’Ancien régime. Pas plus que la nation dissoute dans l’ultralibéralisme antidémocratique de l’Union européenne. La France est définitivement multiculturelle, multiconfessionnelle et multiethnique. Et je m’en félicite.

Pour nous, la nation est une histoire, mais bien plus encore un avenir commun. Elle est une volonté de participer à un projet progressiste et émancipateur. Tous les citoyens y ont leur place, quelles que soient leurs convictions ou leurs origines.

La laïcité définie en 1905 nous offre le cadre idoine pour faire société ensemble ; pour œuvrer à l’émancipation des hommes, et encore plus des femmes, de toutes les formes d’oppressions : religieuses, économiques, politiques. « Laïcité et progrès social sont deux formules indivisibles. Nous lutterons pour les deux. ». Ainsi s’exprimait Jean Jaurès en 1912.

Cette résolution s’en tient à des déclarations générales sur des principes essentiels. Mettre en place une pédagogie de la laïcité dans l’éducation nationale est, certes, un objectif indispensable. Mais comment l’atteindre quand les crédits et les effectifs sont en chute libre ?

Sur d’autres points, elle introduit des dispositions dangereuses.

La codification de la laïcité ouvrirait une brèche intolérable dans la loi de 1905. Mon avis est celui du maire d’une ville de Seine-Saint-Denis multiconfessionnelle : la loi de séparation de l’église et de l’État a apporté la preuve de sa souplesse. Nul besoin de la réviser pour garantir les libertés et l’ordre public. Les musulmans ne peuvent exercer dignement leur foi par manque de lieux de cultes. La question est sérieuse, mais le régime actuel permet parfaitement de soutenir de nouvelles constructions sans que les pouvoirs publics participent à leur financement.

Plus gravement, la réduction de la laïcité à la liberté religieuse, substrat de votre résolution, est un détournement inacceptable. Que deviennent les non-croyants ? Nous préférons de loin le principe de liberté de conscience.

Enfin, je m’interroge sur le concept de laïcité équilibrée, que la France devrait défendre à l’international. N’est-ce pas le retour de la laïcité positive ?

Je n’ai jamais transigé sur les valeurs fondamentales de la République, notamment sur la laïcité. Pour cette raison, j’avais approuvé la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école, quand certains de mes collègues faisaient un choix différent et tout à fait respectable.

Le texte qui nous est aujourd’hui proposé est d’un tout autre ordre. Il ne constitue pas un renforcement de la laïcité, mais une dangereuse instrumentalisation.

Nous voterons contre une résolution qui affaiblit la laïcité et divise les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Louis Touraine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel est, au fond, le sens de la discussion que nous avons aujourd’hui ?

Il y a d’abord, de toute évidence, une quête de sens nouvelle et forte dans nos sociétés modernes. « Le XXIe siècle sera spirituel ou il ne sera pas ». Cette fameuse citation, souvent attribuée à André Malraux, annonçait avec acuité la recherche de sens qui grandit dans les pays occidentaux, après avoir assisté à un net repli des religions depuis le XVIIIe siècle. Il s’agit là d’un mouvement idéologique très profond, qui interroge le cœur de nos sociétés modernes. La modernité n’efface pas le fait religieux ou les questionnements métaphysiques ; au contraire, elle les exacerbe.

Et puis, il y a la réalité française. À titre d’exemple, la France compte 6 millions de musulmans pratiquants. C’est un fait. Ils forment la deuxième communauté religieuse de notre pays, une communauté où la pratique des rites est plus forte et plus publique que dans la communauté chrétienne. De plus, la France est un pays très singulier dans le monde face au phénomène religieux.

D’abord « fille aînée de l’Église », avec des racines chrétiennes très profondes, la République française s’est largement construite dans un dur et long combat contre l’église catholique, alors omniprésente dans la vie sociale de notre pays.

C’est au cours de ce combat que se sont élaborées la laïcité française, forcément anticléricale, et sa loi-cadre, la loi de 1905, de séparation de l’église et de l’État. Dans la France d’aujourd’hui, à peine la moitié de la population se dit croyante, le mouvement laïc y est particulièrement fort et fait consensus, et l’opinion publique est assez indifférente aux enjeux religieux.

Mais nous ne sommes que 63 millions d’habitants, dans un monde qui en compte presque 7 milliards. Mes années africaines et mes voyages dans le monde arabe m’ont appris que, pour la plus grande partie de la population mondiale, la foi en Dieu est juste naturelle, comme son expression publique, et il n’est tout simplement pas envisageable que la vie publique n’intègre pas la dimension religieuse.

Or, que cela plaise ou non, nous sommes à l’époque de la mondialisation et les flux migratoires assurent chaque année l’arrivée sur le territoire français de populations qui sont en grande majorité croyantes et pratiquantes. Ces personnes sont naturellement mal à l’aise avec notre laïcité à la française. J’entends la voix raisonnable de celles et ceux d’entre nous qui leur demandent de s’adapter à notre cadre républicain. Pas si simple…

En tout cas, le brassage, la mixité de croyances imposée par la mondialisation, interroge la laïcité à la française affirmant que la religion doit rester une affaire privée ne débordant jamais sur la sphère publique. De même, une nouvelle fois, la laïcité française s’est construite contre et en relation avec la religion catholique. Comment doit-elle évoluer, alors que la deuxième communauté religieuse nationale est devenue l’islam, et cela pour longtemps ?

Voilà le débat de fond ! Comment passe-t-on de la laïcité de 1905, républicaine, anticléricale, structurée par son rapport à la religion catholique, à la laïcité de 2011, qui est la fille de notre histoire du XXsiècle, notamment coloniale de notre pays, et de la mondialisation actuelle ? Nous, centristes, pensons que la loi de 1905 est une grande loi fondatrice de notre république actuelle, mais qu’elle devra s’ouvrir à la réalité de 2011.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Et d’ailleurs – et vous l’avez précisé, monsieur Glavany – que dit d’autre la décision 11 de la résolution lorsqu’elle affirme souhaiter « afin que chacun puisse exercer sa liberté religieuse, clarifier et aménager, conformément aux exigences de transparence financière, le régime de financement de la construction et de l’entretien des lieux de culte »?

Mme Martine Billard et M. Jean Glavany. C’est très ambigu !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais cela me convient !

M. Jean Glavany. À nous, cela ne va pas du tout !

M. Jean Dionis du Séjour. Qu’est-ce d’autre que de s’ouvrir à la réalité de 2011 ? Les enjeux sont fondamentaux pour notre société. L’initiative de cette résolution y répond-elle ?

Mme Martine Billard. Non !

M. Jean Dionis du Séjour. Pour certains, il s’agit, à travers l’adoption d’une résolution, de célébrer l’attachement de la représentation nationale à des valeurs, à un principe, celui la laïcité. Pourquoi pas ? Rien ne nous choque dans ce texte, mais reconnaissons aussitôt qu’il ne règle pas grand-chose. Il faudra bien aller plus loin. Pour d’autres, ce débat ne serait que l’acte II d’une vaste opération de communication. Soyons honnêtes, nous en avons vu d’autres !

Parmi les nouveaux droits que la révision constitutionnelle a offerts au Parlement figure précisément ce droit de résolution. Par cette procédure, dépourvue d’effets juridiques contraignants, il s’agit pour une assemblée parlementaire de prendre formellement et solennellement position sur un sujet donné. Nous y sommes parvenus, voilà quelques mois, quand nous avons adopté une résolution sur la burqa. Il s’agissait de déterminer si la pratique du voile intégral était ou non compatible avec les valeurs de la République, et si ce débat interrogeait, en réalité, bien plus notre conception de l’ordre public et celle que nous avions de l’égalité entre hommes et femmes que celle de laïcité. Il n’en demeure pas moins que nous étions alors parvenus à adresser à nos concitoyens un message fort : celui de la République en mesure de se rassembler lorsqu’il s’agit de l’essentiel. Et la preuve de la qualité de ce débat est qu’il a débouché sur la loi d’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public.

A contrario, comment en sommes-nous arrivés là, c’est-à-dire à une proposition de résolution sur la laïcité trop déclamatoire pour déboucher sur une loi à la hauteur des enjeux rappelés à l’instant ?

Référons-nous d’abord au texte de cette résolution. Oui, la laïcité est bien un principe de liberté ; oui, c’est bien un principe d’égalité, un principe de fraternité ; oui, c’est bien l’un des traits marquants de notre ADN républicain, et j’en ai précisé la source. Si certaines de ces dispositions nous semblent très positives – je pense aux carrés confessionnels dans les cimetières –, reconnaissons encore que, par rapport à la question enracinée de la laïcité de 1905 dans notre réalité de 2011, ce texte n’est malheureusement pas à la hauteur de la question posée.

C’est aussi la forme qu’a prise ce débat qui aujourd’hui pose problème aux centristes. Cette résolution, qui deviendra sans doute, dans quelques instants, peut-être celle de l’Assemblée nationale, par le fait majoritaire,…

M. Jean Glavany. Pas par le consensus républicain !

M. Jean Dionis du Séjour. …n’en est pas moins, pour l’essentiel, une démarche du groupe UMP. C’est d’ailleurs son droit le plus strict. Mais ce n’en sera pas moins que la victoire d’un camp sur un terrain où, nous le savons, les victoires étriquées n’emportent pas la force des symboles.

Oui, la laïcité appartient à la République et à elle seule. Notre conception de la laïcité, c’est à la seule condition de savoir nous rassembler que nous pourrons effectivement la défendre, la faire vivre et la faire prospérer.

Ce débat ne pouvait pas, à notre avis, être préempté par un parti, fût-il notre allié dans la majorité présidentielle. Nous devrons donc y revenir, après une longue mobilisation des autorités philosophiques, religieuses, universitaires de notre pays, après une vraie mobilisation citoyenne. Les états généraux de la bioéthique nous ont montré que c’était possible, qu’un sujet aussi sensible, difficile et clivant pouvait être finalisé par un vrai débat parlementaire. Ce n’est qu’au prix d’un tel effort que nous répondrons à la question initiale, que nous pourrons moderniser la vie sociale de notre pays en enracinant la loi de 1905 dans notre réalité de 2011.

Parce que ces conditions ne sont visiblement pas réunies aujourd’hui, le groupe Nouveau Centre ne participera pas à ce vote.

Mme Françoise Hostalier. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jean Glavany. Attention, je vais applaudir un député UMP ! Je m’étonnerais que celui-ci défende la liberté religieuse.

M. Jacques Myard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où la mondialisation devient de plus en plus prégnante, où le village planétaire permet la totale circulation des idées, des concepts, des idéologies et des croyances, notre modèle républicain de laïcité est parfois mis à mal, voire rejeté par les tenants des intégrismes en tout genre ou des communautarismes identitaires, destructeurs et rétrogrades. Il est heureux de constater que des républicains de tous bords, souvent adversaires pugnaces et intraitables, sont aujourd’hui unis et fermement décidés à défendre notre modèle de laïcité au cœur du pacte républicain. J’en veux pour preuve le travail que nous avons accompli avec M. André Gerin, notre collègue communiste, travail qui a marqué les esprits.

Le pacte républicain, c’est le vouloir vivre ensemble, au-delà des couleurs de peau ou des croyances de chacun. La laïcité de l’État fonde la citoyenneté. Il n’existe pas de citoyen juif, catholique ou musulman. Il n’existe que des citoyens français.

M. Jean Glavany et M. Marcel Rogemont. Très bien !

M. Jacques Myard. Dans le monde qui est le nôtre, il n’y a pas d’alternative, sauf à admettre les replis identitaires, dévastateurs et porteurs d’affrontements inéluctables. En réaffirmant avec force, aujourd’hui, le principe de laïcité dans cette résolution, nous ne sonnons pas la charge contre les religions quelles qu’elles soient. Bien au contraire, nous posons le principe, avec la loi fondatrice du 9 décembre 1905, que l’État n’a pas à se mêler de religions ni à les financer, mais il doit assurer la totale liberté de conscience (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

Mme Martine Billard. Bravo !

M. Jacques Myard. …des citoyens libres d’avoir une religion, d’en changer s’ils le souhaitent, mais aussi de ne pas avoir de religion…

M. Jean Glavany. Très bien ! C’est un vrai laïc !

M. Jacques Myard. …d’être agnostiques ou athées. Tout homme de foi, tout homme de raison – et je n’oppose pas l’un à l’autre, monsieur le ministre – ne peut être qu’un ardent défenseur de la laïcité : l’homme de foi, car il sait que l’État garantit sa liberté de conscience, l’homme de raison, car il sait que l’État laïc va le protéger des vindictes, des fanatismes religieux quels qu’ils soient.

M. Henri Plagnol. Très bien !

M. Jacques Myard. Mais, alors, pourquoi la laïcité est-elle parfois en recul, en régression, certains se félicitant, sans se rendre compte des conséquences désastreuses, de l’irruption du religieux dans la sphère publique ?

Reconnaissons que nous avons commis une double faute. La première est celle de croire que la laïcité allait de soi, qu’elle constituait un acquis sociétal immuable. C’est oublier que toute génération est un peuple nouveau, selon Tocqueville, et qu’il nous appartient de transmettre, d’enseigner ce principe garant de la paix civile. C’est là une mission essentielle. « L’école de la République a pour mission de rendre la raison populaire », disait le grand Condorcet.

M. Jean Glavany. Bravo !

M. Henri Plagnol. Très bien !

M. Jacques Myard. Aujourd’hui, il en est de même pour la laïcité. Je souhaite donc, à ce titre, que le 9 décembre soit proclamé journée de la laïcité et que les écoles adoptent, dès lors, des programmes de sensibilisation.

M. Jean Glavany. Pourquoi pas une journée de la liberté ?

M. Jacques Myard. C’est aussi la liberté des professeurs d’enseigner la liberté de conscience et la laïcité. C’est pourquoi nous avons aussi une fête nationale et que, chaque jour, nous pensons à la nation !

La seconde faute a été notre pusillanimité, voire notre lâcheté, devant la montée des phénomènes identitaires et communautaristes,…

M. Marcel Rogemont. Vous avez raison de le rappeler !

M. Jacques Myard. …au nom d’une idéologie de la repentance tiers-mondiste, mâtinée d’un individualisme exacerbé : « c’est mon droit ! ». Eh bien, non, la République a aussi des devoirs et des droits !

Face à cette situation, ayons le courage de la fermeté. La laïcité sous-tend la tolérance à l’égard des autres, mais ce n’est pas le renoncement à l’application de nos principes. À ce titre, il ne saurait y avoir de principe de laïcité à géométrie variable, monsieur le ministre. Elle doit s’appliquer intégralement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il ne peut y avoir de service public à la découpe dont les principes s’appliqueraient aux fonctionnaires titulaires, mais pas aux collaborateurs occasionnels.

Mme Françoise Hostalier et M. Henri Plagnol. Très bien !

M. Jacques Myard. La laïcité ne se divise pas ! Appliquons nos lois avec discernement mais avec fermeté !

M. Marcel Rogemont. Vous avez entendu, monsieur le ministre ?

M. Jacques Myard. Au-delà de nos principes républicains que nous nous devons de défendre, selon la formule antique, « plus fort que nos murailles », nous devons mener un autre combat contre l’obscurantisme. Comment ne pas être saisi d’effroi par la montée des théories créationnistes qui nient les évidences scientifiques ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Aussi, c’est avec conviction que je voterai cette résolution, même si elle ne peut malheureusement pas être amendée, car je suis convaincu que la laïcité doit être enseignée, transmise et défendue sans faiblesse. Elle demeure, plus que jamais, le socle de notre vouloir vivre ensemble, l’avenir de la République ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. J’applaudis M. Myard, même s’il va voter contre ce qu’il a dit !

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le président, monsieur le président, chers collègues, cette proposition de résolution sur la laïcité, nous donne une nouvelle occasion d’évoquer notre pacte républicain, mais aussi ce qui le menace ou l’effrite. Elle doit aussi servir, demain, à juger des actes non en fonction des engagements solennels, mais surtout des politiques mises en œuvre.

Quelques petits rappels nous semblent nécessaires. La conjonction de l’universel et du singulier est au cœur d’une idée très française définie et rappelée tout à l’heure : celle de République. En France, l’abolition des privilèges en 1789 s’est concrétisée, un siècle plus tard, dans la séparation des églises et de l’État. L’œuvre de laïcisation a accompli précisément une double mission : d’une part, la promotion de l’universalité des droits et, d’autre part, la sauvegarde de la liberté de conscience.

À l’occasion de la discussion de ce jour, j’ai relu Ferdinand Buisson, que j’avais déjà cité lors du débat sur l’identité nationale et qui fut l’un des maîtres d’œuvre de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des églises et de l’État.

Comment ne pas être en accord avec lui quand il affirmait, il y a plus d’un siècle, que la séparation de la foi et de la loi assure « à tout individu » la liberté de penser et de manifester sa croyance ou son incroyance sans autre limite que l’interdiction d’opprimer une autre pensée ? Il ajoutait qu’en garantissant ainsi la liberté de conscience, la République postule que « l’individu est indépendant de la communauté ». De la sorte, un acte de conscience ne relève que de l’individu et la collectivité doit reconnaître qu’elle ne peut avoir prise sur sa vie intérieure.

La même exigence de respect des consciences prévaut dans d’autres domaines. Nous pouvons citer l’enseignement, la famille, le travail.

Selon Ferdinand Buisson, cet individualisme de la conscience s’oppose à un individualisme concurrentiel. Tandis que le premier s’appuie sur la loi du devoir, le second repose sur la force et se fonde sur ce que Hobbes nomme « la passion de la gloire ». Cette passion naît lorsque nous estimons, selon Buisson, « notre propre pouvoir supérieur au pouvoir de celui avec lequel nous disputons ou nous comparons ». L’esprit concurrentiel peut, en effet, mettre l’individu hors de lui-même en le plaçant sous la dépendance du succès et du regard d’autrui. On est loin de l’individualisme de concurrence aujourd’hui valorisé et vanté dans les médias, incarné par des jeux de téléréalité ou illustré par tous ces exemples de réussite par l’argent ou par la notoriété ! Si on est laïc, il faut donc proposer une morale de la conscience plutôt qu’une morale de la puissance. C’est l’école, l’éducation et l’exemple social qui doivent nous permettre de ne pas succomber à cette possible épidémie d’individualisme concurrentiel.

La laïcité apparaît donc bien comme une idée au service des individus, qui doit être au cœur de l’école et de l’éducation et qui devrait servir d’exemple et de référence. Pourtant cette idée est bien remise en cause, y compris au sommet de l’État ! Dès 2007, le Président de la République a posé de la plus mauvaise façon qui soit, me semble-t-il, la question de la laïcité, indiquant que les origines de notre pays seraient « essentiellement chrétiennes » et expliquant qu’« une morale laïque » serait insuffisante.

C’est mal connaître les fondements de la France moderne, qui fait de la laïcité un fondement du pacte républicain depuis la Révolution française.

Ferdinand Buisson, père de l’enseignement public, disait en 1903 : « Cet enseignement moral porte la claire notion du devoir, des idées de justice et de bonté, l’habitude de la réflexion, la culture de la conscience, l’amour du travail, le sentiment des droits de l’homme et de la dignité humaine... distribué sous forme purement laïque par l’école Républicaine. »

La laïcité a pour finalité de respecter tous les Français, sans différence d’origines et de religions, et doit aider les individus à être autonomes par la conscience, comme le pensaient déjà les pères de la République.

Pourtant, force est de constater que l’école publique, laïque et gratuite, celle qui crée un lien social indispensable, qui permet aussi de garantir la cohésion sociale, est aujourd’hui menacée par des choix politiques.

Ses moyens sont en diminution, et plusieurs milliers d’emplois sont supprimés chaque année, y compris en milieu rural.

Sous cette législature, la loi a institué une obligation de financement sans accord préalable pour un élève inscrit dans une école privée hors de sa commune de résidence, introduisant une logique de marché scolaire sans référence aux valeurs.

Aujourd’hui, la laïcité est triplement menacée : elle est menacée par des religions qui veulent soumettre la conscience des individus ; elle est menacée par un modèle de réussite personnelle et sociale qui rend les individus dépendants et, à ce titre, il appartient aux institutions publiques et laïques de réagir, ce qui suppose que l’État reconnaisse la place et le rôle du milieu associatif laïque, qui promeut les valeurs du don, de la réciprocité, du bien commun ou du respect hors d’une seule morale religieuse ; elle est enfin menacée par le recul de l’école publique.

Le message de laïcité a de l’avenir si l’on sait promouvoir une culture partagée et non ambiguë, si l’on respecte les valeurs des institutions qui la portent, si l’on reconnaît qu’il faut des moyens pour la faire vivre et la diffuser dans un monde qui n’y est pas naturellement porté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la résolution présentée aujourd’hui est un document de propagande électorale, sorti tout droit des tiroirs de l’UMP et des déclarations de son secrétaire général, Jean-François Copé, le 15 avril dernier.

M. Jean-François Copé. Bel hommage !

M. Noël Mamère. Une récente émission de télévision sur France 2, « Complément d’enquête », traitant du Front national, interviewait un conseiller du Président de la République qui, sous couvert d’anonymat, dénonçait la stratégie de M. Patrick Buisson, reprise par le Président de la République : il s’agissait de « provoquer un stress électoral chez les Français en matraquant les thèmes de l’immigration et de la sécurité ». Nous voyons l’étendue du cynisme du pouvoir !

Nous sommes un an avant l’élection et, après que nous avons subi les faux débats sur l’identité nationale et les Roms, voilà que M. Copé nous assène son projet de résolution sur la laïcité. On se demande d’ailleurs pourquoi, monsieur Copé, vous n’avez pas présenté de proposition de loi. La réponse est dans Le Monde daté d’aujourd’hui, votre majorité est divisée, il n’y a pas consensus, notamment sur la question du statut des collaborateurs occasionnels du service public, autrement dit des mamans accompagnant les sorties scolaires. On peut comprendre les raisons de cette divergence car elle touche le cœur même de votre base électorale, divisée entre les électeurs cédant aux sirènes du Front national et ceux qui sont exaspérés par ces campagnes xénophobes et islamophobes. Avec M. Copé, au moins c’est clair, le lobby de la Droite populaire l’emporte contre les humanistes.

L’exemple de l’accompagnement scolaire est à cet égard sans appel. La HALDE a considéré dans le passé que les remises en cause du droit des mamans à accompagner les sorties scolaires étaient « contraires aux dispositions interdisant les discriminations fondées sur les religions ». Vous voulez établir deux catégories de mères aux yeux des enfants et des enseignants : les mères dignes de s’intégrer dans la communauté scolaire et celles qui en sont indignes.

M. Jean-François Copé. Et dire que les Verts et les socialistes veulent gouverner ensemble ! Bonne chance !

M. Noël Mamère. Cette inégalité entre les mamans remet en cause la laïcité dans l’école publique en opposant deux catégories d’élèves en fonction de la religion de la famille. D’un côté, vous parlez de parents démissionnaires. De l’autre, par cette disposition, vous poussez les parents les plus assidus à démissionner. Vous assimilez ces parents à des fonctionnaires obligés d’appliquer le principe de neutralité.

À part trois propositions, le texte se présente sous l’apparence d’un rappel général de principes depuis longtemps appliqués dans la République.

M. Dominique Dord. Votez-le alors !

M. Noël Mamère. Les trois articles qui pourraient poser problème soit sont inapplicables par les enseignants, en particulier l’exclusion des parents de la communauté éducative, soit relèvent non pas de la législation mais de la réglementation, comme la création de carrés confessionnels musulmans dans les cimetières, à l’instar de ceux qui existent pour la communauté juive, soit sont déjà traités dans de précédentes lois.

Il s’agit en fait de vider la loi de 1905 de son contenu tout en s’en réclamant. En invoquant la liberté religieuse, vous reniez la liberté de conscience des pères de la loi de 1905, ce qui n’étonnera personne quand on se souvient du discours du chanoine de Latran.

Vous tenez même à vous ingérer dans la politique des entreprises en imposant des règles dans les entreprises privées. Votre projet de résolution tout entier est contraire au pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu’à la Convention européenne des Droits de l’homme, dont l’article 9 précise que « toute personne a le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion » et que ce droit implique « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé ».

Pourquoi donc cette mascarade ? Son origine se trouve dans l’initiative raciste de deux groupuscules, Riposte laïque et le Bloc identitaire, qui, à l’été 2010, ont voulu créer de toutes pièces un événement médiatique en appelant sur une page Facebook à un « apéro saucisson pinard », rue Myrha, à l’heure où des fidèles prient dans la rue puisqu’ils ne peuvent pas trouver de lieux de culte appropriés.

M. Jean-François Copé. Démago !

M. Noël Mamère. Cette manifestation a été interdite, mais une campagne de presse sur le thème de l’occupation des rues par les musulmans s’en est suivie, relayée aussitôt par Mme Le Pen. Depuis, cette dernière tente de se réapproprier la laïcité comme valeur cardinale de son mouvement, pourtant fondé par les intégristes catholiques les plus durs. Vous courez derrière elle en tentant de créer un statut d’exception pour une catégorie de la population : les musulmans.

Cinquante ans après la Guerre d’Algérie, vous êtes en train de recréer petit à petit ce que l’on pourrait appeler un code de l’indigénat. Assez de ces mesures vexatoires qui ne visent qu’à renforcer le climat de xénophobie et d’islamophobie pour créer une stratégie de la tension à la veille des échéances de 2012. L’espace public est un lieu d’expression où toutes les opinions doivent pouvoir s’exprimer.

Monsieur Copé, les députés Europe Écologie les Verts comme les députés de notre groupe…

M. Christian Jacob. …auront la même position que Mme Le Pen, comme d’habitude !

M. Noël Mamère. …ne voteront pas votre résolution, car la laïcité vue par l’UMP est répressive et discriminatoire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. C’est insupportable !

M. Noël Mamère. Non, monsieur Copé, la laïcité pour nous n’est pas raciste. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Cela n’a pas suscité de nombreux applaudissements !

M. Jean-François Copé. Le PS n’a pas applaudi !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Copé, occupez-vous de votre troupeau, il en a besoin !

M. le président. La parole est à M. Dominique Souchet.

M. Dominique Souchet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons fait suite à un débat dont la pertinence ne fait aucun doute. On peut seulement regretter qu’il n’ait pas été plus précoce ou qu’il n’ait pas été mené dans un cadre plus large.

L’intitulé de la proposition de résolution est également pertinent. Il a le mérite de souligner le lien étroit qui unit laïcité et liberté religieuse, considérant ainsi la laïcité comme un régime qui garantit d’un même mouvement la neutralité de l’État en matière religieuse et la place des religions dans la société.

L’exposé des motifs précise la conception de la laïcité dans laquelle la résolution entend s’inscrire, cette notion ayant connu au cours de notre histoire des acceptions très diverses. « La laïcité repose sur une distinction claire de la sphère politique et de la sphère religieuse. » Pour autant, elle n’instaure nullement une relation antagoniste entre elles. La laïcité, dès lors qu’elle ne s’érige pas elle-même en religion de substitution, implique simplement le découplage de l’appartenance religieuse et de l’appartenance politique, la dissociation entre citoyenneté et confessionnalité.

L’exposé des motifs précise bien que « le principe de laïcité n’est pas la négation des religions ou le combat contre celles-ci ». Le texte de la résolution se situe donc clairement dans le cadre d’une laïcité ouverte, et non dans celui d’une laïcité d’indifférence ou de combat. Il laisse de côté la conception d’une laïcité fermée de séparation malveillante, pour promouvoir au contraire une laïcité positive, telle que le Président de la République en a dessiné les contours dans son discours du Latran : « J’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire d’une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. »

Ce qui motive la proposition de résolution, c’est le fait que cette laïcité, devenue une condition de la paix civile, est depuis quelques années l’objet de remises en cause qui interpellent le législateur.

À l’origine de ces remises en cause, il y a d’abord, et l’exposé des motifs le souligne à juste titre, l’ignorance, et notamment le développement de l’inculture religieuse, qui tend à devenir l’obscurantisme d’aujourd’hui. Elle atteint des proportions telles que de nombreux jeunes ne disposent plus des clés nécessaires pour comprendre leur environnement culturel, leur langue, ou pour lire leurs paysages, leurs monuments, leur littérature.

Il me semble que la résolution aurait pu s’inspirer sur ce point du rapport qu’avait remis Régis Debray au ministre de l’éducation nationale en 2002 et de ses recommandations en faveur de l’enseignement du fait religieux à l’école comme fait de civilisation. L’absence de proposition dans ce domaine me semble constituer un déséquilibre dans la résolution qui nous est soumise.

L’autre origine de cette remise en cause, et, là encore, l’exposé des motifs est clair, c’est l’irruption de certaines conceptions religieuses qui sont autant des codes juridiques que des spiritualités et qui n’ont pas dans leur patrimoine la distinction radicale entre Dieu et César. Ces conceptions alimentent des revendications de type communautariste qui visent à s’affranchir des règles communes. Or l’espace public ne saurait être régenté par plusieurs codes juridiques différents.

Comment enrayer ces dérives sans en revenir à une attitude discriminatoire à l’égard du fait religieux en lui-même ? Face à l’importance de l’enjeu, les propositions déçoivent un peu. On est même surpris de voir réapparaître dans certaines d’entre elles comme des traces d’une laïcité d’exclusion. Je pense en particulier aux alinéas 18 et 20, qui touchent les services publics et l’entreprise, dont la rédaction pourrait être interprétée comme une forme de stigmatisation du seul facteur ou motif religieux. Nous voyons bien les dérives qui sont visées. Il faut prendre garde toutefois, en les abordant à travers une globalisation du facteur religieux, à ne pas remettre en cause les équilibres trouvés avec les religions traditionnelles, qui sont étrangères à ces dérives.

Certaines dispositions me paraissent en revanche aller clairement dans la bonne direction. Je pense en particulier à l’alinéa 15, qui condamne toute transgression de nos lois qui résulterait d’une démission devant des revendications communautaristes et nous engagerait dans une dérive de type canadien vers des accommodements prétendument raisonnables, dont les limites sont sans cesse repoussées.

Je pense également à l’alinéa 24, souhaitant que la France fasse valoir dans le monde sa conception d’une laïcité équilibrée et de la défense de la liberté religieuse. Je rappellerai à cet égard l’appel lancé à mon initiative par 230 parlementaires pour que la France porte en permanence la voix des chrétiens d’Orient, victimes de très graves atteintes à la liberté religieuse.

Au total, même si les préconisations de cette résolution nous laissent un peu sur notre faim, je salue cette initiative, qui est une première prise de conscience et traduit une volonté de réagir face à certaines dérives qui remettent en cause les équilibres délicats sur lesquels repose notre société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal.

M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre République est laïque, elle le doit à la loi de 1905 de séparation des églises et de l’État.

Être laïque pour notre République, ce n’est pas, comme une appréhension triviale a pu le faire penser, être contre les religions. La laïcité à la française est plus subtile que cela. Nourrie de l’esprit des Lumières, elle assure la liberté de conscience et garantit la liberté de culte. Elle ne nie pas que l’homme puisse éprouver un sentiment religieux, qu’il puisse avoir des aspirations spirituelles, qu’il puisse croire en un dieu, bref qu’il puisse avoir le sens de la transcendance. Elle ne l’en empêche pas, elle lui demande seulement d’en limiter la pratique et l’expression à sa vie privée.

Cela veut dire aussi que dans notre conception de la laïcité, la puissance publique est neutre à l’égard des religions, qu’elle ne prend parti ni pour l’une ni pour l’autre, et qu’elle les respecte toutes. Le principe de laïcité s’est traduit, au fil du temps, par des dispositions concrètes, dont les dernières en date concernent l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école, ou la dissimulation du visage dans l’espace public.

Il s’agit aujourd’hui d’aller plus loin, sinon en codifiant, en tout cas en rappelant et en clarifiant, par le vote d’une résolution, notre attachement au respect des principes de laïcité et de liberté religieuse.

Je voterai cette résolution. Je le ferai parce que ses considérants, en déclinant les conséquences pratiques du respect de ces deux principes, établissent une limite aux manifestations extrémistes et, plus précisément, à leur instrumentalisation par des mouvements animés, en réalité, d’intentions politiques.

Je voterai cette résolution en souhaitant cependant qu’elle ne soit pas à son tour instrumentalisée par cette autre forme d’extrémisme qu’est le laïcisme. La force de notre conception de la laïcité repose, je l’ai dit, sur sa neutralité à l’égard des religions et sur son respect pour elles. C’est ainsi qu’elle rejoint l’universalité si caractéristique de notre culture, et qu’elle peut être adoptée par d’autres pays que le nôtre confrontés à des risques de tensions religieuses.

Le laïcisme, c’est-à-dire l’interprétation militante d’une laïcité en lutte contre les religions, nous ramènerait à une vision obscurantiste et appauvrissante de l’homme, que certains esprits qui se croyaient forts ont tenté, naguère, de faire prévaloir.

Je voterai cette résolution, mais en insistant sur le fait qu’elle concerne l’aspect cultuel des religions, et pas leur dimension culturelle. J’ai regretté, je l’avoue, et je crois même ne pas avoir compris, que les auteurs de la Constitution européenne n’aient pas voulu – à moins qu’ils n’aient pas osé – faire référence au fait que l’Europe s’était historiquement construite sur la base de valeurs judéo-chrétiennes.

M. Marcel Rogemont. Et les Lumières ? Et la science ?

M. Jean-Claude Guibal. Rappeler une donnée historique difficilement contestable ne me semble pas constituer une violation de la laïcité telle que nous la concevons.

M. Dominique Dord. Absolument !

M. Jean-Claude Guibal. Faire l’amalgame entre ce qui relève d’une pratique cultuelle et ce qui constitue une donnée culturelle serait le signe d’une confusion intellectuelle pour le moins inquiétante.

M. Henri Plagnol. Il a raison !

M. Jean-Claude Guibal. Le pire, cependant, serait d’avoir occulté cette composante majeure de notre identité pour ne gêner personne, pour ne pas se différencier, bref, pour ne pas avoir à dire qui nous sommes. Or, comment respecter les différences, apprécier leur dialogue et leur confrontation, être convaincu que leurs échanges les enrichissent mutuellement, si l’on ne commence pas par savoir et par dire qui l’on est ?

Nos concitoyens, en ces temps de mutation planétaire, sont en recherche de repères, de racines et d’identité. Ne pas répondre à leurs attentes ne peut qu’accroître leur anxiété et les risques d’instabilité politique qui en résulteraient.

Je crois donc, en conscience, que la résolution que nous allons voter pour affirmer notre attachement au respect des principes de laïcité et de liberté religieuse n’est pas incompatible avec le rappel des valeurs judéo-chrétiennes qui ont nourri et modelé notre civilisation. Je suis même convaincu qu’elle crée les conditions pour les affirmer plus fortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Mme Martine Billard. Vous oubliez les siècles d’islam en Espagne !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, la laïcité, valeur essentielle de la République française, est aujourd’hui malade, dans notre pays. Elle est malade des mauvais coups portés par ses adversaires, mais aussi des propos ambigus, et parfois inconvenants, tenus par le Président de la République, la majorité et le Gouvernement actuels.

M. Henri Emmanuelli. Très bien !

M. Jean-Marc Nesme. N’importe quoi !

M. Jean-Louis Touraine. Et comme le diagnostic formulé sur cette maladie est faux, le traitement proposé ne fait qu’aggraver le mal.

Certes, dans les intentions énoncées, il existe des projets louables. Bien sûr, il est bon de réaffirmer solennellement notre attachement aux principes de la loi du 9 décembre 1905. Bien sûr, nous approuvons la pédagogie de la laïcité et son exercice, en particulier dans tous les lieux publics. Mais que d’erreurs !

Erreurs dans le langage, d’abord. Réduire la liberté de conscience à la liberté religieuse est une faute, que nous ne pouvons pas cautionner.

Mme Martine Billard. Très bien !

M. Jean-Louis Touraine. Chaque Français est libre de choisir sa croyance, philosophique ou religieuse. Nul ne peut être contraint, ni même incité, à une croyance religieuse s’il ne croit pas au Ciel.

M. Bernard Gérard. Nous sommes d’accord !

M. Claude Goasguen. Personne n’a dit le contraire !

M. Jean-Louis Touraine. Erreurs dans l’ajout très malencontreux d’adjectifs inopportuns accolés au mot « laïcité ». Cela a été la « laïcité positive », comme s’il en existait une négative.

M. Claude Goasguen. Oui, il en existe une négative !

M. Jean-Louis Touraine. C’est maintenant la « laïcité équilibrée », au moment où vous voudriez l’instrumentaliser pour diviser les Français, rompre l’équilibre instauré en 1905.

Non, la laïcité n’est pas cela. C’est une grande valeur,…

M. Henri Emmanuelli. Trop grande pour vous !

M. Jean-Louis Touraine. …qui se définit par elle-même, comme la liberté. Ne serait-il pas ridicule que vous veniez nous présenter, demain, un texte sur la « liberté positive », et après-demain un texte sur la « liberté équilibrée » ?

Rappelez-vous la bonne définition de René Capitant : « La laïcité est une conception politique impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les églises aucun pouvoir politique. »

M. Claude Goasguen. Nous n’avons jamais dit le contraire !

M. Jean-Louis Touraine. Là apparaissent les erreurs de fond. Clarifier et aménager le régime de financement de la construction et de l’entretien des lieux de culte n’est pas respectueux de la loi de 1905.

Surtout, impliquer que la laïcité représenterait une simple mosaïque de religions diverses est une grave régression, même si l’on indique la nécessité de respecter certaines règles communes.

Ici même, lors du débat sur la loi bioéthique, nous avons pu assister à la confusion importante entre le champ des croyances et la sphère publique.

Que, parmi les valeurs laïques de notre République, certaines trouvent leur origine dans des valeurs judéo-chrétiennes, comme vous l’avez indiqué, est tout à fait exact. Cela ne légitime pas d’introduire un amalgame entre les unes et les autres. Une telle confusion entre croyances et État a déjà démontré ses maléfices du temps de l’État français, que le maréchal Pétain avait substitué à la République française. Ne retombons pas dans ce travers !

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir, enfin ! C’est incroyable !

M. Jean-Louis Touraine. Enfin, et c’est peut-être le plus grave, il existe des erreurs manifestes dans la compréhension de ce qu’est la laïcité, de son sens, de son objectif. La laïcité trouve ses lettres de noblesse dans sa capacité à rassembler les hommes par delà les différences de culture, d’opinion, de philosophie, de croyance. Ne l’utilisez pas pour opposer les uns aux autres ! Non, nous ne voulons pas d’expression anti-chrétienne, anti-musulmane, anti-libres penseurs. Nous savons que tous ont en commun un bien plus précieux encore que leurs convictions : leur humanité et leur humanisme.

Votre conception de la laïcité est à géométrie variable. C’est une laïcité avec une préférence religieuse. Nous privilégions au contraire une laïcité avec neutralité, respect égal des diverses religions et des diverses philosophies. Revenons donc, je vous en prie, à l’esprit de la loi de 1905, qui avait su apaiser les divisions. Donnons-lui toute sa signification pour lutter contre les déviances qu’ensemble nous regrettons, et qu’ensemble nous devrions combattre, si vous acceptiez que nous effacions de votre texte les propos les plus choquants.

Cela permettrait, par exemple, de retrouver l’inspiration scientifique, raisonnable et génératrice d’épanouissement humain, dans la France que nous aimons. Mettons de côté la diabolisation primaire des chercheurs, l’obscurantisme, le refus du libre arbitre des femmes, la vision primitive des promoteurs d’une science spiritualisée, fondée sur le créationnisme ou le dessein intelligent.

M. Claude Goasguen. C’est incroyable ! Nous ne sommes pas dans une loge, ici ! Nous ne sommes pas rue Cadet !

M. Jean-Louis Touraine. Faisons confiance à l’homme pour prendre en charge son destin, dans une communauté nationale unique et non divisée par ses croyances, mais au contraire unifiée par son projet humaniste commun.

Mes chers collègues, mon groupe vote oui à la laïcité, comme il vote oui à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. Il vote oui au rassemblement de tous les Français, quelles que soient leur philosophie ou leurs croyances, respectables et respectées. Il vote oui à la liberté de conscience et à la séparation des églises et de l’État. Pour cela, nous sommes obligés de nous opposer à un texte qui n’est pas respectueux de ces grandes valeurs, même s’il a parfois des intentions que nous aurions pu louer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout comme la liberté, la laïcité nécessite une veille permanente.

Valeurs aussi vieilles que l’humanité,…

M. Jean Glavany. Non, hélas !

Mme Françoise Hostalier. …elles ont été successivement gagnées, perdues, ou remises en cause tout au long de notre histoire.

Elles ont été aussi réactualisées, et parfois redéfinies, à travers l’évolution des sociétés qu’elles ont elles-mêmes forgées.

La France est certainement le pays où la laïcité a été le plus clairement établie, mais aussi celui où elle a été le plus durement vécue.

La loi promulguée le 9 décembre 1905, votée par une large majorité après le record de cinquante séances à l’Assemblée nationale, est en fait l’aboutissement de plus d’un siècle d’affrontements politiques, tournant parfois au fanatisme.

M. Jean Glavany. Religieux !

Mme Françoise Hostalier. Pour bien comprendre ce qu’est la laïcité, et le sens de la motion qui nous est proposée, il me semble utile de faire un petit retour en arrière.

Tout commence officiellement avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, qui, dans son article 10, précise : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » C’est donc la reconnaissance de la liberté de conscience, mais dans les limites des règles sociales définies par la loi.

Ensuite, la séparation entre le religieux – essentiellement, à l’époque, l’Église catholique – et le séculier s’est faite à marche forcée, à tel point que Robespierre lui-même s’en est inquiété en 1793, estimant que ce qu’il appelait « l’athéisme aristocratique » allait à l’inverse du but recherché, qui était le respect de la liberté de conscience.

Si Bonaparte approuve la dimension anticléricale de la laïcité, Napoléon la nuance. Ainsi, le Concordat du 28 messidor an IX reconnaît la religion catholique comme « la religion de la grande majorité des Français » et faisant donc partie du paysage social.

En 1804 cependant, le Code civil assoit des bases de notre société laïque et républicaine, mais il faudra attendre finalement la Constitution de 1958 pour que la laïcité soit reconnue officiellement comme une valeur fondamentale de notre République.

Si la loi de 1905 ne cite aucun culte, elle concernait en fait essentiellement les trois religions référencées à l’époque en France métropolitaine,…

M. Jean Glavany. Non ! Elle concernait « les cultes ».

Mme Françoise Hostalier. …c’est-à-dire les religions catholique, protestante et juive, qui s’y sont conformées assez rapidement, il faut le reconnaître.

Par contre, l’islam échappa à la loi…

M. Jean Glavany. Il n’a échappé à aucune loi !

Mme Françoise Hostalier. …par des mesures dérogatoires concernant les colonies, et notamment l’Algérie. Il semble que ce soit la peur de provoquer une organisation parallèle de la société, qui aurait pu contrarier l’autorité politique de la métropole dans ces pays, qui ait été la cause de ces exceptions.

On ne refait pas l’histoire (« Oh que si ! » sur les bancs du groupe SRC),…

M. Marcel Rogemont. Dans l’art de refaire l’histoire, vous êtes championne, au contraire !

Mme Françoise Hostalier. …mais on peut imaginer que si, à l’époque, la loi s’était appliquée de la même manière dans tous les pays sous domination française, beaucoup de choses seraient bien différentes aujourd’hui.

Pendant de nombreuses années, et même parfois encore maintenant, la laïcité est comprise comme une mesure anticléricale, ce qui engendre crispation et surenchère.

C’est pourquoi il est important de faire de la pédagogie, car la laïcité est au contraire la garantie pour chacun de pouvoir croire ou ne pas croire, de pouvoir pratiquer toute religion mais dans le respect des lois qui régissent le droit public.

C’est ainsi que l’Abbé Lemire, député et maire d’Hazebrouck, dans ma circonscription, au cours des débats en 1905, avait défendu cette loi – même s’il ne l’a pas votée – qui établit le principe fondamental de l’équilibre de toute société moderne garantissant la non-ingérence réciproque entre les structures de l’État et les instances religieuses.

La laïcité, c’est la garantie de la liberté de conscience, la garantie du libre exercice des cultes, la garantie de la liberté laissée à chacun de croire ou de ne pas croire et celle de changer d’avis.

M. Jean Glavany. Très bien !

Mme Françoise Hostalier. Mais c’est aussi la garantie que le religieux ne peut gouverner le civil et que la religion n’a pas de place dans tout ce qui est du domaine séculier.

M. Jean Glavany. Très bien !

Mme Françoise Hostalier. Cette liberté donnée à chacun de vivre dans le respect des valeurs morales de ses croyances a pour condition que ces valeurs soient compatibles avec celles des droits de l’homme, avec celles de la République et avec celles des différents traités et conventions qui engagent la France.

M. Jean Glavany. Ce n’est pas du tout ce qui est dans la résolution, justement ! Sinon, nous l’aurions votée !

Mme Françoise Hostalier. Aujourd’hui, la mondialisation, l’ouverture vers d’autres cultures, grâce notamment aux nouveaux moyens de communication modernes, l’arrivée sur notre sol de populations immigrées ayant d’autres modes de vie, nous confrontent à des comportements qui ne sont pas toujours compatibles avec les valeurs issues de notre histoire.

C'est pourquoi, il est apparu nécessaire de recadrer, parmi les valeurs de la République, celle de la laïcité.

M. Jean Glavany. Et l’égalité, vous n’avez pas voulu la recadrer ?

Mme Françoise Hostalier. Ainsi, comme ce fut le cas tout au long de notre histoire moderne, nous pourrons préserver la qualité du vivre ensemble de la société française, en fixant clairement les limites que chacun s'engage à respecter s'il veut en faire partie.

Aucune religion, aucune pratique ne peut, dans la société française, s'affranchir des lois de la République ni des valeurs humanistes que ces lois protègent.

M. Jean Glavany. Très bien !

Mme Françoise Hostalier. Cette résolution rappelant les textes fondamentaux et précisant quelques domaines où le respect de la laïcité ne peut souffrir aucune faille, comme par exemple dans les services publics, ne fait que reprendre clairement les principes que nous avions peut-être parfois oubliés ou dont nous avions mal interprété 1’application dans nos institutions.

M. Jean Glavany. Non, non, nous n’avons rien oublié.

Mme Françoise Hostalier. C'est pourquoi je vous invite à adopter cette résolution considérant qu'elle est l'une des étapes de l'histoire de la laïcité en France.

M. Henri Emmanuelli. Vous ne l’avez pas lue, cette résolution, elle proclame l’inverse de ce que vous dites !

Mme Françoise Hostalier. Je regrette la position de certains de nos collègues. Ayons à l'esprit que de plus en plus d'États démocratiques cherchent à s'inspirer de notre expérience dans ce domaine. Et que dire des États qui sont en train de naître à travers les révolutions dans les pays arabes, pour qui la laïcité représente un rempart contre le risque de l'intégrisme religieux et une formidable alliée de leur liberté retrouvée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Si la résolution prévoyait ce que vient de nous dire Mme Hostalier, nous la voterions.

M. le président. La parole est à Mme Christine Marin.

Mme Christine Marin. La proposition de résolution qui nous est soumise aujourd'hui marque une étape majeure dans l'évolution et l'affermissement de notre contrat social. En effet, il s'agit d'un véritable point d'orgue dans la mise à jour de notre corpus républicain.

Notre histoire, nos valeurs, font que nous, Français, avons un certain rapport au fait religieux. Le passé de notre nation a été un long chemin pour établir, par un puissant et constant effort, un compromis aussi exemplaire que possible entre la liberté de conscience, et cette farouche volonté nationale de créer et d'assurer un espace public indépendant de la religion. Depuis les guerres de religion jusqu'à la séparation des églises et de l'État, malgré les épisodes douloureux de notre histoire, nous avons édifié une nation profondément républicaine, où chaque Français peut sentir la fraternité qui l'unit à tous les autres, et jouir pleinement de sa liberté de conscience. Cette histoire mouvementée, et les valeurs héritées de la Révolution française, ont forgé un pacte républicain fondé sur une exigence primordiale, celle de la laïcité. La laïcité qui réconcilie liberté religieuse et égalité des citoyens devant un État étranger à toute dimension confessionnelle.

M. Jean Glavany. La liberté religieuse n’existe pas dans la loi de 1905 ! C’est une invention de votre part !

Mme Christine Marin. Le rôle du politique, génération après génération, est de pérenniser ce pacte républicain. À notre époque, en pleine mondialisation, où les crises succèdent aux crises, nul ne peut contester, non seulement la légitimité, mais aussi le devoir qui incombe à la représentation nationale de prendre ses responsabilités pour promouvoir nos principes républicains. C'est l'objet de cette proposition de résolution. Il s'agit d'un texte clair et équilibré, bien loin de ce que l'écume médiatique avait semblé nous promettre. Il s'agit d'un texte utile et nécessaire, contrairement à ce que certaines voix voudraient faire croire.

Oui, ce texte est utile et nécessaire. À entendre certains, tout serait déjà dans la loi, qui ne demanderait qu'à être appliquée. Pourtant, les acteurs de terrain savent bien que la réalité appelle des politiques le courage d'une prise de position solennelle, et de dispositions nouvelles visant à garantir nos valeurs les plus essentielles. Dans nos territoires, dans nos villes, l'instituteur, le professeur, l'éducateur du centre social, le policier, l'élu local, tous ceux-là savent bien, pour le vivre quotidiennement, que la laïcité est trop souvent mise à mal dans notre pays. Quel responsable politique digne de ce nom devrait accepter d'abandonner ceux qui font la République au jour le jour ?

Oui, la neutralité des agents du service public, ainsi que celle des personnes œuvrant dans le secteur social et médico-social d'intérêt général est indispensable à la préservation d'un vivre ensemble serein où chaque croyance est respectée. Nul ne peut imposer à ses enfants de ne pas suivre un programme scolaire obligatoire pour des raisons religieuses. Nous réaffirmons aussi notre attachement à la liberté religieuse, et aux garanties de son exercice.

Ces grands principes, ainsi que leurs implications concrètes, engagent chaque citoyen dans la droite ligne de la loi de 1905 à laquelle nous sommes tous profondément attachés. Mais l'histoire du fait religieux en France ne s'est pas arrêtée il y a 106 ans. C'est pour cela que cette résolution sonne comme un point d'orgue. Elle donne toute sa cohérence aux efforts accomplis depuis dix ans pour réaffirmer notre attachement à la laïcité et à la liberté religieuse, depuis la commission Stasi jusqu’à la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, en passant par l'installation par Nicolas Sarkozy du conseil français du culte musulman.

Au cours du débat des derniers mois, particulièrement hystérisé par les médias, on avait parfois l'impression d'oublier que nous vivions dans une société française fortement sécularisée. C'est pourtant bien la réalité, et notre devoir est de garantir aux filles et aux fils de France qu'ils seront libres de croire ou de ne pas croire, égaux et unis sous l'égide d'une République laïque, forte et juste, qu'ils soient chrétiens, juifs, musulmans, agnostiques ou athées.

M. Henri Emmanuelli. Et bouddhistes !

Mme Christine Marin. Avec Jean-François Copé et les députés UMP, c'est ce que nous proposons à la représentation nationale, et que je vous engage à voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je ferai un rappel, suite aux interventions de MM. Ayrault et Glavany : nous nous situons clairement dans l’esprit et dans la lettre de la loi de 1905.

M. Jean Glavany. Non ! C’est faux ! Il n’y a pas la moindre référence à la liberté religieuse dans la loi de 1905 !

M. Christian Jacob. Il faut une dose de mauvaise foi dont vous seul avez le secret, monsieur Glavany, pour avoir une interprétation différente !

Nous sommes complètement dans la ligne de la loi de 1905, et nous répondons à des préoccupations concrètes. Vous, vous êtes dans le registre politicien, c’est à ce niveau que vous avez souhaité vous situer, votre intervention a été laborieuse tout à l’heure, vous avez été incapable d’avoir un argument de fond ! Vous vous êtes emmêlés dans vos arguments, vous avez tourné au ridicule !

M. Jean Glavany. Dans les couloirs, vous me disiez que j’avais raison ! Et maintenant vous tenez de tels propos ? Quelle duplicité !

M. Christian Jacob. M. Mamère se situait encore dans un autre domaine, vraiment nauséabond.

Sur ce sujet, nous sommes fiers des valeurs auxquelles nous sommes attachés. Nous répondons à des préoccupations concrètes des Français, et je crois que c’est tout à l’honneur de notre groupe que d’avoir porté cette résolution. Lorsque l’on voit aujourd’hui ceux qui s’y opposent, cela nous rassure encore plus.

Notre explication de vote est donc très claire, nous voterons cette résolution avec beaucoup de fierté, parce qu’elle répond à des préoccupations concrètes sur des sujets que vous avez décidé de fuir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Votre résolution réaffirme le principe de la laïcité de la République. Ainsi en est-il pour les agents du service public et pour les personnes qui y recourent. Mais vous n’en restez pas à ces situations. Dans le titre de votre résolution vous ajoutez la liberté religieuse au principe de laïcité.

Comme si le principe de laïcité était liberticide pour les religions ! Comme s’il y avait une liberté laïque, et une liberté religieuse !

M. Claude Goasguen. Jésuite !

M. Marcel Rogemont. Mais le libre exercice des cultes est inclus dans la liberté de conscience, qui est le socle de la laïcité. Vouloir ajouter la liberté religieuse à la suite de la laïcité ne peut être interprété que comme une atteinte à l’intégrité de la laïcité, à son universalité. C’est une restriction de son champ d’influence dans l’organisation de la République. C’est faire de la laïcité la religion de ceux qui n’en ont pas.

La laïcité serait pour ceux qui ne croient pas, et la religion pour ceux qui croient. Il y a là un point de rupture avec les fondateurs de la République. Le point de rupture que vous mettez sur le devant de la scène vient en écho aux propos tenus par le Président de la République le 20 décembre 2007 au Latran : « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, (…) parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie », propos lourds de signification. Comme si le sacrifice de sa vie pour une cause noble n’était l’apanage que du seul curé !

Plus subtilement, le Président de la République, et vous à sa suite, instillez l’idée selon laquelle une personne qui n’aurait pas de religion ne serait qu’un croyant qui s’ignore.

Mes chers collègues, la laïcité n’a pas besoin d’adjectif, elle est par essence positive. Aujourd’hui, parler de laïcité « équilibrée » sonne une nouvelle fois comme un coup majeur porté à son adresse. Équilibrée par rapport à quoi ? Par rapport à qui ?

Par son universalité, la laïcité est par essence équilibrée. La loi de 1905, en son article 1er, pose : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes (…) »

Vous l’aurez compris avec ce rappel : les socialistes défendent l’universalité de la laïcité, une laïcité sans adjectif et sans fard. Nous vous appelons, vous les républicains, vous les défenseurs de la laïcité, vous, monsieur le ministre, à ne pas laisser engager la République dans cette voie funeste qui serait, en empruntant le chemin de la défense de la laïcité, de remettre en cause son sens même dans notre république.

C’est pourquoi les socialistes ne voteront pas cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. En 2008, le philosophe Peña-Ruiz disait : « La laïcité, sans adjectif, ni positive ni négative, ne saurait être défigurée par des propos sans fondements. Elle ne se réduit pas à la liberté de croire ou de ne pas croire accordée avec une certaine condescendance aux « non-croyants ». Elle implique la plénitude de l'égalité de traitement, par la République et son président, des athées et des croyants. Cette égalité, à l'évidence, est la condition d'une véritable fraternité, dans la référence au bien commun, qui est de tous. »

Nous refusons ainsi les concepts de laïcité positive, de nouvelle laïcité, de laïcité équilibrée ou de code de la laïcité opposé à la liberté religieuse. Ces glissements sémantiques ne sont pas neutres. Ce sont autant de brèches dans la loi de 1905. La laïcité n’a besoin ni d’adjectifs, ni de compléments.

Fidèles à l'esprit de cette loi, nous restons vigilants et fermes face aux remises en cause de la laïcité ainsi que sur les tentatives d'ingérence des cultes dans le débat public, comme ce fut le cas pendant le débat sur la bioéthique.

La laïcité, c’est le fait que l’État ne se mêle pas de l’organisation des religions, ni de la religion musulmane, ni des autres. La laïcité, c’est aussi – chose que vous oubliez très fréquemment – l’argent public pour l’école publique. La laïcité, c’est aussi ce qui permet l’égalité des droits pour les femmes, et c’est fondamental.

Nous refusons que vous utilisiez le Parlement comme chambre d’enregistrement d’une résolution de l’UMP. La laïcité est une valeur fondamentale de notre République, universelle. Elle devrait donc nous rassembler, et non être utilisée comme un instrument de stigmatisation envers les uns ou les autres de nos concitoyens.

Finalement, cette résolution est dans la continuité des remises en cause constantes de la laïcité par votre majorité, qui se sont renforcées depuis 2007. J’en veux pour exemple les propos du Président de la République sur la supériorité du curé sur l’instituteur. Et puis, on l’oublie parfois, mais monsieur le ministre de l’intérieur, les cérémonies et commémorations de la République, qu’il s’agisse du 8 mai, les libérations des villes, le 11 novembre, la journée de la déportation, ces commémorations devraient tous nous rassembler, indépendamment de la religion des uns et des autres. Or, depuis 2007, toutes ces commémorations sont tronçonnées par religion. Ça, c’est une atteinte à la laïcité.

Pour nous, cette résolution est un recul sur la laïcité, avec l’introduction de la liberté religieuse en opposition à la laïcité, comme notre collègue Glavany l’a très bien démontré. Parce qu’elle est un recul, l’ensemble du groupe GDR votera contre cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

(La proposition de résolution est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-france

Discussion d'une proposition de loi
adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France (nos 3298 rectifié, 3448).

La parole est à M. Maurice Leroy, ministre de la ville.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la président, monsieur le rapporteur,mesdames, messieurs les députés, je vous retrouve avec beaucoup de plaisir. Il est aujourd'hui question de l'avenir de la région au cœur de laquelle rayonne une ville mondialement connue à l’étranger, qui est la vitrine de notre pays, cette ville lumière dont on parle tant à l’étranger et qui suscite tant d’admiration : Paris.

Vous le savez tous, Paris est plus qu'une ville, bien plus qu'une capitale. Paris est aussi une ville monde, qui rivalise avec les plus grandes, comme New York et Londres. Paris est une économie monde et appartient au grand réseau d'échanges et de communications planétaires.

Mais pour que notre région capitale reste en première division, Nicolas Sarkozy, le Président de la République, a lancé cet ambitieux projet du Grand Paris qui vise à faire de l'Île-de-France une région capitale autour de grands pôles urbains attractifs, au service de la croissance de notre pays.

À la fois région capitale et métropole de rang mondial, l'Île-de-France constitue une agglomération unique ! La région-capitale, c'est la première région économique d'Europe, c'est 30 % de la richesse de notre pays, c'est le moteur de notre économie nationale.

C'est pour cela que nous devons avoir une grande ambition pour la France et pour notre région-capitale, une grande ambition pour penser ensemble nos territoires.

Et penser nos territoires, c'est avant tout créer les conditions optimales de développement cohérent et harmonieux de ces territoires. Si la France est aujourd'hui un pays bénéficiant d'un réseau de transport et d'infrastructure de qualité, c'est parce qu'il y a plus de quarante ans, il existait une politique d'aménagement volontariste et ambitieuse, qui a dessiné le visage de la région. Parce qu'elle n'est pas une région comme les autres, la région capitale a besoin d'une vision prospective de son développement et de formaliser ses axes de développement dans un document unique et partagé.

Le SDRIF a été révisé en 1965, pour loger tous les Franciliens ; en 1976, pour s'adapter au choc pétrolier, limiter l'étalement urbain et une nouvelle fois en 1994, pour équilibrer développement démographique et évolution de l'emploi.

Aujourd'hui, vous ne l'ignorez pas, le SDRIF de 1994 bloque bien des projets, monsieur le rapporteur, vous les reprenez dans votre rapport écrit. Un travail de révision a été entrepris, mais le Conseil d'État a considéré que le projet de 2008 était incompatible avec la loi sur le Grand Paris du 3 juin 2010.

C'est pourquoi, conformément à l'accord passé le 26 janvier 2011 avec le président de la région Île-de-France, l'État s'est engagé à trouver une solution pour lever cet obstacle. C'est tout le sens de la proposition de loi élaborée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste du Sénat qui doit permettre aux élus locaux de modifier leur document d’urbanisme pour lancer des projets.

Comme l'ont très justement rappelé le rapporteur Dominique Braye au Sénat et vous-même, en commission, cher Yves Albarello, la proposition de loi permet, pour les collectivités, dont les projets sont bloqués par le SDRIF 1994, de déroger à ce schéma directeur jusqu'à sa nouvelle mise en révision. Je le réaffirme ici, car c’est très important et cela a fait l’objet de débats, monsieur le président, au sein de votre commission du développement durable et de l’aménagement du territoire : « jusqu’à sa mise en révision ». Cette disposition doit bien évidemment respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité au Sénat le 30 mars dernier dans un esprit de consensus.

De la même manière, je sais, mesdames, messieurs les députés, que je peux compter sur vous. Je l'ai vu, le 18 mai, lorsque la commission du développement durable a adopté cette proposition de loi visant à débloquer de nombreux chantiers des collectivités d'Île-de-France.

C'est cet esprit de consensus qui nous a permis de signer l'accord du 26 janvier 2011, entre l'État et la région Île-de-France. C'est parce que nous avons travaillé ensemble, sans jamais nier bien entendu nos différentes sensibilités politiques, mais en les dépassant, que nous sommes parvenus à un accord. Celui-ci a été la pierre fondatrice d'une collaboration unique et essentielle que je souhaite durable. Cet accord a lancé une dynamique et a mis le Grand Paris en mouvement !

Depuis le 26 janvier, nous travaillons sans relâche pour mettre en œuvre les engagements de ce protocole, avec une réelle envie d'aboutir. Cela s'est concrétisé, le jeudi 26 mai dernier, par un vote à l'unanimité du schéma d'ensemble du réseau de transport du Grand Paris par le Conseil de surveillance de la société du Grand Paris, que préside notre collègue André Santini.

C'est avec ce même esprit, ouvert et volontariste, que j'ai soutenu très activement la proposition de loi déposée par Mme Nicole Bricq et ses collègues sénateurs socialistes. Nous nous devons d’aller vite pour ne pas bloquer inutilement des projets locaux prêts à démarrer et pour enclencher au plus vite une nouvelle révision du SDRIF.

J'ai par ailleurs entendu les inquiétudes exprimées par certains d'entre vous en commission. C'est pourquoi je tiens à réaffirmer ici ce que j'ai dit au Sénat le 30 mars dernier : la proposition de loi examinée instaure un dispositif exceptionnel et transitoire, qui ne saurait se prolonger au-delà de 2013, date à laquelle nous aurons un nouveau schéma directeur qui intègre dans un esprit consensuel les objectifs que l'on s'est fixés pour le Grand Paris.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est soucieux de trouver, dans un calendrier exigeant – je voudrais remercier mon collègue Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement – des réponses ambitieuses aux questions d'aménagement de la métropole francilienne.

Mesdames, messieurs, nous sommes sur le point de nous doter, ensemble, d'un outil à la hauteur de l'avenir de la région capitale. Cette disposition législative va nous permettre d'écrire une nouvelle page de ce projet francilien, national et mondial. Car le développement du Grand Paris n'est pas la seule affaire des Parisiens mais bien de l'ensemble des Français. Elle est celle de tous ceux qui s'y rendent chaque jour pour y travailler, mais aussi celle de tous ceux dont l'activité dépend économiquement, socialement et culturellement de ce cœur qui insuffle la vie à la région Île-de-France et, bien plus, à notre pays tout entier, les conditions, pour une France plus forte, plus équitable et plus durable, monsieur le président Grouard, vous que je sais sensible à ces questions. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Yves Albarello, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre de la ville, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis est très particulier et cette spécificité ne tient pas, malgré les apparences, à son titre qui peut sembler un peu laborieux et imprécis.

En réalité, le problème auquel ce texte au libellé compliqué apporte une solution est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît.

De quoi s'agit-il ? De permettre à la première région économique et démographique de France, qui est en même temps une des premières d'Europe, de rester le moteur principal, la locomotive du développement durable de notre pays, notamment à travers les projets et les investissements des collectivités territoriales dont on connaît l'importance et l'irremplaçable nécessité. À l'heure actuelle en effet, nombre de projets, indispensables et urgents à réaliser, se trouvent bloqués du fait d'un malheureux concours de circonstances.

En Île-de-France, ces projets et investissements font l'objet d'un schéma régional d'aménagement, propre à l'Île-de-France, appelé couramment SDRIF.

Le SDRIF qui s'applique actuellement est celui de 1994, comme l’a rappelé tout à l’heure M. le ministre de la ville, car un nouveau SDRIF, mis au point en 2008, dans les conditions prévues par la loi, n'a pas encore pu être promulgué. Or, nous sommes en 2011 et cette situation ubuesque ne peut plus perdurer car elle handicape gravement l'avenir de l'ensemble de notre pays, compte tenu du poids et de la place qu'occupe la région d'Île-de-France dans notre économie nationale.

Bien sûr, me direz-vous, pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Tout simplement parce que le SDRIF de 2008 s'est trouvé en situation de télescopage avec la réflexion que venait d'initier le Président de République sur la nécessité – un demi-siècle après le Général de Gaulle et Paul Delouvrier, Georges Pompidou et le rééquilibrage à l'Est notamment avec le nouvel aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, Valéry Giscard d'Estaing avec la Cité des Sciences et le musée d'Orsay, François Mitterrand avec le Grand Louvre et la nouvelle Bibliothèque et Jacques Chirac et le musée du quai Branly – d'optimiser tout ce passé constructif dans un projet de grande envergure, à la dimension du XXIe siècle, le Grand Paris. Projet valorisant autour de la ville capitale, son espace de rayonnement s'étendant jusqu'à la mer et ouvert sur le monde grâce aux portes aériennes de ses aéroports internationaux de premier ordre.

Un Grand Paris dont la première étape de réalisation s'incarne dans la construction d'un métro automatique structurant de forme elliptique irriguant la petite couronne aux confins de la grande, à travers un maximum d'interconnexions avec le réseau existant régional et national, et permettant de surcroît une accélération du développement économique durable, dans l'intérêt de l'ensemble du pays, à partir de pôles de compétitivité ou « clusters ».

Naturellement, il était indispensable de trouver une cohérence entre cette vision prospective d'un avenir éminemment souhaitable pour le Grand Paris et les préoccupations quotidiennes d'aménagement et de transports énoncées dans le SDRIF de 2008, dont l'application ne pouvait être que temporairement suspendue dans l'attente de la promulgation de la loi sur le Grand Paris débattue au Parlement à partir de 2009.

L'an dernier, à la même époque, en commission mixte paritaire, notre assemblée a rétabli et fait prévaloir cette exigence de cohérence et de complémentarité entre la vision de l'État et celle de l'instance régionale exprimée dans le cadre de la décentralisation. Nous avons ainsi permis que soit organisé un double débat public concomitant entre le projet de transport public du Grand Paris, voté par le Parlement et devenu la loi du 3 juin 2010 d'une part, et le projet de transport régional dit Arc Express d'autre part. Nous avions de ce fait ouvert la voie à une entente État-Région permettant d’aboutir à la conception d’un seul réseau, de caractère complémentaire, ainsi qu’à un accord sur la promulgation du SDRIF en même temps que sa mise en révision pour tenir compte des dispositions de la loi relative au Grand Paris.

Le 26 janvier, alors que s’achevait le double débat public concomitant, le Gouvernement, par votre voix, monsieur le ministre de la ville, et le conseil régional d’Île-de-France, par la voix de son président Jean-Paul Huchon, ont conclu un accord historique permettant la synthèse des projets du métro automatique du Grand Paris et de l’Arc Express en un « Grand Paris Express », qui donne désormais satisfaction à toutes les parties, après un double débat public d’une haute tenue et d’une rare qualité qui a permis à la population francilienne passionnée de s’exprimer tout à fait librement ainsi qu’avec perspicacité et sens du réalisme constructif.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai.

M. Yves Albarello, rapporteur. L’un des éléments de cet accord concernait précisément le SDRIF en raison d’un avis essentiel rendu par le Conseil d’État préalablement à sa promulgation, laquelle conditionne naturellement sa révision.

En effet, il y a quelques mois, le 27 octobre 2010, le Conseil d’État a estimé qu’en raison de l’existence de la loi du 3 juin 2010 précitée relative au Grand Paris, le SDRIF de 2008 ne pouvait plus être accepté en l’état, certaines de ses dispositions étant devenues incompatibles avec celles de la loi sur le Grand Paris, et qu’il convenait de le modifier. Comment faire dès lors pour modifier sans promulgation préalable ?

D’où cette situation ubuesque que j’ai dénoncée au début de mon propos : faute de pouvoir appliquer le SDRIF de 2008, nous sommes encore obligés, pour le moment, de continuer à vivre sous le régime du SDRIF de 1994 ! Chacun mesure aisément le poids de ce handicap fâcheux.

La seule solution pour en sortir est la voie législative. D’où la proposition de loi, conçue dans un esprit de consensus général, par notre collègue du Sénat Nicole Bricq, Seine-et-Marnaise comme moi-même (Sourires sur tous les bancs)

M. Yanick Paternotte. Quel talent ces Seine-et-Marnais ! (Sourires.)

M. Yves Albarello, rapporteur. … et votée par nos collègues sénateurs à la quasi-unanimité. Cela se comprend car ce texte est excellent, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et répond parfaitement aux exigences d’un déblocage immédiat de la malencontreuse situation actuelle.

Je n’examinerai pas en détail le contenu de cette proposition de loi. Cela a été fait tant dans mon rapport de présentation qu’au cours des discussions qui ont eu lieu au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Tout ayant été dit et écrit à ce sujet, il ne me semble pas nécessaire de répéter ce que vous connaissez déjà puisque ce rapport et ses annexes ne représentent au total qu’un petit fascicule d’une quarantaine de pages. Je vous renvoie donc à ce document en vous rappelant que la commission a, à l’unanimité, approuvé l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

D’ailleurs, le président Serge Grouard ayant estimé que les explications données à cet égard et figurant dans ce document étaient « très claires sur un sujet qui ne l’est pas totalement », …

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Je confirme la citation !

M. Yves Albarello, rapporteur. …je ne serai donc pas plus royaliste que le roi et je vous invite à vous y reporter.

Je rappelle simplement que l’article 1er de la proposition de loi poursuit trois objectifs.

Premièrement, permettre la révision des documents d’urbanisme incompatibles avec le SDRIF de 1994 dès lors qu’ils s’avèrent compatibles avec le SDRIF de 2008 et la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris.

Deuxièmement, garantir la mise en œuvre des contrats de développement territorial prévus par cette loi dont ils constituent une pièce maîtresse.

Troisièmement, permettre désormais la révision du schéma directeur de la région Île-de-France de 2008, bloquée par l’avis du Conseil d’État. À cette fin, le prochain décret prévu à l’article 2 de la loi du 3 juin 2010 précitée vaudra mise en révision du SDRIF.

Quant à l’article 2, il vise à réparer un oubli du Grenelle II en ce qui concerne les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

Mes chers collègues, l’un de nos droits fondamentaux est le droit d’amendement. Mais comme je vous le disais au début de mon propos, le présent texte est très particulier, ce qui explique le vote quasi unanime du Sénat et le vote unanime sans modification de notre commission du développement durable. En effet, ce texte n’est que la traduction législative d’un des points de l’accord historique du 26 janvier. Mais la semaine dernière, le 26 mai, la Société du Grand Paris, dans le respect du calendrier fixé par la loi, vient de se prononcer sur le tracé définitif et le choix des gares du Grand Paris Express. Il ne reste donc plus maintenant au Gouvernement qu’à prendre le décret prévu par la loi du 3 juin 2010. Or, comme je vous l’ai dit il y a un instant, c’est ce décret qui permettra la révision du SDRIF si nous votons la présente proposition de loi en l’état ; et, comme vous le savez, il y a urgence à prendre ce décret.

Je vous propose donc d’adopter tel quel, sans amendements, ce texte déjà approuvé par la commission. Lorsque nous ratifions des traités, nous évitons naturellement de les amender. Or l’accord conclu entre l’État et le conseil régional d’Île-de-France procède d’une philosophie comparable. Nous pouvons donc voter le texte qui nous est soumis sans renoncer pour autant à notre droit d’amendement qui demeure intact.

En outre, je souhaite vivement que ce vote conforme soit unanime. Si tel était le cas, il montrerait que le Grand Paris Express est vraiment adopté par tous, parce qu’il est ce grand projet fédérateur attendu par la France du XXIsiècle, grande action nationale au nombre de celles qui conditionnent notre avenir et celui de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Yanick Paternotte, premier orateur inscrit, pour le groupe UMP et une durée de dix minutes.

M. Yanick Paternotte. Madame la présidente, monsieur le ministre de la ville, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, comme il s’agit du Grand Paris « Express » et que tout a été dit, j’essaierai d’être bref, mais je n’en suis pas certain. (Sourires.) Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des projets des collectivités locales d’Île-de-France, qui a été adoptée le 30 mars dernier par le Sénat.

Permettez-moi tout d’abord de rappeler – la pédagogie étant l’art de la répétition – brièvement la genèse de ce texte certes technique, mais nécessaire.

Comme vous le savez, le schéma régional de la région Île-de-France, dit SDRIF, de 1994 est un document d’urbanisme spécifique à cette région qui a valeur de directive territoriale d’aménagement et de développement durable. Le SDRIF s’impose donc aux autres documents d’urbanisme comme les PLU ou les SCOT. Le SDRIF de 1994 a été mis en révision en 2005, ce qui a conduit à l’adoption d’un projet de nouveau SDRIF par le Conseil régional d’Île-de-France le 25 septembre 2008, soit un peu plus d’un an après l’annonce par le Président de la République du lancement du projet du Grand Paris et du concours d’architecture.

Mme Annick Lepetit. Il y a un petit problème de date !

M. Yanick Paternotte. Dès le mois de juillet 2007, le Premier ministre a notifié par courrier que le schéma directeur n’était plus adapté et devait être révisé. Au lendemain de la promulgation de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris – projet majeur pour l’Île-de-France et notre pays en termes de croissance et de taux d’activité et d’emploi, que nous avons, sous l’impulsion de notre rapporteur, soutenu et enrichi lors de son examen devant le Parlement –, le projet de SDRIF a été transmis au Conseil d’État, qui a rendu un avis négatif sur ce projet…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non ! Ce n’est pas possible de dire cela. Si ça commence ainsi..

M. Yanick Paternotte. Ne dites pas le contraire de la vérité !

Mme la présidente. Seul M. Paternotte a la parole.

M. Yanick Paternotte. Le Conseil d’État a rendu un avis négatif principalement en raison de l’incompatibilité entre ce projet de document et la loi sur le Grand Paris. Cet avis date du 27 octobre 2010.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’a pas donné un avis négatif sur le SDRIF.

M. Yanick Paternotte. Cette situation conduit à d’importants risques de contentieux engendrés par l’illégalité du SDRIF et par l’obligation qui serait faite aux communes et intercommunalités de rendre compatibles leurs documents d’urbanisme avec un document désormais illégal.

Dans l’attente de l’adoption d’un nouveau schéma directeur, c’est donc toujours le SDRIF de 1994 qui s’applique, ce qui n’est pas sans poser problème.

Dans ce contexte, le protocole d’accord sur le réseau de transports publics en Île-de-France intervenu entre l’État et la Région le 26 janvier dernier a prévu que la Région et l’État s’accordent pour la mise en œuvre d’une solution législative relative au SDRIF, destinée à débloquer ces projets. Mes chers collègues, après Christian Blanc et André Santini, que je salue, cette paix des braves a été négociée entre l’État et l’exécutif régional par notre Talleyrand des temps modernes : j’ai cité M. le ministre Leroy, qui nous a permis de sortir de cette impasse législative. (Sourires )

M. Jean-Pierre Brard. Vous vous rappelez ce que Napoléon disait de Talleyrand ! Ce n’est pas gentil pour M. le ministre.

M. Yanick Paternotte. C’est notamment l’objet de la proposition de loi approuvé par le Sénat.

Ce texte vise ainsi à permettre, de manière dérogatoire et pour une durée limitée, une application immédiate des dispositions du SDRIF de 2008 qui ne sont pas contraires à la loi sur le Grand Paris, afin de pouvoir réaliser les projets qui sont rendus impossibles avec le SDRIF de 1994, mais compatibles avec le SDRIF de 2008, dans l’attente de sa révision.

Autrement dit, la proposition de loi autorise les dérogations permettant aux élus locaux de modifier leurs documents d’urbanisme dès lors qu’ils respectent à la fois les prescriptions du projet de schéma directeur adopté par la région le 25 septembre 2008 et le cadre de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

Mes chers collègues, ce texte repose sur un équilibre entre une plus grande souplesse pour les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de leur projet et l’encadrement de cette procédure dérogatoire. Celle-ci est en effet limitée dans le temps avec un terme fixé au plus tard au 31 décembre 2013. Je considère, pour ma part, que ce délai est très exigeant, car il est difficile de procéder à des enquêtes publiques pendant une période électorale. Le conseil régional d’Île-de-France devra faire preuve de célérité pour tenir les délais. La procédure dérogatoire prévoit également une procédure adaptée assez rapide, comprenant un avis du président du conseil régional – qui dispose d’un mois pour statuer – sur le projet de modification du document d’urbanisme, et une décision du préfet de région, ce dernier disposant de deux mois. Autrement dit, une révision des documents d’urbanisme est possible en trois mois.

Par ailleurs, il est précisé que la révision ou la modification d’un document d’urbanisme par une collectivité ne pourra pas faire obstacle à la mise en œuvre des contrats de développement territorial. C’est un point important car ces contrats, éléments essentiels de la loi sur le Grand Paris, sont actuellement en cours de discussion, ce qui est problématique car le temps des élus ne coïncide pas forcément avec celui qui est fixé dans la loi.

De plus, la proposition de loi a pour objet de relancer la procédure de révision du SDRIF en indiquant que cette dernière devra concerner au moins la mise en œuvre du décret relatif au schéma d’ensemble du réseau de transports public du Grand Paris Express et celle des contrats de développement territorial.

Enfin, l’article 2 de ce texte prévoit de compléter les dispositions de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 afin de ne pas pénaliser les collectivités territoriales d’ores et déjà engagées dans la démarche de constitution d’une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine – ces AVAP qui ont remplacé les anciennes zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP.

Pour toutes ces raisons, messieurs les ministres, monsieur le président, monsieur le rapporteur, le groupe UMP se félicite de l’arrivée de ce texte et votera cette proposition de loi avec conviction, détermination, …

M. Jean-Pierre Brard. Enthousiasme !

M. Yanick Paternotte. …et un certain enthousiasme, en effet, afin de faciliter la mise en œuvre de projets importants pour le développement de l’Île-de-France et du pays tout entier. J’espère, cher collègue Brard, que vous aussi, vous ferez preuve du même enthousiasme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe SRC et pour cinq minutes.

Mme Annick Lepetit. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, consciente du caractère obsolète de son schéma directeur de 1994, la région Île-de-France entama en 2005, avec les huit conseils généraux, la révision de cette clé de voûte de l’aménagement du territoire francilien. Le 25 septembre 2008, conformément aux lois de décentralisation et après une large concertation, le conseil régional adopta son nouveau schéma directeur, soit un an avant la loi du Grand Paris, monsieur le ministre. J’en profite pour rétablir quelques dates, monsieur Paternotte. Le discours du Président de la République date du mois d’avril 2009, donc après le vote du conseil régional sur le schéma directeur d’aménagement de l’Île-de-France. À travers le travail de ses préfectures, l’État a constamment été associé au processus d’élaboration du SDRIF. Or c’est de l’État que viendra le blocage que nous devons dénouer aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle nous sommes ici, mesdames et messieurs, car une fois le nouveau SDRIF voté par une assemblée élue, et donc légitime, il fut transmis au Premier ministre afin que celui-ci le transmette à son tour au Conseil d’État. Or François Fillon décida de garder ce document sur son bureau.

Un secrétaire d’État à la région capitale, M. Christian Blanc, fut alors nommé, ce qui constituait à la fois une première et un signe fort de recentralisation ; et un projet de métro faisant le tour de Paris en reliant de futurs pôles de compétitivité fut lancé. Il ne s’agissait pas de télescopage, monsieur le rapporteur, mais bien de torpillage.

M. Yves Cochet. Exactement !

Mme Annick Lepetit. En 2009, lors du débat sur la loi relative au Grand Paris, nous n’avons cessé de demander au Gouvernement de débloquer cette situation. Je me souviens de nos débats ici même pendant lesquels, chers collègues de la majorité, nous vous avons mis en garde contre le nid à contentieux que vous étiez en train de créer et d’approuver. Mais les élections régionales toutes proches occupaient apparemment davantage les esprits que les risques juridiques pourtant bien réels.

Une fois le scrutin passé et Jean-Paul Huchon réinstallé pour six ans à la tête de la région capitale, le SDRIF fut transmis au Conseil d’État mais celui-ci refusa de le valider considérant qu’il n’était pas conforme à la loi relative au Grand Paris.

Cet imbroglio juridique, très bien décrit par le rapporteur, n’est donc que la conséquence des mauvaises décisions, elles-mêmes inspirées par de mauvaises raisons, qu’a prises le Gouvernement au cours des deux dernières années. Concrètement, ce sont des milliers d’emplois qui, du Val-Bréon au Plateau de Vert-le-Grand, en passant par l’aménagement de Roissy, ne peuvent être créés à cause d’un enchevêtrement de normes pourtant évitable.

Pour tous ces points de blocage, cette proposition de loi, rédigée par les sénateurs socialistes et votée à la quasi-unanimité au Sénat, apporte une solution. Il ne m’a pas échappé, monsieur le ministre, que le principe même de ce texte figurait dans le protocole d’accord signé entre l’État et la région le 26 janvier dernier.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est exact !

Mme Annick Lepetit. La rédaction qui nous est proposée permet une application anticipée du SDRIF de 2008, tout en tenant compte de l’avis du Conseil d’État. Désormais, les documents d’urbanisme locaux pourront déroger au SDRIF de 1994 à condition d’être compatibles avec le SDRIF de 2008 et de ne pas faire obstacle aux projets prévus par la loi relative au Grand Paris.

La sécurité juridique est également renforcée par la transmission de chaque projet au président de région, pour avis, et au préfet de région, pour décision. Cette double validation aura pour effet de limiter ensuite les possibilités de recours contre les documents d’urbanisme approuvés dans le cadre de ce dispositif.

Pour dépasser le caractère exceptionnel de cette loi, il est également prévu au III un retour rapide dans le droit commun. Le SDRIF sera en effet mis en révision à la date d’entrée en vigueur du décret approuvant le projet « Grand Paris Express ».

Je passerai rapidement sur l’article 2 qui a été introduit par amendement lors du débat au Sénat.

Mme la présidente. Merci de conclure, madame Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Il répare un oubli de la loi Grenelle II concernant les nouvelles aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine.

Nous avons entendu les difficultés que rencontrent les élus locaux, madame la présidente, et c’est dans un souci d’efficacité que nous n’avons pas déposé d’amendement. En conséquence, nous voterons pour cette proposition de loi afin qu’elle soit adoptée conforme par notre assemblée et permette de dépasser les blocages des dernières années.

M. Patrick Ollier, ministre. Très bien !

Mme Annick Lepetit. Cependant, nous restons vigilants car ce texte ne règle pas les problèmes soulevés par le Grand Paris et je suis sûre que nous nous retrouverons encore dans cet hémicycle pour en débattre à nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Cochet pour le groupe GDR, pour cinq minutes.

M. Yves Cochet. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme vient de le souligner Mme Lepetit, cet imbroglio est la conséquence directe d’une volonté politique délibérée de sabotage du SDRIF émanant du Président de la République : c’est lui qui, de manière très spectaculaire, après le vote du SDRIF par le conseil régional, fruit de quatre ans de concertation avec les communes, les départements, les préfets, a décidé de reprendre le pouvoir sur la région capitale, craignant que les choses ne lui échappent. Il a ainsi lancé un grand projet d’aménagement de la région allant jusqu’au Havre.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est bien le cas !

M. Yves Cochet. Mais ce projet pharaonique ne verra pas le jour, fort heureusement. Ni les moyens financiers ni les conditions politiques n’y seront propices : il y aura probablement une alternance politique et la situation financière et économique de notre pays ne permettra pas de dépenser l’argent public dans de telles proportions.

M. Jean-Pierre Brard. Cassandre !

M. Yves Cochet. Il suffit d’analyser l’actualité internationale. Je pourrais même parier qu’en 2012 une nouvelle récession, semblable à celle de 2008-2009, interviendra. Ce ne sera pas le moment d’investir des dizaines de milliards dans un projet qui ne se justifie pas.

M. Jean-Pierre Brard. Un vrai marxiste…

M. Yves Cochet. Je le répète, il s’est bien agi d’une opération de sabotage politique, motivée par la volonté du président Sarkozy de reprendre le pouvoir sur la région Île-de-France. Tout cela a été bien dit par Annick Lepetit.

Le projet de la sénatrice Nicole Bricq pourrait sembler une bonne initiative sur le papier : il fallait bien sauvegarder un cadre juridique pour permettre aux collectivités territoriales de poursuivre leurs projets, après le brouillage des cartes intervenu à la suite de l’initiative présidentielle et gouvernementale. Après tout, il contient de bonnes choses et on aurait pu se dire qu’il était important de débloquer la situation et de trouver un compromis juridique et même une « paix des braves », ai-je entendu.

Toutefois, ce texte renvoie à plusieurs problèmes très ennuyeux de notre point de vue.

En permettant aux collectivités locales de se conformer soit au SDRIF de 2008, soit à celui de 1994, pourtant contradictoires, il les laisse continuer à bétonner au détriment des espaces naturels et de la qualité de vie de nos concitoyens franciliens. Le passage en commission au Sénat a dénaturé le projet : cette coexistence entre deux SDRIF sera source de contentieux politiques. Le texte indique simplement que l’application du SDRIF de 2008 n’est pas forcément illégale, sous certaines conditions. Ainsi, la décision du préfet de région, éclairée par l’avis du président du conseil régional, aurait pour objet de limiter les possibilités de recours contre les documents d’urbanisme approuvés en application du dispositif dérogatoire.

Ensuite, alors que Mme Mireille Ferri, ancienne vice-présidente du conseil régional, avait mené un important travail en ce domaine, on peut déplorer une absence presque totale de la prise en compte de l’écologie au sens large, notamment de l’aspect biophysique des politiques d’aménagement du territoire en Île-de-France. Certains projets ont voulu faire de l’Île-de-France la plus grande région d’Europe, voire une région phare pour le monde, orientée vers la croissance et le bétonnage, selon une logique qu ne semble même pas appartenir au XXe siècle. D’autres projets, pour faire passer la pilule, ont ajouté « durable » à « développement », comme si cela pouvait tromper qui que ce soit.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est une caricature ! Il n’y a jamais eu autant d’évaluations environnementales en Île-de-France.

M. Yves Cochet. Vous-même, monsieur le ministre, avez eu recours à ce procédé.

À cela s’ajoutent des projets négatifs comme l’aménagement du triangle de Gonesse – que vous connaissez bien, monsieur Paternotte – par le groupe Auchan en vue d’implanter son projet Europa City, avec une fréquentation attendue de l’ordre de celle du Forum des Halles, sur 80 hectares de terres agricoles sacrifiées – j’ai d’ailleurs signifié une pétition contre ce projet. On peut également mentionner le plateau de Vert-le-Grand pour lequel le SDRIF propose une urbanisation préférentielle sur la totalité de l’espace agricole entre la base aérienne et l’axe routier de la Francilienne nord.

Ce débat aurait pu être l’occasion de nous interroger plus largement sur la politique d’aménagement durable, voire viable, de l’Île-de-France. Ce n’est pas le cas. Nous sommes opposés au Grand Paris, même rebaptisé Grand Paris Express. Nous voterons contre cette proposition de loi : il n’y aura pas unanimité à l’Assemblée, pas plus qu’il n’y en a eu au Sénat.

M. Maurice Leroy, ministre. Il n’y a eu aucun vote contre au Sénat, monsieur Cochet, pas même de la part des élus verts.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Brindeau, pour le groupe Nouveau Centre, pour dix minutes.

M. Pascal Brindeau. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, près d’une année après l’adoption de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, nous discutons d’une proposition de loi tendant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France et de l’État.

Après des mois de conflit entre l’État et la région, marqués notamment par le refus de transmettre au Conseil d’État le projet de schéma directeur de la région Île-de-France adopté en 2008, un accord a été conclu le 26 janvier dernier – accord qualifié à juste raison d’« historique » – avec la signature d’un protocole relatif aux transports publics en Île-de-France.

À ce titre, et j’associe à mon propos mon collègue André Santini qui veille du haut de son banc à ce que je vais dire…

M. François Pupponi. Il ne veille pas, il surveille ! (Sourires )

M. Pascal Brindeau. …je veux saluer à sa juste valeur le dialogue que vous avez engagé, monsieur le ministre, le volontarisme qui a fondé votre méthode, ainsi que l’esprit constructif du président de la région, Jean-Paul Huchon, qui a permis d’aboutir à cet accord. Le pragmatisme a prévalu et il est dommage que notre collègue Yves Cochet préfère se complaire dans le dogmatisme.

M. Jean-Pierre Brard. Oui, mais du dogmatisme « durable » !

M. Maurice Leroy, ministre. On en informera les maires verts d’Île-de-France, notamment à Montreuil.

M. Pascal Brindeau. Le présent texte s’inscrit dans le prolongement de ce protocole.

Il vise essentiellement à permettre une application anticipée des dispositions du SDRIF de 2008 qui ne sont pas contraires à la loi sur le Grand Paris, afin que puissent se réaliser des projets actuellement bloqués par le SDRIF de 1994.

Il prévoit aussi une procédure dérogatoire pour la révision du SDRIF : celle-ci sera ouverte par le décret relatif au tracé du réseau de transport public du Grand Paris et ne nécessitera pas la consultation des personnes publiques associées.

Une date butoir – la fin de l’année 2013 – a enfin été posée dans le texte afin d’inciter la région et l’État à conduire à son terme au plus vite le processus de révision du SDRIF.

Actuellement, nous sommes bel et bien face à une situation de blocage et d’insécurité juridique.

Pour mettre en œuvre le projet urbain hors norme qu’est le Grand Paris, il est absolument indispensable que les collectivités franciliennes puissent réaliser les aménagements nécessaires. Or le Conseil d’État, après de longs mois de retenue, a émis un avis négatif sur le projet de SDRIF adopté en 2008 par le conseil régional d’Île-de-France. Les collectivités franciliennes restent donc jusqu’à présent soumises au SDRIF de 1994.

Pourtant l’urbanisme, les priorités et les projets ont considérablement évolué depuis ce temps-là, notamment du fait de l’adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ou encore avec le Grenelle de l’environnement. Ces textes ont finalement rendu peu pertinent le SDRIF de 1994 au regard de l’ambition actuelle de l’État et de la région d’Île-de-France s’agissant du développement de la région capitale.

Citons deux exemples : le SDRIF de 1994 classe en espaces naturels des espaces ouverts à l’urbanisation dans le SDRIF de 2008, ce qui empêche les projets sur ces zones ; à l’inverse, il comporte des emprises foncières réservées pour des projets routiers aujourd’hui abandonnés.

En second lieu, cette proposition de loi permet d’apporter davantage de sécurité juridique aux élus mettant en œuvre des projets d’aménagement et a pour ambition de prévenir les contentieux.

Pour s’assurer de la compatibilité des projets des élus franciliens avec la mise en œuvre du Grand Paris, il était nécessaire de subordonner l’opposabilité des dispositions du projet de SDRIF de 2008 à la condition de leur compatibilité avec la loi relative au Grand Paris.

M. Maurice Leroy, ministre. Très juste !

M. Pascal Brindeau. Cette proposition de loi fait donc œuvre de pragmatisme.

La région capitale ne concerne pas les seuls Franciliens, mais bien tous les Français, et je suis particulièrement heureux de pouvoir m’exprimer sur ce texte bien que n’habitant pas en Île-de-France. Plus encore qu’une autre région, celle-ci a donc besoin d’une vision prospective de son développement ; ses axes de développement doivent être formalisés dans un document unique, partagé évidemment entre la région Île-de-France et les autres collectivités locales concernées, mais également entre la région Île-de-France et l’État.

À la suite du blocage du schéma directeur de la région Île-de-France depuis 2008, il était devenu urgent de dynamiser ce potentiel économique, dans l’espoir d’un effet d’entraînement bénéfique pour le reste du pays.

C’est pourquoi, vous le comprenez, le groupe Nouveau Centre apporte un soutien déterminé et enthousiaste au texte que nous examinons.

M. Maurice Leroy, ministre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Vandewalle.

M. Yves Vandewalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, s’il est un domaine où le rôle régulateur de l’État et des collectivités territoriales est essentiel, c’est bien celui de l’urbanisme et des grandes infrastructures, ne serait-ce qu’en raison de l’inertie qui leur est propre ; dans ces domaines, nous le savons, on compte en décennies. Nous en avons fait l’expérience avec Paul Delouvrier dans les années 1960, d’autres pays le font toujours avec brio : la planification n’a pas perdu son intérêt, comme j’ai pu par exemple le constater à Singapour.

M. Jean-Pierre Brard. Vivent les bolcheviques ! (Rires.)

M. Yves Vandewalle. Pas du tout : allez donc à Singapour, vous verrez que c’est très différent de la Russie.

Je ne reviendrai pas sur les péripéties juridiques qui nous conduisent à trancher un nœud gordien par la voie législative, mais j’observe qu’il n’était pas concevable de dessiner l’avenir de la région Île-de-France sans un accord entre l’État et le Conseil régional. L’alinéa 11 de l’article 1er le rappelle à juste titre. Si ce texte est très technique, sa portée est considérable.

Il était temps d’agir. Le schéma directeur de 1994 a fait l’objet de désaccords dès l’origine, il n’a jamais été vraiment appliqué et il est depuis longtemps obsolète. Les conséquences de cette situation devenaient insupportables, notamment pour les élus locaux qui ne pouvaient plus mener à bien la révision de leurs documents d’urbanisme, soit pour les adapter aux évolutions majeures intervenues depuis 1994 – je pense notamment aux lois Grenelle 1 et 2 –, soit pour lancer des opérations majeures. L’intitulé du projet de loi et le premier alinéa de l’article 1er sont à cet égard des plus explicites.

Cet accord va permettre d’approfondir et d’élargir les perspectives de cet outil de planification, dans le cadre d’une mise en révision prévue par l’alinéa 10, révision qui doit être achevée au plus tard à la fin de l’année 2013 en vertu de l’alinéa 2.

Ce schéma directeur doit être ambitieux, pour que la région puisse rivaliser avec les autres grandes métropoles mondiales et jouer un rôle moteur pour tout le pays. Il ne s’agit pas d’affaiblir la province, comme certains, qui ont une vision des choses malthusienne, le craignent : nous ne sommes plus à l’époque de Jean-François Gravier, et leurs peurs sont démenties par la démographie.

Je note aussi que la création du « Grand Paris Express » constitue une innovation majeure pour l’amélioration de la desserte du territoire et son dynamisme futur, bien au-delà de la nécessaire modernisation des réseaux existants dont les usagers pâtissent de la vétusté. Élu des Yvelines, j’ai défendu énergiquement le bouclage Orly-Saclay-Versailles-La Défense.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

M. Yves Vandewalle. Je suis aujourd’hui satisfait de l’accord qui a été trouvé pour desservir un territoire qui n’est aujourd’hui quasiment pas desservi par les transports en commun alors que des dizaines de milliers de salariés s’y rendent quotidiennement. À cet égard, je tiens à vous remercier personnellement, monsieur le ministre, pour votre implication et l’efficacité avec laquelle vous avez traité cette question délicate.

M. Maurice Leroy, ministre. Merci.

M. Jean-Pierre Brard. C’est de l’idolâtrie ! (Sourires.)

M. Yves Vandewalle. Pas du tout. C’est du réalisme.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est de l’amitié. (Sourires.)

M. Yves Vandewalle. Je souhaite enfin que la révision soit l’occasion de prendre encore mieux en considération les principes du Grenelle de l’environnement. Je pense notamment à la mixité fonctionnelle, afin de sortir d’une ségrégation spatiale issue des années 1950 qui repose trop largement sur l’automobile et multiplie les motifs de déplacement.

Vous l’avez compris, je soutiens et voterai ce projet de loi qui doit permettre de dessiner l’avenir de la région capitale, dans un contexte marqué d’un côté par les exigences d’un développement durable et de l’autre par celles d’une économie mondialisée.

J’espère que, dans l’intérêt général, l’esprit de dialogue qui a prévalu lors de l’élaboration de cette proposition de loi s’épanouira pendant la révision du schéma directeur. Monsieur le ministre, je suis sûr que votre savoir-faire y pourvoira. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je souhaite reprendre la réflexion ouverte au cours de la réunion de la commission du développement durable.

Il nous est proposé, par cette proposition de loi, de contourner la difficulté à laquelle nous nous trouvons confrontés à la suite de l’avis défavorable rendu le 27 octobre 2010, par l’assemblée générale du Conseil d’État sur le projet de décret d’approbation du SDRIF.

Nous connaissons tous le contexte politique dans lequel cette décision est intervenue.

Je voudrais pour ma part rappeler que le Conseil régional a engagé la mise en révision du SDRIF par délibération du 25 juin 2004. Il l’a approuvé le 25 septembre 2008. Entre ces deux dates se sont succédé une multitude d’actes administratifs : décret ouvrant la procédure, mandat du Gouvernement au préfet de région, avis multiples du conseil économique, social et environnemental de la région, enquêtes publiques, délibérations des conseils généraux, ainsi qu’un nombre impressionnant de rencontres, de forums, d’ateliers, d’expositions de toute nature.

La région Île-de-France a ainsi exercé pleinement et parfaitement ses compétences.

Avant 1995, c’est l’État qui, sous sa seule responsabilité – après avis du Conseil régional et des conseils généraux – élaborait le schéma directeur, comme celui en vigueur adopté le 26 avril 1994.

La loi du 4 février 1995 a confié à la région le soin d’élaborer le SDRIF « en association avec l’État », cette formulation étant également applicable pour la révision : belle loi, qui donnait à la région Île-de-France la responsabilité de conduire désormais cette démarche. Et, je tiens à le souligner, elle l’a bien assumée.

L’élaboration du SDRIF relève donc bien de la compétence de la région Île-de-France, même s’il faut un décret en Conseil d’État pour ouvrir mais aussi pour clore cette procédure. Certains ont d’ailleurs perçu comme une manière d’encadrement cette exigence de décrets, alors même que le SDRIF est d’abord un document d’urbanisme, comme cela a été souvent rappelé, et même jugé.

Avec la deuxième loi de décentralisation et l’ancrage constitutionnel de ce principe d’organisation institutionnelle et territoriale, on pouvait espérer une autre manière, pour l’État, de vivre ses relations avec la grande région capitale.

Or que s’est-il passé au cours de ces derniers mois ? La décision de l’assemblée délibérante adoptant le SDRIF a été, purement et simplement, mise de côté par le Gouvernement. La délibération du Conseil régional adoptant le projet de SDRIF, le 25 septembre 2008, a été transmise au préfet de région le 8 octobre. Il appartenait alors au Gouvernement de transmettre le projet de décret au Conseil d’État et de ne pas différer cette transmission.

On le sait, cette transmission n’est intervenue que le 14 juin 2010. À cette époque, monsieur Paternotte, ni la région ni l’État n’espéraient ni ne voulaient la décision du Conseil d’État. Nous étions tous d’accord pour que le SDRIF soit adopté.

M. Yanick Paternotte. Je n’ai pas dit autre chose.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le dis pour que cela soit écrit au Journal officiel : tout le monde voulait l’adoption du SDRIF.

Parce que le Conseil d’État a rappelé la prééminence de la loi et la nécessité que le SDRIF en tienne compte, parce que les acteurs se sont parlé et ont trouvé un terrain d’accord, on nous demande aujourd’hui, chers collègues, de réparer la casse. Et on compte sur notre volonté et nos convictions à servir le développement de notre territoire francilien pour le faire efficacement.

Je veux le souligner, le dispositif législatif qui nous est proposé consacre, à mes yeux, l’hypothèque qui grève l’exercice par la région Île-de-France de ses compétences et de ses prérogatives.

Comment ne pas parler d’hypothèque, lorsqu’une assemblée délibérante voit sa décision suspendue, donc remise en cause, lorsque les avis des Conseils généraux, lorsque les avis même de l’État dans les procédures d’élaboration – ceux du ministère de l’écologie le 6 juillet 2007, de l’État le 17 septembre 2007 – sont balayés ? Je ne parle même pas de tout ce travail de concertation mis au rebut !

Je sais bien la nécessité dans laquelle nous nous trouvons d’approuver ce texte pour que nos territoires puissent poursuivre et voir aboutir les projets engagés.

Je sais bien que le SDRIF de 1994, toujours applicable, est totalement obsolète, et que les risques de contentieux, de contestations seraient totalement incompatibles avec les objectifs de développement que nous nous sommes assignés pour notre région capitale et ses habitants.

Mais je souhaite très solennellement rappeler que la loi ne peut avoir pour vocation de priver la région capitale des avancées de la décentralisation, au risque d’entamer certains principes fondamentaux qui sont au cœur de notre vie institutionnelle et démocratique – comme l’autonomie des collectivités locales, ou le plein exercice de la faculté de délibération au sein de leurs assemblées pour les élus du suffrage universel !

La région Île-de-France, comme toutes les régions de France, doit exercer pleinement ses compétences. Région capitale, l’une des premières régions d’Europe, elle constitue par sa nature et sa réalité l’instrument incontestable du développement national : l’État doit donc y exercer une responsabilité particulière, mais rien ne lui donne pour autant la faculté de réduire, voire de nier, les capacités d’autonomie de l’Île-de-France.

Les habitants de notre région veulent une région de plein exercice et des élus dont les choix politiques, les décisions, soient respectés.

Monsieur le ministre, vous l’avez bien compris, le caractère exceptionnel de cette loi, la dérogation qu’elle consacre en quelque sorte, ne doit en aucune manière servir de précédent pour construire des stratégies dans lesquelles l’État régalien, dans le pire sens du terme, viendrait selon ses goûts et son bon vouloir annihiler ce qui constitue le progrès de la décentralisation, y compris en Île-de-France.

Je vous demande, monsieur le ministre, de répondre à cette inquiétude qui est, je vous l’assure, partagée bien au-delà des rangs qu’occupe mon groupe. Je vous demande d’engager solennellement le Gouvernement et de dissiper tout malentendu, au nom des élus, mais aussi des habitants, d’Île-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Madame la présidente, monsieur le ministre, le Grand Paris, tel qu’il a été imposé depuis ses origines, ne permet pas spontanément de faire émerger une conception de l’ensemble de la métropole qui inclurait l’ensemble des territoires dans une dynamique de développement solidaire.

Tant bien que mal, les élus locaux tentent de faire en sorte que les contrats de développement territorial dépassent les objectifs de pure attractivité économique ou touristique pour répondre aux enjeux que constituent la solidarité, le rééquilibrage, l’intérêt général. Forts de ces principes, nourris de réflexions issues des débats publics, les élus locaux ont réussi, dans certains territoires, à développer publiquement et collectivement des contrats qui pourraient se révéler très intéressants pour leurs territoires.

Ainsi, le contrat de développement territorial de l’agglomération de Plaine Commune, que nous construisons, entend reposer sur cinq axes : développement économique et urbain, mais aussi social, culturel et environnemental.

En partant du territoire, et donc des populations qui y vivent, y travaillent, y produisent – parfois de manière immatérielle, par la création – on tente de faire émerger ce qui est porteur dans tous les domaines. Cette construction dynamique pose les bases d’une réflexion dépassant le strict cadre économique imposé au départ par l’État ; ce cadre a certes un peu bougé mais, pour le moment, l’État ne s’engage que sur les transports, en particulier vis-à-vis des équipements liés au logement, à la culture et la création.

L’article 40 ne nous le permet pas, mais ce texte aurait pu nous donner l’occasion d’intégrer ces projets restés sur le bas-côté dans une logique de contrats de développement. Ainsi reconnus par l’État, les projets concernés entreraient dans une logique de développement à l’échelle métropolitaine. D’une certaine façon, cela permettrait de rééquilibrer les enjeux de développement et de créer leur propre centralité.

D’une certaine façon, nous reprendrions en compte la notion de concertation essentielle à ce type de projet en ré-interrogeant un projet francilien aux contours plus sociaux, plus solidaires et plus humains, un projet qui mettrait l’habitant au centre. Les nouveaux éléments relatifs au réseau de transport du Grand Paris ainsi que tous les événements qui ont pu marquer le paysage francilien depuis 2008 devraient conduire la région à ne pas se satisfaire d’une révision clandestine, rapide, avec cette date butoir de 2013.

Un certain nombre de questions à propos de l’engagement financier de l’État demeurent et vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous les poser. Doit-on attendre de l’État autre chose qu’un engagement sur les transports ? Sur l’accompagnement social, jusqu’où ira-t-on ? Y aura-t-il de vraies réparations en contrepartie des infrastructures lourdes qui ont mutilé certains territoires ? Quel sera l’engagement de l’État aux côtés des maires bâtisseurs ? Est-il encore question d’une taxe spéciale d’équipement, qui serait créée par une loi de finances rectificative ?

Enfin, je me ferai l’écho de Jean-Yves Le Bouillonnec : il est assez malheureux que vous en soyez encore à vous interroger sur les raisons du blocage du SDRIF.

M. Maurice Leroy, ministre. Je n’en suis pas là, pour ma part.

M. Patrick Braouezec. Pourtant, nous aurions pu sans problème éviter cette situation, si seulement votre gouvernement n’avait pas transmis ce texte au Conseil d’État.

Cette facilitation législative est une solution apparue tardivement, et finalement un semi-aveu d’échec de la part du Gouvernement.

Durant la préparation puis l'examen du texte sur le Grand Paris, nous sommes revenus à plusieurs reprises sur l'incongruité politique, urbaine, citoyenne et stratégique de rendre caduc un SDRIF qui, même s'il pouvait pécher sur certains aspects, avait néanmoins le mérite d'avoir fait l'objet d'une concertation publique et collective sur l'ensemble du territoire francilien, avec ses représentants élus, ses partenaires associatifs et ses habitants. Cela en faisait un document attendu de tous, élus et habitants, pour débloquer des projets de territoire mûrement réfléchis.

Nous entendons bien qu'une solution législative est nécessaire. Celle proposée par nos collègues semble répondre aux attentes les plus urgentes. Il s’agit donc d’un accord de principe afin que l'ensemble des travaux du SDRIF de 2008 priment sur ceux de 1994, largement dépassés. Il fallait trouver un dispositif législatif ; celui-ci, avec tous les défauts qu'il comporte, paraît approprié aux urgences du moment. Mais nous ne perdons tout de même pas de vue que la procédure proposée par ce texte est extrêmement lourde sans pour autant être limpide et publique. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Maurice Leroy, ministre. Très bien !

Mme. la présidente. La parole est à M. Richard Dell'Agnola, pour cinq minutes.

M. Richard Dell'Agnola. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui est important, même si la présente proposition de loi constitue un cadre provisoire qui permet d'attendre l'adoption d'un SDRIF nouveau. Cette discussion soulèvera, dans les semaines et les mois qui viennent, des problèmes de fond sur l'organisation de notre région capitale.

C'est une chance, au fond, que le Conseil d’État ait donné un avis défavorable au SDRIF du 25 septembre 2008.

M. Daniel Goldberg. Non !

M. Richard Dell'Agnola. La haute juridiction administrative a soulevé plusieurs motifs d'illégalité.

Le premier concerne l'évolution du cadre législatif intervenu depuis la fin de la procédure d'élaboration du SDRIF, ce schéma directeur n'étant pas en conformité avec la loi Grenelle 2 sur la procédure et avec les lois Grenelle 1 et Grand Paris sur le contenu.

Mais le Conseil d’État avait également soulevé d’autres motifs d'illégalité, certes pas aussi importants que le premier. Le deuxième est une absence d'intelligibilité de la règle de droit. Ce schéma directeur introduisait une confusion entre certaines dispositions ayant un caractère réglementaire et d'autres n'ayant pas d'effet de droit mais présentées comme si elles en avaient. Il s'agit du caractère faussement prescriptif de la liste des infrastructures de transport, ainsi que de la définition des critères d'urbanisation conditionnelle, enfin des effets des cartes de densification de l'Île-de-France. Ces éléments étaient présentés à tort de manière prescriptive.

Le troisième motif d’illégalité est tiré d'une incompétence ou d'une méconnaissance de la compétence d'autres documents de planification, notamment dans le domaine des transports.

On le voit, le Conseil d’État a soulevé des motifs lourds qui ne permettaient pas au Gouvernement de valider le SDRIF. Il fallait alors le réviser. C'est ce que traduit cette proposition de loi votée au Sénat et qui donne jusqu'au 31 décembre 2013 pour adopter un nouveau schéma directeur.

Dans l'intervalle, c'est le SDRIF de 1994 qui s'applique. Mais par dérogation, les maires peuvent adapter leur document d'urbanisme aux principales prescriptions du schéma directeur de 2008 et du Grand Paris.

C'est la grande différence : au lieu du terme « doivent » c'est celui de « peuvent » qui entraîne une dérogation qui est tolérée, sous réserve d'un certain nombre de validations des autorités de l’État et de la Région.

Et je ne sais même pas si les maires « peuvent » quand précisément le territoire en question est concerné par une prescription que le Conseil d’État conteste dans ses motifs. C'est le cas sur une zone agricole et horticole qui se trouve à la frontière du Val-de-Marne et de l'Essonne, autour des communes de Rungis, de Wissous et de Fresnes. Cela mérite d’ailleurs une consultation juridique pointue. Peut-on, par dérogation, s'appuyer sur une règle quand l'objet même qui la permet est contesté pour illégalité ?

Mais cette proposition de loi relance la réflexion et, bien sûr, ces dispositions changent tout.

Désormais, et pendant le temps qui court jusqu'au 31 décembre 2013, le travail de révision va commencer avec la consultation et l’avis obligatoire des départements et des chambres consulaires.

Le SDRIF de 2008 sera modifié, corrigé, amélioré. Il le sera dans tous ses aspects et pour les motifs d'illégalité soulevés par le conseil d’État dont j'ai cité la liste plus haut.

Il le sera donc notamment pour la présentation faussement prescriptive de la définition des critères d'urbanisation conditionnelle. Je le dis à Yves Cochet, la région a voté la possibilité de densification urbaine d’un territoire de 100 hectares. Les écolos ont même voté cette disposition. Et la personne dont il citait le nom tout à l’heure travaille aujourd’hui dans un syndicat qui permettra la densification urbaine d’un secteur jusqu’à présent agricole.

C'est bien cela qui préoccupe aujourd'hui un certain nombre d'habitants de communes encore préservées par les rares zones agricoles existantes à quelques kilomètres de Paris.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

M. Richard Dell'Agnola. Il y a là d'ailleurs une autre contradiction entre le SDRIF 2008 et la récente loi de modernisation de l'agriculture, qui vise à renforcer les protections des derniers espaces agricoles à proximité de Paris.

(M. Jean-Christophe Lagarde remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde,
vice-président

M. Richard Dell'Agnola. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que dans le cadre de cette révision il sera opportun de procéder à une analyse fine des territoires pour éviter ces incohérences et laisser des espaces de respiration qui ne sont pas contradictoires avec le Grand Paris.

Des projets ambitieux tournés vers l'environnement, la préservation du cadre de vie, le développement durable de l'économie agricole peuvent compléter dans sa richesse et sa diversité le plus grand marché de frais au monde, je veux parler du MIN de Rungis.

Mais bien sûr, ce travail est devant nous et je voterai cette proposition qui ouvre des perspectives de clarté dans le respect du droit, d'équilibre dans les grands aménagements et de prise en compte de l'environnement dans la vie quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maurice Leroy, ministre. Très bien !

M. le président. Je vous remercie d’avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe SRC.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le ministre, qu’est-ce que le Grand Paris, cet objet politique non identifié qui vogue d’hémicycle en hémicycle depuis les déclarations du Président de la République ? Je dois dire que nous n’avançons pas beaucoup, ni sur la dimension, c’est-à-dire sur le territoire sur lequel ce Grand Paris doit s’appliquer, si sur les compétences qu’exercerait cet OPNI, ni sur les questions démocratiques. Il aura fallu toute votre science, monsieur le ministre, vous qui êtes le Red Adair du Grand Paris, celui qui éteint incendie après incendie (Sourires), qui permet aux gens de discuter les uns avec les autres, ce qui n’était absolument pas le cas, je dois le dire, avant votre nomination, pour que nous avancions petit à petit et que nous défaisions les nœuds que d’autres avant vous avaient noué avec constance et une certaine efficacité.

En tant que législateurs, nous nous trouvons aujourd’hui face à un texte « visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France », pour reprendre le titre de la proposition de loi de notre excellente collègue sénatrice Nicole Bricq. Cela prouve bien le blocage politique et non juridique dans lequel nous nous trouvions : le SDRIF de 1994 refusé par tous, jamais appliqué et mis en révision en 2004, adopté dans sa première mouture en février 2007 puis définitivement en septembre 2008, l’ensemble du processus ayant été remis en cause par l’actuel Président de la République, alors qu’avant 2007 l’État était complètement associé à la procédure, notamment par l’intermédiaire du préfet de région de l’époque.

C’est une certaine forme de chantage qui a prévalu. « Nous proposerons l’adoption du SDRIF, sa transmission au Conseil d’État si vous acceptez de financer notre réseau de transport » : voilà le discours qui a été tenu pendant très longtemps par l’État. Le projet a donc été bloqué, non en raison de son contenu, mais parce que l’État avait décidé d’outrepasser ses prérogatives, comme l’a indiqué Jean-Yves Le Bouillonnec. Finalement, l’État s’est pris lui-même les pieds dans le tapis par cette délibération du Conseil d’État qui remettait à plat l’ensemble du processus et qui nous oblige, par une voie un peu biaisée, à voter cette proposition de loi.

Sans recommencer le débat sur l’utilité du Grand Paris, je poserai quelques questions simples qui ont déjà été abordées par Annick Lepetit et Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons bien compris que nous étions en régime transitoire. Mais en régime de croisière, qui décidera l’aménagement global de la région ? Le conseil régional d’Île-de-France, quelle que soit sa majorité ? La Société du Grand Paris, bras armé de l’État avec à sa tête André Santini ou quelqu’un de plus malveillant qui pourrait lui succéder ?

M. Yanick Paternotte. Les élus locaux !

M. Daniel Goldberg. Quelle est la vision pour la métropole francilienne ? Où va-t-on en discuter ? Est-ce que les contrats de développement territoriaux, qui sont des visions parcellaires juxtaposées, pourront donner une vision globale de la région ? Quelle est la logique poursuivie par l’État ? Est-ce que ce sont les conseillers généraux, les conseillers régionaux, peut-être les conseillers territoriaux si votre réforme n’est pas abrogée d’ici là, les maires, les présidents d’intercommunalité qui porteront une vision régionale ou est-ce l’État qui gardera une certaine forme de toute puissance ?

Pour faciliter la mise en place de projets locaux en Île-de-France, la question qui se pose est celle de l’engagement à long terme de l’État sur un certain nombre d’objectifs précis. Je me souviens qu’ici même, à une heure avancée de la nuit, Étienne Pinte avait annoncé qu’il s’abstiendrait parce que la question des 400 000 familles en attente d’un logement social en Île-de-France n’était pas abordée dans le texte sur le Grand Paris.

Telles sont les questions qui restent posées aujourd’hui sur cette petite proposition de loi toutefois nécessaire pour faire avancer les projets bloqués en Île-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur le président, tout d’abord je tiens à remercier le président de la commission et le rapporteur, ainsi que l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés.

Monsieur Le Bouillonnec, je veux vous le dire clairement : la présente proposition de loi rend justement la main aux maires. En vous écoutant, j’ai trouvé que vous étiez finalement favorable à la position du Gouvernement sur ce texte. Un long débat a eu lieu au Sénat sur les mots « peuvent » et « doivent » et il aura fallu tout le talent du rapporteur Dominique Braye, conjugué à celui de Mme Bricq, pour parvenir à une rédaction consensuelle. J’ai parfaitement bien entendu tout ce que vous avez dit à cette tribune et j’y souscris personnellement.

Le nouveau texte permet de rendre la main aux maires car ils sont compétents en matière d’urbanisme. Ils peuvent donc choisir de s’en tenir au SDRIF de 1994 ou, au contraire, de passer aux dispositions prévues dans celui de 2008 dès lors qu’elles sont conformes à la loi du 3 juin 2010, comme l’ont rappelé M. Dell’Agnola et le rapporteur.

J’en viens à un autre point sur lequel s’est exprimé également M. Braouezec. Je l’ai dit au Sénat, en réponse à une question de Mme Voynet, le présent texte prévoit de reprendre tout le travail réalisé par les collectivités locales et toute la concertation qui a eu lieu pour l’élaboration du SDRIF de 2008. Ce travail de concertation n’est pas du tout jeté aux orties mais sera au contraire repris et valorisé dans le cadre de l’élaboration du nouveau SDRIF qui devra être terminé avant le 31 décembre 2013, date butoir qui figure dans le texte – je l’affirme de façon solennelle devant la représentation nationale.

Enfin, M. Braouezec est intervenu sur une question qui n’est pas directement liée à la proposition de loi.

M. Patrick Braouezec. Je profite de toutes les occasions !

M. Maurice Leroy, ministre. Vous avez raison et je vous comprends tellement !

Vous avez parfaitement saisi que le contrat de développement territorial est un outil partenarial innovant au service des collectivités et destiné à promouvoir une vision partagée entre l’État et les communes, voire les agglomérations – nous l’avons déjà évoqué ensemble dans d’autres enceintes, notamment devant le bureau de Paris Métropole. Ce contrat permet un investissement public et privé massif qui ne concerne pas seulement les infrastructures de transport. Nous allons mobiliser tous les outils de l’État au service de ce projet et il sera aussi possible, bien sûr, de mettre à disposition le foncier public.

Nous travaillons, mon collègue Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement, et moi-même, sur d’autres dispositifs afin que, dans le cadre du contrat de développement territorial, l’on puisse créer les 70 000 logements prévus par le Grand Paris. Votre collègue Le Bouillonnec a lui-même participé, avec André Santini et Annick Lepetit, aux groupes de travail thématiques sur le logement que j’ai organisés.

Nous disposons par conséquent de tous les instruments pour avancer et faire en sorte que le Grand Paris ne se réduise pas à la question des transports, fût-elle vitale. Le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, a ainsi lancé, aujourd’hui, le Grand Paris de la culture.

M. Jean-Pierre Brard. Ça promet, c’est inquiétant !

M. Maurice Leroy, ministre. Le Grand Paris avance ! Nous inviterons Jean-Pierre Brard dans la future Villa Médicis de la cité « Utrillo » à Clichy-Montfermeil et il pourra constater que le Grand Paris de la culture est en marche et que, pour le citer, il ne s’arrêtera pas.

M. Yanick Paternotte. Avec M. Brard, ce sera le Grand Paris de l’inculture !

Discussion des articles

M. le président. J’appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, premier orateur inscrit sur l’article 1er.

M. Jean-Pierre Brard. Je partage ce qui vient d’être dit : nous ne pouvions en rester au SDRIF de 1994 qui bloque les projets.

M. Paternotte vous a comparé, monsieur le ministre, à Talleyrand, ce qui était tout juste aimable dans la mesure où l’on sait ce qu’un grand personnage en a dit.

M. Yanick Paternotte. Ah, M. Brard a tout de même le sens du compromis !

M. Jean-Pierre Brard. Je vois plus d’avenir à Maurice Leroy qu’il n’en reste à Talleyrand. Après tout, il y a des postes à prendre et, grâce à son sens du consensus, il pourrait demain prétendre au secrétariat général de l’ONU. Je suis du reste sûr que cela ne lui déplairait pas. (Sourires)

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, avoir répondu à Mme la sénatrice-maire de Montreuil et je ne doute pas de la pertinence de vos réponses. (Sourires.) Reste qu’en l’état actuel des projets, il sera aussi difficile d’aller de l’ouest à l’est de Montreuil que d’aller de Dole au Kamchatka. (Sourires.) Il faut donc trouver des solutions.

Or les projets gouvernementaux sont comme de grandes rocades qui permettront d’irriguer la région ‘Île-de-France , oubliant des villes de la proche banlieue est de Paris comme Drancy, monsieur le président…

M. Maurice Leroy, ministre. Pas du tout, Drancy figure dans le projet !

M. Jean-Pierre Brard. Je reste néanmoins persuadé que le député-maire de Drancy ne se contentera pas de figurer et qu’il préfère être un pivot…

M. Maurice Leroy, ministre. Il le sera !

M. Jean-Pierre Brard. …plutôt qu’un figurant.

M. le président. Monsieur Brard, même si vous en êtes sans doute un fidèle porte-parole, le député-maire de Drancy étant provisoirement incapable de répondre, je vous prie de continuer. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Alors je continue : Noisy-le-Sec, Romainville, Rosny… autant de territoires dont le potentiel mérite d’être valorisé par le biais de nouvelles infrastructures. Il nous faut un maillage complet. Or, si j’ai bien compris, et je souhaite que vous nous apportiez des précisions, monsieur le ministre, les projets gouvernementaux sont comme des colonnes vertébrales, certes un peu tordues puisqu’elles ont la forme de rocades.

Vous admettez néanmoins fort bien la nécessité de radiales permettant des interconnexions valorisant les territoires, leur donnant du sang neuf. Est actuellement préconisé le prolongement des lignes du tramway nos 1 et 3, des lignes de métro nos 1, 9 et 11 – encore que pour la ligne n° 9, la région n’a pas encore trouvé le calendrier adéquat. Les élus de l’est parisien se sont réunis à maintes reprises au cours des dernières semaines : plusieurs rencontres ont été organisées avec André Santini, avec Jacques Martin, président de Paris Métropole et maire de Nogent, avec le maire de Champigny, avec M. Placé, dynamique vice-président de la région chargé des transports et qui a des idées sur ces questions. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à encourager, même si ce n’est pas de la compétence directe du Gouvernement, les démarches des élus qui connaissent leur territoire à force de l’avoir si longtemps labouré et qui n’ont pas besoin de tunneliers pour en savoir les profondeurs ? (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Je reviens sur le prolongement des lignes nos 3, 9 et 11 du métro visant à irriguer le territoire jusqu’au Val-de-Fontenay qui est déjà un pôle très puissant et qu’on peut valoriser davantage. L’avenir du T1, quant à lui, semble incertain mais je suis persuadé qu’avec vos amis locaux, je pense au maire de Noisy-le-Sec, il est possible de trouver des compromis qui respectent la volonté des élus qui défendent des projets de développement participant de la dynamique de l’ensemble.

Je vous prie de bien vouloir m’excuser de vous avoir interpellé longuement, monsieur le ministre, mais je suis sûr qu’en écoutant votre réponse je reconnaîtrai en vous l’homme d’avenir plutôt que Talleyrand.

M. le président. Monsieur Brard, vous avez largement dépassé votre temps de parole…

M. Jean-Pierre Brard. Mais c’était intéressant !

M. le président. …mais il se trouve que j’ai reçu un appel de la mairie de Drancy, et qu’a posteriori vous vous en êtes bien fait le porte-parole, ce qui justifie ce temps supplémentaire…

La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Je comprends bien le sens de l’intervention de Jean-Pierre Brard et nous avons travaillé sur les sujets qu’il a abordés. Mais je ne veux pas me montrer désagréable vis-à-vis de M. Le Bouillonnec et je ne peux pas m’engager sur des actions qui ne relèvent pas de mes compétences ni de celles du Gouvernement – vous l’avez relevé vous-même. Le tracé évoqué est du ressort du syndicat des transports d’Île-de-France dont je ne suis pas l’administrateur, même si je me réjouis que des rapprochements se soient réalisés, et que nous travaillions dans une meilleure harmonie.

Je m’engage à soutenir tout projet de bon sens qui permette à ces radiales de rejoindre la rocade et la traversent même jusqu’à Drancy. Je reste donc personnellement très favorable aux propositions allant dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous devons bien appréhender les enjeux de ce texte et lever toute ambiguïté. Si j’ai tâché de démontrer la nécessité de protéger l’acteur territorial en matière d’urbanisme, j’ai également évoqué les compétences de la région et la nécessité de respecter les lois de décentralisation quand il s’agissait de la région Île-de-France .

Un problème de fond risque de perdurer : le rapport entre l’État et la région Île-de-France . Nous ne devons pas occulter cette réalité, faute de quoi, les instruments juridiques que nous sommes en train de mettre en place se révélant si incertains, nous risquons la catastrophe.

Je rappellerai que l’État a participé à l’élaboration du SDRIF, qu’il s’agisse du préfet de région, des enquêtes publiques, des avis... L’État n’était pas hostile au SDRIF même si chacun avait son approche, du reste pertinente. L’avis « défavorable » de septembre 2007 a été donné au moment où le Président de la République a lancé l’atelier international du Grand Paris et des projets architecturaux et urbains. On voit donc bien que la contestation du contenu du SDRIF correspond au moment où l’État entendait revenir dans le débat. Nous avons été nombreux à nous réjouir de ce retour de l’État puisque nous le trouvions trop distant. Cependant, il a imposé son pouvoir régalien sans apporter ce que les élus attendaient, à savoir le tiroir-caisse.

Après le vote du texte sur le Grand Paris, en juin 2010, l’accord entre l’État et la région prévoyait la transmission du décret d’approbation pour le SDRIF, après quoi la région devait engager la révision. Que s’est-il passé ensuite ? Le Conseil d’État a rendu l’un de ces grands arrêts marquant l’irritation de nos grands magistrats, arrêt aux considérants en effet très fermes. Selon le Conseil, les stratégies prévues par les lois successives sont incompatibles avec le SDRIF – à l’exception toutefois des lois Grenelle 1 et 2 ; et je rappelle que l’article L. 141-1, dont il est question dans le présent texte, a été modifié en juillet 2010, après la saisine du Conseil d’État mais avant sa décision.

Je me permets de rappeler à nos collègues de la majorité que l’État n’était pas défavorable in fine et que sa logique consistait à quereller la stratégie de la région parce qu’il voulait faire valoir la sienne.

M. le président. Il est temps de conclure, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je termine, monsieur le président, mais je souhaite apporter un certain nombre de précisions, car nous ne disposons pas d’un grand espace de discussion sur ce texte, que nous avons convenu de ne pas amender

Le Conseil d’État a recommandé à l’État de ne pas publier le décret en question. Il a en effet considéré qu’il existait deux risques, le premier étant relatif à la possibilité de contentieux juridiques. Je me permets de dire que ce risque est né de la loi, intervenue avant,…

M. Yanick Paternotte et M. Richard Dell’Agnola. Pas seulement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …et non l’inverse. C’est pourquoi, comme l’a rappelé Annick Lepetit, nous vous avions demandé, au moment du débat sur le grand Paris, que le Conseil d’État soit consulté.

Le second point qu’a souligné le Conseil d’État, c’est que la procédure engageait la révision du SDRIF et que l’État devait faire attention en lançant celle-ci dans ces conditions.

Il y a eu des confrontations sur les stratégies et, au moment où l’État et la région ont voulu aboutir à un accord, ils ont été bloqués par les instruments juridiques qu’a rappelés le Conseil d’État. La révision initiée par le conseil régional ne doit donc pas se faire n’importe comment. S’il s’agit d’ajouter un dispositif controversé entre l’État et la région, avec les collectivités territoriales qui comptent les points, nous ne sommes pas prêts de voir aboutir le SDRIF !

M. le président. Merci, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’insiste sur cet impératif, monsieur le ministre : il faut continuer de travailler en respectant les compétences de chacun.

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, je crois que M. le ministre a compris votre intervention.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je termine d’un mot, monsieur le président.

Les élus ne nient pas la nécessité de l’intervention de l’État mais ils entendent que l’État reconnaisse aussi leurs compétences.

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

7

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Deuxième lecture de la proposition de loi sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)