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Troisième séance du jeudi 22 novembre 2012

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Égalité d’accès aux soins
sur l’ensemble du territoire

Suite de la discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Vigier visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire (nos 284, 401).

Cet après-midi, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Merci, madame la présidente.

Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. Vous avez dit vous-même que nous partageons le même constat. Les interventions de tous les parlementaires sont d’ailleurs allées dans le même sens.

Vous avez dit que le diagnostic est sans appel, qu’il faut une réponse forte et une mobilisation générale. Vous avez également indiqué que vous mènerez des consultations à partir de décembre, qui devraient se terminer avant la fin du mois de janvier ou le mois de février.

Je suis surpris de ne pas vous avoir entendu parler ne serait-ce qu’une seule fois de l’une de mes propositions. Votre rejet est complet ; vous n’essayez même pas d’en discuter : je ne comprends pas pourquoi.

Concernant le numerus clausus, je rappelle à mes collègues que, dans les années 1980, le ministère de la santé soutenait que la meilleure régulation médicale possible consistait à le diminuer. On en mesure aujourd’hui les conséquences ! Certains intervenants ont également dit tout à l’heure que ce numerus clausus a sensiblement augmenté ces dernières années. J’ai souligné, dans mon intervention, qu’il faut au minimum dix ans pour former un médecin. Madame la ministre, ce numerus clausus va-t-il évoluer ?

Vous savez très bien que l’internat régional présentait l’avantage d’adapter la répartition des internes aux besoins des régions, du moment où toutes les unités de formation et de recherche, les UFR, apportaient une réponse de façon homogène sur l’ensemble du territoire. J’ai mentionné tout à l’heure la possibilité donnée aux candidats à l’internat de passer une nouvelle fois cet examen. C’était possible dans certaines régions, et impossible dans d’autres. Ce numerus clausus est une réponse assez simple pour s’adapter aux besoins des régions. Je ne comprends pas que vous n’ayez pas même prononcé le mot « numerus clausus ».

J’aborde à présent le sujet du cumul emploi-retraite. C’est un peu la même chose. Notre collègue Véronique Besse est l’auteure de l’amendement introduisant cet aspect dans la proposition de loi. Je trouve que cela va dans le bon sens. J’ai rappelé la disponibilité de certains médecins à la retraite souhaitant, d’une certaine manière, continuer à exercer leur art.

Vous avez été très engagée sur la réforme des retraites, demandant que l’on puisse partir plus tôt. Partir plus tôt à la retraite, ce n’est pas forcément cesser toute activité ! Fermer la porte à cette possibilité n’est pas une bonne chose. Une fois de plus, on se prive des possibilités offertes par certains praticiens qui ont envie de poursuivre encore un peu leur activité. Dans les transmissions d’entreprise, on demande souvent que l’on puisse transmettre le savoir. Eh bien, de la même manière, des généralistes à la retraite auraient pu travailler deux jours par semaine dans une équipe médicale et aider les jeunes, les remplacer. Ils aspirent aussi – c’est important et cela n’a pas assez été dit tout à l’heure – à une vie différente de celle qu’ont menée un certain nombre de médecins actuellement en exercice.

Je propose une formation de deux fois six mois dans un centre hospitalier ou une maison médicale, avec un maître de stage. Je me permets à ce propos de rappeler un élément que je n’ai pas eu le temps de dire tout à l’heure, mais qui a été mentionné par les intervenants au cours de la discussion générale : sur le terrain, on s’aperçoit combien il est difficile d’être maître de stage ! Il faut vraiment en vouloir, pour être maître de stage référent.

Je vais reprendre brièvement les interventions de mes collègues. Je pense qu’il y a là, vraiment, des possibilités gâchées. Quoi qu’il en soit, quel est l’effet de ces douze mois ? C’est une sédentarisation. En fait, on propose à un garçon ou une fille, après six années d’études de médecine, d’aller passer six mois dans une zone « sous-médicalisée ». Quel mot diabolique : « sous-médicalisée » !

Mais quelle réalité ce terme recouvre-t-il ? Il y a des zones sous-médicalisées pratiquement partout : en région Centre sauf à Tours, en Auvergne sauf à Clermont-Ferrand. À trois kilomètres de Clermont-Ferrand, à Romagnat, à Aubière, à Chamalières ou ailleurs, on est en sous-densification ! Dans le Limousin, en dehors de Limoges, c’est terminé ! En Picardie, à quelques kilomètres d’Amiens, c’est terminé !

Rappelez-vous, madame la ministre : que faisaient les étudiants en médecine pendant ces douze mois, il y a encore quelques années ? Oui ou non, les obligeait-on à passer un externat dans un petit centre hospitalier ? La ville de Châteaudun compte douze médecins, qui sont tous passés par l’externat. Cela a permis de les fidéliser à un territoire. Ils ont connu ce territoire grâce à leur externat et se sont dit qu’ils allaient y passer leur vie. Leur externat leur a permis d’effectuer des remplacements, après quoi ils se sont installés dans cette région. C’est pour cela que l’internat régional est un système avantageux.

Je propose trois choix pour l’internat régional. Quelqu’un disait tout à l’heure que ma proposition allait limiter les choix. Mais pas du tout ! Avec l’internat régional, on peut justement choisir de passer le concours dans les régions que l’on affectionne plus que les autres ! Cette proposition de loi permet ce choix.

Vous nous dites donc à la fois que vous allez lancer une mobilisation générale, et que vous verrez ce qu’il est possible de faire au cours des consultations. Je sais bien que depuis quelques mois, sur beaucoup de sujets, on attend pour voir. On verra d’ailleurs ce qui va se passer sur le dossier du pacte de compétitivité. C’est extraordinaire : maintenant il faut attendre. On a attendu le rapport Gallois, on a attendu qu’il soit publié, et on attend encore que la TVA, qui était sortie par la fenêtre, revienne par la porte. Elle a simplement changé de nom. C’est à présent une restructuration de la TVA.

Madame la ministre, je vous dis avec un peu d’émotion et d’engagement que je ne veux pas que l’on attende sur ce sujet. Vous le savez, vous avez suffisamment de relais et de connaissances dans les territoires pour cela : mes propos ne sont pas excessifs ! Ils reflètent un mal-être considérable tant chez les professionnels de santé que dans la population.

Vous avez dit que mes propositions n’ont pas de sens parce qu’elles s’appliqueront en 2020. Ce n’est pas vrai. Seule l’obligation d’installation de trois ans des nouveaux médecins dans un secteur sous-médicalisé s’appliquera à partir de 2020. Cela ne dénature pas la proposition de loi. Il est trop facile d’écarter mes propositions du revers de la main et de dire « circulez, y’a rien à voir » ! Cela n’est pas vrai, et je ne vous laisserai pas dire ça.

Je m’arrêterai quelques instants sur la question de cette fameuse liberté d’installation. Mes chers collègues, allons-nous, oui ou non, baisser les masques sur cette question ? Madame la ministre, un biologiste peut-il s’installer là où il veut ? Peut-il travailler dans deux laboratoires différents, portant chacun une plaque à son nom ? Je pose la question. Et pourtant c’est une profession libérale ! Peut-il avoir trois laboratoires ? Certainement pas ! Alors qu’un radiologue, lui, peut exercer à plusieurs endroits : vous ne pouvez pas me dire le contraire. Un pharmacien installé à un endroit X ne peut pas s’installer à un endroit Y.

C’est pour cela que, lorsqu’on parle de liberté d’installation, cela me fait doucement rigoler ! Il est d’ailleurs grave de dire que ce texte porte atteinte à la liberté d’installation : il ne s’agit pas du tout de cela. Ou alors, madame la ministre, libéralisez tout ! Donnez à toutes les professions médicales la possibilité de s’installer là où elles veulent, en exerçant sur plusieurs sites ! Les contraintes qui pèsent sur les professions libérales, dans le domaine de la santé, sont fortes. Vous ne pouvez pas contester mes exemples : ils sont vrais !

De la même manière, les biologistes ont accepté de se soumettre à une accréditation. C’est une sacrée contrainte ! Nul ne dira le contraire.

Lorsqu’on m’oppose le principe de liberté d’installation, j’ai l’impression d’avoir attaqué un dogme ! Mais un polytechnicien, après qu’il a réussi le concours d’entrée et qu’il est sorti de l’école polytechnique, combien d’années doit-il travailler pour l’État ? Pendant combien d’années un infirmier formé au Centre hospitalier universitaire d’Orléans a-t-il un contrat avec l’État ? Un huissier de justice, un commissaire-priseur, un notaire s’installent-ils là où ils veulent ? On me dira qu’ils ont acheté une charge. Mais un médecin généraliste pouvait revendre son cabinet. Connaissez-vous beaucoup de généralistes qui vendent leur clientèle à l’heure actuelle, alors qu’ils l’ont achetée quelques années plus tôt, qu’ils l’ont remboursée, qu’ils se sont équipés ? Connaissez-vous beaucoup de dentistes qui revendent leur cabinet dentaire à l’heure actuelle ? Peut-être à Neuilly-sur-Seine, peut-être dans le centre-ville de Tours, peut-être dans des stations balnéaires, mais ailleurs, non !

La sacro-sainte liberté d’installation ne signifie donc pas grand-chose. J’ai combattu une proposition de Mme Bachelot selon laquelle un médecin partant en vacances devait le signaler à l’Agence régionale de santé. Et on nous parle de liberté ! Un pharmacien ne s’installe pas là où il veut, et doit en plus faire des gardes. Et on parle de liberté !

Je ne veux pas que l’on dise de moi que je pourfends la liberté d’installation. Les médecins généralistes n’ont-ils pas également l’obligation d’assurer la continuité des soins, c’est-à-dire de travailler certains week-ends et d’assurer des gardes ? La possibilité d’y déroger a été supprimée. Quand, dans mon département, les pharmaciens ont refusé le tour de garde, le préfet les a convoqués avec leurs syndicats, et les gardes ont été mises en place.

Tels sont les enseignements de la réalité. Vous me pardonnerez de dire ces choses avec, peut-être, un peu de véhémence. Je veux bien accorder à tous la liberté d’installation, mais alors, dès demain, laissez-moi m’installer dans dix laboratoires ! Laissez les autres praticiens de santé, qui ne bénéficient pas de la liberté d’installation, s’installer partout ! Cette liberté n’est donc pas mise à mal.

Je voudrais bien vous croire, madame la ministre. Je ne vous en veux pas : cela ne fait que quelques mois que vous êtes chargée d’une responsabilité très forte.

M. Michel Issindou. Faites-lui confiance, monsieur Vigier !

M. Philippe Vigier. Cela a été dit tout à l’heure : la fracture médicale va de pair avec la fracture numérique. On s’inquiète beaucoup de l’attractivité de nos territoires : un territoire est-il attractif quand il n’a plus de médecins ? Quand il n’a pas la fibre optique ? C’est la même sanction : on en parlera tout à l’heure. Qui paiera le coût d’installation de la fibre optique ? Les conseils généraux, comme vous le savez, commencent déjà à financer la fibre optique, alors que dans certains endroits, comme à Tours, il n’est pas utile de le faire sur fonds publics, puisque les opérateurs privés s’en chargeraient eux-mêmes.

M. Michel Issindou. Vous avez supprimé suffisamment de services publics !

M. Philippe Vigier. On verra bien si vous remettrez en place les services publics que nous avons supprimés ! J’attends la réouverture des tribunaux. J’ai vu que Tulle bénéficiera peut-être d’un régime d’exception. Mais qu’en sera-t-il partout ailleurs ?

Je suis tout à fait à l’aise pour aborder ces sujets : dans ma circonscription ont été fermés un service de chirurgie, un tribunal d’instance et un tribunal de prud’hommes. Réouvrez-les donc !

Je souhaite, madame la ministre, que les mesures incitatives fonctionnent. Mais je n’en suis pas convaincu.

Je ne vous ai pas non plus entendu parler de revalorisations d’honoraires. Parlons des internes : je les connais un peu, vous les voyez beaucoup. S’ils sont dans la rue, ce n’est pas uniquement parce qu’on leur demande de participer à la chaîne de santé. Ce sont les forçats de la médecine ! Combien gagnent-ils par mois, pour combien d’heures de travail ? Ils assurent des gardes jusqu’au petit matin, et retournent travailler le lendemain. Oui ou non, leur niveau de rémunération est-il adapté à des professionnels ayant huit, neuf ou dix ans d’études ? Osons dire les choses ! Quand je parle de revalorisation des honoraires, c’est parce qu’il faut rendre ce travail plus attractif. J’ai entendu dire, tout à l’heure, qu’il faut uniquement recourir aux incitations fiscales : veut-on encore créer des niches fiscales et sociales ? Chacun sait quelle est la situation de la France à cet égard.

Je remercie Mme la présidente de la commission des affaires sociales pour ses messages d’encouragement. Cela l’honore, alors qu’elle est très engagée au sein de la majorité. Sa très bonne connaissance lui a permis de comprendre que mon diagnostic, s’il n’est pas complaisant, est juste.

Je souhaite que l’on sorte des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons. Cela a été dit par plusieurs orateurs que je remercie de leurs interventions. Il appartient à la représentation nationale et à l’État de réguler ce secteur, si son fonctionnement n’est pas satisfaisant. Sinon, à quoi servons-nous ?

On parle de droit républicain. Le droit au logement est un droit républicain essentiel. Roger-Gérard Schwartzenberg parlait tout à l’heure du droit constitutionnel d’accès aux soins. N’est-ce pas un facteur d’égalité des chances, comme le droit à l’enseignement ?

Je vous le dis avec passion : j’ai peur, madame la ministre, que le drame que nous vivons ne s’aggrave dans les prochains mois. Je ne vous en veux pas, d’ailleurs.

M. Michel Issindou. Ah ! C’est bien !

M. Philippe Vigier. Tout à l’heure, j’ai cité certaines de vos prises de position, ainsi que du Président de la République. Elles sont hésitantes : un pas en avant, deux pas en arrière ! Tantôt vous menacer de recourir à la coercition, tantôt vous assurez que vous ne ferez pas.

Certains collègues se sont opposés de manière constructive à cette proposition. Un de nos collègues a expliqué, tout à l’heure, qu’il faudra probablement revenir sur cette question un jour ou l’autre.

Je crois que l’on peut dépasser les clivages partisans sur certains sujets ; vous l’avez dit tout à l’heure, madame la ministre. Le modèle médical français est observé à l’étranger. Il est en train de se déliter, pour des raisons que les pouvoirs publics n’ont pas su anticiper. Ce n’est pas de votre faute, madame la ministre, mais celle de certains de vos successeurs.

M. Michel Issindou. Celle de votre majorité !

M. Philippe Vigier. Tous les bords politiques sont responsables ! Je vous en supplie, ne m’opposez pas les mêmes arguments partisans ! C’est en 2000 qu’on a commencé à modifier l’internat national classant. On dit que l’internat que je propose va changer la vie des gens. Oui, en effet : cela leur donnera un emploi et les obligera à s’installer dans une région, mais à la fin de leur internat, ils pourront partir où ils veulent ! Travailler dans une zone sous-médicalisée pendant trois ans, cela n’est tout de même pas un drame absolu. Cela ne leur coûtera rien du tout, parce que les cabinets médicaux sont prêts. Ils arriveront simplement avec leur attaché-case et leur stéthoscope. Je peux, dans ma propre circonscription, accueillir dix médecins dès demain matin, sans leur demander un euro ! Ils auront ainsi une clientèle formidable, parce que, comme vous le savez, à l’heure actuelle, de nombreux patients ne trouvent plus de médecins.

Sur ce sujet très grave, madame la ministre, je resterai d’une grande constance. Cette fracture continue de s’aggraver. J’ai regretté que la précédente majorité ne s’y attaque pas avec force. J’avais dit que je proposerai de nouveau ce texte. Vous m’y aviez d’ailleurs encouragé, monsieur Issindou, en me disant que mes amendements étaient très bien. Je vois que vous avez changé d’avis : auparavant, vous trouviez que mes propositions étaient parfaites, et maintenant vous les dites impossibles ! J’avais, quelque part, enfreint la discipline majoritaire, puisque je m’étais opposé à la ministre de la Santé.

Madame la ministre, j’en appelle à votre lucidité. Si vous proposez des mesures qui vont dans le bon sens, je les soutiendrai le moment venu. En revanche, je dénoncerai avec la plus grande vigueur tout immobilisme du Gouvernement. Il s’agit de la santé de nos concitoyens. Pour cela, nous devons apporter des réponses fortes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. J’aurais eu plaisir à répondre aux interventions des membres de l’opposition. Toutefois, dans la mesure, où ceux qui sont intervenu ne sont plus présents, je m’adresserai aux députés de la majorité.

Nous partageons un constat : il est nécessaire d’apporter des réponses fortes à l’absence des professionnels de santé. Nous parlons, en effet, des médecins, mais nous devons également considérer tous les professionnels de santé sur nos territoires dans la mesure où leur absence a des conséquences importantes non seulement sur la prise en charge des patients, mais aussi sur la vie dans les territoires. Un territoire privé d’école et de professionnels de santé est un territoire qui ne se projette pas dans l’avenir. Plusieurs d’entre vous ont évoqué la nécessité de s’engager dans une forme de pacte de confiance pour nos territoires et pour la population.

Madame Annie Le Houerou, je partage totalement votre analyse. En effet, l’absence de population médicale a un impact sur le fonctionnement de nos hôpitaux. La désertification médicale aboutit d’ailleurs à des surcoûts. Ainsi, les services d’urgence sont encombrés par des personnes qui s’y rendent alors qu’elles pourraient être prises en charge dans leur territoire, donc à proximité, dans des conditions plus satisfaisantes.

Je répondrai à M. Gabriel Serville que le Gouvernement sera, évidemment, particulièrement attentif à la situation des outremers et, en particulier, de la Guyane.

Plusieurs intervenants ont fait observer qu’il était nécessaire de ne pas écarter la possibilité de recourir au salariat et à des centres de santé. Cette démarche est essentielle. En effet, dans certains territoires, c’est grâce à la mise en place de structures salariées que nous pourrons avancer. J’ai demandé, de ce point de vue, à l’IGAS de conduire une mission sur les conditions économiques dans lesquelles peuvent fonctionner les centres de santé. Nous savons, en effet, qu’aujourd’hui leur modèle n’est pas satisfaisant alors même qu’ils doivent le plus souvent prendre en charge des populations dans des conditions particulières.

Madame Linda Gourjade, je fais mienne votre analyse. Vous avez beaucoup insisté sur la confiance. Nous n’avancerons que si nous parvenons à ne pas opposer les patients aux professionnels de santé. Nous devons faire en sorte de répondre aux besoins des patients, à savoir l’offre de santé de proximité, et ce en entendant les aspirations des professionnels. Ainsi, 80 % des internes en médecine générale déclarent aujourd’hui être prêts ou ne pas être opposés à l’idée de s’installer dans un territoire rural. Mais, lorsqu’ils voient les conditions dans lesquelles ils sont, actuellement, amenés à s’y installer, ils hésitent et disent clairement qu’ils ont besoin d’un travail d’équipe et d’une coopération entre les professionnels. Vous avez raison de ce point de vue, de souligner l’importance de la coopération.

Michel Issindou a insisté, à juste titre, sur le fait que l’accès aux soins dans les territoires doit s’inscrire dans une politique plus globale d’accès aux soins et d’égalité d’accès aux soins. Il convient de lever les obstacles que constituent les honoraires pratiqués par certains professionnels, d’où la nécessité de lutter contre les dépassements d’honoraires et de mettre en place des mesures volontaristes dans les secteurs les plus isolés, qu’ils soient ruraux ou urbains. J’y insiste en effet : nous parlons beaucoup, ici, des territoires ruraux parce que nombre d’entre vous sont concernés, mais des secteurs urbains rencontrent aussi de grandes difficultés. Comme je l’ai précédemment indiqué, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, c’est à Paris et dans le Val-de-Marne que la récente chute du nombre de médecins généralistes a été la plus spectaculaire, même si l’offre globale y demeure, certes, importante tout comme la présence hospitalière. Vous avez eu raison, monsieur le député Issindou, de rappeler que des mesures figurent dans la loi HPST. Or ces mesures éparses ne s’inscrivant pas dans une politique volontariste, elles n’ont pas recueilli l’assentiment des professionnels de santé. Elles n’ont, par conséquent, pas été mises en œuvre et n’ont pas abouti. Nous devons donc faire en sorte que ce que nous allons mettre en place soit porté par l’ensemble des partenaires : les patients, les populations représentées par leurs élus et les professionnels de santé.

Monsieur Richard Ferrand, je partage totalement l’idée selon laquelle les hôpitaux doivent être considérés comme le socle de la présence médicale dans nos territoires. Pourquoi un professionnel de santé libéral irait-il s’installer dans un territoire dont on aurait retiré les établissements hospitaliers « pilotés » par la puissance publique ? Il s’y rendra d’autant moins qu’aujourd’hui, quand on parle de coopération entre les professionnels, ce n’est pas simplement d’une coopération entre professionnels de ville, mais aussi d’une coopération entre médecins installés dans des cabinets et centres hospitaliers dont nous devons garantir l’effectivité. Un médecin veut pouvoir, aujourd’hui, accéder à de l’imagerie, à des examens biologiques, à des spécialistes qui n’exercent, parfois, qu’en établissement hospitalier. De ce point de vue, cette coordination entre le médecin de ville et l’hôpital de proximité – la proximité pouvant être un niveau hospitalier variable selon les territoires – est évidemment fondamentale.

Je conclurai mon propos en disant à Mme la présidente de la commission des affaires sociales que, oui, nous avons une obligation de résultats. Les Français attendent, nos concitoyens veulent que leur soient apportées des garanties en matière de santé. La santé est un droit fondamental. Il est inacceptable qu’il ne soit pas exercé dans les mêmes conditions selon le lieu d’habitation. De ce point de vue, nous devons, en confiance, faire preuve de volonté et avancer avec force. C’est la raison pour laquelle je veux, monsieur le député Vigier, si tant est que j’y parvienne, vous rassurer. Il ne s’agit pas d’engager des concertations pour reculer, mais de discuter immédiatement de propositions concrètes grâce auxquelles nous pourrons progresser très rapidement.

Cette volonté n’a jamais existé. D’ailleurs, les propositions qui figurent dans votre texte de loi ne sont pas de nature à répondre aux défis. La mesure coercitive la plus symbolique de cette proposition de loi, à savoir l’obligation d’exercer dans un territoire donné, interviendra à partir de 2020, donc dans huit ans. Or nous ne pouvons pas attendre huit ans. Les autres dispositions ne sont pas, à elles seules, de nature à renverser la situation. On ne résoudra pas les problèmes dans nos territoires par le biais d’autorisations administratives. S’agissant du numerus clausus, les modalités d’une meilleure répartition existent puisqu’elles sont de nature réglementaire. La nécessité de mettre en place des stages est, évidemment, absolument impérative. Nous devrons progresser sur ce point de manière coordonnée. Les mesures que vous proposez ne sont donc pas de nature à nous permettre de faire face à ce grand défi qui appelle une politique plus vaste, cohérente et globale pour répondre aux attentes légitimes des concitoyens et des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je m’adresserai tout particulièrement aux médecins et futurs médecins. Je leur dirai deux choses, puisqu’ils nous écoutent ou liront les comptes rendus. Ils ne pourront pas dire : on garde tout, on ne transfère pas, on ne délègue pas et on ne nous impose rien.

M Gwenegan Bui. Bravo !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ils devront donc coopérer comme le veulent Mme la ministre et, à travers elle, le Gouvernement et le Président de la République. Une phrase, pendant la campagne présidentielle, a tout résumé : un patient, dans tout le territoire, doit être pris en charge par le bon professionnel, au bon moment et au bon endroit. Affirmer cela, c’est organiser notre système de soins.

La proposition de loi de M. Vigier a le mérite de poser le problème de la réorganisation de notre système de soins, lequel comporte deux défauts : il est « médico-centré » et « hospitalo-centré ». L’hôpital est un second recours, le premier étant le professionnel de santé. Je parle du professionnel de santé et non du médecin. Tous sont acteurs dans le système. Je le dis, et cela n’engage peut-être que moi aujourd’hui, mais c’est un cri du cœur, si l’on axe notre réflexion sur les médecins, tout une partie des professionnels de santé se demanderont ce qu’ils deviennent dans ce système !

M Gwenegan Bui. Tout à fait !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Les soins ambulatoires – car vous m’entendrez rarement parler de médecine ambulatoire – sont très importants. Tous les professionnels y ont leur rôle à jouer. Je prendrai l’exemple des ergothérapeutes. On ne parle pas d’eux ! Ah, ils ne descendent pas dans la rue ! Ils ne se mettent pas en grève ! Les ergothérapeutes déterminent la perte d’autonomie de la personne âgée, ce qui lui permettra de rester le plus longtemps possible chez elle. Les élus de conseils généraux concernés par ce problème doivent me comprendre. On dit qu’une coopération entre l’hôpital et les médecins est nécessaire. Or il faut une coopération entre l’hôpital et tous les autres professionnels de santé ! Quand un pharmacien doit déchiffrer une ordonnance mal écrite, il ne sait pas à quel médecin hospitalier ou à quel interne s’adresser, car aucun numéro ADELI ou FINESS n’est précisé. On ne sait pas de qui émane la prescription ! Quand une infirmière est face à une prescription et qu’elle a besoin de se renseigner auprès de l’hôpital, elle ne sait pas à qui s’adresser, car il lui est impossible de retrouver l’interne. Il faut remettre tout cela à plat.

Monsieur Vigier, et je sais que je vais vous contrarier, mais c’est ainsi, je crois que je m’en suis expliquée clairement à la tribune, je voterai contre votre proposition de loi. Je regrette, toutefois, que les médecins qui partent à la retraite décident de l’avenir de nos futurs médecins. C’est, en effet, curieux et je remercie la ministre d’avoir associé ces futurs médecins à la réflexion, car c’est tout de même leur vie qui en dépend. Mais je dirai à ces futurs médecins, lesquels ne doivent voir ni menace ni chantage de ma part, que leur profession est à un carrefour et que nous comptons vraiment sur eux. En effet, le jour où le législateur se saisira du problème des dépassements d’honoraires, et c’est ce que Mme la ministre a évité en demandant que soit signé un accord en la matière, cela ne se passera peut-être pas tout à fait comme ils le voudront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Gwenegan Bui.

M Gwenegan Bui. Je tiens, tout d’abord, à saluer la qualité et la précision du travail du rapporteur, monsieur Vigier. En effet, la désertification médicale est une préoccupation majeure de toutes les populations, une préoccupation des élus locaux que nous sommes et des élus nationaux que nous sommes aussi pour le moment. La désertification interroge et inquiète sur tous les bancs. Nous l’avons encore constaté au cours de ce débat. Nous partageons tous le même objectif, mais nous divergeons sur les moyens pour parvenir à régler ce problème. Cette proposition de loi fait écho aux débats que nous avons eus lors de la discussion du PLFSS, voici quelques semaines, aux débats qui ont eu lieu lors des précédentes législatures, comme l’a rappelé avec talent et parfois avec un peu d’acidité le rapporteur Vigier. Mais, comme lui, nous privilégions la régulation à l’incitation non pour des raisons théologiques, non parce que certains d’entre nous voudraient punir et d’autres prévenir, mais simplement parce que c’est une froide analyse des faits. Nous pouvons tous affirmer de bonne foi que beaucoup a été fait en faveur de l’incitation. Je citerai quelques dispositifs qui existent depuis 2005 : exonération fiscale et sociale dans les zones franches, urbaines et rurales ; exonération de l’impôt sur le revenu sur les rémunérations perçues au titre de la permanence de soins ; exonération d’une partie des cotisations patronales pendant douze mois pour l’embauche d’un salarié en ZRR ; aide au maintien ou à l’installation par les collectivités locales ; exonération de cotisations professionnelles entre deux et cinq ans dans les ZRR ; financement possible des maisons médicales par les collectivités locales ; et je ne citerai pas les dispositifs financés par la sécurité sociale. On nous dit souvent qu’il n’y a pas de communication et que les dispositifs mis en place ne sont pas connus. Mon collègue Sebaoun, en pianotant sur son iPad au cours de la séance, a été en mesure de trouver l’ensemble des dispositifs mis en ligne par l’Ordre national des médecins. Il reste sûrement beaucoup à faire et il convient, notamment, d’améliorer très vite la communication parce que pour que les médecins profitent de ces nombreux dispositifs, ils doivent les connaître.

Mme la ministre proposera, dans le courant du premier semestre 2013, un projet de loi relatif à l’organisation des soins. Ce sera l’occasion, je l’espère, de rassembler autour d’une table syndicats de médecins, d’internes, collectivités locales et parlementaire pour discuter des solutions que sont l’incitation, la régulation, le salariat.

En conclusion, nous avons donc des espoirs. C’est pourquoi quelques-uns d’entre nous s’abstiendront sur cette proposition de loi. Cette abstention vaut soutien au Gouvernement qui a engagé une discussion et vaut aussi soutien à notre collègue Vigier, lequel a donné des pistes à explorer.

Mme la présidente. Je vous rappelle que les orateurs inscrits sur les articles disposent de deux minutes.

La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Je serai très brève, puisque beaucoup de choses ont été dites.

Nous avons parlé de la ruralité. Je souhaite simplement, pour ma part, appeler votre attention sur les zones de montagne. Les communes de montagne souffrent, aujourd’hui, d’un double handicap lié à leur géographie et à leur climat.

Madame la ministre, je vous remercie pour le message que vous avez adressé aux élus de la montagne et je sais que vous êtes aussi attentive à ces préoccupations. À un moment donné, le critère de la population n’est pas suffisant, nous devons aussi considérer le territoire desservi parce que la présence de l’hôpital public est un corollaire indispensable au maintien de la médecine.

S’ajoute aussi en zone de montagne, et je vous rejoins totalement, madame la présidente de la commission, la problématique des pharmacies sur laquelle il faudra également se pencher.

(L’article 1er n’est pas adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul, inscrit sur l’article 2.

M. Christian Paul. Votre démarche est intéressante, monsieur le rapporteur, et peut même réunir les élus des territoires confrontés avec une immense brutalité à la question des déserts médicaux. Notre groupe a cependant fait le choix de voter contre ce texte.

C’est le droit à la santé qui est un droit constitutionnel, pas la liberté d’installation, et vu la situation actuelle, la liberté d’installation n’est pas non plus tabou dans nos réflexions.

Ce qui est en jeu, c’est l’efficacité des politiques publiques, et la question qui se pose, c’est de savoir comment sortir de l’impuissance publique qui caractérise notre pays, que nous avons dénoncée et que nous dénoncerions encore s’il n’y était pas porté remède rapidement.

Comme l’a souligné la ministre, nous n’avons pas tout essayé. Au cours des dernières années, l’État n’a pas tout essayé, l’assurance maladie n’a pas tout essayé, et, nous l’avons dit dans cet hémicycle à de multiples reprises, et vous aussi, monsieur Vigier, le gouvernement précédent n’avait pas fait de la lutte contre les déserts médicaux une grande cause nationale.

Nous attendons donc du Gouvernement, et nous lui faisons confiance sur ce point, qu’il fasse de cette lutte une grande cause nationale, qu’il y ait une mobilisation et, ce sera sans doute nécessaire, une grande loi pour l’accès aux soins que nous souhaitons dès l’année 2013.

Pour mener le combat, s’il s’agit d’une grande cause nationale, cela ne peut pas être le concours Lépine permanent et il faut une stratégie globale. L’idée d’envoyer, de façon plus volontariste, de jeunes étudiants en stage dans les déserts médicaux est tout sauf inintéressante mais cela ne fait pas une stratégie globale. C’est un immense chantier que l’on ne peut engager avec seulement quelques outils, fussent-ils intéressants ou nécessaires.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ce texte qui, encore une fois, ne répond pas au problème posé.

Mme la présidente. La parole est à M. Vigier, pour soutenir l’amendement n° 8.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Mon amendement doit vous faire plaisir, madame la ministre, puisqu’il parle des centres de santé, que j’avais oubliés dans mon texte. Vous avez bien fait de rappeler que la désertification médicale touchait les zones de montagne, les territoires ruraux, mais également les banlieues. L’exemple de Paris ou de la couronne très proche en est l’illustration.

Même si vous rejetez le texte, le fait d’intégrer les centres de santé permet de réaliser un maillage complet sur tout le territoire, de ne pas opposer les uns aux autres. J’espère qu’un amendement aussi consensuel sera adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable, parce qu’il est possible de faire un stage dans les centres de santé.

Tout l’enjeu, c’est de faire en sorte que les stages soient effectifs, le sujet étant d’ailleurs moins sensible pour les étudiants en troisième cycle qu’avant dans le cursus, où de nombreux stages ne sont pas réalisés.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cet amendement a reçu un avis défavorable de la commission dans sa majorité.

C’est un vrai sujet, parce que travailler dans un centre de santé, ce n’est pas tout à fait le même esprit que de travailler dans l’exercice libéral d’une maison pluridisciplinaire. Cela dit, cela apprend par exemple comment fonctionne le système du tiers payant.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch.

M. Jean-Pierre Le Roch. L’accès aux soins pour tous sur l’ensemble du territoire est une priorité nationale et partagée.

La désertification médicale, que nous constatons tous sur nos territoires – je suis moi aussi l’élu d’une circonscription rurale – peut aussi entraîner la désertification pharmaceutique.

Selon une étude de l’association de pharmacie rurale, les officines ayant un chiffre d’affaires d’un million d’euros en 2008 et ayant perdu au moins un prescripteur sur la zone de chalandise en 2009 ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires annuel de plus de 17 % entre 2008 et 2011, mettant ainsi en péril leur avenir économique.

Dans l’article 2, monsieur Vigier, vous proposez que les étudiants en médecine fassent un stage au sein d’une maison de santé.

La maison de santé répond à l’attente des jeunes médecins et doit être encouragée et accompagnée sous toutes ses formes. Une mission d’évaluation sur leur efficacité, leur mode de création ne pourrait-elle pas être mise en place ?

Mais qui dit maison de santé pluridisciplinaire dit aussi très souvent regroupement de plusieurs médecins généralistes, avec des conséquences très négatives sur l’activité des pharmacies isolées, leurs communes sièges voyant leur seul médecin prescripteur s’arrêter ou quitter la commune. Pourtant, l’installation des pharmacies est l’objet d’une régulation visant à assurer un maillage du territoire, répondant ainsi à un service de proximité essentiel.

Le Gouvernement a pris la mesure de l’urgence du problème. Même si la proposition de loi que vous nous soumettez, monsieur Vigier, prévoit des alternatives intéressantes pour lutter contre la désertification médicale, il est nécessaire de laisser une chance supplémentaire en maintenant le principe de l’incitation que vous défendez, madame la ministre, dans l’attente du plan global et cohérent de lutte contre les déserts médicaux que vous présenterez prochainement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 8 n’est pas adopté.)

(L’article 2 n’est pas adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 4, tendant à supprimer l’article 3.

Mme Véronique Massonneau. L’article 3 vise à limiter la mobilité des étudiants lors du concours de l’internat en transformant le concours national en concours régional. Il limite ainsi les candidatures aux postes d’internat à deux régions en plus de celle d’origine.

Prenant en compte que la grande majorité des jeunes médecins s’installent dans la région où ils ont fait leur internat, cet article aurait pu être efficace pour répartir les praticiens entre les régions. Cependant, l’internat commence après la sixième année d’études et détermine ainsi la région de vie de ces étudiants pour au moins trois ans. Cela me semble difficile d’imposer à ces jeunes l’endroit dans lequel ils doivent faire leur vie. Cela s’oppose à des choix personnels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission mais j’y suis défavorable à titre personnel, vous le comprenez bien.

Vous voulez supprimer l’internat des régions, madame Massonneau, en expliquant notamment qu’on ne peut imposer à des jeunes l’endroit dans lequel ils doivent faire leur vie. Vous savez très bien que j’ai proposé une mobilité vers une autre région pendant le cycle de l’internat.

Lorsque vous passez l’internat avec un classement national, ce qu’on appelle l’internat national classant, et que vous avez un poste à Nice, vous faites vos années d’internat dans la région PACA. Vous ne faites pas six mois à Nice, six mois à Toulouse, six mois à Poitiers, puis six mois à Clermont-Ferrand. C’est la même chose. Même avec l’internat national classant, une fois que vous avez un poste au sein d’une région sanitaire, vous êtes ancré dans ce territoire.

Si j’ai proposé l’internat des régions, c’est pour revenir à un système qui existait avant et qui marchait, et qui permettait surtout d’adapter le numerus clausus aux besoins des régions.

(L’amendement n° 4, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 3 est supprimé.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 5, tendant à supprimer l’article 4.

Mme Véronique Massonneau. L’article 4 vise à exonérer de cotisations les médecins ayant dépassé l’âge de la retraite qui exerceraient dans des déserts médicaux. Lors de la discussion du PLFSS, les écologistes ont voté contre un amendement ayant le même objet.

Comme je l’ai souligné tout à l’heure, il n’est pas prouvé que cette mesure inciterait réellement les médecins à continuer leur activité.

Enfin, il paraît un peu délicat de défendre des mesures d’incitation à la prolongation de l’activité professionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission et j’y suis défavorable, je m’en suis expliqué tout à l’heure.

C’est Véronique Besse qui a suggéré cette possibilité de cumuler un emploi et une retraite dans un amendement qu’elle avait déposé au mois de janvier, avec un dispositif d’exonération des charges sociales. Pour répondre à la demande de Mme Le Callenec, j’avais proposé que cela concerne uniquement les cotisations retraite.

Puisque vous en êtes encore à un mécanisme incitatif, pourquoi vous priver de l’offre complémentaire que certains médecins en retraite pourraient représenter pendant un, deux ou trois ans, au moment où vous lancez vos fameux contrats d’intéressement pour les jeunes ? Vous fermez les écoutilles, sans même envisager la possibilité de vous engager dans cette voie alors que des médecins y sont favorables, ne souhaitant pas passer de quarante patients par jour six jours par semaine pour certains à une absence totale d’activité. C’est très dommage.

Il y a un autre élément à considérer, c’est la transmission. L’expérience en médecine mais aussi pour l’ensemble des professions de santé, c’est très important. L’expérience que l’on peut acquérir, on a envie d’en faire bénéficier. Lorsque j’ai fait mon internat, j’étais content qu’il y ait des chefs de clinique pour nous former. La transmission peut se faire à ce moment-là.

Rappelez-vous celui qui a découvert le sida. Lorsque la France a décidé de le mettre à la retraite, à soixante-cinq ans, vous savez tous de qui je parle, il est parti aux États-Unis. À l’époque, j’étais interne à l’hôpital Saint-Louis et cela m’a marqué. On laisse partir les cerveaux à cause de la limite d’âge. Profitons de l’expérience que l’on peut transmettre, et je vois que M. Schwartzenberg opine du chef. La France du savoir, cette France de la connaissance, de la transmission, ne la laissons pas perdre.

(L’amendement n° 5, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 4 est supprimé.)

Article 5

Mme la présidente. La parole est à M. Gwenegan Bui, inscrit sur l’article.

M Gwenegan Bui. Après ces nombreux échanges, nous sommes tous d’accord pour dire que le constat sur les déserts médicaux est implacable. La fracture existe, elle n’a de cesse de s’étendre. Le problème, personne ne peut le nier, c’est la répartition géographique des médecins sur le territoire national, et le principal corollaire de ce constat, c’est la question de la libre installation des médecins.

En soi, je n’ai rien contre la liberté d’installation, comme nous n’avons jamais rien eu contre la liberté en tant que telle. Nous ne nous levons pas un matin en nous demandant qui nous allons embêter aujourd’hui. Mais l’expérience nous a bien démontré aussi que, en matière médicale comme en tant d’autres domaines, la liberté totale de certains se fait au détriment de celle des autres. Si tout fonctionnait parfaitement, s’il n’y avait pas de problème de déserts médicaux, si la profession médicale avait réglé le problème par elle-même, nous ne serions pas encore là ce soir à essayer de trouver des solutions incitatives ou régulatrices.

L’État est tout autant responsable parce que c’est lui qui peut agir avec ses financements. Je propose d’ailleurs que les crédits dont j’ai parlé tout à l’heure soient mobilisés différemment, pour régler les problèmes de conditions de travail des internes ou leurs salaires.

Je le répète avec force, le médecin n’est pas notre ennemi, et encore moins les internes ; notre ennemi, c’est le désert médical. À cet égard, les mesures contenues dans la proposition de loi sont des pistes de travail qui méritent notre attention et doivent faire l’objet d’une réflexion collective. D’autres pistes peuvent être explorées. Je pense notamment au salariat, à la régulation des installations sur le modèle de ce qui se fait pour les pharmacies ou au plafonnement. Tout doit être mis sur la table, sans exclusive ni a priori idéologique. Ne pas ouvrir ce débat au prétexte qu’il est impossible serait une erreur. En tout cas, tel n’est pas le sens de notre engagement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je veux à mon tour remercier M. Vigier d’affronter les problèmes de manière aussi directe.

Toutefois, l’article 5 me semble recéler une contradiction. L’exercice libéral, que je ne confonds pas avec la liberté, ne peut être assimilé à l’obligation de service d’un fonctionnaire : ce serait une erreur d’analyse. Or, c’est ainsi que je crois comprendre la mesure de coercition que vous proposez. On ne peut pas imposer aux jeunes médecins leurs conditions d’installation : c’est une mauvaise méthode. Faire en sorte que des médecins s’installent sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones sous-dotées, est un objectif que l’on peut atteindre de différentes manières. Outre les mesures incitatives, sur lesquelles je ne reviens pas car M. Bui les a évoquées, je citerai l’information – c’est un élément tout à fait essentiel et chacun doit y prendre sa part : le ministère, les doyens, c’est-à-dire les CHU, et le conseil de l’Ordre – et la valorisation de la médecine libérale, qui permettrait de « détourner » les jeunes médecins de la médecine hyperspécialisée des CHU, qui les attire parce que l’acte technique est valorisant et synonyme de modernité. Ils connaissent mal l’exercice de cette médecine humaine, très proche des patients. Il faudrait donc imaginer, avec eux en tout cas, une espèce de stage d’une année durant lequel ils exerceraient auprès de cette population médicale vieillissante qui est en train de disparaître.

Si nous voulons lutter contre les déserts médicaux, nous devons le faire avec les médecins, et non contre eux.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 6, tendant à supprimer l’article 5.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le soutenir.

Mme Véronique Massonneau. L’article 5, qui vise à obliger, à compter de 2020, les jeunes diplômés à exercer pendant trois ans dans les zones sous-dotées en médecins, va à l’encontre du principe d’incitation qui est privilégié par le Gouvernement, notamment avec l’expérimentation du contrat local de médecine générale, auquel les écologistes se sont déclarés favorables lors de l’examen du PLFSS.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je me suis déjà expliqué longuement sur l’article 5.

Monsieur Sebaoun, je n’ai pas parlé que des fonctionnaires.

M. Gérard Sebaoun. C’était un exemple !

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’exercice de la profession de pharmacien – cela a été très bien dit par la présidente de la commission – est un exercice libéral. Pourquoi des contraintes seraient imposées à certaines spécialités médicales et non à d’autres ? Si vous allez au bout de votre logique, vous devez les supprimer. Or, non seulement vous les maintenez, mais vous en rajoutez, comme l’a fait le Gouvernement précédent. Le Premier ministre parle souvent de cohérence. En l’espèce, celle-ci voudrait – dans le domaine médical, on appelle cela le traitement identique des mêmes échantillons – que vous laissiez aux membres de chaque profession la liberté absolue d’exercer où ils le souhaitent. Tel n’est pas le cas.

L’obligation d’installation d’une durée minimale de trois ans dans une zone déficitaire en offre de soins ne s’appliquerait qu’à partir de 2020, afin de ne pas modifier la règle en vigueur pour les étudiants actuels.

Madame Massonneau, dans l’exposé sommaire de votre amendement n° 7, que nous allons examiner dans un instant, vous indiquez qu’il « appartient au législateur de réguler et de garantir l’accès de toutes et de tous à des soins de qualité ». Je ne comprends pas ! Chers collègues socialistes, lorsque l’on débat de la banque publique d’investissement – les ministres concernés ont été auditionnés hier matin –, vous déclarez qu’elle interviendra dans tous les secteurs, sans oublier les PME-PMI, mais – comme dans la région Centre, madame la ministre – les entreprises qui bénéficieront des aides seront soumises à des contreparties et à des contraintes sociales et environnementales. Pourquoi demander davantage aux entreprises qu’à certaines professions médicales ?

J’ajoute que cette obligation d’installation ne s’appliquerait que pendant trois ans, alors que les jeunes médecins ne posent généralement leur plaque que dix ans après la fin de leurs études. Personne, en effet, n’a rappelé que les médecins généralistes et spécialistes s’installent à 39 ans, voire à 40 ans – vous imaginez les problèmes que cela peut représenter en termes de retraites. En outre, pendant ces trois années, ils ne sont pas obligés d’exercer au même endroit. Et qu’on ne me dise pas que cela représente un coût pour eux : des cabinets médicaux, des maisons médicales, des centres de santé sont prêts à les accueillir. Ils n’ont besoin que de leur sacoche pour démarrer !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous m’indiquer quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. La commission a émis un avis favorable à l’amendement n° 6. J’y suis, à titre personnel, défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet article est sans doute le plus emblématique, le plus important, de cette proposition de loi. Je réaffirme que le Gouvernement ne croit pas aux mesures coercitives. C’est dans la construction d’un pacte de confiance qui rassemble les patients, les territoires, les élus et les professionnels de santé que nous pourrons avancer. Par ailleurs, je tiens à préciser que les professionnels de santé qui ont récemment accepté des dispositions encadrant leur liberté d’installation – je pense en particulier aux infirmières et aux sages-femmes – les ont acceptées dans un cadre conventionnel ; elles ne leur ont pas été imposées par voie législative. C’est donc dans le cadre de la concertation et du dialogue que nous avons pu avancer. Aussi le Gouvernement est-il favorable à l’amendement n° 6.

(L’amendement n° 6 est adopté et l’article 5 est supprimé.)

Avant l’article 6

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 7 portant article additionnel avant l’article 6.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le soutenir.

Mme Véronique Massonneau. En dépit d’une première avancée obtenue par Mme la ministre, il convient d’aller plus loin dans l’encadrement des dépassements d’honoraires. Une étude UFC-Que Choisir montre, en effet, que les déserts médicaux sont à la fois géographiques et financiers. Dans ma circonscription, exceptée la ville de Châtellerault, qui est assez bien dotée, les différentes zones alentour illustrent, hélas ! parfaitement ce problème. Dans le cas de la gynécologie et de l’ophtalmologie notamment, si l’on compare la carte des déserts médicaux représentant l’ensemble de l’offre de soins tous tarifs confondus avec celle qui ne prend en compte que les praticiens dont les dépassements d’honoraires n’excèdent pas le seuil des 40 %, on s’aperçoit que l’on passe du niveau « accès satisfaisant » au niveau « désert médical ». Et je ne parle là que des déserts médicaux dits financiers.

Les dépassements d’honoraires créent donc une inégalité d’accès aux soins catastrophique dans certains territoires. J’ai cité l’exemple de ma circonscription, mais elle n’est aucunement un cas isolé. Cette proposition de loi visant à garantir un égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire, il paraît cohérent d’y intégrer l’encadrement des dépassements d’honoraires, faute de quoi la réponse apportée serait incomplète. Le présent amendement fixe ainsi le plafond des dépassements d’honoraires autorisés à 40 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission et j’y suis également défavorable ; nous nous retrouvons donc au moins sur un point, madame la ministre. Madame Massonneau, d’un côté, vous nous dites qu’il faut discuter et éviter la coercition et, de l’autre, vous voulez modifier par la loi un accord qui a été conclu, non sans difficultés, sur les dépassements d’honoraires, en limitant ceux-ci à 40 %. Je ne peux pas vous suivre sur ce point.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que des accords ont pu être conclus avec les infirmières, les kinésithérapeutes et les sages-femmes ; j’en suis ravi. Vous avez d’ailleurs observé que j’ai déposé des amendements de suppression des articles relatifs à l’autorisation d’installation pour l’exercice de chacune de ces trois professions, afin de tenir compte de ces accords. Mais je rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, les infirmières qui avaient atteint leur quota annuel d’actes pouvaient s’arrêter de travailler au mois de décembre, car les actes n’étaient plus remboursés. Nous revenons donc d’assez loin.

Madame Massonneau, non seulement cet amendement ne résoudrait rien, mais il ajouterait de la crise à la crise, car, si vous limitiez les dépassements d’honoraires à 40 %, les médecins se concentreraient dans les zones où d’autres médecins sont déjà installés et les déserts médicaux s’aggraveraient.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bien entendu, cet amendement n’a pas de sens, puisqu’un accord a été signé après de nombreuses heures de négociation. En revanche, je souhaiterais interroger Mme la ministre sur un point dont j’ignore s’il a été abordé lors de ces négociations. Sous la précédente législature, le groupe GDR s’était ému, à juste titre, selon moi, que les médecins qui perçoivent des aides importantes dans le cadre de l’incitation à l’installation dans des zones sous-dotées aient la possibilité de pratiquer des dépassements d’honoraires. Dès lors que tout leur est « offert », est-il opportun de les autoriser à pratiquer des dépassements d’honoraires ? La question a été maintes fois posée. Je pense évidemment davantage aux spécialistes qu’aux généralistes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la députée, je vous demanderai de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable, pour les raisons qui ont été exposées par Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Un accord a été signé entre les professionnels de santé et la caisse de sécurité sociale qui permet, pour la première fois, d’encadrer de manière significative les dépassements d’honoraires. Cet accord vient d’être conclu dans le cadre conventionnel : laissons-le s’appliquer avant de franchir de nouvelles étapes par la voie législative.

Par ailleurs, madame la présidente de la commission, l’élément que vous avez mentionné n’a pas été discuté. Toutefois, les médecins spécialistes qui pratiquent des dépassements d’honoraires s’installent rarement dans les zones désertifiées. C’est, du reste, l’un des problèmes que nous rencontrons, car ils se concentrent dans des agglomérations où les patients ont des difficultés pour obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables. Ce point n’a pas été discuté, car il n’entrait pas dans le cadre de l’accord.

Mme la présidente. Madame Massonneau, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Véronique Massonneau. Je le maintiens, car j’estime que les dépassements d’honoraires créent une inégalité d’accès aux soins.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je ne souhaite pas intervenir sur le fond de l’amendement : je ne cherche pas à limiter les honoraires. Simplement, je m’étonne que Mme la présidente de la commission dise à Mme Massonneau que son amendement n’a pas de sens parce qu’un accord a été conclu et que Mme la ministre soutienne à peu près la même thèse. Il n’y a pas, de la part du législateur, nécessité de consentir à son propre abaissement. Nous n’avons pas, en tant que législateurs, une capacité d’action inférieure à celle des partenaires sociaux ou à celle du Gouvernement et des partenaires sociaux. Il s’agit, me semble-t-il, d’un problème de fond.

Donc, si je ne suis pas favorable aux dispositions préconisées dans l’amendement, je m’étonne que la commission et le Gouvernement puissent nous opposer un argument selon lequel un accord passé entre le Gouvernement et les partenaires…

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’était pas le Gouvernement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …priverait le législateur de la capacité d’intervenir.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est le principe de subsidiarité !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux lever une ambiguïté, madame la présidente – avec la sagacité qu’on lui connaît, le président Schwartzenberg aurait dû se rendre compte lui-même qu’elle n’avait pas lieu d’être. Je suis désolée si je me suis mal exprimée car en réalité je n’ai, en aucune façon, l’intention de demander au Parlement de renoncer à son pouvoir de légiférer. Tout ce que je voulais dire, c’est que, dans la mesure où un accord vient d’être signé il y a quelques jours, il est souhaitable de lui laisser le temps de se déployer avant d’envisager de franchir éventuellement une nouvelle étape. Autrement dit, je voyais les choses comme un parcours en direction de la réduction des dépassements d’honoraires, mais il ne s’agissait pas de vider de son sens une étape qui a été difficile à obtenir immédiatement. C’est une question de tempo, si j’ose dire, et non d’une restriction des droits du Parlement, qui ne saurait être envisageable.

(L’amendement n° 7 n’est pas adopté.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 12.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Afin de mettre en place une offre de soins la plus équilibrée possible sur un territoire donné, j’ai proposé précédemment l’internat des régions et le numerus clausus régional. Toujours dans le même objectif, je suggère de fixer la densité maximale de professionnels de santé par région, non au niveau national, mais directement au niveau régional. En effet, il n’y a pas le même nombre d’habitants dans toutes les régions, ni les mêmes besoins.

Prendre en compte, au niveau régional, la densité de chacun des professionnels de santé permet une grande réactivité et constitue un facteur de souplesse : en lien avec l’assurance maladie, l’ARS peut ainsi décider, chaque année, de permettre à de nouveaux professionnels de s’installer – dans les zones où elle n’y est pas favorable, il n’y aurait pas de conventionnement pour les professionnels qui passeraient outre. On peut même envisager qu’un spécialiste exerce une année ou deux sans être conventionné, avant que le départ d’un confrère – en retraite, ou pour une autre raison – ne lui permette de bénéficier du conventionnement pour la clientèle qu’il s’est constituée. C’est une nouvelle application du principe que je défends, consistant en une gestion au plus près. Cet amendement que je défends à titre personnel a été rejeté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n° 12 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 13.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cet amendement que je défends à titre personnel vise à confier à l’assurance maladie le soin de déconventionner les médecins ne respectant pas les obligations légales d’installation qui leur incombent, sur proposition du directeur général de l’ARS.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n° 13 n’est pas adopté.)

(L’article 6 n’est pas adopté.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’amendement n° 14 est une déclinaison de l’amendement n° 12 que j’ai défendu précédemment, consistant à appliquer le principe de la prise en compte de la densité au niveau régional pour les chirurgiens-dentistes.

Avec votre permission, madame la présidente, nous pourrions considérer que j’ai défendu conjointement l’amendement n° 15, qui constitue une déclinaison de l’amendement n° 13 s’appliquant aux chirurgiens-dentistes. Ces amendements, que je présente à titre personnel, ont été rejetés par la commission.

Mme la présidente. L’amendement n° 15 est donc défendu. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Défavorable.

(Les amendements nos 14 et 15, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’article 7 n’est pas adopté.)

Article 8

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 16, visant à supprimer l’article 8.

M. Philippe Vigier, rapporteur. La profession de sage-femme s’étant engagée dans la voie conventionnelle de la discussion, je propose de supprimer l’article 8 – tout comme je proposerai dans un instant de supprimer, pour la même raison, les articles 9 et 10 correspondants aux professions d’infirmier et de masseur-kinésithérapeute. Cela vous montre, mes chers collègues, que je suis disposé à trouver des solutions quand cela paraît possible – certes, je suis un peu dubitatif en ce qui concerne les médecins. Ces trois amendements que j’ai présentés à titre personnel ont été adoptés par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Favorable, madame la présidente.

Par ailleurs, je veux revenir un instant sur les amendements nos 12 et 14, qui visaient à demander l’avis du conseil régional ou interrégional de l’ordre de chaque profession concernée. Pour décloisonner le système, il aurait fallu, à mon avis, prévoir – peut-être au moyen d’un sous-amendement – de demander l’avis de tous les conseils de l’ordre susceptibles d’être concernés – car, comme l’ont dit certains, la disparition d’un médecin entraîne souvent la disparition d’autres professionnels de santé, par exemple des pharmaciens.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 16 est adopté et l’article 8 est supprimé.)

Article 9

Mme la présidente. L’amendement n° 17, visant à supprimer l’article 9, a été défendu.

(L’amendement n° 17, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et l’article 9 est supprimé.)

Article 10

Mme la présidente. L’amendement n° 18, visant à supprimer l’article 10, a été défendu.

(L’amendement n° 18, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et l’article 10 est supprimé.)

Article 11

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Philippe Vigier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement rédactionnel, que j’ai déposé à titre personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n° 19 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’amendement n° 20 vise à réparer un oubli en précisant, à l’alinéa 2 de l’article 11, que les centres de santé s’engagent – comme le font les établissements de santé, les cabinets médicaux, les maisons de santé et les pôles de santé – à développer la mise en place de la télémédecine. En dépit de l’avis défavorable de la commission, je défends à nouveau avec fougue cet amendement. Les centres de santé, très denses dans les années 1970 et 1980, se sont raréfiés avant de renaître, notamment dans les banlieues. J’y vois pour ma part une initiative intéressante, qui peut permettre l’accueil d’internes au sein de ces centres.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n° 20 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 21.

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’amendement n° 21 est rédactionnel.

Je profite de l’examen de cet amendement pour dire un mot au sujet de la télémédecine, sans doute chère à notre collègue Patrice Martin-Lalande, dont chacun connaît l’intérêt pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication, et les compétences dans ce domaine. De nos jours, des logiciels permettent de développer le travail en réseau dans le domaine de la médecine. Ainsi, un centre hospitalier de proximité a la possibilité, en cas de suspicion d’un traumatisme crânien, de procéder à un scanner et de disposer, grâce au réseau PACS, d’un avis en moins de quarante minutes – c’est le cas du service de neurologie de l’hôpital de Tours, où j’ai fait installer le logiciel adéquat grâce à des cofinancements privés. La télémédecine est, à mon sens, un élément essentiel de la médecine de proximité, dont bénéficieront les internes et les jeunes médecins dans les CHU où ils se forment.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n° 21 n’est pas adopté.)

(L’article 11 n’est pas adopté.)

Article 12

(L’article 12 n’est pas adopté.)

Article 13

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’amendement n° 22 est un amendement de précision, visant notamment à tenir compte de la date d’entrée en vigueur différée des dispositions de l’article 5. La commission est défavorable à cet amendement que j’ai déposé à titre personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n° 22 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 23.

M. Philippe Vigier, rapporteur. En matière de politiques publiques, l’évaluation permet de savoir si l’on apporte une vraie réponse ou s’il faut éventuellement corriger le tir. L’amendement n° 23 vise à faire participer l’un des partenaires majeurs de la chaîne de santé, à savoir l’assurance maladie, au comité d’évaluation mis en place dans le cadre de l’article 13. La commission est défavorable à cet amendement que j’ai déposé à titre personnel.

(L’amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 24.

M. Philippe Vigier, rapporteur. L’amendement n° 24 est un amendement de précision que j’ai déposé à titre personnel et qui a été rejeté par la commission.

(L’amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 13 n’est pas adopté.)

Article 14

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Philippe Vigier, rapporteur. La mise en place éventuelle du cumul emploi-retraite – un système qui paraît intéressant – aurait des conséquences sur les recettes sociales. L’amendement n° 25 vise à gager la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale. La commission est défavorable à cet amendement que j’ai déposé à titre personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n° 25 n’est pas adopté.)

(L’article 14 n’est pas adopté.)

Après l’article 14

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 1, portant article additionnel après l’article 14.

M. Patrice Martin-Lalande. D’immenses progrès ont été réalisés en matière de télémédecine, ce qui offre une chance extraordinaire aux publics fragiles et peu mobiles…

M. Christian Paul. C’est un peu comme le vote électronique ! (Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande. …notamment les personnes âgées, en particulier dans les zones peu peuplées, d’avoir accès au diagnostic, au suivi et au traitement. Cependant, il existe des freins au développement de la télémédecine, notamment le non-remboursement de certains actes. L’amendement n° 1 a pour objet de permettre l’établissement d’un constat des obstacles en la matière, ainsi que des moyens de les lever, afin que la télémédecine puisse se développer le plus rapidement possible. Il s’agit donc d’une invitation à réfléchir et à agir tous ensemble.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La commission est effectivement favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1, estimant que nous avons actuellement besoin, non de rapports, mais de la mise en place de mesures concrètes dans le cadre de la stratégie globale qui sera annoncée.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Cet amendement, qui constitue le fruit d’une expérience existante, va vraiment dans le bon sens en permettant de faire des économies en termes de dépenses de santé. Grâce à la télémédecine, on peut, par exemple, éviter certains transports de patients, donc diminuer les coûts – une possibilité dont il serait dommage de se priver.

Au moment où Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique vient de nous rejoindre, je veux saluer une fois de plus l’application du numérique à la médecine. La télémédecine est un facteur d’attractivité des territoires, un facteur de santé et de sécurisation pour les patients. La commission a, dans sa sagesse, adopté cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je suis étonnée, madame la ministre, par votre réponse concernant ce rapport.

Il ne s’agit pas de demander un rapport de plus. Il existe de vrais freins au développement de la télésanté. Le rapport qui est demandé par mon collègue Martin-Lalande vise à analyser « les obstacles constatés » et à formuler des propositions. Or, aujourd’hui, la représentation nationale a besoin d’être éclairée sur ce sujet. En effet, nous pensons que la télémédecine peut être d’un grand intérêt pour la santé, pour permettre le maintien à domicile de certains patients. Elle peut aussi être intéressante pour les territoires ruraux. Je trouve donc que vous avez balayé un peu vite cette proposition.

(L’amendement n° 1 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Patrice Martin-Lalande. L’adoption du précédent amendement donne envie de continuer ! (Sourires.)

L’amendement n° 3 vise lui aussi à faire avancer une idée que j’ai développée tout à l’heure et dont j’ai déjà fait part à Mme la ministre. J’aurai d’ailleurs, dans les semaines qui viennent, rendez-vous avec un membre de son cabinet, ce dont je la remercie.

Il s’agit de faire en sorte que s’instaure un peu plus de fongibilité dans le budget de la Sécurité sociale. En effet, pour l’instant, il est difficile, voire impossible, d’apporter des financements pour certaines opérations innovantes. C’est d’autant plus paradoxal que les investissements en question – je l’ai expérimenté avec deux opérations dans le Loir-et-Cher que j’ai rappelées tout à l’heure à la tribune – permettent, en matière de frais de fonctionnement ou de travaux, de réaliser durablement des économies.

Bref, on refuse de mettre un peu d’argent pour en économiser par la suite beaucoup plus, et cela tout en rendant un meilleur service. Je pense donc qu’il faut que nous ayons le courage d’encourager la fongibilité et, pour ce faire, de sortir des silos de financement de la Sécurité sociale afin de trouver des solutions innovantes. En proposant ce rapport, je souhaitais simplement que nous puissions avancer. S’il est possible de le faire autrement, madame la ministre, j’en serais tout aussi heureux.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Comme je viens de le dire il y a quelques instants, je considère que l’initiative de M. Martin-Lalande va dans le bon sens. Si j’osais, je lui dirais qu’il aurait dû voter tous les articles de ma proposition de loi, puisqu’il demande, au terme de l’examen de ce texte, un rapport au Gouvernement.

Mais le plus important est ce qu’il propose, à savoir un ORDAM. Cela fait plusieurs années que les centristes le proposent eux aussi dans les lois de financement de la Sécurité sociale – vous le savez, madame la ministre, pour avoir été souvent présente dans ces discussions budgétaires.

C’est un élément important de régulation entre les régions car il permet d’apporter des réponses en tenant compte de la disparité des territoires. Cet amendement va donc dans le bon sens, même s’il a, malheureusement, été repoussé par la commission. À titre personnel, j’y suis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Défavorable, et cela d’autant plus que cet amendement est un peu en contradiction avec notre organisation, dans la mesure où la santé est toujours, je le rappelle, du domaine régalien. Les ARS existent ; elles permettent de faire des diagnostics au plus proche de la population. Il faut en rester à un ONDAM.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Nous aurons sans doute, monsieur le député, l’occasion de reprendre cette discussion de manière plus approfondie, indépendamment des contacts que vous aurez avec mon cabinet dans le cadre de la proposition de loi que vous allez déposer.

À ce stade, je voudrais vous faire deux observations.

D’abord, la question de la fongibilité et celle des ORDAM ne sont pas nécessairement liées. Des expérimentations vont s’engager sur les parcours de soins concernant les personnes âgées, dans lesquelles il y aura une fongibilité complète des crédits dans le cadre des ARS et des lieux d’expérimentation. On peut donc parfaitement aller vers une fongibilité des crédits au niveau des territoires sans pour autant que cela se traduise nécessairement par le vote d’ORDAM.

Ensuite, et plus largement, si je ne suis pas favorable à des ORDAM, c’est parce que je crois à la nécessité d’avoir une politique nationale. Cela n’exclut d’ailleurs nullement des péréquations. Aujourd’hui, à travers les fonds d’intervention régionaux, des moyens sont accordés en fonction des caractéristiques des territoires en matière de santé, ce qui permet de favoriser ceux qui rencontrent des difficultés plus grandes.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la ministre, je ne vais m’accrocher à cet amendement.

Il ressort de mon expérience dans le département du Loir-et-Cher, voisin du vôtre, que l’on peut recevoir de la part de l’ARS des aides financières pour des expérimentations pendant trois ans, par exemple pour le système de plate-forme alternative d’innovation en santé. Au-delà, l’ARS refuse – légitimement, car c’est ce qui est prévu – d’accompagner financièrement l’opération, alors même que cele-ci fait gagner chaque année à la Sécurité sociale une somme bien supérieure à ce qu’elle coûte et qu’elle permet de maintenir un certain nombre de généralistes sur notre territoire.

On nous dit de nous tourner vers les communautés de communes pour financer ces opérations de soutien au maintien des médecins en zone rurale. Voilà où est le problème, même si je sais bien que nous n’allons pas, à cette heure, en discuter trop longtemps.

De telles expérimentations, financées jusqu’à présent par des crédits temporaires, permettraient de mettre en œuvre durablement des opérations faisant faire des économies à la Sécurité sociale et rendant un meilleur service en matière de santé. Pour autant, elles ne peuvent pas vivre si une partie des économies réalisées par la Sécurité sociale n’est pas affectée à leur fonctionnement ou à la réalisation de certains travaux qui leur sont nécessaires. J’aimerais que nous puissions discuter de nouveau de cette question, madame la ministre. Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre esprit d’ouverture.

(L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)

Seconde délibération

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la présidente, je souhaite qu’une seconde délibération ait lieu sur l’amendement n° 1, portant article additionnel après l’article 14.

Mme la présidente. En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 15 du projet de loi.

La seconde délibération est de droit.

Je suspends la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un amendement n° 1 du Gouvernement.

Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, sur l’amendement n° 1 de suppression de l’article 15.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je présente un amendement de suppression de l’article 15 car il ne paraît pas utile, ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire, de présenter un rapport sur les enjeux de la télémédecine. Nous avons eu l’occasion, à multiples reprises, de souligner tout l’intérêt du développement de la télémédecine. Notre perspective est de mettre en œuvre des projets spécifiques, non de demander des rapports qui n’auraient d’autre résultat que de retarder la réalisation de ces projets. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande la suppression de l’article 15.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je réitère mon soutien à Patrice Martin-Lalande, qui a réussi l’exploit formidable, par fusion-absorption, de faire de la proposition de loi Vigier, vidée de sa substance, une proposition de loi Martin-Lalande ! (Sourires)

Ce rapport, contrairement aux craintes exprimées par la ministre, permettrait d’identifier les obstacles, bien réels, à l’exercice de la télémédecine. Je soutiens cette très bonne idée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’y a pas d’article 15 dans la proposition de loi de M. Vigier et l’amendement de M. Martin-Lalande était un article additionnel après l’article 14. Il convient d’éclairer notre assemblée, madame la présidente, afin que nous sachions sur quoi porte ce vote.

Mme la présidente. C’est en effet un peu compliqué. L’ancien amendement n° 1 de M. Martin-Lalande, déposé après l’article 14, est devenu un article 15 nouveau après son adoption.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il n’est pas très fréquent de demander une nouvelle délibération. Cela est parfaitement conforme au Règlement, mais l’usage de cette disposition est rare, surtout sur des amendements qui font l’objet d’un consensus assez large, la télémédecine représentant davantage de sécurité pour les patients et, éventuellement, une source d’économies.

De surcroît, il est précisé dans l’amendement de notre collègue que le rapport sera rendu « dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi ». Tout laisse à penser que cette proposition de loi ne sera pas adoptée. Cet amendement tombera donc de lui-même, sans que le Gouvernement n’ait à lui infliger une poussée supplémentaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je suis désolé d’être la cause, bien involontaire, de ces difficultés. Nous sommes dans une situation surréaliste puisque les 14 articles précédents n’existent plus et que l’article 15 se trouve en suspension, non loin du plafond. (Sourires)

Si je le pouvais, je retirerais cet amendement, mais cela m’est impossible puisque l’Assemblée l’a voté, ce dont je ne peux lui faire grief.

Ce qui nous intéresse, c’est l’action. Je ne pense pas qu’un rapport empêche les projets de se réaliser. Il permet même de les préparer. Nous reparlerons de tout cela lors de l’examen du projet de loi que vous avez évoqué tout à l’heure, madame la ministre.

Ce que vient de dire M. Schwartzenberg est exact. Techniquement, il n’y a pas besoin de flinguer deux fois cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je voulais dire au professeur Schwartzenberg que nous portons le même amour que lui aux droits du Parlement. Simplement, il arrive que dans un processus législatif, on veuille exprimer une intention, marquer une direction – c’est d’ailleurs ce qui s’est passé en commission.

Je ne connais pas un seul député, M. Martin-Lalande, qui soit hostile à la télémédecine.

M. Patrice Martin-Lalande. Je n’ai pas d’inquiétude !

M. Christian Paul. Nous la savons nécessaire, mais nous pensons aussi – et cela fait la transition avec la proposition de loi que nous examinerons tout à l’heure – qu’il existe des stratégies nationales sur des politiques publiques importantes. On ne décide pas de les modifier à la volée, fut-ce par un amendement excellent, à 23 heures dans l’hémicycle.

Notre commission avait marqué son intérêt pour la télémédecine, mais à ce stade du débat, il est raisonnable de s’en tenir là. La proposition de loi de M. Vigier avait sa cohérence. C’est sur ce terrain que nous avons souhaité marquer notre intérêt tout en votant contre ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je ne reviendrai pas sur le fond, même si je préfère le contact direct de la médecine à la télémédecine.

Il faut bien que chacun comprenne qu’un article, même additionnel, redonne de la vitalité à une proposition de loi lorsque tous les autres articles ont disparu. Dès lors, elle ne pourra être supprimée qu’à l’issue d’un autre vote et d’un autre rendez-vous. Il y a eu une série d’appels, entendus et repris par le Gouvernement et par la commission. Je souhaite que notre majorité vote en faveur de l’amendement du Gouvernement afin qu’il soit mis fin ce soir au débat, avant que nous ne le reprenions dans le cadre de projets de loi à venir.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais indiquer que le Gouvernement, qui a été cohérent puisqu’il n’était pas favorable à la démarche de M. Martin-Lalande, n’entendait pas remettre en cause les droits du Parlement. C’était une façon de simplifier le travail.

Néanmoins, pour marquer la bonne volonté du Gouvernement vis-à-vis de ce qui a été exprimé de façon forte en commission, je suis tout à fait disposée à ce qu’un rapport informel soit présenté au Parlement, à la commission, à l’ensemble des parlementaires et à M. Martin-Lalande en particulier. Celui-ci porterait sur les éléments dont nous disposons, dans le cadre du processus qui nous amènera à mettre en œuvre des projets concrets de télémédecine. Cela permettra de rassurer M. Schwartzenberg sur les intentions du Gouvernement en la matière. Il ne s’agissait pas d’aller à l’encontre des souhaits des parlementaires.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 67

Nombre de suffrages exprimés 61

Majorité absolue 31

(L’amendement n° 1 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Vous avez appelé à voter sur l’amendement n° 1, qui était celui de M. Martin-Lalande !

Mme la présidente. En réponse à la question de la présidente de la commission des affaires sociales il y a à peu près huit minutes, j’ai expliqué en détail que l’amendement n° 1 de M. Martin-Lalande, situé après l’article 14, était devenu l’article 15 nouveau après son adoption.

Avec cette seconde délibération demandée par le Gouvernement, il y a un nouvel amendement n° 1, qui est l’amendement de suppression de l’article 15 nouveau. Je reconnais que c’est un peu compliqué, mais j’avais pris soin de l’expliquer.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Les explications que vous avez données en réponse à la présidente de la commission des affaires sociales étaient un peu plus confuses. Il aurait été préférable, pour éclairer l’ensemble des députés, de préciser que vous mettiez au vote, par scrutin public, la suppression de l’article 15, issu de l’amendement de M. Martin-Lalande. Il serait bien que mes collègues puissent exprimer leur vote en toute sérénité.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, je ne pense pas que vous puissiez mettre en question ou en cause la présidence. J’ai donné la même explication à Mme la présidente de la commission des affaires sociales il y a moins de dix minutes en soulignant qu’effectivement, il pouvait y avoir confusion sur le numéro de l’amendement, mais que l’amendement de M. Martin-Lalande était devenu l’article 15 nouveau.

Nous avons donc achevé l’examen des articles de la proposition de loi. L’assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi ainsi que les articles additionnels, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la conférence des présidents.

2

Aménagement numérique du territoire

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à assurer l’aménagement numérique du territoire. (n°s 63, 413, 398.)

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire est le fruit d’un long parcours parlementaire, et vous me permettrez ici de saluer d’entrée le travail et l’implication des sénateurs Maurey et Leroy au Sénat et du rapporteur Benoit à l’Assemblée.

Cette proposition de loi a à mes yeux une vertu importante : elle place l’aménagement numérique du territoire au rang des priorités du Parlement et du législateur. De ce point de vue, c’est une proposition de loi qui ne pouvait recevoir qu’un accueil a priori bienveillant de la part de la ministre de l’économie numérique.

Ce texte pouvait représenter en février 2012 un signal bienvenu et utile, au moment même où le Gouvernement n’affichait aucune ambition en matière de très haut débit et au terme de dix ans de navigation à vue en matière d’aménagement du territoire.

M. Patrice Martin-Lalande. Ça démarre mal !

Mme Laure de La Raudière. C’est dommage !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Aujourd’hui, et je l’ai rappelé hier lors du Congrès des maires, le contexte a radicalement changé, une ambition nouvelle existe sur le sujet, portée au plus au niveau de l’État.

La couverture de notre territoire en très haut débit à horizon de dix ans figurait au quatrième rang des engagements de campagne du Président de la République François Hollande et fait figure désormais de priorité de l’action gouvernementale, avec comme cap la compétitivité de la France. C’est dans ce contexte bien précis qu’arrive l’examen de cette proposition de loi.

Je veux insister sur ce contexte très différent de celui de février 2012 : le Gouvernement est mobilisé et le cap est fixé. Aujourd’hui, je porte au sein du Gouvernement une nouvelle vision du très haut débit, une vision équilibrée dans laquelle chacun a des droits et des devoirs, une vision responsable dans laquelle les actes suivent les paroles.

Nous y reviendrons durant l’examen du texte, mais disons le d’emblée afin de fixer les choses : le Gouvernement n’acceptera pas tout des opérateurs, mais il n’acceptera pas davantage de casser la dynamique ou de remettre en cause les projets publics ou privés en cours, alors même que collectivités locales et entreprises télécom sont engagées dans le chantier du très haut débit.

Pour les projets privés, le Gouvernement veillera à ce que soient clarifiés les engagements pris par les opérateurs, au-delà des simples déclarations d’intention. Quant aux projets publics, il faudra les accompagner et les rendre viables sur un plan industriel.

Plutôt que des contraintes excessives qui gèleraient les investissements et feraient perdre du temps à la France, la conviction du Gouvernement, c’est que la politique du très haut débit a besoin d’un pilotage clair et affirmé de la part de l’État.

J’ai souligné la qualité du travail parlementaire qui avait abouti à ce texte. Nombre des réflexions qu’il invite à mener peuvent faire écho à celles sur lesquelles travaille le Gouvernement. Pour autant, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui ne répond pas aux défis que nous pose le chantier du très haut débit. Elle offre une réponse idéologique et court-termiste, là où nous préparons des réponses concrètes et pérennes.

M. Christian Paul. Très bien !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Idéologique, car qui peut croire de manière simpliste que le déploiement du très haut débit peut se réduire à un affrontement entre opérateurs et collectivités, à l’affichage d’un pouvoir de contrainte ou à la création d’un droit opposable virtuel ?

Mme Laure de La Raudière. Les socialistes au Sénat !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. En vérité, le déploiement du très haut débit suppose d’abord que nous nous dotions d’un modèle économique performant. Ce modèle économique, c’est celui qui permet à chacun d’être dans son rôle et d’avoir un véritable intérêt à avancer.

Ce modèle économique, c’est aussi celui qui permet à l’État et aux collectivités de ne pas investir à fonds perdus et d’utiliser au mieux chaque euro de dépense publique, en s’appuyant sur une vraie dynamique industrielle, et donc une bonne complémentarité entre opérateurs privés et réseaux d’initiative publique.

Enfin, ce nouveau modèle économique, c’est celui qui se fixe comme objectif la réduction de la fracture numérique et organise une péréquation entre les territoires denses et les territoires les moins denses.

M. Patrice Martin-Lalande. Rien de nouveau !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Au-delà des divergences de philosophie et d’ambition sur la politique à mettre en œuvre, cette proposition de loi recèle de nombreuses fragilités juridiques. Les mesures qu’elle contient sont soit inutiles, soit inefficaces, soit même parfois sujettes à discussion quant à leur constitutionnalité. Ces fragilités juridiques ne seraient pas si graves, si elles ne faisaient courir un risque tout aussi grave à tous les acteurs engagés sur ce chantier structurant.

Certaines dispositions, certainement guidées par de bonnes intentions, conduisent à des impasses. Je pense au subventionnement des projets publics concurrençant les projets privés et à sa compatibilité avec le régime des aides d’État.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. La plupart des mesures évoquées dans ce texte ne relèvent pas, bien souvent, du domaine de la loi mais du règlement ou de l’accord contractuel : est-ce la loi le meilleur outil pour résoudre, par exemple, le problème de l’extinction du cuivre ?

Beaucoup des objectifs poursuivis par cette proposition de loi sont au cœur de ce que le Gouvernement s’est lui-même assigné. Pour autant, sur un chantier aussi lourd et engageant pour la France, nous ne pouvons nous permettre les approximations et les improvisations législatives.

Ce texte est à la fois sous-dimensionné et décalé par rapport au calendrier et au volontarisme affiché par le Gouvernement. Pour tout dire, mon sentiment est que le mal le plus profond dont souffre cette proposition, c’est d’être devenue totalement obsolète. Pourquoi obsolète ? Parce que le calendrier gouvernemental est à présent très clair. La structure de pilotage est désormais une réalité, sa constitution est en cours et pourra s’appuyer sur des compétences issues des administrations d’état-major, des collectivités locales et des services déconcentrés de l’État.

En décembre et janvier, nous arrêterons les contours de la feuille de route, au terme d’une large concertation impliquant l’ensemble des parties prenantes : opérateurs, associations de collectivités et, bien sûr, les collectivités les plus avancées.

En février, un séminaire gouvernemental se tiendra, conclu par des annonces fortes, issues des propositions de chaque ministère en matière de politique numérique. Pour la première fois, la politique numérique, politique interministérielle par excellence, sera au centre des préoccupations de l’ensemble du Gouvernement.

Vous le voyez, le Gouvernement se dote des moyens de ses ambitions et d’un calendrier précis. Notre volonté est d’apporter des réponses concrètes à toutes les questions légitimes que se posent notamment les collectivités locales. Aucune des questions-clés du chantier du très haut débit ne sera négligée : le financement, la coopération entre public et privé ou encore les objectifs de couverture.

Sur le financement, notre réponse s’appuiera sur deux volets : la subvention et les prêts. Nous sommes en pleine instruction technique, et le Gouvernement apportera des réponses rapidement, en tout état de cause d’ici février, en abondant le Fonds d’aménagement numérique du territoire ou un système équivalent.

Sur la coopération entre public et privé, il faudra d’abord une contractualisation systématique entre l’État, les collectivités et les opérateurs, y compris dans les zones très denses.

L’État accompagnera ensuite les collectivités qui en auront besoin. Après dix d’absence de politique nationale d’aménagement numérique, l’État se dote des moyens d’accompagner les collectivités : je pense au suivi des déploiements des opérateurs, à l’accompagnement de l’harmonisation technique avec le groupe Opti’Fibre, qui regroupe l’ensemble des opérateurs qui vont déployer des réseaux fibre en France, mais aussi au rôle de conseil qu’il pourra jouer pour les collectivités qui le souhaiteront.

Sur la couverture du territoire, le Gouvernement a fait un choix très clair, celui de la fibre optique. Mais la bascule du cuivre vers la fibre se prépare et s’organise. C’est ce à quoi s’attelle le Gouvernement, avec un test grandeur nature à Palaiseau, dont vous savez qu’il s’agit d’une première mondiale.

Le chantier de la bascule vers la fibre optique est un chantier gigantesque et un enjeu industriel majeur, avec des implications très fortes en termes d’emploi et de formation. Je le redis donc ici à l’occasion de ce débat, la réponse du Gouvernement est bien qu’il y aura une extinction du cuivre, mais celle-ci devra être progressive et s’opérer selon un calendrier et des modalités qui seront précisés après l’expérimentation, qui va durer dix-huit mois.

M. Christian Paul. Très bien !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Le très haut débit partout et pour tous, voilà notre objectif à dix ans. Pour autant, je le sais, il faudra répondre à l’attente de nos concitoyens sans attendre 2022. C’est pourquoi nous définirons des cibles prioritaires devant être desservies d’ici la fin du quinquennat, qu’il s’agisse des zones résidentielles les moins bien loties, des zones d’activité économique ou de certains sites publics comme les hôpitaux ou les établissements scolaires. Les projets pourront aussi procéder d’une montée vers le très haut débit, c’est-à-dire, dans un premier temps, comporter une part de FTTN, à condition toutefois de se placer dans une perspective du déploiement du FTTH.

Enfin, et pour conclure mon intervention liminaire, je souhaite aborder les dispositions relatives à la couverture en téléphonie mobile, puisque ce texte a choisi de traiter de manière extrêmement large tous les aspects de mon portefeuille ministériel !

Sur ce sujet, les dispositions contenues dans cette proposition de loi sont à mon sens dangereuses pour un secteur actuellement fragilisé et perturbé. L’enjeu crucial de la couverture des zones blanches et grises, sujet majeur en matière d’aménagement du territoire, mérite mieux que des réponses hâtives.

Le Gouvernement attend les conclusions du rapport de l’ARCEP en matière de couverture. Il a aussi saisi l’Autorité de la concurrence sur la question de la mutualisation des déploiements entre opérateurs. La réponse à cet avis sera connue d’ici deux mois et demi. Il sera alors temps d’engager une action forte sur ce sujet.

Parallèlement, nous allons relancer au sein du ministère du redressement productif les groupes techniques qui travaillent sur la question de la couverture. Nous aurons ainsi dans quelques mois une réflexion d’ensemble et une vision claire sur ce que le secteur de la téléphonie mobile est en mesure de supporter, compte tenu des difficultés qu’il rencontre actuellement. Il sera possible dès lors d’identifier le cas échéant des mécanismes de financement public complémentaires. Nous examinons notamment si les reliquats de fonds FEDER, dont l’utilisation pour le très haut débit pourrait être compliquée d’ici la fin de l’année 2013, pourraient être mobilisés dans ce cadre.

Avant d’entrer dans le temps de la discussion de la proposition de loi et puisque j’évoque la téléphonie mobile, permettez-moi de vous rappeler notre position sur la question des risques sanitaires liés aux antennes relais, car je sais que cette question pourrait être abordée à l’occasion de ce débat.

Les préoccupations de santé liées à l’émission de champs électromagnétiques par les antennes relais de téléphonie mobile et les téléphones portables ont conduit les pouvoirs publics depuis une dizaine d’années à prendre des dispositions législatives et réglementaires en vue de diminuer l’exposition du public. La réglementation a été complétée par des dispositions insérées dans les deux lois issues du Grenelle de l’environnement. Le sujet a été pris à bras le corps, je veux le rappeler, par le président de la commission des affaires économiques, François Brottes, suite à la table ronde « Santé, radiofréquences » de 2009 et a débouché sur des avancées significatives.

M. Patrice Martin-Lalande. À l’initiative de Mme Kosciusko-Morizet !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Je pense par exemple, en matière de téléphones portables, à la mise à disposition obligatoire des kits « oreillettes », à l’affichage du débit d’absorption spécifique et à l’encadrement de l’utilisation par les enfants. Je pense aussi à la mise en place d’un portail web dédié par l’ANFr, à l’attribution à l’ANSES du portage des travaux de recherche dans ce domaine, à la réforme du dispositif de mesures de champ ou encore à la rénovation du protocole de mesures par les laboratoires.

Certains travaux sont par ailleurs encore en cours. Malgré cela, certaines associations continuent d’alimenter un climat de tension. Je le regrette. Sur le terrain, les élus locaux sont pris entre deux feux, entre leur volonté de disposer d’une bonne couverture de leur territoire en réseaux mobiles – ce dont nous parlons aujourd’hui – et la question de la puissance d’émission.

Pour les opérateurs télécoms, cette situation constitue un réel frein, tant en termes de calendrier que de coût, au déploiement des réseaux, alors que l’investissement dans les réseaux mobiles 4G est considéré comme le principal levier pour maintenir de l’emploi dans les prochaines années dans ce secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Thierry Benoit, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, mes chers collègues, je regrette que nous abordions ce texte très important à une heure aussi tardive.

Mme Laure de La Raudière. Comme d’habitude !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Il faut néanmoins saluer l’initiative qui permet désormais aux parlementaires de pouvoir déposer des propositions de loi dans le cadre des journées consacrées aux niches des groupes.

Je voudrais, en préambule, expliquer ce qui a guidé le groupe UDI dans le choix des propositions de loi que nous vous avons présentées aujourd’hui. Cinq propositions de loi : un texte, ce matin, rapporté par François Sauvadet, qui avait trait à la démocratie et à la reconnaissance du vote blanc et qui a d’ailleurs été adopté à l’unanimité ; deux textes ensuite concernant les personnes fragiles, l’un portant sur la déconnexion du prix du gaz par rapport au pétrole, l’autre sur le surendettement ; en fin de journée, nous examinons deux textes concernant l’aménagement du territoire – l’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire et le numérique.

Madame la ministre, vous avez cru bon d’indiquer que rien ne s’était passé sous le précédent gouvernement. C’est une erreur, et c’est un centriste du groupe UDI qui vous le dit. Dans mon territoire de Bretagne, je partage avec des élus qui ne sont pas forcément de ma sensibilité politique une expérience qui me permet de vous affirmer que des actions ont été menées par le gouvernement qui vous a précédée. Vous vous êtes d’ailleurs contredite vous-même en évoquant la dynamique qui persistait jusqu’aujourd’hui.

Je déplore donc vos propos, car le travail que nous avons réalisé en commission et que nous poursuivons ce soir, nourri par l’apport de tous les groupes parlementaires, a été constructif.