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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Commission des affaires étrangères

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 23 octobre 2013

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances,
de Mme Patricia Adam,
présidente de la Commission
de la défense nationale

et de M. Paul Giacobbi,

vice-président de la Commission des affaires étrangères.

La réunion de la commission élargie commence à seize heures vingt.

projet de loi de finances pour 2014

Défense

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre de la défense, Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale, M. Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères et moi-même sommes heureux de vous accueillir pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances – PLF – pour 2014 consacrés à la mission « Défense ».

Les commissions élargies cherchent à rendre l’échange entre les députés et les ministres plus actif et plus précis, loin des longues déclarations générales. Jusqu’à présent, ce dispositif n’a été pratiqué que sélectivement ; mais le président de notre Assemblée l’a jugé tellement intéressant qu’il a souhaité que les 26 missions du budget soient cette année examinées selon cette procédure. La précision des débats en commissions élargies doit permettre de gagner du temps en séance, le travail dans l’hémicycle étant réservé à la discussion des amendements et au vote.

Vont donc s’exprimer, au cours de cette séance, les différents rapporteurs qui disposeront strictement de cinq minutes chacun, puis nos autres collègues, dont l’intervention ne pourra excéder deux minutes. Le ministre aura, quant à lui, tout le temps nécessaire.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous avons déjà eu le plaisir, la semaine dernière et hier, de recevoir M. le ministre au sein de la commission de la défense et de lui poser des questions. Nous continuons donc aujourd’hui un débat déjà bien avancé.

M. Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères. Je vous prie d’excuser Mme Élisabeth Guigou, en déplacement à l’étranger. La guerre étant la continuation de la politique par d’autres moyens, la commission des affaires étrangères est impatiente d’apprendre par quels moyens le ministre de la défense entend continuer la politique.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous commémorons aujourd’hui le trentième anniversaire de l’attentat du Drakkar à Beyrouth, dans lequel bien des soldats du 1er et du 9e régiments de chasseurs parachutistes ont laissé leur vie. Honorons leur mémoire par une minute de silence.

La Commission élargie observe une minute de silence.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je vous remercie pour ce moment de recueillement commémorant le trentième anniversaire de l’attentat du Drakkar. La cérémonie célébrée à cette occasion à Pamiers – à laquelle j’ai assisté ce matin – a notamment été marquée par les retrouvailles émouvantes de deux soldats présents sur le sommet du Drakkar au moment de l’attentat, qui ne s’étaient jamais revus depuis car ils faisaient partie de deux régiments différents.

Nos dispositifs de soutien destinés aux blessés et aux familles ont beaucoup progressé depuis trente ans ; s’ils ont bénéficié aux vétérans d’Afghanistan et du Mali, ils n’existaient pas encore à l’époque de l’attentat du Drakkar. Nous avons donc décidé de reprendre tous les cas individuels pour les intégrer aux mécanismes d’aide actuels, qui permettent en particulier de prendre en charge les blessures invisibles, nombre de survivants du Drakkar souffrant du syndrome post-traumatique.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits relatifs à la préparation de l’avenir. Monsieur le ministre, madame la présidente, mes chers collègues, je ne suis pas aussi enthousiaste que le président Carrez sur la procédure des commissions élargies. Cela étant, je vais tâcher de tenir dans les cinq minutes qui m’ont été imparties.

Je laisse à mon collègue Jean Launay le soin de féliciter M. le ministre pour la qualité de ce budget ; l’opposant que je suis émettra au contraire des réserves. En prenant du recul, force est de constater que sur le long terme, quels que soient l’engagement, la sincérité et les intentions des majorités et des ministres de la défense qui se succèdent, la place de la défense dans le PIB est inexorablement érodée. Il faut nous interroger collectivement sur les ressorts de ce mécanisme – très difficile à enrayer – qui affecte particulièrement les crédits du programme 146 dont je suis rapporteur.

Le budget 2014 et l’entrée dans la loi de programmation militaire – LPM – sont conditionnés par la fin de gestion 2013 ; or en 2011 et en 2012, il manquait à chaque fois au programme 146 un milliard d’euros en crédits de paiement. Monsieur le ministre, cette situation va-t-elle perdurer, s’améliorer ou s’empirer ? Où en est-on dans la négociation avec Bercy ?

Si personne ne conteste la nécessité de défendre le budget et de respecter la LPM, plusieurs points de faiblesse doivent nous amener à réfléchir. Ainsi, la diminution des crédits alloués aux opérations extérieures – OPEX – ne peut que nous alarmer, malgré les tentatives de prouver que les 450 millions d’euros seraient suffisants. Alors qu’à l’époque où Michèle Alliot-Marie était ministre de la défense, l’on essayait d’augmenter les crédits des OPEX afin de ne pas être confronté à des difficultés en fin d’année, pourquoi ce recul aujourd’hui ? Les évaluations qu’on nous livre ne semblent pas crédibles et laissent un sentiment de malaise.

Le fait que dès 2014, le budget du programme 146 repose pour une large part sur des ressources extrabudgétaires – investissements d’avenir et recettes exceptionnelles – représente un autre sujet de préoccupation. Au-delà du débat sur le montant de ces ressources et le calendrier prévu, je m’inquiète de la fragilisation du budget qui en résulte. En effet, les recettes extrabudgétaires contrevenant aux règles de la LOLF, elles peuvent donner lieu à des pressions de la part de Bercy, puis de la Cour des comptes. Elles menacent donc, dès 2014, le budget de la défense et notamment le programme 146. Comment sécuriser la procédure budgétaire ?

Enfin, s’agissant du programme 144, l’on ne peut que saluer la volonté d’inverser la tendance en matière d’études amont qui conditionnent l’avenir de nos forces armées. Qu’est-ce qui garantit que ces crédits de paiement seront réellement préservés ? Comment permettre au Parlement d’assurer un suivi et une évaluation dans la transparence des études amont qui représentent un enjeu industriel majeur ? Ne pourrait-on pas articuler ces travaux avec une réflexion extérieure au secteur de la défense ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits relatifs au budget opérationnel de la défense. Le budget 2014 de la mission défense consacre le maintien d’un effort financier important de la Nation avec la reconduction de 31,4 milliards d’euros de crédits de paiement – hors pensions –, soit le même niveau qu’en 2012 et 2013, dont 1,76 milliard d’euros de ressources exceptionnelles. Ce haut niveau de financement – 1,5 % du PIB – permet de concilier souveraineté budgétaire et souveraineté stratégique.

Ce budget s’inscrit donc pleinement dans les orientations stratégiques issues du Livre blanc et de la LPM – dont l’Assemblée vient d’être saisie à la suite du Sénat. Ces trois documents sont liés par une logique commune : le Livre blanc a servi de référence à la rédaction de la LPM, tandis que le budget 2014 détaille la première annuité de la période couverte par cette dernière. Je me réjouis donc que l’examen de la LPM débute avant la fin de cette année. En effet, alors que de nombreuses décisions – notamment en matière d’acquisition ou de maintien en condition opérationnelle des équipements – doivent être anticipées un ou deux ans à l’avance, nos armées doivent disposer d’un cadre de référence clair et réaliste pour les années à venir.

Parmi les grandes lignes du budget de la mission pour 2014, les crédits d’équipement progressent de 16 à 16,5 milliards d’euros, pour atteindre ensuite 17,2 milliards en moyenne sur la période couverte par la LPM. Ce niveau considérable, qui permet de ne renoncer à aucun programme majeur, s’accompagne d’une hausse de 5 % des crédits consacrés à l’entretien programmé du matériel, soit 155 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances 2013, reflétant la priorité accordée à l’activité des forces.

Il faut y ajouter l’ouverture de 1,5 milliard d’euros au titre du programme « Excellence technologique des industries de défense », dont la majeure partie profitera au Centre de l’énergie atomique – CEA –, contribuant ainsi au maintien du volet dissuasion de notre outil de défense.

Cependant, si les crédits augmentent, les efforts de rationalisation des effectifs et de réduction des dépenses de fonctionnement continuent. Ainsi, nos forces armées seront amputées de près de 90 millions d’euros en matière de carburant, de transport et de communication. S’agissant des effectifs, les réductions porteront sur 7 881 équivalents temps plein – ETP –, le taux d’encadrement ne devant pas dépasser 16 % à l’horizon 2019. Dans le cadre de ces réductions d’effectifs, les fonctions de soutien et d’encadrement – qui en subiront les deux tiers – seront davantage sollicitées que les unités opérationnelles – qui n’en assumeront qu’un tiers seulement. Si la maîtrise de la masse salariale devient un enjeu majeur, les unités actives sont ainsi préservées autant que possible – preuve de la cohérence du contrat opérationnel fixé à nos armées dans le PLF 2014, et au-delà dans la LPM.

Plusieurs points relatifs au bon fonctionnement de cet édifice méritent pourtant d’être soulevés. En premier lieu, j’ai noté avec inquiétude que la France ne disposait plus que de six frégates de surveillance pour l’ensemble de son espace maritime outre-mer – soit 11 millions de km2. Le programme « Bâtiments de surveillance et d’intervention maritime » – BATSIMAR – ayant été repoussé à la prochaine décennie, il serait souhaitable que la marine puisse bénéficier au plus vite des bâtiments multimissions – B2M –, mais ce dossier semble compromis par des problèmes de financement interministériels. Selon le chef d’état-major de la marine, il s’agirait d’un investissement de quelque 91 millions d’euros. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur ce sujet essentiel pour la sécurité de nos côtes ?

Dans mon rapport de cette année, j’ai attaché une importance particulière au travail des structures intégrées de soutien : la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel terrestre – SIMMT –, la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense – la SIMMAD – et le Service de soutien de la flotte – SSF. J’ai conclu, comme les chefs d’états-majors, que ces structures devaient garder leur autonomie et leur réactivité et non être intégrées dans un seul organisme piloté par la Direction générale de l’armement – DGA. À l’heure où des décisions doivent être prises rapidement dans ce domaine, quelles sont les orientations déjà retenues ou en passe de l’être ?

Sur un plan strictement financier, je rejoins les préoccupations de François Cornut-Gentille quant à la question des reports de charges constatés sur la mission à la fin de l’année 2013, ainsi qu’à celle des recettes exceptionnelles – 1,8 milliard d’euros pour 2014. Dans le cadre du débat sur le Livre blanc, j’avais déjà posé cette question pour la période de la LPM.

M. Michel Terrot, suppléant M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je tiens à excuser mon collègue Guy Teissier, rapporteur pour avis des crédits de la défense pour la commission des affaires étrangères ; retenu aujourd’hui, il sera présent mercredi prochain, lors du débat en séance publique.

Alors que l’an passé, le Gouvernement nous avait proposé un budget de transition qui pouvait laisser subsister des doutes quant à son dessein, il est désormais clairement engagé dans une voie qui ne peut satisfaire ceux qui, comme Guy Teissier et moi-même, sont attachés au maintien d’une armée solide et apte à répondre aux aspirations de notre pays. Monsieur le ministre, les réponses apportées aux nouveaux défis sécuritaires sont décevantes ; on prépare les guerres de demain avec des ambitions réduites. La contrainte budgétaire est désormais érigée en horizon stratégique et conduit, une fois de plus, à faire des crédits de la défense une variable d’ajustement. Baisse des effectifs, rétrécissement du format des armées, réduction du contrat opérationnel sont autant de coups portés à un outil militaire qui a fait ses preuves et dont le récent engagement au Mali a montré l’efficacité et le professionnalisme.

La LPM et le projet de budget pour 2014 sont bâtis sur des hypothèses peu crédibles. Je doute, monsieur le ministre, que la trajectoire budgétaire que vous prévoyez soit tenable ; cette fragilité constitue une menace pour nos forces et, à terme, un risque significatif de déclassement pour notre pays. Même si je n’y crois guère, peut-être pourrez-vous me démontrer le contraire ?

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour nos militaires confrontés au risque de fermeture ou de déplacement de leur base ou de leur régiment ? La période est des plus anxiogènes pour les hommes et les femmes qui servent notre défense : comment avoir des projets d’avenir si l’on ne sait pas où l’on sera dans un an ? Vous avez annoncé une première série de restructurations ; quand comptez-vous annoncer les suivantes ? Il faut agir vite, les personnels ont besoin de savoir !

Vous avez décidé de ralentir le rythme des livraisons des Rafale, pariant sur les ventes à l’exportation. Comme tous ici, je souhaite que ce magnifique avion puisse être vendu. Mais si nous échouons – comme cela a malheureusement été le cas, tant de fois, par le passé –, vous devrez négocier avec l’industriel. Au final, l’opération ne se révélera-t-elle pas plus coûteuse ?

Enfin, si nous nous félicitons tous du lancement du programme relatif à l’avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport – MRTT –, pourquoi ne prévoit-on que douze appareils seulement, alors qu’ils doivent en remplacer dix-neuf ? Certes, le nouvel avion sera plus moderne, mais il n’aura pas, pour autant, le don d’ubiquité. De plus, maintenir les ravitailleurs actuels jusqu’au début des années 2020 coûtera très cher. Ces avions vétustes sont – osons le mot – dangereux pour les équipages. N’aurait-on pas pu accélérer les livraisons en se contentant, peut-être, dans un premier temps, de quelques exemplaires d’Airbus MRTT de la même version que celle déjà en service dans les forces britanniques ou australiennes ?

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les crédits relatifs à l’environnement et à la prospective de la politique de défense. Monsieur le ministre, comme l’a indiqué notre collègue François Cornut-Gentille, les crédits de prospective de la politique de la défense augmentent, s’élevant à 1,98 milliard d’euros ; 746 millions sont également réservés aux études amont. Ces chiffres globaux – dont on ne peut que se féliciter – préparent l’avenir de notre défense.

Mon rapport apporte un éclairage particulier sur deux questions : celle des drones et celle de la cyberdéfense. Comme on a pu le constater lors du conflit en Afghanistan, les drones constituent un symbole de la désunion de l’Europe et du refus, pendant de très longues années, de s’appuyer sur les technologies pour conforter notre défense nationale. Nous devons maintenant préparer l’avenir. Ayant acheté sur étagères deux Reaper dans le cadre du conflit malien, nous comptons en commander d’autres, de la génération Block 5 dotée d’un nouveau système d’atterrissage et de décollage. Sait-on aujourd’hui s’il sera possible de franciser ou d’européaniser les dix exemplaires à venir ? Quelles demandes ont été faites aux États-Unis en ce sens ? Quel est le prix des deux Reaper Block 1 déjà achetés, et quel sera celui des Block 5 suivants ? À combien évalue-t-on le coût d’une francisation ? Des industriels français se sont-ils portés candidats pour cette mission ? Qu’est-il prévu pour le déploiement des Reaper français au Mali ? Quel est le partage des tâches entre Français et Américains ? En effet, la coopération entre les États-Unis et la France se déroule très bien dans le cadre de ce conflit ; mais à d’autres moments de l’histoire, nous avons pu occuper des positions distinctes, et l’actualité montre que nous pouvons avoir des intérêts divergents.

Existe-t-il aujourd’hui une volonté de construire un drone Moyenne altitude longue endurance – MALE – européen ? Nos interlocuteurs semblent hésiter, rejetant dans un avenir lointain cette option qui nous apparaît primordiale.

En matière de cyberdéfense, les entreprises privées se battent pour les rares spécialistes du domaine. On peut se féliciter de la création et du travail de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information – ANSSI –, mais si l’on ne renforce pas tant la partie défense que la partie civile de l’institution, on risque demain de manquer de personnels. Le 15 octobre dernier, M. Jacques Feytis, directeur des ressources humaines du ministère de la défense, a inquiété notre Commission en suggérant que le « dépyramidage » concernerait la totalité des secteurs. Touchera-t-il la DGA ? Faut-il appliquer ce traitement aux chercheurs qui travaillent à renforcer la sécurité des systèmes informatiques, préparant ainsi l’avenir ?

Le ministère mène-t-il en interne des actions de sensibilisation à la cyber-sécurité ? Le manque de relations entre le secteur civil académique – qui représente 60 % de personnels dans ce domaine – et le secteur de la défense apparaît très préoccupant. Il faut absolument renforcer leur coopération. Si la notion de confidentiel défense est importante, on ne peut que regretter que l’on y classe le nombre de thèses dans ce domaine.

Enfin, je m’oppose aux amendements qui tendent à supprimer des crédits relatifs à l’excellence technologique des industries de défense au profit d’autres secteurs, même si ces derniers doivent également être confortés. En effet, ce domaine me paraît revêtir une importance économique majeure.

M. Alain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées. Chargé, comme l’an dernier, de l’avis de la commission de la défense sur les crédits consacrés au soutien et à la logistique interarmées, j’ai à nouveau choisi d’approfondir un thème en particulier, en l’occurrence celui des dépenses d’infrastructures.

Les crédits relatifs au périmètre qui me concerne sont globalement stables dans le PLF 2014. L’exercice 2013 avait déjà été présenté comme un budget d’attente ; à cet égard, on note une grande continuité d’une LPM à l’autre. On peut saluer la légère hausse des crédits de fonctionnement des bases de défense, chroniquement sous-dotés. Je crois savoir, monsieur le ministre, que vous comptez annoncer bientôt une dotation supplémentaire pour ce poste ; ce serait une excellente chose.

S’agissant des dépenses d’infrastructure, 2014 sera marquée par une augmentation de près de 10 % des autorisations d’engagement. Si cette hausse est utile, est-elle suffisante face aux défis que nous devons affronter ? En effet, les besoins sont considérables en matière d’accueil des nouveaux matériels, tout comme d’amélioration des conditions de vie de nos militaires.

Quelles décisions avez-vous prises concernant le système Louvois ? Malgré les efforts entrepris depuis 2012 pour le stabiliser, les dysfonctionnements persistent. Comment voyez-vous aujourd’hui son avenir ?

Concernant les systèmes d’information, votre ministère poursuit deux projets d’envergure du même type : la création d’un système d’information ressources humaines – SIRH – baptisé Source, et celle d’un logiciel dénommé DAD qui doit devenir le Louvois des pensions et des accidents du travail. Or dès aujourd’hui, 45 000 dossiers de pensions sont en attente à la sous-direction des pensions de La Rochelle, qui subit une restructuration rapide sans que les effectifs nécessaires à la sécurisation du basculement vers DAD aient été créés. Seuls vingt sur les soixante-dix postes nécessaires sont actuellement prévus. Ne risque-t-on pas un « Louvois bis » ? Quelles garanties avez-vous obtenues dans ce domaine ?

S’agissant de la manœuvre de ressources humaines, essentielle dans la LPM, le secrétaire général pour l’administration, M. Jean-Paul Bodin, nous a expliqué que 14 500 postes devraient être supprimés dans les soutiens. Or ceux-ci ont déjà beaucoup donné et en sont d’ores et déjà – si j’ose dire – « à l’os ». La réforme générale des politiques publiques – RGPP – a pu susciter des désaccords ; mais au moins fournissait-elle une analyse fonctionnelle préalable aux réformes. On n’a guère l’impression que la modernisation de l’action publique – MAP – ait donné lieu à des travaux d’audit aussi précis et aussi rapides. Comment comptez-vous identifier les postes de soutien à supprimer ?

Au cours de l’exécution de la précédente loi de programmation militaire, nous avons été surpris par le coût élevé de l’accompagnement des restructurations – 1,2 milliard d’euros. À ce sujet, je fais miennes les questions posées par Michel Terrot : quand allez-vous fixer les objectifs de déflation et présenter le plan destiné à les atteindre ? Il convient de répondre aux interrogations des personnels afin d’apaiser un climat anxiogène. Les crédits prévus pour financer les restructurations – 150 millions d’euros en crédits de paiement, 225 millions en autorisations d’engagement – vous semblent-ils suffisants ?

Les infrastructures représentent un enjeu important qui a dû faire l’objet d’arbitrages : la prochaine loi de programmation militaire leur consacre en effet un budget de 6,1 milliards d’euros, alors que les analystes de l’état-major et du ministère de la défense évaluaient plutôt à 7 milliards d’euros les crédits nécessaires. Le problème ne concerne pas tant les infrastructures technico-opérationnelles, liées à l’arrivée de nouveaux matériels – même si des tensions demeurent en ce domaine – que les infrastructures liées aux conditions de vie des engagés. Alors qu’il faudrait 184 millions d’euros pour achever l’exécution du plan VIVIEN – valorisation de l’infrastructure vie des engagés –, il n’est prévu d’en engager que 134 ou 135 millions. La future LPM ne permettra donc pas de terminer les travaux nécessaires pour améliorer la qualité de vie de nos soldats.

Par ailleurs, je dois insister sur la nécessité de faire figurer dans la LPM le financement des travaux de maintenance lourde : ils représentent souvent une variable d’ajustement au profit des programmes technico-opérationnels, ce qui peut entraîner d’importantes difficultés.

Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier pour votre disponibilité à l’égard de notre commission, et j’attends vos réponses.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits relatifs à la préparation et l’emploi des forces terrestres. L’examen des crédits de l’armée de terre me donne l’occasion – à ce moment charnière entre deux lois de programmation militaire – de faire le bilan de l’exécution de la dernière LPM et d’évoquer les grands équilibres de celle que nous allons bientôt adopter, en me concentrant plus particulièrement sur le renforcement de nos forces spéciales et ses conséquences.

L’armée de terre a connu un exercice 2013 difficile, qui cristallise en quelque sorte les difficultés rencontrées dans l’application de la précédente loi de programmation. Elle représente en effet un point bas pour ce qui concerne les commandes d’équipements et les crédits d’entretien programmé du matériel. C’est aussi une année difficile sur le plan des ressources humaines, puisque le dérapage de la masse salariale observé au cours des années précédentes – mais aussi, il est vrai, l’objectif de dépyramidage des armées – ont nécessité un ajustement rigoureux en matière de recrutement comme d’avancement. C’est surtout l’aboutissement d’une loi de programmation qui a fait porter sur l’armée de terre une part très importante de l’effort demandé aux armées, effort dont les effets ont en outre été largement aggravés par les déboires de Louvois.

Le budget pour 2014 de l’armée de terre, lui, est conforme aux orientations de la prochaine LPM. Il met cette armée sur la voie d’un format resserré, mais cohérent, tout en donnant la priorité à l’activité. Ainsi, l’accent est mis sur la préparation opérationnelle, dont les moyens sont préservés et dont l’organisation a été réformée. De même, 2014 est une année cruciale pour la relance des commandes d’équipements, avec notamment la confirmation du programme Scorpion.

Faute de temps pour présenter ce budget dans le détail, je me concentrerai sur quatre points précis.

Au fil des années, les restrictions budgétaires se sont traduites par des décalages dans les programmes de rénovation des infrastructures, voire par leur annulation pure et simple. Les infrastructures concernées sont consacrées à la vie quotidienne, mais aussi au travail, comme j’ai pu le constater au 2e régiment d’infanterie de marine. Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour améliorer les conditions de vie de nos soldats dans leurs casernes ?

Lors de chacun de mes déplacements, j’ai été, comme nous tous ici, interpellé par les militaires sur l’application du système Louvois, légitimement qualifiée de scandale par nos collègues Geneviève Gosselin-Fleury et Damien Meslot. Je mesure combien ce problème est difficile à régler définitivement, mais pouvez-vous nous préciser quelles sont les mesures envisagées pour réparer Louvois ou le remplacer, et à quelle échéance ?

En ce qui concerne les matériels, on enregistre de grands progrès. J’ai ainsi pu constater moi-même combien les hommes étaient satisfaits par le véhicule blindé de combat d’infanterie – VBCI – ou par l’équipement Félin – même si, concernant ce dernier, certaines transmissions semblent encore un peu lentes.

Mais les équipements les plus modernes côtoient aujourd’hui des matériels de plus en plus vétustes. Je pense particulièrement à nos véhicules de l’avant blindé – VAB –, à nos P4, à nos AMX10 RC, qui sont à bout de souffle. Et si le programme Scorpion a été maintenu dans son principe et dans sa cohérence, ce dont je me réjouis, on peut malgré tout craindre des risques de rupture capacitaire. Quelles mesures comptez-vous prendre pour les éviter ?

Enfin, en matière de ressources humaines, si des déflations et des restructurations sont prévues, je tiens à souligner que notre dispositif d’aide à la reconversion est pris en compte à la hauteur requise dans votre projet de loi de programmation. Cela étant, il est souhaitable qu’un plan complet et clair soit présenté aux personnels, afin qu’ils soient pleinement informés des réformes en cours et puissent se concentrer sur l’exercice de leur métier.

Telles sont les observations que je souhaitais exprimer sur ce budget. Dans un contexte contraint, il me paraît cohérent, et appelle un avis favorable.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les crédits relatif à la préparation et l’emploi des forces maritimes : Marine. Avant tout, je tiens à saluer l’action de l’ensemble de nos forces armées et, notamment, de nos marins, qui font preuve chaque jour, au cours de missions variées et parfois inédites, de leur grand professionnalisme, de leur parfait dévouement et de leur sens extrême du devoir.

Je souhaite également faire part de ma satisfaction quant à l’effort de rattrapage budgétaire consenti en 2014 au profit de nos forces navales. En témoigne la croissance de 7,75 % des autorisations d’engagement et de 3,4 % des crédits de paiement.

Ne nous y trompons pas : il ne s’agit que d’une simple accalmie dans un « grain » budgétaire persistant. Elle n’en demeure pas moins bienvenue, car elle permettra notamment la régénération des matériels et des équipements.

Avec environ 35 000 équivalents temps plein travaillés prévus pour l’an prochain, la marine reste toutefois l’armée la moins dotée en personnels – les forces terrestres et aériennes en comptent beaucoup plus.

En outre, la marine a déjà consenti, par le passé, des efforts majeurs en termes de réduction d’effectifs, efforts qui l’ont sans doute touchée encore plus durement que les autres composantes de nos forces du fait de son dimensionnement en personnels relativement modeste. Or près de 650 ETP seront encore supprimés l’an prochain.

Les efforts ne s’arrêteront d’ailleurs pas là puisque les forces navales auront, naturellement, vocation à participer à la déflation de postes prévue sur la durée d’exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019. Je crois savoir que le ministère mène actuellement une analyse fonctionnelle des postes concernés. Quelle sera la contribution de la marine à ces déflations ? La diminution sera-t-elle appliquée de manière homothétique sur toutes les armées, ou sera-t-elle adaptée – ce que je souhaite – en fonction du dimensionnement de chacune d’elle ? Il ne faut pas oublier que les forces navales font face à des problématiques très spécifiques en matière de gestion des ressources humaines, avec l’existence de « micropopulations » très spécialisées. Je pense par exemple aux spécialistes du nucléaire, en matière de propulsion ou d’armement, ou aux personnels d’appontage sur porte-avions.

Les capacités opérationnelles devraient être relativement préservées de cette déflation, ce dont il convient de se réjouir. Toutefois, il faut rester conscient du fait que l’opérationnel reste fortement dépendant du soutien. Il ne faudrait donc pas solliciter à l’excès le second au risque d’entamer le premier par ricochet.

Ma deuxième série de questions concerne les forces de souveraineté, sujet d’inquiétude pour moi et, je le crois, pour de nombreux marins. Au passage, je rappelle que je suis, d’une façon générale, partisan d’un prépositionnement des forces.

Déployées dans les départements et collectivités d’outre-mer, les forces de souveraineté remplissent, à l’exception de la dissuasion, tout le spectre des fonctions stratégiques : elles assurent la protection du territoire français et des intérêts de la France, et contribuent au maintien de sa souveraineté dans sa zone économique exclusive ; elles soutiennent l’action de l’État dans les départements et collectivités d’outre-mer ; elles constituent également, comme on l’a encore vu récemment, des points d’appui précieux pour lancer ou conduire des opérations éloignées de la métropole.

Or je crains que l’allégement du dispositif, engagé depuis plusieurs années, ne fragilise la capacité de la France à préserver sa souveraineté sur les espaces en sa possession. La loi de programmation militaire prévoit certes la livraison de deux patrouilleurs à faible tirant d’eau spécifiquement adaptés à la Guyane, mais cela reste insuffisant.

Monsieur le ministre, quel est votre sentiment à ce sujet ? Partagez-vous mes inquiétudes et celles de Jean Launay ? Comment pourrait-on les apaiser tout en tenant compte des contraintes budgétaires qui s’imposent à nous ? En particulier, quand les blocages relatifs aux BSAH, les bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers – notamment au sujet de leurs modalités d’acquisition –, seront-ils levés ? Le risque est celui d’une rupture capacitaire en cas de retard trop important. Je rappelle que ces bâtiments remplissent des missions essentielles, à l’image de l’accompagnement/escorte des sous-marins nucléaires d’attaque lors de la traversée du canal de Suez. De même, les avions de surveillance et d’intervention maritime sont très attendus.

Ma dernière question, qui dépasse l’horizon budgétaire 2014, concerne le maintien en condition opérationnelle du porte-avions Charles de Gaulle, prévu en 2016 ou en 2017. Ce chantier industriel majeur suppose la réalisation en amont d’un certain nombre d’investissements. Le calendrier prévu est-il toujours d’actualité ? Pourriez-vous nous donner des précisions quant à ces investissements et quant à leur coût ? Pour 2014, je crois savoir que 152 millions d’euros seront fléchés vers l’entretien courant et la préparation de ce prochain arrêt technique majeur – ATM. Quelles opérations, quelles acquisitions sont prévues en 2014 pour le préparer ?

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les crédits relatifs à la préparation et l’emploi des forces aériennes : Air. Avant d’en venir à mes questions, je souhaite faire quatre constats en forme d’alarmes.

Tout d’abord, nous sommes sur la voie d’un déclassement stratégique – même si le processus a commencé bien avant vous, il y a environ vingt-cinq ans. Ainsi, alors que dans les années 80 l’effort de défense représentait 3 % du PIB, il n’atteint aujourd’hui que 1,5 %. L’armée de l’air a connu une réduction dans les mêmes proportions de ses crédits.

Ensuite, alors que la loi de programmation militaire précédente avait déjà exigé un effort trop conséquent à mes yeux, un effort du même ordre est demandé aujourd’hui. Au minimum, il faudrait conserver le format antérieur.

De plus, nulle autre administration n’a consenti, pendant la même période, un effort comparable à celui qui est demandé aux forces armées. C’est pourquoi je ne partage pas le choix que vous proposez.

Enfin, la loi de programmation comme la loi de finances pour 2014 ne pourront être tenues, en matière de défense, que si se produit une conjonction de facteurs improbables, voire impossible à réunir : des conditions optimales d’entrée dans la LPM, des recettes extrabudgétaires importantes et la conclusion rapide de marchés à l’exportation.

Comme certains de mes collègues, je nourris de graves préoccupations sur la fin de l’exécution du budget 2013, dont les incertitudes risquent d’hypothéquer celle de l’année prochaine. Où en sont vos échanges avec le ministère du budget pour obtenir la levée des mises en réserve – gel et surgel ? En l’absence d’un déblocage rapide de ces crédits, le report de charge serait mécaniquement augmenté si bien que le budget pour 2014 ne pourrait plus l’absorber.

Par ailleurs, où allez-vous trouver les marges de manœuvre, pour ce qui concerne l’armée de l’air, pour poursuivre la déflation des effectifs en 2014, alors que des réorganisations fonctionnelles ont déjà eu lieu ? Quand pourrez-vous annoncer les inéluctables restructurations des bases aériennes, afin que les militaires et leurs familles en soient informés ?

Afin d’améliorer la vie quotidienne de nos militaires, les casernements et logements devraient être éligibles au deuxième plan national de rénovation de l’habitat – ANRU 2.

S’agissant du budget consacré à l’entretien programmé des matériels – EPM –, je constate une plus faible augmentation dans l’armée de l’air, 2,35 %, d’autant que la loi de programmation prévoyait une augmentation de 4,3 %. Comment expliquer un tel décalage ?

La disponibilité opérationnelle des aéronefs étant désormais classée « confidentiel défense », je ne peux que m’interroger sur son évolution.

On a beaucoup parlé du projet « Cognac 2016 » – un programme essentiel qui risque d’ailleurs de se transformer en « Cognac 2017 ». Pouvez-vous préciser quel avion de complément sera choisi ?

De même, pouvez-vous nous donner des précisions sur le contour et la cible de la rénovation des Mirage 2000-D et 2000-5 ?

Pouvez-vous nous confirmer la réalisation à 100 % de l’indicateur 4.1 du projet annuel de performance – relatif à l’aviation de transport – prévue dans la loi de finances pour 2014 ?

Je me félicite de l’entrée en service des Airbus A400M. Quand seront-ils dotés de la capacité de ravitaillement en vol ?

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les cadences d’acquisition et le calendrier d’entrée en service du MRTT ?

Enfin, pouvez-vous revenir sur la question de l’amélioration de nos radars de surveillance du territoire ?

Pour les raisons évoquées, je ne peux qu’émettre un avis négatif à l’égard de ce budget pour l’armée de l’air.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les crédits relatifs à l’équipement des forces et la dissuasion. Le projet de loi de finances pour 2014 confirme l’effort consenti en faveur de l’équipement de nos forces armées par la loi de programmation militaire : 102,7 milliards d’euros sur la période 2014-2019, soit 54 % des ressources totales, pour une dotation annuelle de 17,1 milliards d’euros en moyenne sur la période. Cette moyenne annuelle est certes moins importante que celle prévue par la précédente LPM – 17,3 milliards d’euros –, mais supérieure à l’exécution constatée sur la période – 15,9 milliards d’euros.

Pour l’année 2014, les crédits d’équipement du projet de loi de finances sont au rendez-vous de la programmation : ils s’élèvent à 16,5 milliards d’euros dont une dizaine au titre du programme 146, et sont donc d’un niveau supérieur à celui observé en 2013. Si elle verra la poursuite de la livraison des matériels prévus dans le cadre de programmes en cours, l’année 2014 sera aussi marquée par le lancement de programmes phares, dont beaucoup étaient attendus avec impatience par nos forces armées. Je pense notamment aux avions ravitailleurs MRTT, aux drones MALE ou encore au programme Scorpion.

Cette année 2014 est la première annuité de cette LPM et il est important que, pour sa bonne exécution jusqu’en 2019, son entrée budgétaire se produise dans les meilleures conditions. Or nous constatons deux points d’inquiétude : le report de charges excessif constaté à l’issue de l’exécution de la LPM précédente, qui avoisine les 3 milliards d’euros et qu’il faudrait ramener à environ un milliard, et le devenir des 750 millions d’euros de crédits gelés pour 2013 – 536 millions au titre de la réserve de précaution et 215 millions, du surgel – qui, s’ils ne sont pas débloqués, viendront alourdir le report de charges et mettre en difficulté l’exécution de la loi de finances. Comment comptez-vous répondre à cette situation ? Quand pensez-vous que sera levée la réserve de précaution ?

Je me suis intéressé, pour la préparation de mon rapport, aux principes de différenciation et de mutualisation, qui constituent, avec la volonté de conserver notre autonomie stratégique et la cohérence de notre modèle d’armée, deux des quatre principes directeurs de notre nouvelle stratégie de défense définie dans le Livre blanc.

Alors que la précédente loi de programmation mettait en avant la nécessaire polyvalence des équipements – je pense par exemple aux Rafale ou aux frégates multimissions – ainsi que la formation et l’entraînement des hommes, les principes de différenciation et de mutualisation ont pour objet d’adapter notre effort au plus juste besoin et à la spécificité des différentes missions assignées à nos armées par le Livre blanc : la dissuasion, la protection, la coercition et la gestion de crises.

Ces deux principes sont déjà mis en application au sein de nos trois armées, peut-être de manière inégale, mais avec la même volonté. Comment pourrait-on aller au-delà de ce qui se fait déjà et les appliquer, par exemple, aux programmes de renouvellement de ces équipements, voire à la définition des futurs programmes ?

Vos réponses, monsieur le ministre, seront intégrées à mon rapport, qui donnera un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 146.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Sur le long terme, j’observe également, en France comme ailleurs, la tendance dénoncée par M. Cornut-Gentille. Mais elle prend des formes plus graves à l’étranger, en particulier dans certains pays européens. Le choix du Président de la République a en effet été de sanctuariser le budget de la défense en lui consacrant 190 milliards d’euros courants entre 2014 et 2019, et de maintenir les crédits annuels au niveau – 31,4 milliards d’euros – qu’ils avaient en 2013 et en 2012. L’effort consenti par la défense à la politique de redressement des comptes publics – dont la maîtrise est aussi un élément de notre souveraineté – équivaut donc à la hauteur de l’inflation.

Il est vrai, cependant, que cela revient à consacrer à ce budget 1,5 % du produit intérieur brut, un niveau dont je ne me contente pas. Au cours de l’examen, par le Sénat, du projet de loi de programmation militaire, un amendement a ainsi été adopté avec le soutien du Gouvernement afin d’inscrire dans la loi elle-même l’objectif d’atteindre, à terme, les 2 %.

Plus généralement, l’évocation du concept de « déclassement stratégique » me semble relever de la polémique. N’oublions pas que nous aurons, en 2019, la première armée européenne ! En effet, la défense emploiera, à cette date, 187 000 militaires et 55 000 civils. Si l’on s’en tient aux seuls militaires, leur nombre sera donc nettement supérieur à celui des soldats allemands ou britanniques. Les réductions d’effectifs mises en œuvre dans ces pays sont en effet bien plus drastiques qu’en France. Peut-on vraiment dire de la première armée d’Europe, une armée qui comptera, au terme du processus actuel, 225 avions de chasse, 16 frégates de premier rang, 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin, 6 sous-marins nucléaires d’attaque et une force opérationnelle projetable composée de 66 000 soldats, qu’elle est en voie de déclassement stratégique ? Ce n’est en tout cas pas du tout l’avis de nos voisins ou alliés, y compris au sein de l’Alliance atlantique. Certains propos relèvent donc de l’excès oratoire et ne correspondent pas à la réalité des faits.

Par ailleurs, monsieur Cornut-Gentille, je n’ai pas d’inquiétude s’agissant des ressources exceptionnelles en 2014. Or c’est bien du budget pour 2014 dont nous discutons. S’agissant des 6,1 milliards de ressources exceptionnelles prévues par le projet de loi de programmation militaire, nous discuterons de leur affectation lors de l’examen du texte, à la fin du mois de novembre. Par rapport à la loi de programmation précédente, j’ai l’avantage de pouvoir disposer d’une description précise des ressources auxquelles il sera possible de recourir, incluse dans le texte même de la loi, et non plus dans l’annexe. En outre, une réévaluation de la situation aura lieu à la fin de 2015. La difficulté sera donc de s’assurer au bon moment de la mobilisation effective de ces ressources. Je l’ai obtenue en 2013 et en 2014, mais il convient d’être vigilant pour la suite.

Contrairement à M. Cornut-Gentille et à M. Launay, je ne vois pas comme un inconvénient le fait de faire passer le montant des crédits consacrés aux OPEX de 630 millions d’euros en 2013 à une moyenne de 450 millions d’euros annuelle dans la loi de programmation, applicable dès 2014 – au contraire.

Ce chiffre, tout d’abord, tient compte de la réduction de notre présence en Afghanistan et au Mali, même si, dans ce dernier pays, nous resterons sans doute un peu plus longtemps qu’il n’était prévu au moment de la rédaction du projet de loi, le Président de la République ayant souhaité maintenir un niveau significatif de forces jusqu’aux élections législatives. Au bout du compte, l’enveloppe globale, pour l’opération malienne, sera en 2013 de 600 à 650 millions d’euros. En tout état de cause, elle est en diminution.

Ensuite, comme je l’ai dit hier devant la commission de la défense, nous allons réorganiser nos forces en Afrique, non pas nécessairement pour en réduire l’ampleur, mais pour modifier la répartition entre OPEX et prépositionnement, de façon à nous doter d’une meilleure réactivité et d’une meilleure capacité d’intervention.

Cela étant, dans le monde instable que nous connaissons, de nouvelles interventions ne peuvent être exclues – en République centrafricaine, par exemple. Dans cette hypothèse, le coût supplémentaire serait partagé. Or ce coût serait calculé non à partir de 630 millions d’euros, mais de 450 millions. La baisse des crédits programmés pour les OPEX me paraît donc constituer plutôt une avancée qu’un recul – même si je comprends que l’on puisse voir les choses autrement.

Si les surcoûts sont entièrement supportés par le ministère de la défense, cela oblige à amputer une fois encore les crédits d’équipement. Je suis désolé, ou plutôt ravi, de vous dire que cette année, les surcoûts des OPEX feront l’objet d’un financement interministériel.

Messieurs Launay et Cornut-Gentille, je partage vos interrogations sur la fin de gestion. J’ai demandé la levée intégrale des crédits mis en réserve ainsi qu’un abondement à hauteur de l’intégralité du surcoût des OPEX. L’arbitrage du Premier ministre doit intervenir prochainement. À ce stade, je ne peux pas vous dire davantage que ma détermination à ce que la programmation commence sur les bases les plus saines.

Le report de charges est un sérieux motif de préoccupation. Il était de trois milliards d’euros en 2012. Le report de charges n’est pas en lui-même un péché dans l’un des rares ministères doté d’une forte capacité d’investissement mais nous avons dépassé le montant acceptable. J’entends résorber au cours de la LPM ce report de charges que j’ai trouvé à mon arrivée et qui est le résultat de multiples reports successifs. Je suis confiant quant à la prise en charge interministérielle du surcoût des OPEX. Pour le reste, le soutien et la détermination de l’ensemble des acteurs, singulièrement des membres des commissions parlementaires concernées, seront nécessaires.

S’agissant des études amont, je suis déterminé à sanctuariser les crédits qui y sont consacrés entre 730 et 750 millions d’euros. Ma détermination est la seule garantie que j’aie à vous offrir pour le moment. Vous en avez eu une première preuve puisque j’ai obtenu que le montant des crédits passe de moins de 700 millions en 2012 à 730 millions en 2013. C’est une facilité à laquelle je ne veux pas céder que d’amputer les crédits consacrés à des études dont les résultats ne seront connus que dans dix ans. Si nous ne sommes pas très vigilants sur ce point, nous courons à la catastrophe.

Il y a deux sujets sur lesquels je suis inflexible – les autres questions sont évidemment importantes mais elles viennent en second rang : les études amont et la préparation opérationnelle. Sans elles, nous prenons le risque, d’une part, de ne pas préparer l’avenir et, d’autre part, d’envoyer en opérations des militaires qui ne sont pas aguerris aux matériels de haute technologie.

Je me refuse à faire de ces deux lignes budgétaires une variable d’ajustement, comme cela est pourtant la pratique, malgré les inconvénients qui s’y attachent.

Pour ce qui est de l’agenda des dissolutions d’unités évoqué par plusieurs intervenants, je vais peut-être vous décevoir mais je n’annoncerai les déflations d’effectifs et leurs conséquences qu’année après année. Pour quelles raisons ? D’une part, parce que pour la précédente LPM, une méthode différente avait été retenue mais elle n’a pas fait ses preuves. D’autre part, parce que je souhaite voir les principes suivants respecter : premièrement, limiter à un tiers au plus des effectifs les déflations affectant les unités opérationnelles ; deuxièmement, éviter au maximum les dissolutions – c’est d’ailleurs le cas dans mes annonces récentes ; troisièmement, prendre en considération l’aménagement du territoire – l’armée n’a certes pas vocation à aménager le territoire mais il est préférable de prendre en compte ce paramètre quand cela est possible ; en quatrième lieu, s’assurer de la cohérence des choix avec l’organisation des forces, y compris sur le territoire national – en matière aérienne, la décision récente de transférer les Alpha jet de Dijon à Cazaux accentue la cohérence de notre dispositif ; cinquièmement, examiner les aspects financiers et économiques, y compris en matière capacitaire – s’agissant des aménagements, nous savons par exemple que l’accueil de nouveaux matériels a des conséquences sur les infrastructures.

Parallèlement, il nous faut tenir compte de l’analyse fonctionnelle qui doit identifier dans l’administration générale de la Défense les possibilités d’améliorer la productivité. Il nous faut mener à bien ce travail difficile.

Les décisions que j’ai prises pour 2014 en la matière ne sont pas celles qui m’étaient proposées en juin. J’ai examiné attentivement chaque situation en cherchant à limiter les conséquences négatives et à appliquer les cinq principes que je viens d’évoquer. Je souhaite procéder ainsi sur l’ensemble de la période de programmation militaire.

Monsieur Launay, vous avez évoqué le taux d’encadrement. Il est vrai que celui-ci est passé de 15,5 au début de la LPM précédente à 16,75 % aujourd’hui, alors que dans le même temps le nombre de militaires a diminué significativement. Ce problème a été souligné par la Cour des comptes. Notre objectif est de ramener ce taux à 16 %. À ceux qui souhaiteraient un effort plus important, j’indique que ce chiffre correspond à une moyenne. Un nombre croissant de fonctions ne peuvent être assumées que par des militaires d’un certain niveau en raison de la technicité grandissante de certains outils de défense et de l’importance prise par la cyberdéfense. La réalisation de cet objectif doit respecter les spécificités propres de chaque armée, de la DGA ou du service de santé des armées, ce qui n’empêchera pas les recrutements.

Concernant la marine, monsieur Launay, malgré l’insatisfaction que vous avez manifestée, les frégates de surveillance ont toujours été au nombre de six. Elles ont un peu vieilli, j’en conviens. Nous devons donc envisager de nous doter rapidement des moyens nécessaires pour assurer notre souveraineté maritime.

Sur le maintien d’une forte présence en mer, monsieur le Bris, je vous confirme que deux patrouilleurs seront commandés en 2014 et que trois bâtiments multi-missions « B2M » le seront avant la fin de l’année. Enfin, pour les bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, une discussion est en cours. Le principe de cette flotte de remorqueurs en haute mer n’est pas remis en cause ni la nécessité d’acquérir huit navires. En revanche, l’interrogation porte sur la méthode d’acquisition de cette capacité. Un partenariat public privé est à l’étude. Je m’interroge sur l’opportunité économique de cette option. Je suis décidé à commander les bâtiments mais la réflexion sur le plan financier n’est pas aboutie. Si le PPP ne présente pas un avantage financier pour la défense, nous devrons opter pour une autre méthode.

L’arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle se déroulera, comme prévu, de septembre 2016 à février 2018 pour un coût de 1,3 milliard d’euros.

S’agissant de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et du service de soutien de la flotte, nous examinons la meilleure manière d’assurer le soutien des forces. Ces deux outils font l’objet d’une discussion interne importante qui n’a pas abouti pour l’instant. Nous travaillons sur plusieurs hypothèses. Cette question devrait être tranchée dans quelques semaines, probablement pas avant l’examen de la LPM, dans le sens d’une meilleure efficacité, d’une rapidité accrue et d’une meilleure économie générale. Il s’agit de dépenser mieux et donc de rendre les outils de soutien existants, dans le domaine de l’aviation et de la flotte, les plus performants possible.

La réflexion sur le soutien des forces ne remet en aucun cas en cause l’existence du service industriel de l’aéronautique (SIAé). Quel que soit le donneur d’ordre, l’outil industriel doit demeurer.

Quant aux effectifs de la marine, monsieur Le Bris, vos observations sur les « micropopulations » – vous auriez pu citer également les sous-mariniers – sont justes. Cependant, je précise – car une interprétation différente a été donnée par le passé – que la déflation n’est pas proportionnelle. La déflation est le résultat d’une analyse fonctionnelle et de l’ajustement aux compétences dont les armées ont besoin.

Monsieur Pueyo, je vous confirme que la loi de programmation militaire prévoit le recrutement de 1 000 personnes supplémentaires dans les forces spéciales car l’analyse des risques et des capacités d’intervention fait apparaître le caractère essentiel de celles-ci. Les forces spéciales, comme la cyberdéfense et le renseignement, constituent des éléments centraux de notre action et de notre autonomie stratégique qui justifient d’augmenter les recrutements.

Nous n’avons pas achevé l’analyse détaillée des besoins pour les forces spéciales. Nous allons sûrement renforcer la chaîne de commandement des opérations spéciales, regrouper le parc des hélicoptères et augmenter les personnels selon une méthode qui reste à définir.

Le programme Scorpion est quasiment lancé. Alors qu’il a été par le passé très menacé, il m’a semblé essentiel de le maintenir. Il sera mis œuvre dès 2014 afin de permettre à l’armée de terre d’être équipée.

Vous dites que certains équipements sont vieux. Il est vrai que la vétusté des P4 pose des problèmes dans la vie quotidienne même si elle n’affecte pas les capacités les plus essentielles. J’en ai conscience et j’y serai attentif à l’avenir.

Mais – et c’est là l’essentiel – l’armée de terre va bénéficier de la fin des livraisons des VBCI, du lancement de Scorpion, de l’arrivée, au cours de la LPM, des premiers VBMR et des premiers EBRC ainsi que du renforcement de la capacité en hélicoptère, aussi bien des NH90 – je viens de commander une deuxième série de 34 hélicoptères – que des Tigre qui ont fait la preuve de leur efficacité au Mali et en Afghanistan. Tous ces équipements permettront de renforcer l’ensemble des capacités de l’armée de terre. Il faut ajouter le remplacement du Milan par le MMP et la mise en service du lance-roquettes unitaire dès 2014. Cela témoigne de notre volonté de faire en sorte que les 66 000 hommes de l’armée de terre soient en 2019 des personnels équipés et entraînés.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué Louvois, un sujet majeur, difficile et douloureux. Avant la fin de l’année, je serai amené à prendre une décision pour remédier à cette catastrophe, ce désastre, cette aberration indigne de notre pays. Il est impensable que les militaires qui mettent leur vie en danger pour la France ne perçoivent pas leur solde en temps et en heure.

Un dispositif transitoire a été mis en place dès que j’ai découvert l’ampleur du désastre, à l’occasion d’une visite à Vars dans la brigade alpine en septembre 2012. Depuis, à chacune de mes visites aux unités – et je sais qu’il en va de même pour vous – on découvre de nouvelles vicissitudes qui s’expliquent par plusieurs raisons sur lesquelles je ne reviens pas.

Nous devons trouver les moyens de mettre fin à ces dysfonctionnements, d’une part, en maintenant le régime transitoire et d’autre part, en faisant un choix entre la réparation du système existant et la mise en place d’un nouveau système. J’annoncerai ma décision, qui n’est pas simple et demande du temps, lors d’une prochaine visite aux militaires de Vars qui m’avaient, à raison, interpellé sur ce sujet. Dans la période de transition, nous devons gérer au mieux les inconvénients de la situation, y compris le problème des trop-perçus dont on parle peu mais qui a aussi des répercussions fiscales. C’est épouvantable…

Monsieur Marty, à propos du système Source, nous essayons d’éviter de reproduire les mêmes erreurs. C’est la raison pour laquelle j’ai mis en place un pilotage renforcé du projet. Des expérimentations vont également être menées avant d’abandonner le système existant.

Il est indispensable de mettre de la cohérence dans le système d’information en matière de ressources humaines de nos armées afin d’éviter certains désagréments qui ont été relevés par la Cour des comptes. Cette dernière a ainsi constaté que la déflation des effectifs au ministère de la défense s’est accompagnée d’une hausse de la masse salariale. Cette incongruité rend ma position difficile dans les discussions avec mon collègue de Bercy.

Une gestion cohérente des ressources humaines, au demeurant souhaitable, exige des systèmes d’information cohérents. Mais nous devons faire preuve d’une extrême prudence, y compris sur les retraites, pour être sûrs d’éviter les problèmes. Je préfère multiplier les expérimentations car une catastrophe suffit !

Monsieur Pueyo, l’information sur les réformes en cours – et cela vaut pour l’armée de terre mais aussi pour toutes les armées – est diffusée, peut-être insuffisamment. Elle l’a été à l’occasion du Livre blanc, par moi-même mais aussi par les chefs d’état-major et les commandants d’unités. J’ai réuni à plusieurs reprises les chefs de corps de l’armée de terre et les grands commandeurs pour l’ensemble des armées françaises pour expliquer les réformes. Peut-être la pédagogie n’est-elle pas assez faite auprès des personnels sur le terrain ? J’y veillerai, en mettant à contribution le service de la communication. En revanche, pour l’information sur les dispositifs d’accompagnement en cas de déflation d’effectifs, nous sommes handicapés tant que la loi de programmation militaire n’a pas été votée par l’Assemblée nationale et le Sénat. Il me semble prématuré d’annoncer des dispositifs importants, très incitatifs qui représentent près d’un milliard d’euros sur l’ensemble de la programmation. Vous pourriez à juste titre protester. En outre, vous souhaiterez peut-être amender le texte. Nous devons nous accommoder au mieux de cette période intermédiaire.

Monsieur Marty, les crédits consacrés aux infrastructures sont trop souvent considérés comme une variable d’ajustement. Ce n’est pas le cas dans le PLF pour 2014, et l’on assiste même à une inversion de tendance : les crédits d’engagement progressent de 1,3 milliard d’euros, et les crédits de paiement de 950 millions d’euros. Je souhaite que cette évolution encore insuffisante se poursuive car les conditions de vie et de logement offertes aux militaires – en particulier aux jeunes recrues – ont une influence considérable sur le moral des armées. Le plan Vivien sera achevé avant la fin de la programmation.

Je ne suis pas certain que la création des bases de défense ait donné des résultats particulièrement performants, mais je n’ai pas l’intention de remettre ces dernières en cause. Le dispositif doit néanmoins être adapté pour devenir plus simple, plus cohérent, plus rapide et plus décentralisé. Les mêmes règles ne doivent plus s’adapter indifféremment à tous les types d’unités quel que soit l’endroit où elles se trouvent sur le territoire. Il est de plus nécessaire de mieux doter financièrement ces bases de défense. Avec les problèmes de Louvois et le maintien en capacité opérationnelle des soldats, les conditions de logement et de vie courante sont l’une des trois questions susceptibles de perturber le moral des militaires, qui me préoccupent au premier chef.

Monsieur Le Déaut, les deux drones MALE dits Reaper,  achetés sur étagères aux États-Unis ont coûté 150 millions d’euros. Ils seront mis en activité au Sahel avant la fin de l’année et permettront à la France de bénéficier d’une autonomie stratégique totale – alors qu’au début de l’opération Serval nous avions dû faire appel à des drones américains basés à Niamey. La LPM prévoit l’achat de dix drones de nouvelle génération supplémentaires qui devront être « francisés » ou « européanisés » avant d’opérer dans le ciel européen. Les discussions sont en cours avec les États-Unis qui déboucheront sur des partenariats industriels.

De notre côté, nous ne renonçons pas au drone MALE européen de nouvelle génération. Au dernier salon du Bourget, Dassault, EADS et l’italien Finmeccanica se sont déclarés prêts à relever le défi du drone d’observation européen pour 2022-2023, qui aura une vocation duale. Nous souhaitons qu’en décembre prochain une déclaration de principe sur le sujet du Conseil européen de défense lance l’Europe dans une nouvelle aventure industrielle.

Depuis la précédente LPM, la cyberdéfense est devenue un enjeu majeur. Pour la première fois, une part significative du texte actuellement en débat est donc consacrée au sujet. Une place importante est faite à la sécurité informatique – vous avez évoqué l’ANSSI. Les entreprises et les grands opérateurs devront respecter un certain nombre de règles sous peine de sanctions. De façon inédite dans notre droit, les services français seront autorisés à mener des actions de défense active en cas d’attaque informatique, allant jusqu’à la neutralisation des sites attaquants. Les moyens humains consacrés à la cyberdéfense seront renforcés, tant pour l’ANSSI que pour la DGSE, la DGA et l’état-major des armées. Des programmes de formation seront aussi mis en place. Une chaîne de commandement unique sera créée au sein du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). L’acquisition de nouveaux équipements est également prévue. L’ensemble des acteurs, civils compris, collaborera autour de la DGA, Maîtrise de l’information, basé à Bruz, près de Rennes. Notre pays à la capacité d’être en pointe dans une discipline indispensable à son autonomie stratégique. La loi de programmation lui en donne les moyens.

Monsieur Terrot, pour remplir le contrat opérationnel, l’aviation de chasse doit compter deux cent vingt-cinq appareils parmi lesquels on trouvera des Rafale et des Mirage 2000D rénovés. Nous devrons disposer de vingt-six Rafale supplémentaires d’ici à 2016. J’ajoute qu’il y aura une suite au Mirage 2000D : même si la France cesse ses commandes en 2016, il y aura bien, après cette date, une cinquième tranche de Rafale. Il faut évidemment que les chaînes de Dassault continuent de tourner, sachant que les choix capacitaires ne concordent pas toujours avec les choix industriels. Le ministère de la défense est optimiste sur la capacité de Dassault Aviation à conclure des contrats permettant la continuité de son plan de charge dans cette perspective. Les toutes récentes déclarations du PDG du groupe, M. Éric Trappier, nous confortent dans cette analyse. J’ajoute que 1,1 milliard est mobilisé pour porter le Rafale au standard F-3R, et que le groupe est impliqué dans la définition du projet du drone de combat pour l’horizon 2030. Tout cela participe d’une dynamique positive.

C’est bien moi qui commande les MRTT. Je me garde toujours de critiquer mes prédécesseurs mais, en la matière, nous avons pris du retard. Les avions ravitailleurs en service sont beaucoup trop vieux ; j’en ai donc commandé deux. Il faut aller vite parce que cela concerne tant les opérations extérieures, comme le Mali, que la dissuasion. Monsieur Grouard, ces appareils pourront également servir au ravitaillement des A400M. Nous verrons ultérieurement, avec leur montée en puissance, s’il faut prévoir un ravitaillement en vol spécifique. J’ai pris en compte votre observation sur l’ANRU.

Le projet « Cognac 2016 » constitue à mon sens un plan globalement cohérent élaboré par le chef d’état-major de l’armée de l’air. Je veux le mettre en œuvre afin que nous disposions d’une armée de l’air aux compétences renforcées, toujours prête à remplir les missions qui lui sont confiées.

Pour certaines missions, des matériels anciens peuvent avoir leur utilité ; pour d’autres, des outils de pointe faisant appel à des technologies très sophistiquées sont indispensables. La surveillance aérienne du territoire peut ainsi être assurée par le Mirage 2000 renouvelé ; le Rafale est en revanche nécessaire pour les opérations extérieures. De même, les missions de souveraineté peuvent être assurées par de vieilles frégates robustes ; seize frégates de premier rang sont en revanche nécessaires pour participer à la mission européenne anti-piraterie Atalante au niveau de la Corne de l’Afrique. Cette différenciation est opératoire et économe.

M. Christophe Léonard. Le Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale a dessiné les orientations de la nouvelle stratégie militaire, qui doivent aujourd'hui se traduire dans le budget de la défense pour 2014 en correspondance avec la loi de programmation militaire qui fixera les priorités opérationnelles pour la période 2014-2019.

Ainsi, conformément aux engagements du Président de la République, les crédits engagés par la France pour sa défense sont maintenus en 2014 au niveau de 2013 avec 31,4 milliards d'euros. Dans le contexte d'une dette publique qui a littéralement dévissé sur les dix dernières années pour atteindre un montant supérieur à 90 % de notre PIB à la fin 2012, cet effort budgétaire conjugue l'impératif de souveraineté nationale, par la sauvegarde d'une défense à même de garantir la sécurité de la France et ses responsabilités dans le monde, et celui de notre souveraineté budgétaire, par le redressement de nos finances publiques. Cette équation, pour efficace qu'elle soit, repose néanmoins sur des arbitrages dont la justice des équilibres peut davantage encore être précisée. En effet, la conduite du ministère de la défense sous le quinquennat précédent nous a malheureusement laissé un goût amer lié à des déconvenues en tout genre.

Les « études amont », nécessaires à la réalisation des opérations d'armement dans différents domaines tels que la dissuasion, l'aéronautique et les missiles voient leurs crédits maintenus à hauteur de 746 millions d'euros pour assurer la pérennité du tissu industriel de défense français lequel a été durement pénalisé par les décalages de programmes impromptus de la précédente LPM.

Une présentation affinée des hypothèses retenues en termes d'exportations militaires serait utile pour éclairer la représentation nationale. En effet, les annonces tonitruantes à grand renfort médiatique de ventes de matériels militaires faites par le précédent chef des armées mais, malheureusement pour la France, non suivies d’effets ne cessent de nous interroger.

S'agissant de la politique des ressources humaines dont les crédits s'élèvent en 2014 à 522 millions d'euros en crédits de paiement, il est prévu, conformément aux objectifs des lois de programmation militaire 2009-2014 et 2014-2019, une déflation des effectifs de 7 881 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2014. Á cet égard, les projections d'économie budgétaire attendue par cette réduction méritent d'être explicitées. En effet, la Cour des comptes a souligné l'impasse budgétaire à laquelle avait abouti sur ce point l'exécution de la précédente LPM avec une augmentation de 1 milliard d'euros de la masse salariale entre 2008 et 2011, sans oublier les conséquences des errements du logiciel Louvois sur cette absence de maîtrise.

En outre, cette réduction des effectifs conduira nécessairement à des restructurations pour lesquelles un accompagnement financier est prévu à hauteur de 334 millions d'euros en crédits de paiement. Concernant les crédits destinés à atténuer l'impact économique des restructurations, il est indispensable que des précisions sur la méthode de mise en œuvre des accompagnements sur les zones concernées soient apportées. À ce titre, un bilan des contrats de redynamisation des sites de défense fermés par le gouvernement Fillon a-t-il été établi ?

Le programme 212 de soutien de la politique de la défense retient également notre attention. Il supervise en effet le projet Balard dont la gestion calamiteuse par le précédent gouvernement doit être rappelée. On peut dès lors s'interroger sur de possibles nouveaux retards dans la réalisation de ce futur « Pentagone à la française » et, le cas échéant, sur les surcoûts induits.

S'agissant de la politique immobilière et des recettes exceptionnelles attendues pour un montant de 206 millions d'euros, l'effectivité de leur réalisation reste un point important à surveiller.Dans l'exécution de la LPM précédente, alors que les prévisions de 2009 s'élevaient à 2,02 milliards, la Cour des comptes a en effet montré que le montant perçu sur la période 2009-2011 s'est limité à 894 millions. Qu'en est-il par ailleurs concrètement de l’effort porté sur les espaces d'entraînement de l'armée de terre laissés à l'abandon mais nécessaires pour assurer l'opérationnalité de nos forces ?

Enfin, au titre de l'équipement des forces et du programme 146, pour lequel les crédits de paiement inscrits en 2014 sont stables par rapport à 2013 et s'élèvent à 11,8 milliards d'euros, l'acquisition du système de drone MALE est programmée et il est prévu de combler nos lacunes capacitaires en matière de ravitailleur en vol. Alors que la précédente LPM avait fait dramatiquement l'impasse sur ces sujets majeurs au risque du déclassement militaire et stratégique de la France – dont des effets ont pu être observés lors de l'opération Serval –, ces acquisitions permettront-elles à notre pays de demeurer une puissance militaire de premier plan ?

Pour conclure, je souhaite au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen apporter notre soutien au budget de la défense pour 2014, construit dans un souci d'équilibre entre dépenses nécessaires et économies salutaires, entre le besoin d'un outil militaire préservé et l'injonction d’une dette à réduire, et dans le respect de la volonté présidentielle de réaffirmer par les actes la place de la France dans le monde.

M. Yves Fromion. Monsieur le ministre, ce budget s’inscrit dans la continuité de la réflexion menée par le Livre blanc. Il constitue le « point d’entrée » de la loi de programmation militaire. D’un côté, nos ambitions politico-stratégiques restent entières – dans ce domaine, ce Livre blanc ne diffère guère du précédent si ce n’est en exprimant des ambitions supplémentaires et légitimes, comme celles concernant la cyberdéfense – ; de l’autre, les capacités budgétaires consacrées à la défense se réduisent constamment.

Je vous concède que cette dernière tendance n’est pas nouvelle, mais nous en sommes arrivés à un point de rupture. Parler aujourd’hui de déclassement serait excessif, l’opération au Mali en témoigne, mais nous ne pouvons pas nous dissimuler que nous prenons ce chemin. En prétendant le contraire, nous nous bercerions d’illusions ; nous construirions une ligne Maginot virtuelle dans les esprits de nos concitoyens.

Nous faisons un pas de trop dans le découplage entre nos ambitions et les moyens que nous y consacrons. Les militaires sont inquiets à juste titre car ils vivent au quotidien les ruptures capacitaires. Il est bien beau de porter au tableau d’effectifs et de dotations un nombre élevé de chars ou d’avions, mais il faut faire le compte de la réalité des équipements dont les militaires peuvent vraiment se servir : l’écart est considérable ! Une flottille de l’aéronavale a ainsi fonctionné pendant quatre mois avec un seul hélicoptère Lynx en état sur sept ! Un jeune pilote sorti de l’école affecté sur Puma n’a pas réussi à effectuer quatorze heures de vol en six mois ! Notre armée est professionnalisée depuis 1997, et les professionnels que sont nos militaires ont besoin d’un outil de travail que seule la nation peut leur donner. C’est notre devoir ; nous ne pouvons pas y faillir !

Nos militaires ressentent un véritable sentiment d’injustice. Vous avez décidé de supprimer 24 000 postes supplémentaires alors qu’on se demandait comment réduire les 10 000 postes restant et qu’on recrute, par ailleurs, 60 000 enseignants supplémentaires. Comment voulez-vous que les militaires ne ressentent pas cela comme une agression ?

S’agissant de la construction budgétaire, chacun avance des chiffres différents. Il serait intéressant d’en avoir un état exact au terme de la loi de finances 2013. On doit bien avoir une idée aujourd’hui du montant du report sur l’année prochaine et surtout de la hauteur des gels et des surgels. Il y aurait jusqu’à 4,2 milliards d’euros de reports. C’est intenable !

Quels moyens prévoyez-vous pour compenser, au cas où elles ne rentreraient pas, les recettes exceptionnelles ou extrabudgétaires que vous avez prévu d’apporter à la loi de finances pour 2014 ?

Vous avez prévu 200 millions d’euros de recettes liées à des ventes immobilières. Or, selon l’engagement n° 23 du candidat François Hollande, les terrains disponibles devaient être mis gratuitement à la disposition des collectivités locales pour des opérations immobilières.

Dans le cadre de la participation des ministères à la réduction des déficits, le ministère de la défense doit apporter 100 millions sur les 900 millions prévus au niveau interministériel. Franchement, après les efforts que les militaires ont consentis au Mali et ailleurs, après les réductions successives de leur budget, est-il décent de leur demander de se sacrifier encore à cette hauteur ? Cette disposition doit être supprimée de la loi de finances !

M. Francis Hillmeyer. Permettez-moi, avant de commencer mon propos, d’avoir une pensée pour les militaires, femmes et hommes, dont la conduite exemplaire a démontré la grandeur de la France et son implication dans la défense des libertés et des droits de l’homme. Je tiens à rendre un hommage particulier à celles et ceux qui n’en sont pas revenus indemnes et à saluer nos soldats présents au Mali depuis bientôt dix mois. L’action exemplaire qu’ils y mènent fait la fierté de la France.

En engageant ses troupes, la France agit pour défendre la démocratie et la liberté, et lutte contre le fondamentalisme, combat dans lequel elle a prouvé sa valeur. Rappelons que notre pays, revenu dans le commandement intégré de l’OTAN, n’a reçu aucune aide sur le champ de bataille. Les avancées rapides de l’opération Serval et les succès rencontrés depuis le début de la mission au Mali ont, une nouvelle fois, prouvé la qualité de nos hommes et de notre matériel. À cet égard, je dois vous faire part, monsieur le ministre, des craintes du groupe UDI s’agissant du budget de la défense pour 2014, qui n’est ni bon ni mauvais, plutôt une continuité.

L’opération Serval est une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, de la nécessité de maintenir le budget de la défense à un niveau suffisant pour les années 2014 et suivantes. La défense, qui contribue déjà de manière très significative au nécessaire effort de redressement de notre pays, ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire. Une réduction démesurée de son budget emporterait des conséquences dramatiques. Compte tenu du format de nos armées et de l’état de notre matériel, la France sera-t-elle encore capable, demain, de mener avec succès des opérations semblables à celles conduites en Côte d’Ivoire, en Libye, en Afghanistan ou au Mali ? Avons-nous les moyens budgétaires pour faire face à l’indispensable remise en état des matériels revenant d’OPEX ? J’ai entendu les plus grandes craintes à ce sujet. Par ailleurs, nos casernes nécessitent plus qu’un ravalement de façade. Il en va du moral de nos troupes.

Depuis 2001, les dépenses militaires ont augmenté de plus de 50 % dans le monde. En Europe, l’écart entre la défense britannique et française se creuse, cependant que le budget augmente en Allemagne. La prise en compte des évolutions spontanées de la dépense aurait dû conduire à une revalorisation des crédits pour les années 2013 et 2014 : en réalité, ce sont 2,2 milliards d’euros supplémentaires qu’il aurait fallu injecter dans la mission « Défense » chaque année. Or cette mission est la première victime des coupes budgétaires de l’État. Quand le Gouvernement se rendra-t-il compte que ce ministère doit être considéré comme prioritaire ?

Ces réductions auront, parmi de multiples conséquences, un fort impact sur le format des armées. En 2014, comme en 2013, non seulement le ministère devra continuer de faire face aux réductions d’effectifs compensant les créations de postes dans les ministères prioritaires, mais il sera le plus touché. Ainsi la nouvelle loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit-elle la suppression de 23 500 postes en plus des 54 000 prévus dans la précédente LPM. Quelles garanties êtes-vous en mesure d’apporter à nos armées face à ces suppressions massives de postes ?

L’opération Serval a mis en évidence l’isolement de la France au niveau européen et international. Nous le regrettons d’autant plus que le groupe UDI croit fermement en l’Europe de la défense, dont il appelle de ses vœux l’aboutissement. Nul doute que la mise en commun des moyens à l’échelle européenne conduirait à la formation d’un ensemble réellement puissant, capable de prendre toute sa place sur la scène internationale. Une telle avancée permettrait également à la France, en concertation avec ses partenaires, de mettre en œuvre des économies réfléchies et pertinentes. Quelles initiatives la France entend-elle prendre pour jouer enfin le rôle moteur qui doit être le sien auprès de nos partenaires européens ?

Les députés du groupe UDI sont tout à fait conscients de la difficulté de la période pour la défense et du poids écrasant des contraintes budgétaires nationales. Mais l’angoisse dans les armées et dans l’industrie de la défense est telle, qu’ils déplorent que ce budget pour 2014 n’y réponde pas.

M. François de Rugy. Au mois d’avril dernier, j’avais exprimé les réserves du groupe écologiste sur le Livre Blanc sur la défense, considérant qu’il s’inscrivait trop dans la continuité du précédent. Quant au présent budget, il comporte certains éléments auxquels nous souscrivons, monsieur le ministre.

Permettez-moi d’abord de saluer globalement votre action à la tête du ministère de la défense ainsi que la qualité du travail des soldats français et la force de leur engagement que nous avons encore pu constater au Mali. À cet égard, votre dénonciation du scandale Louvois est bienvenue : les militaires français ne méritent pas de subir pareille aberration plus longtemps, ni même aucun fonctionnaire d’État.

Pour la deuxième année consécutive, vous suivez une trajectoire budgétaire assez raisonnable. Si les dotations sont maintenues en valeur, leur volume traduit une légère baisse. Le plus important est que vous poursuivez le reformatage des armées et un effort de réduction des personnels. Cette année encore, le ministère de la défense sera un des plus affectés, avec le départ, en retraite ou en fin de contrat, de 7 881 militaires qui ne seront pas remplacés.

Je constate avec satisfaction que vous engagez un début de réorganisation des ressources humaines des armées, qui se traduit par une légère réduction de la masse salariale – ce que l’on attend normalement après une réduction des effectifs, alors que c’est l’inverse qui s’était produit les années précédentes. Vous commencez le dépyramidage consistant à réduire de 1 % sur cinq ans le nombre d’officiers de votre ministère. Didier Migaud était précisément venu, l’année dernière, devant notre commission pour nous alerter sur l’insuffisante maîtrise de la masse salariale. En effet, avec 170 généraux pour seulement 15 brigades dans l’armée de terre, il y a de quoi s’interroger.

Après les aspects positifs, j’en viens aux réserves. Les crédits d’équipement en légère augmentation témoignent du maintien de la force nucléaire de dissuasion comme priorité. Je ne vous apprends rien, c’est une analyse que nous ne partageons pas, comme d’ailleurs de plus en plus de hauts responsables politiques et anciens militaires. Je m’étonne de l’absence totale de débat au Parlement à ce sujet alors que les questions ne manquent pas : en quoi la modernisation de notre composante aéroportée, qui devrait nous coûter, cette année encore, plus de 300 millions d’euros, est-elle pertinente, sachant que 90 % de la dissuasion est assurée par les sous-marins ? Quel est le coût réel de la dissuasion nucléaire dans son ensemble ? Le ministère l’estime à environ 3,5 milliards d’euros, mais cette enveloppe ne concerne que le cœur de la dissuasion, non son environnement – vecteurs, essais, cycles de maintien en condition opérationnelle. Au total, la note pourrait s’élever à plus de 4,5 milliards d’euros. Confirmez-vous ce chiffre, monsieur le ministre ?

Par ailleurs, comment garantir que tous les programmes de démantèlement seront provisionnés pour 2014, ce qui ne fut pas, selon la Cour des comptes, le cas l’an dernier pour les chaufferies du Charles de Gaulle et pour partie des SNLE et SLA ? Le ministère de la défense a pourtant l’obligation juridique d’assurer le démantèlement de ses matériels militaires, notamment nucléaires. Alors que la conférence de révision du Traité de non-prolifération, prévue en 2015, se rapproche, comment la France pourra-t-elle avoir une position diplomatique assurée alors que rien n’a été entrepris en matière de démantèlement ?

Enfin, s’agissant du reformatage des armées, il me semble que la trajectoire empruntée aurait pu être nettement plus ambitieuse. Au-delà des considérations budgétaires générales et des contraintes qui pèsent sur les ministères, certains étant beaucoup plus fortement mis à contribution que celui de la défense, il en va de l’efficacité de nos armées. Nous plaidons pour des choix stratégiques plus marqués et en cohérence avec nos priorités diplomatiques. Nous considérons, comme d’ailleurs un certain nombre de militaires, que l’armée française est victime de la priorité trop longtemps donnée à des dépenses d’équipements technologiques de prestige. Nous souhaitons que l’on réoriente les priorités, notamment les moyens opérationnels, de façon à accomplir les opérations extérieures dans de meilleures conditions.

M. Jacques Moignard. Le groupe Radical Républicain Démocrate et Progressiste soutient le choix du Président de la République de maintenir l’effort de défense du pays par un budget stabilisé en valeur pour 2013 ainsi que pour les exercices 2014, 2015 et 2016. Avec 31,4 milliards d’euros par an, ce budget reste le troisième de l’État, après ceux de l’éducation et de la charge de la dette, et le premier pour l’investissement public – 17 milliards. Il s’inscrit dans la nouvelle loi de programmation militaire pour 2014-2019 qui se veut réaliste au regard de deux impératifs : le maintien de l’effort consacré par la Nation à sa défense, face à un spectre de risques et de menaces assez large ; l’objectif de redressement des finances publiques.

Rappelons que la précédente programmation 2009-2014, fondée sur une croissance du budget de 1 % en volume à partir de 2012, n’avait pas été financée. Elle s’est retrouvée dans une impasse budgétaire imposant des étalements importants des programmes d’armement. Tant et si bien qu’à la fin de 2012, l’écart entre les investissements prévus pour l’équipement des forces et les crédits atteignait 34 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un budget annuel total ! La nouvelle loi de programmation, en sanctuarisant nos moyens – ce que nous sommes le seul État européen à pouvoir faire –, doit nous permettre de conserver la possibilité d’assumer à la fois la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire et l’intervention sur des théâtres extérieurs, soit en mission de gestion de crise, soit en mission de guerre.

Les crédits de la mission « Défense » pour 2014 expriment cette ambition. Des recettes exceptionnelles permettront de maintenir les ressources au niveau de 2013. Il s’agit, pour un montant de 1,8 milliard d’euros, du produit de cessions d’emprises immobilières, du nouveau programme d’investissements d’avenir et de diverses redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences. Grâce à ces apports, les crédits budgétaires pour 2014 pourront être diminués.

Quant aux crédits d’équipement, ils connaîtront une augmentation de 500 millions d’euros, avec une programmation en hausse de 5,5 % pour l’entretien des matériels et un dégagement de crédits de 14 % au profit des munitions et des petits équipements.

En matière de recherche et de technologie, un effort de 750 millions d’euros de crédits sera consenti pour préserver la compétitivité économique de l’industrie de défense et accompagner la montée en puissance de la cyberdéfense.

Je m’arrêterai sur la question des effectifs, dont ce budget intègre une déflation de 7 880 emplois, surtout dans l’administration centrale. Comment s’organisera le plan d’accompagnement des restructurations pour les personnels militaires comme civils ? Y aura-t-il possibilité de mobilité vers les autres fonctions publiques, en particulier territoriale ?

Malgré cette baisse d’effectif, la défense demeurera le premier recruteur de l’État, avec 17 000 recrutements s’adressant notamment à des jeunes peu ou pas qualifiés. Quelles seront les modalités de recrutement et de formation, et quels seront les débouchés offerts ?

M. Jean-Jacques Candelier. Les révélations sur l’espionnage des États-Unis sont extrêmement graves. En matière de défense, le Gouvernement a le devoir de tirer toutes les conséquences politiques de cet acte d’agression. Notre participation au commandement militaire intégré de l’OTAN est directement remise en cause. L’achat de drones MALE aux États-Unis doit être revu : commander de tels drones, dont tous les systèmes informatiques et de télécommunication sont sous contrôle américain, revient à donner au Pentagone les clefs d’une partie de notre politique de défense. Si les députés du Front de gauche voient d’un bon œil les efforts sur la cyberdéfense, les drones, le ravitaillement en vol et le transport logistique, ils n’acceptent pas de dépendre des Américains, avec qui la confiance est rompue.

Ce budget n’est pas celui de notre indépendance : nous ne pourrons le voter.

En 2014, les effectifs seront réduits de 7 881 emplois. Comme toujours, on préserve les forces opérationnelles et l’on fait peser l’essentiel de l’effort sur l’administration et le soutien. Or, selon le chef d’état-major de l’armée de terre, s’agissant des personnels hors forces opérationnelles, l’identification des marges de rationalisation est difficile. Décider en dehors des réalités nous expose à de bien mauvaises surprises. S’agissant des forces opérationnelles, la dégradation des conditions de vie et de travail, l’enchaînement des réformes affectent la motivation de nos soldats. Il faut s’inquiéter de ce que la préparation opérationnelle de l’armée de terre passe de 150 à 90 jours.

Je terminerai en développant deux points. Premièrement, il est indispensable que s’ouvre une réflexion sur les coûts et l’utilité de la force nucléaire au moment où la communauté internationale pousse pour la mise en œuvre d’un traité d’interdiction des armes nucléaires, invoquant les conséquences humanitaires catastrophiques en cas d’utilisation de ces armes, sans oublier les victimes des plus de 2 000 essais nucléaires déjà réalisés dans le monde. Il faut mettre un terme à la course à l’armement nucléaire, contraire aux engagements internationaux de la France, notamment au Traité de non-prolifération, et négocier un désarmement nucléaire généralisé. Cela implique d’arrêter les programmes de modernisation de notre arsenal et de supprimer, comme première étape, la force nucléaire aéroportée. Quel est le coût précis de cette composante aéroportée dans le budget pour 2014 ?

Deuxièmement, pour mettre en évidence la logique de cette mission « Défense », qui supprime 7 881 ETPE, je mettrai en regard deux dépenses liées au personnel. D’un côté, 11 millions d’euros de mesures catégorielles sont prévus pour le personnel civil, soit une baisse de plus de 4 millions par rapport à l’année dernière. Rien n’est prévu pour les ouvriers de l’État. D’un autre côté, 195,2 millions seront consacrés aux mesures d’accompagnement des suppressions d’emploi. On le voit, c’est une logique antisociale et destructrice, dans la lignée complète de tous les budgets de la défense depuis 2007. Comment comprendre une telle orientation en période de crise économique et sociale ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. L’objectif de maîtrise de la masse salariale de votre ministère passe par la suppression de 7 880 ETP en 2014. Le programme 178 « Préparation et emploi des forces », sous l’autorité du chef d’état-major des armées, regroupe près de la moitié des crédits et plus des trois quarts des ressources humaines de la mission « Défense ». Les objectifs de réduction d’effectifs sont importants ; ils seront également accompagnés d’un objectif de dépyramidage. Rappelons que la Cour des comptes, dans son bilan à mi-parcours de la précédente LPM, avait souligné que, malgré la réduction importante des effectifs, la masse salariale avait continué sa progression, augmentant de un milliard d’euros entre 2008 et 2011. Un nouveau rapport de la Cour des comptes sur la rémunération des militaires, publié le 11 octobre 2013, constate la faiblesse de la maîtrise de la gestion de leur rémunération et la sous-estimation du coût du plan d’amélioration de la condition militaire lors de la précédente LPM. Les insuffisances de financement du titre II de cette précédente LPM ont entraîné des prélèvements sur les budgets d’équipement au profit des dépenses de fonctionnement. La fongibilité asymétrique a ainsi fonctionné, mais dans le sens inverse de celui prévu par la LOLF.

Quels outils de suivi et de contrôle allez-vous mettre en œuvre pour maîtriser la masse salariale et ainsi contenir les dépenses du titre II du programme 178 ?

Mme Marianne Dubois. La réserve constitue un vivier de 57 000 hommes s’appuyant sur le volontariat. Elle intervient aux côtés des forces armées lors de missions ou en cas de besoins ponctuels. Or, depuis plusieurs années, le budget de cette réserve opérationnelle est en décroissance, ce qui suscite une grande inquiétude jusque sur l’ensemble des bancs de notre assemblée.

Par ailleurs, il est nécessaire de faire évoluer le statut du réserviste opérationnel, car les hommes et les femmes qui travaillent dans la société civile rencontrent souvent beaucoup de difficultés pour s’absenter de leur emploi.

Quelles sont les mesures budgétaires et statutaires prévues pour pérenniser et renforcer la réserve opérationnelle ?

Mme Edith Gueugneau. La France est aujourd’hui engagée dans plusieurs opérations extérieures, dont l’opération Serval qui a particulièrement marqué l’année 2013. La réussite de l’intervention française au Mali ne doit rien au hasard mais plutôt au savoir-faire, aux compétences des femmes et des hommes de nos armées et à nos équipements. La France a ainsi réaffirmé des capacités d’intervention auxquelles peu de pays peuvent prétendre en Europe. Dans le cadre du présent projet de loi de finances, le financement des OPEX est établi à 450 millions d’euros, contre 630 millions en loi de finances initiale de 2013. Si le désengagement en Afghanistan ou la réduction des effectifs au Mali sont des éléments d’explication, d’autres précisions me paraissent nécessaires.

Peut-on espérer l’appui plus affirmé d’États partenaires, notamment européens, qui nous permettrait de diminuer nos surcoûts d’OPEX ?

M. Nicolas Dhuicq. Permettez-moi quelques remarques inspirées du monde réel et chaotique dans lequel nous vivons.

Alors que son PIB est inférieur au nôtre d’environ 25 %, la Fédération de Russie va dépenser, sur les dix prochaines années et pour sa seule flotte, autant que ce que nous allons consacrer annuellement sur les quatre ans qui viennent à l’équipement de l’ensemble des forces. La France fait-elle réellement des efforts suffisants pour rester une puissance maritime mondiale et défendre nos zones d’intérêt économique ?

Le Japon se dote d’une flotte de premier rang, avec plus de quarante navires, dont au moins trois sont de classe Aegis et d’un tonnage supérieur à 11 000 tonnes. La Corée du Sud fait exactement de même. Contrairement à ce que vous dites, il apparaît que notre pays connaît un déclassement progressif.

Quant à la Chine, c’est le seul pays au monde à produire encore des richesses. Si l’on soustrait la dette souveraine du PIB, la France ne produit que 5 % de son PIB en richesses réelles par an, contre 3 000 milliards sur un PIB de 6 000 milliards pour la Chine.

Dans ce monde instable où la majorité de nos approvisionnements vient de la mer, ce déclassement de la flotte, cette absence de la France dans le Pacifique sud, notamment en Nouvelle-Calédonie et sur certains îlots, est dramatique pour les intérêts de la nation. Vous nous comparez en permanence à des États européens qui désarment, à l’exception notable de la Royal Navy, qui lance aujourd’hui deux coques de porte-avions, et même de la Bundeswehr, qui aura plus de chars Leopard en opération que nos 200 Leclerc et qui se dote à la fois de la chenille et de la roue. Vous ne pouvez pas continuer à dire que nous restons la première armée d’Europe.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je suis d’accord avec M. Dhuicq sur deux points. D’abord, l’enjeu maritime est majeur pour l’avenir. Il est stratégique et essentiel dans l’Asie-Pacifique. Pour la première fois, la France est présente dans les conversations avec les différents pays de cette région. Je suis allé pour la première fois au sommet de Shangri-la au mois de juin 2012 et j’y suis retourné en juin 2013. La présence de la France y a été appréciée et l’ensemble des acteurs présents a reconnu qu’elle y avait totalement sa place comme partenaire.

Avant moi aucun ministre français de la défense n’avait participé à ces sommets qui réunissent depuis des années les ministres de la défense de la zone.

Par ailleurs, monsieur Dhuicq, avant de faire des déclarations péremptoires sur le renouvellement de la flotte russe, il faudrait avoir des informations sur son état réel, mais si votre commission veut y consacrer un rapport d’information, je suis preneur.

À l’appui de votre accusation de déclassement, monsieur Fromion, vous arguez essentiellement de l’absence de maintien en condition opérationnelle des forces. Mais si les pièces de rechange se font parfois attendre, si certains matériels ne sont pas suffisamment entretenus, c’est que le maintien en condition opérationnelle a servi pendant des années de variable d’ajustement budgétaire, du fait de l’incapacité, pointée par la Cour des comptes, de maîtriser les dépenses du titre 2, en dépit de la déflation des effectifs. C’est pour retrouver des marges de manœuvre que je veux remettre de l’ordre dans tout cela, et vous reconnaîtrez au moins qu’en prévoyant une augmentation de 5 % dans ce domaine, ce budget inverse la tendance.

Vous m’avez interrogé, madame Gueugneau et monsieur Hillmeyer, sur l’initiative européenne. L’Union européenne assure aujourd’hui la formation de l’armée malienne. Trois bataillons sont d’ores et déjà en cours de formation, et tout me laisse à penser que la mission européenne EUTM Mali de formation militaire sera prolongée de quinze mois. Il y aura à la fin de l’exercice une armée malienne structurée, soutenue par les partenaires européens.

On ne peut que se féliciter de la décision, prise à l’initiative de M. Van Rompuy, de dédier le Conseil européen de décembre aux questions de défense : on revient de loin puisque c’est la première fois depuis cinq ans qu’un Conseil européen sera consacré à ces questions, et seulement la deuxième fois en dix ans. La France entend à cette occasion mettre en avant des initiatives concrètes. Selon moi, seule une démarche pragmatique nous permettra d’avancer dans la construction d’une Europe de la défense à travers des initiatives porteuses d’avenir, sur le plan opérationnel, capacitaire et industriel.

Dans le domaine opérationnel, réduire les délais d’intervention de l’Union européenne en situation de crise serait une première avancée. L’intervention au Mali prouve la nécessité d’accélérer les procédures en ce domaine : entre le moment où les ministres de la défense européens ont décidé de façon unanime de soutenir le Mali et de créer une mission spécifique et le moment où le premier soldat est arrivé à Bamako, il a fallu attendre six mois et sept procédures différentes.

Dans le domaine capacitaire, nous devons progresser vers la mutualisation des forces européennes. Le commandement du transport aérien européen, EATC, basé à Eindhoven, pour l’instant limité à l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France, doit être une opportunité pour opérer un saut qualitatif autant que quantitatif en matière de mutualisation de nos capacités de ravitaillement et de transport.

Sur le plan industriel, la décision d’engager un programme de drones appuyé sur un financement dual constituerait déjà une belle avancée.

Enfin le conseil européen de fin d’année devrait être l’occasion de faire le point sur la sécurité européenne.

Nous devons absolument régler la question de la masse salariale, faute de quoi notre crédibilité serait en péril, et cela commence dès ce projet de budget.

Madame Dubois, j’ai dit il y a quelques jours devant le Conseil supérieur de la réserve militaire que les crédits destinés à la réserve ne serviraient plus de variable d’ajustement budgétaire, comme c’était le cas depuis plusieurs années, mais seraient maintenus à hauteur de 70 millions d’euros. Nous voulons par ailleurs fidéliser davantage, notamment en améliorant les partenariats avec les entreprises, et renforcer la réserve citoyenne, qui vise à mobiliser des réseaux d’experts dans des domaines pointus comme la cyberdéfense pour qu’ils puissent contribuer à l’effort de la Nation en faveur de sa sécurité. J’ai enfin décidé d’élargir le recrutement en favorisant le recrutement de réservistes issus de la société civile. Une telle politique devrait suffire à assurer l’attractivité de la réserve sans que nous ayons besoin de passer par une modification statutaire. Je souhaite enfin que la réserve opérationnelle puisse aussi être mobilisée en opération extérieure, ce qui renforcera la place des réserves dans notre défense.

Je maintiens mon affirmation, monsieur Fromion : nous serons la première armée d’Europe à la fin de la période.

S’agissant du gel des crédits, la discussion est en cours et nous en sommes à 1,5 milliard d’euros.

S’agissant du déménagement à Balard, monsieur Léonard, j’ai pris les dispositions nécessaires pour que le calendrier soit respecté : il aura bien lieu comme prévu dans le courant de l’année 2015.

Monsieur de Rugy et monsieur Candelier, je ne puis qu’acter notre désaccord en matière de dissuasion nucléaire. La dissuasion est nécessaire dans la doctrine française de la stricte suffisance : il s’agit de garantir notre sécurité face à des menaces majeures. Aujourd’hui, certaines puissances développent leur arsenal nucléaire ; nul n’ignore par ailleurs les risques de prolifération que font peser des pays comme la Corée du nord, le Pakistan et l’Iran, et d’autres peut-être. Il nous importe de garantir nos intérêts vitaux et d’éviter tout chantage à nos propres intérêts. C’est la raison pour laquelle nous maintenons les deux composantes de la dissuasion.

Sur les 31, 4 milliards d’euros de crédits de la Défense, la dissuasion nucléaire représente environ 3,2 milliards d’euros consolidés, soit entre 11 et 12 % du budget. Mais cette part fluctue en fonction des programmes. Or le missile Air-Sol Moyenne Portée-Amélioré, l’ASMP-A, vient d’être mis en œuvre. La modernisation des sous-marins nucléaires de deuxième génération se poursuit et la loi de programmation prévoit l’engagement des études nécessaires pour la mise en œuvre de sous-marins nucléaires de troisième génération.

Le débat sur la dissuasion a eu lieu au moment de l’élaboration du Livre blanc, monsieur de Rugy, mais c’est au Président de la République de trancher, et il a fait le choix du maintien de la doctrine de la stricte suffisance et des deux composantes, dont la complémentarité est un élément nécessaire de notre capacité de réaction face à un péril extrême.

Les mesures d’accompagnement des restructurations seront publiées quand la loi de programmation aura été votée. Je rappelle que 17 000 personnels militaires seront recrutés en 2014. Nous présenterons un bilan du financement des restructurations en cours. Je déplore que le dispositif antérieur n’ait pas été entièrement mobilisé. Tirant les leçons du passé, nous ferons en sorte que les 150 millions d’euros dévolus à ce programme dans la loi de programmation militaire soient effectivement utilisés en faveur des sites concernés.

S’agissant des ouvriers d’État, vous vous trompez, monsieur Candelier : j’ai pris la décision, communiquée aux organisations syndicales, de titulariser trois cents opérateurs de maintenance aéronautique et de recruter 104 ouvriers d’État dans des spécialités particulières. J’ai ainsi satisfait une revendication historique, une telle décision n’ayant pas été prise depuis plus de dix ans.

Les 150 jours de préparation opérationnelle comprenaient la préparation et l’entraînement pour les OPEX ; désormais, pour des raisons de clarté, les OPEX sont exclues du calcul, et c’est pourquoi on passe de 150 à 85 jours.

Enfin, monsieur de Rugy, la composante aérienne représente 7 % des 3,5 milliards d’euros affectés à la dissuasion nucléaire.

M. Daniel Boisserie. Je voudrais vous interroger sur la politique immobilière de votre ministère. Le budget qui lui est consacré représente presque la moitié du programme 212. Ce budget, hors titre 2, est en augmentation de 10,5 % en crédits de paiement et la capacité d’engagement est elle aussi en augmentation, de 9,9 %. C’est un bel effort, consacré notamment à la création, à l’adaptation ou à la mise aux normes d’infrastructures.

Ce budget est complété par des ressources issues des cessions immobilières de sites militaires désaffectés à hauteur de 206 millions d’euros. Or, lors des dix dernières années, le produit de ces cessions s’est révélé très inférieur aux prévisions budgétaires. Cela sera-t-il le cas en 2014 ? Par ailleurs, quelles seront les conséquences de la loi Duflot sur le produit de ces cessions ?

Enfin, nous constatons que l’habitat des militaires s’est considérablement dégradé depuis les années 2000. Cet abondement de crédit bienvenu sera-t-il suffisant ? Combien d’années seront nécessaires pour remettre ce parc dans un état satisfaisant ?

Mme Marie Récalde. Bien que l’industrie nationale de défense soit puissante et indépendante, ses sous-traitants évoluent dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Le choix de maintenir un niveau opérationnel suffisant, que nous saluons, ne nous dispense pas de nous interroger sur l’orientation prioritaire de nos marchés de défense vers le tissu des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI, de nos territoires, qui constitue un élément fondamental de notre base industrielle et technologique de défense. Quels dispositifs du projet de loi de finances permettront de soutenir nos PME et nos ETI sur les marchés de défense ?

M. Christophe Guilloteau. Je voudrais d’abord vous demander, au nom de mon collègue Didier Quentin, quel sera le sort de la base aérienne 721 de Rochefort.

J’aimerais par ailleurs savoir comment vous financerez les programmes qui doivent être financés par les recettes exceptionnelles prévues par votre loi de programmation militaire si celles-ci font défaut.

Quelle est votre réaction face aux inquiétudes exprimées par un groupe d’officiers en deuxième section écrivant sous le nom Les Sentinelles de l’Agora quant au devenir de notre armée ?

M. Philippe Nauche. Je voudrais d’abord vous féliciter, monsieur le ministre, d’avoir obtenu le maintien en volume des crédits de la défense dans un contexte difficile et malgré l’explosion de la dette publique héritée de la mandature précédente. Ce budget est le meilleur possible dans la situation actuelle car il préserve l’essentiel et l’avenir de notre outil de défense.

Vous avez tenu à ce que les réductions d’effectifs et les modifications de la carte des implantations militaires s’inscrivent dans une perspective d’aménagement du territoire. Ces réformes ne devraient-elles pas contribuer également à renforcer concrètement le lien entre la Nation et son armée ?

M. Pierre Lellouche. Je vous accuse, monsieur le ministre, de n’être pas sincère dans la façon dont vous présentez votre budget aux Français. Alors que la dépense publique continue d’augmenter, ce sont les ministères régaliens, les affaires étrangères et la défense nationale, qui supportent les économies. Le fait que ce budget soit en quelque sorte examiné à huis clos est significatif.

Par ailleurs, ce projet de budget comporte des recettes qui n’en sont pas vraiment, qu’il s’agisse des reports ou des recettes exceptionnelles. Certaines dépenses sont sous-estimées : on ne peut pas annoncer 450 millions d’euros pour les OPEX, alors qu’on va laisser au moins 3 500 hommes au Mali.

Votre budget nous conduit tout droit à un choix entre forces de dissuasion et forces de projection, qui commencent à être réduites de façon significative, comme l’opération malienne l’a montré. Comment pouvez-nous dire dans ces conditions qu’en 2017, l’armée française sera la première armée européenne ? Avec qui allez-vous faire l’Europe de la défense alors que la Grande-Bretagne baisse également sont budget de la défense ?

Mme la présidente Patricia Adam. Je rappelle que cette commission ne se déroule pas à huis clos : elle est ouverte à la presse et retransmise en direct.

M. Gwendal Rouillard. Je voudrais vous poser quatre questions sur la capacité d’exportation de la France. Quelles sont vos cibles prioritaires pour les années 2014 et 2015 et les perspectives pour les mois à venir ? Comment mieux associer les PME à cette capacité d’exportation ? Comment le ministère de la défense appréhende-t-il la question des transferts de technologie ? Dans quelle mesure le soutien de nos armées à notre capacité d’exportation peut-il être encore amélioré ? Celle-ci est un défi stimulant, selon moi. Mais l’exportation d’armement n’empêche pas de parler d’éthique.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Nos exportations d’armement, monsieur Rouillard, ont représenté 4,8 milliards d’euros en 2012 et l’année 2013 sera nettement meilleure, pour de multiples raisons. J’y ai un peu contribué, mais si les industriels ne sont pas là le ministre ne peut évidemment rien faire.

Nos meilleures perspectives d’exportation se trouvent au Moyen-Orient, où nos positions se sont renforcées ces dernières semaines pour les raisons de politique internationale que vous devinez, en Asie, en particulier l’Inde, Singapour et la Malaisie, enfin en Amérique du Sud : le Mexique et le Pérou ont exprimé la volonté de travailler de manière plus étroite avec la France, et il y a le Brésil. Nos entreprises sont très actives sur ces marchés, où leurs compétences sont reconnues.

Il faut que les PME s’intègrent dans le dispositif, ce qui se fera par le biais des accords qu’elles ont passés avec six industriels majeurs de l’armement dans le cadre du pacte Défense-PME, ces accords prévoyant l’accès de ces PME à l’exportation.

J’ai légèrement modifié le mode de fonctionnement du ministère, car il me semble qu’en matière d’exportation, il faut clairement distinguer, d’une part, le rôle des industriels, auxquels il revient de promouvoir commercialement les produits, et, d’autre part, celui du ministre, à qui il appartient d’établir les conditions politiques permettant les accords. En d’autres termes, je ne me déplace pas avec mon catalogue ; c’est le rôle des industriels. En revanche, je rencontre régulièrement les principaux décideurs des différents pays cibles, pour faire valoir nos accords stratégiques et évoquer avec eux la situation internationale. Cela commence à payer, mais cela demande du temps et de la patience.

Au sein du ministère j’ai également créé le COMED, comité ministériel d’exportation de défense, qui nous permet d’être très réactif.

Je ne polémiquerai pas avec M. Lellouche sur nos insuffisances. J’ai constaté au Mali l’absence de drones et d’avions ravitailleurs : j’en ai commandé ; j’ai constaté l’absence d’avions tactiques ; j’en ai commandé.

M. Yves Fromion. Quelle présentation caricaturale !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. J’essaie d’être opérationnel, monsieur Fromion, et ce n’est pas moi qui ai dit qu’il n’y avait ni drones, ni avions ravitailleurs, ni avions tactiques, mais M. Lellouche. Nous parlons de déclassement stratégique, n’est-ce pas ? Eh bien, j’ai pris mes responsabilités et je pourvois aux capacités manquantes. C’est également vrai pour le renseignement et pour le satellitaire.

M. Pierre Lellouche. Mais vous ne pouvez pas faire ça avec les financements que vous avez engagés !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Cela vous irrite, monsieur Lellouche, mais c’est la réalité.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Mais qui a signé pour l’A400M ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. C’était il y a quinze ans ! Et je ne parlerai pas des manquements de la précédente majorité en matière de renseignement électromagnétique, auxquels je remédie en lançant le programme CERES.

Certains ont émis des réserves sur les recettes exceptionnelles et s’interrogent sur notre capacité à les mobiliser selon le calendrier adéquat. Mais ces recettes seront là en 2014, comme elles l’ont été en 2013. Quand le conseil de défense garantit 190 milliards d’euros sur la période 2014-2019, cela signifie que les recettes exceptionnelles seront au rendez-vous. Le respect de calendriers très précis nécessitera vigilance et anticipation, qu’il s’agisse de la bande des 700 MHz ou de l’immobilier, mais j’ai confiance.

J’ai été interrogé sur les cessions immobilières. Tout me laisse penser que les 200 millions d’euros inscrits au budget de cette année seront réalisés, ce chiffre intégrant bien entendu le dispositif Duflot. De même, nous atteindrons les 600 millions d’euros de cessions immobilières inclus dans les 6,1 milliards de recettes exceptionnelles programmées pour 2014-2019.

Monsieur Guilloteau, je rends visite à nos forces quasiment chaque semaine. Je suis allé cinq fois au Mali, cinq fois en Afghanistan – dont une fois avec vous –, et je me rends fréquemment auprès des forces métropolitaines. Je rencontre des armées fières d’elles-mêmes, des militaires toniques, professionnels, qui « en veulent ». Leurs interrogations portent toujours sur les mêmes sujets : Louvois, les bases de défense et le maintien en condition opérationnelle. C’est à ces questions qu’il convient donc d’apporter des réponses, plutôt qu’à certains articles de presse que j’ai entendu évoqués. Je conçois que des officiers supérieurs en seconde section continuent à s’intéresser au fonctionnement des armées mais, plus le temps passe, moins ils sont près du sujet. Je rencontre pour ma part des chefs de corps et des patrons d’unité aérienne de grande qualité, qui ont foi dans nos forces et nos capacités. Cela étant, j’ai demandé que me soit remis avant la fin de l’année un rapport sur la condition militaire et la manière d’y apporter des améliorations. C’est pourquoi j’insiste sur les bases de défense, car c’est là que se joue la vie quotidienne.

Je souhaite comme Philippe Nauche renforcer la réserve sur l’ensemble du territoire, pour approfondir le lien armées-nation. C’est dans cette perspective que j’ai participé à deux reprises à des journées Défense et citoyenneté.

J’ai aussi parlé d’aménagement du territoire. Pour maintenir un lien permanent entre l’armée et la nation, il est important en effet d’éviter de créer des déserts militaires, et cela doit rentrer en ligne de compte, avec les autres critères, dans le difficile choix des fermetures de sites.

J’ai enfin souhaité que soit renforcée la communication en direction du grand public. « Envoyé spécial » a diffusé la semaine dernière un reportage sur le Mali réalisé, pour la première fois, à partir de films tournés par des militaires en opération. J’en ai eu des échos très positifs et souhaite poursuivre dans cette direction. Il faut de la transparence.

Pour en revenir aux exportations, j’insiste une fois encore sur le rôle des PME. J’ai passé des accords avec plusieurs régions pour que soit mis en place un guichet d’information unique. La DGA et les régions doivent passer des contrats afin de favoriser l’innovation. J’ai également décidé de renforcer le dispositif RAPID, qui permet d’accompagner les PME qui se lancent dans des innovations duales. Les crédits affectés au dispositif sont passés, malgré la contrainte budgétaire, de 40 à 50 millions d’euros.

Je crois aux capacités d’innovation des PME liées à la défense, qui participeront plus largement au redressement productif du pays.

M. Christophe Guilloteau. Qu’en est-il de la base 721 ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. J’ai expliqué tout à l’heure selon quels critères étaient prises les décisions de suspension et de dissolution.

M. Patrice Martin-Lalande. Le détachement du 2e régiment du matériel de Salbris emploie actuellement cent soixante personnes, dont quatre-vingt cinq civils et trente-huit militaires, au titre de la défense nationale. Il fait partie des gros dépôts de munition.

Dans le cadre de la réforme du service interarmées des munitions, la question du maintien du site de Salbris a été posée. Or le bassin d’emploi de Salbris a déjà payé un lourd tribut à la restructuration des industries de défense, avec la disparition de plus de deux mille emplois ces dernières années, et il ne peut être de nouveau mis à contribution.

Alerté par mes multiples interventions, Gérard Longuet avait finalement décidé que, pour la période 2008-2014, le dépôt de munitions de Salbris ne serait pas concerné par la rationalisation du service des munitions. Pour la période qui s’ouvre en 2015, quelles sont les intentions du Gouvernement en matière d’organisation du SIMU au plan national et au plan régional, et quel avenir sera réservé au site de Salbris ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je me suis déjà exprimé très longuement sur tous ces sujets, y compris sur la méthode qui est la mienne.

Croyant bien faire, l’un de mes prédécesseurs au ministère avait annoncé un plan pluriannuel. Or un tel plan se révèle souvent difficile à mettre en œuvre, compte tenu des imprévus qui peuvent survenir. J’annoncerai donc chaque année mes décisions concernant d’éventuelles dissolutions. J’ai évoqué les principaux critères qui seront pris en compte : toucher le moins d’unités opérationnelles possible, limiter au maximum les dissolution, veiller à l’aménagement du territoire et à la cohérence militaire, préserver l’intérêt financier global de la défense, tels seront les impératifs qui guideront mes choix.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, nous vous remercions pour toutes vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures quarante.

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