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N
° 251

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

PAR M. CHRISTIAN ECKERT,

Rapporteur Général,

Député

——

ANNEXE N° 24

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES, LOGEMENT ET VILLE

VILLE

Rapporteur spécial : M. Dominique BAERT

Député

____

INTRODUCTION 5

CHIFFRES CLÉS 7

CHAPITRE PREMIER : LE RENOUVEAU DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 9

I.– L’ANNONCE DU RENOUVEAU DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 10

A.– LA FEUILLE DE ROUTE DU GOUVERNEMENT 10

B.– LA RUPTURE AVEC L’IMMOBILISME DOIT PORTER SUR LES STRUCTURES 12

1.– Faire évoluer le cadre institutionnel 12

2.– Une nouvelle géographie et une nouvelle génération de contrats 14

C.– LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE EST À AMÉLIORER 15

II.– DES FINANCEMENTS ESSENTIELLEMENT EXTRABUDGÉTAIRES 17

A.– LE FINANCEMENT DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE EST TROP INCERTAIN 18

B.– LE POIDS TOUJOURS ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES 20

C.– LE PROGRAMME POLITIQUE DE LA VILLE, TERRAIN D’ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES 20

CHAPITRE II : LES CRÉDITS DE POLITIQUE DE LA VILLE PROPOSÉS POUR 2013 21

I.– LA PRÉVENTION ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL 23

A.– LE PROGRAMME DE RÉUSSITE ÉDUCATIVE 23

B.– LES ADULTES-RELAIS 24

C.– LE PROGRAMME VILLE VIE VACANCES 25

II.– LES ACTIONS DE REVITALISATION ÉCONOMIQUE ET POUR L’EMPLOI 26

A.– LES COMPENSATIONS DE CHARGES SOCIALES EN ZFU ET ZRU 27

B.– LA PARTICIPATION AU FINANCEMENT DE L’EPIDE 29

C.– L’EXPÉRIMENTATION DES « EMPLOIS FRANCS » 29

III.– LES MOYENS D’ANIMATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 30

IV.– L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT ET DU CADRE DE VIE 30

EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 24 OCTOBRE 2012 À 9 HEURES 35 31

EXAMEN EN COMMISSION 72

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2012, 57 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial à comparer à 100 % l’an dernier.

introduction

Vingt-cinq ans après l’introduction de la politique de la ville dans le débat public, les écarts en termes de pauvreté, de chômage, d’accès aux soins et de résultats scolaires ne se sont pas réduits, comme en témoignent différents rapports, le dernier en date étant celui de la Cour des comptes « La politique de la ville : Une décennie de réformes », de juillet 2012. Les éléments d’analyse demeurent pourtant assez rares, ce qui peut étonner s’agissant d’un domaine, la politique de la ville, soumis à de nombreuses évaluations locales.

Au-delà de la dignité de l'habitat, se jouent dans ces quartiers l'effectivité de la promesse républicaine et donc une partie de l'avenir du pays. Chacun doit avoir la chance effective de faire valoir ses mérites, et de tenter de satisfaire ses ambitions, sans que son destin social ne soit scellé par sa vie dans un quartier urbain difficile, où se concentrent la pauvreté, le chômage, l’échec scolaire et là, où, sans doute, il est plus difficile d’échapper à l'horizon du territoire.

Face à un tel enjeu qui, s’appuyant sur la mesure des écarts, consiste à donner à chaque personne la chance d’avoir une prise sur son sort et sur celui de ses enfants, il est évidemment nécessaire de mobiliser harmonieusement toutes les forces de l'État, avec pilotage fort exerçant une réelle autorité. L'organisation actuelle n'est pas à la hauteur de ces exigences tant il est patent que l’État, qui ne dispose pas en propre de la gestion effective des crédits, ne paraît pas en mesure de donner directement, avec énergie, l’impulsion indispensable. Deux raisons sont cause de cette faiblesse récurrente : d’une part, l’essentiel des financements sont gérés par deux grands opérateurs, les deux agences que sont l’ANRU et l’ACSé ; d’autre part, la politique de la ville ne peut pas toujours s’appuyer, en sus de ses crédits propres, sur une mobilisation prioritaire des crédits de droit commun pour démultiplier la puissance des actions menées.

Des réformes de structures, et notamment l’évaluation du levier budgétaire pour être plus puissant et plus efficace, sont, aux yeux du Rapporteur spécial, indispensables à conduire.

Pour l’heure, pour sa part, le nouveau Gouvernement a tracé sa feuille de route le 22 août 2012. Le Rapporteur spécial ne peut que se féliciter de la reconduction des politiques conduites, mais tient à souligner que celles-ci seront d’autant plus efficientes pour les habitants des quartiers, que le nouveau Gouvernement saura ne pas hésiter à réexaminer radicalement les structures administratives, de décision et de gestion, de la politique de la ville.

chiffres clÉs

La politique de la ville reste à la recherche d’une meilleure efficience, comme en témoigne le large consensus en faveur d’une révision de la géographie prioritaire, qui se dessine maintenant pour 2013.

Le programme 147 Politique de la ville enregistre une nouvelle diminution des crédits. Globalement, la programmation triennale 2011-2013 prévoyait de ramener les autorisations d’engagement à 550,7 millions d’euros en 2013
(– 22,9 % par rapport à 2010) et les crédits de paiement à 558,9 millions en 2013 (– 20,4 % par rapport à 2010).

Les dotations proposées en projet de loi de finances pour 2013 s’inscrivent en deçà de ces prévisions, avec 504,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 504,7 millions d’euros de crédits de paiement à comparer à 525,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 538,5 millions d’euros de crédits de paiement en 2012 hors Grand Paris (– 6,3 % pour les crédits de paiement).

Comme les années antérieures, l’intérêt de la politique de la ville ne se finance pas à travers les dotations budgétaires spécifiques au programme 147 mais bien davantage par des moyens extérieurs : programme national de rénovation urbaine, crédits de droit commun des ministères, dépenses fiscales. Nonobstant la volonté politique réaffirmée par le nouveau gouvernement, la question du pilotage de la politique de la ville se pose toujours ; si aucun changement notable n’est signalé depuis deux ans, il semble que cette situation ne soit plus amenée à se prolonger. Hors compensation des exonérations de charges sociales et subvention à l’établissement public d’insertion de la Défense (EPIDe), l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) devrait gérer près de 98 % des crédits.

L’action 1 Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville regroupe l’ensemble des crédits à destination des quartiers dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) ou de dispositifs spécifiques. Les autorisations d’engagement proposées comme les crédits de paiement sont de 333 millions d’euros en 2013 au lieu de 355 millions d’euros (– 6,2 % pour les crédits de paiement par rapport à 2012). Sur ces montants, 167 millions d’euros correspondent aux actions territorialisées des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Les autres principaux financements sont ceux des programmes « réussite éducative » (81 millions d’euros), des « adultes-relais » (76 millions d’euros), et de l’opération « Ville vie vacances » (9 millions d’euros).

L’action 2 Revitalisation économique et emploi a pour objectif de renforcer économiquement les quartiers les plus fragiles. Les crédits prévus en 2013 sont de 141,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement à comparer à 144,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement en 2012 (– 2,3 %). Ainsi 118,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont prévus au titre des compensations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU) et en zones de redynamisation urbaine (ZRU), à comparer à 121,1 millions prévus en projet de loi de finances 2012 pour une prévision de consommation de 114 millions. 22,9 millions d’euros sont mobilisés pour l’établissement public d’insertion de la défense. Enfin, l’expérimentation des « emplois francs » fait l’objet d’une dotation de 2,5 millions d’euros.

L’action 3 Stratégie, ressources et évaluation regroupe des moyens de fonctionnement d’organismes participant à la politique de la ville à hauteur de 28 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25,9 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 22,5 millions d’euros de CP en 2012 (+ 15 %), du fait de la réévaluation de la subvention à l’ACSé.

L’action 4 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie porte sur l’amélioration du cadre de vie. Elle englobe l’amélioration de la gestion urbaine de proximité. La dotation prévue en 2013 est de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement au lieu de 3,5 millions d’euros en 2012 et de 4,2 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 16,1 millions d’euros en 2012.

CHAPITRE PREMIER : LE RENOUVEAU DE LA POLITIQUE
DE LA VILLE

Depuis le budget 2009, les crédits budgétaires affectés à la politique de la ville sont regroupés en un seul programme 147 Politique de la ville (devenu en loi de finances initiale pour 2011 Politique de la ville et Grand Paris), mais les interrogations présentes depuis de longues années sur l’efficacité de l’action de l’État comme sur l’organisation de cette politique n’ont toujours pas trouvé de réponse satisfaisante.

En exécution, les crédits consommés sur ce programme ont été ramenés de 852,9 millions en 2008 (à périmètre reconstitué) à 788 millions en 2009, à 632 millions en 2010 et 570 millions en 2011, soit une diminution d’un tiers des dépenses en trois ans.

Les CUCS comme les zones franches urbaines ont été prolongés jusqu’en 2014 et la réforme de la politique de la ville a été repoussée à plus tard par la précédente majorité.

Dans le cadre d’une communication au conseil des ministres du 22 août 2012, M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville, a tracé la feuille de route du Gouvernement pour les habitants des quartiers. Le ministre a lancé, le 11 octobre à Roubaix, la concertation : « Quartiers : engageons le changement ! », qui se déroulera partout en France pendant trois mois. Les conclusions de cette concertation seront présentées par le Premier ministre lors d'un Comité interministériel des villes début 2013 et feront l'objet d'un projet de loi.

Par cette concertation, le ministre entend redéfinir les modes d’action de son ministère, et concentrer son aide sur les zones géographiques les plus en difficulté. Trois groupes de travail ont ainsi été mis en place :

– sur la réforme de la géographie prioritaire, coprésidé par M. Claude Dilain, sénateur de Seine-Saint-Denis, et Mme Nicole Klein, préfet de Seine-et-Marne ;

– pour la rénovation de la contractualisation État / collectivités, coprésidé par Mme Annie Guillemot, maire de Bron, et M. Claude Morel, préfet des Landes ;

– sur le projet de territoire, et les priorités thématiques de l’intervention, coprésidé par M. Stéphane Beaudet, conseiller régional d’Île-de-France, et Mme Françoise Bouygard, conseillère maître à la Cour des comptes.

Si le Gouvernement affiche une volonté nouvelle pour impulser le renouveau de la politique de la ville, avec la création des zones de sécurité prioritaires, des emplois d’avenir et des emplois francs, la réforme de la géographie prioritaire et une nouvelle génération de contrats devant intégrer les projets de rénovation urbaine, un certain nombre de difficultés anciennes doivent maintenant être réglées.

Le Rapporteur spécial considère ainsi comme tout à fait regrettable, pour la lisibilité de l’action politique, que la politique de la ville dispose toujours de dotations budgétaires spécifiques au programme 147 des plus réduites, alors que les moyens extrabudgétaires sont privilégiés ! La dynamique « Espoir banlieues », initiée par la précédente majorité, comme la nouvelle politique annoncée par le Gouvernement reposent sur l’affirmation de la nécessaire mobilisation des crédits de droit commun des différents ministères, le programme national de rénovation urbaine (PNRU) est financé pour l’essentiel par les ressources du « 1 % logement », enfin les dépenses fiscales spécifiquement dédiées à la politique de la ville sont d’un montant considérable. Si l’on prend en compte celles qui sont imputées sur d’autres programmes de la mission ou bien sur la mission Politique des territoires, leur montant excède très fortement les dotations budgétaires.

Ainsi, la mise en œuvre même des crédits du programme 147 est de la responsabilité ou bien des opérateurs, ou bien de celle d’autres intervenants, en particulier la direction du Budget, alors que le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) joue un rôle somme toute modeste.

Encore une fois, le contrôle des deux opérateurs principaux, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui gèrent l’essentiel des crédits, constitue un enjeu essentiel de gouvernance.

I.– L’ANNONCE DU RENOUVEAU DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Depuis plusieurs années, force est de constater l’absence d’avancée significative de la politique de la ville, avec l’essoufflement de la dynamique « Espoir banlieues » et le report à 2014 de décisions dont on connaît l’urgence depuis des années. Le Gouvernement nouveau a tracé une feuille de route pour la politique de la ville, et bénéficié à cette fin du récent rapport de la Cour des comptes consacré à la politique de la ville, qui vient d’être publié.

A.– LA FEUILLE DE ROUTE DU GOUVERNEMENT

Lors d’une communication au conseil des ministres du 22 août 2012, M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville, a souligné l’urgence d’une relance de la politique de la ville alors que plus de huit millions de nos concitoyens habitent les quartiers relevant de ladite politique et sont confrontés au quotidien à des inégalités que les politiques conduites depuis 10 ans n’ont pas permis de réduire. Ainsi, dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est le double de la moyenne nationale ; un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté ; un habitant sur quatre renonce à des soins pour raisons financières ; les jeunes y sont particulièrement victimes de discriminations.

D’ailleurs, une étude récente, parue en juin 2012, de l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole, souligne l’importance du chômage dans les zones urbaines sensibles. Ainsi, sur l’arrondissement de Lille, par exemple, alors que le taux de chômage était de 12,6 % fin 2011 (contre 10 % fin 2008), il s’élevait à 26,6 % fin 2011 en moyenne dans les 17 ZUS de l’arrondissement (contre 22,1 % fin 2008).

Les orientations de la nouvelle étape de la politique de la ville sont les suivantes.

Il s’agit dans l’immédiat de mobiliser de manière effective les moyens de droit commun de l’État.

La création des zones de sécurité prioritaire inscrira dans la durée une action de sécurité fidélisée et partenariale, aussi bien préventive que particulièrement ferme vis-à-vis des fauteurs de troubles.

Les emplois d’avenir seront mis en place au plus tard le 1er janvier 2013, prioritairement à destination des jeunes des quartiers populaires, et un dispositif d’exonérations fiscales pour les entreprises qui embauchent des jeunes issus de ces quartiers, dits « emplois francs », sera expérimenté ; les créations de postes dans l’éducation nationale, dès la rentrée 2012, viendront soutenir la réussite éducative des enfants des quartiers. La banque publique d’investissement développera une stratégie spécifique dédiée à la création d’entreprises dans les quartiers.

Au-delà, plusieurs initiatives seront conduites dans les prochains mois : la réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville, repoussée par la majorité sortante, sera menée à bien au premier semestre 2013. Elle simplifiera les zonages et concentrera les interventions publiques sur les territoires qui en ont le plus besoin, en métropole et dans les Outre-mer. Ces territoires prioritaires bénéficieront du renforcement des outils de péréquation financière. Une nouvelle génération de contrats intégrera les projets de rénovation urbaine, les actions de cohésion sociale et les politiques de droit commun de l’État et des collectivités territoriales, pour définir un véritable projet de territoire.

Le Gouvernement mènera à bien le programme national de rénovation urbaine, qui n’est aujourd’hui qu’à la moitié de sa réalisation. Son évaluation ouvrira la voie à une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, qui comporteront des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle, ainsi que de désenclavement des quartiers.

Entre octobre et décembre 2012, le ministre chargé de la ville animera un groupe opérationnel chargé de la concertation sur cette nouvelle étape de la politique de la ville. Les conclusions seront présentées par le Premier ministre lors d’un comité interministériel des villes début 2013, et feront ensuite l’objet d’un projet de loi.

Parallèlement, des conventions seront passées avant la fin de l’année entre le ministère de la ville et tous les ministères concernés pour fixer les objectifs et les engagements, notamment financiers, de la mobilisation dans leurs domaines respectifs de compétence (emploi, éducation, sécurité, santé, jeunesse, etc.).

B.– LA RUPTURE AVEC L’IMMOBILISME DOIT PORTER SUR LES STRUCTURES

1.– Faire évoluer le cadre institutionnel

Depuis les réformes de 2009, le cadre institutionnel n’évolue plus.

Au plan local, les directions régionales de l’ACSé ont fusionné avec les services déconcentrés de l’État. Les nouvelles directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) ont intégré les directions régionales de l’Acsé, sous l’autorité des préfets de région. Les préfets et, sous leur autorité, les préfets délégués pour l’égalité des chances et les sous-préfets chargés de la politique de la ville bénéficient depuis 2009 du concours de 300 délégués des préfets affectés à temps plein dans les quartiers les plus prioritaires, qui ont été créés pour mettre en œuvre concrètement la dynamique « Espoir banlieues ». Ces délégués doivent assurer la coordination et la cohérence des interventions des différents partenaires, et ainsi faciliter le développement d’une dynamique locale qui constitue l’une des clefs du succès de la politique de la ville.

Les préfets, représentants de l’État, sont également les délégués territoriaux des deux établissements publics qui concourent principalement aux objectifs poursuivis par le programme : l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé).

Au plan central, la gouvernance de la politique de la ville a été modifiée : le décret n° 2009-539 du 14 mai 2009 relatif aux instances en charge de la politique de la ville a procédé à cette nouvelle organisation, qui comprend une instance de consultation (le conseil national des villes), une instance de décision (le comité interministériel des villes) et une instance de préparation et d’exécution (le secrétariat général du comité interministériel des villes).

Le CIV est chargé, sous l’autorité du Premier ministre de définir les priorités de l’État et de décider des actions nécessaires à leur mise en œuvre. Il est à noter qu’il ne s’est pas réuni depuis le 20 janvier 2009.

Le SG-CIV, qui a remplacé la délégation interministérielle à la ville, est chargé de la préparation des CIV et de veiller à l’application de ses décisions. Ses attributions sont recentrées sur trois missions principales :

– la conception, l’élaboration et la mise en œuvre interministérielles de la politique de la ville ;

– l’évaluation de la politique de la ville ;

– l’exercice, pour le compte du ministre chargé de la ville, de la tutelle des établissements relevant de celui-ci, c’est-à-dire, à titre principal, l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) et l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), à titre secondaire, l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe) et l’établissement public d’aménagement, de restructuration du commerce et de l’artisanat (EPARECA).

La Révision générale des politiques publiques (RGPP) a conduit à recentrer l’ACSé sur la politique de la ville.

Sans capacité d’intervention directe dans les opérations d’investissement liées à la rénovation urbaine, le SG-CIV a transféré à l’ACSé la quasi-totalité des crédits d’intervention figurant au programme 147 Politique de la ville. En PLF 2013, 97,7 % des crédits hors exonérations ZFU, emplois francs et hors EPIDe, seront gérés par l’ACSé.

Il apparaît toutefois que l’exercice de la tutelle sur les opérateurs est encore en perspective, pour ce qui concerne le suivi détaillé des opérations qu’ils financent, la réalisation d’un programme d’audit des organisations et la mise en œuvre d’un programme d’études d’impact de la politique de la ville.

Comme l’a expliqué la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2012 sur « La politique de la ville : Une décennie de réformes », la politique de la ville manque d’une coordination interministérielle suffisamment forte dans un contexte où les intervenants sont de plus en plus nombreux, en particulier depuis la création de l’ANRU et l’ACSé. Le pilotage du secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) ne paraît pas suffisamment puissant pour assurer une bonne coordination entre les interventions de ces agences nationales et celles des ministères concernés.

L’administration du ministère de la ville, le SG-CIV comprend 58 personnes, à comparer à une petite centaine d’agents pour l’ACSé et l’ANRU. Et que dire de la relative autonomie de l’EPARECA dans ses prises de décision ?

Comment le ministère peut-il exercer sa tutelle dans ces conditions ? Le Rapporteur spécial considère qu’il convient d’envisager une évolution du statut et du format de l’ACSé.

2.– Une nouvelle géographie et une nouvelle génération de contrats

La géographie d’intervention de la politique de la ville, dite géographie prioritaire, s’est constituée par strates successives : en application de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville (PRV), un premier zonage a été défini qui a déterminé des zones urbaines sensibles (ZUS), actuellement au nombre de 751, parmi lesquelles on trouve 435 zones de redynamisation urbaine (ZRU) et 100 zones franches urbaines (ZFU).

La rénovation urbaine s’inscrit dans le cadre d’une géographie propre, constituée de 557 sites, qui ne recoupent par ailleurs que partiellement la géographie prioritaire (on compte 430 ZUS parmi les 542 quartiers ANRU métropolitains).

En 2007, la mise en place des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) s’est accompagnée de la création d’une nouvelle géographie dite « contractuelle ». Celle-ci se compose des 2 493 quartiers bénéficiaires des crédits de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) alloués dans le cadre de la contractualisation, parmi lesquels figurent 742 des 751 ZUS.

Cette géographie prioritaire ne correspond pas aux périmètres concernés par le programme national de rénovation urbaine.

Le Gouvernement précédent a décidé que les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) seraient prolongés jusqu’en 2014, en ciblant les crédits spécifiques de la politique de la ville vers les quartiers CUCS de priorité 1.

Ainsi, 33 sites (dont 7 en Seine-Saint-Denis) sont concernés par la démarche expérimentale, soit 39 quartiers représentatifs de la diversité des situations des territoires de la politique de la ville (26 ZUS, 8 ZUS étendues, 1 zone franche urbaine et 4 quartiers CUCS non ZUS). 38 communes, réparties sur 15 départements, sont concernées par ce dispositif. Un atlas des sites expérimentaux, comprenant pour chaque site une carte et les principales données statistiques, a été élaboré par le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) en lien avec l’observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS). Les avenants doivent comprendre trois volets thématiques : l’éducation, l’emploi et le développement économique et enfin, la sécurité et la prévention de la délinquance. Les acteurs locaux ont néanmoins la possibilité, s’ils le souhaitent, de développer d’autres thématiques.

Au 7 août 2012, les avenants portant sur 19 sites avaient été signés, ceux concernant 7 autres sites avaient fait l’objet d’une validation par le comité de suivi national mais n’avaient toujours pas été signés. Pour trois sites (les deux sites de Marseille et celui de Mulhouse), les projets d’avenants avaient été présentés en comité de suivi national sans avoir été validés par ce dernier. Ils doivent être retravaillés afin d’être mis en conformité avec les principes de l’expérimentation et ne pourront être signés qu’après validation par le niveau national. S’agissant des quatre derniers sites, tous situés en Seine-Saint-Denis, aucun projet d’avenant n’avait été transmis au comité de suivi national.

Certaines difficultés sont apparues : des incompréhensions concernant l’esprit de l’expérimentation ; des questionnements nombreux sur le choix des sites et des indicateurs proposés et le sentiment d’un pilotage trop centralisé ; des délais jugés trop contraints ; des blocages politiques ; des difficultés pour territorialiser les politiques sectorielles ; des problèmes de gouvernance de la politique de la ville au sein des services de l’État ; un contexte budgétaire très contraint ; des moyens humains inadaptés comparativement à l’ambition de l’expérimentation.

Le nouveau Gouvernement a décidé de rompre avec cette méthode de rafistolage et de substituer aux différents contrats existants, contrats urbains de cohésion sociale et conventions de rénovation urbaine notamment, une nouvelle génération de contrats qui intégreront les projets de rénovation urbaine, les actions de cohésion sociale et les politiques de droit commun de l’État et des collectivités territoriales.

Six lignes directrices ont ainsi été fixées lors du conseil des ministres du 22 août 2012 : un contrat unique traitant à la fois des actions de développement social et des aspects liés au bâti ; l’intégration dans le contrat d’engagements sur le droit commun ; une mobilisation large des acteurs impliquant notamment, outre le binôme État – commune/intercommunalité, les régions et départements, ainsi que les acteurs économiques ; l’inscription du contrat dans le cadre intercommunal ; un calendrier en cohérence avec le mandat municipal et la programmation des fonds européens de cohésion ; et l’association des habitants à la définition et au suivi du contrat.

La concertation sur la politique de la ville qui s’ouvre cet automne devrait permettre d’aborder, en présence des élus, partenaires associatifs et acteurs de terrain, l’ensemble des questions liées à la contractualisation. Les propositions qui en résulteront seront précieuses pour déterminer les modalités opérationnelles de mise en œuvre des futurs contrats dans le cadre de la feuille de route fixée par le Gouvernement en août dernier.

C.– LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE EST À AMÉLIORER

Depuis de nombreuses années, l’Assemblée nationale comme le Sénat et la Cour des comptes reviennent sur le déficit de gouvernance de la politique de la ville, l’absence d’évaluation de ses résultats, le déficit de la démarche de performance, et la nécessité d’y remédier. Ces observations sont corroborées par un avis du comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) sur le programme Politique de la Ville, de mai 2011, et par les travaux du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale sur les aides en faveur des quartiers défavorisés.

On peut ajouter que dans le projet annuel de performances de la mission Direction de l’action du Gouvernement, le ministère de la ville a le plus mauvais résultat de tout le Gouvernement en matière de taux d’exécution des lois de plus de six mois promulguées depuis le début de la législature avec un taux de 66,7 %.

Le déficit de la performance s’exprime aussi bien par les indicateurs prévus par la LOLF, généralement non disponibles pour les rapports annuels de performance, et le manque de fiabilité de la méthode servant à les renseigner.

La Cour des comptes dans son rapport précité de juillet 2012, qui présente en quelque sorte le dernier état de la question, a considéré que les évaluations de l’État étaient multiples, sans cohérence et non partagées. Ainsi, les évaluations réalisées par les services de l’État se multiplient sans systématiquement se rejoindre, et elles ne sont pas forcément coordonnées avec celles que mènent les collectivités territoriales.

La Cour ajoute qu’à défaut d’évaluations réelles, la politique de la ville a fait l’objet de processus de suivi multiples par les services de l’État. Les services centraux élaborent à eux seuls cinq dispositifs de suivi de cette politique :

– les objectifs et indicateurs, de même que le document de politique transversale Ville annexé à la loi de finances ;

– parallèlement, le secrétariat général du comité interministériel des villes exerce les fonctions de secrétariat permanent de l’ONZUS, chargé de suivre les objectifs et les indicateurs de résultat fixés par la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville ;

– le secrétariat général du comité interministériel des villes assigne aux opérateurs, l’ANRU ou l’ACSé, des objectifs dans le cadre des contrats conclus avec eux ;

– par ailleurs, il centralise au niveau national les données issues du suivi des actions relevant des contrats urbains de cohésion sociale.

Au total, la Cour observe qu’alors que la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine définit 22 objectifs et 71 indicateurs, seulement 22,7 % et 23,9 % d’entre eux recoupent respectivement ceux qui sont suivis dans les documents annexés à la loi de finances.

La Cour observe également que, lorsque des études qualifiées d’évaluations existent, elles se limitent à un suivi quantitatif des actions réalisées sans analyse des effets des actions menées ou des écarts avec le droit commun, ainsi que le prévoient la loi et les circulaires relatives aux contrats urbains de cohésion sociale. C’est le cas pour la dynamique « Espoir banlieues » qui a fait l’objet d’un bilan essentiellement quantitatif, tant au niveau de l’administration centrale qu’à celui des services déconcentrés.

II.– DES FINANCEMENTS ESSENTIELLEMENT EXTRABUDGÉTAIRES

Les financements de la politique de la ville demeurent toujours essentiellement extrabudgétaires ce qui pose problème aussi bien quant à la cohérence de la politique menée que pour l’évaluation de ses effets.

Comme il a déjà été indiqué, la politique de la ville s’exprime de moins en moins par le programme 147, dont les dotations diminuent d’année en année, encore plus en exécution qu’en affichage dans la loi de finances initiale.

C’est ainsi que la dynamique « Espoir banlieues » s’était appuyée essentiellement sur la mobilisation des crédits de droit commun des ministères.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été retenue pour la mise en œuvre des dépenses d’avenir en application de la loi de finances rectificative n° 2010-237 du 9 mars 2010 en ce qui concerne le programme « internat d’excellence et égalité des chances », pour un montant de 500 millions d’euros affectés à ce programme, montant aussi élevé que les dotations du programme 147 lui-même.

Enfin, en plus des missions liées à la mise en œuvre du volet social de la politique de la ville, l'ACSé est chargée de la gestion du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Créé par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, ce fonds est alimenté par un prélèvement sur le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation, et par des contributions de plusieurs programmes ministériels, dont le programme 147. Doté de 50 millions d’euros depuis 2010, le FIPD devait financer en 2012 à hauteur de 30 millions la vidéoprotection et à hauteur de 20 millions différents champs d’intervention : la prévention de la délinquance des jeunes, le financement de la médiation visant à la tranquillité publique, le financement du soutien et de l’ingénierie de projet, l’aide aux victimes et la prévention des violences intrafamiliales.

Le ministère chargé de la ville indique que les actions de prévention conduites par l’ACSé seront désormais prises en charge par le FIPD, pour un montant de 20 millions d’euros. Cette prise en charge compenserait donc la réduction de 20 millions des crédits de paiement en 2013 à périmètre constant par rapport à 2012.

Au-delà du constat selon lequel la politique de la ville s’est exprimée ces dernières années par des moyens alloués hors du programme éponyme, deux secteurs conséquents concentrent des coûts considérables : le programme national de rénovation urbaine et les dépenses fiscales rattachées aux crédits budgétaires.

A.– LE FINANCEMENT DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE EST TROP INCERTAIN

Le programme national de rénovation urbaine (PNRU), issu de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation du 1er août 2003, se révèle comme achevé sur le terrain de la programmation, les moyens de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) devant maintenant être essentiellement employés à la mise en œuvre du PNRU.

Au 30 juin 2012, ce sont 396 projets globaux qui ont été approuvés par l’agence et dont les conventions ont été signées. Ces projets concernent 595 zones urbaines sensibles (ZUS) ou zones assimilées, 4 millions d’habitants et un montant estimé d’investissement de 45 milliards d’euros. Ils sont financés par une participation de l’ANRU d’environ 11,7 milliards d’euros. Ces projets correspondent à la construction de 139 000 logements sociaux, à 323 000 réhabilitations de logements sociaux, à 143 000 déconstructions de logements sociaux et à 349 000 résidentialisations.

Chaque Gouvernement, chaque automne, procède à l’examen des besoins en financement du PNRU avec la plus grande attention de façon à ce que les engagements pris dans le cadre des conventions de rénovation urbaine signés entre les collectivités locales et l’ANRU soient tenus et que le PNRU soit mené à son terme.

De nouvelles sources de financement avaient été mises en place par la LFI 2011 afin d’assurer une partie du financement de l’ANRU durant la période 2011-2013. Un fonds contribuant au développement et à l’amélioration du logement locatif social et à la rénovation urbaine avait été créé auprès de la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Les recettes de ce fonds étaient réparties entre l’ANRU et les subventions en faveur de la construction et l’amélioration du parc locatif social (aides à la pierre). En 2013, l’ANRU aurait dû recevoir 155 millions d’euros.

Durant la période 2011 à 2013, les recettes de l’ANRU devaient être complétées par une fraction, fixée à 95 millions d'euros par an, du produit de la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage, affectée à la Société du Grand Paris.

Le Gouvernement a décidé d’une part, la suppression du prélèvement sur le potentiel financier des bailleurs HLM à compter de 2013, qui sera remplacé par d’autres dispositions et d’autre part, la révision du décret du 12 mars 2012 relatif aux enveloppes minimales et maximales des emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), après concertation avec les partenaires sociaux. Il s’agit de définir les enveloppes sur la période 2013-2015, il est envisagé, entre autres dispositions, d’assurer un financement de l’ANRU par Action logement à hauteur de 800 millions en 2013.

L’IMPASSE DE L’ANRU

À fin 2011, les contributions cumulées par l’ANRU s’élevaient à 5,45 milliards d’euros, dont 350 millions pour le plan de relance et 150 millions pour le PNRQAD.

Pourtant, le résultat d’intervention de l’Agence, cumulé à fin 2011, fait apparaître un déficit de 3,12 milliards d’euros, qui correspond à l’écart entre les décisions attributives de subventions et les recettes acquises à fin 2011.

(en millions d’euros)

RECETTES

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Cumul à fin 2011

75 Autres produits de gestion courante

184,80

275,41

486,25

498,68

621,74

2 695,57

182,16

485,56

5 430,20

78 Reprises sur amortissements et provisions 

22,50

22,50

Total recettes dintervention

184,80

275,41

486,25

498,68

621,74

2 718,07

182,16

485,56

5 452,70

(en millions d’euros)

DÉPENSES

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Cumul à fin 2011

65 Autres charges de gestion courante

9,20

44,04

180,01

356,71

397,70

855,43

1 110,15

1 146,17

4 099,45

68 Dotations aux amort et provisions 

334,94

752,90

466,21

758,37

580,58

1 248,07

299,22

34,99

4 475,30

Total dépenses dintervention

344,14

796,94

646,23

1 115,09

978,28

2 103,50

1 409,37

1 181,16

8 574,76

Résultat dintervention (1)

-159,34

-521,53

-159,97

-616,40

-356,54

614,57

-1 227,21

-695,60

-3 122,05

Source : SG-CIV - Sous direction Interministérialité et Opérateurs.

Le bilan au 31 décembre 2011 fait apparaître des capitaux propres négatifs de 3 121 millions d’euros.

Au moment de l’examen des crédits de la ville, cette question demeure en suspens et donne ainsi au financement du PNRU en 2013 un caractère incertain.

Cependant, selon des éléments d’information émanant de l’ANRU, la trésorerie de l’Agence à fin 2012 pourrait être supérieure aux 304 millions estimés en février 2012, peut-être de l’ordre de 500 millions, compte tenu d’un volant de demandes de paiements en instruction. Cette situation pourrait lui permettre de faire face aux échéances attendues de l’année 2013.

B.– LE POIDS TOUJOURS ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES

Au total, les dépenses fiscales rattachées directement au programme 147 Politique de la ville, ainsi que celles de la mission Politique des territoires portant sur les zones urbaines sensibles sont estimées à 574 millions d’euros en 2011, 527 millions en 2012 et 537 millions d’euros en 2013, selon les éléments des projets annuels de performances annexés au présent projet de loi de finances.

Cela étant, l’agrégat des dépenses fiscales rattachées à la politique de la ville n’est pas exhaustif, si l’on considère que celles qui sont rattachées à la politique du logement ne manquent pas de comporter également une incidence sur la politique de la ville.

C.– LE PROGRAMME POLITIQUE DE LA VILLE, TERRAIN D’ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES

Le programme Politique de la Ville connaît paradoxalement une consommation de crédits très inférieure aux prévisions.

La politique de la Ville ne concerne plus, depuis 2009, qu’un seul programme budgétaire qui lui est spécifiquement dédié, le programme 147 Politique de la ville qui s’est substitué aux deux programmes Rénovation urbaine et Équité sociale et territoriale et soutien.

En exécution, les crédits consommés ont été ramenés de 852,9 millions en 2008 (à périmètre reconstitué) à 788 millions en 2009, à 632 millions en 2010 et 570 millions en 2011, soit une diminution d’un tiers des dépenses en trois ans.

Le programme Politique de la ville et Grand Paris représentait au total 624,3 millions d’euros de crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2011. La consommation n’aura finalement été que de 570,5 millions d’euros (taux de 91,4 %).

Programme budgétaire subsidiaire pour aider à mener à bien une grande politique, celle de la Ville, le programme 147 a en effet subi en 2011 45,7 millions d’euros d’annulations de crédits en gestion, qui ont porté majoritairement mais non exclusivement sur les compensations des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU).

L’exécution 2012 s’inscrit dans la ligne des années précédentes : d’abord, plus que jamais, la politique de la ville s’exprime hors du programme Politique de la ville et Grand Paris ; ensuite la démarche de performance demeure perfectible ; enfin la gestion des crédits, comme les années précédentes, est caractérisée par une sous-consommation liée à la régulation budgétaire.

L’exécution 2012 a été marquée par la mise en réserve de crédits, d’un montant résiduel de 32,3 millions en AE et 33,1 millions de CP au 31 août, compte tenu de 8,6 millions d’annulations en AE et CP.

CHAPITRE II : LES CRÉDITS DE POLITIQUE DE LA VILLE PROPOSÉS POUR 2013

Le programme 147 Politique de la ville enregistre une nouvelle diminution de ses dotations dans le cadre de la programmation triennale 2013-2015.

Globalement, la programmation triennale 2011-2013 prévoyait de ramener les autorisations d’engagement de 714,2 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2010 à 550,7 millions d’euros en 2013 (– 22,9 %) et les crédits de paiement de 702,4 millions d’euros en 2010 à 558,9 millions d’euros en 2013 (– 20,4 %).

La programmation triennale 2013-2015 porte sur l’ensemble de la mission Égalité des territoires, logement et ville.

Les dotations proposées dans le présent projet de loi de finances sont à nouveau en diminution par rapport à la loi de finances initiale 2012, avec 504,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement au lieu de 527,4 millions d’euros en loi de finances initiale 2012 (- 4,3 %) et 504,7 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 540 millions d’euros (- 6,5 %). Ces dotations sont inférieures aux prévisions triennales précédentes (2011-2013).

L’action « Grand Paris », qui relevait précédemment du programme 147 Politique de la ville et Grand Paris, est rattachée à partir de 2013 au programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat. Cette modification de structure n’impacte que très peu l’évolution négative des dotations puisque la société du grand Paris n’avait été dotée que de 1,5 million d’euros en LFI 2012.

Le projet annuel de performances pour 2013 retrace les dotations d’un programme 147 organisé en quatre actions, la ventilation organique et par unités de budgétisation des crédits étant bien retracée par un tableau de synthèse figurant page 147 du projet annuel de performances.

La plus grande part des dotations d’intervention est concentrée au sein de la première action Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville, pour l’essentiel de la responsabilité de l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé).

L’action 2 Revitalisation économique et emploi regroupe les dotations de compensation et des subventions de la responsabilité de la délégation interministérielle à la ville (DIV) dont les destinataires sont clairement déterminés. Il s’y ajoute en 2013 les crédits d’expérimentation des « emplois francs ». Ensuite, l’action 3 Stratégie, ressources et évaluation porte sur des moyens de fonctionnement d’organismes participant à la politique de la ville. L’action 4 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie est également de la responsabilité de l’ACSé.

CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 2012-2015

(en millions d’euros)

 

LFI 2012

PLF 2013

2014 *

2015 *

Écart PLF 2013/LFI 2012
(en %)

Écart PLF 2014/PLF 2013
(en %)

Écart PLF 2015/PLF 2014
(en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Hors-titre 2

527,44

539,98

504,60

504,68

485,99

490,01

473,40

474,02

– 4,3

– 6,5

– 3,7

– 2,9

– 2,6

– 3,3

147 Politique de la ville

527,44

539,98

504,60

504,68

485,99

490,01

473,40

474,02

– 4,3

– 6,5

– 3,7

– 2,9

– 2,6

– 3,3

SG-CIV total

127,33

127,27

126,88

126,97

115,00

116,30

110,76

110,85

– 0,4

– 0,2

– 9,4

– 8,4

– 3,7

– 4,7

EPIDE SCSP

23,70

23,70

22,89

22,89

22,40

22,40

21,91

21,91

– 3,4

– 3,4

– 2,1

– 2,1

– 2,2

– 2,2

ACSé FIPD

5,50

5,50

           

– 100

– 100

       

ACSé total

369,40

369,40

354,82

354,82

348,58

348,58

340,72

340,72

– 3,9

– 3,9

– 1,8

– 1,8

– 2,3

– 2,3

ANRU interventions (collèges dégradés)

 

12,60

 

0

 

2,71

 

0,53

 

– 100

     

– 80,2

SGP SCSP

1,50

1,50

                       

Total programme 147 Politique de la ville

527,44

539,98

504,60

504,68

485,99

490,01

434,40

474,02

– 4,3

– 6,5

– 3,7

– 2,9

– 2,6

– 3,3

P 147 à structure 2013 donc hors Grand Paris

525,94

538,48

504,60

504,68

485,99

490,01

473,40

474,02

– 4,1

– 6,3

– 3,7

– 2,9

– 2,6

– 3,3

Source : Ministère chargé de la Ville.

La ventilation des crédits par action qui a été retenue dans le projet annuel de performances pour 2013 correspond, comme l’an dernier, à la répartition des crédits entre gestionnaires. Cette présentation des crédits, page 147 du projet annuel de performances, est déclinée selon les opérateurs et non selon les actions. Le déséquilibre entre les actions est accru par la concentration sur l’action 1 des moyens de l’ACSé. L’action 1 est dotée de 333 millions d’euros de crédits de paiement, l’action 3 de 25,9 millions, et l’action 4 de 4,2 millions.

Enfin, les 141,6 millions d’euros de l’action 2 correspondent aux compensations d’exonérations de charges sociales en zones franches urbaines et en zones de redynamisation urbaine (116,2 millions) et aux 23,7 millions d’euros de subvention à l’EPIDe, ainsi que, en 2013, les crédits d’expérimentation des emplois francs. Ces dotations participent à la politique de la ville, mais ne sont pas gérées en fait par le SG-CIV ni par les opérateurs.

I.– LA PRÉVENTION ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

L’action 1 Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables regroupe des crédits de prévention de la délinquance et des projets portant sur la citoyenneté qui constituent un domaine d’action prioritaire de la politique de la ville.

Il s’agit de l’ensemble des crédits à destination des quartiers dans le cadre de contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) ou de dispositifs spécifiques tels que la réussite éducative, les « adultes-relais », l’opération « Ville vie vacances », les internats d’excellence et les écoles de la « deuxième chance » (E2C).

Les autorisations d’engagement proposées sont de 333 millions d’euros en 2013 (– 6,2 % par rapport à 2012) et les crédits de paiement également de 333 millions d’euros en 2012 au lieu de 355 millions d’euros (– 6,2 %). Sur ces montants, 167 millions d’euros correspondent aux actions territorialisées des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) programmées par l’ACSé.

Les principaux financements sont ceux des programmes de réussite éducative (81 millions d’euros), des adultes-relais (76 millions d’euros), de l’opération Ville vie vacances (9 millions d’euros).

A.– LE PROGRAMME DE RÉUSSITE ÉDUCATIVE

Dans le cadre du développement social des quartiers, le programme de réussite éducative (PRE) est un programme spécifiquement dédié aux enfants ou adolescents les plus vulnérables et à leurs familles vivant sur les territoires prioritaires de la politique de la ville. L’objectif fixé par le plan de cohésion sociale du 24 juin 2004 était la création de 750 équipes de réussite éducative et de 34 internats.

À partir de janvier 2007, l’ACSé a assuré le secrétariat de la commission chargée de valider les projets au niveau national et analyse chaque nouveau projet. À ce jour, ont donc été validés, depuis 2005 (en incluant 2 nouveaux projets validés au 1er semestre 2012) par cette commission, DOM compris, 534 programmes de réussite éducative (PRE), dont 510 sont actifs. Par ailleurs, la mise en place des internats d’excellence par le ministère de l’Éducation nationale a désormais remplacé la validation des projets d’internats dits de réussite éducative.

Du point de vue qualitatif, on constate une tendance marquée à l’individualisation des actions, les parcours individualisés concernant, en 2007, 23 % des bénéficiaires et en 2011, 51 %.

La loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 prévoyait que toutes les « zones urbaines sensibles » soient couvertes par un PRE. Or, fin 2010, on constate que 40 quartiers prioritaires de niveau 1 ne le sont pas encore, notamment dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Nord.

Le budget prévu en 2013 pour la réussite éducative est de 81 millions d’euros à comparer à 85 millions en PLF 2012. Les principales priorités de 2012 seront réaffirmées : la concentration des moyens sur les quartiers prioritaires des CUCS, notamment en priorité 1, l’augmentation des cofinancements directs et la démarche de normalisation des coûts, la hausse du taux d'individualisation (objectif de 65 % en 2013), l’évolution des priorités thématiques en privilégiant la santé, la prévention de l’absentéisme et du décrochage scolaire, la prise en charge des élèves temporairement exclus et le soutien à la parentalité.

B.– LES ADULTES-RELAIS

La médiation sociale, fonction aujourd’hui reconnue et soutenue, repose largement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville sur les adultes-relais, pour lesquels un grand nombre de collectivités territoriales et d’associations ont créé des postes.

Le programme « adultes-relais » a pour objectif d’une part, l’insertion sociale et professionnelle des intéressés, d’autre part, la mise en œuvre d’actions de médiation portant sur des aspects sociaux et culturels mais aussi sur la prévention de la délinquance et la tranquillité de l’espace public. Les actions menées par les « adultes-relais » consistent à faciliter localement l’accès des habitants des quartiers de la politique de la ville aux services publics et à améliorer les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs de ces quartiers.

En 2011, 72,9 millions d’euros ont été engagés pour assurer la rémunération des adultes-relais. Le budget consacré en 2012 au paiement des rémunérations des adultes-relais est de 73,5 millions.

Le contingent de postes d’adultes-relais délégués aux départements atteint 4 164 postes en 2012. Compte tenu des vacances de postes liés au renouvellement des bénéficiaires en cours de convention, le nombre de postes occupés est en moyenne de 3 800.

Pour l’année 2012, l’aide annuelle à verser pour un poste adulte-relais à temps plein est de 21 923,10 euros (20 991,10 euros en 2011).

Dans le cadre des établissements publics d’enseignement, le montant annuel de l’aide peut atteindre 27 404 euros.

Les principaux effectifs d’adultes-relais se situent dans les régions les plus urbanisées. Quatre régions de métropole concentrent près de la moitié des postes : Île-de-France (24 %), Nord-Pas-de-Calais (11 %), Rhône-Alpes (5 %) et Provence-Alpes-Côte-d’Azur (7 %). Outre-mer, ce sont la Guadeloupe et La Réunion qui sont les départements les plus dotés avec respectivement 43 % et 25 % des postes ultra-marins.

L’âge médian des adultes-relais est de 42 ans et la répartition des âges varie peu selon le domaine principal de médiation. Les adultes-relais sont à 63 % des femmes mais la part des hommes est en augmentation. Plus de 60 % des adultes-relais ont le baccalauréat et près de 33 % d’entre eux ont un niveau de formation équivalent ou supérieur à bac +2.

En 2012, une première étape de redéploiement géographique a été réalisée. Elle visait à redéployer une centaine de postes en fonction notamment de l’importance de la population habitant dans les quartiers les plus prioritaires couverts par des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Une vingtaine de postes a pu être redistribuée aux départements les moins dotés.

Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer 76 millions d’euros à ce programme pour 2013 (75,5 millions d’euros pour le financement des postes et 0,5 million d’euros pour la formation).

C.– LE PROGRAMME VILLE VIE VACANCES

Les opérations « Ville vie vacances » (VVV) permettent depuis 1995 à des jeunes sans activité âgés de 11 à 18 ans en difficulté de bénéficier d’un accès à des activités de loisirs et d’une prise en charge éducative durant les différentes périodes de vacances scolaires. Ville vie vacances est un dispositif intégré de prévention de la délinquance s’adressant à des jeunes qui peuvent être en situation de rupture et de conflit avec leur environnement.

Ces opérations contribuent à l’insertion sociale et à la prévention de l’exclusion, à l’éducation à la citoyenneté et à l’environnement, mais également pour une part à la prévention de la délinquance et à l’amélioration de la tranquillité publique.

Les orientations du programme VVV pour 2012 s’inscrivent globalement dans la continuité de celles de 2011 avec quelques priorités : augmenter le ciblage des interventions sur les publics des quartiers prioritaires, réaffirmer la priorité accordée aux enfants et jeunes âgés de 11 à 18 ans, atteindre dans chaque département l’objectif de mixité dans les projets soutenus (avec 45 % de jeunes filles parmi les bénéficiaires en portant l’effort sur l’offre d’activités, l’encadrement et la mobilisation et l’implication des familles), apporter un soutien accru aux projets orientés vers les séjours, en particulier au mois d’août, et conforter l’inscription des activités VVV dans un continuum de prise en charge éducative des enfants et des jeunes, en cohérence notamment avec les activités proposées dans le cadre d’autres dispositifs locaux hors vacances scolaires.

9 millions d’euros sont prévus en 2013 au titre du programme VVV, comme en 2011 et 2012.

Par ailleurs, plusieurs ministères assurent un soutien financier au programme VVV (jeunesse, culture, affaires étrangères, centre national de développement du sport…) représentant environ 3 % des crédits selon l’enquête nationale portant sur les projets de l’année 2010.

II.– LES ACTIONS DE REVITALISATION ÉCONOMIQUE ET POUR L’EMPLOI

L’action 2 Revitalisation économique et emploi regroupe les crédits dédiés aux compensations aux régimes de sécurité sociale des exonérations de charges en zones franches urbaines (ZFU) et en zones de redynamisation urbaine (ZRU) et à la subvention pour charge de service public de l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe). Il s’y ajoute en 2013 le dispositif expérimental des emplois francs.

Les crédits prévus en 2013 sont de 141,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement à comparer à 144,8 millions d’euros (en AE et CP) en 2012 (soit – 2,3 %) et 222,16 millions d’euros d’autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2011.

Le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) a une faible maîtrise sur ces crédits gérés le plus souvent par des structures qui lui sont extérieures, notamment la direction du Budget, et qui consistent en des subventions de fonctionnement ou d’intervention à des organismes extérieurs au périmètre ministériel.

Ainsi, 118,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont prévus au titre des compensations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU) et en zones de redynamisation urbaine (ZRU) et 22,9 millions d’euros sont mobilisés pour l’établissement public d’insertion de la défense.

A.– LES COMPENSATIONS DE CHARGES SOCIALES EN ZFU ET ZRU

Le bénéfice de l’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale peut être accordé à certaines entreprises industrielles et commerciales ou non commerciales implantées ou créées dans les zones franches urbaines d’ici le 31 décembre 2014.

Conformément à l’article L. 139-2 du code de la sécurité sociale, l’État doit compenser les exonérations accordées par les organismes de sécurité sociale.

Le recentrage du dispositif a été opéré en deux temps : d’abord par l’article 190 de la loi de finances initiale pour 2009, qui a plafonné le niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations sociales (hors cotisations accidents du travail, maladies professionnelles) dans les ZFU à 1,4 SMIC. Au-delà de ce seuil, le montant de l'exonération est dégressif, jusqu'à s'annuler lorsque la rémunération est égale à un seuil de sortie (2,4 SMIC en 2009 ; 2,2 SMIC en 2010 ; 2 SMIC en 2011). Cette mesure est comparable à la modification des exonérations en faveur des zones de redynamisation urbaine et zones de revitalisation rurale votée en loi de finances pour 2008.

Ensuite l’article 157 de la loi de finances pour 2012 a prorogé le dispositif d’allègements fiscaux applicable dans les zones franches urbaines (ZFU) pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 31 décembre 2014, et il a subordonné l’octroi de l’exonération d’impôt sur les bénéfices à une nouvelle condition d’application.

L’exonération d’impôt sur les bénéfices prévue à l’article 44 octies A du code général des impôts (CGI) s’applique désormais aux entreprises qui créent des activités entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 dans les ZFU. Toutefois, pour les contribuables employant au moins un salarié au cours de l’exercice ou de la période d’imposition au titre desquels l’exonération s’applique, le bénéfice de l’exonération est subordonné à la condition que l’entreprise ait bénéficié de l’exonération sociale prévue à l’article 12 de la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville.

Les exonérations d’impôts directs locaux sont, elles, prorogées sans qu’il soit fait application de cette condition supplémentaire. Les exonérations de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les deux composantes de la contribution économique territoriale (CET), prévues aux articles 1466 A I sexies et 1586 nonies du CGI s’appliquent dorénavant aux établissements qui font l’objet d’une création ou d’une extension entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 dans les ZFU. L’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) prévue à l’article 1383 C bis du même code s’applique désormais aux immeubles rattachés entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 à un établissement remplissant les conditions pour bénéficier de l’exonération de CFE susvisée.

En prenant en compte l’impact du recentrage du dispositif, le montant prévisionnel de la compensation d’exonérations de charges sociales en ZFU et ZRU pour 2013 est fixé à 118,7 millions d’euros, dont 116,2 millions d’euros pour les compensations d’exonérations de charges sociales en ZFU et 2,5 millions d’euros pour les ZRU.

On constate une diminution très forte du coût budgétaire des exonérations de charges sociales.

La consommation des crédits en gestion 2009, de 297,6 millions, avait été supérieure aux prévisions.

La baisse du montant 2010 de la compensation d’exonérations de charges sociales en ZFU et ZRU découle de la restriction du régime par la loi de finances pour 2009, déjà évoquée. Cette modification explique que la dépense 2010 a été limitée à 191,3 millions d’euros alors que la prévision s’établissait à 247 millions d’euros.

Le coût de la compensation avait été estimé à 197,7 millions d’euros en projet de loi de finances 2011 dont 5 millions d’euros au titre des ZRU mais l’exécution a été en 2011 également inférieure aux prévisions, et n’a atteint que 151,7 millions d’euros dont 3,3 millions d’euros au titre des ZRU.

Cet écart s’explique, selon le RAP, par l’effet conjugué d’une conjoncture économique dégradée entraînant la disparition d’établissements installés en ZFU, d’un effet de génération d’établissements en ZFU qui sortent naturellement du dispositif, et enfin, de la dégressivité de l’exonération en fonction de la rémunération mise en place en 2009 qui génère des impacts sur le montant moyen des exonérations et qui conduit certains établissements à préférer le recours au droit commun (allègement dit Fillon).

En 2012, la dotation inscrite en loi de finances initiale s’élevait à 121,1 millions. Les prévisions de consommation transmises au Rapporteur spécial sont de 114 millions, donc assez proches des prévisions de la loi de finances.

Très récemment, l’INSEE a, en mars 2012, produit une étude intitulée « Les zones franches urbaines : Quel effet sur l’activité économique ? » qui a apporté plusieurs conclusions.

L’INSEE a observé que, durant les premières années, le dispositif aurait eu un effet très positif sur l’activité économique. Dans les zones créées en 1997, les exonérations auraient permis, au bout de cinq ans, l’implantation de 9 700 à 12 200 établissements, soit 41 500 à 56 900 emplois.

Cependant, malgré la reconduite du dispositif, ses effets auraient plafonné après 2002 : des disparitions d’établissements plus fréquentes auraient annulé le bénéfice des nouvelles implantations, tandis que, pour les zones créées en 2004, les effets sur les implantations et la création d’emplois auraient été beaucoup plus modestes. Par ailleurs, on ne détecte pas d’impact significatif sur les entreprises déjà présentes dans les ZFU que ce soit en matière d’emploi ou de santé financière.

Enfin, une partie des effets de la mesure transiterait par des transferts d’établissements situés en dehors des ZFU. Près de la moitié des nouvelles implantations correspondrait en effet à des transferts d’activités déjà existantes, alors que de tels transferts étaient trois à quatre fois moins fréquents que les créations avant la mise en place des ZFU.

B.– LA PARTICIPATION AU FINANCEMENT DE L’EPIDE

L’établissement public d’insertion de la Défense (EPIDe) est un établissement public de l’État créé par l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d’un dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplôme et sans emploi. Établissement public à caractère administratif, il est placé sous la triple tutelle du ministre de la Défense, du ministre chargé de l’Emploi et du ministre chargé de la politique de la ville. L’EPIDe met en œuvre le dispositif national « Défense 2ème chance ».

Ce dispositif s’adresse à des jeunes volontaires, garçons et filles âgés de 18 à 22 ans révolus, en situation de retard ou d’échec scolaire, sans qualification professionnelle ni emploi et souvent en risque de marginalisation sociale, en règle avec leur journée d’appel de préparation à la défense.

Les crédits de la politique de la ville ont fait bénéficier l’EPIDe d’une subvention de 26 millions d’euros en 2008, 25,2 millions d’euros en 2009 comme en 2010, 24,4 millions d’euros en 2011 et 23,7 millions d’euros en 2012, sur un budget total de l’établissement de 90 millions d’euros en 2012. Le ministère chargé de l’emploi reste le principal contributeur avec une subvention de 45 millions d’euros.

Le financement de l’EPIDe sur le programme 147 s’élèvera à 22,9 millions d’euros en 2013.

Les 20 centres gérés actuellement par l’EPIDe, implantés dans 15 régions, ont accueilli en 2011, 3 269 jeunes au total dont 34 % viennent des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

C.– L’EXPÉRIMENTATION DES « EMPLOIS FRANCS »

Le Gouvernement souhaite expérimenter un dispositif d’exonérations fondées sur le lieu de résidence du salarié. Ces emplois francs seraient ciblés sur les jeunes habitants en ZUS, cette population connaissant un taux de chômage particulièrement élevé (21,9 % en 2010 contre 9,4 % dans les unités urbaines environnantes).

L’incitation à l’embauche concernerait prioritairement des jeunes plutôt diplômés, sous la forme d’une exonération de cotisations sociales patronales, et porterait sur quelques centaines de jeunes en 2013 et sur 1 500 supplémentaires en 2014. Le coût devrait se situer entre 5 000 et 8 000 euros par emploi.

Les territoires d’expérimentation seront choisis en concertation avec Pôle Emploi, dans les villes de Marseille, Grenoble, Amiens et Clichy-Montfermeil. Le Rapporteur spécial estime particulièrement féconde cette démarche pour combattre le chômage des jeunes de nos quartiers dits « sensibles », il plaide donc pour un élargissement des zones d’expérimentation.

Pour l’heure, le dispositif emplois francs fait l’objet d’une prévision de financement de 2,5 millions d’euros en 2013.

III.– LES MOYENS D’ANIMATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

L’action 3 Stratégie, ressources et évaluation regroupe les moyens de fonctionnement d’organismes participant à la politique de la ville à hauteur de 28 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25,9 millions d’euros de crédits de paiement en 2013 au lieu de 22,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 22,5 millions de crédits de paiement en 2012 (+ 15 %, pour les crédits de paiement).

Les frais de fonctionnement du SG-CIV sont ramenés à 2 millions d’euros au lieu de 2,3 millions d’euros en 2012, la subvention pour dépenses de personnel et de fonctionnement courant de l’ACSé est réévaluée à 14,8 millions d’euros au lieu de 11 millions en 2012, le financement des actions d’ingénierie et d’animation en matière de politique de la ville à 9,1 millions d’euros au lieu de 10,9 millions d’euros en 2012.

IV.– L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT ET DU CADRE DE VIE

L’action 4 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie porte sur l’amélioration du cadre de vie, d’une part l’amélioration de la gestion urbaine de proximité et d’autre part l’amélioration des collèges dégradés.

La dotation prévue en 2013 est de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement au lieu de 3,5 millions d’euros en 2012, et de 4,2 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 16,1 millions d’euros en 2011.

Ces crédits sont dédiés au financement d’un programme exceptionnel d’investissements sportifs en Seine Saint Denis par l’ANRU et à des interventions de l’ACSé.*

* *

EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE
DU 24 OCTOBRE 2012 À 9 HEURES 35

(Application de l’article 120, alinéa 2, du Règlement)

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES, LOGEMENT ET VILLE

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin en commission élargie pour examiner les crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, et M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville.

Je rappelle que la procédure de la commission élargie a été confirmée par la Conférence des présidents du 31 juillet dernier : elle est destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés, en donnant une grande place au jeu des questions et des réponses.

Le temps de parole des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis sera donc limité à cinq minutes, de même que celui des représentants des groupes ; les autres députés disposeront de deux minutes pour poser leurs questions. Sur ces sujets cruciaux, les interventions seront nécessairement nombreuses : je demande donc à chacun d’observer scrupuleusement ces règles.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour l’égalité des territoires et le logement. Dans un contexte économique et social très difficile, dans un contexte budgétaire tendu, le Gouvernement s’est attaché à trouver des moyens parfois nouveaux pour financer le logement. Je veux saluer cet effort.

Ces sources de financement ne sont pas toutes budgétaires, ce qui les rend parfois difficiles à identifier : il y a la réforme d’Action Logement, mais aussi de nouvelles sources de financement pour l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, et pour l’aide personnalisée au logement.

Je n’ai pas le temps d’entrer dans le détail, mais je m’attarderai plus longuement sur les objectifs du Gouvernement. Il est nécessaire de relancer la construction ; le but fixé peut paraître ambitieux, mais ce volontarisme, je crois, est bienvenu.

Il y a d’abord un choc fiscal, avec la réforme de l’imposition des plus-values foncières : l'abattement progressif sur la durée de la détention de ces terrains est supprimé. Tout le monde avait souligné l’aspect pervers de cette fiscalité. De plus, à partir de 2015, les plus-values sur les terrains à bâtir seront soumises au barème progressif de l'impôt sur le revenu : la fiscalité augmentera donc de façon très importante. Il s’agit d’inciter les acteurs à vendre des terrains, ce qui permettrait de construire plus.

Il y a ensuite un dispositif de soutien à l’investissement locatif privé : le « Duflot », qui remplace le « Scellier », sera plus avantageux que celui-ci, mais aussi beaucoup plus contraignant, à la fois sur le plan géographique et sur le plan des contreparties en termes de loyer.

Ce dispositif a les défauts de ses qualités : dans une période de grave crise de la construction, il peut permettre de relancer celle-ci rapidement et largement ; en revanche, ce marché demeurera très dépendant de l’action de l’État. Il faudra, à long terme, réfléchir à un dispositif pérenne de soutien à l’investissement locatif privé.

Je ne reviens pas sur les aides à la pierre.

Les aides à l’accession à la propriété ne connaissent pas dans ce projet de loi de finances de modification substantielle. Madame la ministre, avez-vous des projets en ce domaine ?

L’ANAH bénéficiera du produit de la vente des quotas d’émission de gaz à effet de serre. C’est une bonne nouvelle ; il demeure bien sûr une certaine incertitude sur le prix du carbone, donc sur le montant de cette recette, mais nous pouvons raisonnablement espérer que cela permettra de multiplier les actions de l’ANAH.

Toutefois, madame la ministre, les plafonds d’éligibilité aux aides de l’ANAH sont extrêmement bas. Ne faudrait-il pas les réviser ? Les dépenses concernées sont élevées, notamment pour les propriétaires bailleurs.

Un effort important est consenti en faveur de l’hébergement d’urgence : la situation est extrêmement tendue, en raison non seulement de la précarité croissante subie par nos concitoyens, mais aussi de l’allongement de la durée de traitement des demandes d’asile. Trop de gens sont donc maintenus dans ces dispositifs alors qu’ils pourraient en sortir. Face aux difficultés rencontrées, peut-on craindre des problèmes budgétaires en cours d’année ? Vous avez récemment fait plusieurs annonces ; où en est aujourd’hui votre réflexion ?

Quant aux aides à la personne, vous proposez également de les réformer afin que l’État puisse jouer pleinement son rôle. Madame la ministre, l’Inspection générale des affaires sociales a publié il y a peu un très intéressant rapport d’évaluation des aides personnelles au logement. Avez-vous l’intention de faire des propositions en ce domaine ? Ces aides, qui représentent un montant élevé, peuvent constituer un levier important pour la politique du logement, dans la période sociale très dure que nous traversons.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la ville. Puisque je suis contraint à la concision, je me concentrerai sur trois thèmes seulement.

Les crédits budgétaires, tout d’abord, sont en repli ; en raison de l’indispensable rétablissement des comptes publics, les dépenses sont contraintes. La dotation du programme 147 « Politique de la ville » est donc dans ce projet de loi de finances pour 2013 de 505 millions d’euros, au lieu de 525 millions d’euros en 2012 ; ce montant diminue dans la planification triennale annexée.

Mais, avant même que vous n’argumentiez, monsieur le ministre délégué, rassurez-vous : le rapporteur spécial que je suis n’a pas oublié que cette baisse des crédits à venir – la planification triennale prévoit que les crédits de paiement passeront de 505 millions d’euros en 2013 à 474 millions en 2015 – fait pâle figure à côté de la réduction d’un tiers de ces crédits, en quatre ans, par l’ancienne majorité. Je ne peux pas ne pas rappeler que les crédits consommés ont été de 853 millions d’euros en 2008, de 788 millions en 2009, de 632 millions en 2010 et de 570 millions en 2011 : cela fait presque 300 millions d’euros en moins.

Voilà qui relativise la baisse de 2013, et d’autant plus que j’ai pris bonne note que la réduction du programme en 2013 est compensée par la prise en charge par le fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, d’actions de prévention sociale jusque-là financées par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSé, dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale, et cela pour 20 millions d’euros.

Le rapporteur spécial pour la politique de la ville peut sans doute se féliciter de cette majoration complémentaire des crédits de la politique de la ville, mais l’élu local que je suis également ne peut que s’interroger sur un tel arrangement : la vidéo-protection aussi a besoin de moyens, notamment dans nos villes et quartiers sensibles ; il faut donc rester prudent pour ne pas affaiblir la capacité d’action des élus locaux en matière de sécurité – thème au cœur des difficultés de nos villes.

Le Gouvernement a décidé de renforcer les crédits de péréquation pour les dotations aux communes et aux intercommunalités : c’est un élément périphérique, positif, et ô combien important, qui s’ajoute aux crédits du programme 147. Je salue donc la majoration de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, et surtout la forte progression du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

Deux questions subsistent, qui sont autant de défis pour vous, monsieur le ministre délégué. D’une part, l’impasse du financement de l’ANRU, que souligne mon rapport : depuis 2004, l’ANRU a dépensé 8,57 milliards d’euros, quand ses recettes s’élevaient à 5,45 milliards ; son résultat cumulé est donc déficitaire de 3,12 milliards ! Il faudra bien trouver comment le financer. D’autre part, la baisse programmée des crédits du programme montre si besoin était que la politique de la ville devra, demain, concentrer davantage ses moyens et surtout savoir mobiliser les crédits d’autres ministères et d’autres politiques sectorielles.

J’aborde ensuite les structures. Il faut constater que, du strict point de vue budgétaire, le ministère de la ville est un nain par rapport à ses opérateurs. La gestion opérationnelle des crédits, le suivi des actions menées et leur évaluation relèvent surtout, et à vrai dire exclusivement, de l’ANRU et de l’ACSé.

Dans ces conditions, que pèse concrètement le ministère de la ville, voire le ministre de la ville ? La politique de la ville aurait pourtant besoin d’un pilotage fort : une réelle autorité serait indispensable non seulement pour ses actions propres, mais aussi pour la mobilisation franche et nette des crédits de droit commun. Or, dans la configuration actuelle, l’impulsion s’émousse, s’amortit sur des airbags administratifs ; au moment où elle arrive sur le terrain, la décision politique a considérablement perdu de sa force initiale. Monsieur le ministre délégué, la majorité qui vous soutient a été élue sur le thème du changement : le changement des structures, voilà un beau thème d’action !

Il faut le dire, l’ANRU, l’ACSé, l’EPARECA – établissement national public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux –, le secrétariat général du Comité interministériel des villes : ce sont au moins deux structures de trop. Le ministère de la ville est à juste titre attaché à l’évaluation des actions menées en son nom. Qu’il n’hésite pas non plus à évaluer les structures et organismes qui travaillent pour lui !

J’en arrive enfin à la question de l’efficacité de la politique de la ville, assez durement mise en cause – trop durement sans doute – par la Cour des comptes dans son dernier rapport. Nul ne peut pourtant nier, dans une approche microsociale, l’utilité des crédits CUCS – contrats urbains de cohésion sociale –, des programmes Réussite éducative ou Adulte-relais, ou a fortiori des plans de rénovation urbaine.

Comme pour répondre par avance à mes préoccupations, monsieur le ministre délégué, vous avez lancé une concertation visant à réformer la géographie prioritaire de la politique de la ville – mais il faudra veiller à choisir les indicateurs les plus pertinents –, ainsi qu’à regrouper les différents contrats en un seul – et il conviendra, ici, de veiller à ce que le maire ne perde pas la main, même si l’échelon intercommunal est sans doute le bon.

Tout cela va dans le bon sens. Permettez-moi toutefois d’insister sur deux directions souhaitables pour une politique de la ville renouvelée.

J’insiste d’abord sur l’impérieuse nécessité d’engager, puisque la plupart des conventions ANRU arrivent à leur terme, un plan national de rénovation urbaine de deuxième génération, un PNRU 2. Car il reste beaucoup de travail pour rénover l’urbanisme de nos villes.

Il faut ensuite mettre un accent plus fort, plus puissant, sur l’emploi. Le renouvellement urbain doit être créateur d’emplois. Je souscris à l’idée des « emplois francs » : les exonérations de charges seraient fondées non plus sur l’adresse de l’entreprise, mais sur celle du demandeur d’emploi recruté. Cela suppose toutefois que les zones d’expérimentation soient plus nombreuses – et j’en profite pour rappeler que la situation de Roubaix justifierait pleinement son inclusion – mais aussi que les crédits soient plus substantiels que ceux accordés par le projet de loi de finances.

Monsieur le ministre délégué, au vu de l’évolution des crédits budgétaires, comment redonner à la politique de la ville sa priorité ?

Serait-il possible de disposer d’un aperçu des prévisions de recettes et dépenses du FIPD en 2013, avec et sans le budget consacré à la vidéo-protection, et en faisant apparaître la fraction de recettes afférente à chaque ministère contributeur ?

Enfin, au moment où nous débattons des crédits de la politique de la ville, les modalités de financement du PNRU sont encore incertaines. Le Gouvernement a évoqué de nouvelles sources de financement de la rénovation urbaine, qui seraient mises en place dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur ces points ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour le logement. Je vais essayer non seulement d’être bref, mais également de ne pas répéter ce qui vient d’être dit.

Je souligne d’abord combien la mobilisation de tous les acteurs sera nécessaire pour atteindre l’objectif de produire 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux. Dans ce cadre, madame la ministre, confirmez-vous la fin du prélèvement sur le potentiel financier des bailleurs sociaux ? Le Premier ministre en a fait l’annonce lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat, mais cette mesure n’a pas trouvé sa place dans le projet de loi de finances. Sera-t-elle effectivement incluse dans le projet de loi de finances rectificative qui sera débattu en fin d’année ? Plus généralement, qu’attendez-vous, en termes de mutualisation des fonds propres, des organismes de logement social ?

Le budget d’Action Logement est sollicité à hauteur de 400 millions d’euros pour cofinancer l’aide personnalisée au logement, de 800 millions d’euros pour la rénovation urbaine, de 950 millions d’euros d’équivalents subvention pour le financement de l’aide à la pierre. Je considère qu’il y a un vrai changement par rapport aux années précédentes, puisque la relation entre l’État et Action Logement est à nouveau contractuelle. Mais où en est l’accord, madame la ministre ? Sera-t-il bientôt signé ? Comment assurer la pérennité financière d’Action Logement après 2015 ? L’accord prévoit, je crois, des versements jusqu’en 2015, mais l’avenir d’Action Logement nous inquiète tous : la baisse de ses ressources peut faire craindre le pire.

La Caisse des dépôts doit également être mobilisée. Le plafond du livret A a été relevé une première fois et le sera encore. Qu’attendez-vous de cette mesure ? Existe-t-il un lien entre ce relèvement et l’augmentation du taux de centralisation par la Caisse des dépôts des fonds du livret A ? Une réflexion est-elle engagée sur le commissionnement des organismes bancaires lié à la collecte des fonds du livret A, et ce afin que le logement, notamment le logement social, bénéficie de moyens supplémentaires ?

Au cours des dernières années, le modèle économique du logement social a été fortement touché. Il doit être refondé : quel type d’intervention pensez-vous privilégier après 2013 ?

Vous mettez en place un nouvel outil fiscal au service du développement de l’offre de logements. Le coût de ce nouvel instrument sera élevé, tout comme l’était le coût de son prédécesseur. La dépense fiscale engagée en faveur du logement est très élevée : ne faudrait-il pas prévoir un montant maximal ? Un budget contraint permettrait d’éviter les dérapages budgétaires que nous connaissons aujourd’hui pour l’ensemble des dispositifs d’investissement fiscaux décidés au fur et à mesure des années.

Le Premier ministre s’est engagé à avancer sur le sujet du retour des investisseurs institutionnels dans la construction de logements. C’est un sujet primordial : comment pensez-vous procéder ? Comment le Parlement pourrait-il être associé à cette réflexion ?

Il a déjà été question de l’excellent rapport de l’IGAS sur les aides personnelles au logement. Les auteurs considèrent que l’efficacité sociale de ces aides s’est détériorée au cours de la dernière décennie. Il faut, je crois, se pencher sur cette question. Quelles suites comptez-vous donner à ce rapport, en lien notamment avec la question de l’encadrement des loyers ?

Enfin, je voudrais évoquer la proposition de M. le président de la Commission des finances de déplafonner la taxe sur les bureaux pour financer la Société du Grand Paris.

M. le président Gilles Carrez. Je me suis battu toute la nuit sur ce sujet…

M. Daniel Goldberg. rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour le logement. Je le sais bien. Vous avez d’ailleurs obtenu des avancées, avec l’appui de certains députés de cette majorité, dont les deux rapporteurs pour avis présents ce matin.

Le ministre Jérôme Cahuzac s’est engagé à stabiliser les ressources de la Société du Grand Paris. Nous aimerions disposer d’un point précis sur cette question.

Enfin, en tant qu’ancien président de la commission d’enquête sur le fonctionnement du RER, je voudrais insister sur la nécessaire égalité des territoires – incluse dans l’intitulé de votre ministère, madame la ministre – en matière de transports publics. S’il faut penser au financement de la Société du Grand Paris, il ne faut pas oublier de financer le réseau de transport existant, en Île-de-France et ailleurs.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour la ville. Monsieur le ministre délégué, vous avez lancé il y a quelques jours, à Roubaix, une grande concertation sur la réforme de la géographie prioritaire et de la contractualisation. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quel est le calendrier de cette concertation ?

Le programme 147 « Politique de la ville » ne regroupe pas l’ensemble des actions de la politique de ville – cela tient certainement en partie au moins à votre volonté d’en revenir au droit commun dans les quartiers concernés. On note que la péréquation connaît une année exceptionnelle, que la « DSU cible » est doublée et s’élève à 120 millions d’euros, que le FPIC augmente de façon importante et, enfin, que le fonds de solidarité d’Île-de-France enregistre lui aussi une hausse Certaines des communes les plus défavorisées de notre pays disposeront ainsi d’un peu plus de moyens que d’habitude pour mettre en œuvre les politiques indispensables.

Le Gouvernement a créé les emplois d’avenir et expérimente les « emplois francs ». Comment ces deux dispositifs s’articulent-ils ? Comment donner la priorité aux territoires défavorisés dans l’attribution de ces emplois ?

Les crédits s’élèvent à 505 millions d’euros, ce qui va dans le bon sens : on arrête la baisse qu’ils connaissaient depuis plusieurs années. La volonté de transférer des fonds au FIPD me paraît également une bonne chose, tout comme est judicieuse l’idée de coordonner les interventions de l’ACSé et de la structure dédiée du FIPD en matière de prévention de la délinquance. Cela dit, comment répartit-on les dépenses entre la vidéo-protection et les actions de prévention de la délinquance plus proprement dite ?

S’agissant de l’ANRU, je serai peut-être moins pessimiste que notre collègue Baert car j’ai le sentiment que l’accord passé entre l’État et Action Logement – accord que vous pourriez présenter, monsieur le ministre délégué – va plutôt dans le bon sens. Cet accord permet, je crois, de financer le PNRU 1, puisque 2,4 milliards d’euros sur trois ans seraient ainsi affectés à l’ANRU, qui dispose également d’autres recettes. Mais il faut, j’en suis tout à fait d’accord, réfléchir dès maintenant à une nouvelle phase du renouvellement urbain : la dynamique est en marche et ne doit pas être stoppée.

Quant au programme 177, « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », peut-être devrait-il à l’avenir être confié au rapporteur des crédits du logement, même si je m’en suis bien volontiers chargé. La situation de nombre de nos concitoyens est catastrophique : plus de 150 000 d’entre eux sont à la rue, 3 millions sont mal logés, dont 1 million d’enfants, et l’on compte 600 000 à 800 000 logements insalubres ou indécents. Le Gouvernement est déterminé à s’attaquer au problème, ce dont témoigne l’augmentation de plus de 3 % des crédits.

Le budget de l’hébergement d’urgence augmente pour sa part de 13 % et vous avez annoncé il y a quelques jours, madame la ministre, le déblocage de 50 millions d’euros ; pourriez-vous en détailler l’affectation ?

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons continuer ainsi : nous consacrons environ 1,2 milliard aux mal logés ou aux sans-logis, mais les 600 millions alloués aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les quelque 200 millions de nuitées d’hôtel et les 70 millions destinés à compenser la non-application de décisions de justice en cas d’expulsion ne permettent manifestement pas de résoudre durablement le problème. Madame la ministre, votre volonté politique ne fait pas de doute, mais comment comptez-vous réformer l’accueil des mal logés et des sans-logis ? C’est une urgence sociale.

M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales, pour la prévention de l’exclusion et l’insertion des personnes vulnérables. En effet, la situation de l’hébergement d’urgence est particulièrement tendue. Alors que l’hiver n’a pas encore commencé, les services du 115 sont déjà saturés. Chaque nuit, plusieurs centaines de personnes, dont des familles avec enfants, dorment dans la rue ou dans les services des urgences hospitalières. Ainsi, pour la seule nuit du 2 octobre dernier, le 115 de Paris n’a pu offrir de solution à 470 personnes. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il a été accentué par la crise économique et la crise du logement.

Conscient de cette situation critique, le Président de la République s’était engagé à créer 15 000 places d’hébergement pendant le quinquennat. Au vu des crédits pour 2013 du programme 177, les associations du secteur ont l’impression que le compte n’y est pas. Certes, les crédits d’hébergement d’urgence prévus pour 2013 ont été ramenés au niveau des dépenses effectivement constatées en 2011, ce qui rompt avec la pratique du précédent gouvernement, lequel présentait systématiquement en loi de finances initiale des crédits insincères sur ce programme. Néanmoins, ce simple ajustement ne permettra pas, a priori, de financer de nouvelles places en 2013. Madame la ministre, pouvez-vous rassurer le secteur associatif en réaffirmant que l’engagement du Président de la République n’est pas abandonné et en précisant le calendrier et les moyens de son application ?

Par ailleurs, tous les acteurs du secteur déplorent la saisonnalité de la politique de mise à l’abri des personnes à la rue, parfois appelée « gestion au thermomètre ». Or, selon toutes les enquêtes, les besoins en places d’hébergement ne sont pas moindres en été. La politique consistant à remettre à la rue en mars des personnes qui seront de nouveau hébergées en décembre nuit à la continuité de la prise en charge. Madame la ministre, vos déclarations sur le sujet ont été appréciées par le secteur associatif, mais par quelles mesures entendez-vous mettre fin à cette situation ?

La politique de prise en charge des personnes sans domicile relève principalement de l’État, mais aussi, pour une part non négligeable, des collectivités territoriales. Or la répartition des compétences n’est pas assez claire, si bien que les personnes à la rue sont trop souvent renvoyées de service en service pour n’être finalement prises en charge par personne. Ainsi, l’hébergement des femmes seules avec enfants relève en principe de l’aide sociale à l’enfance, gérée par les conseils généraux, si l’enfant a moins de trois ans, et de l’État lorsqu’il est plus âgé. Mais, en pratique, les femmes seules avec enfants ont très souvent à la fois des enfants de moins de trois ans et d’autres plus grands, auquel cas la réponse qui leur est apportée varie considérablement selon les territoires.

De même, l’accompagnement social est en principe une compétence départementale, financée par les crédits du fonds de solidarité pour le logement. Or l’État a récemment complété ce dispositif par des mesures d’accompagnement « vers et dans » le logement dont le financement relève du programme 177, sans que l’on sache véritablement qui fait quoi. Envisagez-vous de clarifier les compétences respectives de l’État et des collectivités locales en matière de lutte contre l’exclusion des personnes sans-abri ou mal logées, pour éviter et l’absence de prise en charge et les doublons ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. L’effort dont témoignent les crédits d’intervention en faveur du logement répond à l’urgence. Celle-ci résulte non seulement de la situation de notre pays, mais aussi de l’aggravation de la crise, qui rejaillit directement sur la vie de nos concitoyens, en particulier sur leurs conditions d’hébergement. Parce qu’il considère que le logement est un bien de première nécessité, le Gouvernement continuera d’intervenir, en particulier pour réguler le marché du – j’y reviendrai à propos du dispositif fiscal. Quant à l’encadrement des loyers, une loi viendra bientôt prolonger le décret publié cet été.

Monsieur Caresche, l’utilité d’un dispositif d’aide à l’investissement privé et ses effets sur la hausse du prix de l’immobilier sont en débat. Cela étant, cet outil peut servir à remédier au manque, en particulier dans les zones tendues, d’un parc de logements à loyers intermédiaires, traditionnellement constitué par des investisseurs institutionnels qui se sont retirés de ce secteur à la fin des années 1990 et au début des années 2000, et que l’État cherche par ailleurs à y ramener. D’où les contraintes que vous avez relevées et qui seront relatives à la qualité des logements bâtis – notamment du point de vue de la consommation énergétique – ainsi qu’au montant des loyers, lesquels devront être inférieurs de 20 % aux loyers régulièrement constatés afin d’atteindre un niveau intermédiaire entre ceux du secteur social et le loyer libre du marché. L’observation des loyers s’appuiera, comme la politique du logement en général, sur les futurs observatoires régionaux et locaux qui garantiront une approche fine, quartier par quartier, type de bien par type de bien.

Quant au montant de l’investissement public par l’intermédiaire de la défiscalisation, il est volontairement significatif mais inférieur à celui du dispositif antérieur, et sera en grande partie couvert par les recettes de TVA dégagées par la construction de ces logements. En outre, il s’agit de soutenir le secteur de la construction dans une période difficile, même si les frémissements observés depuis le mois de juillet nous donnent quelques raisons d’espérer.

Vous l’avez noté, les recettes issues de la mise aux enchères des quotas de carbone iront à l’ANAH, donc au programme de soutien à la rénovation thermique des logements : cette mesure remarquable traduit l’engagement du Président de la République, souscrit devant la conférence environnementale, à mener une véritable politique de transition énergétique. Ces fonds iront majoritairement aux personnes qui en ont le plus besoin, qu’ils soient propriétaires ou locataires. Toutefois, la « conditionnalité sociale » de l’aide apportée aux bailleurs permettra d’éviter tout effet d’aubaine en faveur de ceux qui n’en ont pas besoin. Le maintien des plafonds de ressources à un niveau peu élevé vise à garantir le ciblage social des actions spécifiques de l’ANAH.

Celles-ci seront complétées par le plan de rénovation thermique auquel Delphine Batho et moi-même travaillons et dont la portée est plus large. En voie de finalisation, il concernera un million de logements neufs et réhabilités par an.

L’excellent rapport de l’IGAS témoigne de la fonction sociale des APL, qui représentent un filet de sécurité absolument essentiel aux familles les plus en difficulté. Voilà pourquoi il a été décidé de les réindexer sur l’indice de référence des loyers, ou plus exactement de mettre fin à leur sous-indexation, mesure dont le coût est significatif. Les réformes préconisées par l’IGAS, qu’il s’agisse de la rétroactivité ou de la suppression du mois de carence, ne figurent pas dans le PLF pour 2013 mais nous fournissent des pistes de réflexion très précieuses. Nous cherchons à identifier les différents effets de bord, notamment en ce qui concerne les étudiants.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Comme l’a dit M. Baert, le projet de loi de finances pour 2013 donne un coup d’arrêt à la baisse continue des crédits de la politique de la ville depuis trois ans, qui avait atteint au moins 31 %. Il s’agit également – vous l’avez rappelé, monsieur Pupponi – d’une année exceptionnelle en matière de péréquation. La dotation de solidarité urbaine, qui augmente de 120 millions d’euros, sera concentrée sur les 250 communes les plus en difficulté. En outre, la dotation de développement urbain, qui concourt spécifiquement à la politique de la ville, puisque les actions qu’elle finance concernent les communes où l’on trouve des quartiers en difficulté, est reconduite à hauteur de 50 millions d’euros.

Le ministre de la ville est-il un nain ? se demandait M. Baert. Je m’efforcerai de lui démontrer au cours des mois et des années à venir que si le secrétariat général du comité interministériel des villes, bras armé de la politique de la ville, est une petite structure – 58 équivalents temps plein – comparée aux deux grosses agences que sont l’ACSé et surtout l’ANRU, nous avons, avec les préfets, les préfets délégués à l’égalité des chances et les sous-préfets ville, le pouvoir politique d’orienter les crédits de l’ACSé vers les actions voulues par le ministre – 90 % des crédits de l’ACSé sont déployés par les préfets.

En revanche, on peut effectivement se demander si deux des quatre structures ne sont pas de trop. Nous réfléchissons, avec la ministre de l’égalité des territoires et du logement et avec le Premier ministre, à une restructuration des outils de la politique de la ville et de l’égalité des territoires en général. Nous devrions formuler nos propositions courant 2013.

L’année 2013 est bien une année de transition. Le Gouvernement a décidé d’engager une nouvelle étape de la politique de la ville, guidée par des objectifs clairs, au premier rang desquels la concentration des crédits dans les quartiers et les territoires véritablement prioritaires. Cela ne signifie pas que les autres seront abandonnés, mais qu’il faut revenir au droit commun dans les territoires qui connaissent moins de difficultés ou qui ne relèvent plus de la politique de la ville parce que leur situation s’est améliorée. Tel est le sens des conventions que je dois signer avec les ministères concernés et les agences de l’État d’ici à la fin de l’année.

Le second objectif est de garantir l’effet de levier des crédits de la politique de la ville – trop dilués ces dernières années – sur l’éducation et l’emploi au sein des quartiers prioritaires. Les nouveaux contrats doivent le permettre.

La concertation, monsieur Pupponi, a été engagée le 11 octobre et doit prendre fin au cours de la seconde quinzaine de janvier afin que les décisions qui en découleront puissent être prises lors du comité interministériel des villes prévu en février. Cela permettra d’engager les discussions avec les collectivités sur les nouveaux contrats.

Les emplois francs doivent être considérés comme complémentaires des emplois d’avenir. Ils visent à lutter contre la discrimination en fonction de l’origine territoriale dont les jeunes sont victimes même lorsqu’ils sont qualifiés. Les emplois d’avenir sont d’ailleurs eux aussi territorialisés. Les emplois francs seront expérimentés dans quatre communes, choisies pour la diversité de leur taille et de leur dynamisme économique. Les deux millions d’euros votés en loi de finances initiale constituent un fonds d’amorçage qui pourrait augmenter dès 2013, et naturellement en 2014, si le dispositif donne satisfaction. La ville de Roubaix serait parfaitement adaptée à une telle montée en puissance.

S’agissant enfin du PNRU, son financement pour 2013 est en voie de finalisation. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter de l’articulation entre la contribution d’Action Logement et la part apportée par le budget de l’État en loi de finances rectificative. Par ailleurs, la question de la prolongation du dispositif ANRU après 2013 se posera, et se pose déjà au niveau local, où certains élus peinent à finaliser en temps voulu les opérations prévues.

Enfin, l’année 2013 permettra de travailler au lancement d’une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain – promis par le Président de la République et confirmé par le Premier ministre – et de réfléchir aux moyens de pérenniser son financement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Je confirme à M. Goldberg que la suppression du prélèvement sur le potentiel financier, clairement annoncée par le Premier ministre en septembre lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat, sera effective avant la fin de l’année.

La mutualisation est essentielle pour atteindre notre ambitieux objectif de construction de 150 000 logements sociaux. Tous les acteurs doivent être mobilisés. Au titre du financement public, tout d’abord, l’État relève l’aide à la pierre. Les collectivités territoriales, qui ont comblé certaines lacunes ces dernières années, restent en tout état de cause un acteur essentiel et je proposerai à leurs associations de signer un pacte national pour le logement. Le second acteur, Action Logement, signera dans quelques jours un accord avec l’État, qui distribue les rôles et assure une contribution substantielle aux opérations de construction dont nous avons besoin.

Enfin, les opérateurs du monde HLM se sont engagés à mobiliser leurs fonds propres, dont l’estimation par l’USH – 2,3 milliards d’euros – rejoint celle des services de mon ministère – 2,4 milliards. Ce montant s’entend hors sociétés d’économie mixte – SEM : il ne concerne que les entreprises sociales pour l’habitat, les ESH. Si les coûts des opérations de construction de logements sociaux ont considérablement augmenté au cours des dernières années, les ressources des opérateurs en fonds propres restent donc élevées. Elles seront mutualisées ; toutes les familles du monde HLM y travaillent et ce sera chose faite pour la fin de l’année, conformément à l’engagement de Marie-Noëlle Lienemann, présidente de l’USH. Il est logique, en effet, que les opérateurs qui ne construisent pas et reconstituent leurs fonds propres par la location les mettent à disposition de ceux qui agissent dans des zones plus tendues, où le besoin de nouvelles constructions est accru. Nous y voyons le moyen d’atteindre de manière partagée les objectifs du PPF, sans générer les mêmes effets inéquitables.

En ce qui concerne le rôle de la Caisse des dépôts et consignations, le relèvement de 25 % du plafond du livret A – le premier depuis 1991 –, entré en vigueur le 1er octobre, va accroître la collecte qui sert à financer le logement social. Ce n’est que la première étape du doublement annoncé par le Président de la République, puisqu’un deuxième relèvement de 25 % est prévu à la fin de l’année. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, a annoncé que l’ensemble des paramètres – centralisation et emploi des fonds, modalités d’octroi des prêts, formule de calcul du taux de rémunération – seraient réexaminés à cette occasion. Mais je puis dès à présent vous assurer, au vu des échanges entre mon ministère et la Caisse des dépôts, que les besoins exprimés par les opérateurs pour parvenir à l’objectif de 150 000 nouveaux logements sociaux seront satisfaits.

La future loi sur l’encadrement des loyers, qui assurera son efficacité en le dotant d’un autre fondement que la seule loi de 1989, s’appuiera sur les travaux menés conjointement par l’Agence nationale d’information sur le logement, l’ANIL, et par l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, l’OLAP, qui réunit les partenaires privés et les services de l’État et dont l’approche fine sera ainsi étendue à tout le territoire. Des données précises, automatiquement actualisées, permettront un pilotage pointu et durable, à l’opposé des difficultés du zonage antérieur.

En ce qui concerne la question essentielle de l’hébergement, monsieur Pupponi, j’ai passé une partie de la nuit auprès des services du SAMU social et de la plateforme du 115, qui veillent sur les plus fragiles d’entre nous jour après jour, heure après heure. Dans la région parisienne, la situation est de plus en plus tendue. J’ai pu remercier les travailleurs sociaux, les infirmières et tous les personnels qui œuvrent dans ce domaine. La crise n’est pas qu’un mot, c’est une douloureuse réalité.

Parce qu’il faut agir d’urgence, nous mobilisons en effet 50 millions d’euros pour soutenir les dispositifs mis en œuvre dans les zones déjà identifiées, mais l’État doit aussi faire preuve de solidarité vis-à-vis des villes moyennes jusqu’à présent épargnées qui peinent désormais à faire face aux demandes.

Monsieur Roumegas, vous avez raison de rappeler le rôle des collectivités, mais la politique de l’hébergement d’urgence doit être mutualisée par l’État et non reposer sur les seuls territoires qui, pour certains, concentrent toutes les difficultés. La solidarité nationale doit jouer dans l’urgence, mais aussi dans la durée. À cet égard, vous avez raison, le recours massif aux hôtels n’est pas une solution durable. C’est pourquoi l’engagement de créer 15 000 places en cinq ans sera tenu : 5 000 places en hébergement d’urgence et 10 000 en logement accompagné. En effet, l’intermédiation locative, l’accompagnement dans le logement est un outil extrêmement puissant de réinsertion et de sortie vers le logement classique.

J’insiste sur la corrélation entre la qualité de l’hébergement d’urgence – et surtout des solutions intermédiaires – et le succès de l’opération permettant aux personnes ou aux familles concernées de trouver un logement définitif. Une grande partie de la politique du Gouvernement sera centrée sur le logement accompagné, qui permet, sans nouvelle construction – grâce à des partenariats avec les bailleurs, par exemple –, de reloger les personnes qui en ont besoin.

Cela ne nous délie pas de l’engagement de répondre à l’exigence de mise à l’abri. La question sera donc posée à la représentation nationale d’un renforcement des moyens dont disposent les préfets pour réquisitionner certains équipements afin d’accueillir les personnes qui en ont besoin lors des périodes les plus tendues.

Par ailleurs, nous avons des difficultés à trouver des collectivités locales prêtes à se mobiliser pour accepter et accompagner la construction de centres d’hébergement et de réinsertion sociale, alors même que nous disposons parfois des financements nécessaires. Il est pourtant important de répartir les places d’accueil sur l’ensemble du territoire.

En tout état de cause, l’argent public consacré à l’hébergement d’urgence est très bien dépensé : dans l’agglomération lyonnaise, où je me suis rendue il y a quelques jours et où 1 500 places d’hébergement d’urgence sont proposées, 1 200 personnes parviennent chaque année à trouver un logement définitif. C’est bien là l’essentiel, mais ce n’est possible que s’il existe des logements disponibles et accessibles pour les reloger. C’est donc bien l’ensemble de la chaîne du logement, de la rue jusqu’au logement classique en passant par le logement intermédiaire, qu’il faut fluidifier. La politique du logement menée par le Gouvernement est donc une politique globale et cohérente, même si les financements sont d’origines différentes.

J’en viens à la question du Grand Paris, notamment du réseau Grand Paris express. À propos du montant sur lequel s’était engagé l’État, le président Carrez disait lui-même, en décembre 2011 : « Je ne vous dirais pas la vérité en affirmant que ces 4 milliards, nous les avons d’ores et déjà à disposition dans un coffre, où il suffira de puiser ». Je vous le confirme aujourd’hui, je n’ai découvert aucun coffre en arrivant au ministère. En revanche, les moyens dont dispose la Société du Grand Paris lui permettent d’engager les premiers travaux.

En outre, j’ai confié à M. Auzannet une mission portant sur deux axes : l’évaluation précise des coûts de l’opération, une étape nécessaire pour s’engager de manière efficace, mais qui n’avait pas été effectuée de manière totalement satisfaisante ; le classement des réalisations selon les priorités, dans la mesure où on ne peut lancer simultanément la construction de l’ensemble des branches du réseau. Le rapport me sera remis le 30 novembre ; nous disposerons donc à la fin de l’année d’un scénario très précis de mise en œuvre.

Tout cela n’empêche pas l’opération de se poursuivre : à l’heure où nous parlons, en effet, l’enquête publique pour la construction de la branche « rouge sud » suit son cours.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. En ce qui concerne le fonds interministériel de prévention de la délinquance, le choix du Gouvernement a été de concentrer vers lui, dans un souci de cohérence, l’ensemble des crédits de prévention. Il en résultera un meilleur équilibre entre les crédits consacrés à la vidéo-protection – qu’un amendement du rapporteur général du budget a prévu d’augmenter, afin de permettre à toute commune qui en ferait demande de s’équiper – et les autres moyens de prévention de la délinquance, comme les actions à caractère social ou éducatif, ou de prévention de la récidive. Les préfets auront donc entre leurs mains tous les outils nécessaires et leur action sera d’autant plus efficace.

Cela étant, la vidéo-protection en tant que telle relève des compétences du ministre de l’intérieur.

M. le président Gilles Carrez. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs s’exprimant au nom de chaque groupe. Ils disposent de cinq minutes.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, avant d’entamer les débats, j’aimerais intervenir sur un problème grave qui vient de survenir…

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Bénisti, vous aurez la parole dans exactement cinq minutes.

M. Jacques Alain Bénisti. Le Premier ministre vient d’annoncer l’annulation du projet de loi sur le logement (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…

M. le président Gilles Carrez. Vous nous ferez part de cette nouvelle importante après l’intervention de Mme Lepetit.

Mme Annick Lepetit. La nouvelle dont parle M. Bénisti a été annoncée il y a déjà plusieurs heures. Il peut donc bien patienter encore quelques minutes.

Comme l’ont démontré les présentations des rapporteurs, ce premier budget de la nouvelle majorité concernant l’égalité des territoires, le logement et la ville va dans le bon sens. Après des années d’abandon, le logement redevient enfin une priorité de l’État.

Dans une période difficile, où le Gouvernement doit mieux contrôler les dépenses et établir des priorités pour faire face à la dette abyssale laissée par la majorité précédente, le groupe socialiste se satisfait de voir que le budget du logement est l’un des mieux dotés, avec l’éducation, la sécurité et la justice.

Je souhaite souligner la hausse des aides à la pierre, qui diminuaient quasiment chaque année sous les gouvernements précédents : en 2013, elles passeront de 400 à 450 millions d’euros, ce qui correspond à une augmentation de 11 %. Cela vient conforter la démarche globale consistant à construire plus de logements accessibles aux familles modestes.

Le Gouvernement montre aussi son attachement à la politique de la ville, puisque ce budget sera stable en 2013 à périmètre constant. Étant donné la pression à la baisse exercée sur les autres missions, et surtout la diminution de 31 % subie par ce programme au cours des trois dernières années, il s’agit d’un signal important.

Les moyens de l’ACSé sont également pérennisés pour préserver son action à destination des quartiers concernés par la politique de la ville. Cette politique est par ailleurs soutenue par plusieurs ministères : ainsi, les emplois d’avenir seront fléchés en priorité vers les jeunes des zones urbaines sensibles, tandis que 25 % des nouveaux postes dont seront dotées les écoles primaires seront créés dans ces quartiers.

Enfin, ce budget de la ville est un budget de transition, puisque vous avez annoncé sa réforme, monsieur le ministre délégué. La concertation est en cours avec les collectivités locales, l’objectif étant de dégager des priorités mieux ciblées.

De votre côté, madame la ministre, vous rebudgétisez la lutte contre l’habitat indigne. Depuis que cette mission a été confiée à l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat, elle était totalement sortie du budget de l’État, ce qui en dit long sur l’importance que la précédente majorité lui donnait. Le Gouvernement a par ailleurs trouvé de nouvelles sources de financement pour l’ANAH, qu’il s’agisse des produits de cession des quotas carbone pour 590 millions d’euros ou de la recette de la taxe sur les logements vacants pour 21 millions d’euros. Tout est donc mis en place pour renforcer les moyens d’action de l’Agence et lui permettre de mieux lutter contre l’habitat insalubre et la précarité énergétique.

Mais la mobilisation des ressources publiques pour le logement ne se limite pas aux 7,8 milliards d’euros de crédits de paiement inscrits dans cette mission budgétaire. On peut y ajouter le soutien d’Action Logement, qui met 500 millions d’euros dans la construction et 400 millions dans le financement des aides personnelles pour le logement, les APL. Avec les 600 millions venant des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et également affectés aux APL, ce sont donc près de 9,8 milliards d’euros de financement qui seront consacrés au logement et à l’égalité des territoires en 2013.

Il y a malheureusement quelques mauvaises surprises dans ce budget, mais vous n’y êtes pas pour grand-chose, madame la ministre. Je pense au reliquat des années passées que l’on doit encore traîner comme un boulet, comme ces dispositifs qui ont prouvé leur inefficacité ou leur injustice, mais qui continuent à peser lourd dans nos finances : le dispositif de Robien, tellement néfaste qu’il a été supprimé par l’ancienne majorité qui l’avait pourtant mis en place, mais qui n’en continue pas moins de coûter 455 millions d’euros chaque année ; le dispositif Scellier ; mais aussi le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, que Mme Pécresse a qualifié d’erreur il y a quelques semaines et qui grèvera le budget de l’État de 1,465 milliard d’euros l’année prochaine. Toutes ces dépenses fiscales continuent de limiter nos marges de manœuvre.

Pour conclure, mes chers collègues, nous avons entre les mains le meilleur budget de mobilisation pour le logement et la ville qu’il était possible d’élaborer étant donné les contraintes et la situation dont nous avons hérité. C’est pourquoi les députés socialistes le soutiendront et le voteront.

M. Jacques Alain Bénisti. Avant même mon intervention, je dois interpeller le président de la commission élargie sur la légalité de nos débats sur le budget du logement. En effet, le Premier ministre, se substituant au président du Conseil constitutionnel – le parti socialiste a déjà tous les pouvoirs, mais veut s’en arroger plus encore –, vient d’annoncer que la loi sur le logement social est annulée…

M. le président Gilles Carrez. Du moment qu’il n’a pas dissout l’Assemblée nationale…

M. Jacques Alain Bénisti. Peut-on continuer à débattre d’un budget qui n’existe pas ?

M. Daniel Goldberg. Bien sûr qu’il existe !

M. Jacques Alain Bénisti. Je souhaitais connaître votre avis sur ce point de forme avant d’intervenir sur le fond.

M. le président Gilles Carrez. Je ne suis pas un juriste averti, mais toutes les conditions me semblent réunies pour que nous puissions poursuivre nos travaux. Le projet de budget existe, la procédure d’examen de la loi de finances n’ayant pas été annulée par le Conseil constitutionnel. Cela étant, je suis sûr que votre intervention permettra d’éclairer ce projet de loi d’un jour nouveau.

M. Jacques Alain Bénisti. À l’heure où la part du logement dans le budget des ménages est de plus en plus lourde, le Gouvernement décide de diminuer le budget de l’aide au logement.

M. Daniel Goldberg. C’est faux !

M. Jacques Alain Bénisti. Certes, le projet de loi de finances fait la part belle au logement locatif social, mais il néglige totalement l’accession sociale à la propriété et l’investissement locatif.

L’ancienne majorité avait mis en place le prêt à taux zéro – les PTZ – puis le PTZ +, qui ont eu un vif succès et ont permis à plus de 350 000 ménages, en 2011, d’accéder à la propriété dans le neuf comme dans l’ancien. En supprimant ce dispositif, vous enlevez aux ménages modestes la possibilité d’accéder à la propriété. Contrairement à ce que vous prétendez, votre politique ne favorise donc pas cette catégorie de ménages. Non seulement les banques vont resserrer les conditions de leurs prêts, mais, de plus, vous mettez ainsi un coup d’arrêt à la dynamique engagée par l’accession sociale à la propriété. Les membres du groupe UMP, dont un grand nombre sont aussi des maires, déplorent ce choix qui va contraindre de nombreux jeunes couples à demeurer dans des logements HLM, alors qu’il faudrait au contraire libérer des places de manière à augmenter l’offre locative sociale.

En ce qui concerne la politique de la ville, le choix du Gouvernement de réviser la géographie prioritaire pourrait se comprendre en ces temps de restrictions budgétaires. Mais nous pensons que les économies devraient être trouvées ailleurs que dans un domaine aussi important pour nos concitoyens. En outre, une telle réforme ne peut se faire qu’à condition de respecter la justice, l’équité et surtout la transparence. Enfin, elle doit être faite avec les élus locaux et les populations : il faut donc prendre le temps de la préparer et surtout veiller à mettre en place une méthodologie d’accompagnement afin d’aider les communes à actualiser leurs diagnostics, qui datent déjà de 2007. En tant que maire d’une des communes les plus pauvres d’Île-de-France, je sais en effet que les mairies concernées ne disposent ni des moyens ni de l’expertise nécessaires pour mener seules ce travail dont l’importance est pourtant décisive.

Il est par ailleurs primordial de ne pas fragiliser les projets en cours, surtout en matière de rénovation urbaine, qui doit rester prioritaire. J’espère donc, madame la ministre, que vous vous engagerez à les maintenir et à sanctuariser leur financement.

J’en viens maintenant au Grand Paris, dont le financement est inclus dans ce programme. Contre toute attente, le Gouvernement a décidé de faire une coupe de 1 milliard d’euros – et de 4 milliards à terme – dans les crédits nécessaires au démarrage du projet de réseau de transport. L’incompréhension est totale – et pas seulement sur les bancs de l’UMP – dans la mesure où ce projet fait l’objet d’un large consensus chez les élus franciliens, quelle que soit leur étiquette politique, et est plébiscité par les habitants. Vous connaissez d’ailleurs la réaction du président de la région ainsi que celles des deux présidents – l’un socialiste, l’autre communiste – des conseils généraux de deux départements importants de la Petite couronne.

Ne pas inscrire ces crédits, c’est donner un coup d’arrêt au projet du Grand Paris, qui devait révolutionner le transport dans la région. C’est un renoncement incompréhensible. Christian Jacob vous a interpellée à ce sujet lors des questions au Gouvernement, le 10 octobre, mais le flou de votre réponse, madame la ministre, n’a convaincu personne. Lorsque l’on veut enterrer un dossier, on crée une commission : c’est ce que vous avez fait en l’occurrence. Cette décision est de nature politicienne et ne sert pas l’intérêt général. Plusieurs millions d’euros ont déjà été investis en amont sur ce projet : le remettre en cause est donc une drôle de façon de lutter contre le gaspillage d’argent public !

Le groupe UMP ne peut donc pas voter ce budget qui ne correspond pas aux attentes des ménages français et entre en contradiction avec les objectifs recherchés.

M. Arnaud Richard. Je partage une partie des observations formulées par les orateurs précédents. Pour commencer, je déplore que la politique de la ville ne semble plus faire partie des priorités du Gouvernement – alors qu’en matière de couacs, il est au contraire un pionnier.

Même si cela n’enlève rien à la légalité de la procédure budgétaire, je trouve également effarant de voir le Premier ministre annoncer une décision du Conseil constitutionnel, avant même que ce dernier ne se réunisse.

Pour autant, je ne crois pas comme notre collègue Baert que le ministre de la ville soit un nain. Il doit se donner les moyens d’agir et parvenir à convaincre ses collègues lors des arbitrages budgétaires, ce qui est en effet difficile. On nous parle, avec beaucoup de pudeur, d’un « budget de transition », mais M. Baert, lui, parle « d’impasse ». Il faudrait que vous parveniez à vous entendre.

En tout état de cause, les millions de concitoyens qui habitent ces quartiers sont toujours confrontés, au quotidien et dans de nombreux domaines, à une inégalité d’accès aux services publics, qu’il s’agisse de l’emploi, de la santé, des allocations familiales… Ils avaient retrouvé l’espoir avec le plan de cohésion sociale et le plan de rénovation urbaine, qui prévoyaient une programmation pluriannuelle, mais sont aujourd’hui consternés de constater que cette politique n’est plus une priorité du Gouvernement. Vous vous êtes laissé gagner par une vision « bercyenne » de la politique de la ville, qui est pourtant supposée aider les quartiers les plus pauvres au sein des villes les plus pauvres. On peut donc s’inquiéter du travail envisagé en matière de géographie prioritaire, d’autant que l’exercice est très difficile. Les critères que vous choisirez seront déterminants.

J’observe dans ma propre circonscription – et à cet égard, Chanteloup-les-Vignes est un cas emblématique – la propension des services publics à quitter ces quartiers.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. C’était vrai dans le passé.

M. Arnaud Richard. Non, ça l’est aujourd’hui. Les responsables doivent pourtant comprendre à quel point la présence de ces services est extrêmement importante, que l’on parle de distribution du courrier ou de l’implantation d’une caisse d’allocations familiales.

Les élus de ces communes n’ont pas une grande visibilité s’agissant de la poursuite des engagements de l’État, en matière de rénovation urbaine comme de cohésion sociale. Pendant la précédente législature, l’actuelle majorité n’a cessé de dénoncer le fait que le financement de l’ANRU était essentiellement assuré par un prélèvement sur les crédits d’Action Logement. Elle est désormais beaucoup plus discrète sur ce point, si l’on excepte M. Baert et son « impasse ».

Qu’en est-il du programme ANRU II, qui nous intéresse tous ? Quid des projets stratégiques locaux et de la sortie des projets ANRU sur les sites prioritaires ?

Vous parlez de revoir les structures, mais ce genre de discours masque souvent l’absence d’idées. Ce n’est pas en réduisant leur nombre à trois ou à deux que l’on changera la politique de la ville.

On ne peut que regretter la baisse des crédits consacrés à la réussite éducative – même s’il s’agit d’une baisse relative, de 5 %. L’éducation, dans ces quartiers, est pourtant la mère de toutes les batailles – je vous renvoie aux propos de Gilles Carrez sur ce sujet. La dotation de solidarité urbaine doit être augmentée. J’espère que vous saurez défendre nos quartiers au sein du Comité des finances locales.

Je partage le sentiment de Daniel Goldberg sur le Grand Paris, et je n’y reviens donc pas.

Je salue l’augmentation des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence. J’ai réalisé sur ce sujet un travail avec Mme Danièle Hoffman-Rispal, une députée que vous connaissez bien, madame la ministre, et avec laquelle vous avez, je crois, les meilleurs rapports du monde. Nous aurons l’occasion de demander à nos groupes respectifs la tenue du débat qui aurait dû avoir lieu au sujet de notre rapport, afin que les propositions que nous avions alors émises puissent être enfin mises en œuvre.

Par ailleurs, je partage les inquiétudes exprimées par Christophe Caresche au sujet de l’asile.

Enfin, en matière de logement, au-delà de ce que le Gouvernement peut nous proposer en termes de mobilisation pour l’avenir – même s’il y a lieu d’être inquiet sur sa capacité à mettre en œuvre ne serait-ce qu’un texte de loi –, je dois reconnaître, madame la ministre, que vous avez adopté une position courageuse dans la controverse survenue pendant l’examen du projet de loi sur le logement social au sujet des établissements publics fonciers.

En conclusion, les élus des quartiers concernés commencent vraiment à douter de la volonté du Gouvernement. Pourtant, l’espoir n’y est pas un luxe. Compte tenu des tergiversations, du manque de vision, on peut vraiment se demander s’il y a un pilote pour la politique de la ville.

Mme Michèle Bonneton. Je me permettrai quelques répétitions – que je vous demande de bien vouloir me pardonner –, tant ces questions sont importantes pour nos concitoyens.

La politique publique que recouvre la mission « Égalité des territoires, logement et ville » est essentielle, car elle articule les questions sociales, économiques, environnementales et démocratiques. Dans un contexte très contraint, héritage de la droite, il est remarquable que les crédits ne soient pas en baisse. Le changement politique est donc bien réel, avec un accent particulier mis sur la construction de logements sociaux et très sociaux.

En effet, les objectifs sont bien posés : construction de 150 000 logements sociaux par an, amélioration du parc existant, et en particulier rénovation thermique de 500 000 logements dès 2013, puis d’un million par an par la suite. Les moyens de l’ANAH, notamment pour lutter contre la précarité énergétique et effectuer la rénovation thermique du secteur privé, sont renforcés par l’affectation d’une partie des produits de cession des quotas carbone – ce qui permet de lier de façon heureuse lutte contre la précarité énergétique et rénovation thermique – et par la réaffectation d’une partie de la taxe sur les logements vacants. L’éco-prêt à taux zéro et le crédit d’impôt développement durable complètent ce dispositif.

Parallèlement, l’augmentation de 10 % des aides à la pierre, qui passent de 459 millions d’euros à 505 millions d’euros, devrait permettre d’atteindre l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an.

L’augmentation des aides personnelles au logement, grâce à un effort exceptionnel d’Action Logement et au produit d’une contribution additionnelle sur les revenus du capital, va aussi dans le bon sens, de même que le renforcement très attendu de l’aide pour l’accès au logement des ménages les plus en difficulté.

Il convient de souligner l’augmentation des crédits dédiés à l’hébergement d’urgence ainsi que la volonté, que vous venez à nouveau d’exprimer, de trouver, au-delà de l’urgence, des solutions pérennes pour les exclus et les personnes en difficulté sociale.

Vous avez répondu par avance à la question que je souhaitais poser sur le relèvement du plafond du livret A, mesure qui doit servir à la construction de logements sociaux.

Le rapport de la Cour des comptes note que la politique de zonage des quartiers prioritaires, mise en place par vos prédécesseurs, n’a pas eu d’effets convaincants, se traduisant même parfois par une stigmatisation des quartiers concernés. Madame la ministre, comment comptez-vous faire évoluer ce dispositif ? Les interrogations concernent également le zonage des aides de l’État à la construction de logements sociaux – en particulier le prêt locatif aidé d’intégration, le PLAI, et le prêt locatif à usage social, le PLUS –, qui ne tient pas toujours compte du coût réel du foncier et de l’immobilier, sensible aux évolutions du marché. Prévoyez-vous d’effectuer une remise à plat des critères de ce zonage ?

Les crédits alloués à la politique de la ville subissent une relative diminution, mais nous sommes sûrs que tout est mis en œuvre pour que les objectifs fixés puissent être atteints. Certains moyens sont ainsi complétés par d’autres missions budgétaires ; pouvez-vous nous parler de ces compléments ?

Nous sommes par ailleurs convaincus de l’importance des objectifs définis : renforcer la mixité fonctionnelle des territoires ; améliorer l’encadrement éducatif et les chances de réussite scolaire ; optimiser l’utilisation des fonds dédiés au programme et diffuser les expériences réussies ; améliorer la qualité de l’habitat dans les quartiers.

Quel sera l’avenir de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU ?

Quelles mesures nouvelles envisagez-vous en matière de revitalisation économique et de l’emploi ?

En ce qui concerne le volet aménagement du territoire, quels dispositifs espérez-vous mettre en place afin de garantir un maillage territorial de services publics – y compris d’espaces verts et de loisirs – dans les zones rurales et les quartiers sensibles ?

L’ensemble de ces questions ne se régleront pas en un seul exercice budgétaire, mais l’élan est donné, et c’est une très bonne nouvelle. C’est en ce sens que le groupe Écologiste soutient le budget de cette mission.

M. Jean-Noël Carpentier. Nos collègues de l’UMP et de l’UDI semblent découvrir la situation dégradée qu’ils nous ont laissée et qui demandera en effet plus d’un budget pour être redressée.

Le groupe RRDP se félicite de l’engagement du Gouvernement de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements publics aidés, signe fort et mesure essentielle dans le contexte de crise de logement que traverse notre pays.

Madame la ministre, comment pensez-vous répondre dans les années à venir au problème urgent des copropriétés dégradées ?

Les campagnes électorales du printemps dernier ont montré que dans certains quartiers, on désespère de la République. Par leur vote, nombre de nos concitoyens ont placé leur confiance dans la nouvelle majorité, et nos orientations budgétaires doivent leur redonner cet espoir. Au-delà des indispensables enveloppes budgétaires, cela exige des marques de confiance, de respect et de fraternité au sein de ces quartiers. Abandonnés depuis dix ans, ils doivent voir revenir les services publics essentiels, et avant tout les commissariats de police. Monsieur le ministre, une vraie politique de sécurité, passant par le retour des policiers dans les quartiers, doit être l’un des objectifs de votre ministère.

En tant que maire d’une ville dont un quartier est classé zone urbaine sensible, ZUS, je sais que boucler les budgets y est devenu un véritable casse-tête, tant les règles de zonage changent d’une année sur l’autre. Les annonces de modification de la carte prioritaire empêchent les élus de ces quartiers de prévoir leur action. Monsieur le ministre, il faut sécuriser les budgets municipaux en exposant clairement les critères, les délais et les modalités de concertation en matière de zonage, pour que nous puissions envisager l’avenir avec sérénité.

L’éducation étant une question essentielle pour les quartiers sensibles, propre à souder de nombreux acteurs autour d’un travail collectif, il est indispensable de poursuivre les programmes de réussite éducative, les PRE, et de leur donner les moyens nécessaires.

La démarche de notre majorité s’inscrit dans la durée, et les difficultés financières que connaissent l’Europe et notre pays ne devraient pas empêcher tout espoir de développement.

M. Gaby Charroux. La mission budgétaire dont nous débattons perd quelque 500 millions d’euros, soit environ 5 %, tant en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement. La programmation triennale fait également état d’une légère baisse, le budget de votre ministère passant d’environ 8 milliards à un peu moins de 8 milliards d’euros l’an prochain, pour être stabilisé les deux années suivantes, au terme d’une nouvelle légère baisse.

Selon vous, madame la ministre, « la gymnastique budgétaire masque un effort considérable en faveur du logement », de plus de 20 %, puisque vos moyens d’action seront appuyés par deux milliards de ressources supplémentaires provenant des ventes de quotas de CO2 affectés à l’Agence nationale de l’habitat, d’Action Logement pour 500 millions d’euros, de prélèvements sociaux sur les revenus du capital affectés aux APL, et d’une contribution exceptionnelle supplémentaire d’Action Logement de 400 millions d’euros, également destinée à financer les APL.

Le groupe GDR se réjouit de cet effort en faveur du logement, sous tous ses aspects, tant – je le vérifie chaque jour dans ma circonscription et dans mon département – les besoins sont immenses. Néanmoins, la question des ressources d’un financement pérenne de la politique du logement en France reste ouverte.

Madame la ministre, les financements extérieurs qui permettent aujourd’hui de masquer la baisse des dotations d’État au logement pourront-ils être reconduits ? Sinon, quels abondements envisagez-vous ?

En cinq ans, les aides à la pierre ont été amputées de plus d’un milliard d’euros. Le budget 2013 prévoit une hausse de 50 millions d’euros ; mais sur quels efforts financiers l’objectif de 500 000 logements nouveaux, dont 150 000 logements sociaux par an, sera-t-il adossé dans les années à venir ?

Votre budget vise aussi à renforcer le financement des APL, même si l’État cherche à financer autrement cette prestation pourtant essentielle. Comptez-vous revenir sur la mesure du précédent gouvernement consistant à supprimer la rétroactivité des APL, qui concerne des milliers de familles, de jeunes et d’étudiants ?

Nous nous inquiétons également du véritable coup d’arrêt au financement alloué à l’ANRU et au plan ANRU 2. Des programmes entiers de réfection de quartiers délabrés sont arrêtés ou ralentis. Que comptez-vous faire pour faire face à l’urgence de cette situation ?

Enfin, le projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement comprend deux dispositions, adoptées par voie d’amendement, qui permettent de faciliter les procédures de réquisition des logements vacants. La procédure de réquisition dite « avec attributaires » pourrait permettre de saisir et de mettre à la disposition des mal-logés quelque 30 000 à 40 000 logements vides, en échange du financement par l’État de leur mise en état d’habitabilité. Quand comptez-vous utiliser cette procédure de réquisition ?

Madame la ministre, je vous remercie pour votre engagement et pour vos réponses.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Je remercie Mme Lepetit d’avoir signalé que, dans un contexte difficile qui doit intégrer le nécessaire redressement des finances publiques, nous avons fait le meilleur budget possible. L’exemple des APL permet de l’illustrer, en relativisant la diminution d’une partie du budget pointée par M. Charroux : les dotations de l’État en faveur de ces aides passent ainsi de 5,7 milliards d’euros en 2012 à 4,9 milliards 2013. Toutefois, cette diminution masque la réalité d’une augmentation des dépenses en faveur des APL, ces dernières passant de 16,8 milliards d’euros en 2012 à 17,3 milliards en 2013, l’indexation se faisant sur l’indice de référence des loyers, l’IRL. Face à l’urgence que représente le problème du logement et afin de parvenir à un budget équilibré, nous avons fait le choix de mobiliser l’ensemble des financements possibles plutôt que de privilégier un strict affichage budgétaire.

Monsieur Bénisti, la politique du logement se construit sur une très longue durée. Entre le moment où nous pourrons céder du foncier gratuit de l’État et celui où des habitants prendront la clé de leur logement, il s’écoulera entre deux et trois ans, temps de la construction d’un logement et de l’instruction d’un dossier. Le ministère du logement est ainsi une école de la modestie, aucune politique ne pouvant ici produire d’effets instantanés. De plus, la gravité de la situation que recouvre le chiffre des 600 000 logements insalubres – présence de cafards, de plomb, développement de maladies chroniques chez les enfants – devrait calmer les velléités d’agacement sur des sujets périphériques.

Par ailleurs, monsieur Bénisti, chacun peut commettre des erreur. Ainsi, en matière de politique en faveur de l’accession à la propriété et de soutien à l’investissement locatif que vous évoquiez, le gouvernement précédent en a fait au moins deux, qu’il a d’ailleurs lui-même corrigées. La première est la loi Scellier : ce dispositif – dont la quasi-suppression brutale a ensuite contribué à la baisse des mises en chantier sur 2012 – était extrêmement coûteux pour le budget de l’État. Ne faisant pas l’objet d’un zonage, il a conduit à la construction de logements vides dans des lieux mal choisis. Les investisseurs privés y perdent à double titre : d’une part, ils ne touchent pas de loyer ; d’autre part, ils ne peuvent plus bénéficier de la défiscalisation.

La deuxième erreur se rapporte au prêt à taux zéro, le PTZ. Dépourvu de critères sociaux, il constituait un mauvais dispositif : l’effet d’aubaine qu’il représentait pour certains des 350 000 ménages aidés en 2011 s’est instantanément répercuté sur le prix des biens, contribuant à augmenter le coût de l’immobilier et à ralentir la production de logements. Le précédent gouvernement avait déjà commencé à resserrer le PTZ ; notre choix est de le recentrer sur l’accession sociale. Il s’agira non seulement de privilégier les ménages modestes, mais également de travailler sur les différés d’amortissement, qui créent une forme d’apport personnel permettant de sécuriser durablement les opérations d’accession à la propriété. Lorsqu’on s’adresse à des personnes qui touchent deux fois le SMIC, mieux vaut éviter les effets d’annonce ; il est préférable d’élaborer un dispositif sûr et sérieux.

S’agissant du Grand Paris, je ne me lasserai pas de répéter que ce projet est très largement soutenu par les habitants de la région. Le débat qui a eu lieu sous l’égide de la Commission nationale du débat public, la CNDP, en partenariat avec les citoyens, représente un exemple de bonne méthode. Ce projet et la manière dont il a été débattu obligent l’État à ne pas décevoir les millions de franciliens qui ont vu dans le Grand Paris Express une solution aux difficultés de transport qui pèsent sur leur santé et leur qualité de vie. Il sera donc mené à bien, mais, là encore, il faut agir de manière sérieuse. Ce n’est pas une commission que j’ai nommée, monsieur Bénisti, mais un rapporteur qui évaluera précisément l’ensemble des coûts : celui des raccordements avec les gares existantes, celui du prolongement de la ligne 14 au Nord – soit le coût réel de la ligne orange –, celui de l’interopérabilité entre la ligne orange et la ligne rouge, essentielle pour un réseau qui a vocation d’être circulaire. Tous ces coûts étaient sous-évalués et nous les reconsidérons pour pouvoir financer et tenir les engagements, au-delà des effets d’annonce que l’on obtient en affichant des cartes dans les journaux. Je remercie donc M. le président Gilles Carrez d’avoir rappelé que ces questions exigent de la lucidité et de la franchise. Aujourd’hui, la Société du Grand Paris dispose des moyens financiers suffisants pour engager ces travaux. La dotation en capital en 2015 n’est pas forcément nécessaire, mais si elle l’était, l’État y pourvoirait. L’ensemble des élus qui travaillent sur cette question – en particulier les présidents des conseils généraux de toutes étiquettes politiques – ont été pleinement rassurés, et vous devriez l’être également.

Monsieur Richard, je vous remercie d’avoir noté que la question de l’hébergement soulevait le problème difficile de l’asile. Une partie des personnes que l’on accueille dans des structures d’hébergement devraient bénéficier du dispositif relatif au droit d’asile, et le croisement de financements qu’implique ce fonctionnement est problématique. La question est donc compliquée et elle est au cœur des réflexions menées avec les associations. Vous pouvez être certain que le travail que vous avez effectué avec Mme Hoffman-Rispal, avec laquelle nous partageons des convictions fortes, nourrira la réflexion de l’atelier « hébergement et logement » de la Conférence nationale contre la pauvreté qui aura lieu en décembre. Nous menons ce travail de concert avec Mme Marie-Arlette Carlotti ; là encore, la modestie, la détermination et un certain consensus sont nécessaires pour faire avancer les dossiers.

En ce qui concerne le zonage, madame Bonneton, nous avons en effet l’obligation de construire pour répondre aux besoins, ce qui implique d’identifier les zones où la construction est nécessaire. J’ai été plusieurs fois sollicitée sur les difficultés en matière de zonage ; nous allons donc nous pencher à nouveau sur cette question. La mise en place de l’Observatoire du logement permettra également, je l’ai dit, d’évaluer tant la tension sur le marché locatif traditionnel que la tension sociale, c’est-à-dire le besoin de logements sociaux. Je tiens à ce propos à condamner la formule qui consiste à dire que l’on serait « condamné à vivre dans un logement social ». Quand on sait que 1,7 million de familles qui n’ont pas les moyens de payer les loyers dans le privé sont aujourd’hui dans l’attente d’un logement social, cette formule est scandaleuse.

Monsieur Carpentier, la question des copropriétés dégradées est un sujet central, à la fois en termes financiers et en termes de dispositif. Ce qui manque aujourd’hui aux collectivités locales, c’est un cadre législatif qui leur permette d’intervenir efficacement sur ces copropriétés, et d’éviter l’action des « marchands de sommeil ». L’un des chantiers de la prochaine loi sur laquelle nous travaillerons d’arrache-pied sera de donner aux élus des moyens d’action face à des escrocs qui utilisent la misère humaine et les failles de la loi existante pour s’enrichir.

Enfin, monsieur Charroux, je vous ai partiellement répondu au sujet des APL ; la question de la rétroactivité est complexe et nous tirerons toutes les leçons du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, que j’ai rendu public. S’agissant des procédures de réquisition, les dispositifs sont actuellement à l’étude, afin de faire face à la situation de plus en plus difficile que nous risquons de connaître dans les semaines à venir. Il s’agit de mesures législatives, là aussi complexes, sur lesquelles il faudra réfléchir dans le cadre de la future loi afin d’évaluer la possibilité de pouvoir, dans certains cas, en confier l’exécution aux élus locaux. La constitutionnalité – à laquelle je suis très attentive – du droit de propriété est très forte en France, et son rééquilibrage avec le droit au logement est sans doute l’un des chantiers à ouvrir.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Je voudrais à mon tour remercier Annick Lepetit pour le soutien de son groupe à ce budget, qui, comme elle l’a dit, était le meilleur possible dans le cadre d’une construction budgétaire contrainte.

Monsieur Richard, j’ai apprécié votre sens de l’humour qui confine au burlesque. Comme vous semblez être victime d’amnésie, je vous rappelle que ces trois dernières années, vous avez voté une baisse de 15 % des crédits d’action de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, baisse qui s’est traduite par une asphyxie régulière du monde associatif, colonne vertébrale du lien social dans les quartiers.

Vous connaissez certainement les quartiers de votre commune ; j’en visite pour ma part entre deux et trois par semaine. Venez donc voir comment leurs habitants jugent la politique menée ces dix dernières années. Ou bien lisez le rapport de la Cour des comptes qui constate comment, année par année, les baisses des budgets ont dégradé leur situation sociale. Ce bilan, qui est le vôtre, devrait vous inciter à attendre avant de donner des leçons.

Lorsque je suis arrivé au ministère, il n’y avait aucune visibilité sur le financement de l’ANRU. En ce qui concerne les PRE, ils bénéficient de 81 millions d’euros au budget 2013 ; l’année dernière, la programmation triennale prévue par l’ancienne majorité ne leur réservait que 78 millions, soit trois millions d’euros de moins. Cette programmation prévoyait d’ailleurs une baisse continue, sur trois ans, de toutes les actions de cohésion sociale en matière de politique de la ville ; or, vous avez allégrement voté l’ensemble de ces budgets. Alors rassurez-vous, il y a bien un pilote dans l’avion ; mieux, nous sommes en train de reconstruire l’avion que vous aviez complètement cassé.

Monsieur Bénisti, la réforme de la géographie prioritaire avait été envisagée par l’ancienne majorité elle-même. M. Hamel avait fait un rapport sur cette question, que M. Fillon s’était empressé d’enterrer en repoussant la réforme après les élections municipales. Comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, tous les acteurs sérieux de la politique de la ville considèrent que cette réforme est nécessaire. Elle est compliquée et difficile, elle demande de la volonté et du courage, mais le Gouvernement en a, et il la mènera.

Je suis d’accord avec vous : la transparence s’impose. La concertation a été lancée avec 150 responsables associatifs professionnels, toutes les associations d’élus ainsi que des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat.

M. Arnaud Richard. Nous n’avons pas été convoqués.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Vous avez été désigné après le début de la concertation mais, ne vous inquiétez pas, vous serez convoqué. J’ai d’ailleurs confié la direction d’un groupe de travail à un élu de l’opposition, M. Beaudet, maire de Courcouronnes, qui connaît parfaitement la politique de la ville. La concertation est donc à la fois transparente et pluraliste.

La question des critères constitue précisément l’objet de la discussion. Notre but n’est évidemment pas de réduire les crédits de la politique de la ville mais de les concentrer afin qu’ils soient plus efficaces. Au début des années 1990, 13 quartiers étaient inscrits en développement social des quartiers alors que 2 492 le sont aujourd’hui sous le régime du contrat urbain de cohésion sociale.

M. Jacques Alain Bénisti. Grâce à l’ancienne majorité.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Nous vous devons en effet ce saupoudrage, de même que le caractère pléthorique des zonages et des contrats.

On dénombre 751 ZUS mais 300 d’entre elles ont été oubliées par la rénovation urbaine tandis que 25 % des opérations de rénovation urbaine ne figurent pas parmi les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous aurons l’occasion de reparler de tout cela. Si, en effet, je veux bien recevoir des leçons en matière de transparence et de lisibilité, je pourrai aussi en donner dans les semaines à venir.

Sans préjuger l’issue des discussions, j’escompte que la mise à plat de l’ensemble du dispositif permettra de faire émerger de nouveaux quartiers. Nous savons, en effet, que dans les villes moyennes ou dans certains centres-villes, la population s’est paupérisée. D’autres quartiers, en revanche, ne seront plus comptabilisés, ce qui attestera de la réussite de la politique de la ville. En tout cas, tout sera transparent, ce qui nous changera.

M. Jacques Alain Bénisti. Ce dernier mot est inutile.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Je faisais allusion aux propos de M. Richard.

Je suis d’accord avec M. Carpentier s’agissant de l’attente des habitants des quartiers. Il faudra du temps pour revenir sur la casse des dernières années.

Le service public constitue quant à lui un enjeu majeur, d’où la remobilisation de l’ensemble des départements ministériels à laquelle Mme la ministre et moi-même procédons. Tel est le sens des conventions que je m’apprête à négocier et à signer avec les ministères. J’ajoute que les agences de l’État seront également mobilisées. J’ai ainsi longuement discuté avec le directeur général de Pôle Emploi afin que cet organisme se dote structurellement d’une politique permettant d’atteindre le public des ZUS et, en particulier, les jeunes, qui sont encore plus frappés par le chômage.

M. Martial Saddier. Le Président de la République avait annoncé la création d’un grand ministère de l’égalité des territoires et de la cohésion sociale. Or, ce matin, nous avons entendu parler de Paris et du Grand Paris sans qu’il ait été question de la ruralité. Quelles orientations le Gouvernement compte-t-il prendre pour qu’une véritable politique du logement et de l’aménagement du territoire s’applique à l’ensemble des territoires, notamment aux territoires ruraux ?

M. Jean-Pierre Vigier. En tant qu’élu d’un territoire rural et d’une petite commune, je dispose de très faibles moyens financiers. Dans le cadre de la péréquation qui a été mise en place en 2011, 150 millions ont été distribués sur le plan national, ce qui a été pour nous une véritable bouffée d’oxygène. Dans les années à venir, allez-vous poursuivre cette politique de péréquation voire accroître le montant des crédits qui lui sont affectés, et ce afin de maintenir des moyens financiers acceptables pour les petites communes des territoires ruraux ?

M. Guillaume Chevrollier. Nous n’avons pas eu l’occasion de parler suffisamment des territoires ruraux, lesquels représentent tout de même 80 % de notre pays. Ils subissent une inégalité de traitement alors que les problèmes existent, de même d’ailleurs que de forts potentiels qui pourraient être utiles au redressement national dont le Gouvernement parle tant. Le monde rural a besoin d’être soutenu, tout comme d’ailleurs la politique d’accession à la propriété. Je sais bien que vous préférez mener une politique en faveur du logement social mais celle-ci est plus coûteuse que celle-là, laquelle constitue de surcroît un élément de stabilité dont notre société a besoin.

Mme Valérie Lacroute. Après trente années de politique de la ville, les zones se sont superposées ou ont coexisté, rendant l’évaluation des politiques publiques peu lisible. Les statistiques de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles montre que certains quartiers classés en ZUS se portent mieux tandis que d’autres quartiers ne bénéficiant pas d’actions spécifiques sont aujourd’hui en proie à la décomposition sociale.

La réforme menée par Mme Fadela Amara et la précédente majorité, notamment en 2011, a commencé à porter ses fruits. C’est tout le sens de la dynamique Espoir Banlieues visant à mobiliser l’ensemble des acteurs afin qu’ils répondent aux besoins spécifiques de chaque quartier relevant de la politique de la ville.

Préalable à toute nouvelle politique en la matière, la réforme du zonage doit permettre de concentrer l’effort sur les territoires qui connaissent les plus grandes difficultés, tout en harmonisant les zonages légaux et contractuels. En effet, la géographie prioritaire actuelle, trop complexe et dispersée, ne permet pas un ciblage précis des actions sur les territoires les plus vulnérables. Dans ma circonscription du sud de la Seine-et-Marne, située aux marches de l’Île-de-France, du Loiret et de l’Yonne, Nemours, ville de 13 000 habitants dont je suis maire, est l’exemple type de la disproportion caractérisée entre un quartier du Mont Saint-Martin de 5 000 habitants classé en ZUP puis en ZUS – il bénéficie d’un contrat ANRU de 90 millions – et, à peine 250 mètres plus loin, le quartier de Beauregard, 1 000 habitants, qui n’a le droit à rien hors des investissements intégralement financés par la commune. Pourtant, ces deux quartiers où se concentrent 47 % des logements sociaux de la ville ont des critères similaires : même habitat collectif, même population, même taux de chômage…

Aujourd’hui, il faut privilégier le projet de territoire. Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que je suis inquiète par de telles disparités affectant une partie de la population. La réforme de la géographie prioritaire, l’harmonisation des zonages légaux et contractuels constituent-ils de réels espoirs permettant à très court terme d’aboutir à une véritable politique des territoires ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Demain, à quinze heures, une commission élargie sera consacrée à la politique des territoires. Toutes les questions concernant l’aménagement et l’égalité des territoires, notamment les zones rurales, y seront abordées. Il s’agit d’une action fondamentale pour le Gouvernement.

Les questions relatives à la péréquation et aux zones rurales sont au cœur de la politique des territoires et du logement, qu’il s’agisse du problème des logements vacants dans les bourgs-centres, de la lutte contre les « dents creuses », du problème de l’urbanisation sur des terres agricoles ou de celui de la construction de bâtiments de moindre qualité. Les opérateurs HLM devront se mobiliser, y compris sur de toutes petites opérations, lorsqu’elles sont difficiles à équilibrer. Nous travaillons à un dispositif en ce sens.

En ce qui concerne l’urbanisme et le droit des sols, le Gouvernement entend travailler à une clarification des procédures afin d’être plus efficace.

Le montant de la dotation de solidarité rurale s’élevait l’année dernière à 60 millions ; il sera de 78 millions en 2013. Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, qui bénéficie assez massivement aux communes rurales, passera quant à lui de 150 à 350 millions.

Le Gouvernement accorde donc toute son attention aux territoires ruraux et à l’élaboration d’une politique réelle d’égalité des territoires.

Mme Audrey Linkenheld. Dans un contexte budgétaire contraint, Mme la ministre fait preuve d’une volonté forte. Le logement constitue d’ailleurs une priorité majeure du Gouvernement aujourd’hui comme hier – je le dis pour rassurer M. Bénisti et M. Richard dont j’ai écouté les interventions avec un peu de stupeur.

Le Groupe SRC soutient l’objectif de construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Celui-ci est ambitieux, et c’est heureux, car si tel n’était pas le cas, nous ne pourrions répondre à l’urgence sociale née de la crise du logement.

Ces objectifs, notamment celui de la construction de 150 000 logements sociaux, soit 30 000 de plus que l’année passée, sont bien inscrits dans le programme 135 avec, d’ailleurs, une belle priorité accordée à la construction aux logements financés par les PLAI – 33 000 contre 22 500 en 2012 – et les PLUS – 69 000 contre 55 000.

Je me réjouis que le montant global des aides à la pierre ne baisse plus mais, au contraire, reparte à la hausse – certes, moins qu’espéré, surtout en comparaison de l’aide à l’investissement locatif, mais c’est tout de même une amélioration. Dans ce contexte, je m’interroge sur la subvention rapportée au logement, qui passe à 400 euros pour un PLUS et à 7 500 euros pour un PLAI. Je crains, en effet, que les collectivités ne soient pas en mesure de financer un concours supplémentaire par rapport à ce qu’elles apportent aujourd’hui : outre qu’elles ont été malmenées financièrement ces dernières années, elles sont aussi touchées par un contexte budgétaire difficile. Cela est d’autant plus notable qu’il leur est demandé – et c’est très bien ainsi – de construire plus qu’hier.

Comment envisagez-vous donc le partenariat et le « cofinancement » entre l’État, les collectivités et les fonds propres des bailleurs pour atteindre, notamment, l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux ?

M. Marc Goua. Mme Duflot s’est montrée attentive aux zones non tendues à l’intérieur desquelles existent néanmoins des besoins. Je rappelle en effet que des zones rurales et urbaines ont été parfois classées en zone B2. En revanche, le financement de l’accession sociale n’a pas été évoqué, notamment le devenir du Crédit immobilier de France. Qu’en pensez-vous ?

Je ne peux qu’être satisfait, monsieur le ministre, de la hausse de la « DSU cible ». J’espère également que vous réussirez à mobiliser le droit commun car il en est question depuis très longtemps.

Un coup de chapeau, enfin, s’agissant de l’augmentation de la péréquation. Toutefois, dans les petites ou moyennes villes, les critères devraient être nationaux sinon, dans le cadre notamment de l’intercommunalité, certaines villes ramassent la mise.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie d’avoir évoqué le Crédit immobilier de France.

Mme Valérie Pécresse. Que l’on me pardonne de revenir sur la question du Grand Paris, mais nous savons tous, madame Duflot, que vous n’avez pas voté ce projet lorsque vous étiez conseillère régionale. Nous sommes donc inquiets quant à votre capacité et à votre volonté de le porter puisque la charge vous en incombe aujourd’hui. Ce rebondissement de l’histoire est d’ailleurs assez savoureux. Nous sommes heureux que vous ayez changé d’avis mais comprenez que nous ne pouvons pas nous contenter de bonnes paroles.

Qu’en est-il de ce milliard qui n’est pas à ce jour inscrit dans le budget ? Nous sommes d’autant plus inquiets que le conseil régional qui s’est réuni il y a quelques jours au STIF ne l’a pas non plus budgété à l’horizon 2020 alors qu’il devait le mettre sur la table pour le plan de mobilisation des transports et l’exploitation des nouvelles lignes. Tout cela nous laisse supposer que la région d’Île-de-France ne croit plus dans les capacités d’investissement de l’État pour le Grand Paris. Nous sommes inquiets de ce qui relève, supposons-nous, d’une gestion budgétaire à très courte vue qui consisterait, pour maintenir des dépenses de fonctionnement élevées, à sacrifier des dépenses d’investissement pour l’avenir, pour la qualité de vie des Franciliens, pour l’emploi en Île-de-France, mais aussi dans la France entière, puisque le Grand Paris comprend la desserte des grands aéroports, le plateau de Saclay et des projets qui dépassent largement l’Île-de-France en conditionnant la croissance et le rayonnement national.

Vous avez dit avec gentillesse que la Société du Grand Paris (SGT) dispose des moyens d’agir, ce dont je vous remercie puisque les crédits que nous lui avions octroyés sont donc bien là, contrairement à ce que j’avais entendu dire dans certaines instances. Elle peut donc travailler à court terme, mais, en vertu de l’adage selon lequel gouverner, c’est prévoir, vous devez également prévoir ce qu’il en sera sur le long terme. Quel héritage laisserez-vous dans les cinq années à venir si vous abandonnez le Grand Paris et les grands projets d’infrastructures ?

M. Laurent Wauquiez. L’action et donc le budget du Gouvernement ne manqueront pas d’être affectés par l’annonce qu’a faite ce matin M. le Premier ministre au sujet de l’annulation par le Conseil constitutionnel de votre loi sur le logement, madame la ministre.

Cette annulation, si j’ai bien compris M. Ayrault, repose sur des motifs purement formels. Comment une telle erreur quant aux règles de base de la vie parlementaire a-t-elle été possible ?

De plus, à ce qu’il semble, les juges constitutionnels ne se sont pas encore réunis. Le Premier ministre ayant d’ores et déjà annoncé leur décision, lit-il dans le marc de café ou dans les pensées des membres du Conseil constitutionnel ? À moins que ce ne soit l’état de droit qui ne soit profondément bafoué.

Tout cela relève, en tout cas, d’un amateurisme difficilement compréhensible.

M. Michel Heinrich. Les acteurs du logement social se préoccupent beaucoup de la proportion de l’aide qui leur sera attribuée dans les zones tendues, notamment dans le cadre d’opérations post-ANRU.

Lors des dernières rencontres nationales consacrées aux SCOT, j’ai eu l’occasion de vous faire part de la très vive préoccupation des élus des établissements publics s’agissant des risque juridiques majeurs que fait peser sur les SCOT adoptés ou en cours d’élaboration une réforme non aboutie. Cet été, l’assemblée des communautés de France a eu également l’occasion de souligner l’impérieuse nécessité de reprendre le débat parlementaire sur ce sujet. Qu’en pensez-vous ? Quels sont vos projets en la matière ?

M. Daniel Fasquelle. La question de l’égalité des territoires est fondamentale. M. Valls a annoncé la possible fermeture de sous-préfectures dans les territoires ruraux ; or, tous les élus de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, partagent mon point de vue : nous avons besoin des services de l’État et d’un sous-préfet qui nous épaulent dans le montage des dossiers. Indépendamment de toute considération politique, je tenais d’ailleurs les mêmes propos lorsque la même menace s’était profilée il y a trois ou quatre ans. Pourriez-vous vous prononcer à ce sujet et nous assister dans nos discussions avec M. Valls ?

S’agissant de la loi sur le logement, nous n’avons cessé de dénoncer un passage en force comme nous l’avons d’ailleurs également fait pour la proposition de loi relative à la tarification progressive de l’énergie sur laquelle je vous rappelle qu’une motion de rejet a été votée hier après-midi par la Commission des affaires économiques du Sénat. Quelles conséquences tirez-vous de ces deux sorties de route ? Allez-vous redéposer – et si oui, à quel moment – le projet sur le logement ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. J’attache beaucoup de prix au travail parlementaire comme peuvent en témoigner ceux qui, sur tous les bancs, suivent les questions sur lesquelles je travaille.

Je tiens tout d’abord à régler les problèmes politico-politiciens que certains ont cru bon de soulever. M. Wauquiez et M. Bénisti se sont beaucoup inquiétés de l’annulation – ou non – de la loi sur le logement. Je regrette de ne pas les avoir beaucoup vus lors du débat parlementaire, qui fut pourtant riche et intéressant. Quoi qu’il en soit, les priorités du Gouvernement n’ont pas changé et ma volonté ne faiblira en aucune manière.

Je l’ai dit : le débat que nous avons eu a constitué une première étape. Une autre loi sera présentée au printemps qui permettra de traiter un certain nombre de problèmes, notamment dans le cadre de la révision de la loi de 1989 portant sur les relations entre propriétaires et locataires, de celle de 1970 relative à la réglementation des professions immobilières – et en particulier des agences immobilières – et de celle de 1965 sur les copropriétés. Ce travail se fera en partenariat avec la Chancellerie. Ne doutez ni de ma détermination, ni de ma volonté, ni de ma constance, ni du succès des actions que nous avons entreprises avec la majorité.

Madame Pécresse, aucun vote n’a eu lieu au sein du conseil régional d’Île-de-France à propos du Grand Paris.

Mme Valérie Pécresse. Un document d’orientation budgétaire sur les transports a été présenté.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. De plus, la politique que j’ai l’honneur de mener en tant que ministre est celle du Gouvernement auquel j’appartiens et je l’assume de bonne grâce. Je l’assume d’autant mieux que je m’inquiétais naguère des financements de ce projet. Nous avons eu à ce propos une discussion franche et lucide, comme l’a dit le Président Carrez, car ce projet n’était pas complètement calé.

Je m’étais également inquiétée de l’absence de hiérarchisation des priorités dans un certain nombre de domaines, puisqu’il avait été envisagé que 26 tunneliers traversent simultanément l’Île-de-France. Personne n’a cru à pareille légende mais c’est d’elle dont il avait été question.

Maintenant, il est temps d’agir, et c’est ce que je préfère. J’ai déjà dit combien ce projet est important pour les Franciliens dont certains passent plus de trois heures dans les transports en commun, de banlieue à banlieue.

S’agissant du montant des aides rapporté au logement, madame Linkenheld, vous avez raison de considérer que la situation n’est pas idéale et que l’on pourrait imaginer une mobilisation plus grande des aides à la pierre. Compte tenu des contraintes qui sont les nôtres, nous avons fait le mieux possible, notamment à travers l’engagement très ambitieux de construire 150 000 logements sociaux. Nous avons une responsabilité collective en la matière : le Gouvernement, les collectivités locales, les opérateurs et les financeurs, dont Action Logement ou la Caisse des dépôts et consignations, et ce à travers, je l’espère, la mise en place rapide d’un « super PLAI » permettant la construction de logements dont les loyers seront inférieurs à ceux qui sont actuellement en vigueur dans les logements PLAI, dans la mesure où certaines personnes en très grande difficulté ne peuvent y accéder. Nous disposons des moyens permettant de financer la construction de ces logements. J’ajoute que les collectivités locales seront mobilisées à hauteur de ce qu’elles ont déjà accompli et pas au-delà.

Parallèlement aux interventions du ministre de l’économie et des finances sur la situation financière et sur les obligations qui ont été faites à la France par la Commission européenne pour qu’elle puisse apporter sa garantie, j’ai eu l’occasion de dire que la mission du Crédit immobilier de France – l’accession sociale sécurisée – et le professionnalisme de ses agents sont indispensables à la politique du logement. Une telle analyse est assez largement partagée. La réflexion est ouverte quant aux moyens permettant d’appliquer cette expertise mais il n’en reste pas moins que les besoins sont là : l’année dernière, 46 000 familles ont bénéficié de ces types de financement et d’accompagnement par des professionnels.

Le Gouvernement travaille sur ce dossier, sachant qu’il y a deux situations différentes. Celle d’une banque dont le modèle économique, notamment du fait de la crise, a trouvé ses limites. Celle d’un ancrage sur le territoire et d’une réponse à des problèmes spécifiques auxquels ne répondent pas les établissements bancaires traditionnels et qu’il convient de conserver.

Monsieur Heinrich, s’agissant des aides à la pierre en zone non tendue, il est effectivement difficile d’opérer des choix. En effet, ce n’est pas parce que la zone est détendue que des besoins de logements répondant à des besoins spécifiques ne s’expriment pas. Le PLF 2013 porte à 14 % les aides reversées en zone C, contre 13 % l’année dernière. Ce faisant, nous faisons un effort supplémentaire en direction des zones non tendues, en particulier les zones rurales. Au final, l’augmentation des aides à la pierre concernera tout le monde. Les aides de l’ANAH, dont le budget sera augmenté, seront ciblées vers les zones rurales, notamment pour les habitations individuelles anciennes dont la consommation énergétique est élevée et qui sont souvent occupées par des populations vieillissantes dont les ressources sont peu élevées.

Monsieur Fasquelle, les missions d’appui en matière de droit des sols ou d’urbanisme sont étudiées par mon ministère. Trente ans après le vote de la décentralisation des compétences en matière d’urbanisme, il est encore des communes, même de taille moyenne, qui font instruire leurs dossiers de permis de construire par les services de l’État. Il est donc nécessaire de repenser le lien entre l’État et les collectivités locales, sachant que la décentralisation va connaître une nouvelle étape, et que l’État a un rôle de stratège, de mutualisation des compétences et des expertises, et de médiateur. La réflexion menée au sein du ministère sur la mise en place d’un Commissariat général à l’égalité des territoires et, plus généralement, sur l’égalité des territoires vise à répondre à cette question. Nous devons, non pas avoir une vision verticale de l’organisation des administrations de l’État, mais penser l’ancrage des services publics depuis les territoires. Il faut repenser la question des services publics et répondre aux territoires dont les habitants se sentent abandonnés.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Je souscris totalement à l’analyse de Mme Lacroute. La réforme du zonage doit permettre de contractualiser non sur un morceau de quartier, mais sur un territoire entier.

Monsieur Goua, la péréquation horizontale fera l’objet d’une mission que j’ai confiée à M. Pupponi dans le cadre de la concertation sur la nouvelle étape de la politique de la ville. Nous pourrons ainsi formuler, dès le début de l’année prochaine, des propositions sur les outils de péréquation, en particulier pour les communes qui reçoivent la dotation de solidarité urbaine et qui paient pour la péréquation horizontale.

Mme Jacqueline Maquet. La construction de 150 000 logements sociaux locatifs pour 2013, se décomposant en 33 000 PLAI, 69 000 PLU et 48 000 PLS, constitue un objectif très ambitieux. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que les bailleurs sociaux seront techniquement opérationnels dès 2013 pour faire face à cette hausse de 25 % par rapport à 2012 ?

En ce qui concerne les moyens financiers, vous nous avez répondu qu’un travail est en cours avec l’Union sociale pour l’habitat, en concertation avec Marie-Noëlle Lienemann. Je vous en remercie.

Monsieur le ministre, vous avez lancé la semaine dernière à Roubaix la concertation sur les zones prioritaires. Si l’on peut concevoir la volonté du Gouvernement de recentrer les crédits sur un nombre limité de sites en très grande difficulté, j’attire néanmoins votre attention sur les zones sensibles en très grande pauvreté situées dans les villes moyennes, qui nécessitent une intervention urgente au titre de la prévention.

M. Michel Piron. L’objectif des 500 000 logements en 2013, dont 150 000 logements sociaux, est effectivement très ambitieux. Pensez-vous qu’il pourra être atteint, madame la ministre, alors que l’on attend plutôt 320 000 logements à la fin de cette année ? La modestie est en effet nécessaire, compte tenu des contraintes très importantes qui pèsent aujourd’hui sur l’activité. Pour les logements sociaux, la capacité de construction de l’ensemble des organismes HLM se situe autour de 70 000, auxquels s’ajoutent 20 000 VEFA –vente en état futur d’achèvement. Comment atteindre l’objectif fixé ?

S’agissant de la territorialisation de la politique du logement, le travail de l’ANAH en matière de réhabilitation est très important. Mais ne pensez-vous pas que l’accession sociale et le recours au PTZ se heurtent bien souvent à la complexité des procédures ?

Monsieur le ministre, je vous félicite d’avoir réussi à maintenir la quasi-totalité des crédits du budget de la ville par rapport à l’année dernière, malgré, ainsi que vous l’avez indiqué, un contexte historiquement contraint.

S’agissant de la géographie prioritaire, le Plan national de rénovation urbaine a été victime de son succès. Initialement, 175 quartiers étaient ciblés, puis, au cours des années, s’est posée la question de savoir comment répondre à la demande de 200, 300, voire 450 quartiers éligibles. Combien de quartiers pourraient, selon vous, être retenus et à quelle date ?

Mme Frédérique Massat. Madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter pour ce premier budget qui traduit l’engagement du Gouvernement en matière de logements, en particulier sociaux.

Pouvez-vous nous indiquer le périmètre du nouveau prêt, le super PLAI, sachant que les coûts associés sont élevés et sans retombées significatives sur les loyers de sortie demandés aux futurs bénéficiaires de ces logements ?

Pour ce qui est de l’hébergement d’urgence, il me semble que le pilotage territorial entre les collectivités, l’État et les associations manque de visibilité. Comment seront fléchées les compétences des uns et des autres dans le cadre des futures lois de décentralisation ? En outre, un des rapporteurs s’interroge sur le dépassement du rebasage des crédits. Est-ce le cas ?

Enfin, tout en me félicitant du durcissement de la taxe sur les logements vacants, je m’interroge sur les dispositifs qui doivent être mis en place. En effet, il me paraît nécessaire d’accompagner les propriétaires de logements vacants et, le cas échéant, de prendre des mesures permettant de reconquérir ces logements, notamment dans les territoires ruraux.

M. Jean-Luc Reitzer. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la garantie du risque locatif – GRL –, laquelle permet de couvrir les propriétaires contre le risque d’impayés de loyer, en facilitant la mise en location de logements à des ménages qui ne présentent pas les garanties habituelles de solvabilité et de caution.

Ce dispositif a séduit de très nombreux propriétaires, qui ont pu ainsi s’engager auprès de trois assureurs partenaires. Néanmoins, pour le cas où les velléités de l’un d’entre d’eux, lié au groupe MMA, de se retirer de la branche assurance loyer impayé – il souhaite se concentrer sur son métier de base, la protection juridique – devaient être confirmées, il est à craindre que certains propriétaires préféreront laisser leur logement vide plutôt que de le mettre en location.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer l’existence de telles difficultés ? Si c’est le cas, envisagez-vous d’intervenir pour étoffer notre offre de logements en assurant les propriétaires d’un minimum de garanties ?

M. Jean-Michel Villaumé. En tant que membre de l’Association des petites villes de France, je me fais le porte-parole des élus concernés qui s’inquiètent de la concentration des crédits. Certes, la refondation du zonage est légitime, mais ces villes, qui portent depuis des années les politiques de cohésion sociale et de réussite éducative, souffrent particulièrement de la crise et se sentent abandonnées. Pouvez-vous nous rassurer en la matière, monsieur le ministre ?

M. Francis Vercamer. Selon un certain nombre de rapports en matière d’emplois et de réussite éducative, dont celui de la Cour des comptes, les écarts par rapport à la moyenne ont tendance à augmenter dans les quartiers en difficulté, et le chômage des quinze – cinquante-neuf ans y est deux fois plus élevé qu’ailleurs. Il est clair que la politique de la ville n’a pas atteint ses objectifs, pour une raison simple : l’insuffisance d’objectifs partagés et de moyens concentrés sur des secteurs ciblés. Nous connaissons tous des quartiers où l’éducation nationale a dû fermer une classe dans une école en cours de rénovation.

Cette situation pose l’éternel problème des crédits de droit commun, mais surtout celui de la coordination des politiques publiques et sectorielles dans les quartiers. Monsieur le ministre, comment allez-vous vous assurer d’un véritable objectif partagé entre les autres ministères ?

Outre l’insuffisance des crédits de droit commun, la politique du logement souffre de l’empilement des périmètres – ZUS, ZFU, CUCS, programme Éclair, réseaux des régions, des communautés urbaines, des villes… Vous avez lancé à Roubaix la réforme de la géographie prioritaire, ce dont je me réjouis. Néanmoins, la DSU étant calculée sur le nombre d’habitants qui vivent dans ces zones prioritaires, la réforme aura un impact sur les dotations attribuées aux communes. Monsieur le ministre, comment allez-vous garantir aux communes les dotations dont elles bénéficient actuellement ?

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, les moyens du programme 177 sont-ils à la hauteur de vos ambitions ? J’ai bien entendu vos promesses en termes de places d’hébergement pérennes, de logements accompagnés et de places d’urgence supplémentaires. Pour autant, selon le rapporteur lui-même, le niveau des crédits ne peut répondre aux besoins réels et, aux dires des associations, ces promesses ne peuvent être tenues. J’attends donc une totale clarté sur ces objectifs et les moyens correspondants.

Un exemple. Pourquoi les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, voient-ils leurs moyens diminuer dans ce budget, alors qu’ils constituent la forme de logement la plus structurante par rapport aux autres formes d’hébergement d’urgence, en particulier les nuitées d’hôtel ?

Le Premier ministre a adressé une circulaire aux préfets de région leur demandant de mettre en place des projets territoriaux. En quoi ces projets vont-ils consister ? Comment associeront-ils les collectivités locales, en particulier les communes et les départements ? En définitive, ne sont-ils pas un moyen de faire supporter un certain nombre de charges aux communes, déjà fortement impliquées dans la prévention de l’exclusion et dans l’insertion des personnes vulnérables ?

M. Jean-Claude Mathis. Madame la ministre, je souscris à votre propos sur la modestie en matière de constructions de logements.

Alors que près de 30 % de nos concitoyens déclarent éprouver des difficultés financières pour faire face à leurs dépenses de logements, les organismes de logements sociaux se trouvent devant une équation très difficile à résoudre. En effet – et je m’exprime en tant que président d’un organisme départemental de logement social –, nous devons produire des logements de qualité à moindre coût afin de proposer à l’ensemble de nos locataires une quittance loyer et charges compatible avec leurs ressources. Or, si les normes de construction sont nécessaires pour garantir la sécurité, la qualité et le confort des logements, force est de constater que la machine normative s’emballe, au point que l’inflation des normes techniques va à l’encontre de la nécessaire maîtrise des coûts. Ainsi, l’ensemble des surcoûts de construction dus aux législations récentes est compris entre 20 % et 25 %. Il est donc urgent de revisiter cet empilement de normes, et que l’ensemble des acteurs – techniciens du bâtiment, maîtres d’ouvrage, représentants des locataires, élus – recherchent le meilleur équilibre possible entre les exigences normatives, les véritables besoins des locataires et les aspects économiques, afin que la part du logement dans le budget familial reste supportable.

Madame la ministre, pouvez-nous nous indiquer de quelle façon vous entendez répondre à cette attente ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame Maquet, les bailleurs de l’USH sont mobilisés et prêts pour la part qui leur revient, à savoir 110 000 logements. Cette action peut être menée, vous avez raison, monsieur Piron, grâce aux VEFA. Certes, cet objectif ambitieux est difficile à tenir car il nécessite la mobilisation de l’ensemble des acteurs – c’est pourquoi je parlais de modestie –, mais l’État se donne les moyens de contribuer pour toute sa part.

Il m’est difficile de vous dire aujourd’hui si l’objectif de constructions sera tenu en 2013. Nous pouvons espérer une très forte accélération si tous les acteurs se montrent mobilisés au même moment.

Monsieur Mathis, les normes engendrent de la complexité et pèsent sur le coût des opérations. Nous avons la volonté de travailler à leur clarification en matière de droit de l’urbanisme.

Monsieur Piron, sans doute faisiez-vous référence à l’éco PTZ. La question est celle de la certification, qui va de pair avec la certification des entreprises pour les travaux d’économies d’énergie. En effet, le résultat devra être mesurable pour les personnes qui auront recours au service de ces entreprises. Nous sommes sensibles à cette question et y travaillons.

Nous travaillons également sur le super PLAI, madame Massat. Le maintien des niveaux de loyers bas est une vraie question. L’élément déterminant est le coût du foncier, qui pèse jusqu’à 40 % sur certaines opérations. La cession du foncier public d’État est une possibilité, mais ne résoudra pas définitivement le problème. L’effort sur le foncier devra aussi concerner un certain nombre d’opérateurs publics, communaux ou intercommunaux. C’est pourquoi je parlais d’une mobilisation partagée.

Monsieur Perrut, dans ce contexte de crise, les besoins en matière d’hébergement d’urgence augmentent de jour en jour, en particulier ceux des familles. Nous travaillons avec l’ensemble des dispositifs du 115 pour apporter des réponses spécifiques aux familles, pour lesquelles l’hébergement en chambres d’hôtel peut avoir des conséquences sur la santé des enfants, en particulier sur leur alimentation. La conférence du mois de décembre sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion constituera une nouvelle étape vers la mise en place de ce dispositif d’hébergements.

Madame Massat, la taxe sur les logements vacants doit être mise en relation avec un dispositif d’intermédiation locative. Nous y travaillons. D’autres pays européens, comme la Belgique, ont mis en place ce dispositif, qui permet de mettre à disposition des logements sans avoir à gérer les travaux, la souscription du bail, les loyers, voire les impayés.

Enfin, monsieur Reitzer, la garantie des risques locatifs est un dispositif certes complexe, mais qui l’était déjà au départ – obliger des assureurs à délivrer une prestation en échange de la garantie de l’État est problématique. Le chantier est ouvert. La GRL a montré deux limites : la spécialisation des publics, dans la mesure où les plus fragiles sont ceux pour lesquels le risque est le plus élevé ; le manque d’intérêt des assureurs privés. À ce stade, je peux vous dire que 75 % des contrats seront repris. M. Pierre Moscovici et moi-même avons demandé à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, de procéder à une évaluation du dispositif et de réfléchir à une alternative. Pour ma part, je pense que l’élargissement de la garantie du risque à l’ensemble des locataires contribuera à résoudre cette question, sachant que le taux d’impayés en la matière est très faible, de l’ordre de 2 % à 3 %. Mais je vais être franche : pour l’heure, la réponse n’est pas élaborée.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Madame Maquet et monsieur Villaumé, je tiens à vous rassurer : la réflexion sur les petites villes et les villes moyennes ne sera pas menée par strates morphologiques et géographiques, mais en fonction de la taille des villes. Sans préjuger les critères qui seront retenus, si le revenu moyen en fait partie et si des poches de pauvreté sont observées, elles seront forcément prises en compte par la politique de la ville, et même beaucoup plus que dans le zonage précédent.

Monsieur Vercamer, le rétablissement du droit commun sera difficile, car la politique de la ville menée depuis vingt ou trente ans a cet effet pervers que, dès qu’elle s’intéresse à un quartier, le droit commun s’en retire. Pour rétablir le droit commun, le premier levier dont je me servirai sera celui des conventions que je signerai avec chaque ministère pour des objectifs que je souhaite concrets, précis et évaluables, dans un cadre triennal. Les discussions en ce sens ont déjà été engagées avec les différents ministères et vous verrez à la fin de l’année quels éléments figureront dans ces conventions. Je me servirai également – ce sera mon second levier – du contrat global local qui sera mis en place à partir de 2014 tandis que l’expérience des contrats urbains de cohésion sociale – CUCS – nous permettra d’identifier les outils pertinents à cet effet. Cependant, malgré la détermination totale de mes collègues ministres, cette question ne sera pas si simple à régler.

Pour ce qui est de la dotation de solidarité urbaine (DSU), je rappelle que, depuis 2009, elle n’est plus calculée en fonction des zonages de la politique de la ville. Les mécanismes d’exemption déclenchés par les zonages devront donc faire l’objet d’une concertation.

À propos encore de la cohérence entre les zonages et la levée du droit commun, j’ajoute qu’on peut en voir un exemple avec la géographie prioritaire de l’éducation nationale. Le ministre de l’éducation nationale a en effet annoncé que les crédits seraient concentrés sur les établissements, et non en fonction de zones, et que le ministère de l’éducation nationale reprendrait la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville : c’est là un premier effet du travail en commun avec le ministère de l’éducation nationale et de la montée du droit commun dans ce domaine.

M. Bernard Gérard. L’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans les quartiers en difficulté, l’EPARECA, que j’ai présidé de 2008 à la fin de la dernière mandature, est un outil intéressant : il s’agit d’un opérateur commercial public qui agit dans les quartiers en difficulté pour y recréer de la vie et y réinstaller des commerces, disposant à cette fin de prérogatives de puissance publique qui vont jusqu’à l’expropriation. L’EPARECA rénove des commerces, puis les exploite pendant quatre ou cinq ans avant de les remettre sur le marché.

Or, j’ai entendu ce matin certains propos inquiétants, laissant penser que l’on envisagerait de supprimer l’EPARECA ou de le fusionner avec d’autres structures. Madame la ministre, n’écoutez pas ces suggestions. Nous avons triplé le budget de l’EPARECA et la production de cet établissement public, qui gère 50 000 mètres carrés de surface commerciale dans les quartiers en difficulté. On se priverait d’un bel outil en le supprimant. En effet, l’ANRU ne disposera jamais des mêmes prérogatives ni des mêmes outils que cet établissement qui assure la permanence de l’État dans les quartiers en difficulté et que l’on nous envie à l’étranger. La diminution de ses crédits est regrettable. Je souhaiterais donc être rassuré sur la position des ministres responsables de cet établissement public national.

Mme Bernadette Laclais. Je m’associe à ceux de mes collègues qui ont souligné l’évolution positive des budgets qui nous sont présentés, qui marquent parfois même une rupture par rapport aux années précédentes.

En dépit de ces avancées, l’évolution des zonages suscite encore des inquiétudes, non seulement pour les élus locaux, mais aussi pour les associations et les bailleurs sociaux. Le dispositif ANRU a souvent permis des évolutions positives, même si l’aspect social a été beaucoup moins bien traité que l’aspect urbanistique. Pour certains, la sortie du dispositif pourrait remettre en cause des évolutions encourageantes. Quel dispositif prévoyez-vous pour éviter à ceux qui sortiraient du zonage des ruptures trop importantes ?

Par ailleurs, il ne me semble pas qu’on puisse employer le terme de « saupoudrage » car, dans de très nombreux territoires, chaque euro apporté par l’ANRU a permis d’en mobiliser quatre et d’associer d’autres partenaires.

Enfin, il est paradoxal que certaines communes bénéficiant de l’aide de la DSU soient les principales contributrices au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC. Il y a chez les concepteurs de ce dispositif une certaine naïveté à penser qu’une unanimité pourrait se dégager dans les intercommunalités pour revenir sur la contribution, souvent majeure, des villes centres : un nouveau dispositif devrait donc prévoir, au lieu de l’unanimité, un mode de décision à la majorité ou à la majorité qualifiée.

M. Philippe Armand Martin. Madame la ministre, entendez-vous instituer un programme spécifique de l’Agence nationale de l’habitat pour l’amélioration et l’adaptation de l’habitat des personnes âgées ? Allez-vous créer un programme national d’incitation à la construction de logements pour personnes âgées en centre-bourg ?

Par ailleurs, les zones définies comme éligibles au dispositif Scellier seront-elles reconduites en l’état ou un nouveau découpage sera-t-il opéré en tenant compte très précisément de la situation de chaque commune ? L’éligibilité de fait de la zone B2 ne pourrait-elle pas être envisagée sans qu’un agrément spécifique soit nécessaire ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Madame la ministre, dans le vaste plan que vous avez annoncé et que nous soutenons, l’adaptation des logements pour les personnes en situation de handicap ne doit pas être oubliée.

M. Mathieu Hanotin. Je tiens à saluer ce budget qui, dans un contexte budgétaire contraint du fait de la crise économique, place le logement au cœur de nos priorités et permettra de tenir les engagements du Président de la République en matière de construction de logements.

Certains de nos territoires, urbains comme ruraux, sont confrontés au lourd problème de l’habitat insalubre. À l’opposé, l’envolée des prix dans le secteur de l’immobilier, en particulier dans l’immobilier de luxe, montre à quel point le marché non régulé a perdu la tête. J’ai donc déposé, avec Mme Audrey Linkenheld et M. Régis Juanico, un amendement tendant à créer une taxe sur l’achat de l’immobilier de luxe, dont le produit serait affecté à l’ANAH et à l’ANRU. Le taux de cette taxe, due par l’acquéreur, serait progressif de 1 % à 10 % pour l’achat d’un bien supérieur à 1 million d’euros.

Une telle taxe ne saurait en aucun cas être considérée comme une « chasse aux riches », comme on a pu le dire. Elle serait bien au contraire une aide pour la vraie France des propriétaires : on recense 600 000 logements insalubres, dont le propriétaire est parfois l’occupant, alors que 7 000 à 8 000 ventes d’un montant supérieur à un million d’euros ont été réalisées l’année dernière sur l’ensemble du territoire. Les ventes les plus chères concernent souvent des étrangers – le cas le plus caricatural est celui d’un oligarque russe ayant déboursé 46 millions d’euros pour 200 mètres carrés face à la Tour Eiffel –, mais aussi d’exilés fiscaux français.

Cette taxe aurait également l’intérêt de taxer une rente improductive pour la réinvestir dans l’économie productive, car les travaux de rénovation sont le plus souvent réalisés par le secteur des petites et moyennes entreprises, qui a besoin d’être soutenu. Cette démarche valoriserait aussi le prestige de notre pays : quoi qu’il arrive, la Tour Eiffel restera à Paris.

J’invite les membres de la Commission des finances à adopter cet amendement lorsqu’ils auront tout à l’heure à se prononcer à son propos.

Madame la ministre, quel est votre avis sur cette double problématique des logements insalubres et de l’immobilier de luxe ?

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, j’ai été sensible aux propos que vous avez tenus sur les villes moyennes. Certains quartiers, comme ceux de La Panouse à Albi ou d’Aillot à Castres, et bien d’autres, mériteraient attention.

Madame la ministre de l’égalité des territoires, je vous invite à visiter la maison des services publics qui a été créée dans la petite ville de Lacaune, permettant une reconquête des services publics là où ils avaient disparu – on y compte aujourd’hui vingt-cinq administrations et services publics et privés. Cette initiative mérite d’être vue, voire reproduite.

Membre du Conseil fédéral des coopératives HLM, je sais que cette famille est très attachée à l’accession très sociale à la propriété. L’allocation-attribution que j’évoquais en séance publique est une idée très intéressante, mais trop souvent écartée.

Il faut évoquer aussi la solidarité professionnelle qui pourrait s’exercer par le biais du 1 % logement, et à laquelle il conviendrait de rendre tout son sens, ainsi que l’utilisation des moyens de l’ANAH pour aider les propriétaires occupants dont les logements sont très vétustes et énergivores, notamment ceux des agriculteurs.

Madame la ministre, j’ai déjà souligné la contradiction qui s’exprimait, dans la feue loi de mobilisation du foncier public, entre l’objectif affiché de disposer de foncier gratuit pour construire des logements sociaux et la nécessité pour certains ministères de tirer des ressources de ce foncier. Comment assurer la sincérité du budget du ministère de la défense, qui a budgété près de 600 millions d’euros de recettes budgétaires exceptionnelles pour 2013 au moyen de cessions foncières à titre onéreux, alors que la loi prévoit, par la décote, la mise de ces biens à la disposition des collectivités pour un faible prix, voire gratuitement ?

M. Éric Alauzet. Merci, madame la ministre, d’avoir restauré la politique du logement, comme l’attestent les fonds, y compris non budgétaires, engagés par le Gouvernement. Je connais votre engagement fort sur ce sujet.

La mise à disposition du foncier s’accompagnera-t-elle de critères spécifiques, environnementaux ou autres, ou s’agira-t-il de critères généraux relatifs à la nature et à la qualité des constructions ?

Par ailleurs, compte tenu des restructurations que doivent subir le Crédit immobilier de France et, dans une certaine mesure, la Banque de France, ne conviendrait-il pas d’envisager pour le CIF, connu pour son action en faveur des publics en difficulté, un adossement ou des convergences ?

Pour ce qui est du zonage, évoqué à propos du dispositif Duflot qui succède au Scellier , j’appelle votre attention sur les spécificités des zones situées hors des zones tendues en matière de vacance, le logement disponible ne correspondant pas aux besoins. Il faudrait donc revisiter entièrement le parc, et même en abandonner une partie qui n’est pas requalifiable. Ce dispositif est un levier important pour l’activité dans ces territoires et le risque existe de voir se déplacer les investisseurs et l’activité du bâtiment.

Enfin, je ferai écho à la question posée par M. Jean-Louis Roumegas à propos de la destination des ressources du fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, le FNAVDL, mais cette fois pour évoquer son volet consacré à l’accompagnement Dès lors que les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, ont intégré les plans départementaux accueil hébergement insertion, les PDAHI, il serait logique que tous les fonds d’accompagnement des publics soient concentrés sur les PDALPD et le fonds de solidarité pour le logement, le FSL, plutôt que d’être éclatés entre des actions nationales et locales. Il conviendrait donc de renforcer l’action des départements.

M. Jean-Luc Laurent. Madame la ministre, l’enjeu de la construction de logements, qui apparaît dans votre projet de budget, et d’un effort national pour le logement social imposent une réflexion nouvelle sur la mixité sociale.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter l’allongement des listes d’attente des demandeurs prioritaires au titre du droit au logement opposable – DALO – et pour éviter que les attributions de logements pour les ménages en grande difficulté sociale se fassent exclusivement dans des communes comptant déjà un nombre significatif de logements sociaux ?

En outre, le logement social accueille de plus en plus de personnes et de ménages en situation difficile et de moins en moins de personnes pouvant accéder au logement social et disposant de revenus moyens. N’est-il pas nécessaire d’ouvrir le chantier de la mixité sociale et de l’égalité en assouplissant les plafonds là où ce serait nécessaire et en opérant la petite révolution consistant à proportionner le prix des loyers au niveau de ressources des locataires.

Enfin, en 2012, le budget des aides à la pierre destinées au logement a été financé pour un tiers, à hauteur de 150 millions, par un prélèvement financier qui a pénalisé lourdement les offices publics de l’habitat, les OPH. Pouvez-vous nous indiquer à quelle date interviendra la suppression de ce prélèvement, que vous avez annoncée ? Pouvez-vous également nous éclairer sur les discussions en cours avec le monde HLM en vue de la mise en place d’un mécanisme de mutualisation ? Le plus simple et le plus efficace n’est-il pas d’orienter la création d’un tel dispositif vers une structure existante : la caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS ?

M. Alain Marc. Certains territoires, comme celui dont je suis élu, ne subissent aucune tension en matière de logement locatif social. En revanche, en tant que président d’entreprise sociale pour l’habitat – ESH –, j’observe une forte demande d’accession sociale à la propriété. Nous nous inquiétons de la disparition du CIF qui, contrairement aux banques, accordait des prêts sans apport personnel. Quand le nouvel outil annoncé sera-t-il réalisé ?

Mme Hélène Geoffroy. Les moyens mis en œuvre par l’ANRU ont changé, parfois en profondeur, le visage et l’urbanisme de nos quartiers. Depuis vingt ans cependant les plans de renouvellement urbain se succèdent – certaines villes en sont à leur cinquième ou sixième –, montrant ainsi leurs limites. Certains rapports, notamment de la Cour des comptes, signalent des manques dans les domaines par exemple de l’emploi ou de l’école.

Ces plans ont accordé aux habitants une place insuffisante. Dans nos quartiers, il est en effet beaucoup question de « zones prioritaires » et je me réjouis que votre réflexion soit orientée vers la réduction de ces dispositifs en « Z ». Les habitants ont cependant des questions prioritaires, comme l’école – les familles les plus modestes elles-mêmes pratiquant l’évitement scolaire et préférant se saigner aux quatre veines pour scolariser leurs enfants hors de nos quartiers – ou l’emploi, lorsque le manque de réseau se fait cruellement sentir pour accéder au monde du travail, notamment pour les jeunes. Ces questions portent également sur la sécurité, sur l’équipement et sur les services publics. Les habitants de nos quartiers portent tous les visages de l’histoire de France et nous devons pouvoir construire les conditions d’un vivre ensemble, et non d’un vivre côte à côte.

Monsieur le ministre, votre réflexion consacrée au rétablissement du droit commun dans les quartiers me semble pertinente. Comment imaginez-vous les contours de la prochaine politique de la ville pour qu’elle ne soit pas seulement une politique de la pierre comme elle l’a été ces dix dernières années ?

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Marc, la Commission des finances a auditionné lundi après-midi les dirigeants du CIF, ainsi que le directeur du Trésor, puis les représentants du personnel. Nous auditionnerons cet après-midi le gouverneur de la Banque de France et l’interrogerons également à ce sujet, afin de déterminer notre position avant l’examen de l’article 66, qui attribue la garantie de l’État au CIF, mais dont l’exposé des motifs lie cette garantie à une extinction progressive de l’activité de l’établissement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. L’adaptation des logements des personnes âgées – comme d’ailleurs des personnes en situation de handicap – est un enjeu de société. La très forte augmentation des crédits devrait pouvoir bénéficier aussi aux travaux d’amélioration des logements liés à la perte d’autonomie. L’objectif de 15 000 logements assigné à l’ANAH pour 2013 s’accompagne d’un quadruplement de ses moyens, qui correspondent à des besoins très importants. Je rappelle à ce propos que l’objectif initial pour 2012 était inférieur à 4 000.

Le budget du logement contribue également à financer de nombreux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, en particulier en zone rurale, où des opérations de logement social sont nécessaires.

Pour ce qui concerne le handicap, la question des normes est certes un sujet sensible, sur lequel il faut se pencher, mais l’adaptation doit se fonder sur la situation de la personne, car les normes en vigueur correspondent à un certain type de handicap, parfois même à un seul. Par exemple, ces normes rendent difficile l’accès aux logements pour les personnes de très petite taille – pour lesquelles l’adaptation est très différente de celle qui convient aux personnes se déplaçant en fauteuil roulant, et parfois même contradictoire. Plutôt qu’une norme générale, une adaptation précise, accompagnant une obligation de loger des personnes en situation de handicap, semble recommandée. La réflexion est ouverte et le Gouvernement y accorde une grande attention.

Pour ce qui est du logement des personnes âgées, je réfléchis, en lien avec Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, à un dispositif intégrant trois volets : l’anticipation et la prévention ; l’adaptation du logement et des transports ; l’accompagnement des personnes. La politique du logement s’intègre dans cette perspective générale de l’adaptation de la société au vieillissement.

Monsieur Hanotin, la question que vous abordez a déjà été débattue. Vous me permettrez de ne pas avoir d’avis sur le volet « recettes » – qui vient du reste d’être voté. Il faut certes contribuer davantage à la lutte contre le logement insalubre, mais elle soulève une question financière et une question juridique – car il faut permettre aux collectivités locales d’intervenir très en amont. Je me contenterai de me porter garante de ce que tous les crédits qui améliorent le budget du logement soient utilisés dans le sens d’une très grande utilité sociale. Pour le reste, le débat relève du Parlement.

Monsieur Folliot, je vous remercie de votre charmante invitation, mais je connais déjà Lacaune. S’agissant des maisons du service public et, dans l’esprit de ce que j’ai déjà répondu à la question de M. Fasquelle, il serait judicieux de réfléchir à un dispositif simple à mettre en œuvre et susceptible d’être reproduit partout sur le territoire. Des dispositifs sont déjà mis en œuvre et sans doute passerons-nous, dans le cadre de la politique d’égalité des territoires, à une phase de généralisation.

Monsieur Marc, le CIF est une préoccupation si large qu’elle ne risque pas de tomber dans un angle mort.

Monsieur Alauzet, les critères applicables aux cessions touchent aux caractéristiques environnementales du patrimoine cédé – mais, puisque ce patrimoine de l’État est bien connu, les situations les plus sensibles ont déjà été identifiées. Les critères visent bien évidemment à équilibrer les opérations devant être réalisées sur le site, qu’il s’agisse de la construction de logements locatifs sociaux ou d’accession sociale à la propriété, avec des garanties significatives prises auprès des acquéreurs.

Quant au rôle des départements, je crois justement que l’intérêt de ces politiques réside dans la mobilisation de l’ensemble des collectivités locales. J’ai proposé, je le rappelle, la signature entre l’État et l’ensemble des associations de collectivités locales d’un pacte pour le logement.

Monsieur Laurent, vous m’interrogez sur le DALO. La situation est bien connue, et très hétérogène : en Île-de-France, elle est très difficile ; ailleurs, c’est souvent plus simple. Nous continuons de travailler. Vos propositions doivent faire partie du débat ; en tout état de cause, à ce stade, je n’ai pas encore d’avis. Ma préoccupation principale est que chacun puisse accéder à un logement compatible avec ses ressources. J’ajoute qu’aujourd’hui, la question de l’appauvrissement des locataires du parc social se pose de plus en plus.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur Gérard, vous l’avez dit, l’EPARECA est un très beau petit outil. Il est utile, mais il n’a achevé, depuis sa création en 1999, que treize opérations ; il avait été saisi par 243 villes. Il y a donc matière à retravailler. J’ai vu son directeur général hier. Avec Mme Sylvia Pinel, qui assure la cotutelle de cet établissement, nous verrons comment cet outil peu connu pourra gagner en efficacité dans les années à venir.

Madame Laclais, vous vous inquiétez de la révision du zonage et de possibles sorties des dispositifs de politique de la ville. Bien entendu, personne ne sera abandonné sur le bord de la route. Mais si, parce que le zonage est révisé, une ville ou un quartier sortent d’un dispositif, cela signifiera que leur situation s’est améliorée ; il faudra donc se féliciter de l’action de l’État et des collectivités locales ! C’est un discours positif qu’il faudra savoir tenir : il permet de penser qu’à terme, la politique de la ville englobera bien toute la ville et ne s’adressera pas aux seuls quartiers en difficulté.

En évoquant le saupoudrage, je ne pensais pas à l’ANRU, mais à l’ACSé et aux CUCS. Donner 1 000 euros par-ci, 300 euros par là, me paraît non seulement inutile, mais même dangereux. Il faut donc savoir concentrer nos moyens.

Madame Geoffroy, je partage votre avis sur les limites de la rénovation urbaine : nous en avons parlé dans la région lyonnaise la semaine dernière. Je souhaite pour ma part que les nouveaux contrats que nous mettrons en place traitent non seulement de la rénovation urbaine, mais aussi des politiques de cohésion sociale. Nous devons aussi mieux prendre en considération les habitants, et surtout nous devons leur permettre d’intervenir de façon plus importante : c’est lorsque les habitants d’un quartier sont associés aux opérations de rénovation urbaine que celles-ci fonctionnent le mieux.

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EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Madame Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du logement et de Monsieur François Lamy, ministre chargé de la Ville, lors de la commission élargie, la commission des Finances examine les crédits de la mission Égalité des territoires, logement et ville.

La commission est saisie de l’amendement n° II-CF-40 de M. Pierre-Alain Muet ayant pour objet de créer une taxe annuelle sur les locaux à usages professionnels vacants.

Sur l’avis défavorable de M. Christophe Caresche, Rapporteur spécial des crédits du Logement, la commission rejette cet amendement.

La commission examine l’amendement n° II-CF-36 de Mme Sandrine Mazetier.

M. Christophe Caresche, Rapporteur spécial des crédits du Logement. Je suis favorable à cet amendement qui vise à durcir la taxe d’habitation pouvant être appliquée aux logements vacants dans les communes non assujetties à la taxe sur les logements vacants, et à la rendre obligatoire dans les communes d’une certaine taille.

Sur la proposition du Rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement n° II-CF-36.

La commission examine l’amendement n° II-30 de Mme Valérie Pécresse, qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2012, un rapport présentant les modalités de financement du réseau de transports du Grand Paris.

M. le président Gilles Carrez. Il existe des incertitudes sur le financement futur des projets de la Société du Grand Paris. Même si le Gouvernement a confié une mission exploratoire à des personnalités qualifiées, il est important qu’un rapport précise rapidement ces modalités de financement.

M. François Pupponi. J’ai soutenu la démarche du président Carrez pour assurer le financement de la Société du Grand Paris.

M. Christophe Caresche. Je ne peux contraindre le Gouvernement sur le rapport demandé alors que Mme Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du logement, a indiqué que les besoins de financement n’apparaîtraient qu’en 2015. Par ailleurs, le Gouvernement prépare un rapport sur l’évaluation des dépenses et le coût du réseau des transports.

Alors que le délai de remise de ce rapport est incertain, il apparaît gênant d’exiger de lui un autre rapport à déposer avant le 31 décembre 2012.

M. le président Gilles Carrez. Un problème de financement se pose à court terme, et même dès 2013, puisque la société du Grand Paris voit ses recettes plafonnées dans le cadre général applicable aux opérateurs de l’État. Or, la recette principale de la SGP est la taxe sur les bureaux qui avait été redynamisée en 2010 afin d’assurer justement le financement adéquat de cet opérateur.

M. Daniel Goldberg. J’ai auditionné les responsables de la Société du Grand Paris qui m’ont confirmé qu’aucune difficulté budgétaire sérieuse n’est prévisible en 2013, compte tenu d’une trésorerie de 600 millions d’euros et de ressources conséquentes. Les difficultés ne seraient susceptibles d’apparaître qu’en 2014 ou 2015 compte tenu du plafonnement de la taxe spéciale d’équipement et de la taxe sur les bureaux.

Je soutiens la démarche des auteurs de l’amendement n° II-30 mais le délai impératif du 31 décembre 2012 est gênant, quand, par ailleurs, un rapport est en préparation. Je doute donc de l’efficacité de cet amendement.

M. Christophe Caresche. Je confirme mon avis défavorable sur l’amendement n° II-30.

La commission rejette l’amendement n° II-30.

Sur la proposition des Rapporteurs spéciaux des crédits de l’ Égalité des territoires et du Logement et de la Ville, elle adopte les crédits de la mission Égalité des territoires, logement et ville.

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