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Assemblée nationale

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

(Application de l’article 120 du Règlement)

Lundi 5 novembre 2012

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances,
et de M. Patrick Bloche,
président de la Commission
des affaires culturelles,

La réunion de la commission élargie commence à seize heures dix.

projet de loi de finances pour 2013

Culture

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, je suis heureux de vous accueillir avec mon collègue et ami Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, afin d’examiner en commission élargie les crédits de la mission « Culture » pour 2013.

Cette procédure, je le rappelle, vise à favoriser des échanges interactifs entre les députés et le Gouvernement, fondés sur des interventions brèves et des réponses précises.

M. le président Patrick Bloche. Je me réjouis moi aussi de présider avec Gilles Carrez cette réunion qui nous permet de nous retrouver, madame la ministre, après l’examen la semaine dernière, selon la procédure classique, des crédits des médias.

Comme le disait le Président de la République en début d’année, nous avons d’autant plus besoin de culture que la crise économique et sociale est profonde. Madame la ministre, l’occasion vous est offerte aujourd’hui de nous exposer, compte tenu des arbitrages budgétaires qui ont été opérés et dans le cadre contraint que nous connaissons tous, les priorités que vous avez fait valoir.

M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Dans ce projet de budget fortement contraint, les deux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont relativement préservés. Les moyens du premier, en baisse de 1,6 %, sont ramenés à 774,9 millions d’euros ; ceux du second ne diminuent que de 0,2 %.

En ce qui concerne la création, vous avez clairement choisi, madame la ministre, de soutenir les structures de production et de diffusion, pour le spectacle vivant comme pour les arts plastiques, dont les dotations de fonctionnement progressent respectivement de 1,2 et de 3,4 %. En contrepartie, les opérateurs du programme sont mis à contribution par une baisse différenciée de leurs subventions, qui pèse davantage sur les plus solides d’entre eux et passe parfois par un prélèvement exceptionnel sur leur fonds de roulement. Il s’agit d’une sorte de rééquilibrage territorial qui privilégie le soutien aux réseaux de création à travers tout le territoire, les opérateurs auxquels des efforts sont demandés étant essentiellement implantés à Paris.

Par ailleurs, les moyens alloués aux investissements sont en hausse, ce qui s’explique principalement par le projet de Philharmonie de Paris. Cinquante millions d’euros sont inscrits pour honorer les échéances de ce chantier d’envergure en 2013, mais 25 millions d’autorisations d’engagement supplémentaires sont également prévus pour faire face au dérapage substantiel du coût du projet, passé de 336,5 à 387 millions d’euros, soit une augmentation de 15 % qui ne laisse pas d’inquiéter votre rapporteur spécial. Le surcoût est partagé entre la Ville de Paris et l’État.

Enfin, l’année 2012 a été marquée par la réouverture du Palais de Tokyo après dix mois de travaux qui ont presque triplé sa superficie et dont l’achèvement explique en grande partie la baisse de 10 % des crédits alloués aux arts plastiques.

Une question : un récent rapport sur le financement du spectacle vivant conclut à la nécessité d’une loi d’orientation, maintes fois évoquée et qui a fait l’objet d’un engagement du Président de la République. Quelles sont vos intentions en la matière, madame la ministre ?

Au sein du programme « Transmission des savoirs », priorité est donnée à l’enseignement supérieur culturel et à l’éducation artistique et culturelle. Pour le premier, les crédits de paiement augmentent de 2,5 %, à 232,2 millions d’euros. Trente postes d’enseignants sont créés dans les écoles nationales d’architecture et dans les écoles d’art. Les ressources allouées aux bourses augmentent de plus de 10 %, ce qui témoigne d’une ferme volonté d’améliorer les conditions de la vie étudiante. En outre, un plan ambitieux est engagé en faveur de l’éducation artistique et culturelle pour un montant total de 15 millions d’euros sur trois ans, dont 2,5 l’année prochaine.

Le plan Lang-Tasca a été un formidable moyen de démocratiser la culture et lorsque les précédents gouvernements ont mis fin aux crédits dont il bénéficiait, de nombreuses municipalités ont comme la mienne, à Lyon, reconduit sans financement de l’État les projets engagés. On ne peut donc que se réjouir de voir renaître cette grande ambition. L’art ne doit pas être la matière que l’on pratique après toutes les autres, il ne saurait être sacrifié aux savoirs jugés fondamentaux. L’éducation artistique et culturelle est un merveilleux sésame offert à toutes les formes d’intelligence. Il s’agit d’éveiller la passion des enfants et, comme le savent tous les enseignants, c’est d’abord la passion que l’on transmet ; or, qui mieux que l’artiste peut transmettre la passion pour l’art ? Il faut avoir vu le quatuor Debussy travailler avec les enfants des écoles de la Croix-Rousse pour mesurer le prix du contact entre l’enfant et l’artiste.

En contrepartie, les financements dévolus à l’action culturelle internationale ainsi qu’aux conservatoires régionaux et départementaux diminuent.

Enfin, les moyens de soutien pour le ministère sont eux aussi très contraints : si la diminution des effectifs se ralentit nettement, les crédits de fonctionnement baissent de 7 %.

Rattaché au programme « Transmission des savoirs », le Centre national du cinéma, essentiel à la diversité et à la vitalité de notre production cinématographique, est fortement mis à contribution par un prélèvement de 150 millions sur son fonds de roulement, alors même que l’incertitude est grande s’agissant de l’une des taxes qui lui sont affectées – la TST distributeurs –, dont la réforme issue de la loi de finances pour 2012 n’a pas été avalisée par la Commission européenne. Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur ce point ? Quand un nouveau projet de réforme sera-t-il présenté et sur quels principes se fondera-t-il ?

Je l’ai dit lors de la discussion générale du budget, je ne peux que regretter les fortes restrictions dont les crédits de la culture font l’objet. Cette critique ne s’adresse pas à vous, madame la ministre, qui avez géré au mieux les crédits qui vous étaient alloués. Mais le financement de la culture doit être considéré comme un investissement fondamental pour une société, au même titre que celui du système éducatif, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Son budget avait doublé au cours des quatre premières années de la présidence de François Mitterrand, et il a augmenté sous tous les gouvernements de gauche. Je regrette donc qu’il n’ait pu être davantage préservé pour 2013 et je m’inquiète des perspectives que trace la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017. J’espère, madame la ministre, que cette critique pourra vous être utile, d’autant qu’elle émane du porte-parole du groupe SRC pour le budget, qui, en dehors de ce point de désaccord, ne tarit pas d’éloges quant à l’équilibre et la pertinence du projet de loi de finances pour 2013.

Le financement de la création culturelle doit également s’appuyer sur l’un des acquis fondamentaux de l’exception culturelle française : le statut des intermittents du spectacle, lequel ne peut être considéré comme une simple assurance chômage. Sans financement public de la recherche, pas de recherche fondamentale ; le financement de la création, notamment de la période de création indispensable au spectacle vivant, est tout aussi primordial. J’espère que l’on s’en souviendra, lors de la renégociation prévue d’ici à la fin 2013.

M. Jean-François Lamour, rapporteur spécial de la Commission des finances, pour les patrimoines. L’effort budgétaire en faveur des patrimoines, en net recul par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012, témoigne des tensions persistantes sur les comptes publics. Les crédits de paiement diminuent de près de 10 % pour revenir à 775,9 millions d’euros et les autorisations d’engagement, en baisse de 5,5 %, sont ramenées à 760,5 millions. En outre, par rapport aux deux autres programmes de la mission, les patrimoines font figure de parents pauvres de la politique culturelle. Conscient de la nécessité plus impérieuse que jamais de maîtriser la dépense publique, je déplore néanmoins que l’effort ne soit pas plus équitablement réparti – les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs » ne baissent que de 1,6 et 0,2 %. Le choix de traiter moins bien le patrimoine est particulièrement regrettable à l’approche du centième anniversaire de la loi relative aux monuments historiques.

Je m’inquiète par ailleurs des mesures d’économie dont les opérateurs du programme feront l’objet. Si je n’en conteste pas le bien-fondé, l’ensemble de la sphère publique devant participer à l’effort de maîtrise de la dépense, je redoute les effets pervers de la méthode retenue. C’est un rasoir à double lame qui sera passé sur les opérateurs, puisqu’à la diminution des subventions s’ajouteront des prélèvements sur le fonds de roulement de certaines institutions patrimoniales. En procédant de la sorte, et sans même parler de la diminution des crédits d’acquisition ou de la compensation de la gratuité, l’on risque d’obérer la capacité d’investissement des opérateurs et de ramener le fonds de roulement de certains d’entre eux en deçà du seuil critique de trente jours. N’eût-il pas été plus avisé de réfléchir aux marges de manœuvre envisageables au sein du programme, notamment par la suppression de niches fiscales dont l’efficacité n’est pas toujours avérée ? Concernant le montant de certaines d’entre elles, je m’étonne par ailleurs du décalage entre les données officielles qui figurent dans les documents budgétaires et les informations que m’ont communiquées les opérateurs.

Au-delà de la diminution de crédits qui s’explique par l’achèvement ou l’arrêt de certains projets, comment justifier l’inégalité de traitement entre le programme 175 et les programmes 131 et 224 ? D’autre part, madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que les prélèvements sur fonds de roulement seront véritablement exceptionnels ?

J’en viens à l’action 3, « Patrimoine des musées de France », qui concentre 48,4 % des crédits de paiement du programme, destinés notamment à financer les derniers travaux relatifs au musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée ainsi que le plan Musées en régions 2011-2013. Je me réjouis que le Gouvernement mène à terme ce plan volontariste de rééquilibrage culturel de nos territoires, lancé par la précédente majorité. En revanche, je ne peux que déplorer l’abandon pur et simple du projet de Maison de l’histoire de France. Dans une démocratie apaisée, la présentation de notre histoire commune, éclairée par la communauté scientifique, ne devrait pas susciter la polémique.

En ce qui concerne les musées, le projet relatif au centre des réserves de Cergy a été abandonné alors que le risque de crue centennale demeure et que les plans d’évacuation de certaines institutions, le Louvre et Orsay par exemple, ne semblent pas pouvoir assurer la mise à l’abri de toutes leurs réserves dans cette éventualité. Quelles actions prévoyez-vous à cette fin ?

Quant à l’augmentation envisagée de la redevance d’archéologie préventive, je suis sceptique. En revenant sur l’exonération dont bénéficient les constructions individuelles, vous opéreriez une ponction fiscale supplémentaire sur les contribuables. Contrairement à ce qu’a laissé entendre le Premier ministre, il est probable que plus de 10 % de nos concitoyens seront concernés. Pourtant, rien ne justifie objectivement ce prélèvement : les surfaces aménagées sont trop réduites pour que le patrimoine enfoui encoure un risque, sinon de manière marginale. L’exonération n’a d’ailleurs jamais nui au respect des impératifs scientifiques. En outre, vous choisissez la facilité en pilotant l’archéologie préventive par la seule recette, sans tenter de maîtriser la dépense.

Enfin, madame la ministre, vous avez récemment annoncé une rénovation de nos lois patrimoniales. Pouvez-vous nous indiquer les grandes orientations et le calendrier du futur projet de loi ?

Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, le ministère de la culture ne saurait se soustraire à l’effort de redressement des comptes publics. C’est l’occasion d’une réflexion stratégique sur les priorités de la politique culturelle pour les cinq ans à venir.

Au nombre de ces priorités figurent la jeunesse et l’éducation. L’éducation artistique et culturelle bénéficiera de 2,5 millions supplémentaires dès 2013, puis de 5 millions en 2014 et de 7,5 millions en 2015. Il convient de s’en féliciter, car elle est essentielle à la démocratisation culturelle. Vous avez en outre annoncé, madame la ministre, l’ouverture d’un chantier national en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Comment le concevez-vous ? Sous quelle forme comptez-vous associer au projet les collectivités territoriales ? Comment s’articulera-t-il aux réflexions sur la refondation de l’école ?

La priorité donnée à la jeunesse et à l’éducation se traduit par une hausse de 2,5 % des crédits de paiement destinés aux établissements d’enseignement supérieur. Pourriez-vous les détailler, s’agissant des écoles nationales supérieures d’architecture, dont les directeurs avaient appelé l’attention des élus, dans une lettre ouverte, sur l’insuffisance des moyens mis à leur disposition. L’enseignement et la recherche en architecture ont fait l’objet d’une attention toute particulière : plus de 50 postes vont être créés et vous avez annoncé une vaste concertation associant tous les acteurs des écoles – enseignants, personnels administratifs, étudiants – et les représentants de la profession, des maîtres d’ouvrage publics et privés, des collectivités territoriales et de la société civile. Pouvez-vous nous en préciser les objectifs et le déroulement prévisionnel ?

S’agissant du soutien à la création, les crédits d’intervention en faveur du spectacle vivant et des arts plastiques sont sanctuarisés. Cela découle logiquement de l’importance économique et sociale de la culture, trop souvent présentée comme une source de dépenses, alors qu’elle est aussi un facteur de croissance et d’emploi sur tout le territoire. Vous avez d’ailleurs annoncé, madame la ministre, un projet de loi d’orientation pour la création qui doit contribuer à faire de celle-ci un moyen de développement. Pourriez-vous en détailler les mesures ? D’autre part, pouvez-vous nous éclairer sur les objectifs et le fonctionnement de la mission « Musique » que vous souhaitez créer au sein de votre ministère ?

L’action du CNC est à bien des égards remarquable. Le financement des contenus par les diffuseurs est un principe vertueux qu’il faut préserver. La bonne santé du cinéma français en apporte l’éclatante démonstration, ainsi que notre avance en matière de numérisation des salles. Où en est cette dernière, notamment dans les salles peu actives ? Quid de la situation des circuits itinérants, essentiels à l’animation et à l’accès à la culture dans nos territoires, en particulier ruraux ?

Malheureusement, le CNC risque d’être fragilisé, et avec lui tout l’écosystème du cinéma et de l’audiovisuel, par les conséquences du veto communautaire auquel s’est heurtée la réforme de la TST distributeurs adoptée l’an dernier afin de faire cesser certains comportements d’optimisation fiscale. Où en sont vos discussions avec la Commission européenne, madame la ministre ? Dans ce contexte, sur quelles ressources le CNC peut-il compter pour 2013 ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour les patrimoines. Dans notre civilisation, disait Malraux, l’avenir ne s’oppose pas au passé, il le ressuscite. Convenons, madame la ministre, que, pour préparer l’avenir immédiat, votre projet de budget ne tient guère compte de notre passé patrimonial.

Vous nous présentez en effet une baisse spectaculaire et inédite des crédits alloués aux patrimoines, parfaitement résumée par mon collègue Lamour. Si certaines baisses doivent être relativisées – ainsi la diminution de 48 % des crédits de l’action 4 s’explique-t-elle en grande partie par l’achèvement du projet de Pierrefitte-sur-Seine –, d’autres sont plus inquiétantes. J’en retiendrai trois : la baisse de moitié des crédits d’acquisition ; la diminution de 20 % des crédits de l’action « Patrimoine archéologique » ; la réduction de 13 % de ceux de l’action « Patrimoine monumental ».

Ces baisses touchent des dépenses d’investissement, s’agissant notamment de cette dernière action, ce qui ne pourra que ralentir les opérations d’entretien et de restauration. Je ne partage pas l’optimisme du dossier de presse fourni par votre ministère, qui évoque un rééquilibrage au profit des territoires alors que ceux-ci sont loin de bénéficier d’un effort supplémentaire. Si les crédits d’entretien se maintiennent peu ou prou, les crédits de restauration baissent de 13,2 % pour les monuments historiques appartenant à l’État et de près de 11 % pour les autres. Les conséquences sur l’état de notre patrimoine pourraient être lourdes : tout élu le sait, lorsqu’une restauration est reportée, l’état du monument risque de se dégrader.

Les crédits alloués aux grands projets baissent en conséquence de l’abandon du projet de Maison de l’histoire de France. À ce propos, je note que les 15 millions inscrits en projet de loi de finances pour 2012 n’ont pas été redéployés.

S’agissant enfin des acquisitions, même si les crédits ne sont pas très élevés – 8,55 millions –, leur baisse de moitié inquiète d’autant plus que le Gouvernement a semblé incertain à l’égard du mécénat. Il s’en est fallu d’un cheveu de Mona Lisa que les dispositifs fiscaux favorables au mécénat d’entreprise disparaissent ! Si vous avez su, madame la ministre, vous soustraire sur ce point à l’autoritarisme du ministre du budget, nous espérons que les arbitrages vous resteront favorables au cours des années à venir.

Selon un rapport publié par le CREDOC en juin dernier, 57 % des Français auraient visité un musée ou un monument au cours des douze mois précédents. Pourtant, l’accès des classes populaires et moyennes aux collections nationales reste insuffisant. Les statistiques manquent pour juger de l’effet des mesures adoptées sur la démocratisation, qu’il s’agisse de la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans, ou des expériences et projets de déconcentration culturelle – « Pompidou mobile » et Pompidou-Metz, en attendant le Louvre-Lens. Selon un constat partagé, toutefois, la communication vis-à-vis des publics les plus éloignés de la culture n’est pas suffisante pour provoquer le fameux choc culturel que Malraux appelait de ses vœux.

Quelques questions. Sur les 15 millions alloués en 2012 au projet de Maison de l’histoire de France, 11,25 millions devaient financer des travaux touchant des établissements censés participer à la MHF, dont le musée du château de Compiègne et le musée des plans-reliefs des Invalides. Ces travaux seront-ils réalisés ?

Comment l’espace libéré par le transfert des archives à Pierrefitte-sur-Seine sera-t-il utilisé ?

Le musée du Louvre et la Caisse des dépôts devaient être sollicités pour vérifier le schéma économique du projet d’Hôtel de la marine : qu’en est-il ?

Dans l’acte III de la décentralisation annoncé par le Président de la République, faut-il s’attendre à ce qu’une partie du programme « Patrimoines » soit décentralisée au profit des régions ?

Enfin, comment concrétiser la démocratisation de l’accès aux collections nationales, le coût n’étant manifestement pas le seul obstacle à la création d’un habitus culturel parmi les publics visés ?

M. le président Gilles Carrez. Les rapporteurs ont mis l’accent sur la baisse, voire l’insuffisance des crédits. Je me suis intéressé, pour ma part, à l’évolution du budget consolidé de la culture et des médias au sens large : si l’on additionne les crédits budgétaires stricto sensu, les dépenses fiscales, les comptes spéciaux et les subventions aux opérateurs, cela représentait 6,056 milliards d’euros en 2004 et 8,836 milliards en 2012 – et près de 10 milliards si on ajoute le coût du régime des intermittents du spectacle –, soit une progression de 46 % en 8 ans. Notre pays peut-il, compte tenu de l’état de ses finances publiques, soutenir durablement de telle évolutions ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Mon budget s’établit à 7,2 milliards, l’impact économique des secteurs culturels est généralement sous-estimé : leur contribution représente au moins 2,8 points de PIB, soit 28,7 milliards d’euros. Cela est loin d’être négligeable.

On débat actuellement de compétitivité. Mais les externalités positives des activités culturelles – en matière de développement et d’attractivité économiques, d’emploi, de renforcement du lien social, de prévention de la délinquance, d’amélioration des conditions de vie des personnes âgées dans les maisons de retraite –, qui apparaissent évidentes aux élus locaux, ne sont pas suffisamment prises en compte dans les évaluations de la politique culturelle à l’échelle nationale.

L’excellence française est reconnue dans plusieurs domaines : muséographie ; restauration et conservation du patrimoine ; production cinématographique – qui s’exporte très bien – ; organisation de festivals – qui ont connu une fréquentation record cette année encore, malgré la crise. Sachons nous appuyer sur ces secteurs pour favoriser la relance.

La culture est un puissant facteur de construction de la citoyenneté et du lien social, mais son poids économique doit également être mieux pris en compte. J’ai d’ailleurs saisi mon collègue de l’économie et des finances pour que nous lancions une mission conjointe de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) afin d’évaluer l’impact économique de la culture dans notre pays.

Le ministère de la culture participe, naturellement, à l’effort de redressement des finances publiques. On ne pourra pas le qualifier de ministère dépensier cette année. Le budget de la mission « Culture » s’établit à 2,63 milliards d’euros en 2013, soit 94 millions d’euros de moins qu’en 2012, en baisse de 3,3 %.

Il a donc bien fallu faire des choix : j’ai préféré préserver l’ensemble des crédits d’intervention dans les régions et faire porter l’effort sur les opérateurs dont la situation financière était la plus solide, afin de n’affecter les missions fondamentales d’aucun d’entre eux. Certains disposaient de fonds de roulement élevés.

En outre, il convenait d’abandonner la logique inflationniste des grands projets, lourds en termes d’investissement et de frais de fonctionnement. Après évaluation de chacun d’entre eux, nous avons décidé d’arrêter entièrement certains, tel l’aménagement d’un deuxième espace consacré à la photographie dans Paris, à l’hôtel de Nevers.

D’autres ont été réorientés, en particulier la Maison de l’histoire de France : son installation physique est abandonnée, mais le ministère de la culture consacrera 2 millions en 2013 au développement d’un site internet qui mettra en réseau l’ensemble des musées d’histoire de France. Ce projet revêt une forte dimension pédagogique : dans le cadre des commémorations de la guerre 1914-1918, il permettra notamment un travail dans les archives à partir des matricules des soldats. Nous utilisons ainsi les fonds très riches de nos musées sans créer d’établissement public supplémentaire, avec tous les coûts induits.

D’autres projets ont été redimensionnés, en concertation avec les collectivités territoriales : la tour Utrillo à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, le Centre d’art pariétal Lascaux IV, la nouvelle salle de la Comédie française.

En revanche, les projets déjà bien engagés, et correspondant à de réelles nécessités, seront poursuivis : le nouveau bâtiment des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine ; le MuCEM à Marseille, qui sera capitale européenne de la culture en 2013 ; la Philharmonie de Paris, qui sera inaugurée dans deux ans. L’accumulation de grands projets ne fait pas une politique culturelle, mais nous avons préservé ceux qui avaient une justification et un intérêt véritable.

En raison de l’arrêt ou de la réorientation de certains projets, l’effort budgétaire semble porter davantage sur le programme 175 « Patrimoines ». Cependant, les opérateurs les plus importants du programme « Création » sont également concernés : leur subvention sera diminuée de 1,5 à 2,5 % en 2013. Quant aux prélèvements sur les fonds de roulement, je confirme leur caractère exceptionnel, monsieur Lamour. Le ministère de la culture a fait sa part des économies. Je compte sur la représentation nationale pour défendre ce budget l’année prochaine.

Alors que notre politique s’est trop longtemps concentrée sur un petit nombre de grands projets à Paris et en Île-de-France, j’ai souhaité préserver les crédits d’intervention et de fonctionnement du ministère dans les régions. Les crédits déconcentrés en faveur du spectacle vivant, amputés ces dernières années, augmenteront même légèrement – de 1,2 % – pour s’établir à 422 millions.

Les engagements déconcentrés de l’État en faveur des monuments historiques et de l’architecture sont également maintenus. Les premiers s’élèveront à 322 millions en 2013. Ils contribueront à la protection et à la mise en valeur des sites, et permettront de poursuivre la transformation des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP). À cet égard, l’échéance de 2015 fixée par la loi Grenelle II de 2010 sera très difficile à tenir : au rythme actuel, seule une moitié des ZPPAUP aura changé de statut à cette date. L’un des objectifs de la loi sur le patrimoine sera de maintenir le niveau de protection de l’autre moitié.

Pour vous répondre, madame Langlade, je souhaite un dialogue accru avec les collectivités territoriales, notamment sur l’utilisation des crédits consacrés aux monuments historiques. À cette fin, je compte réunir régulièrement le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel – je l’ai déjà fait une fois – et installer des antennes locales de ce conseil. En revanche, je ne prévois pas, monsieur Darmanin, de nouvelle étape de décentralisation en matière culturelle. Les collectivités ne sont d’ailleurs pas particulièrement demandeuses d’un transfert de compétences supplémentaires, s’agissant des monuments historiques.

J’ai choisi de donner la priorité à l’éducation artistique et culturelle, en augmentant ses crédits – certes modestes – de plus de 8 %, ce qui les porte à 33,2 millions en 2013. Il s’agit d’accompagner les actions des établissements et des services en ce domaine. Cette démarche s’inscrit également dans le cadre de la concertation sur l’école lancée par le ministre de l’éducation nationale. J’installerai la semaine prochaine un comité de pilotage présidé par Marie Desplechin, qui sera chargé de faire des propositions pour que les enfants de toutes les régions de France soient touchés par les actions d’éducation artistique et culturelle. De nombreuses initiatives sont prises par les collectivités territoriales, mais seuls 15 % des élèves seraient actuellement concernés pendant toute la durée de leur scolarité.

L’enseignement supérieur et la recherche étant une priorité forte du Président de la République, les moyens consacrés aux écoles supérieures d’art, d’une part, et d’architecture, d’autre part, progresseront de 2 % pour s’établir à 232,2 millions en 2013. Cet effort permettra d’achever la réforme LMD et de créer 30 postes dans ces écoles. Les crédits affectés aux bourses seront augmentés, pour leur part, de 10,8 % afin de financer le dixième mois de bourse qui n’avait pas été budgété. En outre, le ministère de la culture participe au dispositif des emplois d’avenir, qui permettra aux jeunes d’acquérir une première expérience et une formation. Je vais signer prochainement, à ce titre, les premières conventions avec le musée du Louvre, le château de Versailles et le Centre des monuments nationaux.

Pour la première fois, la gratuité accordée aux 18-25 ans sera compensée en loi de finances initiale, à hauteur de 18 millions d’euros. La gratuité a été évaluée positivement par l’IGAC. Elle n’est cependant pas suffisante en soi : j’encouragerai les musées à développer leurs actions en faveur des jeunes.

La loi d’orientation attendue en 2013 permettra d’inscrire dans la loi les principes de liberté d’expression, de pluralisme et de diversité artistique, et de donner des objectifs et des moyens à une politique nationale en faveur de la création dans son ensemble – spectacle vivant et arts plastiques. Elle sera l’occasion de mieux définir la place et le rôle de l’État et des collectivités territoriales. Il convient de mieux utiliser le réseau très dense des structures, labellisées ou non, qui existent dans les territoires et de clarifier les financements accordés à chaque type d’établissement.

Une réflexion sera également menée au sujet des dispositifs statutaires, conventionnels et sociaux. La mission d’information sur les emplois culturels conduite par Patrick Bloche et Jean-Patrick Gille, constituera une contribution précieuse à cette réflexion. Les annexes VIII et X à la convention relative à l’assurance chômage arrivant à expiration le 31 décembre 2013, les partenaires sociaux renégocieront l’an prochain le régime des intermittents du spectacle. L’État les y encouragera : il convient de pérenniser le système d’accompagnement des artistes et des techniciens, dont l’activité est par nature précaire, tout en renforçant les vérifications pour lutter contre les dérives et les abus.

Des interrogations ont vu le jour, dans le rapport du sénateur Yann Gaillard notamment, à propos de la Philharmonie de Paris. Il s’agit d’un projet ancien que plusieurs majorités ont eu à traiter et qui a pris du retard : le précédent gouvernement a suspendu les travaux pendant un an, en 2010, avant que le Président de la République de l’époque ne décide finalement de poursuivre le chantier. La ville de Paris a besoin de cette grande salle symphonique de 2 400 places. Le gros œuvre est aujourd’hui achevé, et il convient de mener le projet à bien. Le surcoût de 50 millions sera assumé à parité par l’État et la ville de Paris, le Conseil régional d’Île-de-France devant maintenir sa participation à hauteur de 20 millions.

Contrairement à ce qui est avancé dans le rapport Gaillard, l’affectation de crédits supplémentaires à la Philharmonie ne se fait pas au détriment de l’éducation artistique et culturelle. Ce projet revêt en effet depuis l’origine une forte dimension pédagogique : dans les salles autres que la grande salle de concert, des activités pédagogiques seront organisées pour les élèves des quartiers défavorisés. L’ouverture de la Philharmonie sur l’Est de Paris et la banlieue constitue un atout pour notre politique de démocratisation de l’accès à la musique classique. Nous devons faire de ce projet un succès.

S’agissant du Centre des réserves et de restauration de Cergy-Pontoise, monsieur Lamour, nous allons proposer, en concertation avec les élus locaux et le président-directeur du musée du Louvre, un projet alternatif pour sécuriser les réserves – en premier lieu celles du Louvre – face au risque de crue centennale. En revanche, nous avons suspendu les autres volets – très ambitieux – du projet, qui consistaient à transférer des ateliers de restauration du service des musées de France à Cergy-Pontoise et à ouvrir aux visiteurs l’accès aux réserves et aux ateliers.

Vous vous interrogez encore, monsieur Lamour, sur la pertinence de la redevance d’archéologie préventive (RAP). Son extension aux constructions de maisons individuelles a été préconisée par l’IGAC, dans son rapport d’évaluation de la loi de 2003, en réponse à la sous-dotation structurelle de l’Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP). Le ministère de la culture était en effet systématiquement amené à abonder le budget de l’INRAP par redéploiement en fin d’année. Cette extension répond en outre à un objectif d’équité : toute personne, qu’elle réside en habitat collectif ou individuel, participe ainsi au financement de ce service public, le diagnostic d’archéologie préventive étant réalisé soit par les services compétents des collectivités territoriales, soit par l’INRAP. Cet effort – minime à l’échelle du coût de construction d’une maison – permettra à l’INRAP d’atteindre son niveau de financement cible, fixé par l’IGF à 122 millions d’euros.

En outre, je viens de confier une mission d’évaluation de l’archéologie préventive dans tous ses aspects – scientifique, économique, social, territorial – à une trentaine de grands professionnels de l’archéologie, qui me rendront leur conclusions en mars 2013. Il s’agit de faire un état des lieux, dix ans après la réforme de 2003, et d’améliorer ce qui peut l’être. De nombreuses collectivités territoriales se plaignent des délais de réalisation trop longs des diagnostics d’archéologie préventive : l’INRAP a une charge de travail très lourde, et il faut lui donner les moyens d’y faire face dans de bonnes conditions.

La loi sur le patrimoine que j’espère présenter à la fin de l’année 2013 comportera quatre volets : archéologie préventive ; archives ; musées ; patrimoine bâti. Sur ce dernier point, j’envisage de faire sauter le verrou de 2015 pour permettre le passage des ZPPAUP aux AVAP. À l’occasion du cinquantenaire de la loi Malraux et du centenaire de la loi de 1913, je ne souhaite en rien affaiblir la protection de notre patrimoine, bien au contraire ! il s’agira d’actualiser les dispositifs pour mieux répondre aux exigences nouvelles, par exemple permettre l’aménagement de logements sociaux en centre ville dans les zones classées.

S’agissant du CNC, le produit de la TST distributeurs a crû très fortement entre 2008 et 2011 avec la multiplication des offres « triple play ». Cependant, nous avons dû retirer la notification à la Commission européenne de l’assiette de la TST distributeurs votée l’année dernière par le Parlement. Nous allons proposer une nouvelle assiette pour sécuriser les ressources du CNC. Il convient de maintenir le principe vertueux d’un financement de la création par les diffuseurs en fonction de leur chiffre d’affaires : c’est cette logique même qui permet de justifier l’existence d’une taxe affectée aux yeux de la Commission européenne. En outre, afin de compenser partiellement le prélèvement exceptionnel de 150 millions sur le fonds de roulement du CNC, le Gouvernement a décidé de mettre fin à l’écrêtement du produit de la TST distributeurs. Le reversement du surplus au budget de l’État risquait d’être invalidé par la Commission européenne.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons nous enorgueillir des succès du cinéma français, non seulement parce qu’ils assurent notre rayonnement culturel et contribuent à diffuser notre vision du monde, mais aussi pour des raisons économiques : rares sont en effet les pays où la production nationale représente une si grande part – de 35 à 40 %, selon les années – de la fréquentation en salles, laquelle a connu d’ailleurs une progression continue pour atteindre 200 millions de spectateurs en 2012. Ces résultats attestent le succès du modèle de financement issu de la Libération ; aussi la préservation du compte de soutien nous apparaissait-elle essentielle, malgré les nécessaires efforts de redressement des finances publiques. Le CNC n’est certes pas un organisme privilégié : il est placé sous tutelle du ministère de la culture, et son directeur recevra prochainement une lettre de mission. Les représentants des ministères de la culture d’une part, et de l’économie et des finances de l’autre, qui siègent à son conseil d’administration et valident ses choix, n’ont d’ailleurs jamais été en désaccord.

M. le président Gilles Carrez. Ce sont à présent les porte-parole des groupes qui vont s’exprimer.

Mme Françoise Dumas. Au-delà de la participation du ministère à l’effort de redressement des finances publiques, on peut se féliciter de la priorité désormais accordée aux actions culturelles structurantes qui permettent d’assurer ses missions fondamentales.

Il convient non seulement de sauvegarder, protéger et mettre en valeur notre patrimoine culturel dans toutes ses composantes, mais aussi de le rendre accessible à tous et partout. En ce sens nous saluons la budgétisation de la gratuité d’accès aux collections permanentes des musées et monuments pour la jeunesse française et européenne. Rappelons que la précédente majorité n’avait pas financé cette mesure, qui était restée à la charge des institutions culturelles.

La politique patrimoniale pour 2013-2015 se déploiera donc selon deux grandes orientations, la première étant de conforter le patrimoine dans ses missions fondamentales. L’année 2013 verra s’achever plusieurs grands projets, tant à Paris qu’en province : le nouveau centre des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine accueillera le public dès le début de l’an prochain ; à Marseille, le nouveau musée des civilisations euro-méditerranéennes, qui bénéficiera de 9,7 millions d’euros de crédits de fonctionnement supplémentaires par rapport à 2012, ouvrira ses portes à l’été 2013, comme le fera le musée Picasso à l’issue de deux ans de travaux de rénovation. Pour ce musée et le MuCEM, 12 millions d’euros de crédits et soixante emplois supplémentaires sont prévus. D’autres projets se prolongeront, comme la rénovation de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine à Charenton-le-Pont.

L’accent est mis aussi sur des projets en régions, avec la rénovation de plusieurs bâtiments des archives municipales ou départementales, comme celui des archives du Gard. Plus généralement, les services à compétence nationale, qu’il s’agisse des musées ou des archives, verront leurs moyens de fonctionnement maintenus.

En ce qui concerne la restauration et l’entretien des monuments historiques, capitaux pour l’attractivité touristique et l’activité économique des territoires, le Gouvernement soutiendra l’emploi des PME du secteur en maintenant les engagements au niveau de 2012, à hauteur de 309 millions d’euros en crédits de paiement, dont plus des deux tiers exécutés en régions.

En outre, signe d’un engagement fort de votre ministère en faveur des acteurs du patrimoine, plusieurs dispositifs fiscaux – dispositif Malraux ou aide aux propriétaires –, seront maintenus, pour un coût total de 149 millions.

Il faut enfin souligner la progression de 75 % des crédits de fonctionnement du label « Ville et Pays d’art et d’histoire », et celle de la politique archéologique des fouilles programmées, dont les crédits passent de 2 millions en 2012 à 2,5 millions en 2013.

Notons également la place importante occupée par la promotion de la qualité architecturale au sein du programme. Il s’agit de faire émerger une véritable culture en ce domaine – grâce à des événements tels que le Grand Prix national de l’architecture –, de relancer le label « Patrimoine du XXe siècle » et de sensibiliser le public scolaire via des actions ponctuelles.

La seconde grande orientation consiste à renouer avec l’accompagnement du développement économique culturel. Le poids économique de la culture est largement sous-estimé ; pourtant, 157 000 entreprises et près de 700 000 salariés ont contribué à produire 28,7 milliards d’euros de valeur ajoutée en 2010, soit 2,8 % du PIB. Ce secteur est essentiel à l’économie de notre pays. Les succès de fréquentation de nos musées, théâtres, cinémas et festivals, la qualité et la diversité patrimoniale et créative, sont autant de sources d’innovation et de croissance, qui de surcroît contribuent à l’attractivité touristique de notre pays, à son cadre de vie, à son rayonnement international et à l’économie locale. Avec la promotion de la diversité et de l’accessibilité des œuvres et du patrimoine, l’accompagnement du développement économique culturel est l’une des missions fondatrices de votre ministère : il doit donc renouer avec elle, d’autant que le contexte de crise fragilise, depuis plusieurs années, les entreprises et les structures, et menace la diversité créative. On peut donc se réjouir de la réflexion engagée sur la protection des sites classés par l’Unesco, tels que les Causses et les Cévennes, paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen.

En conclusion, je veux rappeler l’héritage que nous laisse le Gouvernement précédent en matière de patrimoine : une vingtaine de projets mal budgétés et mal ficelés, pour un coût évalué à 1 milliard d’euros sur les trois prochaines années. La solution retenue, qui consiste à mener à bien les projets financés et à réorienter ou redimensionner les autres, nous semble juste.

Si la baisse de 2 % des crédits du patrimoine participe de l’effort de redressement des finances publiques, le présent budget ne fait ni victimes, ni perdants. Les missions fondamentales sont préservées, ce qui témoigne d’une véritable ambition pour le patrimoine français. Vous avez d’ailleurs annoncé, madame la ministre, une grande loi en la matière en 2013. Nous y sommes sensibles et ne manquerons pas de vous accompagner dans cette voie. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera ce budget.

M. Michel Herbillon. « La création et la culture ne sont pas un luxe en temps de crise, elles offrent au contraire des atouts pour en sortir » : voilà ce que déclarait il y a un an Martine Aubry, alors première secrétaire du Parti socialiste, en proposant d’augmenter le budget de la culture de 50 % en cinq ans. François Hollande, candidat à l’élection présidentielle, promettait de son côté, au printemps dernier, que le budget de la culture serait « sanctuarisé, préservé, protégé ».

Au regard de ces déclarations et des engagements pris devant les Français et les acteurs de la culture par le Président de la République, je vous le dis tout net, madame la ministre : le projet de budget que vous nous présentez est une sorte de duperie – pour ne pas dire d’imposture. Le budget de la culture est condamné, et c’est vous qui avez fait tomber la sentence. Il témoigne que François Hollande a tout simplement menti : non seulement ce budget n’est pas sanctuarisé, mais il subit une véritable saignée avec un recul historique de plus de 4 % ; encore n’est-ce qu’un début, puisque la baisse devrait se poursuivre jusqu’en 2015, pour atteindre au total 7,5 %.

La ritournelle de l’héritage, comme celle de la contribution à la réduction des finances publiques, sont connues : j’espère donc que vous nous les épargnerez. Durant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy, y compris après la crise de 2008, le budget de la culture a toujours été protégé, et même augmenté. L’ensemble des acteurs, des observateurs et des médias – y compris ceux favorables à votre majorité – soulignent ce fait incontestable pour déplorer vos propres choix.

De fait, votre budget traduit une réalité simple et cruelle : au-delà des incantations, la culture ne fait tout simplement pas partie des priorités du Président de la République et du Gouvernement. Il ne faut pas s’étonner, dès lors, que Bercy ait pris le pas sur la rue de Valois en ces temps de crise.

Les membres de votre majorité s’apprêtent à renier tout ce qu’ils avaient prôné lorsqu’ils étaient dans l’opposition. « Rationner la culture est inacceptable », nous expliquait le porte-parole du groupe SRC il y a un an, dans l’hémicycle. Il ne s’agit plus aujourd’hui de rationner, on taille à la hache dans les projets d’investissement structurants : tous sont annulés, y compris en région. Abandonnée, la maison de l’Histoire de France, pour des raisons tant idéologiques que budgétaires ; annulés, les projet de musée de la photographie à Paris, du Centre des réserves de Cergy et de la nouvelle salle de la Comédie-Française. Quant à la contribution de l’État à Lascaux 4, elle passe aux oubliettes. Enterré, le Centre national de la musique ; en sursis, la tour Médicis de Clichy-Montfermeil. Les arts plastiques ne sont pas en reste, avec l’annulation de Monumenta et les réductions budgétaires imposées au Palais de Tokyo, lesquelles remettent en cause non seulement son programme, mais aussi son ambition même. En vérité, seuls les projets dont l’état d’avancement empêche l’annulation sont préservés : le musée des civilisations euro-méditerranéennes à Marseille, le Centre national des archives à Pierrefitte-sur-Seine, la Philharmonie de Paris, le plan « Musées en régions ».

S’agissant de la Philharmonie, je vous donne acte de vos propos ; mais au-delà des crédits d’investissement prévus, où en sont les discussions avec la ville de Paris sur la gestion de cette structure et sur la prise en charge de son fonctionnement ?

Outre l’annulation de nombreux grands projets, les réductions budgétaires affecteront la quasi-totalité des secteurs culturels. Les crédits dédiés à la création s’affichent en baisse ; les opérateurs nationaux du spectacle vivant verront leurs moyens réduits de 3 %. Vous avez récemment promis une grande loi sur le patrimoine mais votre premier acte est de diminuer de 10 % les moyens qui lui sont alloués, les musées étant les plus touchés ; quant aux crédits dédiés à la restauration des monuments historiques, ils connaîtront également une baisse vertigineuse.

Pour les crédits d’acquisition des musées, le ministère évoque sobrement une réduction temporaire ; mais nous confirmez-vous, madame la ministre, que ceux des fonds régionaux seront réduits de 50 à 60 % l’an prochain ?

Si je me réjouis que vous poursuiviez la politique de démocratisation de la culture engagée par la précédente majorité, et mainteniez l’accès gratuit aux musées pour les jeunes, le reste, en dépit des grands discours qui font de la jeunesse une priorité, me semble flou et dépourvu de ligne directrice. En matière de moyens, on nous parle d’accroître le budget de l’éducation artistique de 15 millions d’ici à 2015 ; mais cette augmentation plafonnera à 2,5 millions l’an prochain.

Vous comprendrez donc que le groupe UMP s’oppose à ce budget qui marque un recul sans précédent de l’action de l’État en faveur de la culture. Il est encore temps d’infléchir votre position, madame la ministre ; et si vous restez sourde aux critiques de l’opposition, peut-être entendrez-vous la voix de ceux qui, au sein de votre propre majorité ou des syndicats de la culture, s’alarment de vos choix budgétaires. Le pessimisme gagne tous les acteurs car, au-delà des restrictions budgétaires, on peine à discerner votre projet. Les réductions de crédits et l’abandon de projets ne font pas une politique. La rigueur budgétaire pourrait être contrebalancée par l’innovation et l’audace ; mais votre budget, hélas, ne contient ni l’une ni l’autre.

M. Rudy Salles. Avec la mission « Culture », nous abordons la partie historique et essentielle du budget du ministère.

Pauvre culture, qui voit ses crédits passer de 2,54 milliards en 2012 – ce qui représentait alors une hausse 2,9 % par rapport à 2011 – à 2,43 milliards en 2013, en recul de 4,3 % ! Cette baisse est d’autant plus frappante qu’elle touche des missions fondamentales du ministère.

Je comprends les impératifs budgétaires et leur caractère prioritaire. Mais est-ce une raison suffisante pour casser des dynamiques essentielles ? Mes remarques s’inspireront de l’objectif affiché dans le rapport qui nous a été transmis : une action culturelle en faveur du plus grand nombre, équitablement répartie sur le territoire. Dans ce cadre, je m’en tiendrai à quatre observations relatives au programme 175.

Ce budget met un terme à quelques grands projets, qui sont non seulement des facteurs de croissance économique et de création d’emplois dans les territoires, mais aussi d’identité et de fierté locales. Mais c’est votre choix. Vous n’avez retenu que des projets parisiens : si l’on excepte le MuCEM, trop avancé pour être annulé. Vous avez confirmé le projet de la Philharmonie et la réouverture du musée Picasso, ainsi que l’ouverture du Centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine. Nous étions pourtant en droit d’attendre des choix plus équilibrés sur de tels dossiers, qui participent très directement au rayonnement des territoires et à leur attractivité touristique et économique : le soutien à l’entretien et à la rénovation des monuments historiques eût constitué, à cet égard, une voie médiane ; malheureusement, cette ligne budgétaire passe de 381 millions en 2012 à 362 millions en 2013.

La compensation financière prévue pour l’accès gratuit aux musées, d’un montant de 18 millions d’euros, me semble un pur affichage dans la mesure où l’on sait depuis longtemps que le facteur financier, en ce domaine, n’est pas discriminant ; de surcroît, les inégalités d’accès à la culture n’ont cessé de se creuser au cours des dernières décennies. Permettez-moi d’ailleurs, monsieur le président de la Commission des affaires culturelles, de vous rappeler que vous approuvez aujourd’hui ce que vous critiquiez l’an passé en déclarant : « Mon opinion est que ce ne sont pas des dispositifs financiers incitatifs qui sont les plus efficaces. Dans ce domaine l’éducation artistique est la priorité. »

Quant au plan « Musées en régions », il se prolongera jusqu’à son terme. Ce plan n’aura été ni anodin, ni inutile : au-delà d’un effort budgétaire complémentaire de l’État, il a introduit une excellente méthode de mobilisation des ressources, d’émulation et de transparence partout sur les territoires. Compte tenu de ce bilan et de l’issue prochaine du dispositif, nous pouvions nous attendre à un prolongement ou un approfondissement, via une série d’évaluations par exemple. On ne peut dire, en tout cas, que les mesures présentées signent une politique de « rééquilibrage territorial ».

En ce qui concerne le programme 131, il est très surprenant que son budget n’ait pas été sanctuarisé, dans la mesure où il constitue une amorce des politiques culturelles dans les territoires. C’est tout particulièrement vrai pour le spectacle vivant, qui représente plus de 90 % du programme. Les choix en ce domaine sont d’autant plus surprenants que Mme la ministre avait montré de bonnes dispositions en débloquant, au mois de juillet dernier, 23,5 millions, dont 18,5 millions pour les régions. Mais force est de constater que les crédits du programme 131, après avoir augmenté de 51,87 millions en 2012 – en raison, il est vrai, de l’intégration des 45 millions d’euros dédiés à la Philharmonie de Paris, laquelle demeure financée l’an prochain –, accusent un recul de 13 millions en 2013.

L’action n° 1 – « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » – voit ses crédits de paiement ramenés de 719 à 713 millions, soit le niveau budgétaire de 2011. Sur ce total, le financement du spectacle vivant ne représente que 284 millions d’euros de crédits d’intervention déconcentrés en fonctionnement. Au demeurant cette baisse problématique ne s’accompagne pas d’une meilleure visibilité de la destination des fonds publics, comme l’avait pourtant recommandé la Cour des Comptes.

Je trouve dommage que le nouveau pouvoir ne se soit pas fixé pour objectif de réfléchir aux conditions d’un développement harmonieux et durable du spectacle vivant ; ce projet de loi de finances pouvait très bien en offrir l’occasion. Il n’est pas question de dénigrer une profession ou un régime de protection sociale, mais bien plutôt de reconnaître le formidable développement en France, depuis les années 80, d’un secteur qui a irrigué tous les territoires de créations artistiques et d’animations culturelles. C’est là un exemple de collaboration systématique entre l’État et les collectivités locales qui va potentiellement bien au-delà du périmètre culturel.

La réforme de l’intervention de l’État s’impose de façon urgente autour d’axes déjà connus : réviser les critères, qu’ils soient artistiques ou économiques ; réexaminer les labels du spectacle vivant et rationaliser la carte des financements en systématisant les conventions-cadres pluriannuelles ; améliorer les conditions de production et de diffusion des œuvres en développant les liens entre le public et le privé ; mettre en place de nouvelles sources de financement – via les apports des entreprises audiovisuelles ou un fonds national d’aide à la diffusion – ; poursuivre la professionnalisation des entreprises de spectacle ; développer des pôles européens de spectacle intégrés et favoriser l’exportation ; enfin, responsabiliser les établissements publics sur leur mission de diffusion. Cette clarification des critères d’intervention et l’élargissement de la diffusion permettront de retrouver des marges de manœuvre pour soutenir l’innovation artistique.

Pour le maintien de la vie artistique dans nos territoires, nous attendons moins des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, ou des FRAC, les fonds régionaux d’art contemporain, que d’une collaboration vivante et efficace entre les acteurs de la culture, l’État et les collectivités locales. Nous souhaitons une véritable dynamique permettant de dresser une nouvelle carte des labels, une politique d’intervention de l’État mieux ciblée et mieux articulée avec celle des collectivités, une augmentation de la diffusion des spectacles favorisant leur rentabilité, et la professionnalisation accrue des artistes et des diffuseurs. Les possibilités de rapprochement et de mutualisation entre certaines institutions doivent aussi être examinées.

Le groupe UDI votera contre ce projet de budget qui, en plus de ne pas répondre à l’objectif affiché d’une offre culturelle équitablement répartie sur le territoire, contribue selon lui à entretenir des ambiguïtés et des malentendus.

Mme Isabelle Attard. Lors de la campagne électorale, l’actuel Président de la République s’était engagé en effet à sanctuariser le budget de la culture, élément fondamental de la cohésion nationale comme de la diffusion de l’image de la France à l’étranger. Cependant la situation économique contraint l’ensemble des secteurs de l’État à des efforts budgétaires.

M. Michel Herbillon. La crise était déjà là lorsque le Président de la République a fait cette déclaration !

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Herbillon, vous n’avez pas la parole.

Mme Isabelle Attard. Le ministère de la culture participe lui aussi à l’effort national. Nous aurions certes souhaité que son budget soit plus conséquent, mais nous comprenons la démarche engagée.

Dans cette optique, madame la ministre, vous avez reporté ou mis un terme à des projets pharaoniques trop coûteux et souvent controversés, comme la Maison de l’histoire de France, ce dont nous vous félicitons. Nous considérons en effet, monsieur Lamour, que l’histoire de France est partout présente sur le territoire national et dans l’ensemble de nos musées : elle n’a pas besoin d’un lieu spécifique.

Le budget de 2013 ne doit toutefois pas prolonger des années de restrictions. Vous avez parlé, madame la ministre, de la Philharmonie de la Villette. Pouvez-vous nous préciser quels seront les critères retenus pour définir les grands projets à venir ?

La baisse de 113 millions d’euros est un effort sans précédent, qui nous éloigne de l’objectif historique du 1 % du budget de l’État consacré à la culture. Demander plus de rigueur budgétaire aux grandes institutions culturelles n’aura de sens que si l’on accompagne les acteurs dans cette évolution, tout en leur permettant de tenir leur rôle dans le paysage culturel européen. Comment comptez-vous les y aider ?

Nous aspirons à une nouvelle vision de la politique culturelle, fondée sur la reconnaissance des droits culturels des citoyens. Ainsi, nous aurions souhaité un véritable changement des modes de gouvernance à travers une décentralisation effective des moyens. Avec l’augmentation du coût des déplacements, comment éviter le renforcement des inégalités d’accès sur le territoire, en particulier pour les populations rurales ? Envisagez-vous une répartition des financements en fonction des territoires ? Quels encouragements apporterez-vous aux initiatives des collectivités locales ?

M. Lamour a exprimé ses réticences sur l’extension de la redevance d’archéologie préventive à la construction de maisons individuelles réalisées par les particuliers : pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Un trou de pelleteuse pouvant créer les mêmes dommages archéologiques sur un terrain privé que sur un terrain appartenant à l’État, une participation privée me semblerait logique, d’autant que Mme la ministre a rappelé le sous-financement initial de l’INRAP.

Vous avez fait en sorte, madame la ministre, que votre ministère poursuive ses activités essentielles que sont la sauvegarde du patrimoine, l’aide à la création et le soutien à l’éducation et aux pratiques artistiques : c’est là un choix politique fort. Nous soutenons votre volonté de préserver et de développer l’éducation artistique et culturelle. Les crédits pour la transmission des savoirs sont ainsi renforcés, afin d’améliorer l’attractivité de l’enseignement supérieur culturel. Les efforts de structuration de cette filière et la reconnaissance accrue des diplômes qu’elle dispense, notamment des doctorats, devront nécessairement accompagner le renforcement des crédits qui lui sont alloués. Quelles orientations pouvez-vous proposer en ce domaine ?

Nous saluons, en tout cas, votre détermination pour rendre à la culture la dimension politique qu’elle mérite, et vous rappelons le soutien des écologistes dans votre démarche.

Mme Marie-George Buffet. Plus que jamais, on l’a rappelé, nous avons besoin de la culture. Celle-ci est source de développement économique, social et humain pour la société tout entière ; mais, au-delà de ces enjeux, chacun a droit au beau, à l’émotion, à la découverte, et son accès à la culture est source de civilisation.

Je regrette que votre ministère ne soit pas considéré comme prioritaire, au même titre que celui de l’éducation nationale, et ne voie pas ses crédits augmenter. Vous nous appelez à réagir pour éviter que le prochain budget ne ressemble à celui-ci, mais une loi organique, que mon groupe n’a pas votée, nous soumet à un engagement triennal.

Dans un cadre budgétaire réduit, vous privilégiez les structures locales qui ouvrent l’accès à la culture et permettent aux jeunes artistes en résidence de trouver leur public. J’ai mesuré l’attachement de celui-ci au Studio Théâtre de Stains ou à l’orchestre Divertimento, qui, sous l’autorité de la directrice du conservatoire d’une ville populaire, a acquis une renommée internationale. Au-delà de la question des moyens, quelle est votre philosophie sur ces structures locales qui atteignent l’excellence en favorisant l’accès de tous à la culture ? Comment voyez-vous leur développement dans les prochaines années ?

Dans les villes populaires dont je suis l’élue, les conservatoires, que certains présentent comme élitistes, accueillent des enfants qui seront demain des artistes de renom. Vous vous êtes engagée à rénover la politique d’éducation artistique et culturelle avec le concours des collectivités territoriales. Qu’attendez-vous d’elles, alors que leur dotation globale de fonctionnement, qui avait déjà diminué sous une majorité de droite, continuera de baisser dans les prochaines années ?

Que pensez-vous du partenariat public-privé, auquel la précédente majorité tenait tant, mais dont le coût réel pour l’État comme pour les collectivités territoriales s’avère considérable, en termes de loyers et de frais financiers, notamment quand il s’agit de grands équipements comme le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée ?

Je regrette la baisse des crédits alloués aux acquisitions. Pour ne citer que cet exemple, il était indispensable de mettre les manuscrits de Robespierre à la disposition des chercheurs et des historiens. Quelles sources de financement externes existe-t-il dans ce domaine ?

Enfin, comment faire perdurer les missions et les métiers d’un ministère dont les recrutements continuent à baisser après des années de RGPP aveugle menée par la droite ?

Mme Sophie Dessus. François Mitterrand disait que c’est en période de crise que la culture est prioritaire, et Jean Monnet que, s’il fallait recommencer l’Europe, il le ferait par la culture. Quelle que soit notre orientation politique, nous nous rejoignons sur un point : il faut toujours plus de culture !

Certains députés ont émis des critiques caricaturales sur ce budget. Trop peu ont souligné son épine dorsale : la politique culturelle ambitieuse que vous proposez. Certes, les crédits baissent, mais la culture ne pouvait s’exonérer de la lutte pour redresser les comptes publics. Cela dit, son effort sera difficilement renouvelable.

Les priorités de ce budget sont la jeunesse et la culture, l’art et l’éducation, qui doivent devenir aussi inséparables que les oiseaux de Hitchcock. Entre création et patrimoine, vous proposez un juste équilibre, car la création d’aujourd’hui est le patrimoine de demain. Dans le dialogue avec l’outre-tombe que nous avons ouvert, Baudelaire pourrait répondre à Malraux : « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. »

La conquête de l’espace public numérique, nouveau lieu de création et de diffusion, est une de vos priorités, avec l’acte II de l’exception culturelle, qui participe au rayonnement international de notre pays. Vous nous offrez ainsi un regard complet sur la culture, un vrai projet qui unit culture et lien social, culture, développement économique et création d’emploi, culture et aménagement du territoire, enfin culture et éducation.

Certes, des grands projets – ou prétendus tels –, qui n’avaient pas été budgétés, ont été abandonnés ou reportés, mais, comme vous l’avez souligné, une accumulation de grands projets ne fait pas une politique culturelle.

M. Michel Herbillon. Leur abandon non plus !

Mme Sophie Dessus. Malgré la tourmente économique, vous nous proposez une politique basée sur l’égalité d’accès à la culture, la transmission des savoirs et la foi en l’esprit créatif de la jeunesse. Je vous en remercie.

M. François de Mazières. Le beau slogan que vous avez choisi – « La culture n’est pas un luxe » – est malheureusement démenti par la baisse de 3 % de ce budget qui avait augmenté de 21 % entre 2007 et 2012.

Le plus grave est la chute des crédits de paiement alloués au patrimoine qui passent de 377 à 328 millions. Ses effets se feront sentir pendant deux ou trois ans, car le désengagement de l’État incite les collectivités territoriales à retarder les projets ou à y renoncer. C’est d’autant plus grave que le patrimoine est contracyclique par rapport à la crise : cette année, alors que la construction de logements neufs s’est effondrée, la rénovation du patrimoine a tenu bon. Ce ne sera plus le cas l’an prochain.

De même, on peut comprendre qu’en temps de crise, on réduise les crédits d’acquisition des musées, mais leur diminution de 50 % est extrêmement sévère, car la politique d’acquisition est fondamentale. Sur les 8 000 demandes de certificats d’exportation que l’État reçoit chaque année, le ministère peut procéder au classement d’une quinzaine d’œuvres comme trésor national. Des richesses patrimoniales ne risquent-elles pas de quitter le territoire ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

S’agissant des grands chantiers abandonnés, telle la maison de l’Histoire de France, les uns les regrettent, les autres considèrent qu’ils ne représentaient pas une priorité, compte tenu des charges financières pesant sur les nouvelles institutions. Mais, sur les fonds alloués à ces chantiers, 4 millions devaient financer la rénovation de musées existants, dont le clos et couvert ne sont plus assurés.

Je suis particulièrement attaché à Versailles, un de nos fleurons nationaux, dont la rénovation est en cours depuis des années. La réduction de ses crédits de 18 à 12 millions est d’autant plus sévère que la gratuité pour les moins de 26 ans, compensée dans toutes les institutions, sera supportée par le budget du château.

En matière d’archéologie préventive, le recul de l’activité diminuera nécessairement les recettes, de sorte que l’INRAP, verra son budget déséquilibré.

Enfin, c’est une belle idée que de construire du logement social dans les quartiers historiques, mais l’article 4 ter de la loi sur le logement social exclut le recours au prêt locatif social, ce qui est catastrophique. Sur ce point, vous parviendrez peut-être à convaincre Cécile Duflot, ce que je n’ai pas réussi à faire.

M. Marcel Rogemont. Pour M. Herbillon, tout, même votre budget, prend la forme d’un écorché d’Honoré Fragonard !

Je regrette que vous n’ayez pas été ministre en 2009 ou en 2010, quand j’avais déposé des amendements visant à supprimer la Philharmonie. Celle-ci n’est pas un mauvais investissement, mais, quand on n’a pas d’argent, on ne lance pas de grands travaux. Alors que son fonctionnement avait été évalué à 17,4 millions, elle n’en recevra que 4 cette année, qui, dans un budget contraint, pèsent nécessairement sur les autres projets. Sur ce poste, j’estime que vous avez été courageuse.

Je remercie M. Lamour d’avoir souligné que toutes les tentatives d’ouverture à la concurrence pour peser sur le prix et le coût de l’archéologie préventive sont fumeuses.

M. Jean-François Lamour. Je n’ai pas dit cela !

M. Marcel Rogemont. Vous vous êtes plaint que les coûts de l’archéologie préventive ne baissaient pas. J’en conclus que la concurrence est sans effet sur les prix. La taxe initialement prévue pour rapporter 122 millions, puis réduite à 105, n’en rapportera que 90. Quand aurons-nous enfin un ministre qui aime l’archéologie préventive ?

Je souhaite que la loi d’orientation sur le spectacle vivant, dont vous avez le projet, mobilise les crédits de l’État et soutienne l’effort des collectivités territoriales en faveur de la création.

J’espère également que les taxes affectées ne seront plus versées au budget général. Chaque fois que nous les détournons de leur mission, nous fragilisons notre position vis-à-vis de l’Union européenne. Je regrette que 150 millions aient été prélevés sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée, et souhaite que cette ponction ne se renouvelle pas.

Je me réjouis enfin que les versements à la SOFICA soient exemptés du plafonnement des niches à 10 000 euros. À mon sens, ce n’en est à pas une. La culture est une industrie dont on ne doit pas négliger l’impact, en termes d’emplois, dans les régions.

Mme Marie-Odile Bouillé. En pleine période d’efforts budgétaires, je vous félicite, madame la ministre, d’avoir développé une véritable politique culturelle.

Vous donnez la priorité à l’éducation artistique et culturelle. L’enjeu est de taille. Au cours des après-midi de liberté que créera la réforme des rythmes scolaires, les enfants pourront-ils rencontrer ou pratiquer les arts ? Le ministre de la culture et celui de l’éducation nationale ont parfois du mal à mettre en œuvre une politique commune. Quels sont votre volonté et vos souhaits en la matière ? Comment mènerez-vous la concertation avec les collectivités territoriales pour faire avancer partout l’éducation artistique et culturelle ?

M. Pascal Deguilhem. La restauration et la conservation du patrimoine étant des secteurs d’excellence, je me réjouis que, dans ce domaine, les engagements relatifs aux crédits déconcentrés soient maintenus. Dans certains départements, le tourisme patrimonial est un moteur essentiel de l’économie locale. En Dordogne, il représente un quart de la richesse.

Par ailleurs, il est essentiel de soutenir les compétences et les savoir-faire artisanaux, à l’heure où État et collectivités diffèrent ou abandonnent certains projets de restauration ou de réhabilitation. Parfois, les DRAC tentent de faire baisser les tarifs très bas que pratiquent ces professionnels indispensables au maintien du patrimoine et soumis à la concurrence des auto-entrepreneurs. Comment protéger leur savoir-faire ? Plus largement, quelles recommandations adressez-vous aux DRAC pour l’engagement de leurs crédits budgétaires ?

M. Pierre Léautey. En 2011, votre prédécesseur avait annoncé, en accord avec les élus, le rapprochement du Théâtre des Deux-Rives, à Rouen, centre dramatique régional, avec la scène nationale de Petit-Quevilly-Mont-Saint-Aignan. Depuis lors, un comité de pilotage étudie la faisabilité de ce projet qui doterait la région de Haute-Normandie, comme la majorité des autres régions françaises, d’un centre dramatique national.

Au-delà de sa mission de production, le nouvel établissement s’appuierait sur les trois sites pour jouer le rôle de diffuseur pluridisciplinaire dans les territoires concernés. Dans l’attente d’un projet de loi d’orientation dédié à la création, votre budget pour 2013 sanctuarise les crédits d’intervention en faveur du spectacle vivant. Pouvez-vous confirmer que l’État continuera à accompagner la création du Centre national dramatique de Haute-Normandie ?

M. le président Patrick Bloche. Notre échange fait le lien entre la première et la seconde partie du projet de loi de finances.

Pour enrichir leurs collections, les musées ne disposent pas seulement du budget de la culture, mais aussi de dations ou de donations des collectionneurs. C’est pourquoi nous avons choisi, dans la première partie du projet de loi de finances, de ne pas intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF.

De même, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, nous avons évoqué le prélèvement exceptionnel de 150 millions opéré sur le budget du CNC.

Au-delà des divergences entre l’opposition et la majorité, l’essentiel a été préservé dans ce budget contraint, puisque les institutions avaient les reins solides. Mais la réduction des crédits est un fusil à un coup. Dans le budget pour 2014, ceux de la culture devront être arbitrés différemment.

Je terminerai par une suggestion. N’aurait-il pas fallu attribuer à la culture le prélèvement de 150 millions sur le budget du CNC, dont le financement est vertueux ? La Commission européenne aurait probablement vu cette décision d’un bon œil.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Vous avez raison, monsieur le président, de souligner le lien entre les deux parties du budget, et je vous sais gré de votre implication constante sur ces sujets.

Le coût des dispositifs fiscaux qui participent au financement de la culture se monte à 540 millions, qui, en générant de l’activité et de l’emploi sur le territoire, rapportent plus de 1,8 milliard de rentrées fiscales. Si le budget que je présente est en baisse, il préserve les dispositifs de financement vertueux qui complètent les subventions budgétaires. L’ensemble est équilibré. Il définit entre autres priorités l’éducation artistique, l’enseignement supérieur, la formation, ainsi que la structuration économique et juridique du secteur, notamment les travaux sur le numérique.

La culture, ce ne sont pas d’abord des projets somptuaires. Certains grands projets, bien sûr, ont une forte valeur pédagogique, confortent notre citoyenneté et renforcent notre patrimoine : je pense au nouveau bâtiment des archives à Pierrefitte ou au MuCEM, qui symbolise l’important engagement du Gouvernement en faveur de Marseille. Nous avons donc établi des priorités, tout en adoptant une démarche responsable en termes de finances publiques.

L’économie de la culture repose sur des équilibres fragiles, qu’il ne faut pas déstabiliser. Le prélèvement de 150 millions sur le fonds de roulement du CNC aura malheureusement des conséquences sur le programme de numérisation. Mais nous avons fixé là aussi des priorités : j’ai tenu à sanctuariser les crédits de numérisation pour les actions d’éducation artistique à destination des collégiens, lycéens, apprentis… La numérisation des salles est quant à elle achevée à 90 %, ce qui nous permet – à la différence de nombreux pays européens – de conserver un réseau très dense et attractif. En revanche, il faudra sans doute échelonner le programme de numérisation du patrimoine, et donc ralentir le développement de l’offre légale.

L’éducation artistique et culturelle est effectivement l’une de nos priorités : notre objectif est une augmentation de 30 % en trois ans des crédits d’éducation artistique du ministère. Nous espérons que tous les élèves auront accès dès la rentrée de septembre 2013 aux pratiques artistiques. Notre action comportera trois volets : enseignements spécialisés pour la musique et les arts plastiques ; histoire des arts – l’idée d’une épreuve de cette discipline au brevet des collèges me paraît intéressante, mais il faudra aussi modifier les programmes de toutes les années du collège ; et enfin contact des élèves avec les œuvres et les artistes.

Je travaillerai bien entendu avec Vincent Peillon, car cette réforme doit s’insérer dans celle des rythmes scolaires, qui libérera des heures en fin de journée pour les devoirs, le sport et les pratiques culturelles, mais elle suppose aussi une évolution de la formation des enseignants. À cet égard, l’expérience tirée du programme « Collège au cinéma » sera fort utile : elle a permis de former de nombreux enseignants, qui sont ensuite à même d’accompagner les élèves dans leur découverte du cinéma. Nous voulons également définir, à partir de janvier 2013, une sorte de parcours commun, en collaboration avec les collectivités locales, car ce sont elles qui connaissent les modes d’organisation, mais aussi les particularités et les richesses de chaque territoire.

Notre action doit se déployer sur l’ensemble de notre territoire, et notamment ne jamais laisser de côté les zones rurales. L’Agence pour le développement régional du cinéma, dont le président est le cinéaste Lucas Belvaux, travaille avec le CNC à la bonne répartition des salles sur l’ensemble de notre territoire ; aujourd’hui, toutes les villes de plus de 50 000 habitants disposent au moins d’une salle. C’est un travail important, qui nécessite des analyses géographiques fines pour savoir quelle distance sépare d’une salle chacun de nos concitoyens : vous en serez d’accord avec moi, le cinéma, c’est mieux en salle !

L’enseignement de l’architecture est également l’un des domaines d’excellence français. Vous savez que c’est un projet rhônalpin qui vient de remporter le prix Solar Décathlon 2012, prestigieux concours international d’architecture solaire. Nous avons également un plan de rénovation des écoles d’architecture, qui débutera par celles de Strasbourg et de Clermont-Ferrand. Il faut encourager ces écoles, qui ont été très bien évaluées par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur : trente emplois et des crédits supplémentaires ont été dégagés. Nous mènerons également une grande concertation nationale sur le rythme des travaux de rénovation ainsi que sur les synergies possibles entre les différentes écoles.

Au vu du contexte économique, il me semble pouvoir dire que les emplois du ministère sont préservés : seuls 15 emplois pour l’administration centrale, et 85 chez les opérateurs, seront rendus ; ils seront tous prélevés parmi ceux qui n’étaient pas pourvus. Nous consentons en revanche un très gros effort en diminuant nos frais de fonctionnement de 7 % : nul ne pourra plus dire que la rue de Valois mène grand train !

Les propos de M. Herbillon étaient manifestement excessifs : le budget précédent affichait une hausse apparente que, grâce à une accumulation de grands projets dont la moitié n’étaient pas financés. Ainsi, le Centre national de la musique avait été annoncé à grand renfort de tambours et trompettes : c'eût été encore un opérateur public, avec emplois budgétaires et coûts fixes, mais son financement reposait sur du sable, puisque la taxe sur les services de télévision-distributeurs est aujourd’hui dans le collimateur de la Commission européenne.

J’ai donc choisi de reprendre entièrement le chantier de l’accompagnement du secteur musical, qui compte un grand nombre de petites et moyennes entreprises de production et de diffusion. Dans ce but, j’ai créé au sein du ministère une mission consacrée à la musique, commune à la direction générale de la création artistique – DGCA – et à la direction générale des médias et des industries culturelles – DGMIC.

Ce que nous voulons, c’est rechercher la plus grande efficacité possible, et non annoncer de grands projets sans lendemain.

Le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique a d’ailleurs été prolongé par l’Assemblée nationale lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, et modifié pour aider plutôt les petites entreprises, dont le crédit d’impôt passera de 20 % à 30 % ; le plafond passe en revanche de 1,3 million d’euros à 800 000 euros. Je vous en remercie, car c’est là, je crois, une mesure de bonne politique.

À l’initiative des collectivités locales, la fusion de la scène nationale du Petit-Quevilly-Mont-Saint-Aignan et du Théâtre des Deux-Rives à Rouen permettra la création d’un centre dramatique national, qui aura la particularité nouvelle d’être interdisciplinaire. L’État accompagne ce processus de toute sa bienveillance ; nous regarderons d’ailleurs ce type d’expérience de près pour la loi d’orientation sur la création que nous préparons.

Le coût des déplacements en zone rurale doit effectivement être pris en considération, madame Attard, non seulement pour le cinéma, mais aussi pour le spectacle vivant et pour toutes les actions d’éducation artistique à l’école.

J’aime l’archéologie, monsieur Rogemont – j’ai même failli faire des études dans ce domaine. La France détient là une expertise, un savoir-faire, regardés avec grand intérêt par nombre de nos voisins. L’archéologie contribue à l’enrichissement du patrimoine comme à la gestion durable de notre territoire, et c’est pourquoi nous avons suivi les préconisations de l’inspection générale des finances, qui recommandait que la redevance s’applique de manière égale pour tous les types de construction.

Les dispositions qui s’appliquent aux SOFICA ont été préservées par la loi de finances pour 2013, car elles demeurent indispensables au financement du cinéma, comme le sont les différentes taxes affectées au CNC.

Le crédit d’impôt « international » devrait nous permettre, pour un coût nul, et dans un environnement européen très concurrentiel, d’attirer des tournages de films : alors que la part de marché du Royaume-Uni est aujourd’hui de 50 %, celle de la France ne s’élève qu’à 3 %. Notre objectif est d’arriver à une part de marché d’un tiers, et je vous proposerai donc des mesures à ce sujet dans une loi de finances rectificative.

Les métiers techniques du cinéma, monsieur Deguilhem, les métiers d’art, les métiers de la restauration et de la conservation, sont de beaux métiers, valorisants, qui font rêver les jeunes. Le ministère leur accorde donc toute son attention.

Quant à la Philharmonie de Paris, monsieur Herbillon, elle coûtera à l’État 9 millions d’euros pour son budget de fonctionnement, soit à peu près ce que coûte aujourd’hui la salle Pleyel. La contribution de la Ville de Paris s’élèvera également à 9 millions ; les recettes propres fourniront enfin 15 millions d’euros, dont 9 millions de billetterie, le reste provenant du mécénat. Il restera ensuite à se mobiliser pour assurer le succès lors du rendez-vous de la saison 2014-2015.

M. Michel Herbillon. Mais les engagements de l’État et de la Ville de Paris seront-ils tenus ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Il ne saurait être question de laisser partir à vau-l’eau un tel projet, qui permettra la structuration de la filière musicale et renforcera la renommée de Paris sur la scène musicale internationale. Du point de vue de l’égalité des territoires, le choix de l’emplacement est d’ailleurs loin d’être anodin ! Les critiques qui prédisent l’échec de la Philharmonie parce qu’elle est installée dans le XIXe arrondissement de Paris sont tout simplement insupportables.

Les dispositifs de la loi Malraux, en faveur du mécénat, sont également préservés, monsieur Herbillon. On devrait en retrouver la substance dans la grande loi sur le patrimoine.

La diminution des crédits d’acquisition sera donc compensée, je l’espère, par le mécénat, mais aussi par les dations et donations, qui représentent aujourd’hui plus de 90 % de l’enrichissement de nos collections ; nous sommes donc heureux que les œuvres d’art n’aient pas été intégrées dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. François de Mazières. Mais le mécénat s’effondre aujourd’hui !

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. En tout cas les dispositifs qui soutiennent le mécénat, tout comme ceux qui encouragent les dations et donations, sont maintenus. Si les crédits budgétaires diminuent, les mécanismes qui les complètent sont donc préservés.

Par ailleurs, les crédits d’acquisition des FRAC sont maintenus, et quatre nouveaux FRAC – accompagnés financièrement par l’État, pour une partie de leur fonctionnement et pour 30 % de leur budget d’investissement – seront inaugurés l’an prochain. C’est un soutien crucial : le Fonds national d’art contemporain et les FRAC possèdent aujourd’hui la plus grande collection d’art contemporain au monde. C’est un patrimoine inestimable ! Le Palais de Tokyo, inauguré cette année, a vu ses crédits passer de 5 à 6 millions : c’est moins que ce que souhaiterait sa direction, bien sûr, mais c’est là encore un effort de l’État en faveur de l’art contemporain.

Ceux qui peuvent disposer de recettes issues du mécénat, ou disposent de ressources propres, voient en revanche leurs crédits pour cette année diminuer légèrement.

Encore une fois, il fallait préserver les missions fondamentales du ministère de la culture, notamment l’implantation sur tous les territoires : les Français sont infiniment attachés à la culture, au patrimoine, à la création – le patrimoine de demain. Ils entretiennent aussi un lien particulier avec les archives : celles-ci feront l’objet d’une modification législative l’an prochain, afin d’en élargir l’accès.

Mais le ministère de la culture se devait aussi d’être responsable. Ce n’est pas le ministère du strass, des paillettes et de la poudre aux yeux : la culture, c’est aussi un pilier de la citoyenneté, c’est du lien social, de l’éducation, de la formation – sans oublier le développement économique.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, madame la ministre, au nom de tous mes collègues.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures quarante.

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