Accueil > Projet de loi de finances pour 2015 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2015) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

COMMISSION ÉLARGIE

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

Commission des affaires étrangères

(Application de l’article 120 du règlement)

Jeudi 23 octobre 2014

Présidence de Mme Éva Sas,
vice-présidente de la commission des finances,
de M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles,
et de M. Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures cinq.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015

Médias, livre et industries culturelles ;
Compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation
des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien,
des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » ;
Compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public »

Mme Eva Sas, présidente. Nous sommes heureux d’accueillir ce soir Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, qui vient nous présenter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », et du compte de concours financiers et du compte spécial qui leur sont associés.

Je rappelle que, selon les règles qui s’appliquent aux commissions élargies, le rapporteur spécial, puis les rapporteurs pour avis, interviendront successivement pour interroger Mme la ministre pendant une durée maximale de cinq minutes. Après qu’elle leur aura répondu, s’exprimeront les porte-parole des groupes puis les orateurs qui le souhaiteront, chacune des interventions étant limitée à une durée de deux minutes.

M. François Rochebloine. Avant que nous n’entrions dans le vif du sujet, permettez-moi de faire quelques observations qui seront, je l’espère, relayées jusqu’à la Conférence des présidents.

Ce soir, comme ce fut le cas lors d’autres commissions élargies qui se sont tenues depuis lundi, je constate que nous sommes très peu nombreux. Les porte-parole des groupes ne disposent que de deux minutes pour s’exprimer, tout comme les autres députés qui souhaitent intervenir. Nous sommes plusieurs à considérer que les porte-parole devraient pouvoir prendre la parole pendant au moins cinq minutes.

Je relève également que le compte rendu de la commission élargie de lundi dernier n’était toujours pas disponible cet après-midi alors que, les années précédentes, ce document paraissait vingt-quatre à quarante-huit heures au plus après les réunions. Je ne mets pas en cause les personnels, dont la charge de travail est importante, mais, avant décider de tenir ce type de séances, il faudrait être certain qu’elles puissent se dérouler dans des conditions normales.

M. Paul Giacobbi, président. Mon cher collègue, pour ce qui concerne le nombre de nos collègues assistant à cette réunion, permettez-moi de considérer que la qualité supplée la quantité puisque vous êtes là, et que j’y suis également ! (Sourires.) Les commissions élargies relèvent d’une procédure qui n’est pas très ancienne. Pour complexe qu’elle soit, elle reste plus efficace que celle du seul débat dans l’hémicycle auquel nous étions auparavant habitués – nous ne serions d’ailleurs sans doute pas plus nombreux si nos échanges avaient dû s’y tenir. Vous partagez avec des collègues siégeant sur tous les bancs le souhait d’entendre les porte-parole des groupes s’exprimer plus longuement ; je transmettrai cette préoccupation fidèlement, avec la vigueur dont vous me savez capable.

M. le président Patrick Bloche. Pour ma part, je transmettrai à la Conférence des présidents les remarques de notre collègue. Je note toutefois que la commission des affaires culturelles a déjà participé cette semaine à trois commissions élargies, pendant lesquelles j’ai constaté une affluence conséquente. Il n’est pas véritablement surprenant qu’elle soit moindre un jeudi soir : nous connaissons le rythme de travail des parlementaires.

Nous sommes heureux de retrouver Mme Fleur Pellerin, que la commission des affaires culturelles a entendue le mardi 14 octobre. L’adoption par notre assemblée de la première partie du projet de loi de finances pour 2015, mardi dernier, nous permet d’examiner aujourd’hui les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » après qu’une augmentation de la contribution à l’audiovisuel publique de 3 euros a été votée pour la France métropolitaine. Nous pouvons en conséquence d’ores et déjà affirmer que l’audiovisuel public sera financé en 2015.

Les rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont traité dans leurs rapports respectifs des sujets essentiels : Mme Martine Martinel s’est intéressée à la situation de Radio France, dont l’équipe dirigeante vient de changer, M. Jean-Noël Carpentier s’est projeté dans l’avenir en abordant la question du soutien à la presse à l’ère du numérique, et M. Rudy Salles s’est penché sur le futur du secteur particulièrement dynamique des jeux vidéo.

M. Paul Giacobbi, président. Au sein de la mission « Médias, livre et industrie culturelle », la commission des affaires étrangères s’intéresse bien légitimement aux crédits consacrés à l’action audiovisuelle extérieure de la France.

Le soft power est devenu à la mode dans une période où le financement du hard power pose problème Si l’expression semble trouver ses origines récentes vers l’université d’Harvard, la réalité qu’elle recouvre a déjà plusieurs siècles. Louis XIV faisait-il autre chose qu’utiliser le pouvoir diplomatique d’influence né du rayonnement culturel de la France ? Depuis le XXe siècle, l’audiovisuel joue, en la matière, un rôle capital, et si la France ne dispose pas encore d’un outil aussi puissant que BBC World Service, nos efforts commencent à payer. Je note la stabilité et même parfois le dynamisme des crédits consacrés au secteur.

Je profite de votre présence, madame la ministre, pour me féliciter de la réouverture toute récente d’une librairie française à New York. En 2009, dans cette enceinte, j’avais protesté avec véhémence contre la disparition de la dernière librairie francophone de cette ville, installée jusque-là dans le Rockefeller Center. Elle devait fermer, à l’époque, faute de pouvoir payer son loyer, et j’avais suggéré de l’héberger dans les locaux des services culturels de l’ambassade de France, situés à Central Park. Il n’avait évidemment été tenu aucun compte de l’avis d’un parlementaire, mais je me félicite que, quelques années plus tard, le hasard ait permis que la même idée soit portée avec dynamisme au sein même des services et puisse devenir réalité. Pour comble de bonheur, la nouvelle libraire Albertine a ouvert une salle de lecture Marcel-Proust ; autant de références qui me vont droit au cœur.

M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances.La mission « Médias, livre et industries culturelles », complétée par le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », couvre un spectre large d'actions en faveur de la politique culturelle française.

Malgré leur diversité, tous les acteurs impliqués dans ces domaines sont confrontés depuis quelques années au défi de la transition numérique, qui a bouleversé les usages et qui oblige à repenser à la fois les offres et les modèles économiques. Aujourd'hui, 80 % des Français sont des internautes et la mobilité devient un mode de consommation incontournable des contenus au détriment des supports traditionnels de diffusion. C'est dans ce contexte particulier que s'inscrit la mission « Médias, livre et industries culturelles », et dans celui, plus général, d'une conjoncture économique qui impose une maîtrise accrue des finances publiques.

Le projet de loi de finances pour 2015 propose un abondement des crédits de cette mission à hauteur de 717,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, et de 714,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de respectivement 17 % et 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cependant des changements de périmètre liés à un rééquilibrage des financements de l'audiovisuel, entre crédits budgétaires et contribution à l’audiovisuel public (CAP), faussent la vision. En neutralisant ces changements de périmètres, les crédits de la mission reculent de 6,9 % seulement en autorisations d’engagement et augmentent de 0,9 % en crédits de paiement. Les marges de manœuvre sont donc préservées pour mener à bien les actions essentielles de la mission.

J'ai souhaité consacrer la première partie de mon rapport spécial aux impacts de la transition numérique sur l'ensemble des secteurs de la mission.

Il est indéniable que le tournant du numérique a bien été pris par l'ensemble des acteurs de la mission, notamment par ceux de l'audiovisuel. France Télévisions, Arte ou encore Radio France mènent des politiques de développement innovantes avec des produits multimédias en constante évolution. Je constate avec plaisir que l'audiovisuel public n'a, à ce titre, rien à envier au privé en ce qui concerne la conquête du digital. C’est encourageant car le numérique est un formidable outil au service de la communication, de la culture, et de la conservation – à ce sujet, je pense à la bibliothèque numérique Gallica dont est en charge la Bibliothèque nationale de France (BNF).

Néanmoins, il faut reconnaître que cette transition a bouleversé les modèles économiques et engendré de nouvelles formes de concurrence qui risquent de déstabiliser certains acteurs.

Premier secteur concerné, la presse papier subit de plein fouet le recul du papier face à l'écran, celui de la télévision puis tous les autres avec la généralisation de l'internet mobile. En 2013, le chiffre d'affaires de la presse chute pour la sixième année consécutive. Son marché publicitaire se réduit bien plus que celui de tous les autres médias traditionnels avec un recul de 8 % par an entre 2011 et 2013. C'est pourquoi la réforme des aides à la presse instituée par le décret du 24 juin 2014 était essentielle. J’appelle cependant l’attention du Gouvernement sur le fait que le ciblage croissant des aides au profit de la presse d’information politique et générale (IPG), notamment dans le domaine des aides à l'innovation, risque d'empêcher les autres types de presse de prendre le virage du numérique, l’évolution numérique amenant elle-même à redéfinir la notion de presse IPG.

Second secteur à protéger, le livre dont l'économie nécessite une nouvelle régulation sous l'impact du développement du livre numérique et de la vente en ligne. C'est l'objectif que se sont assigné les lois du 17 mars 2014 et du 8 juillet 2014. La mission « Médias » finance également les dispositifs complémentaires de soutien aux librairies indépendantes. Le programme « Livre et industries culturelles »voit ainsi ses crédits de paiements augmenter de 2,6 %entre 2014 et 2015, ce dont je me félicite.

Je souhaite maintenant aborder la question des modalités de financement de l'audiovisuel public. Je salue la volonté du Gouvernement d'engager la disparition des crédits budgétaires à l'horizon 2017. Si la contribution à l’audiovisuel public est amenée à devenir le seul financement public de l'audiovisuel public, ses recettes doivent faire l'objet d'une sécurisation et d’une fiabilisation. Il est donc urgent de réfléchir dès 2015 à la modification de l'assiette de la contribution, afin de remédier au décalage croissant entre les usages et les bases de l'assiette.

J’insiste aussi sur la nécessité pour les opérateurs de l'audiovisuel public de développer des ressources propres. C'est la raison pour laquelle je propose dans mon rapport spécial d'engager la réflexion sur le retour partiel de la publicité entre vingt heures et vingt et une heure sur France Télévisions. Après de nombreuses auditions, il apparaît d’une part très clairement que l'impossibilité de diffuser des publicités après vingt heures « démonétise » l'ensemble des recettes publicitaires des chaînes de service public. D'autre part, il semble que l’impact sur le marché publicitaire global serait très limité puisque de tels écrans attireraient de nouveaux annonceurs. Cette nouvelle opportunité pourrait par ailleurs s'accompagner de la suppression de tout écran publicitaire en journée sur France 4.

L'extension de la contribution à l’audiovisuel public aux écrans mobiles, et le développement de ressources propres me semblent de meilleures solutions pour garantir le financement de l'audiovisuel public que l'augmentation systématique du montant de la CAP. Depuis 2009, le montant unitaire de la redevance supportée par les contribuables métropolitains a augmenté deux fois plus que si la seule indexation avait été appliquée : l’évolution liée à l’indexation aurait justifié que la CAP soit fixée, en 2015, à 128 euros alors qu’elle s’élèvera à 136 euros.

Madame la ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il de se saisir de la redéfinition de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public ?

Comment facilitera-t-il la transition numérique pour la presse non-IPG, qui se trouve actuellement dans une situation difficile ?

Je n’ai pas eu le temps d’évoquer la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), mais pouvez-vous nous dire si la baisse de ses crédits s’explique par un recentrage de son action sur la seule réponse graduée ? Dans ce cas, que deviennent ces autres missions, notamment la promotion de l'offre légale ?

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l'avenir de l'offre numérique du service public audiovisuel. J'ai consacré, cette année, la partie thématique de mon avis à Radio France, ce qui m'a permis de constater que le groupe public n'a amorcé que tardivement son virage numérique à compter de 2012, et que les résultats demeurent contrastés. De manière générale, l'audiovisuel public ne fait encore pas suffisamment figure de réfèrent dans l'univers numérique.

Il est urgent de mieux articuler les offres numériques de l'ensemble des opérateurs. L'idée de définir en commun les offres numériques des différentes sociétés de l'audiovisuel public – France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) –, qui se développent actuellement sans aucune coordination ni complémentarité, a été reprise par le Président de la République à l'occasion des cinquante ans de la Maison de la radio. Votre prédécesseur avait également plaidé pour la création de « synergies » entre les plateformes numériques des opérateurs de l'audiovisuel public.

Cette proposition est parfois caricaturée par ses détracteurs qui la présentent comme la première étape d'une fusion de l’ensemble des sociétés, et donc d'un retour à l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF). Elle se fonde pourtant sur le constat que, dans l'univers numérique, marqué par la convergence des contenus – les sites de radio proposent du texte et des contenus vidéo, tout comme les sites de télévision –, on ne peut plus raisonner par type de média. C'est la stratégie retenue avec succès par les groupes audiovisuels publics dans de nombreux pays européens, comme la BBC en Grande-Bretagne ou la RTBF en Belgique.

Il s'agirait d'une véritable révolution culturelle dans un paysage audiovisuel public particulièrement cloisonné dans lequel le dialogue entre les sociétés est souvent difficile voire inexistant, et les relations davantage marquées par la concurrence que par la recherche de complémentarités. Comme l'a rappelé Mme Véronique Cayla, présidente d'Arte, que j'ai auditionnée le mois dernier, l'idée même de créer des renvois entre les sites des uns et des autres ou de faire des promotions croisées n'a jamais pu être menée à bien...

Il me semble donc que nous devons impérativement lancer ce chantier à la faveur de la négociation des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens (COM) de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public d'ici à 2016. Dans un contexte budgétaire contraint, il s'agit également d'un moyen d'éviter d'éventuelles « pertes en ligne » et de rendre le service public audiovisuel numérique plus efficace à moindre coût. Un tel chantier implique évidemment une impulsion décisive de la tutelle. Madame la ministre, quelle est votre position sur ce sujet ?

Notre commission a par ailleurs eu l'occasion, lors de l'audition du nouveau président de Radio France, M. Mathieu Gallet, le 18 juin dernier, d'exprimer sa vive inquiétude à l'égard de l'une des propositions de son projet stratégique, consistant à rendre les podcasts payants, après une première période limitée d’accès gratuit. De nombreux collègues ont estimé que cette proposition était en total décalage avec les principes du financement du service public audiovisuel. Elle me semble en effet de nature à fragiliser à la fois l'acceptation de la redevance et les fondements mêmes de la notion de service public audiovisuel à l'ère numérique. Pouvez-vous dire ce que vous en pensez ?

Je m'interroge également sur l'avenir du Mouv'. Pour cette station, le COM 2010-2014 devait être celui de la dernière chance. Alors que la radio a échoué à trouver son public, le nouveau président annonce une relance fondée sur une nouvelle ligne éditoriale en cours de définition. Il s'agirait de faire du Mouv' la radio des cultures urbaines, notion qui n'a pas été clarifiée lors des auditions. J'ai déjà eu l'occasion de dénoncer le caractère de chaîne « alibi » ou de chaîne « ghetto » de France Ô. Je pense que le rajeunissement et la diversification de l'audience doivent irriguer l'ensemble des antennes et surtout constituer un axe majeur de la stratégie numérique. Dans la mesure où la contrainte budgétaire oblige par ailleurs à opérer des choix, je m'interroge sur le maintien de cette chaîne, dont le coût s’élève à 20 millions d'euros par an. Si le choix est néanmoins fait de la conserver, il conviendra de bien clarifier son identité de service public par rapport à l'offre privée existante. Madame la ministre, quelle est votre position sur l'avenir de cette radio ?

Je conclus en formulant un avis favorable sur les crédits en faveur de l'audiovisuel public dans le présent projet de loi de finances.

M. Jean-Noël Carpentier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour la presse. Les rapports qui se succèdent sur les aides à la presse portent des jugements sévères sur leur efficacité, et, ce qui est plus grave, sur leur caractère parfois contre-productif lorsqu'elles ont pour effet de retarder les adaptations du secteur, notamment vers le numérique.

Plusieurs rapports ont notamment constaté que le soutien massif à la distribution de la presse papier concerne des canaux de distribution qui se concurrencent au lieu de se compléter. Les ministres de l'économie et de la culture ont donc lancé en novembre 2013 une mission afin de proposer des solutions visant à accroître la complémentarité entre les différents modes de diffusion, et de réfléchir à l'avenir de l'aide postale après 2015. Cette mission a apparemment rendu ses conclusions. Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les perspectives des réseaux de distribution de la presse et des aides qui les accompagnent ? J'estime pour ma part que l’État devrait davantage conditionner ses aides à la mise en place de synergies dans ce domaine.

En ce qui concerne l'évolution des aides à la presse à plus long terme, j'observe que leur niveau est plus élevé en France que dans la plupart des pays de taille comparable. Pourtant ces aides n’ont pas enrayé une baisse continuelle de la diffusion papier – près de 25 % en dix ans – avec un nombre de numéros vendus annuellement qui est passé de cinq à moins de quatre milliards entre 2000 et 2010. De l'aveu même du syndicat des éditeurs de la presse quotidienne nationale, les aides ont été trop dirigées vers le papier au détriment du numérique. Même si des progrès récents ont été réalisés en matière de soutien à la presse en ligne, notamment grâce à l’application d’un taux super-réduit de TVA et au meilleur ciblage du fonds stratégique pour les services de presse en ligne, cette année encore les aides à la presse restent massivement dirigées vers le papier. Sur les 260 millions d'euros versés, moins de 10 % sont destinés à l'évolution du numérique.

Je m'interroge donc sur la pertinence d'un système d'aide qui reste très largement orienté vers un modèle dont la place est visiblement amenée à se réduire, puisque nos concitoyens s'informent par d'autres canaux, notamment sur internet. Ce soutien contribue aussi parfois à nourrir les interrogations sur l'indépendance politique de la presse, d'ailleurs amplifiées par l'évolution récente du profil des propriétaires de presse, qui accrédite l'idée qu'on n'achète pas forcément aujourd'hui un titre de presse pour sa rentabilité, mais plutôt pour l'influence politique qu'il procure.

Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’en soutenant aussi massivement un modèle papier qui n'est sûrement pas le modèle de l'avenir, nous risquons de créer des distorsions qui se révéleront à terme défavorables au secteur de la presse ?

De plus, force est de constater que la justification historique des aides à la presse, à savoir le soutien au pluralisme, ne se pose plus tout à fait dans les mêmes termes qu'auparavant avec la puissance de la diffusion d’internet. Il faut cependant rester particulièrement attentifs aux cas des journaux à faibles recettes publicitaires, qui perçoivent à ce titre des aides spécifiques.

Il est clair que le numérique fait tomber les barrières à l'entrée du secteur, et que l’on peut se réjouir de l’existence d’un nombre de plus en plus grand de titres en ligne à caractère d'information politique et générale, qui utilisent parfois, il faut le reconnaître, un ton nouveau, et peut-être un plus libre, sur certains sujets d’actualité. Une réflexion sur la notion de pluralisme s'impose donc dans un univers qui est passé de la rareté à l'hyperabondance de l'information. De la même façon, il faudra redéfinir le concept d’IPG. Avec le numérique un phénomène de convergences des contenus est également en marche. Madame la ministre, ne convient-il pas de repenser l'action publique en direction des médias d'information sans créer de frontières artificielles qui soumettent des contenus semblables à des politiques publiques différentes ?

Aujourd'hui, en matière de presse ou d'information, il est vain de vouloir opposer le papier et le numérique. Les citoyens ont tranché : si le support est important, ce sont d'abord la qualité et la fiabilité de l'information qui sont fondamentales. Cette exigence de qualité impose des moyens. La gratuité en ce domaine est une chimère.

Au vu de tous ces éléments, comment envisagez-vous l'évolution des aides à la presse papier, sachant qu’il faut aussi accompagner socialement un secteur qui emploie des milliers de personnes notamment dans l’imprimerie et la diffusion ?

Quid de votre politique en faveur d'une meilleure répartition de la valeur sur internet ? Avez-vous pris connaissance du protocole d'accord entre les éditeurs de presse et Google ? Si les éditeurs se déclarent globalement satisfaits de ce compromis avec Google, beaucoup relèvent qu'il ne peut s'agir d'une solution de long terme. Pour ma part, je m'interroge sur le fait que Google devienne une sorte de mécène de la presse française.

Plus généralement, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il nous faudrait une politique plus claire en faveur d'une plus juste répartition de la valeur entre les différents acteurs du net ? Cela devrait se faire notamment au bénéfice des éditeurs de presse qui auraient intérêt à s’entendre au niveau européen. Certains proposent de créer une taxe sur les appareils connectés, y êtes-vous favorable ? N’avons-nous pas plutôt besoin de plus de régulation et de fermeté envers ces géants du net, les fameux « GAFA », acronyme de Google-Apple-Facebook-Amazon, qui utilisent des contenus qu'ils n'ont pas créés eux-mêmes pour en tirer à leur seul profit d'énormes bénéfices – bénéfices qui, entre nous, échappent bien trop souvent aux différentes administrations fiscales nationales.

Je conclus en émettant un avis favorable sur crédits du programme « Presse ».

M. Rudy Salles, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le livre et les industries culturelles. Je relève que les crédits du programme « Livre et industries culturelles » connaissent une légère augmentation, mais essentiellement au bénéfice de l'action « Livre et lecture »qui enregistre une progression de 3 %.

Figure en bonne place dans cette action, le plan de soutien aux libraires. Dans son avis budgétaire, ma collègue, Mme Sonia Lagarde, avait dressé, il y a deux ans, un constat alarmant de la situation de la librairie. Notre réseau dense et de qualité de librairies doit faire face à l'arrivée de nouveaux modes de diffusion du livre – particulièrement la vente en ligne. Il est menacé par une chute de la rentabilité de son modèle économique. C'est pourquoi, le soutien mis en place via le Centre national du livre (CNL), dont le budget pour le soutien à la librairie a été renforcé de 2 millions d'euros, est important. Quant à la transmission des fonds de commerce, le CNL a abondé le fonds de soutien existant de 4 millions d'euros supplémentaires, ce qui a permis d'assurer la reprise de quatorze librairies du réseau Chapitre lors de sa faillite.

Dans ce contexte, je me félicite également de l'adoption de la loi tendant à encadrer la vente à distance des livres, à l'initiative, parmi d’autres élus, de notre collègue de la Commission, M. Christian Kert. Elle permettra de lutter contre la concurrence déloyale de certains opérateurs de vente en ligne. Il est désormais interdit de pratiquer la gratuité des frais de livraison des livres à domicile.

S'agissant des industries culturelles, la diminution des crédits se poursuit avec un recul de 2 % cette année. La HADOPI est de nouveau sacrifiée. L'année dernière, son budget avait déjà été amputé, passant de 8 à 6 millions d'euros. Cette diminution ne devait être que transitoire dans l'attente d'une solution. Le transfert de ses activités au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), proposé par le rapport de M. Pierre Lescure, ne semble plus à l'ordre du jour, et l’on assiste à une mort programmée de la HADOPI par assèchement de ses crédits budgétaires.

Madame la ministre, quel sera l'avenir de la HADOPI ? Si une révision de ses missions et une remise à plat de son activité doivent avoir lieu, pourquoi le Parlement n'est-il pas saisi ? Les personnels vivent aujourd’hui dans l’angoisse ne sachant pas ce qu’ils vont devenir : nous ne pouvons pas les laisser dans cette situation. Un minimum de transparence me paraît indispensable sur ce dossier.

J’en viens au thème du jeu vidéo, auquel j'ai consacré la deuxième partie de mon avis budgétaire cette année. Malgré un indéniable dynamisme, ce secteur d'avenir, à forte valeur ajoutée, souffre de la concurrence internationale. En dix ans, la France est passée du cinquième au huitième rang des pays producteurs de jeu vidéo, et l’emploi dans le secteur a été divisé par deux : seulement 12 000 salariés y travaillaient en 2013, alors qu’ils étaient 25 000 durant les années 2000. C'est pourquoi il est urgent que le soutien de l'État soit repensé. De nombreuses pistes existent, des solutions sont connues, des projets annoncés. Il est temps que ces annonces soient suivies d'effet, et que ces projets deviennent opérationnels.

L’aménagement du crédit d'impôt pour les dépenses de création de jeux vidéo constitue une priorité, car ce dispositif n'est plus adapté à l'évolution des jeux. De plus, il est concurrencé par des dispositifs extrêmement agressifs mis en place à l'étranger, notamment à Singapour qui propose un crédit d'impôt de 50 % – au lieu de 20 % en France. La production des jeux sur supports physiques, dits de nouvelle génération, nécessite de longues années de travail, c'est pourquoi la procédure d'agrément doit être revue – le délai entre l'agrément provisoire et l'agrément définitif doit être allongé. En revanche, les coûts de développement des jeux dématérialisés sur tablettes ou téléphones sont moindres, ce qui devrait permettre d’abaisser, pour ce qui les concerne, le seuil des dépenses éligibles au crédit d'impôt.

Ces améliorations ont été identifiées, et des aménagements ont été votés l'année dernière, lors de l'examen de la loi de finances pour 2014. Cependant, ce nouveau dispositif n'est toujours pas applicable, et il n'est pas certain qu'il s'appliquera en 2015. En effet, une aide d'État doit être notifiée à la Commission européenne et validée. Je m'étonne que la transmission à Bruxelles ne soit intervenue que cet été, retardant d'autant la mise en œuvre effective du nouveau crédit d'impôt.

Mme la ministre, pourquoi, la notification à la Commission européenne a-t-elle été aussi tardive ? Pensez-vous que le nouveau dispositif pourra s'appliquer en 2015 ?

En conclusion, malgré les réserves que j’ai pu exprimer, je donne un avis favorable, au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles ».

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’action audiovisuelle extérieure. Je souhaite saluer la remise en ordre de marche de France Médias Monde (FMM) qui a signé un contrat d'objectifs et de moyens ambitieux, et insister sur le travail formidable de sa présidente, Mme Marie-Christine Saragosse, et de son personnel.

Dans les années à venir, aussi bien FMM que TV5 Monde devront consolider les positions acquises dans leurs zones stratégiques et poursuivre leur développement, dans un contexte de concurrence internationale qui ne s'affaiblit pas. Rien qu'en Europe, plus de trente-deux chaînes à vocation explicitement internationale seraient diffusées, notamment la Deutsche Welle, qui aurait 90 millions d'auditeurs et de téléspectateurs chaque semaine, et BBC World Service, qui aurait une audience hebdomadaire de 192 millions de personnes.

J'insiste, comme le fera sans doute mon collègue et corapporteur Patrice Martin-Lalande, sur la nécessité de respecter la trajectoire financière prévue par le COM. À ce titre, je regrette que la loi de finances rectificative de juin dernier ait prévu une baisse de crédits à hauteur de plus de 600 000 euros, soit le mince budget qui devait être consacré à la diffusion de Radio France internationale (RFI) en bambara, en Afrique de l'Ouest. Il n'est pas normal que Voice of Americaémette en bambara au Mali, et que la France ne puisse s'y faire entendre alors même que ses forces y sont engagées.

Le retour de France Télévisions au capital de TV5 Monde ne pouvait que recevoir un écho favorable de la part de l'ensemble de nos partenaires au sein de la francophonie ; c'est donc une bonne chose. Mais il faut aussi préparer l'avenir car, comme nous le disait son directeur général, M. Yves Bigot, « qui n'avance pas recule ».

Pour 2015, le projet de loi de finances accorde 77,83 millions d'euros à TV5 Monde en dotations publiques, c'est-à-dire 76,2 millions hors taxes, soit le même montant que l’année dernière. Grâce à des chantiers d'économies très significatives, TV5 Monde se fait fort, à contributions publiques constantes de 2014 à 2016, de financer, outre les ajustements de son budget de base, l'intégralité des mesures prioritaires 2014, soit 1,85 million d'euros, et de les poursuivre en 2015. Il est toutefois peu vraisemblable que l’entreprise, à dotations constantes, puisse mettre en œuvre en 2015 de nouveaux objectifs tels que la bascule en haute définition sur de nouvelles zones ou le lancement de nouvelles langues de sous-titrage.

Madame la ministre, permettez-moi de vous interroger sur deux projets. TV5 Monde envisage de lancer une chaîne jeunesse francophone en Afrique. Elle aura besoin d'un financement complémentaire, que la chaîne multilatérale espère recevoir d'États africains. Pourriez-vous nous éclairer sur la question ? TV5 Monde étudie par ailleurs sérieusement la création d'une nouvelle chaîne thématique consacrée à l’art de vivre à la française, notamment sous l'impulsion de notre ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, qui permettrait de promouvoir l'image de la France des pays francophones, et de leurs entreprises, et d'attirer les touristes étrangers en France. La trajectoire financière prévue par le plan stratégique adopté en début d'année permettra-t-il à TV5 Monde d'atteindre ses objectifs ? Ne faudra-t-il pas renoncer à certains investissements, notamment en matière de passage à la haute définition ? Il s’agit pourtant un virage technologique que nous n’avons pas le droit de manquer.

Le rapport pour avis de la commission des affaires étrangères a fait le choix cette année de s'intéresser à la coopération audiovisuelle, en étudiant plus particulièrement notre action au Maghreb, zone stratégique pour la France, au plan culturel, certes, mais aussi économique. La coopération audiovisuelle est un puissant multiplicateur d'influence dans un contexte de très forte concurrence. J'insiste sur la nécessité absolue de pérenniser les moyens d'action tout en adaptant l'offre, en la rendant plus lisible et coordonnée, en capitalisant sur nos marques fortes, ce que font les Allemands et les Anglais dont l'action est particulièrement efficace en la matière.

Ma dernière question porte sur Canal France International (CFI), opérateur de la coopération médias du ministère des affaires étrangères depuis 1989. L'État négocie actuellement le second contrat qui définira l'ensemble des activités de CFI au regard des priorités de notre aide publique au développement. Madame la ministre, existe-t-il dans ce contrat un volet consacré à la bonne coordination de l’action de CFI avec celle des autres acteurs de notre coopération audiovisuelle – que ce soit l'Académie France Médias Monde, l'INA, ou encore nos attachés de coopération audiovisuelle ? Étant donné la contrainte budgétaire qui s'exerce sur tous, cette coordination n'est pas un luxe, c'est une nécessité, or il semble qu'elle présente quelques faiblesses.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’action audiovisuelle extérieure. France Médias Monde, l'ex-Audiovisuel extérieur de la France, qui rassemble France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya, a traversé une profonde crise de confiance et de gouvernance. La page semble tournée depuis l'arrêt de la fusion des rédactions et la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse en octobre 2012. Ses équipes ont effectué un travail remarquable, et nous souhaitons saluer son implication et son professionnalisme. Le climat social paraît s'être apaisé et toutes les opérations de déménagement, qui avaient été très contestées, sont achevées ou en passe de l'être. Enfin, et surtout, la signature en avril 2014 un contrat d'objectifs et de moyens ambitieux, rédigé dans un climat de dialogue et de concertation avec le personnel, est aussi le signe d'un apaisement bienvenu des relations de l'entreprise avec la tutelle de l'État.

Les résultats de France Médias Monde sont globalement assez encourageants. Ses personnels réalisent un travail remarquable à Paris et sur le terrain, souvent de manière courageuse. Je voudrais rendre hommage à la mémoire des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés il y a tout juste un an dans le nord du Mali.

Les crédits demandés pour 2015 sont très légèrement en hausse. Les dotations publiques au titre de l’année 2015 pour la société France Médias Monde s'élèvent à 242 millions d'euros, en hausse de 1,7 million d'euros par rapport à l'année dernière – en tenant compte de la réduction de crédits appliquée à FMM dans le cadre de la loi de finances rectificative de juillet 2014 quelques semaines après la signature du COM. France Médias Monde espérait pourtant bénéficier d’au moins 6 millions d'euros de dotations publiques supplémentaires sur la période du COM pour financer ses projets de développement, en plus de ses propres économies et des redéploiements internes. Au regard des contraintes budgétaires actuelles, ce geste est donc limité, mais bienvenu.

À l'heure où l'entreprise doit impérativement investir dans les nouvelles technologies – passage à la haute définition et à la TNT, développement du multimédia… –, poursuivre la modernisation de ses grilles et programmes, continuer le développement de sa diffusion et de sa distribution, consolider ses positions dans ses zones d'influence traditionnelle tout en gagnant en influence dans les zones où elle est moins présente et, enfin, entamer le délicat chantier de l'harmonisation sociale, il nous semble impératif que l'État respecte la trajectoire financière tracée par le COM. Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à s’engager à respecter le COM malgré l’entaille qu’il y a déjà porté au contrat quelques semaines après sa signature ?

Il est opportun de développer une version hispanophone de France 24 pour permettre à notre pays de rayonner notamment en Amérique latine. Les montants nécessaires devraient faire l'objet d'un financement spécifique par l'État dans le cadre du futur COM 2015-2018. Pourriez-vous nous dire si vous soutenez ce projet ?

L'équilibre financier demeure ainsi précaire. Une grande partie des projets de l'entreprise repose sur l'augmentation des ressources propres dont la dynamique est moindre qu'attendue dans le contexte d'un marché publicitaire atone et d'un renforcement de la concurrence alors même que les marges d'économie de fonctionnement se réduisent.

La question de la réforme de la contribution à l'audiovisuel public semble être inévitable puisque la CAP assure la totalité du financement de FMM et de TV5 Monde. Par ailleurs, il serait paradoxal que les Français financent directement des médias auxquels ils continueraient de ne pas avoir accès. Certes, des efforts ont été engagés – France 24 pourra être regardé en Ile-de-France –, mais ils sont insuffisants.

Reste la question de la convergence sociale au sein de FMM. Il s’agit d’un sujet délicat pour un coût évalué à environ 4 millions d’euros par la Cour des comptes. Madame la ministre, comment l’envisagez-vous ?

La Cour des comptes l’a relevé, la France a besoin d’un outil politique de pilotage de son audiovisuel extérieur. Le ministère des affaires étrangères doit prendre toute sa part de responsabilité dans la définition des orientations stratégiques de France Médias Monde et de TV5 Monde, notamment concernant les arbitrages portant sur les zones géographiques prioritaires.

Pour conclure, je me permets de suggérer à la commission des finances de demander à la Cour des comptes de réaliser, dès l’année prochaine, une enquête sur l’audiovisuel extérieur de la France, ce qui nous serait extrêmement utile pour préparer le nouveau COM à partir d’une analyse approfondie.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Avant de répondre à vos questions, je vous présenterai les orientations politiques qui ont conduit aux choix budgétaires que je soumets à votre examen.

Après deux ans de baisse et de rationalisation, en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. L’ensemble des crédits budgétaires connaît même une augmentation de 0,33 % en 2015, pour s’élever à 7,08 milliards, et la mission « Médias, livre et industries culturelles », une hausse de 0,42 %, qui monte ses crédits à 4,4 milliards. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pourra utiliser l’ensemble de ses ressources sans qu’aucune ponction soit effectuée sur ses réserves.

Cette stabilisation est le signe de la priorité que le Gouvernement accorde à la culture et aux médias, dans un contexte de finances publiques dégradé. Elle impose de poursuivre les efforts et de maintenir des équilibres délicats mais permet, en les hiérarchisant, de financer les priorités de mon action, que j’ai présentées la semaine dernière à la commission des affaires culturelles.

Il s’agit d’abord de repenser l’accès à la culture, en partant des pratiques culturelles des Français, et particulièrement des jeunes. Nous y reviendrons lorsque nous parlerons de musique ou de lecture. Il faut ensuite renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. La mission « Médias, livre et industries culturelles » comporte elle aussi ses champions nationaux. Je pense notamment à l’Agence France-Presse (AFP) et à notre modèle cinématographique Enfin, je souhaite encourager le renouveau créatif de nos artistes, de nos auteurs, de nos talents et de toutes nos industries culturelles.

Ces grandes orientations se déclinent dans l’ensemble des politiques culturelles que porte le ministère.

Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de novembre 2013 confiant à nouveau au CSA la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, le Gouvernement a choisi de renforcer l’indépendance financière de celles-ci en réduisant progressivement la part de leur financement public reposant sur le budget général, laquelle aura disparu en 2017. La diminution de 102,7 millions de leur subvention en 2015 sera compensée par la hausse des apports de la contribution à l’audiovisuel public, qui progressera de trois euros en 2015 en métropole et d’un euro dans l’outre-mer.

Nous ne réintroduirons pas de publicité en soirée sur les antennes nationales du service public. Sans étude d’impact préalable solide, la mesure pourrait déstabiliser des équilibres d’un secteur audiovisuel confronté à un marché publicitaire en crise et à l’arrivée de nouveaux acteurs réinterrogeant son modèle économique. Parallèlement, comme l’a annoncé le Président de la République, il faut engager une réflexion, à laquelle le Parlement sera étroitement associé, sur la modernisation du financement de l’audiovisuel public au-delà de 2015.

La stabilisation des crédits de l’audiovisuel public sur les trois prochaines années requerra de la part des sociétés un réel effort de maîtrise et d’économies, compte tenu de la progression automatique de certaines charges, mais il ne remettra pas en cause leur capacité à assurer leurs missions. Ainsi, les grands équilibres des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Médias Monde sont respectés, les dotations publiques à Radio France et Arte sont stables ou en légère progression, et la dotation de l’INA retrouve un niveau proche de celui de 2013, après la diminution exceptionnelle de 20 millions d’euros l’an passé, compte tenu du prélèvement sur le fonds de roulement. Le Président de la République souhaite par ailleurs que l’État clarifie sa vision stratégique du rôle et des missions de France Télévisions à l’horizon de 2020, avant que le CSA ne nomme le président ou la présidente du nouvel opérateur du service public de l’audiovisuel au printemps prochain. Mes services et ceux du ministère des finances engagent à ce sujet un travail, sur lequel vous serez consultés. Nous devons mener une réflexion d’ensemble sur les missions du service public audiovisuel et sur ses ressources, à savoir la contribution à l’audiovisuel public ou la publicité.

En ce qui concerne le cinéma, le Gouvernement n’entend pas que le CNC voie ses capacités d’action limitées par un prélèvement sur ses réserves. Dans le même esprit, il ne plafonnera pas les taxes prélevées sur le marché de la diffusion cinématographique et audiovisuelle, la majorité ayant décidé dès son arrivée de restaurer l’intégrité du modèle de financement mutualiste du fonds de soutien au cinéma et à l’audiovisuel. Pour qu’il puisse faire face au recul prévisionnel de 10 % des recettes attendues du CNC, soit 70 millions d’euros, par rapport au budget primitif pour 2014, l’établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle, ce qui permettra d’amortir l’impact conjoncturel de la baisse sur les investissements du secteur et d’éviter un effet récessif préjudiciable à la diversité de la création et à l’emploi. Je souhaite par ailleurs que la discussion parlementaire permette de proroger pour trois ans le dispositif des sociétés de financement du cinéma et de l’audiovisuel (SOFICA), qui favorisent la diversité de la création.

L’année 2015 donnera au CNC l’occasion de poursuivre les actions de modernisation des soutiens cinématographiques et audiovisuels, pour soutenir la création, promouvoir la diffusion sur tous les supports d’œuvres françaises, consolider les entreprises, renforcer leur compétitivité, y compris à l’export, et rendre plus transparentes les relations entre professionnels. Elle verra aussi la mise en œuvre effective, après autorisation de la Commission européenne, des dispositifs de soutien automatique et sélectif en faveur de la vidéo à la demande, dont l’objectif est de mieux structurer l’offre légale française, pour la rendre plus visible par le public.

Un autre enjeu qu’il nous appartiendra collectivement de relever concerne la mutation structurelle du secteur de la presse. Conformément à l’engagement du Président de la République, l’année 2014 a été consacrée à la réforme des dispositifs d’aide à la presse élaborée en 2013. Un décret paru en juillet a modernisé le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) en faveur de la transition numérique. Désormais, le Gouvernement renonce à distinguer la presse papier et la presse en ligne car, comme il a eu l’occasion de le rappeler quand il a abaissé le taux de la TVA sur les services de presse en ligne, dès lors qu’il n’existe pas de différence fondamentale entre les supports d’accès à l’information, il faut appliquer le principe de neutralité technologique, que j’ai défendu à plusieurs reprises auprès de mes homologues européens chargés de la culture ou du numérique.

Le fonds stratégique privilégie désormais les projets mutualisés, indispensables dans une période où les volumes se contractent. Il s’est adjoint la compétence d’experts du numérique, afin de choisir de manière plus pertinente et plus réactive les projets qu’il finance. Parallèlement, nous avons refondu les critères de l’aide au portage, comme nous nous étions engagés à le faire. Si 2014 est bien une année de transition, le nouveau dispositif met fin à la distinction souvent décriée entre aide au flux et aide au stock. Afin de mutualiser les outils de production, l’aide est désormais versée aux réseaux de portage eux-mêmes, et elle est bonifiée en cas de portage multititres. De la même manière, l’aide versée aux éditeurs prend davantage en compte l’évolution des volumes portés, tout en étant plus prévisible, ce qui la rend plus intelligente et plus apte à faire évoluer le comportement économique des acteurs.

Il n’en reste pas moins que, dans les mois qui viennent, la presse devra faire face à des enjeux importants, notamment en matière de diffusion. Les travaux que mènent conjointement l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) sur l’avenir de la diffusion, afin de proposer un schéma industriel soutenable pour les trois réseaux actuels – portage, postage et vente au numéro – sont en cours de finalisation. La filière ne pourra pas soutenir la chute des volumes constatée depuis deux ans, de près de 10 % par an pour la vente au numéro s’agissant de la presse quotidienne nationale (PQN) et de 3 à 5 % pour les autres acteurs, si elle n’engage pas de réforme à la hauteur des enjeux. Le secteur a en main les conditions de sa mutation.

La réforme passe par l’ouverture résolue des réseaux de portage et par une mutualisation des moyens à la disposition des messageries. Les travaux engagés entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) autour de leur système d’information commun doivent s’accélérer afin de générer les économies et les améliorations de service attendues par tous. La réforme passe aussi par une meilleure efficacité économique du postage. Les discussions en cours entre La Poste et la presse magasine doivent porter leurs fruits. Dans ce contexte, les moyens accordés aux différents réseaux de diffusion de la presse sont préservés en 2015, dans mon budget comme dans celui du ministère de l’économie.

Les moyens en faveur du pluralisme sont également préservés mais, dans un contexte de forte mutation, l’État concentre ses moyens sur la qualité de l’information. C’est le sens de la priorité accordée à l’Agence France-Presse, qui verra ses moyens augmenter de 5 millions en 2015. Ce soutien budgétaire s’inscrit dans un soutien plus large à ce champion national qu’est l’AFP, l’une des trois agences de presse de taille mondiale. Non seulement l’AFP participe pleinement du rayonnement de notre pays à l’étranger, mais elle permet à tous les journaux, même sur les théâtres d’opération où les éditeurs peinent à envoyer leurs journalistes, de disposer d’une information de qualité. L’année 2014 a permis de sécuriser son financement public au plan communautaire et d’élaborer, grâce aux travaux du député Michel Françaix, les voies et moyens d’assurer la nouvelle vague d’investissements nécessaires à une complète mutation numérique. Le COM de l’AFP, qui doit être signé avant la fin de l’année, traduit notre ambition collective pour son avenir.

Mon propos ne serait pas complet si je n’évoquais pas les crédits en faveur des industries culturelles. Ceux de la HADOPI sont maintenus au même montant que l’an dernier, c’est-à-dire à 6 millions. Le chiffre a été retenu au vu de la situation financière globale de cette autorité administrative qui, en 2015, pourra encore – probablement pour la dernière fois – utiliser son fonds de roulement pour financer ses missions : la réponse graduée, l’offre légale ou la réflexion sur la lutte contre la contrefaçon. Mes services travaillent à mettre en œuvre les préconisations du rapport de Mme Imbert-Quaretta, dans le respect des compétences de chacun. L’injonction de retrait prolongé relève d’un travail interministériel avec le ministère de la justice, et le développement de l’offre légale, des compétences du CNC ou de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). Les réflexions menées sur la chronologie des médias ou la régulation, pour encourager le développement des plates-formes ou de l’offre légale, sont un moyen de lutter plus efficacement contre le piratage.

En matière de livre et de lecture, je suis heureuse que le budget illustre, après deux ans de tension, la reprise des capacités d’investissement du ministère de la culture. Ces dernières années, celui-ci a consenti un effort en faveur des librairies. Je souhaite le poursuivre en insistant sur des aspects qui n’ont pas été traités jusqu’à présent, comme la formation des libraires.

Désormais, l’avancement du grand chantier de remise aux normes du site de Richelieu de la BNF pèse moins sur notre budget. Cette marge de manœuvre sera redéployée pour augmenter la dotation dédiée aux travaux de maintenance, de renouvellement et de mise en sécurité des installations du site de Tolbiac. Une enveloppe exceptionnelle de 18 millions d’euros sera dégagée en trois ans. C’est l’un des objectifs importants du contrat de performance signé avec l’établissement public.

Les autres axes concernent notamment la poursuite des chantiers d’excellence que mène la bibliothèque en matière numérique : enrichissement continu de Gallica du fait de la politique de numérisation et du développement du dépôt légal numérique, élaboration des outils de référencement international des métadonnées, capacité d’expertise et de coopération pour l’ensemble des bibliothèques universitaires et de lecture publique de notre pays. Ce budget triennal permettra aussi de lancer le projet de rénovation de la Bibliothèque publique d’information (BPI), afin d’améliorer l’accueil des lecteurs en lien avec le Centre Pompidou et de redonner à la BPI son rôle central d’animateur du réseau des établissements de lecture publique. Si 2013 et le début de 2014 avaient affirmé la priorité accordée par le Président de la République aux librairies indépendantes, l’année 2014 a été consacrée aux bibliothèques. Ce budget en est la traduction concrète pour les deux établissements publics de l’État.

Le réseau de lecture publique ne sera pas négligé. Le maintien, dans son enveloppe précédente, de la dotation générale de décentralisation (DGD) pour les bibliothèques permettra à l’État de soutenir, à hauteur de 80 millions, les projets des collectivités locales sur l’ensemble du territoire. Nos quelque 16 000 médiathèques représentent toujours le premier réseau d’équipement culturel de notre pays et celui auquel accèdent le plus grand nombre de personnes, quelles que soient leur condition sociale et leur situation géographique. Les médiathèques prouvent leur modernité en se transformant dans de nombreux endroits en centres de ressources d’accès à la culture et aux savoirs, que celles-ci se présentent sous forme physique – livres, presse, CD, vidéos – ou sous forme numérique. La journée du 8 décembre sera consacrée à un échange, que j’espère le plus nourri possible, avec les élus locaux ou nationaux, sur la place des bibliothèques dans le pacte républicain au XXIe siècle. Ce sera un moment fort pour définir la politique culturelle de demain.

Dans l’année qui vient, l’examen du projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), après le vote de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), sera l’occasion de discuter, avec les collectivités territoriales, de l’avenir des politiques culturelles sur les territoires. C’est pour moi un enjeu essentiel, la culture étant un champ de responsabilité éminemment partagée entre l’État et les différents niveaux de collectivités locales. Si le budget de l’État en faveur de la culture est préservé pour les trois prochaines années, la tension sur les finances publiques locales contraint des collectivités à réduire leur effort ou arrêter des projets. C’est pourquoi je souhaite que nous engagions un nouveau mode de partenariat pour insuffler du dynamisme aux politiques culturelles publiques. Le soutien de tous les parlementaires à cette réflexion sera le bienvenu.

J’en viens aux questions posées par les rapporteurs.

Le ciblage des aides sur la presse d’information publique et générale (IPG), qui garantit le pluralisme de l’information, restera la priorité du Gouvernement. Avec M. Jean-François Mary, président de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), nous avons ouvert le chantier de la définition de la presse IPG, que nous aiderons encore pendant deux ans à investir dans le numérique.

Nous ne disposons pas encore du rapport sur l’avenir de la diffusion, qui pose la question de la pérennité des trois réseaux. Une mutualisation semble nécessaire, au vu des conditions économiques de la diffusion. Les deux messageries, qui travaillent déjà à élaborer un système d’information commun, doivent aller plus loin. De même, les réseaux de portage doivent s’ouvrir à plusieurs titres, ce qui permettra à la presse quotidienne régionale (PQR) de diffuser davantage les titres de la PQN. La réforme des aides, que nous avons lancée, y contribuera efficacement. Quelles que soient les conclusions du rapport, la filière devra poursuivre ses efforts de restructuration.

Le soutien à l’emploi est un sujet important. Si la presse papier reçoit un volume d’aides élevé, c’est que la filière industrielle n’acquitte pas les mêmes coûts que les entreprises numériques. Les priorités du Gouvernement sont claires. Il veut soutenir la mutation numérique, accompagner toute la presse dans l’évolution industrielle en cours, notamment pour la distribution du papier, et garantir aux citoyens, où qu’ils soient sur le territoire, un accès à une presse pluraliste.

La régulation des géants du Netdépasse la question des éditeurs de presse, puisque la déformation de la chaîne de valeur touche tous les acteurs des industries créatives et culturelles. Vous savez combien je suis investie dans cette réflexion. Depuis deux ans, je mène un combat sur le terrain intellectuel et opérationnel. Je le poursuivrai bientôt sur le plan institutionnel avec le Prix Nobel d’économie Jean Tirole. Celui-ci a étudié sur le plan microéconomique la neutralité du Netet posé la question de la valeur, dans un domaine marqué par la profusion de l’offre et la rareté de l’attention.

La rétribution équitable des acteurs locaux, français ou européens, dépend de la capacité des régulateurs et des pouvoirs publics à appréhender les nouvelles chaînes de valeur du numérique. Nous avons progressé sur le sujet dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et dans celui de l’Union européenne. J’espère formuler des propositions dans les prochains mois. La pérennité du financement de l’exception culturelle française dépend de notre capacité à appliquer sur le territoire les règles fiscales concernant les acteurs extraterritoriaux. C’est un point essentiel pour l’avenir de la culture et des industries créatives.

Le service public doit constituer une référence en matière de qualité, de diversité et d’accessibilité. Au fil du temps, les sociétés de l’audiovisuel public ont tissé, à travers la radio et la télévision, des liens de proximité avec nos concitoyens. Depuis quelques années, des efforts importants ont été consentis pour prolonger cette relation dans l’univers numérique. Cependant, si certaines initiatives ont été couronnées de succès, aucun organisme de l’audiovisuel public n’a su imposer son offre numérique comme une référence. Pour capter l’attention, le service public doit réunir ses forces et proposer, dans le respect des identités qui le composent, une offre visible, cohérente et adaptée. C’est d’ailleurs ce que souhaite le Président de la République. Je veillerai à ce que cette question occupe une place centrale dans les COM de Radio France et de l’INA, en cours de négociation. Le sujet constituera un axe majeur de l’action de l’État pour l’avenir de France Télévisions. Il sera évoqué avec France Médias Monde et Arte France, dans le cadre de la réflexion sur les missions de l’audiovisuel public.

Le Mouv’ n’ayant pas trouvé son public, la direction de Radio France propose de mieux adapter son identité et son offre aux plus jeunes, en tenant compte des possibilités offertes par le numérique. Je veillerai à ce que, dans le cadre du COM, la discussion aboutisse à une solution réaliste et pérenne.

Le PLF pour 2015 propose d’allouer à France Médias Monde sur une dotation de 224 millions, en hausse de 0,7 % par rapport à la LFI pour 2014, ce qui est conforme aux engagements du COM.

TV5 Monde reçoit une contribution stable, alignée sur celle de nos partenaires. Cette dotation lui permet de diffuser en haute définition, ce qui garantit que les bouquets de télévision par satellite pourront reprendre ses programmes.

Bien que la situation de Canal France International concerne surtout le ministère des affaires étrangères, celui de la culture et de la communication ne peut y être indifférent. Il entend privilégier les synergies entre CFI et France Médias Monde.

J’ai été impliquée très tôt dans le dispositif de crédit d’impôt en faveur des jeux vidéo. Contrairement aux idées reçues, ceux-ci sont principalement utilisés par des femmes, d’une moyenne d’âge de trente-cinq ans. C’est un secteur d’excellence de la création française, dont les productions s’apparentent aux films à grand budget. Dans ce domaine où notre pays affronte la concurrence du Canada, de Singapour ou de la Grande-Bretagne, le crédit d’impôt est une manière de localiser la création chez nous. Je puis en témoigner puisque, habitant Montreuil, je suis voisine d’Ubisoft.

L’an dernier, vous avez adopté quatre dispositions importantes pour restaurer la compétitivité de ce crédit d’impôt. La réforme n’a été notifiée à la Commission européenne, dont nous attendons l’accord, que dans le courant de l’été, parce qu’il fallait d’abord en finaliser deux autres, touchant respectivement à la réforme du crédit d’impôt international et à la mise en place d’un soutien automatique à la vidéo à la demande.

M. Marcel Rogemont. Si le budget de la culture et de la communication n’est pas le plus important, la première place revenant, cette année encore, à l’éducation nationale, vos crédits, madame la ministre, sont épargnés malgré un contexte contraint, ce qui mérite d’être salué.

Le rapport sur l’audiovisuel public examine la situation de Radio France, qui retient moins l’attention que d’autres sociétés. Le CSA n’a pas publié le bilan de ses résultats sur la base du COM. Que prévoit le nouveau contrat qui doit être signé pour 2015-2019 ? En tout état de cause, faire payer l’accès aux podcasts de Radio France ne me semble pas – pour user d’une litote – une excellente idée.

En quels termes M. Schwartz doit-il rédiger la lettre de mission destinée au CSA et aux futurs candidats à la direction de France Télévisions ?

Envisagez-vous de transférer – et, le cas échéant, dans quelle proportion – les aides à La Poste vers le portage, solution d’avenir pour la distribution de la presse quotidienne ? La coexistence de deux messageries concurrentes est-elle économiquement viable ?

Quelle est votre approche du différend qui oppose Hachette àAmazon ?

Enfin, je partage l’inquiétude de M. Salles sur le crédit d’impôt pour la création des jeux vidéo. Le seuil de 100 000 euros conditionnant l’éligibilité à ce dispositif est-il pertinent ? L’avenir du secteur dépend en grande partie de notre capacité à adapter nos aides face à une concurrence féroce. Autant de questions, madame la ministre, qui n’ébranlent pas notre confiance dans votre action.

Mme Virginie Duby-Muller. Après avoir baissé de 2 % pendant deux ans, le budget du ministère de la culture est enfin sanctuarisé pour trois ans, comme l’avait promis le Premier ministre, le 6 juillet dernier, pendant la fronde des intermittents du spectacle. Pourtant, la dotation de la mission « Médias, livre et industries culturelles » diminue en valeur absolue. Son enveloppe se réduit de 12,35 % pour s’établir à 0,7 milliard d’euros. Si la baisse de 100 millions est inhérente à la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure », elle se cumule à l’extinction progressive, d’ici à 2017, des dotations du budget général affectées au financement de l’audiovisuel public.

Alors que les Français subissent un matraquage fiscal sans précédent, la redevance augmente de trois euros, pour s’établir, après une hausse de neuf euros en trois ans, à 136 euros. Bien que votre but affiché soit de « conforter l’autonomie financière du secteur », la hausse ne suffira pas à compenser la stabilisation de la dotation de France Télévisions. Fragilisée par la diminution prévue de ses recettes publicitaires et par un budget en baisse de 0,5 %, l’entreprise ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour relever les défis de sa rénovation. Dans ces conditions, peut-on vraiment parler d’autonomie ?

Vous réduisez la dotation budgétaire fixée par la précédente majorité, qui avait créé, pour l’abonder, la taxe télécoms. Même si la fongibilité du budget de l’État relativise le fléchage des recettes, les débats de 2009 affirmaient que cette taxe devait jouer un rôle de compensation. Nous regrettons que son produit, au lieu d’être affecté à l’audiovisuel public, se fonde dans le déficit public, ce qui signifie que les Français devront une nouvelle fois la mettre la main à la poche.

Dans le programme 180, les aides à la presse demeurent stables. Quand les aides ciblées à la presse quotidienne régionale, premier vecteur d’information du pays, seront-elles remises à plat ?

Le programme 334 « Livre et industries culturelles » est en baisse. La nouvelle procédure d’examen en commission limitant notre temps de parole, je n’approfondirai pas l’analyse de ce budget ni le cas des opérateurs rattachés, préférant évoquer les finances de la HADOPI en défendant un amendement d’appel. Ce sera une manière d’engager le dialogue budgétaire que vous avez appelé de vos vœux lors de votre audition du 14 octobre par notre commission.

Le groupe UMP ne votera pas ce budget, dont le manque d’ambition dénote une absence de stratégie.

Mme Isabelle Attard. La stabilisation du budget de la HADOPI équivaut à une asphyxie financière. L’an dernier, cette autorité administrative indépendante a fonctionné sur ses réserves, aujourd’hui épuisées. Pouvez-vous clarifier votre position à son sujet ? En janvier 2012, vous avez envoyé un tweet ainsi rédigé : « HADOPI remplacée : on efface tout, on réfléchit, on défend les créateurs, on arrête de charger les internautes. » Ou bien vous avez changé d’avis et, dans ce cas, expliquez-nous en quoi une institution que vous vouliez supprimer en 2012 est devenue soudain indispensable. Ou bien votre souhait n’a pas varié, et votre prochaine loi sur la création sera un bon véhicule pour supprimer la riposte graduée. Des études montrent que celle-ci n’a eu d’autre effet que d’éloigner les internautes des logiciels de partage de pair à pair. Le partage culturel ne cesse de progresser. Seuls les outils ont changé, et les plus récents profitent aux réseaux maffieux.

Récemment, vous avez projeté d’établir une liste administrative de sites contrefaisants. Que dirait-on si, usant du même procédé envers les magasins, la direction de la répression des fraudes publiait une liste de commerces jugés contrefaisants, en faisant l’économie d’une procédure contradictoire devant la justice ? Il existe d’autres solutions pour agir. La plus rapide et la plus économique pour assécher le financement des sites d’hébergement qui gagnent de l’argent sans le redistribuer aux auteurs est de cesser la chasse aux partageurs.

C’est en effet la mission la plus coûteuse de la HADOPI, alors que les deux autres, à commencer par le développement de l’offre légale, sont loin d’être inutiles. Si les majors prétendent que cette offre est suffisante en France, les faits sont têtus. Orange propose d’accéder en version sous-titrée à la série la plus regardée au monde, Game of Thrones, dès le lendemain de sa diffusion aux États-Unis. L’offre serait alléchante, s’il ne fallait pour y accéder souscrire à Orange Ciné Séries, qui est en fait un catalogue. Ne s’agit-il pas d’une forme déguisée de vente liée obligatoire, pratique interdite dans notre pays ?

Il faut repenser les droits, libertés et devoirs des internautes, qu’il appartient à l’État de faire respecter. Au XXIe siècle, la copie est non un problème, mais un fait. Nous devons trouver des sources de financement pour tous les créateurs et éviter que des intermédiaires ne s’arrogent, en prédateurs, une part déraisonnable de l’argent généré par la création.

M. Michel Françaix. La presse est confrontée non à une crise conjoncturelle mais à une mutation d’ensemble. Le passage à l’ère numérique modifie les modèles économiques des titres de presse, ainsi que les usages des lecteurs. Il accélère le rythme de diffusion de l’information, y compris à l’échelle internationale, et réinterroge les modes de lecture. Cependant, le numérique est loin d’avoir trouvé son modèle économique, puisqu’en pourcentage, il perd plus d’argent que la presse papier, pour avoir été trop longtemps axé sur le couplage de la gratuité et de la publicité.

Une société démocratique a trois manières de garantir l’accès à tous les titres de presse. L’immobilisme, qui a longtemps prévalu, produit des effets bien connus : des déficits de plus en plus graves et des aides mal orientées. La révolution salvatrice, qui pousse à aller vite pour rattraper le temps perdu, mène à la crise sociale. Mieux vaut la troisième voie, qui consiste à accélérer la transition.

Celle-ci peut être favorisée de quatre manières. La première consiste à donner un pouvoir accru et un rôle de pivot à notre système de régulation, pour assurer une mise en place rapide des réformes et rationaliser enfin l’économie de la presse. La deuxième est de redéfinir de manière drastique les missions des deux messageries, dans une nouvelle organisation industrielle. Si l’on n’y arrive pas, c’est peut-être que seule la fusion est possible. En troisième lieu, il faut remettre les diffuseurs au cœur d’un système dont ils sont les parents pauvres : ils ne touchent que 1 % des aides à la presse, et 40 % d’entre eux sont en dessous du SMIC. Enfin, pourquoi ne pas réserver les aides aux portages aux quotidiens et les aides au postage aux autres titres ? En renonçant à saupoudrer les aides, l’État cesserait de se concurrencer lui-même. Je le répète : le pragmatisme vaut mieux que l’immobilisme ou le Grand Soir, si l’on veut accélérer la modernisation de la presse, fer de lance de la démocratie.

M. Christian Kert. Puisque la presse régionale et la presse nationale ne peuvent se mettre d’accord sur un système de portage, peut-être vous revient-il de réunir leurs représentants. Il est stupide de disposer d’un outil qu’on ne sait pas faire fonctionner. Peut-être faut-il également réserver les aides à La Poste aux zones où le portage est difficile.

On se soucie beaucoup des diffuseurs de l’audiovisuel. Penchons-nous aussi sur le sort des producteurs français, surtout des producteurs indépendants menacés par la crise et par l’intérêt des chaînes françaises pour les productions étrangères. Leur situation devient préoccupante.

Enfin, êtes-vous prête à reprendre des propositions du rapport sur le destin de France 3, que Mme Filippetti avait commandé à Anne Brucy, spécialiste de l’audiovisuel ? Vous adresseriez de cette manière un signe aux cadres et au personnel de la chaîne.

M. Michel Pouzol. Je me félicite tout d’abord que les moyens du CNC soient intégralement préservés et que celui-ci soit autorisé à puiser dans son fonds de réserve. Je concentrerai mon intervention sur l’audiovisuel public. Pour parodier une célèbre émission de télévision, les Guignols de l’info : « Vous regardez l’ancêtre de l’internet tous les soirs à vingt heures, bonsoir ! ». Les propos tenus ce soir par nos rapporteurs nous renvoient à la question de la stratégie de Radio France et de France Télévisions. En effet, la multiplicité des supports et des chaînes remet en cause l’identité de certaines d’entre elles. Il importe donc que l’État joue son rôle d’analyse des stratégies à mener pour préserver la particularité du service public de l’audiovisuel, la question de la publicité et des moyens ne pouvant être l’alpha et l’oméga de la définition des objectifs d’une chaîne publique. Il convient de s’émanciper des analyses purement mercantiles propres aux chaînes privées et de réfléchir à la spécificité et à l’identité des chaînes publiques, fussent-elles généralistes, à l’heure où le numérique et l’explosion d’internet bouleversent les modes de consommation et les médias audiovisuels. Car, encore une fois, tout n’est pas une question de moyens !

Madame la ministre, comment comptez-vous réintégrer la prospective et l’analyse, comme l’a partiellement fait le rapport Lescure, dans nos réflexions sur l’audiovisuel public, sur ses mécanismes de soutien et sur son devenir dans un environnement de plus en plus commercial et agressif ? Comment repenser notre système dans sa globalité et ses interactions avec les nouveaux moyens de diffusion ? Cela me paraît plus que jamais vital pour l’ensemble des acteurs de notre secteur culturel.

Je terminerai en précisant que la série télévisée la plus regardée au monde n’est pas Game of Thrones mais Violetta(Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande. Je m’exprime cette fois en tant que porte-parole du groupe UMP.

Secteur en pleine croissance, le jeu vidéo est devenu la deuxième pratique culturelle, tant par le nombre de personnes concernées que par le chiffre d’affaires. Il s’agit aussi d’un secteur dans lequel la France est l’un des premiers pays au monde. Il serait donc désespérant que nous ne parvenions pas à localiser durablement en France cette activité. Mais la concurrence que nous subissons en ce domaine – notamment du Canada et du Royaume-Uni – est à la limite du dumping. Le crédit d’impôt que les Britanniques souhaitent instaurer si Bruxelles les y autorise est beaucoup plus généreux que le dispositif français, car il couvre des dépenses plus larges et sera plus facile à obtenir. Je crains donc que l’hémorragie ne se poursuive au profit des jeux produits en Grande Bretagne.

S’agissant de la diffusion de France 24 sur la TNT, si l’audiovisuel extérieur est intégralement financé par la contribution à l’audiovisuel public sans être accessible gratuitement sur le territoire national, il risque d’être fragilisé et cette contribution délégitimée. N’oublions pas non plus que des millions de personnes d’origine étrangère qui résident dans notre pays peuvent être intéressées par un regard français sur l’actualité internationale : les priver de cette source d’information reviendrait à les condamner à suivre des médias plus radicaux. Nous rendrions ainsi un mauvais service à la sécurité de notre pays et à la manière dont se forge l’opinion publique eu égard à l’actualité internationale.

Mme Brigitte Bourguignon. Le budget 2015 est fortement marqué par le thème de l’accès à la lecture, grâce aux bibliothèques et au numérique : est en effet prévue la poursuite des actions prioritaires engagées depuis 2011 en faveur du développement de la lecture – au niveau central, avec le projet de rénovation de la BPI, comme au niveau déconcentré, avec les contrats territoire-lecture et les contrats numériques conclus avec les collectivités territoriales.

Quant au CNL, il est financé par deux taxes affectées dont la plus importante est assise sur les appareils de reprographie, de reproduction et d’impression. Or, le développement d’internet et de l’immatériel au détriment du papier est tel que le rendement de cette dernière est en baisse constante depuis 2007. Depuis 2012, le maintien des interventions du CNL n’a été possible que grâce à des prélèvements sur son fonds de roulement. Ainsi ses ressources nettes s’élèvent-elles cette année à 33,5 millions d’euros, alors que son budget était de 34,6 millions d’euros en 2013 et que son budget prévisionnel pour 2014 est de 36 millions d’euros. Votre ministère envisage-t-il d’élargir l’assiette de la taxe ? L’inclusion des consommables permettrait en effet de pérenniser les ressources du CNL. Enfin, dans le « bleu » budgétaire du programme 334, est évoqué à titre d’exemple de soutien de l’État aux pratiques de lecture innovante dès la petite enfance le projet « Premières pages », mené avec les collectivités volontaires. Or, l’an dernier, nous avons déploré la disparition des crédits affectés à cette opération : pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Mme Virginie Duby-Muller. Le Président de la République a annoncé l’extension de la redevance audiovisuelle aux appareils connectés autres que la télévision : voilà qui mérite pour le moins réflexion. Comptez-vous y associer le Parlement ? La mesure sera-t-elle opérationnelle pour le budget 2016 ?

Quant au jeu vidéo, pris en compte dans le programme 334 en tant que « dernier né des produits culturels », il est mis en exergue dans la deuxième partie de l’excellent rapport de mon collègue Rudy Salles, en tant qu’enjeu culturel et économique français. Comment comptez-vous soutenir ce secteur d’avenir en mutation, dans un environnement particulièrement concurrentiel ? Mme Axelle Lemaire, qui a promis un renforcement des aides en sa faveur, a déclaré aimer les jeux vidéo. Comptez-vous, madame la ministre, vous inspirer des propositions figurant dans ce rapport ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Rogemont, comme vous l’avez rappelé, l’État et Radio France ont engagé la négociation du contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’entreprise pour la période 2015-2019, l’objectif étant de renforcer l’identité de ses antennes, d’adapter son offre aux nouveaux usages et de définir une politique culturelle ambitieuse à l’occasion de l’ouverture du nouvel auditorium de la Maison de la radio. La négociation d’un nouvel accord collectif d’entreprise et l’achèvement du chantier de réhabilitation de ce bâtiment constituent les deux enjeux majeurs de ce contrat.

S’agissant de l’avenir de France Télévisions, l’État actionnaire souhaite pouvoir exprimer sa vision stratégique de l’audiovisuel public dans la perspective de la désignation du président de cette entité par le CSA dans le courant de l’année 2015. Pour le Gouvernement, il revient à l’État actionnaire de déterminer les objectifs fondamentaux de France Télévisions dans un contexte profondément transformé par le numérique, où la concurrence est fortement accrue par la multiplication des chaînes – gratuites notamment –, des écrans et des supports, et où les usages et les attentes du public se sont également transformés. Il convient que l’État parte de ces attentes et de ce nouvel environnement pour redéfinir le rôle du service public de la télévision linéaire et numérique – comme le font la plupart des grands opérateurs du service public à l’étranger, notamment la BBC. Notre réflexion sera menée par les services de mon ministère, en coopération avec ceux de l’économie et du budget et en concertation avec le Parlement. Nous nous appuierons aussi sur des grands corps de l’État. Nous ne confierons donc pas de mission extérieure à une personnalité qualifiée.

La mise à disposition gratuite, par Radio France, de podcasts d’émissions après leur diffusion ne sera pas remise en cause. Cela étant, même si son financement repose sur la contribution à l’audiovisuel public, la société est fondée à réfléchir au développement d’offres spécifiques payantes permettant de valoriser des contenus enrichis au-delà du seul rattrapage. Radio France transmettra prochainement à l’État des propositions en la matière dans le cadre du COM.

Si l’État n’a pas à se substituer aux acteurs privés pour décider de fusionner les deux messageries, la question de cette fusion se pose effectivement compte tenu de la diminution des volumes vendus. Je me propose de lancer un appel à la responsabilité des acteurs afin de favoriser la mutualisation, mais ne pourrai guère aller au-delà.

Concernant Hachette et Amazon, il n’est pas question non plus que nous nous ingérions dans un conflit opposant deux acteurs privés, mais nous devons éviter qu’il y ait abus de position dominante et qu’une plateforme de vente ne puisse déréférencer certains produits au motif qu’ils seraient proposés par un éditeur refusant de se conformer à des conditions imposées par cette plateforme. Amazon a souhaité mettre dos à dos les éditeurs et les auteurs. Or, la réaction des auteurs américains illustre bien qu’une telle situation est inacceptable, tout comme l’est le fait de prendre en otage les lecteurs. Je resterai donc vigilante, sachant que la Commission européenne à qui il appartient de contrôler le comportement des acteurs économiques et leurs éventuels abus de position dominante, l’est aussi.

Madame Duby-Muller, je ne vois pas en quoi le fait d’accroître le rôle de la contribution à l’audiovisuel public dans le financement de ce dernier nuirait à son indépendance. Au contraire, les réformes adoptées par ce Gouvernement – notamment la décision de restituer au CSA son pouvoir de nomination des dirigeants – a plutôt accru cette indépendance par rapport à la situation antérieure. Quant à la taxe dite « Copé » sur les télécommunications, elle a été définie dès 2009 comme une taxe non affectée.

Les discussions ayant eu lieu entre la HADOPI et les services du ministère de l’économie et des finances ainsi que du secrétariat d’État au budget ont conduit le Gouvernement à décider de lui allouer une subvention de 6 millions d’euros l’an prochain. Ainsi la Haute Autorité pourra-t-elle exercer ses missions comme l’an dernier. Ma position sur le sujet n’a d’ailleurs jamais varié, madame Attard : c’est le développement de l’offre légale qui m’importe, car il est le moyen le plus adéquat de lutter contre le piratage. Mais, si la HADOPI peut y contribuer, il existe sans doute d’autres voies pour y parvenir. Pour autant, nous devons également renforcer la coordination et les moyens de lutte contre le piratage commercial, afin que soient réprimées les pratiques de ceux qui s’enrichissent de manière illicite, parfois quasi mafieuse, au détriment des auteurs et des ayants droit, mais aussi des consommateurs Aussi sommes-nous en train d’élaborer une charte avec les prestataires de paiement en ligne et les annonceurs pour limiter les circuits financiers soutenant l’existence de ces sites illicites.

Monsieur Françaix, nous sommes effectivement favorables à une régulation plus efficace du secteur de la presse : votre proposition de loi permet d’ailleurs déjà de poser plusieurs jalons à cette fin. Vous avez raison d’affirmer la nécessité de placer les marchands de journaux au cœur de la diffusion des journaux dans la mesure où ils assurent l’interface avec les lecteurs. À ce titre, ils constituent un maillon essentiel de la chaîne de distribution. Enfin, comme vous le soulignez, les acteurs des différentes familles de presse doivent prendre leur responsabilité au bénéfice de la filière.

J’ai déjà évoqué tout à l’heure les aides à La Poste.

S’agissant de la proposition de M. Kert d’aider davantage les diffuseurs de l’audiovisuel et le secteur de la production, nous menons actuellement avec le CNC une réflexion sur les relations entre producteurs et diffuseurs afin de faire de la France un pays champion de l’audiovisuel. Un tel objectif suppose que nous menions une politique éditoriale ambitieuse et que nous favorisions l’industrialisation de la production – en particulier celle des séries. Tel était d’ailleurs l’un des enjeux de la loi du 15 novembre 2013 qui a introduit la possibilité pour les diffuseurs de détenir, dans la partie indépendante de leur contribution à la production, des parts de coproduction sur les œuvres qu’ils financent de manière substantielle. Il s’agit d’inciter diffuseurs et producteurs à prendre des risques éditoriaux et à produire des séries de qualité destinées à l’exportation. Loin d’opposer les uns aux autres, nous voulons au contraire créer les conditions financières d’un meilleur partenariat entre eux.

Le Président de la République a annoncé que l’État exprimerait sa vision stratégique et ses objectifs fondamentaux pour France Télévisions. Dans ce cadre, les propositions formulées par Anne Brucy dans son rapport nourriront la réflexion de l’État – et en particulier celle des services du ministère de la culture – concernant l’offre régionale du groupe.

Monsieur Pouzol, je vous rejoins lorsque vous affirmez qu’en matière d’audiovisuel public tout n’est pas une simple question d’argent. Les COM auront justement pour objet d’apporter des précisions sur les conditions dans lesquelles nos concitoyens pourront accéder aux contenus informatifs et créatifs, compte tenu de la multiplication des écrans et des chaînes.

Madame Bourguignon, les ressources du CNL sont effectivement limitées, compte tenu des charges résultant des mutations sectorielles auxquelles le centre est aujourd’hui confronté. Le plan librairies a été financé par des prélèvements – non reconductibles – sur son fonds de roulement. Le financement de la numérisation des livres indisponibles repose lui aussi sur ce mode de financement non pérenne, car il s’agit d’un projet d’une durée limitée. Vous avez raison de souligner que les évolutions technologiques entraînent une érosion tendancielle des ressources du CNL, puisque le marché de l’impression est constitué, d’une part, de la vente de matériel, seul taxé et en baisse constante, et d’autre part, de la vente de consommables qui est en très forte hausse. Le ministère de la culture et de la communication étudie donc actuellement la possibilité d’élargir à ces consommables l’assiette de la taxe affectée, dont le taux pourrait en conséquence être diminué.

Le projet « Premières pages » a été conçu en 2009 sur la base d’un partenariat entre le ministère de la culture et la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) afin de permettre la création et la diffusion d’un album destiné aux familles ayant accueilli un enfant dans l’année. Sept départements ont progressivement été concernés par l’opération. Puis, au début de l’année 2013, la CNAF nous a fait part de son intention de se retirer de ce projet en raison de sa nature essentiellement culturelle, trop éloignée du cœur des missions de la caisse. Ce retrait a conduit le ministère de la culture et de la communication à modifier l’opération en abandonnant la prise en charge nationale de la création de l’album pour soutenir plutôt des projets de sensibilisation à la lecture, destinés aux enfants de moins de trois ans et à leurs familles. Si l’opération a donc évolué, elle est cependant maintenue, et s’est même développée en 2014 puisque six nouveaux départements ont décidé de la rejoindre. De plus, les crédits qui lui sont alloués sont identiques en 2014 à ce qu’ils étaient en 2013, et reconduits, voire légèrement augmentés, en 2015.

Je confirme à M. Martin-Lalande que la diffusion de France 24 sur la TNT en Île-de-France est bel et bien possible et que la chaîne est accessible en français, en anglais et en arabe sur le câble, le satellite et l’ADSL. Quant à RFI, elle est également diffusée par voie hertzienne en Île-de-France.

M. Patrice Martin-Lalande. L’Île-de-France n’est pas toute la France !

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. L’amélioration des dispositifs fiscaux en faveur du jeu vidéo, madame Duby-Muller, monsieur Salles, est notre préoccupation constante. Je suis, avec Aurélie Filippetti, à l’origine du crédit d’impôt qui a été voté par le Parlement. Dès ma nomination au ministère délégué chargé des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, je n’ai cessé de veiller à ce qui m’est immédiatement apparu comme un secteur d’excellence. Certes, le Royaume-Uni a très substantiellement augmenté son propre crédit d’impôt, mais lorsqu’une entreprise choisit la localisation de son activité, elle ne prend pas uniquement en considération l’existence de crédits d’impôt ou d’autres avantages, mais aussi les coûts de production, ceux de l’immobilier, ceux aussi de la scolarisation des enfants et de l’accès aux services de santé, coûts qui sont nettement plus élevés au Royaume Uni qu’en France. Qui plus est, notre pays dispose de développeurs, de techniciens et de créateurs talentueux, grâce à notre système d’enseignement supérieur très développé. C’est pourquoi nos spécialistes du jeu vidéo sont recherchés dans le monde entier.

M. Rudy Salles, rapporteur pour avis. Ils partent pour Montréal !

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. En vue d’élaborer le crédit d’impôt sur les jeux vidéo, j’ai travaillé en étroite collaboration avec plusieurs producteurs, dont Ubisoft : ils se sont engagés non seulement à maintenir les emplois existants sous réserve que le crédit d’impôt soit appliqué dans les conditions définies par le Parlement, mais encore à en créer plusieurs centaines d’autres. Nous verrons s’ils tiennent leur promesse. Comme disait Cocteau, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour »... Or je crois bien avoir, avec ce crédit d’impôt, administré une preuve d’amour au secteur du jeu vidéo ! Je veillerai à ce que la notification de la France à la Commission européenne produise ses effets le plus rapidement possible. L’attractivité est d’ailleurs, selon moi, un enjeu non seulement dans le domaine des jeux vidéo, mais aussi dans le secteur audiovisuel et cinématographique, où nous sommes confrontés à une concurrence croissante de la part de certains pays qui cherchent à attirer davantage d’industries créatives, d’événements ou de tournages de films. Je veille donc activement à ce que nous puissions continuer de nous targuer de posséder le meilleur cinéma et le meilleur écosystème du jeu vidéo en Europe.

Mme Eva Sas, présidente. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses très complètes. La discussion et le vote en séance publique sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » auront lieu le mercredi 29 octobre.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures cinq.

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