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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 4 avril 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Sécurisation de l’emploi

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Article 2

Mme Véronique Louwagie

M. Jean-René Marsac

M. Jean-Charles Taugourdeau

Mme Jacqueline Fraysse

M. Marc Dolez

M. Gaby Charroux

M. André Chassaigne

M. Jean-Patrick Gille

Mme Monique Iborra

M. Christophe Cavard

M. Francis Vercamer

M. Dominique Dord

M. Gérard Cherpion

Mme Catherine Coutelle

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales

Rappel au règlement

M. Marc Dolez

Mme la présidente

Article 2 (suite)

Amendements nos 2053, 2054, 2060, 2061, 2062, 456, 457, 463, 464, 465, 4886, 4887, 4893, 4894, 4895, 4818, 4819, 4825, 4826, 4827, 3784, 3785, 3791, 3792, 3793, 626, 627, 633, 634, 635

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 3865 rectifié, 4918 rectifié

Rappel au règlement

M. André Chassaigne

Mme la présidente

Article 2 (suite)

Amendements nos 4392, 5444 rectifié, 5421, 5443, 5568, 5573, 5574, 5562, 5575 (sous-amendement), 5402, 30, 13, 3165, 5446, 4333, 4334, 4341, 4342

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jean-Marc Germain, rapporteur

M. Marc Dolez

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

M. Nicolas Sansu

Amendements nos 5437, 5380, 4556, 5439, 5564 rectifié, 14, 3166, 4303, 4310, 4311, 4954, 4852, 5561 (sous-amendement), 4957, 5156, 5422, 5563 (sous-amendement), 985, 986, 993, 994, 5420

Suspension et reprise de la séance

M. André Chassaigne

M. Vercamer

M. Gérard Cherpion

M. Christophe Cavard

M. Jean-Patrick Gille

Après l’article 2

Amendements nos 1402, 1403, 1410, 1411, 5413 rectifié, 4115, 4130, 4181

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Sécurisation de l’emploi

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (nos 774, 847, 839).

Discussion des articles (suite)

Article 2

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 2.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, inscrite sur l’article.

Mme Véronique Louwagie. Madame la présidente, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’article 2 procède à la création du compte personnel de formation et du conseil en évolution professionnelle.

Il convient de noter ici les bienfaits et atouts du dispositif existant – le DIF, créé en 2003 –, qui vise à donner au salarié un outil de gestion de son parcours professionnel, lui permettant ainsi d’en assurer l’évolution. L’objectif du DIF est de permettre à chaque salarié d’être l’acteur de son évolution professionnelle. Cet objectif résulte des choix retenus et figurant dans les différents accords conclus depuis celui du 20 septembre 2003, relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle.

Dix ans plus tard, l’évaluation des dispositifs existants a conduit les partenaires sociaux à constater les insuffisances partagées et à proposer des axes d’amélioration. Le compte personnel de formation constitue une évolution pertinente. Pour ma part, j’émets le souhait que le conseil en évolution professionnelle, visant prioritairement un objectif de qualification, puisse être réalisé dans les meilleures conditions.

Pour atteindre les objectifs définis – des objectifs ambitieux et louables –, des moyens matériels et humains devront être déployés. Je note au demeurant qu’une nouvelle obligation incombe aux entreprises : il revient à l’employeur d’informer chaque salarié de la possibilité qui lui appartient de recourir à un accompagnement relatif à son évolution professionnelle.

Néanmoins, quelques questions demeurent : quid du mode opératoire du dispositif ? Quid du mode de gouvernance de cet accompagnement ? Quid de la mise en place de l’organisation et de la concertation entre les différents partenaires : État, régions, organismes de formation ? Quelle date faut-il retenir comme date d’entrée sur le marché du travail : l’issue d’un stage, le début d’une formation, la fin de la formation initiale, la première inscription à Pôle emploi, ou encore l’envoi des premiers CV ? Telles sont les questions auxquelles nous souhaitons obtenir des réponses.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Marsac.

M. Jean-René Marsac. En vue de franchir une étape supplémentaire en matière de portabilité des droits à la formation, il est créé un compte personnel de formation. Ce compte ne se substitue pas au plan de formation, il le complète. Il va plus loin que le droit individuel à la formation, dont l’utilisation connaît de nombreuses limites.

Ouvert dès l’entrée sur le marché du travail, il peut être un outil de formation initiale différée. Il vise à faire progresser tout salarié d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Il introduit de manière plus explicite et effective la portabilité des droits à la formation.

Nous savons que l’inégalité sociale se manifeste très fortement à l’issue de la formation initiale et ensuite tout au long de la carrière professionnelle. Ce sont toujours ceux qui ont les meilleurs niveaux de formation initiale qui accèdent le plus facilement et le plus souvent à la formation continue. La formation tout au long de la vie, pour tous, est encore un objectif loin d’être atteint.

Les nouveaux dispositifs proposés doivent contribuer à réduire ces écarts sociaux. Mais, pour atteindre les objectifs fixés, il est indispensable d’aborder différemment le conseil, l’orientation et l’accompagnement vers les formations et durant le processus de formation. C’est l’objectif du conseil en évolution professionnelle introduit dans cet article 2. Pour mieux appréhender l’évolution de l’environnement professionnel, il s’agit de s’appuyer sur des diagnostics locaux et sur la future création du service public d’orientation.

Je pense cependant qu’au-delà de ces nouveaux droits et de ces nouvelles organisations, plus transversales entre les entreprises, entre les filières et les métiers, plus régionalisées et décentralisées, y compris au niveau des bassins d’emploi, il sera nécessaire, pour que tous les salariés et les chômeurs accèdent vraiment à ces droits à la formation, que des dynamiques collectives soient impulsées et animées dans les entreprises et dans les territoires. Il faut retrouver le souffle de la formation permanente et de la promotion sociale impulsé par Jacques Delors ; il est également nécessaire, pour réussir, de reprendre les réflexions, recherches et expérimentations conduites par Bertrand Schwartz dans les années 1970 et 1980 sur l’accès de tous à la qualification et sur les actions collectives de formation.

Une conception trop stéréotypée de l’offre de formation et une approche trop individualisée des mutations professionnelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs de la formation accessible à tous ; ces objectifs doivent être portés collectivement et constituer une ambition partagée par l’ensemble de la société.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. L’article 2 aborde un sujet important, celui de la formation tout au long de la vie. Comme l’ensemble du projet de loi, cet article s’inscrit dans le cadre d’un objectif affiché de sécurisation de l’emploi – alors qu’il était initialement question de compétitivité. En fait, on se rend compte que l’accord porte surtout sur la sécurisation du travail. Il résulte en effet de l’article 2 que le fait de bénéficier d’une formation continue tout au long de la vie va permettre d’exercer différents métiers.

Si cette intention est louable, son application recèle toutefois un paradoxe. Alors que certaines dispositions du projet visent à taxer plus fortement les CDD, l’article 2, lui, semble partir du principe que le CDI n’existe pas. Je rappelle que CDI signifie « contrat à durée indéterminée », et non « contrat à durée infinie » : une personne changeant deux ou trois fois de métier au cours de sa vie sera titulaire d’autant de CDI.

Au demeurant, je n’ai rien à dire de plus sur l’article 2,…

M. Jean-Patrick Gille. Vous avez donc terminé ? (Sourires.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. …si ce n’est qu’il donne l’impression de mettre la charrue avant les bœufs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 2 est plutôt positif (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.),

M. Jean-Patrick Gille. Bravo !

Mme Jacqueline Fraysse. …du moins semble-t-il aller dans le bon sens.

En effet, la création d’un compte personnel de formation et d’un conseil en évolution professionnelle constitue, a priori, une évolution pour les salariés souhaitant faire évoluer leurs compétences afin de mieux s’intégrer au marché du travail.

La principale avancée de cet article est d’améliorer la portabilité des droits à la formation, jusqu’à présent limitée à quelques situations précises. Cependant, il faut souligner que cet article reste très évasif et laisse un certain nombre de questions sans réponse, dans la mesure où l’application des nouveaux droits est renvoyée à une concertation future entre les partenaires sociaux. Ainsi, le flou persiste au sujet de l’articulation du compte personnel de formation avec les différents dispositifs existants, tels que le droit individuel à la formation, le DIF, ou le congé individuel de formation, le CIF.

Par ailleurs, l’incertitude demeure sur le conseil en évolution professionnelle. N’est-ce pas l’une des missions prioritaires de Pôle emploi, l’une de celles que les agences ont le plus de mal à remplir faute d’effectifs et de moyens suffisants ? Ainsi, à Sevran, en Seine-Saint-Denis, les agents de Pôle emploi doivent conseiller près de 350 demandeurs d’emploi chacun. Même si nous espérons que des embauches sont envisagées pour répondre à ces immenses besoins, nous nous demandons comment les agents pourront assumer pleinement leur nouvelle mission, qui vient s’ajouter à celles qui leur incombaient déjà.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Outre le flou évoqué à l’instant, nous considérons que l’article 2 ne s’attaque pas aux insuffisances de la formation professionnelle telle qu’elle a été conçue depuis plusieurs années. En effet, elle ne profite pas à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire aux chômeurs de longue durée ou sans qualification. C’est ainsi qu’un titulaire sur trois d’une licence bénéficie d’une formation continue dans les trois ans qui suivent la fin de ses études, contre seulement un sur quinze pour les non-diplômés.

Comment expliquer les restrictions au recours à la formation pour les demandeurs d’emploi ? L’accord précise en effet que les demandeurs d’emploi ne pourront mobiliser leur compte de formation qu’après accord de Pôle emploi, et seulement si la formation choisie correspond aux formations considérées comme prioritaires par les partenaires sociaux.

Comment accepter de voir le droit à la formation des salariés précaires raboté, comme le laisse entendre le texte de l’ANI ? Ils devraient au contraire faire partie des cibles prioritaires de la formation professionnelle. Tout cela pour dire que les dispositions contenues dans cet article sont à nos yeux loin de répondre aux enjeux de la formation professionnelle, notamment celui de l’accompagnement des salariés les plus vulnérables vers un emploi pérenne.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’article 2 fait montre, comme le précédent, d’une ambition qui se rapprocherait, si l’on n’y prenait garde, de l’ambition que nous défendons, avec beaucoup d’autres ici, quant à une véritable sécurisation des parcours professionnels et de formation tout au long de la vie.

Mais – car il y a un mais – cet article agit en trompe-l’œil. Il assouplit en effet le droit d’accès au congé individuel de formation pour les moins de trente ans en contrat à durée déterminée. Si elle est louable, cette mesure ignore que pas un jeune en CDD ne demande droit au CIF, et pour cause : ce que veulent d’abord les jeunes, c’est un emploi stable, donc un CDI !

Par ailleurs, l’article 2 n’institue pas un droit à la formation, puisque celui-ci existe déjà – même si les employeurs ne le respectent pas toujours. Il remplace en effet un droit, le droit individuel de formation – le DIF – par un compte personnel de formation. Est-ce à dire qu’il supprime un droit ?

Il faut prendre garde, comme le dit un ancien inspecteur du travail bien connu, qu’il ne se transforme en un devoir de formation, c’est-à-dire d’adaptabilité aux seuls vœux des employeurs, auquel cas le droit deviendrait un devoir. Où serait alors l’avancée ? L’article 2 n’est guère rassurant, surtout quand on le rapproche d’autres articles, liés à la mobilité.

Les modalités de cet article et de la mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle sont renvoyées à plus tard, et pour cause : ils sont liés au service public de l’orientation, qui est abordé dans d’autres textes, au travers de la loi de refondation de l’école et des articles 24 et 25 du projet de loi de décentralisation et de réforme de l’État, qui, nous venons de l’apprendre, est remis à plus tard !

Il y a là deux risques : le premier relève de la dénationalisation de l’éducation nationale, en particulier pour les centres d’information et d’orientation. Le second consisterait à voir le service public de l’orientation géré par les régions si le projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique était adopté. Cela fait beaucoup de « si », monsieur le ministre et chers collègues, au moment où le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale vient d’émettre un avis négatif sur ce dernier projet de loi.

Votre empressement à retranscrire l’accord national interprofessionnel suscite beaucoup de questions.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Dolez.

M. Marc Dolez. Si vous me le permettez, madame la présidente, je conclurai en évoquant les alternatives que nous proposons.

Il s’agit d’abord d’un droit à la formation tout au long de la vie, porté à 10 % de la durée du travail tout au long de la vie professionnelle ; du développement de l’accès à la formation qualifiante avec, bien sûr, le maintien du salaire ; de donner les moyens humains à Pôle emploi d’accomplir sa mission de formation et d’orientation ; enfin, de renforcer les mécanismes de mutualisation des fonds de formation.

Si toutes ces conditions étaient satisfaites, nous aurions la fierté d’annoncer que ce projet de loi est une très belle avancée pour les salariés.

Je vous remercie pour votre patience, madame la présidence.

Mme la présidente. Veillez tout de même à ne pas en abuser, monsieur Dolez : vous avez bénéficié de 50 % de temps supplémentaire par rapport au temps de parole normalement accordé. Cette exception ne doit pas faire oublier la règle selon laquelle chaque orateur ne dispose que de deux minutes pour son intervention.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’article 2 prévoit la formation d’un compte personnel de formation et d’un conseil en évolution professionnelle. En fait, on en reste aux grands principes. Les concertations prévues par l’accord national interprofessionnel, associant les partenaires sociaux, les régions et l’État, ainsi que les travaux en cours au sein du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, doivent préciser les modalités de cet article.

On nous indique que le conseil en évolution professionnelle, dont tout salarié doit pouvoir bénéficier, a vocation à être mis en œuvre localement, dans le cadre du service public d’orientation, et cela est heureux.

Ce conseil, nous dit-on, permettra au salarié d’être mieux informé sur ses droits et ses possibilités de développement professionnel. Il sera ainsi en mesure de valoriser ses compétences et d’être orienté dans la poursuite de son parcours professionnel.

Toutefois, les modalités d’application du compte personnel de formation, qui doit accompagner toute personne « quel que soit son statut », ne sont pas claires. Nous contestons la pertinence du dispositif, qui nous apparaît insuffisant, d’autant plus que la mise en œuvre de ce nouveau droit est renvoyée, là encore, à une future négociation.

J’ai le sentiment que, tous les cinq ans, on nous ressort l’argument selon lequel le système de formation ne marche pas et n’est pas efficace.

Il faudrait à chaque fois réinventer le fil à couper le beurre. En fait, le compte personnel de formation n’est ni plus ni moins que le droit individuel de formation, le DIF. Quelle nouveauté apporte donc le texte de l’ANI du 11 janvier 2013 ?

M. Marc Dolez. Bonne question !

M. André Chassaigne. Par ailleurs, la question du financement reste entière.

Pourquoi ne pas avoir attendu les conclusions du rapport du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie pour aborder le sujet du compte personnel de formation ?

Pourquoi nous proposer un tel article, qui n’est finalement qu’un ersatz de l’existant ?

Nous ne pensons pas que ce dispositif soit à la hauteur des enjeux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Contrairement à ce qui a été dit par certains, je veux rappeler que l’ANI comporte de nombreux points relatifs à la formation professionnelle. Une partie d’entre eux n’est pas reprise dans le projet de loi car elle est d’application immédiate et ne requiert pas de mesure législative : c’est le cas, par exemple, de l’assouplissement des conditions d’accès des salariés de moins de trente ans au congé individuel CDD ou du développement de la préparation opérationnelle à l’emploi.

En revanche, deux articles de l’ANI sont judicieusement regroupés au sein de l’article 2 du projet de loi : l’article 16, qui crée un conseil en évolution professionnelle et l’article 5, qui institue un compte personnel de formation. Ces dispositions font en effet système. Elles introduisent, d’une part, un dispositif territorialisé d’incitation et d’accompagnement vers la qualification – le conseil en évolution professionnelle –, d’autre part un outil d’accès à la qualification : le compte personnel.

L’article 2 énonce le principe d’un compte individuel, universel et totalement transférable. Ce n’est pas rien, puisque l’on attend, pour ainsi dire, depuis vingt ans l’inscription de cette disposition dans le code du travail, qui sera, de surcroît, insérée au meilleur endroit, à savoir au premier article de la section consacrée à la formation professionnelle.

Il me semble néanmoins souhaitable – je réponds ainsi à la demande formulée par mes collègues – de compléter dès maintenant cet article, en commençant par les éléments contenus dans l’ANI et qui ne sont pas encore mentionnés dans le projet de loi.

Il convient également de faire un véritable outil du droit à la formation initiale différée, inscrit à l’article 8 du projet de loi sur la refondation de l’école, que nous avons voté il y a peu. Vous pourriez me rétorquer que cette disposition ne figurait pas dans l’ANI du 11 janvier 2013, mais elle était mentionnée dans les accords nationaux interprofessionnels de 2003 et de 2008.

Enfin, il est nécessaire d’indiquer dès maintenant que les partenaires sociaux doivent reprendre sans délai la négociation pour définir les modalités de fonctionnement et de financement de ce compte, en concertation avec l’État et les régions. Il serait opportun de leur laisser un délai de six mois pour pouvoir introduire ces précisions, dès la fin de l’année, dans la loi sur la formation professionnelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Si l’on ne peut se contenter de l’affirmation d’un principe, on ne peut pas davantage demander à l’ANI de régler le problème de la formation professionnelle existant aujourd’hui en France.

L’ANI du 5 décembre 2003, la loi du 4 mai 2004, l’ANI de janvier 2008 et celui de janvier 2009, enfin – je me tourne vers vous, monsieur Cherpion - la loi du 24 novembre 2009, qui a mis en place une portabilité limitée dans trois cas de figure, n’ont pas suffi à résoudre cette question.

Il nous faut dépasser le stade des principes. Ce qui nous manque le plus, en matière de formation professionnelle, c’est de permettre l’exercice des droits existants, plutôt que de créer des droits nouveaux.

Je ne voudrais pas être cruelle, d’autant plus que la situation est difficile, mais force est de reconnaître que le DIF, dont on a parlé tout à l’heure, n’est pas une réussite : les droits ouverts demeurent inutilisés. Peut-être faudrait-il s’interroger sur les raisons de la non-utilisation de ce droit ?

Aujourd’hui, la formation professionnelle est une compétence partagée entre les partenaires sociaux, les régions, Pôle Emploi, et, à titre résiduel, l’État. Les salariés sont les principaux bénéficiaires de la formation professionnelle. S’agissant des demandeurs d’emploi, 57 % des formations sont financées par les régions, 17 % par Pôle emploi et 13 % par l’État.

Il est donc nécessaire, avant d’aller plus loin, de mettre ces questions en perspective et d’inscrire notre action dans un cadre territorial.

Je relisais hier une déclaration faite par Jacques Delors dans les années 1970, qui conserve toute son actualité. Cela démontre, monsieur le ministre, qu’un énorme chantier nous attend si l’on veut que le changement, ce soit maintenant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Le compte personnel de formation constitue, aux yeux du groupe écologiste, une avancée réelle permettant aux salariés, comme l’indique le texte, de bénéficier enfin d’un droit à la formation transférable en cas de changement ou de perte d’emploi.

Le débat, vous le savez, porte sur le quota d’heures de ce droit individuel de formation. C’est pourquoi notre groupe avait déposé un amendement visant à ce que l’ensemble des pouvoirs publics, à commencer par les régions, qui ont une compétence particulière en la matière, puissent abonder ce compte à partir de négociations territoriales.

Cela s’avère d’autant plus justifié que le projet de loi sur la décentralisation, qui fera certes l’objet d’un examen plus morcelé que nous l’aurions souhaité, rappelle le rôle des régions, tant en matière de formation que de nouvelles orientations professionnelles, en particulier s’agissant des plus jeunes ou des moins qualifiés.

Il nous paraissait important de conduire le débat sur le projet de loi faisant l’objet de notre examen au plus près des personnes concernées, dans les territoires. Compte tenu du rôle joué par les régions en matière économique, il nous paraissait nécessaire que le compte individuel de formation puisse être abondé par des moyens nouveaux, y compris régionaux.

Si notre amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, je fais confiance à nos collègues pour revenir sur cette question, qui me paraît consensuelle, au cours des débats à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. La sécurisation de l’emploi doit d’abord passer par la formation, outil idéal d’adaptation des salariés aux mutations technologiques et sociales.

L’article 2 transcrit un nouveau droit négocié dans le cadre de l’ANI, ce dont nous nous félicitons, même si nous ne sommes pas en présence du « grand soir » de la formation professionnelle que nous appelons de nos vœux, en particulier dans le domaine de la gouvernance.

J’avais déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, visant à fusionner – les noms sont si compliqués qu’il me faut vous les lire – le comité de coordination régionale de l’emploi et de la formation professionnelle et le comité régional pour l’emploi, structures régionales à vocation quasiment identique.

Plus largement, l’objet de cet amendement était de réformer entièrement notre formation professionnelle afin qu’elle soit plus adaptée aux salariés et aux mutations de la société.

Je regrette également que les droits individuels institués par l’article 2 ne soient pas inversement proportionnels à la formation initiale. On aurait pu prévoir qu’un salarié dispose d’autant plus de droits à la formation au début de sa carrière que sa formation initiale a été courte. Cela aurait permis un rééquilibrage des situations individuelles, ainsi qu’entre la formation initiale et la formation tout au long de la vie.

Enfin, je regrette que nous ne portions pas suffisamment l’accent sur les personnes, principalement non qualifiées, qui ont besoin de davantage de formation et d’accompagnement. La création du conseil en évolution professionnelle constitue à cet égard une avancée certaine : j’ai d’ailleurs fait acter en commission que cet organisme poursuive un objectif de qualification, afin que ceux qui en ont le plus besoin puissent s’adapter plus facilement à l’avenir aux évolutions technologiques de la société.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord. La formation constitue, pour chacun de nous, la grande espérance, la grande évidence, à laquelle on affecte de grands moyens, mais qui se traduit malheureusement par une grande déception, une grande frustration face à la complexité, au cloisonnement et à la présence de nombreux potentats locaux. Ce sont vingt ans de réformes et de consensus sur tous les bancs, qui sont autant de demi-échecs ou de demi-succès.

Pourtant, comme l’a dit Francis Vercamer, à voir les salariés pris au piège d’un licenciement économique frappant un bassin d’emploi et n’ayant aucune autre formation, aucune aptitude à la reconversion, on voit que la formation claque comme une évidence.

On a connu le DIF, on découvre à présent le compte personnel de formation : on se réjouit véritablement de ce droit individuel, transférable, permettant de prévoir les évolutions. C’est extrêmement positif et il faut rendre hommage aux partenaires sociaux. Mais, comme l’ont dit de nombreux orateurs, l’inquiétude demeure quant au contenu précis du cadre qui nous est proposé. Monsieur le ministre, à présent que, n’ayant plus de ministre délégué, vous portez les deux casquettes…

M. Michel Sapin, ministre. Je les portais déjà avant !

M. Dominique Dord. Certes, mais vous êtes désormais en prise directe sur ces questions et c’est peu dire que l’on compte sur vous et sur les textes à venir pour répondre, non pas tant à la question du « quoi », sur laquelle nous sommes presque tous d’accord, mais bien davantage à la question du « comment », sur laquelle tant de vos prédécesseurs se sont cassé les dents.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Nous sommes en effet tous d’accord pour reconnaître qu’il s’agit d’une belle idée poursuivant, cela a été rappelé, une réflexion engagée déjà depuis fort longtemps : on peut citer, entre autres textes, la loi Fillon de mai 2004 créant le droit individuel à la formation et la loi de novembre 2009 instituant la portabilité des droits à la formation. Cette dernière disposition est aujourd’hui améliorée grâce à un compte personnel, universel et transférable.

Si ces principes sont extrêmement importants, des incertitudes demeurent quant à leur application. En effet, la réunion du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie – le CNFPTLV –, qui s’est tenue le 18 mars 2013, a été l’occasion pour les partenaires sociaux et les régions d’exprimer leurs interrogations.

Le projet de loi sur la décentralisation apportera certainement des réponses à ces questions.

Nous disposons aujourd’hui du DIF, première pierre de l’édifice. Le conseil en évolution professionnelle demeure très flou. Par ailleurs, le lien doit être établi avec la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, évoquée à l’article 9, dans la mesure où ce conseil en évolution professionnelle ne peut être mis en œuvre qu’en s’appuyant sur la formation professionnelle.

Enfin, je veux dire à Jean-Patrick Gille que je le soutiendrai, s’agissant du délai de six mois qu’il propose d’assigner aux partenaires sociaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Nous nous félicitons tous de cet article, au service tant de la compétitivité des entreprises, qui cherchent des salariés formés, capables de s’adapter à de nouveaux métiers, que des salariés.

Je veux souligner que l’absence de qualification initiale est la première cause du manque d’accès à la formation. Monique Iborra a évoqué l’inégalité de l’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie. Ceux qui sont le moins formés au départ y accèdent le moins par la suite.

Aujourd’hui, deux millions d’actifs ne seraient pas en mesure de suivre un stage de préqualification, faute de formation professionnelle. C’est aussi à ces personnes que les partenaires sociaux doivent proposer des solutions.

En ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes, je veux dire qu’on assiste aujourd’hui à une bipolarisation de l’emploi féminin. Certaines, plus qualifiées que les hommes, réussissent, mieux que les hommes, leurs études et leur insertion professionnelle, tandis que les emplois sous-qualifiés sont occupés principalement par les femmes : 27 % d’entre elles connaissent cette situation, contre 14 % des hommes.

Chers collègues, vous défendez la classe ouvrière, mais le secteur qui prédomine aujourd’hui est celui du tertiaire, dont les métiers sont pour la plus grande partie assortis de statuts précaires. Ils se sont multipliés dans les années quatre-vingt-dix et deux mille et trois d’entre eux sont occupés à 95 % par des femmes. Or l’embauche à temps partiel des jeunes non diplômés concerne 15 % des hommes et 34 % des femmes. C’est donc à ces dernières que les partenaires sociaux devront penser lorsqu’ils négocieront l’accord visant à mettre en place la formation tout au long de la vie et ce droit transférable.

Puisque c’est écrit dans la loi, il faut que tous y aient accès, quels que soient leur statut ou leur contrat de travail, et que tous puissent améliorer leur formation et ainsi sortir de la précarité, qui à défaut sera toujours un enfermement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames, messieurs les députés, puisque nous ouvrons la discussion sur l’article 2, je procéderai comme je l’ai fait précédemment. Des questions ont déjà été posées par les uns et par les autres et nous les retrouverons bien sûr à l’occasion de tel ou tel amendement. Je tenterai donc de résumer à ce stade mes arguments et mes réponses à vos questions pour éviter ensuite de trop les répéter.

M. Marc Dolez. Ne vous privez pas de répéter vos arguments !

M. Michel Sapin, ministre. Je n’en prive personne, mais j’essaie de ne pas m’en priver non plus.

Tout d’abord, je veux le souligner parce que c’est une réalité évidente – et vous êtes tous ici de bons connaisseurs de cette question, comme moi qui suis ministre de la formation professionnelle depuis déjà de nombreux mois – : la création du compte personnel de formation constitue une grande avancée.

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. Michel Sapin, ministre. Je ne vous dirai pas que cette disposition invente en soi le droit à la formation pour les salariés, évidemment.

M. Gérard Cherpion. Ce serait un manque d’humilité !

M. Michel Sapin, ministre. Ce serait faux de l’affirmer, ce serait faire montre d’un manque d’humilité et ne pas respecter le travail qui a été accompli pendant de nombreuses années, en particulier depuis l’action de Jacques Delors.

Toutefois, à un moment donné, certains l’ont dit, il faut passer des successions de réformes, chacune utile, à une vision globale et la plus pérenne et efficace possible. Telle a été l’ambition des partenaires sociaux au moment où ils ont souhaité que, dans cet accord sur la sécurisation de l’emploi, figure parmi les piliers mêmes de la sécurité sociale professionnelle la question de la formation.

Pour répondre à une question qui m’a été posée, c’est la raison pour laquelle il était indispensable que dans un texte comme celui-ci cet aspect de la sécurisation de l’emploi et plus précisément du parcours professionnel et individuel soit présent.

Plusieurs d’entre vous ont regretté que certaines précisions ne figurent ni dans l’accord ni dans le texte, mais nous ne pouvions pas intégrer l’ensemble des éléments relatifs à ce point dans l’immédiat. Vous aviez donc raison de le souligner ; je préfère néanmoins parler non pas d’imprécision mais d’ouvertures sur l’avenir – je préciserai ensuite le calendrier qui sera retenu –, indispensables pour permettre à tous les acteurs de trouver les solutions adaptées les plus pérennes et les plus efficaces possibles dans un délai qui soit le plus court possible.

Tel qu’il est prévu à la fois dans l’accord du 11 janvier 2013 et dans le projet de loi, le compte personnel de formation suscite des interrogations et appelle quelques précisions ; c’est d’ailleurs l’objet de certains des amendements dont nous aurons à discuter.

Sur quoi portent ces questions ? Elles concernent en premier lieu le contenu précis du compte personnel de formation : quels types de formations seront proposés pour quels types de publics ?

Elles ont également trait aux espèces sonnantes et trébuchantes qu’on aura envie de mobiliser pour ces comptes, aux mécanismes financiers qui seront utilisés pour leur fonctionnement. S’il faudra éclaircir les rôles de chacun des nombreux acteurs légitimement compétents en matière de formation – les partenaires sociaux, l’État, Pôle emploi, les régions, etc. –, il faudra également tenir compte de la complexité des mécanismes de financement, une complexité qui ne devient gênante que lorsqu’elle est un obstacle à l’efficacité. Le financement doit en particulier servir la justice sociale : les moyens doivent être accordés à ceux qui ont le plus besoin d’être formés – les jeunes sans formation, ceux qui ont perdu leur emploi, ceux qui au sein des entreprises ont des niveaux de formation faibles – car ce sont les premiers, en cas de crise ou de difficulté, à être licenciés. Tel est l’objectif qui nous rassemble, et il nous faudra par conséquent répondre à ces questions.

Nous ne pouvions pas, vous le savez, y répondre aujourd’hui.

Permettez-moi à présent de baliser les étapes que nous suivrons dans les mois qui viennent et de vous donner des précisions sur les points suivants : avec qui ? Quand ? À quel horizon ?

Nous souhaitons – et c’est aussi la volonté du Président de la République – que la prochaine grande conférence sociale, qui aura lieu au cours de l’été prochain, permette aux partenaires sociaux et aux collectivités locales – la caractéristique de cette conférence sociale est d’être ouverte également aux collectivités locales, en particulier aux régions – d’initier la concertation indispensable pour entamer ensuite une nouvelle négociation nationale interprofessionnelle dans le domaine de la formation professionnelle. Le contenu du compte personnel de formation sera alors précisé. La négociation entre partenaires sociaux est une obligation légale, mais il me semble que, au-delà de cette obligation, c’est une bonne chose.

Dans les semaines qui suivront la conférence sociale, j’adresserai aux partenaires sociaux un document d’orientation qui définira les grands axes de la négociation, qui en précisera les objectifs et, éventuellement, proposera un certain nombre de solutions aux partenaires sociaux, afin qu’ils puissent mener et conclure la négociation dans de bonnes conditions.

À quel horizon aboutira cette négociation ? Nous avons retenu un horizon suffisamment lointain pour leur permettre de travailler sérieusement, mais suffisamment proche – il est fixé bien avant la fin de cette année – pour que le projet de loi permettant de donner un contenu concret, en particulier sur le plan financier, au compte personnel de formation soit déposé à l’Assemblée nationale et discuté devant le Parlement à la fin de l’année. C’est précisément ce qu’a indiqué Jean-Patrick Gille dans son intervention.

Évidemment, la négociation ne devra pas inclure seulement les partenaires sociaux, mais aussi d’autres acteurs, en particulier l’État et les régions, dont il faudra d’ailleurs clarifier les compétences dans ce domaine.

M. Dominique Dord. Ce serait bien !

M. Michel Sapin, ministre. Un des textes sur la décentralisation aura d’ailleurs pour objet de clarifier les compétences dans des conditions simples et nettes en s’appuyant sur leurs transferts ; c’est du moins ce que je souhaite et ce que j’ai proposé au Gouvernement. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui transfèrent les compétences d’un côté pour les confisquer de l’autre avec un élastique, car c’est le meilleur moyen pour que la gouvernance ne fonctionne pas.

Mme Monique Iborra. Absolument !

M. Michel Sapin, ministre. Ayant été président de région, je peux vous dire que j’ai bien ressenti les méfaits d’une telle décentralisation. Donner d’un côté et reprendre de l’autre est le meilleur moyen pour qu’on s’y perde et que, au bout du compte, ceux à qui doivent profiter les transferts s’y perdent aussi.

Il y aura donc une négociation entre l’État, les régions et d’autres acteurs publics de la formation – ce sera d’ailleurs plutôt une concertation, un travail en commun – pour que le dispositif finalement arrêté puisse être mis en œuvre par les uns et par les autres.

Telles sont les précisions que je voulais apporter pour clarifier le programme des mois à venir. Certes, le dispositif n’est pas d’application immédiate. Vous aurez raison de demander des dates un peu plus précises, mais cela correspondra, je pense, aux jalons que je viens de vous donner quant aux intentions du Gouvernement.

Les partenaires sociaux ont déjà été loin, plus loin qu’ils ne l’avaient fait jusqu’à présent. Nous devrons aller jusqu’au bout de ce chemin. Le compte personnel de formation sera une des grandes avancées de ce texte sur la sécurisation de l’emploi, une avancée qui en fera un grand texte de progrès au profit des entreprises et des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’hommage qui a été rendu à l’action de Jacques Delors en matière de formation, parce qu’il est en effet l’un des pères de la formation professionnelle dans notre pays. Selon ses termes, dans chacun de nos jeunes se cache un trésor qui, parfois, sommeille lorsqu’ils ne réussissent pas leurs études, trésor qu’il faut développer à travers la formation initiale et la formation initiale différée.

Puisque nous avons hier rendu hommage à Jean Auroux, je souhaite également rappeler que, dans son sillon, une ministre des affaires sociales est parvenue à faire baisser le nombre de chômeurs d’un million et à créer deux millions d’emplois. Cette ministre a également beaucoup travaillé sur ce dont nous avons longuement discuté hier et dont nous discuterons encore : le pouvoir des salariés dans les entreprises.

Chers collègues du groupe GDR, je me réjouis de voir le débat progresser en entendant les mots que vous utilisez : Mme Fraysse a qualifié cet article de « positif », M. Charroux a affirmé que si nous allions dans la direction que vous souhaitez ; ce serait une très belle avancée. Nous retrouverons vos propositions dans un certain nombre d’amendements que, pour notre part, nous soutiendrons.

Je présenterai brièvement le contenu des amendements que nous allons maintenant examiner, pour nous permettre d’aller plus vite dans le débat.

Au-delà de ce qui était déjà inscrit dans le projet de loi, nous allons par ces amendements préciser la façon dont le compte personnel de formation fonctionnera.

Ce sera un compte en heures de formation plutôt qu’en argent, ce qui est un facteur d’égalité pour tous.

Chaque personne pourra en faire l’usage qu’elle souhaite, et pourra décider de l’utiliser ou non ; c’est fondamental car, à défaut, ce ne serait pas un compte personnel. Dans le même temps, ce compte s’inscrira dans le cadre de catalogues de formation qui seront arrêtés au plan national avec les partenaires sociaux afin que leur contenu présente une utilité pour le pays et, a fortiori, pour les personnes concernées, en leur permettant de trouver un emploi et de progresser professionnellement.

L’idée de la progression professionnelle est importante. À cet égard, nous avons déjà adopté en commission un amendement qui montre que le conseil en évolution professionnelle doit permettre non seulement de s’adapter à un changement de secteur d’activité, mais aussi de progresser. En effet, notre pays souffre éminemment aujourd’hui du fait que les carrières soient bloquées et qu’on puisse toucher le SMIC du début à la fin de sa vie professionnelle. Au fond, si notre société est bloquée, c’est bien parce que nous avons perdu de vue l’idée du progrès de chacun.

Concernant le calendrier, mon rêve serait qu’au 1er janvier 2014 les comptes personnels de formation soient opérationnels. Compte tenu des éléments que vous venez d’apporter à ce sujet, monsieur le ministre, je crois que nous n’en sommes pas loin.

Mon dernier point porte sur les perspectives. Ce texte réglera l’essentiel des modalités de fonctionnement du compte personnel de formation, à l’exception des deux éléments que vous avez évoqués, monsieur le ministre.

S’agissant des questions de gouvernance et de répartition des financements, nous pourrions envisager une sorte d’accord de Yalta : l’organisation du conseil en évolution professionnelle serait de la responsabilité des régions – chaque région mettrait à la disposition des salariés un point d’accès pour leur permettre de recevoir des conseils quant à leur carrière et à leur progression professionnelle – et, en contrepartie, les partenaires sociaux auraient la charge de mettre en place un système d’assurance formation. J’ai cité Jacques Delors, j’ai évoqué Martine Aubry, je me réfère maintenant au général de Gaulle qui, en 1958, a été à l’origine avec les partenaires sociaux de la création de l’assurance chômage : l’assurance formation pourrait ainsi sur ce modèle être gérée paritairement, et les partenaires sociaux prendraient en charge la gestion des comptes personnels de formation. Voilà un schéma possible ; c’est en tout cas ce vers quoi nous nous dirigeons avec le projet de loi de décentralisation et avec le projet de loi que vous nous avez annoncé pour l’automne.

Tels sont les enjeux de ce débat. Compte tenu de la convergence des amendements que nous avons déposés les uns et les autres, j’espère sincèrement que nous parviendrons à un accord et à un vote unanime sur l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour un rappel au règlement.

M. Marc Dolez. Sur la base de l’article 58, alinéa 1, pour le bon déroulement de nos travaux et avant que nous n’en venions à la discussion des amendements, je me permets de vous rappeler que la présidence a annoncé ce matin la venue – fort souhaitée – du président de la commission des finances.

Je voudrais savoir, madame la présidente, à quel moment M. Carrez envisage de nous apporter son éclairage et de répondre à nos questions. Il aurait été souhaitable qu’il vienne avant que ne débute l’examen des amendements à l’article 2.

Mme la présidente. Monsieur Dolez, le président de la commission des finances m’a fait savoir qu’il serait présent dans l’hémicycle vers 17 heures et qu’il donnerait à notre assemblée des informations sur l’ensemble des décisions qu’il a prises au titre de l’article 40.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques tendant à la suppression de l’article 2.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n°2053.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous ne partageons pas l’enthousiasme que vient de manifester M. le ministre, même si nous savons l’importance de la formation pour chaque salarié dans son parcours de vie et dans son parcours professionnel.

L’analyse de cet article suscite diverses réflexions, parfois contradictoires. Tout d’abord, l’article 2 ne crée pas un droit nouveau à la formation tout au long de la vie, cela a été dit, mais il instaure un compte personnel de formation transférable.

Ce compte n’est transférable que dans les seuls cas de perte d’emploi ou de changement d’employeur, ce qui exclut les salariés parvenus au terme de leur contrat à durée déterminée et les intérimaires en fin de mission, étant entendu que, dans les deux cas, du fait de la limitation de la durée contractuelle, on peut supposer qu’il ne s’agit pas d’une perte d’emploi.

Par ailleurs, le volume d’heures de formation capitalisées demeure inchangé, alors que les besoins de formation exigeraient aujourd’hui un crédit de formation au moins égal à 10 % du temps de travail, non limité dans le temps.

Enfin, dans la deuxième partie de l’article est prévue la création, par un nouvel article L. 6314-3 du code du travail, d’un conseil en évolution professionnelle, un accompagnement qui serait mis en œuvre au niveau local dans le cadre du service public de l’orientation.

Or l’avenir de ce service public est lié au futur texte sur la décentralisation et la réforme de l’État, dont l’examen, comme vous le savez, vient d’être repoussé à une date ultérieure. Cela confirme l’impression de flou et les incertitudes qui ressortent de la lecture de cet article.

Mme la présidente. Sur la série d’amendements identiques no 2053 et suivants, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 2054.

M. Marc Dolez. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, le compte personnel de formation n’est pas d’application immédiate : il est lié à un accord sur le cofinancement, en particulier avec les régions, avec toutes les incertitudes qui découlent du calendrier et du contenu de ce que l’on avait appelé l’acte III de la décentralisation.

M. Michel Sapin, ministre. Aucune incertitude, je m’occupe de ce dossier !

M. Marc Dolez. Le débat n’a pas encore commencé et l’on ne sait même pas quand il aura lieu, puisqu’il pourrait être reporté après les élections municipales. Cela est donc fort hypothétique !

Au-delà de ces considérations, et à l’appui de cet amendement de suppression, je souhaite vous livrer l’appréciation de Didier Cozin, gérant de l’Association pour la formation tout au long de la vie, l’AFTLV, un organisme de formation continue spécialisé dans le déploiement du droit individuel à la formation, le DIF : « Il est à craindre que le compte personnel de formation ne puisse rendre aucun service aux travailleurs de notre pays, juste ajouter de la complexité et de l’attentisme dans un monde du travail sidéré par la crise. ».

Didier Cozin rappelle que, pour mettre en œuvre dès 2013 ce droit universel, « il faudrait qu’en quelques semaines un organisme national centralise et gère toutes les données professionnelles de 30 millions d’individus. Cet organisme devrait connaître et prendre en compte mois après mois la situation professionnelle de chaque travailleur, le nombre d’heures de formation qu’il acquiert, ce qu’il utilise, ce qui est accepté, refusé, finançable… ». En d’autres termes, mission impossible !

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n° 2060.

M. Gaby Charroux. Pour défendre cet amendement de suppression, je voudrais à mon tour citer Didier Cozin, qui souligne que « le seul point qui permettrait de développer la formation n’a pas été inscrit dans le texte de l’ANI : l’argent pour former les travailleurs. »

Le texte prévoit en effet que le financement et la mise en œuvre du compte personnel devront faire l’objet d’une négociation entre l’État et les régions. Didier Cozin note ainsi : « On n’imagine pas que les employeurs pourront demander aux régions ou à l’État de financer la formation de leurs salariés. En 2008, la Cour des comptes avait estimé que dans le secteur privé les droits accumulés à la formation représentaient 77 milliards d’euros à la charge des entreprises. Il s’agissait d’un coût maximal si tous les salariés demandaient leur DIF en même temps. »

Peut-être devons-nous nous interroger sur les raisons de cette accumulation de droits non utilisés, comme ma collègue l’a fait tout à l’heure. Didier Cozin ajoute : « La dette formation s’est donc creusée depuis la loi du 4 mai 2004 et les travailleurs du secteur privé, qui ont accumulé 1 milliard d’heures depuis, aimeraient savoir si leur employeur va enfin financer leur formation, comme il finance leurs congés payés depuis des lustres. »

La question reste donc entière : qui paiera pour la réalisation des millions d’heures de formation des salariés portées sur leur compte formation ? Elle est à ce jour sans réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 2061.

M. Nicolas Sansu. L’article 2 prévoit la création d’un compte personnel de formation et d’un conseil en évolution professionnelle, conformément aux articles 5 et 16 de l’ANI. Je ne citerai pas M. Cozin, mais je donnerai lecture, notamment pour mes collègues de la majorité parlementaire, d’un grand spécialiste. L’argumentaire cinglant contre ce projet de loi de Gérard Filoche, inspecteur du travail et membre du bureau national du parti socialiste, est en effet fort convaincant.

M. Michel Sapin, ministre. C’est Marc Dolez qui vous l’a fait passer ! (Sourires)

M. Nicolas Sansu. Je le citerai in extenso : « La rédaction actuelle de l’article L. 6111-1 du code du travail relatif à la formation professionnelle, issue de la loi du 24 novembre 2009 – elle-même déjà issue d’un ANI du 7 janvier 2009 – transforme ce qui a été arraché comme un droit en une obligation, avec des conséquences fondamentales sur les conditions de travail : la formation est de plus en plus souvent faite en dehors du temps de travail ; l’expérience et les qualifications des salariés sont mises en cause en permanence sur la base d’une insuffisance de formation alléguée ; les salariés, sous la pression d’une évaluationnite aiguë, sont mis en demeure d’acquérir les “compétences” individuelles mises au point par le patronat européen en 2004 pour permettre la mise en concurrence de tous contre tous et faire litière des conventions collectives reconnaissant les qualifications. »

Gérard Filoche ajoute : « Dès lors, la proposition de création d’un “compte personnel de formation”, qui existe depuis l’ANI du 5 décembre 2003, ne prend son sens que dans la perspective d’un contrôle de l’employeur “tout au long de la vie”, par l’entremise de livrets individuels. »

M. Michel Sapin, ministre. Même la CGT ne croit pas à cela !

M. Nicolas Sansu. Il poursuit : « Ces livrets individuels, normalisés, organisent la concurrence de tous. Les “compétences” qu’ils enregistrent, y compris les “compétences” comportementales, les “compétences” que l’on n’a pas ou pas encore, sont à la base de la souffrance au travail, massivement ressentie aujourd’hui à travers la dévalorisation des personnes et la perte du sens de leur métier ».

Nous demandons la suppression de l’article 2, dont l’esprit va à l’encontre des intérêts des salariés, comme le démontre ce socialiste éclairé…

Mme Jacqueline Fraysse. Car il en existe ! (Sourires.)

M. Nicolas Sansu.… qui a récemment expliqué qu’au lieu de faire contribuer les petites retraites, on ferait mieux de s’attaquer à l’évasion et à la fraude fiscale.

Mme Catherine Coutelle. Qui parle de faire contribuer les petites retraites ?

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2062.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, vous semblez très amusé par le débat, mais vous n’avez pas répondu aux questions que nous vous avons posées lors de nos interventions sur l’article.

Je vous ai notamment interrogé sur le fait que vous n’avez pas attendu les conclusions du rapport du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.

Votre intervention a suscité chez moi des sentiments divers, mais complémentaires. J’ai l’impression que cet article est une sorte de mèche lente sortant d’un bâton de dynamite. Il contient des affirmations très fortes, beaucoup de symboles, et d’aucuns disent qu’il règle la question de la formation…

Mme Catherine Coutelle. Jacqueline Fraysse l’a trouvé très satisfaisant !

M. André Chassaigne. …mais il ne résout en rien le problème du financement.

C’est précisément ce que l’on reproche au DIF depuis neuf ans : s’il fonctionne mal, c’est que les questions financières n’ont jamais été réglées.

Mme Catherine Coutelle. Pas seulement !

M. André Chassaigne. Les partenaires sociaux s’étaient mis d’accord sur le principe du droit à la formation, mais ils étaient restés évasifs sur son financement, le renvoyant aux organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, aux FONGECIF, au budget formation des entreprises ou encore aux régions.

Mme Monique Iborra. Pas aux régions !

M. André Chassaigne. L’article 2 ne s’attaque pas davantage au financement du droit à la formation.

Par ailleurs, qui portera la centralisation des différents dossiers ? La question n’est pas réglée. Est-ce que ce sera l’État ? Ou bien les régions, qui se verront refiler la patate chaude ?

Derrière les affirmations de principe, cet article laisse l’impression d’une coquille vide. Pourtant, il ne faut pas se contenter de symboles, mais proposer des choses fortes, des financements, sans renvoyer à une loi de décentralisation qui, semble-t-il, est maintenant coupée en trois. C’est dire si l’on peut attendre longtemps !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. J’ai eu l’occasion d’exposer longuement ce que prévoient le texte et les amendements que nous avons déposés. Monsieur Chassaigne, le Conseil national de formation tout au long de la vie professionnelle a rendu son rapport le 14 mars. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le texte initial était réduit à la portion congrue, et que nos amendements devraient l’enrichir.

Monsieur Sansu, j’apprécie que vos yeux se tournent souvent vers les écrits de socialistes – ou d’anciens socialistes – mais que n’utilisez vous les ressources de votre propre formation ! Je pense notamment à votre excellent secrétaire national, Pierre Laurent, à vos collègues, André Chassaigne, Jacqueline Fraysse, Marie-George Buffet, Marc Dolez, Gaby Charroux, sur le talent desquels vous pourriez appuyer vos démonstrations…

M. André Chassaigne. Vous êtes obsédés par les convergences à créer au sein de la gauche !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je comprends que vous souhaitiez maintenir vos amendements de suppression à ce stade du débat, puisque nous n’avons pas encore eu l’occasion de débattre des autres amendements. Ceux-ci contiennent les réponses aux questions que vous avez posées, monsieur Chassaigne, et ils enrichiront le texte. Nous nous retrouverons, je l’espère, lors du vote de l’article 2. Avis défavorable sur les amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. M. Chassaigne m’a reposé une question à laquelle, il est vrai, je n’avais pas répondu ; il vient d’y être répondu par le rapporteur.

Vous nous reprochez, monsieur Chassaigne, de légiférer sans avoir attendu les conclusions du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, dont chacun ici connaît l’acronyme sans pouvoir le prononcer ! Jamais je n’aurais osé procéder ainsi, et nous débattons alors que le Conseil national a travaillé à son rapport, un rapport public qu’il a déposé le 18 mars et qui est à votre disposition.

Le Gouvernement, le Parlement et votre commission ont travaillé à partir de ce rapport, d’où est extraite la substantifique moelle des amendements que nous vous proposerons. Le projet de loi ayant été rédigé avant la remise du rapport, nous ne pouvions aller plus loin que ce que nous avons fait ; aujourd’hui nous le pouvons, même si nous ne pouvons aller jusqu’au bout du chemin que je souhaite parcourir avec vous, le plus rapidement possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je voudrais dire notre déception à nos amis du groupe GDR qui, après avoir admis dans leurs interventions initiales que cet article allait plutôt dans le bon sens, nous expliquent à présent qu’il n’offre aucun droit nouveau. C’est un pieux mensonge, car il s’agit bien d’un droit nouveau, ne serait-ce que par son caractère universel, puisque, à terme, il concernera vingt-huit millions de personnes dans notre pays.

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. Jean-Patrick Gille. Nous vous concédons en revanche qu’il s’agit d’un droit trop formel. Il faut donc être pragmatiques, s’efforcer de le compléter et de lui donner un contenu.

Vous développez un autre argument fallacieux, qui consiste à jouer sur les mots et à dire qu’il n’est pas totalement transférable. Or le texte précise bien qu’il est « intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi ». Vous soulevez le cas des CDD et de l’intérim, mais dans les deux cas la fin du contrat correspond à une perte d’emploi.

Vous demandez enfin qui paiera, monsieur Chassaigne. C’est une vraie question, mais on sait qu’il y a de l’argent pour la formation professionnelle. Le point sur lequel nous divergeons peut-être, c’est sur le fait que le compte individuel implique une organisation différente des circuits, davantage centrée sur le salarié, à qui il faut faire confiance pour se saisir de sa propre formation.

Il s’agit d’un droit plus individualisé que le DIF, tout le contraire de la caricature qu’en dresse Gérard Filoche, avec le lyrisme qu’on lui connaît, en le faisant passer pour un nouveau livret formation du travailleur. C’est exactement l’inverse. Autant le DIF, négocié avec l’employeur, pouvait essuyer ce genre de critique, autant le compte individuel accroît l’autonomie et la responsabilité du salarié.

C’est sans doute là ce qui nous sépare. Vous pensez que le salarié ne sait pas ce qui est bon pour lui. En d’autres termes, vous ne croyez qu’aux droits collectifs, alors que nous créons ici un droit individuel garanti collectivement.

M. André Chassaigne. Le salarié en a marre du baratin, c’est ça le problème !

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques, nos 2053, 2054, 2060, 2061 et 2062.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 72

Nombre de suffrages exprimés 72

Majorité absolue 37

(Les amendements nos 2053, 2054, 2060, 2061 et 2062 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 456.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’ajouter, avant l’alinéa 1 de l’article 2, un nouvel alinéa ainsi rédigé : « IA. – Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail est insérée une phrase ainsi rédigée, concernant la formation professionnelle : “Elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés.” »

Nous pensons en effet que la volonté de garantir la sécurisation des parcours professionnels en y intégrant la formation professionnelle doit trouver une affirmation claire dans le code du travail. On ne peut en effet mettre la formation professionnelle au cœur du dispositif sans que cela se traduise dans la loi.

Certes, vous proposez dès le premier alinéa une modification de l’article L. 6111-1 du code du travail, mais il nous semble qu’il n’est pas vain de vouloir affirmer des principes forts en matière de formation tout au long de la vie. C’est ce que nous vous proposons avec cet amendement qui, loin d’être purement technique, relève d’un choix politique de promotion de l’accès à la formation tout au long de la vie, dans le cadre de la sécurisation des parcours professionnels.

L’adoption de cet amendement permettra de préciser, comme vous nous l’avez annoncé, monsieur le ministre, lors de la présentation de la loi, que cet aspect est l’un des aspects majeurs issus de l’accord national interprofessionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 457.

M. Marc Dolez. Cet amendement a pour objet de préciser la finalité de la formation professionnelle, en en faisant clairement un élément de sécurisation des parcours professionnels. Ce faisant, il répond à un certain nombre de questions qui restent posées dans l’article 2, notamment la question de l’universalité.

L’universalité concerne-t-elle seulement les salariés, dans l’emploi et hors de l’emploi, ou l’ensemble des travailleurs, soit toutes les personnes sorties de formation initiale, dans le privé comme dans le public ? L’article 2 mentionne « chaque personne », mais sans autre précision.

La loi doit faire en sorte de donner à l’universalité un cadre légal dans la hiérarchie des normes, à un niveau qui permette de couvrir aussi bien les salariés que les agents des fonctions publiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n° 463.

M. Gaby Charroux. Il est défendu.

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 456 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 464.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 465.

M. André Chassaigne. Je prends acte des propos du ministre, qui nous assure que nos amendements seront étudiés les uns après les autres et éventuellement pris en compte. Le vote sur l’article 2 dépendra bien évidemment de la discussion que nous aurons eue sur ces amendements.

Nous ne sommes pas partisans du tout ou rien. Si nous avons présenté un amendement de suppression de l’article, c’est sur la base de l’article tel qu’il est actuellement rédigé. Nous demanderons donc une suspension de séance avant le scrutin, pour que notre groupe puisse se concerter quant à son vote.

Pour en revenir à l’amendement, si la formation contribue à la sécurisation des parcours en permettant d’acquérir une qualification, elle contribue aussi, au-delà de la maîtrise d’un métier, à la promotion, ce que nous souhaitons voir inscrit dans la loi.

Un individu n’est plus programmé pour rester, comme avant, toute sa carrière professionnelle au même poste. Mon père, lui, a travaillé toute sa vie sur la même rectifieuse, de fabrication tchèque, chez Michelin, qu’il m’a montrée lorsqu’il m’a fait visiter la manufacture en 1968. Aujourd’hui, c’est fini. L’évolution des technologies et le progrès continuel exigent de l’adaptation. Et je ne parle pas d’une adaptation aux intérêts financiers, avec licenciements boursiers, mais d’une adaptation aux nouvelles technologies et aux nouveaux modes de production que doit induire la planification écologique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement déposé tardivement. Cela étant, nous partageons l’objectif qu’il défend. Je l’ai dit moi-même dans mon propos initial : la progression professionnelle ou, pour reprendre votre formule, la promotion des salariés, est essentielle. Si notre société est bloquée, c’est moins parce qu’elle protège ce qu’elle peut de notre modèle social, auquel nous tenons tant, que parce que les carrières sont figées et que, pour la première fois, les jeunes ont le sentiment terrible qu’ils vivront moins bien que leurs parents.

L’idée que vous défendez est donc fondamentale à mes yeux, et j’ai d’ailleurs déposé un amendement, n° 4556, qui mentionne la progression professionnelle.

Ayant relu de manière approfondie l’article L. 6111-1, l’un des articles fondateurs du code du travail qui définit la formation professionnelle, je pense en effet que cette idée d’une promotion des salariés tout au long de la vie professionnelle y manque. J’émets donc, à titre personnel, un avis favorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. L’article L. 6111-1, article fondateur, est assez bien rédigé et nous pouvons tous nous accorder sur les objectifs qu’il assigne à la formation professionnelle, la question étant ensuite de permettre à chaque salarié de France d’atteindre ces objectifs. C’est toute la différence entre les principes et la réalité.

Notre but est bien de transposer ces principes dans la réalité, au profit de chaque salarié. Vos amendements y contribuent, avec la notion de sécurisation des parcours professionnelle, notion que j’ai moi-même utilisée à plusieurs reprises dans ma présentation de la loi et qui est un des éléments de la sécurité sociale professionnelle, au même titre, par exemple, que la santé.

M. Christian Paul. Absolument !

M. Michel Sapin, ministre. Pour faire simple, ces amendements complètent favorablement des principes auxquels nous devrons, ensemble, faire en sorte que la réalité se conforme.

M. André Chassaigne. Merci !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord. Je comprends que le Gouvernement et le rapporteur veuillent faire une petite douceur à nos collègues communistes en acceptant cet amendement, qui n’apporte rien du tout.

On peut se dire les choses entre nous pour tenter d’amadouer nos collègues communistes. Je le comprends et je respecte d’ailleurs infiniment nos collègues mais, franchement, j’aimerais que quelqu’un puisse me dire à quoi peut bien servir la formation professionnelle, si ce n’est à cela ?

M. Christian Paul. On peut toujours tirer vers le bas.

M. Dominique Dord. La promotion sociale est un concept qui n’a pas loin de cinquante ans. En fait de nouveauté, il n’y a pas grand-chose. Tout ce que vous dites sur les outils à mettre à la disposition des salariés tout au long de leur vie pour qu’ils s’adaptent et sécurisent leur parcours professionnel est formidable mais, si la formation professionnelle, ce n’est pas cela, je me demande ce que c’est.

On peut en effet inscrire dans le code du travail toute une série de lapalissades, cela ne mange pas de pain et ce n’est pas faux mais cela n’apporte rien. L’actuel article 6111-1 du code du travail définit déjà la formation d’une manière au moins aussi précise.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Ce débat, en particulier l’intervention de M. Dord, nous montre bien de quel côté de l’hémicycle on tente d’élever le débat et non de le tirer mécaniquement vers le bas. Je comprends bien l’amendement présenté par nos collègues du groupe GDR et qu’André Chassaigne vient d’illustrer. L’idée d’une sécurité sociale professionnelle est absolument essentielle dans notre projet de loi.

M. Dominique Dord. Personne ne le conteste !

M. Christian Paul. Vous allez le voter, dans ce cas ! L’article 2 créé un socle, un cadre, une référence. Il va beaucoup plus loin que le droit individuel à la formation. D’ailleurs, dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels, dont était aussi issu le DIF, les partenaires sociaux vont jusqu’à un certain point, mais il revient à la puissance publique d’aller plus loin, y compris pour le financement. Nous créons un cadre que le droit individuel à la formation n’ouvrait pas puisqu’il jouait pour l’essentiel à guichet fermé au sein de l’entreprise. Je me souviens très bien des débats que nous avons eus dans cet hémicycle sur le droit individuel à la formation. Le dispositif n’allait pas assez loin pour deux raisons. Le nombre d’heures qu’il mobilisait était insuffisant – il a d’ailleurs assez mal marché – tout comme les financements, qu’ils émanent des entreprises ou des collectivités, de la puissance publique. Nous créons le cadre, nous créons une stratégie, nous donnons une direction. D’autres textes législatifs viendront. Nous ne sommes pas encore au terme de la première année de cette législature mais nous avons en matière de formation professionnelle et de sécurité sociale professionnelle d’immenses ambitions pour le pays et pour les salariés français.

M. Dominique Dord. On verra !

M. Christian Paul. L’amendement proposé donne du contenu et de la densité du texte. Peut-être parce que j’ai grandi au milieu des mêmes usines Michelin dont parlait André Chassaigne à l’instant, en tout cas dans leur proximité immédiate, je sais l’importance de la formation professionnelle tout au long de la vie, je sais que les entreprises françaises ont trop souvent fait l’impasse sur cette formation. Nous ouvrons aujourd’hui une brèche. C’est aussi pour cette raison que ce texte est historique.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Les propos de M. Dord sont très révélateurs. J’avais identifié deux points de clivage importants entre nous. Tout d’abord, vous voulez enlever des pages au code du travail alors que nous voulons en ajouter, non pas pour le complexifier davantage mais pour améliorer la protection des salariés dans l’intérêt des entreprises.

Nos conceptions de la protection sociale divergent totalement puisqu’au travers de votre acharnement contre les clauses de désignation, vous portez en vous l’idée que le privé pourrait prendre davantage de place dans la sécurité sociale.

M. Dominique Dord. Non !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Enfin, comment pouvez-vous caricaturer le débat majeur que nous avons ? C’est ne pas comprendre le problème le plus profond du pays. Bien sûr, notre pays est confronté aux difficultés financières, à la mondialisation, aux difficultés économiques mais, si le malaise est si lourd, c’est parce que nous avons perdu le sens du progrès.

Nous vous proposons de le retrouver grâce aux principes que nous posons. Les principes sont importants car, le ministre l’a dit, ils guideront toute notre action. Nous avons récemment débattu d’un texte très important sur l’éducation. Au travers de l’éducation et de la formation professionnelle, nous voulons retrouver le sens du progrès. Le progrès, c’est ce beau mot qui veut dire que demain sera meilleur qu’aujourd’hui.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 456, 457, 463, 464 et 465.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 59

Nombre de suffrages exprimés 51

Majorité absolue 26

(Les amendements identiques nos456, 457, 463, 464 et 465 sont adoptés.)

(Applaudissement sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques sur lesquels le groupe GDR a demandé un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4886.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons d’ajouter au texte l’alinéa suivant : « Les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l’enseignement supérieur ou qui n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d’une promotion sociale, ont un accès prioritaire à une formation diplômante ou qualifiante ».

Pourquoi cet amendement ? Comme vous le savez, ce sont souvent les personnes les plus formées qui ont le plus facilement accès aux formations. Nous souhaitons par conséquent instaurer un accès prioritaire pour les personnes les moins formées, celles qui n’ont pas pu bénéficier d’une formation initiale longue ou qui n’ont pas de qualification professionnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n°4887.

M. Marc Dolez. L’ambition de développer la formation professionnelle tout au long de la vie est un objectif louable et les propositions du Front de gauche sont très claires : ce droit doit être étendu à toutes et à tous sans limitation dans le temps et correspondre en crédit formation à au moins 10 % du temps de travail.

Nos amendements visent à apporter des précisions et des réponses à un certain nombre d’interrogations qui demeurent à la lecture de l’article 2. En l’espèce, cet amendement tend à défendre un principe majeur, qui nous tient à cœur, celui de la promotion sociale et professionnelle des personnes les moins diplômées, c’est-à-dire celles et ceux qui n’ont pas du tout de diplôme ou un niveau d’études inférieur au premier cycle de l’enseignement supérieur.

Il est impératif que nous affirmions notre volonté de marquer fortement la priorité que nous souhaitons donner à ces publics, qui ont du mal à s’insérer sur le marché du travail, qui sont touchés de plein fouet par la précarité et les bas salaires, et qui, bien souvent, n’évoluent pas ou peu dans l’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n° 4893.

M. Gaby Charroux. Cet amendement vise à donner la priorité, dans la loi, à l’accès à la formation pour les personnes peu ou pas diplômées. Cet amendement est majeur et je ne citerai qu’un chiffre pour vous le prouver. Le revenu salarial moyen des employés et des ouvriers non qualifiés est inférieur de 44 % à celui de l’ensemble des salariés. Ce seul chiffre doit nous alerter et mettre en lumière toute l’importance du contenu de cet amendement.

En effet, entre 2 et 4 millions de personnes dans notre pays sont considérées comme des travailleurs pauvres. Cet amendement tend à préciser que la formation professionnelle tout au long de la vie doit concerner tous ceux et toutes celles qui sont en difficulté, en particulier les personnes les moins formées. C’est un grand défi que nous devons relever. La décision de donner un signe fort en matière d’accès prioritaire à des formations diplômantes et qualifiantes est à notre portée. C’est même une exigence pour contribuer parallèlement à une véritable refondation de l’école, permettre l’accès pour tous à la réussite scolaire. Cette ambition doit être intégrée dans le droit à la formation tout au long de la vie.

Nous souhaitons donner un caractère volontariste à cette ambition et l’adoption de notre amendement serait un premier signe pour permettre une promotion sociale et professionnelle pour tous.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n°4894.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n°4895.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements non pas pour des raisons de fond, mais du fait de leur emplacement dans ce projet de loi. Des amendements identiques ont été déposés par M. le ministre, M. Cavard, M. Gille, Mme Iborra et le groupe socialiste pour préciser que le compte individuel de formation sera abondé par l’État en vue de favoriser l’accès à l’une des qualifications mentionnées à l’article 6314-1, en particulier pour les personnes qui ont quitté le système scolaire précocement ou qui, à l’issue de leur formation initiale, n’ont pas obtenu de formation professionnelle reconnue. Il s’agit donc bien là du même amendement mais plutôt que de le placer dans la partie qui pose les principes, nous l’avons intégré àcelle qui traite des moyens pour atteindre efficacement l’objectif.

Je vous propose de retirer ces amendements au profit de ceux que je viens de citer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je suis du même avis. Nous avons atteint là un tel degré de précision que nous sommes dans le cadre des amendements qui vont s’inscrire à la suite du travail du Conseil national de la formation tout au long de la vie, dont les études nous ont été très utiles. Ces amendements de précision ne sont pas à leur place ici : aussi vous inviterai-je à les retirer. Le débat s’en trouverait clarifié et je ne serais pas obligé de rendre un avis défavorable à un amendement avec lequel je suis d’accord.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Pour le moment, nous préférons maintenir nos amendements, mais soyez assurés que, si les vôtres répondent à nos préoccupations, nous les voterons sans hésiter.

M. Michel Sapin, ministre. Merci, madame Fraysse.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord. La formation initiale différée nous paraît être une bonne idée. Certains d’entre nous l’ont d’ailleurs défendue.

Cependant, le compte personnel de formation s’insère dans un projet de loi qui arrive en pleine période de crise économique où l’on envisage la formation comme une capacité à s’adapter en cas de difficulté. Un problème de conflit de priorités se pose. Selon vous, les salariés qui n’ont pas suivi d’études doivent être prioritaires. Nous sommes d’accord, mais quel arbitrage faites-vous entre les salariés qui se retrouvent dans cette situation et ceux dont on sait que le poste va être supprimé et auxquels il faudrait donner une capacité d’évoluer ? Ils sont au moins aussi prioritaires.

Certains salariés peuvent ne pas avoir de diplôme ou de formation qualifiante mais occuper un poste qui n’est pas menacé. D’autres peuvent avoir un diplôme mais voir leur poste menacé. Ils sont à mon sens au moins aussi prioritaires que les premiers, si ce n’est plus.

Comment comptez-vous arbitrer si cette disposition est inscrite dans la loi ?

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. C’est une vraie question qui est posée par le groupe GDR. Je ne suis pas sûr que l’amendement présenté réponde totalement au problème de la formation initiale et, plus généralement, de la formation tout au long de la vie. Comment faire pour que chaque salarié, chaque personne ait droit à une formation, initiale ou professionnelle, qui lui permette d’évoluer, de s’adapter aux mutations technologiques, à la société, de se qualifier, de progresser ?

Je m’abstiendrai sur cet amendement, en attendant celui du Gouvernement, qui a été copié par tous les groupes, sauf par nous, parce que nous estimons que le Gouvernement a la légitimité pour déposer un tel amendement. (Sourires.) Mais cela pose le problème de la loi sur la formation professionnelle qui va venir, monsieur le ministre. Aujourd’hui, la formation professionnelle coûte – de mémoire – 25 milliards, sans que l’on observe de réels résultats. Et l’on sait que ce sont les plus formés qui utilisent la formation professionnelle. Il y a donc un vrai problème.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’être éclairés sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. M. Dord a posé une question importante. En effet, quand les moyens financiers sont limités, où inscrire les priorités ? L’intérêt du compte personnel de formation est précisément de créer des droits qui ont vocation à être utilisés au meilleur moment. C’est pour cette raison que je crois beaucoup à la formation initiale différée. C’est une solution pour les jeunes qui, à seize ans, se sentent mal sur les bancs de l’école : on leur offre la possibilité de travailler s’ils n’ont pas encore trouvé leur voie et, le jour où ils sauront ce qu’ils ont envie de faire dans la vie, on leur donne le droit de reprendre une formation ou des études s’ils en ont envie.

Le Président de la République avait évoqué l’idée que l’État pourrait donner à quelqu’un qui a arrêté ses études à seize ans, sans obtenir aucun diplôme et sans avoir suivi aucune formation, à peu près l’équivalent de ce que les partenaires sociaux ont prévu avec le DIF tout au long de la vie, c’est-à-dire vingt fois quarante heures, pas forcément en une fois, pas forcément tout de suite. Cela peut être débloqué partiellement. Mais, l’idée est que les jeunes qui poursuivent leurs études y ont droit, jusqu’à vingt et un ans en moyenne. Pour ceux qui ont arrêté à seize ans, l’État, la puissance publique, a en quelque sorte une dette envers eux. Tout cela est versé sur un compte, mais n’est pas dépensé immédiatement, et a ensuite vocation, avec le service public de l’emploi, les organismes paritaires et les régions, à être utilisé au meilleur moment.

Le compte répond au problème que vous posez, à condition que tous les acteurs du système le mobilisent le plus efficacement possible pour combattre le chômage à court terme.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Il ne faut pas opposer une catégorie à une autre. Mais, aujourd’hui, il y a un vrai problème, et nous le constatons quand nous recevons les jeunes dans nos permanences. Nous sommes plusieurs ici à être impliqués dans des missions locales par exemple. Il y a même peut-être plusieurs présidents de missions locales. Nous le savons tous, la priorité des priorités, ce sont les jeunes qui sont le plus en difficulté, qui sont cassés par la vie, qui traînent dans les quartiers ou dans les villages. Car ce n’est pas seulement un problème urbain, c’est aussi un problème rural.

On le voit d’ailleurs avec les mesures qui sont mises en œuvre. Aujourd’hui, pour ce qui est des emplois d’avenir, la priorité est bien donnée aux jeunes qui sont le plus en difficulté et qui n’ont pas de niveau de formation. Si cet amendement n’est pas retenu, ce sera peut-être un autre, mais il est très important d’affirmer cette priorité.

M. Gaby Charroux. Absolument !

Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il y a beaucoup d’amendements sur l’article 2. Tous les groupes qui ont demandé la parole auront donc le temps de s’exprimer sur ce sujet.

Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 4886, 4887, 4893, 4894 et 4895.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 61

Nombre de suffrages exprimés 50

Majorité absolue 26

(Les amendements identiques n°s 4886, 4887, 4893, 4894 et 4895 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Sur le vote des amendements identiques n°s 4818 à 4827, je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, n°s 4818 à 4827.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4818.

Mme Jacqueline Fraysse. Avec cet amendement, il s’agit d’intégrer un volet handicap à la stratégie nationale de formation professionnelle. Aujourd’hui, il existe des moyens permettant d’informer, d’orienter et de financer la formation professionnelle des personnes handicapées – je pense notamment au fonds de développement de l’insertion professionnelle des personnes handicapées et au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans les fonctions publiques – mais aucune stratégie nationale de formation professionnelle n’est définie pour ces personnes.

Or l’article L. 5211-5 du code du travail prévoit l’élaboration, tous les cinq ans, d’un plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés par le service public de l’emploi et sous l’autorité du préfet de région.

Il nous semble indispensable aujourd’hui, à l’occasion de ce texte notamment, d’aller plus loin. Vingt-cinq ans après la loi de 1987 instaurant l’obligation d’emploi des personnes handicapées, il est temps de réfléchir à la mise en œuvre d’un volet handicap dans la stratégie nationale de formation professionnelle, d’autant qu’avec 2,7 % de salariés handicapés, nous sommes loin de l’objectif de 6 % qui était fixé.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 4819.

M. Marc Dolez. Comme ma collègue Jacqueline Fraysse, je souligne l’importance de cet amendement qui est de nature à envoyer un message extrêmement clair concernant l’insertion professionnelle des personnes en situation en handicap. Car, au-delà des pétitions de principe, l’objectif de 6 % d’embauche de personnes en situation de handicap est loin d’être atteint. C’est vrai dans le secteur privé, mais, monsieur le ministre, c’est vrai aussi dans le secteur public…

M. Michel Sapin, ministre. Moins depuis la loi Sapin !

M. Marc Dolez. Oui, moins depuis la loi Sapin, je le reconnais, mais il y encore du chemin à parcourir et beaucoup d’administrations sont encore très loin des 6 %.

Aussi, affirmer à l’article 2 la priorité des personnes en situation de handicap permettrait de progresser sur ce chemin et correspondrait à un engagement du Président de la République, à savoir que, dans toute disposition législative, il doit désormais y avoir un volet handicap.

Je souhaite donc, avec mon groupe, que cet amendement puisse rassembler très largement sur les bancs de notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n° 4825.

M. Gaby Charroux. Cet amendement me donne l’occasion de souligner que le droit à la formation est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : « La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. » Or les personnes handicapées sont les oubliées de ce projet de loi, et notamment de cet article visant à créer un compte personnel de formation.

Je ne veux pas dire qu’elles en sont exclues, mais rien n’est prévu pour prendre en compte la spécificité des besoins en formation de ces personnes. Nous ne devons pas oublier que l’on compte en France près de 650 000 travailleurs handicapés dans le seul secteur public et près de 190 000 dans la fonction publique. À ces chiffres s’ajoutent les personnes handicapées demandeurs d’emploi, précaires parmi les précaires, pour lesquelles il est urgent d’agir.

La formation et la qualification professionnelle pour les personnes victimes de handicap, plus encore que pour d’autres du fait des difficultés qu’elles rencontrent pour être acceptées et reconnues dans la sphère professionnelle, sont indispensables pour une bonne insertion professionnelle.

Aujourd’hui, réussir à se former n’est pas chose aisée, et encore moins pour les personnes en situation de handicap.

Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement qui n’apportera – avec un petit clin d’œil – évidemment rien à notre groupe ni à aucun autre groupe, mais, je vous l’assure, beaucoup aux personnes en situation de handicap.

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 4826.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 4827.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement pour deux raisons.

D’une part, vous l’avez mentionné vous-même, madame Fraysse, l’article L. 5211-5 prévoit que les plans en faveur des personnes handicapés ont un volet formation.

D’autre part, le code du travail, dans sa section 2, à l’article L. 6112-3, prévoit que l’ensemble des principes de la formation professionnelle doit permettre, pour chacun d’entre eux, une déclinaison en faveur des personnes handicapées pour garantir l’égalité dite de traitement, c’est-à-dire l’égalité réelle, en prenant des mesures appropriées. C’est garantir l’effectivité de la formation professionnelle en faveur des personnes handicapées.

Cela étant, il manque, dans les deux textes que j’ai mentionnés, une seule idée, celle qui figure dans votre amendement et selon laquelle la stratégie nationale doit comprendre elle-même un volet handicap. J’estime toutefois que cette idée aurait plus sa place dans la section 2 du code du travail, après l’article L. 6112-3.

Je vous propose donc, madame Fraysse, de placer cet amendement au bon endroit et, éventuellement, de réduire sa taille pour qu’il se concentre sur l’essentiel, à savoir que la stratégie nationale inclut bien un volet handicap.

Aussi, madame la députée, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, pour des raisons de pure forme liées à la place que vous avez choisie dans le code du travail et à son caractère un peu long.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même position que le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Plutôt que de retirer cet amendement, je vous propose, monsieur le rapporteur, de modifier l’alinéa concerné. Si vous pensez qu’il sera mieux placé dans la section 2 du code du travail, nous sommes tout à fait favorables à un sous-amendement qui apporterait cette précision.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cette rectification, madame Fraysse, consisterait donc à insérer la disposition proposée, non pas après le premier alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail, mais après le deuxième alinéa de l’article L. 6112-3.

Mme Jacqueline Fraysse. J’en suis d’accord, et je vous remercie, monsieur le rapporteur.

Mme Catherine Coutelle. Vous avez obtenu satisfaction, madame Fraysse !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement est très intéressant. La capacité qui doit être donnée aux personnes handicapées est reconnue dans le code du travail à l’article L. 6112-1, mais il n’y figurait pas de stratégie.

Le fait d’inscrire une stratégie nationale après le deuxième alinéa de l’article L. 6112-3 complète véritablement le code du travail et va dans le bon sens pour répondre aux besoins des handicapés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. C’est un excellent travail de précision auquel le Gouvernement donne son accord.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Afin de compléter cet excellent travail de précision, je suggère de remplacer, dans la première phrase de l’amendement rectifié, l’expression « personnes handicapées » par celle de « personnes en situation de handicap », puisque telle est l’appellation adéquate depuis la loi de 2005.

Mme la présidente. Y êtes-vous favorable, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Oui.

Mme la présidente. Je mets donc aux voix les amendements tels que rectifiés à l’initiative de M. le rapporteur, puis de M. Dolez.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 70

Nombre de suffrages exprimés 70

Majorité absolue 36

(Les amendements identiques nos 4818, 4819, 4825, 4826 et 4827, mis aux voix tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés.)

M. Jean-Patrick Gille. Carton plein ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, faisant l’objet d’une demande de scrutin public de la part du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 3784.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement à consiste à modifier la rédaction de l’article L. 6111-1 du code du travail, relatif à la formation professionnelle.

En effet, la rédaction actuelle issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, elle-même issue d’un accord national interprofessionnel conclu le 7 janvier 2009, transforme en obligation ce qui a été arraché comme un droit. Cela a des conséquences majeures sur les conditions de travail. Ainsi, la formation est de plus en plus souvent dispensée en dehors du temps de travail, l’expérience et les qualifications des salariés sont mises en cause en permanence sur la base d’une prétendue insuffisance de formation, et ceux-ci, sous la pression d’une « évaluationnite » aiguë, sont mis en demeure d’acquérir des compétences individuelles mises au point par le patronat européen en 2004 en vue de la mise en concurrence de tous contre tous au détriment des conventions collectives reconnaissant les qualifications.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 3785.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n° 3791.

M. Gaby Charroux. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 3792.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu également.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 3793.

M. André Chassaigne. Je souhaite apporter quelques précisions sur les objectifs de ces amendements à la suite de l’intervention de Jacqueline Fraysse. Il s’agit tout d’abord de définir à nouveau la formation professionnelle comme un droit de l’ensemble de la population, dont les orientations et la mise en œuvre doivent dès lors être définies par la loi, et dont la jouissance garantie de façon égale sur tout le territoire. Il s’agit ensuite de réparer un oubli qui n’est pas innocent, celui de la formation initiale sous statut scolaire et de la reconnaissance des qualifications selon les diplômes nationaux, assortie de grilles conventionnelles des métiers et des salaires correspondants en termes de niveau, d’échelon et de coefficient. Il s’agit enfin d’inscrire dans la loi l’obligation pour les employeurs de prendre en compte la validation des acquis de l’expérience.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je préfère à la notion de droit celle d’obligation, dès lors que nous recherchons des mesures opérationnelles. Que veut dire « obligation nationale » ? Cela impose à l’État, aux régions et à la puissance publique en général de dégager les moyens de faire de cette obligation une réalité concrète pour les salariés. Pour les entreprises, la notion d’obligation d’adaptation a un impact très fort. Les plans sociaux eux-mêmes ont donné lieu à une jurisprudence selon laquelle l’employeur qui n’a pas satisfait à son obligation d’adaptation – et non pas simplement au droit du salarié à recevoir une formation – est contraint à une indemnisation plus forte.

Je ne pense pas que le remplacement d’« obligation nationale » par « droit » irait dans le bon sens, ni même dans celui que vous souhaitez. Quant aux autres points que vous avez évoqués, ils me semblent satisfaits par la rédaction actuelle. L’adoption de vos amendements présenterait en outre l’inconvénient d’« écraser » celui que nous venons d’adopter sur la promotion sociale des salariés, ce qui serait dommage. C’est pourquoi je vous conseille amicalement de bien vouloir les retirer.

M. Marc Dolez. Vous êtes convaincant, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je dirai à peu près la même chose. Adopter ces amendements présenterait quelques inconvénients, en particulier celui d’« écraser », comme l’a dit le rapporteur, un certain nombre de principes auxquels nous sommes tous attachés depuis longtemps, indépendamment de ce débat. Surtout, il aurait l’inconvénient de procéder en quelque sorte à un « auto-écrasement ».

M. Marc Dolez. Voilà qui n’est pas très agréable ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Il écraserait en effet ce qui a été accepté par ses auteurs et que nous avons voté à l’instant. Je ne peux donc que leur proposer de retirer leurs amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous retirons donc ces amendements, après avoir entendu les sages observations du rapporteur et du ministre…

Mme Chaynesse Khirouni. Nous nous retrouvons !

(Les amendements identiques nos 3784, 3785, 3791, 3792 et 3793 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 626.

Mme Jacqueline Fraysse. Nos amendements visent à apporter une précision qui nous semble salutaire.

L’article 2 tend en effet, selon le Gouvernement, à créer un compte personnel de formation, indépendant du statut de chacun de nos concitoyens. Or l’article précise, tout de suite après cette annonce de principe, que l’accès à ce droit est conditionné par le fait d’être « déjà entré sur le marché du travail ». Or, la notion est ambiguë. Un jeune cherchant un emploi à l’issue de sa scolarité n’aura pas accès à ce droit nouveau. Cette rédaction fait donc problème et pose également la question des stagiaires, qui peuvent déjà prétendre à une expérience professionnelle sans toutefois être considérés comme « entrés sur le marché du travail ».

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 626 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 627.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n° 633.

M. Gaby Charroux. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 634.

M. Nicolas Sansu. Cela fait longtemps que je ne me suis pas exprimé (Sourires), je vais donc dire quelques mots. Dès le second alinéa de l’article 2 se pose, comme l’a dit Jacqueline Fraysse, la question majeure de la portée et de l’ambition du projet de loi. Selon l’ambition annoncée, le droit à la création d’un compte personnel de formation, parfois présenté comme un droit à la formation en lui-même, est indépendant du statut de chacun de nos concitoyens. Je cite : « Chaque personne dispose, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation. » Mais quel est alors le statut des jeunes qui sortent de l’école et arrivent sur le marché du travail comme demandeurs d’emploi ? Nos amendements visent à clarifier le texte et son ambition.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 635.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il va nous falloir recourir au petit Robert pour interpréter ce que vous voulez faire ou ce que voudrait faire le texte. En tout état de cause, ce que vous avez exposé correspond très précisément à l’intention du législateur telle que j’ai pu la lire et qui s’applique dès la sortie du système scolaire, sauf pour ceux qui ne veulent pas rentrer dans la vie active et dont il existe encore une très faible proportion dans la population.

Par ailleurs, un certain nombre d’amendements, et sans doute un projet de loi du Gouvernement, feront en sorte qu’il n’y ait plus de stage ne correspondant pas à des expériences professionnelles dans le cadre d’un cursus de formation. Je pense donc que vos amendements sont satisfaits. En revanche, je suis défavorable au retrait de la phrase citée par M. Sansu, car il importe que chaque jeune, dès la sortie du système scolaire et non au bout de quelques années, ait son compte personnel, abondé par la puissance publique, l’État ou la région et qu’il en dispose dans l’esprit dont nous débattions tout à l’heure avec M. Door. Je suis donc défavorable en tout état de cause à la suppression totale de cette idée.

Ces clarifications et celles que devrait apporter le ministre, précisant qu’il s’agit bien de la sortie du système scolaire pour ceux qui cherchent à s’insérer dans le marché du travail, justifient selon moi un retrait des amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’appuie la position du rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Les amendements sont retirés, madame la présidente.

(Les amendements nos 626, 627, 633, 634 et 635 sont retirés.)

Mme la présidente. Vous aviez demandé, monsieur le président Chassaigne, une suspension de séance afin de réunir votre groupe. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3865 rectifié et 4918 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 3865 rectifié.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Mes collègues Jean-Patrick Gille et Monique Iborra, qui ont beaucoup travaillé sur ce texte, ont déposé un amendement identique.

Comme nous l’avons évoqué en réponse à la discussion sur l’article, cet amendement très important définit les modalités d’utilisation du compte. Cela ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement car une consultation du CNFPTLV, le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, était en cours.

L’objet est exactement le même que celui d’un amendement proposé précédemment par le groupe GDR à l’alinéa 1er, mais il porte sur l’alinéa 2, ce qui le rend plus opérationnel car il repose sur le compte personnel de formation. Il est prévu que celui-ci soit comptabilisé en heures, ce qui est essentiel pour l’égalité des droits.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 4918 rectifié.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement nous fait entrer au cœur du sujet, puisqu’il s’agit de dépasser le principe pour nous pencher sur les modalités mêmes de fonctionnement du compte.

L’exercice nous fait emprunter un chemin de crête. Nous reprenons en effet certains éléments qui sont dans le texte de l’accord national interprofessionnel, mais que le Gouvernement avait choisi de ne pas transcrire, et nous essayons d’en déterminer les modalités d’application, sans pour autant clore le débat sur le sujet.

Comme le disait notre rapporteur, même après les travaux du CNFPTLV, tout n’est pas encore calé : il sera nécessaire de reprendre une négociation avec les signataires de l’ANI, mais aussi avec les organisations non signataires – il est important de le préciser à ce stade du débat.

Cet amendement apporte deux précisions de nature différente. La première peut paraître un détail, mais est très importante : il est précisé que le compte personnel de formation « ne peut en aucun cas être débité sans l’accord exprès de son titulaire ». Cela signifie qu’il ne s’agit pas d’un simple compte administratif, mais d’un compte tenu par un titulaire, lequel gère les heures dont il bénéficie.

Je dis bien « les heures », car c’est la deuxième précision qu’apporte cet amendement : « Le compte personnel de formation est comptabilisé en heures. » Là encore, le débat reste ouvert. La formulation de l’amendement pourrait même laisser penser, en quelque sorte, qu’il s’agit d’un compte-temps, d’heures pouvant se décliner comme dans le cadre du droit individuel à la formation, avec un coût moyen monétisable – 9,15 euros, sauf erreur, pour le DIF –, mais l’ANI parle uniquement « d’heures » et stipule qu’il n’est pas question que ces heures soient monétisables.

Si les choses sont un peu compliquées, c’est justement parce que le débat sur le fonctionnement concret du compte est encore ouvert. Il était cependant important d’apporter ces précisions : le compte personnel de formation a un vrai titulaire, un vrai propriétaire, et se décompte en heures.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Nous sommes entrés dans une nécessaire phase de précision. Il n’était pas possible d’introduire ces éléments dans le projet lorsque je l’ai rédigé, car un travail était en cours ; celui-ci, désormais terminé, concrétise par les quelque cinq amendements de précision que nous allons maintenant examiner. J’interviendrai peut-être sur chacun d’eux, mais je voudrais donner dès maintenant une vision globale de cette série d’amendements qui vont tous dans le même sens.

En premier lieu, ils sont en tous points conformes à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier. Pour certains aspects, ils reprennent d’ailleurs des rédactions de l’accord.

Deuxièmement, ils ont tous pour objectif de préciser les choses, et non de clore le débat, comme l’a très justement souligné Jean-Patrick Gille.

Troisièmement, ils ont tous vocation à permettre un bon déroulement des négociations et la participation de tous les partenaires sociaux, y compris ceux qui n’ont pas signé l’accord et qui m’ont déjà fait savoir – j’ai, bien entendu, des contacts avec eux – qu’ils étaient tout à fait prêts à participer à une nouvelle négociation permettant de déboucher sur un dispositif opérationnel. J’évoquerai aussi le document d’orientation dont je saisirai les partenaires sociaux.

Tout cela permettra de s’inscrire dans le calendrier souhaité par les uns et les autres, c’est-à-dire d’aboutir d’ici la fin de cette année. Je ne sais pas si le rêve du rapporteur pourra devenir en tous points réalité et si le dispositif sera totalement opérationnel au 1er janvier ; nous pourrions partager ce rêve, mais je ne veux pas contraindre d’une manière trop systématique les partenaires sociaux qui négocieront. Cela dit, j’ai déjà vu ces derniers travailler rapidement sur certains sujets ; ils ont déjà beaucoup travaillé et je pense qu’ils pourront aller vite.

En définitive, ces amendements de précision s’inscrivent dans le cadre de l’accord national interprofessionnel et ouvrent une possibilité de négociation de grande qualité.

(Les amendements identiques nos 3865 rectifié et 4918 rectifié sont adoptés, et les amendements nos 716 à 725 tombent.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.

M. André Chassaigne. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

J’interviens avec une certaine gravité. Bien que nous soyons au cœur de ce débat, chacun d’entre nous est en contact avec la population de sa circonscription, ou écoute les informations actuellement diffusées. Une crise morale et politique extrêmement grave est en train de monter dans notre pays. Ce mouvement, qui s’amplifie d’heure en heure, est d’une extrême gravité et doit tous nous interpeller, sur tous les bancs. Nous devons bien prendre conscience de ce qui est en train de monter dans le pays.

Il y a quelques heures, le quotidien Le Monde a fait des révélations sur les fichiers d’un consortium d’investigation américain concernant l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. Ces révélations sont d’une extrême gravité. On peut ressentir une forme de décalage entre ces informations et le débat que nous avons aujourd’hui, bien que le texte que nous examinons soit important – nous le qualifions les uns et les autres d’historique, même si nous ne mettons pas tous la même signification derrière ce mot.

Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ne prenions pas rapidement à bras le corps les questions qui se posent, et que nous ne débattions pas des mesures nécessaires. Le rejet du discours et de la parole politiques monte très fortement dans ce pays.

Aussi, je vous demande très solennellement, madame la présidente, de saisir le président de l’Assemblée nationale afin qu’il réunisse en urgence la conférence des présidents pour discuter de l’ordre du jour de notre assemblée. Il est indispensable de prendre une décision, pour que le grand débat qui traverse notre pays puisse aussi se tenir dans notre hémicycle.

Mme la présidente. Avant de reprendre l’examen du projet de loi, je vous signale, mes chers collègues, qu’un jeune public est présent dans les tribunes et qu’il est probablement sensible aux propos de M. le président Chassaigne, mais aussi à notre débat sur ce texte.

Ce texte crée de nouveaux droits et concerne la formation initiale, y compris différée. Même si la possibilité de se rattraper lorsque l’on a quitté le système scolaire y est abordée, j’insiste auprès du jeune public présent dans les tribunes sur l’importance de la formation initiale, et je l’incite à poursuivre jusqu’au bout la formation qu’il a engagée.

Monsieur le président Chassaigne, je transmettrai votre demande, qui aurait aussi pu être formulée ce matin lors de la réunion de la conférence des présidents.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Nous reprenons l’examen des amendements à l’article 2. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4392 et 5444 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 4392.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Madame la présidente, je propose de laisser la parole à mes collègues du groupe SRC qui ont déposé un amendement identique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra, pour soutenir l’amendement n° 5444 rectifié.

Mme Monique Iborra. Cet amendement vise à préciser les objectifs poursuivis par le service public de l’orientation, et à articuler ce dernier avec le compte personnel de formation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il s’agit d’un amendement important. La formation professionnelle tout au long de la vie, qui consiste en une obligation de dépenser pour la formation et à laquelle nous voulons donner une réalité, a conduit à des progrès considérables dans notre pays. Elle a toutefois rencontré un écueil : la formation ne s’adresse pas suffisamment aux moins formés, que ce soit à travers les plans de formation ou au moyen des autres outils de la formation professionnelle. L’idée de créer un compte personnel de formation consiste à transformer un droit collectif en un droit individuel. Nous aurons d’ailleurs une autre discussion lors de l’examen de l’article 9, afin que les plans de formation soient également davantage dirigés vers les moins formés ; il s’agit d’un élément très important, sur lequel M. Chassaigne a insisté.

La commission a émis un avis très favorable à ces deux amendements.

Monsieur Chassaigne, quelle que soit la situation politique que vous avez évoquée, nous discutons d’un texte important – je n’ai jamais employé le mot « historique », car c’est l’histoire qui dira si ce moment est historique ou non. En revanche, le Président de la République a défini une stratégie de redressement du pays qui comprend trois axes. Le premier axe a consisté à réorienter la croissance européenne. Il y a eu un changement de doctrine et un renoncement aux politiques d’austérité : c’est l’essentiel, même si beaucoup de combats restent à mener. Le deuxième axe a été le pacte de compétitivité, adopté à l’automne. Voici maintenant l’acte III de cette stratégie, qui concerne la réforme du marché du travail et notre capacité à inverser la courbe du chômage.

Nous remplissons fondamentalement notre devoir de parlementaires, que nous a confié le peuple : défendre l’intérêt général et nos convictions, redresser ce pays et lui donner toutes ses chances dans la mondialisation. Il est absolument essentiel de poursuivre nos débats : c’est la meilleure manière de répondre à la situation que vous avez évoquée, et qui nous concerne tous.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Eu égard aux débats qui peuvent animer aujourd’hui l’ensemble de la classe politique, des commentateurs et de nos concitoyens, nos discussions correspondent tout à fait au type de débats que nous devons avoir ici : ceux qui construisent l’avenir et cherchent à faire en sorte que notre société soit à la fois plus solidaire et plus efficace, que l’ensemble des Français soient capables de relever les défis fondamentaux de notre nation. Ces défis peuvent faire l’objet de débats et de confrontations entre nous, mais nous avons tous l’ambition de les relever collectivement.

C’est, au fond, une belle réponse que de continuer à construire de manière plus précise, dans un état d’esprit constructif, ce compte personnalisé de formation qui accompagnera chacun d’entre nous de sa sortie du système éducatif jusqu’à sa sortie du monde du travail – au moment de la retraite – et qui lui permettra, à chaque étape de sa vie et en particulier aux moments les plus difficiles, d’avoir une réponse totalement personnelle. Le plus beau capital que l’on puisse avoir, c’est son savoir, sa capacité, sa formation : ce capital a une valeur très supérieure à tous les autres types de capitaux, où qu’ils se promènent et de quelque nature qu’ils soient. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord. Certaines dispositions actuelles du code du travail ne me semblent pas vraiment en retrait par rapport à celles proposées par cet amendement. J’accepte sa rédaction, mais la porte me semble déjà largement ouverte.

Une autre question me chiffonne : qu’est-ce que le « service public de l’orientation » ? Selon nos régions, nos départements et nos villes, plusieurs organismes différents jouent ce rôle de conseil : il en est ainsi des maisons de l’emploi, des missions locales, des centres d’information et d’orientation et, d’une certaine manière, de Pôle emploi. À quoi correspond exactement le service public de l’orientation ? De quels organismes parle-t-on ?

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cher collègue Dord, je note que vous n’êtes pas au courant des orientations prises par la précédente majorité s’agissant du service public de l’orientation.

M. Jean-Patrick Gille. Eh oui !

M. André Chassaigne. Je vous rappelle qu’il a été institué récemment…

M. Christophe Castaner. Le 24 novembre 2009 !

M. André Chassaigne. …et que son objectif est de regrouper le réseau des missions locales, Pôle emploi, le centre d’information et d’orientation de l’éducation nationale pour avoir une approche unifiée de l’orientation. Certains territoires l’ont mis en place, d’autres non, pour des raisons de proximité. Or, c’est justement la proximité qui est nécessaire. On constate par exemple que, dans les arrondissements ruraux, on a le plus grand mal à obtenir que les services de l’État puissent se déplacer et participer aux réflexions. La prise en charge d’un conseil individuel nécessitera des moyens financiers, il faut le savoir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Nous nous étions opposés, monsieur Dord, à la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, non par principe, mais parce que nous avions prévu qu’elle serait un échec. Nous avons vu le résultat après que vous avez recentralisé la formation professionnelle, rendant plus inefficace encore ce que vous prétendiez rendre efficace. Le service public de l’orientation, c’est vous qui l’avez voulu. Si vous avez échoué, c’est parce que vous n’y avez pas consacré les moyens financiers nécessaires, vous contentant d’effets d’annonce, d’un bricolage qui ne change rien à rien tout en voulant donner l’impression de répondre à une logique de rationalisation, ce qui n’était évidemment pas le cas, alors que notre système d’orientation aurait eu bien besoin d’être réformé.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je souhaite intervenir sur l’orientation plus que le service public de l’orientation, car il faut bien reconnaître qu’elle est un problème dans notre pays.

Mme Bérengère Poletti. Oui !

M. Francis Vercamer. Il suffit de mettre en regard la progression du nombre de chômeurs et les secteurs en tension qui ne trouvent pas de salariés. Il se pose un réel problème d’adéquation entre l’offre et la demande, notamment dans des secteurs innovants, peut-être parce que le service public de l’orientation n’est pas au fait de ces nouveaux métiers ou des parcours pour y arriver. Il faut remédier à cette lacune, et ce n’est pas au détour d’un amendement que l’on y parviendra.

Je suis plus que circonspect envers cet amendement qui laisse supposer que le service public de l’orientation réglera tous les problèmes. Le Gouvernement doit faire des propositions dans le cadre de la formation professionnelle pour mettre en corrélation l’offre et la demande d’emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Les amendements répondent précisément aux questions de M. Dord et de M. Vercamer.

S’agissant du compte personnel de formation, M. Gille a rappelé qu’il importait que la personne décide in fine, mais la dimension de conseil est importante pour l’orientation et l’évolution de la carrière afin de permettre d’utiliser au mieux ce nouveau droit.

Ces amendements, monsieur Dord, créent le lien entre le compte personnel de formation et le service public de l’orientation, dont je souhaite, monsieur Chassaigne, que son organisation relève de la responsabilité des régions. Nous nous inscrivons donc dans cette logique de proximité à laquelle vous êtes attaché. Ainsi, chacun aura accès à des conseils permettant progression professionnelle et promotion sociale.

Mme Monique Iborra. Ce sont les régions qui s’en occupent !

(Les amendements identiques nos 4392 et 5444 rectifié sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 5421.

M. Francis Vercamer. L’amendement vise à permettre à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire ceux dont la formation initiale est faible, de disposer de davantage de droits en matière de formation professionnelle et de qualification. Les droits acquis au titre du compte personnel de formation doivent être inversement proportionnels à la qualification obtenue afin de permettre de rattraper le retard de formation. C’est en quelque sorte un amendement de solidarité où chaque personne peut progresser dans la vie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Tel est bien l’esprit du compte personnel de formation, qui comprend deux formes d’abondement : le droit individuel à la formation – vingt heures par salarié, ce n’est donc pas inversement proportionnel – et le droit à la formation initiale différée, qui sera, lui, inversement proportionnel. Le nombre d’heures affecté à chaque compte sera d’autant plus important que la sortie du système scolaire est précoce.

D’un point de vue technique, votre amendement ne permettrait pas de prendre en compte ce double abondement.

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n° 5421 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 5443.

M. Jean-Patrick Gille. L’amendement étant satisfait, je le retire.

(L’amendement n° 5443 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 5568, 5573, 5574 et 5562, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 5573, 5574 et 5562 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 5568.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je laisse le soin à mes collègues de présenter leurs amendements, qui s’apparentent au mien.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 5573.

M. Christophe Cavard. Puisque le compte personnel de formation vise à sécuriser les parcours professionnels, il peut être abondé par les pouvoirs publics, notamment les régions, qui ont la double compétence : économie et formation professionnelle.

Inscrit sur l’article 2, j’ai tout à l’heure fait référence au projet de loi sur la décentralisation. À l’article 16, il est précisé que le contrat de plan régional de développement, de l’orientation et des formations professionnelles s’appuie sur des filières établies par bassin d’emploi, sur la base de l’analyse des besoins. Il est également précisé que le contrat de plan couvre l’ensemble des actions de formation professionnelle visant à favoriser l’accès, le maintien et le retour à l’emploi.

Il est important que ces amendements soient adoptés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 5574.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement qui introduit concrètement le droit à la formation initiale différée me tient particulièrement à cœur, car j’avais déposé il y a quelques années une proposition de loi en ce sens.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Jean-Patrick Gille. Tout en posant le principe du droit à la formation initiale différée pour les personnes qui n’ont pas de qualification professionnelle reconnue, cet amendement va plus loin. Il précise en effet que le compte personnel de formation peut en être le réceptacle, et qu’il peut être abondé par la puissance publique – l’État ou la région.

Nous créons en quelque sorte un compte de formation à deux étages : pour toute personne entrée sur le marché du travail, un droit individuel à la formation de vingt heures chaque année, une formation tout au long de la vie ; pour une personne ou un jeune sans qualification, une formation initiale différée, grâce à cette possibilité d’ouvrir un compte directement abondé par la puissance publique.

Dernière précision : à l’expression « entrée sur le marché du travail », je préfère celle d’« entrée dans la vie active ».

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 5562.

M. Michel Sapin, ministre. Tout vient d’être dit, l’objectif du Gouvernement étant de permettre à M. Cavard et à M. Gille de présenter en séance les arguments qu’ils ont développés en commission, mais qui tombaient sous le coup de l’article 40. Depuis que j’ai moi-même déposé un amendement identique, l’irrecevabilité n’a plus lieu d’être. (Sourires.)

Le dispositif proposé va dans le bon sens : précision, ouverture, capacité de négociation. Je vous remercie infiniment de cet apport précieux.

Il ne m’étonne pas que M. Cavard, dont je ne peux que présumer les compétences, et Jean-Patrick Gille, qui a été l’un des meilleurs collaborateurs du président de la région Centre dans ces domaines, aient une telle capacité de persuasion ! (Rires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Devant cette belle unanimité, je propose de modifier très légèrement votre amendement, monsieur Cavard, en reprenant la notion de droits inversement proportionnels défendue par M. Vercamer. Cela permettra aux partenaires sociaux de fixer les choses dans la discussion tripartite.

Je propose donc d’ajouter, au cinquième alinéa, après les mots : « en particulier pour les personnes qui… », les mots : « ont quitté le système scolaire de manière précoce ou qui, … » le reste sans changement.

Mme la présidente. En fait, cette modification figure dans votre amendement n° 5568.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je préfère sous-amender l’amendement de M. Cavard.

Mme la présidente. Votre amendement ayant été déposé, je le mettrai aux voix.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je souhaite obtenir une précision sur les abondements complémentaires. Est-ce à dire que, comme pour le droit individuel à la formation, il y a monétisation, chaque heure représentant une certaine somme ?

M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit d’heures.

M. André Chassaigne. Ou bien s’agit-il d’heures, sans corrélation avec le coût de la formation qui peut varier selon le type de qualification recherchée ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Nous avons déjà abordé ces sujets, mais je comprends tout à fait que de nouvelles questions soient posées car ils sont complexes.

C’est une des grandes différences, monsieur Chassaigne, mais elle a été voulue par les négociateurs – excellents négociateurs qui ont abouti au très bon accord du 11 janvier dernier –…

M. André Chassaigne. Ne me provoquez pas, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. …qui ont souhaité que la capitalisation soit comptabilisée en heures. Les droits s’acquièrent donc en nombre d’heures, je vous le confirme.

Par la suite, lorsque chacun devra accéder à une formation, il faudra mettre en place une procédure de monétisation pour passer de l’heure au coût horaire effectif. Il reviendra aux partenaires sociaux de discuter de ces modalités.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le ministre, j’aimerais avoir des précisions sur votre amendement. Il prévoit « des abondements complémentaires, notamment par l’État ou la région ». Dans votre esprit, ce « ou » implique-t-il qu’il s’agit ou bien de l’État ou bien de la région ? Ne devrait-on pas sous-amender de façon qu’il soit écrit « L’État et/ou la région » ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Surtout pas !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Cherpion, nos débats ont permis d’éclairer le point que vous soulevez. Ce « ou » n’est pas exclusif : l’État et la région peuvent intervenir tous deux.

Madame la présidente, je ne voudrais pas me montrer discourtois en appelant à voter pour mon amendement n° 5568 alors qu’il est le fruit d’un travail commun entre le groupe socialiste et le groupe écologiste. Je le retire donc au profit des trois amendements identiques, n° 5562, n° 5573 et n° 5574.

(L’amendement n° 5568 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je remercie M. le rapporteur d’avoir pris en considération ma demande.

J’aimerais soulever un autre problème : celui du risque d’inconstitutionnalité qui pèse sur ces amendements. Les collectivités territoriales s’administrant librement, je ne vois pas comment une loi pourrait obliger une région à apporter une contribution financière.

Je ne voudrais pas que ces amendements, qui vont vraisemblablement être adoptés l’unanimité, soient censurés par le Conseil constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Nous n’allons pas nous lancer dans un débat constitutionnel. Rappelons seulement, comme chacun le sait, que les collectivités locales s’administrent librement dans le cadre des lois de la République, donc des lois votées ici même.

Par ailleurs, monsieur Cherpion, ajouter « et/ou » me paraît impossible. Des imprécisions pareilles ne s’écrivent qu’à Bruxelles (Sourires), et c’est bien pour cela qu’on ne comprend pas toujours la législation européenne…

Nous en resterons donc à la rédaction « par l’État ou la région » d’autant qu’elle est précédée par l’adverbe miracle « notamment », qui ouvre à l’infini le champ des possibles. Nous aurons naturellement à apporter des précisions pour que, en fonction des compétences des uns et des autres, ces dispositions puissent devenir effectives.

Mme la présidente. Je précise que M. le rapporteur a déposé un sous-amendement n° 5575 portant sur les trois amendements identiques nos 5562, 5573 et 5574, visant à insérer à leur alinéa 5, après le mot « qui », les mots suivants : « ont quitté le système scolaire de manière précoce ou qui ».

(Le sous-amendement n° 5575, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(Les amendements identiques nos 5562, 5573 et 5574, sous-amendés, sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5402.

M. Arnaud Richard. Le texte du projet de loi est quelque peu évasif sur le compte personnel de formation. Or, les partenaires sociaux auront à s’accorder sur sa définition. Il nous semble donc utile de préciser ce dispositif afin d’orienter les négociations futures. C’est ce que cet amendement entend faire pour ce qui est de son périmètre et des modalités de sa mise en œuvre.

Ce compte personnel de formation suscite plusieurs questions. Tout d’abord, il entre en concurrence avec certains dispositifs existants comme le plan de formation ou le DIF. Ensuite, la question de savoir quel public il cible reste en suspens – je sais que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie se consacre à ce sujet.

Nous sommes bien conscients de la nécessité de voir les partenaires sociaux travailler le plus rapidement possible à la mise en œuvre du dispositif, mais il nous paraissait important d’apporter des précisions quant à sa définition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Les amendements qui ont été adoptés avant votre arrivée, monsieur Richard, étaient moins spécifiques. Les points que vous abordez dans le vôtre, comme le principe selon lequel l’absence de réponse de la part de l’employeur vaut acceptation, mériteraient d’être précisés par la négociation et la concertation tripartite dont M. le ministre nous a parlé. En outre, d’un point de vue technique, ils ont davantage leur place dans un décret que dans la loi.

Pour ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.

M. Arnaud Richard. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n° 5402 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 30 et 13, de Mme Isabelle Le Callennec, que j’invite à en faire une présentation groupée.

Mme Isabelle Le Callennec. La nouveauté que constitue le compte personnel de formation a été présentée comme une avancée. Les partenaires sociaux auront tout loisir de travailler pour préciser ses contours. Cela étant, il est peut-être de notre responsabilité d’indiquer d’ores et déjà un chemin.

Dans la continuité du « choc de simplification » récemment évoqué par le Président de la République, l’amendement n° 30 vise à supprimer purement et simplement le dispositif du droit individuel à la formation. Nos débats ont montré qu’il n’était pas forcément très utilisé et sans doute serait-il judicieux d’intégrer les avantages qu’il présente au compte individuel de formation. Nous avons trop tendance dans notre pays à laisser se superposer les dispositifs au fil des textes.

L’amendement n° 13, quant à lui, a vocation à inverser une tendance que nous avons tous constatée, selon laquelle plus les salariés sont qualifiés et diplômés, plus ils bénéficient d’une formation professionnelle. Nous proposons donc d’insérer, après l’alinéa 2, l’alinéa suivant : « Le compte personnel de formation a pour objectif de permettre aux salariés une montée en compétence dans l’entreprise ou d’être en capacité, en cas de mobilité voulue ou subie, de s’adapter au mieux au marché du travail. »

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Elle les a rejetés. Elle est favorable, en revanche, à l’intégration du DIF dans le compte personnel de formation.

Rappelons que le nouveau dispositif comprend deux systèmes. Le premier, régi par les entreprises, doit être bien défini dans ses modalités – les vingt heures annuelles, le plafond – et relève principalement de la négociation sociale et d’une transcription législative. Le deuxième renvoie à l’amendement que nous avons adopté en début d’après-midi : celui-ci assigne l’objectif que nous partageons tous et que vous avez rappelé dans votre deuxième amendement non seulement au compte personnel de formation mais à l’ensemble des dispositifs de formation, notamment le plan de formation.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Pour le dire encore plus brièvement, il est beaucoup trop tôt pour procéder à la suppression du DIF, madame la députée. Elle présenterait de graves inconvénients dans l’immédiat.

Mieux vaut laisser les partenaires sociaux – ils en ont la capacité – discuter de l’ensemble des modalités du dispositif de formation. Peut-être parviendront-ils à la même conclusion que vous mais ne faisons pas obstacle à leurs libres débats et aux accords auxquels ils pourront aboutir, accords dont nous aurons à discuter dans cet hémicycle au travers d’une loi.

Mme la présidente. Maintenez-vous vos amendements, madame Le Callennec ?

Mme Isabelle Le Callennec. Oui, madame la présidente, mais j’entends les arguments avancés par le rapporteur et le ministre.

(Les amendements nos 30 et 13, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 3165.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à revenir à l’ANI en spécifiant que « la transférabilité n’emporte pas monétisation des heures. Les droits acquis demeurent comptabilisés en heures, quel que soit le coût horaire de la formation ». M. le ministre est d’ailleurs intervenu en ce sens tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cet amendement est satisfait par un amendement précédemment adopté. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 3165 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 5446.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement important prévoit que, dès la promulgation de la loi, une concertation d’une durée maximale de six mois sera engagée entre l’État, les régions et les partenaires sociaux pour définir le contenu, le fonctionnement et les modalités du compte personnel de formation.

Le projet de loi en a établi le principe. Les amendements que nous venons d’examiner l’ont précisé en reprenant des éléments qui figuraient dans l’ANI. Néanmoins, force est de constater que le texte qui sortira du Parlement ne permettra pas de rendre le dispositif opérationnel.

Il nous semble nécessaire qu’une négociation ait lieu, non seulement entre les partenaires sociaux, qui ont déjà travaillé sur la question, mais aussi entre l’État et les régions, qui seront évidemment sollicitées pour le mettre en place.

Par ailleurs, nous précisons que la concertation doit être de six mois au maximum, afin qu’à la fin de l’année, c’est-à-dire au moment où le ministre devrait proposer une loi sur la formation professionnelle, les modalités nécessaires au fonctionnement effectif du compte soient fixées. Ainsi, nous pourrons passer d’un principe, que certains considèrent un peu formel, à un dispositif totalement opérationnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a émis un avis favorable mais je vous propose, monsieur Gille, de retirer l’amendement au profit d’un autre amendement, n° 4957, que vous avez déposé avec Mme Iborra et d’autres signataires, et qui est plus complet puisqu’il prévoit à la fois une phase de discussion quadripartite, un rapport du Gouvernement au Parlement et la mise au point par les partenaires sociaux d’adaptations des dispositions conventionnelles en vue d’un projet ou d’une proposition de loi avant le 1er janvier 2014.

Je crois que le délai inclus dans cet amendement, tel qu’il sera sous-amendé par le Gouvernement, est encore plus resserré que celui que vous souhaitez.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même raisonnement : si l’auteur de l’amendement pouvait le retirer, je pense que cela rendrait le débat plus efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Il va être difficile de résister à ces amicales pressions ! (Sourires.) Je fais donc confiance au ministre et au rapporteur.

L’important est de rouvrir une période de négociation, qui n’est pas tout à fait la même puisque d’autres partenaires – l’État et les régions – entrent en jeu. Cela ressortait d’ailleurs des amendements précédents, ne serait-ce que pour la mise en œuvre de la formation initiale différée. Je retire donc l’ amendement.

(L’amendement n°5446 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4333.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous nous demandons vraiment quel est l’objectif poursuivi par les signataires de l’ANI, et par conséquent par le présent projet de loi, avec la création de ce « conseil en évolution professionnelle ». Nous savons que le MEDEF y tient beaucoup, mais cela ne nous paraît pas constituer un argument suffisant…

S’agit-il de développer le marché du conseil à but lucratif, ou bien de combler un déficit du cadre légal et réglementaire ? Pourquoi créer ce conseil alors que le code du travail, en son article L. 6111-3, énonce que « toute personne dispose du droit à être informée, conseillée et accompagnée en matière d’orientation professionnelle […] Le service public de l’orientation tout au long de la vie est organisé pour garantir à toute personne l’accès à une information gratuite, complète et objectif sur les métiers, les formations, les certifications, les débouchés et les niveaux de rémunération, ainsi que l’accès à des services de conseil et d’accompagnement en orientation de qualité et organisés en réseaux » ?

Quel est donc le véritable objet de cette création ? Est-il question, pour les signataires de l’ANI, de concurrencer les prestations que le service public d’orientation doit assurer pour tous les citoyens ?

Pour ces raisons, nous proposons la suppression des alinéas 3 à 10 de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 4334.

M. Marc Dolez. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 4341.

M. Nicolas Sansu. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 4342.

M. André Chassaigne. L’intervention de ma collègue Jacqueline Fraysse montre comment la rédaction peut créer de la confusion.

Ce conseil en évolution professionnelle est-il un nouvel organisme, ou s’agit-il tout simplement d’un conseil qui serait donné au titre des prescriptions de l’accompagnement personnalisé ? Cela demande un éclaircissement, car la disposition peut être interprétée de différentes façons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

Pour répondre à M. Chassaigne, il s’agit d’un réseau d’accueil public s’appuyant sur l’ensemble des outils existants, car nous n’allons pas réinventer ce qui fonctionne bien. J’ai en outre indiqué que je souhaitais le placer sous la responsabilité des conseils régionaux dans le cadre de la réforme de la décentralisation.

Toutefois, dans votre amendement, la suppression de l’alinéa 10 paraît utile, car il portait en lui une confusion en prévoyant que « le compte personnel de formation peut être mobilisé par le salarié pour bénéficier de cet accompagnement ». Il est clair que ce service public doit être gratuit ; c’est pourquoi nous avons adopté un peu plus tôt un amendement qui supprime cet alinéa.

Pour le reste, ce service public est tout à fait utile et constitue un complément indispensable. Chaque salarié, afin d’utiliser son compte de la manière la plus pertinente possible, pourra ainsi bénéficier d’un réseau lui permettant d’obtenir ces conseils en évolution professionnelle.

Nous proposerons du reste des amendements pour spécifier que ce dispositif doit permettre la promotion et la progression professionnelles.

C’est la traduction concrète de l’amendement que nous avons adopté à votre initiative, à l’unanimité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je confirme en tout point l’avis du rapporteur. Vous êtes libres d’en disposer, mais ces amendements risquent vraiment de priver les salariés d’un dispositif extrêmement utile, car il s’agit d’un réseau et d’outils publics, marqués du sceau de l’intérêt général.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Compte tenu de ces explications et du fait que l’alinéa 10 est déjà supprimé, nous retirons ces amendements.

(Les amendements identiques nos 4333, 4334, 4341 et 4342 sont retirés.)

Mme la présidente. Chers collègues, à votre demande, le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire nous a rejoints. Je lui donne la parole.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je tiens tout d’abord à m’excuser : je ne pouvais pas être parmi vous ce matin, car j’avais des engagements dans ma commune – le responsable en est le cumul des mandats ! (Sourires.) Je ne peux pas être présent lors de l’examen de chacun des textes.

M. Michel Sapin, ministre. Vous serez bientôt libéré ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En revanche, je me suis constamment tenu au courant des débats, et je sais que plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur la manière avec laquelle ont été appliquées les règles de l’article 40 de la Constitution aux amendements déposés sur le texte.

Je crois donc utile, comme je le fais d’ailleurs régulièrement à l’occasion de l’examen de différents textes, de vous rappeler quelques éléments de la jurisprudence d’application de l’article 40. Cette jurisprudence a été définie par étapes successives, la dernière en date consistant en l’établissement en février 2012, par mon prédécesseur à la présidence de la commission des finances, d’un recueil que je vous invite à lire.

Sur les 5 300 amendements déposés sur le présent texte, 342 ont été déclarés irrecevables, soit 6 % ; cette statistique est tout à fait dans la norme par rapport à ce que nous avons l’habitude de constater.

L’irrecevabilité a majoritairement été opposée à des amendements déposés à l’article 1er. Je rappelle que l’étude d’impact a chiffré le coût fiscal et social de cet article entre 1,5 et 2 milliards d’euros, coût dont M. le ministre m’a assuré qu’il serait intégré dans le programme de stabilité que nous examinerons le 17 avril prochain.

M. Michel Sapin, ministre. Il l’est déjà intégralement.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ces amendements à l’article 1er visaient, par exemple, à étendre la couverture complémentaire obligatoire, à en faciliter l’accès en supprimant certains critères d’affiliation, ou encore à anticiper sa mise en œuvre.

De tels amendements induisent une double perte de recettes, l’une pour l’État, l’autre pour les organismes de sécurité sociale. En effet, les versements effectués aux organismes de prévoyance font l’objet, à titre d’incitation, d’exonérations fiscales ou sociales. En matière d’exonérations fiscales, pour prendre cet exemple, il existe tout d’abord une déductibilité au titre de l’impôt sur le revenu du salarié, voire de l’employeur si ce dernier y est assujetti. La déductibilité existe également au titre de l’impôt sur les sociétés pour les versements faits par les entreprises.

Cela crée incontestablement – la jurisprudence est constante sur ce point – une perte de recettes soit pour l’État, soit pour la sécurité sociale.

Les amendements déclarés irrecevables l’ont été pour des raisons de forme, car ils n’étaient pas gagés. Chaque fois que j’ai pu, comme je le fais toujours dans un grand souci de compréhension, corriger ou communiquer des éléments permettant de rédiger correctement ces amendements, ils ont pu être « rattrapés ». Mais, dès lors qu’il n’a pas été possible de proposer des gages, ils ont été déclarés définitivement irrecevables. Voilà pour la partie recettes.

Par ailleurs, toute une série d’amendements concernaient ou aggravaient les charges. À titre d’exemple, certains portaient revalorisation des indemnités journalières ou des allocations versées au titre de l’assurance chômage, aggravant manifestement les charges financières de ces organismes.

C’est l’occasion pour moi de rappeler que l’application de l’article 40 concerne les finances publiques consolidées, c’est-à-dire non seulement celles de l’État, mais également celles de la sécurité sociale, des collectivités territoriales et de tous les organismes, publics ou non, bénéficiant de financements publics.

D’autres amendements, que nous rencontrons sur pratiquement tous les textes, créaient de nouvelles charges. Il s’agit d’amendements étendant les missions, par exemple de contrôle ou d’évaluation, et qui manifestement conduisent à créer une charge de travail supplémentaire pour les administrations concernées, les obligeant à recruter. Dès lors, ceci conduit à une aggravation des charges.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je le conteste formellement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Rejoignez-nous à la commission des finances, madame Bechtel, et nous établirons le cas échéant une jurisprudence supplémentaire sur ce point !

Mais à ce jour, les règles et la jurisprudence sont parfaitement claires : si nous avions adopté ces amendements, cela aurait conduit à une aggravation de la dépense publique.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Votre interprétation de la jurisprudence est excessive !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je tiens à rappeler au passage un principe que vous connaissez bien : l’interdiction de la compensation d’une charge par une recette. Il s’agit en fait de la contrepartie du principe d’universalité budgétaire. Il n’est donc pas possible de compenser une dépense par une recette d’un montant équivalent.

J’en termine par quelques cas plus spécifiques, dont notamment un amendement présenté par notre rapporteur Jean-Marc Germain. Dans un souci d’ouverture, madame Bechtel, la jurisprudence portant sur l’article 40 a été assouplie au cours des dix ou quinze dernières années, pour permettre aux parlementaires de déposer des amendements fondés sur les « intentions du Gouvernement ».

Ces intentions doivent avoir été exprimées directement, mais dans le cadre de la discussion du texte, soit en commission, soit dans l’hémicycle.

M. Michel Sapin, ministre. Mais pas à la télévision ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pas à la télévision, en effet ; merci pour cette précision, monsieur le ministre !

Elles peuvent également avoir été exprimées dans le cadre des études d’impact, à une condition, car il s’agit tout de même d’un assouplissement considérable : l’expression du ministre ou la rédaction de l’étude d’impact doit être extrêmement précise.

J’ai donc regardé très attentivement les déclarations en commission du ministre chargé de la formation professionnelle.

M. Michel Sapin, ministre. C’est un spécialiste !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je confirme donc au rapporteur que ses propos n’étaient pas vraiment explicites, alors que ce sujet est d’une importance extrême.

En effet, tel que j’ai compris l’amendement, il a pour objet de verser directement des contributions de l’État ou des régions sur le compte – directement ! Il s’agit tout de même d’une véritable novation !

M. Michel Sapin, ministre. J’ai précisé ma pensée !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Selon une jurisprudence véritablement constante, et je m’en étais expliqué de la même manière lorsque nous avons examiné le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement, pour lequel nous avions rencontré exactement le même problème, j’avais été conduit à refuser cet amendement.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai explicité précisément ma pensée !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je me réjouis toutefois que nous ayons pu trouver une solution, comme cela avait d’ailleurs été le cas pour la Banque publique d’investissement, grâce à l’explicitation de la pensée ministérielle, ô combien précieuse ! (Sourires.)

De ce fait, l’amendement a pu être redéposé, ce dont je me réjouis ; je pense que le rapporteur en est également satisfait.

Sous la précédente législature, avec mon prédécesseur Didier Migaud, nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de maintenir l’article 40. L’ancien président de la commission des finances du Sénat, Alain Lambert, considère que c’est une vieillerie qui ne sert à rien. Je ne suis pas du tout d’accord avec lui, car actuellement nos comptes publics ne sont pas particulièrement prospères.

M. Michel Sapin, ministre. Pas encore ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Or nous devons être très vigilants par rapport aux comptes publics – nous savons que, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons, nous aimons les amendements coûteux.

Ici, nous ne sommes plus dans le domaine du droit, il s’agit de considérations purement financières. L’article 1er représentera une charge considérable pour les finances publiques. Je n’ai pas chiffré ce que proposaient les amendements qui ont été déclarés irrecevables, mais le montant est assez vertigineux puisqu’il s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros.

J’en profite donc pour appeler l’attention de chacun sur le fait qu’il nous faut absolument protéger les recettes...

M. Michel Sapin, ministre. Cela n’a pas toujours été le cas !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et maîtriser les dépenses. Je l’ai écrit en son temps dans tous mes rapports et avec ténacité,…

M. Michel Sapin, ministre. Oh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et, même si je n’ai pas toujours été suivi, le message a fini par passer.

Mais ces considérations n’ont rien à voir avec l’article 40 que j’essaie d’appliquer avec discernement et compréhension et dans la droite ligne de la jurisprudence.

Mme la présidente. Monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie pour cet exposé détaillé.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie d’être parmi nous. Vous n’avez pas pu être là hier, mais votre vice-présidente Valérie Rabault s’est rendue disponible pour éclairer nos débats.

Je veux aussi saluer la façon dont vous présidez cette commission qui, je crois, est appréciée de tous.

Je me suis simplement permis de vous écrire à propos de l’article 2, sans doute l’un des plus importants puisqu’il concerne la formation tout au long de la vie et le droit à la formation initiale différée, qui vise à apporter une compensation à ceux qui ont eu des formations initiales trop courtes.

Sans contester les règles en vigueur, qui mériteraient d’ailleurs un débat plus large, il me semblait que le Gouvernement avait exprimé très clairement son intention en répondant à une question de Patrick Gille. « Il me semble que ce ne serait pas trahir l’accord que d’introduire dans la loi, ainsi que l’avait proposé le Président de la République durant la campagne présidentielle, un droit à la formation initiale différée », indiquait M. Gille. Le ministre lui a répondu ceci : « Il est bien dans nos intentions de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République en faveur de la création de ce droit. » Et il a fait référence au discours du Président de la République à Blois, très précis puisqu’il a déclaré que : « Ceux qui ont quitté le système scolaire de manière précoce pourront bénéficier de leur droit à la formation par anticipation, chacun se verra doté d’un capital de formation. » Il me semblait donc que l’intention avait été manifestée clairement, même si le ministre n’a pas cité in extenso le discours de Blois, discours que nous considérons comme fondateur. Comme vous l’avez dit, on a pu débattre et trouver une solution.

Je ne suis pas favorable à l’abrogation de l’article 40 de la Constitution, mais peut-être faudrait-il l’assouplir. C’est particulièrement important pour la commission des affaires sociales. En effet, il nous est quasiment impossible de discuter des emplois d’avenir ou des contrats de génération, car certains amendements sont jugés irrecevables même s’ils n’ont aucun impact sur les finances publiques. Par exemple, nous nous sommes demandé si nous ne pouvions pas étendre les contrats de génération au-delà de l’âge de vingt-six ans. J’avais proposé un amendement visant à ouvrir ce dispositif aux personnes âgées entre vingt-trois et trente ans tout en le réduisant pour celles âgées de dix-huit et vingt-trois ans. Ce dispositif, qui avait vocation à être neutre du point de vue financier, a été jugé irrecevable au motif qu’on ne pouvait pas compenser l’un par l’autre.

Il faudra donc mener une réflexion sur l’assouplissement de l’article 40, car il est très important que la commission des affaires sociales puisse affiner les ciblages de manière à les rendre les plus efficaces possible.

Monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie à nouveau pour vos explications.

Mme la présidente. Monsieur le président, je vous remercie d’être venu répondre aux sollicitations de nos collègues.

Mes chers collègues, je vous indique qu’un groupe de travail réunissant l’ensemble des groupes a été installé par le président de l’Assemblée nationale pour traiter de nombreux sujets, par exemple de l’interprétation de l’article 40 et de ses évolutions. L’ordre du jour de la présente séance n’étant pas consacré à des considérations générales sur l’article 40 mais à l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, je vous invite à en revenir à l’examen des amendements nombreux et divers que vous avez déposés.

La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président de la commission des finances, je souhaite revenir sur les amendements nos 3188 à 3197 à l’article 1er, que plusieurs membres de notre groupe ont déposés. N’ayant pas le privilège d’être membre de la commission des finances, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris la réponse que vous nous avez communiquée ce matin sur l’irrecevabilité de ces amendements.

Ces amendements prévoyaient la possibilité pour la sécurité sociale de se positionner en tant qu’assurance complémentaire. Vous nous avez dit que cela créerait des charges nouvelles. Nous nous étonnons d’un tel argument car, si la sécurité sociale peut se positionner en tant qu’assureur complémentaire, il lui appartient, bien évidemment, de couvrir par les cotisations payées par l’employeur et le salarié les charges qui seraient occasionnées, comme le feraient le groupe Malakoff Médéric ou la Mutualité française.

Je voulais toutefois profiter de votre présence, dont je vous remercie beaucoup, pour que vous m’apportiez une explication complémentaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour une brève réponse.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur Dolez, une nouvelle mission entraîne une nouvelle charge. Quand la charge est ténue, il arrive qu’on accepte ces amendements. Or, en l’occurrence, il s’agit manifestement d’une mission qui créera une charge. Vous avez raison de dire qu’elle peut être compensée par une recette, mais, comme je vous l’ai indiqué, nous tombons dès lors sous le coup du principe selon lequel on ne peut pas compenser une charge ou une augmentation de charge par une recette. C’est la contrepartie du principe d’universalité que vous connaissez bien.

J’en profite pour répondre à M. Germain. La loi organique relative aux lois de finances a apporté un assouplissement considérable, puisque l’on peut dorénavant créer une charge nouvelle, ce qui était auparavant impossible, à condition de la gager par une économie au sein de la même mission. Il peut s’agir de programmes différents, mais c’est autorisé dès lors qu’il s’agit de la même mission. C’est une novation importante qui permet une discussion budgétaire bien plus intéressante.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, honorable membre de la commission des finances. (Sourires.)

M. Nicolas Sansu. Monsieur Carrez, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je vous indique que nos amendements ne visaient pas à créer de nouvelles recettes puisqu’elles sont inscrites dans le projet de loi. Il s’agissait de faire en sorte que la sécurité sociale puisse répondre en lieu et place des organismes de prévoyance, mutuelles ou assurances. Les cotisations étaient estimées à quelque 3 milliards. Qu’elles soient affectées à la sécurité sociale, aux mutuelles ou à d’autres organismes de prévoyance, n’y change rien.

Mme la présidente. Je vous remercie à nouveau, monsieur le président Carrez, d’avoir répondu à nos sollicitations.

Nous poursuivons l’examen des amendements.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Madame la présidente, je demande la parole…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 5437.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Nous sommes privés d’un débat !

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement d’appel vise à préciser le fonctionnement du conseil en évolution professionnelle. Nous souhaitons indiquer, même si cela nous paraît implicite et même si nous avons voté tout à l’heure un amendement établissement un rapprochement avec le service public d’orientation, qu’il est normal que ce droit concret soit gratuit. Nous avons d’ailleurs proposé de supprimer l’alinéa 10 qui prévoit de mobiliser le compte personnel de formation pour bénéficier de cet accompagnement. Mais j’aimerais, sur cette question, avoir une précision, soit du rapporteur, soit du ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons longuement évoqué cette question. L’objectif que vous poursuivez est essentiel. On parle d’un service public de l’orientation ; il doit être nécessairement gratuit.

Pour cette raison, la commission a émis un avis favorable. On peut considérer que notre débat apporte des éclaircissements, mais peut-être pouvons-nous attendre la confirmation de M. le ministre sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Merci pour cet amendement d’appel, qui permet d’éclairer le débat mais aussi son dénouement…

Dans l’esprit de tous ceux qui s’intéressent au sujet, il est évident que les salariés ne devront pas débourser d’argent, sur leurs revenus souvent faibles, pour accéder à ce service. Pourtant, ce service devra être financé, et pour ma part je ne serais pas choqué que chacun puisse mobiliser son compte personnel. Celui-ci s’exprime certes en nombre d’heures et non pas en argent, mais à un moment donné il faut passer des heures à leur financement.

En tout état de cause, il me paraît prématuré d’inscrire dans la loi les règles de mobilisation du compte. Vous proposez d’ailleurs de supprimer l’alinéa qui l’évoque. Nous en débattrons donc avec les partenaires sociaux d’un côté – ce sera la négociation – et avec les régions de l’autre – ce sera la concertation. Ensuite, nous pourrons en traduire les conséquences dans la loi. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Une fois de plus, monsieur le ministre, je vais vous donner satisfaction.

On a beaucoup parlé du compte de formation, qui constitue une avancée importante, mais il faut faire un travail de précision sur le conseil en évolution professionnelle, sur sa véritable portée. En commission, grâce à M. Vercamer, cet amendement a été recentré – c’est un pléonasme (Sourires) – sur un objectif de qualification.

Il faudra discuter avec les partenaires sociaux de la complémentarité du dispositif avec le bilan d’étape professionnelle, avec le passeport orientation formation, avec le bilan de compétences inscrit dans le code du travail. Je pense que ce n’est pas le moment de tailler à la serpe, mais il faut peut-être toiletter un peu le code du travail sur ce point.

(L’amendement n° 5437 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5380.

M. Arnaud Richard. Il fait suite à la proposition de M. Gille qui, je trouve, a retiré un peu vite son amendement. Nous sommes tout de même au milieu du gué : la réponse du Gouvernement n’est pas très claire.

Sur la nature profonde de ce conseil en évolution professionnelle, il y a une différence assez sensible entre l’ANI et le projet de loi. D’après ce que j’avais compris, l’ANI prévoyait une articulation entre les organismes paritaires et le service public de l’orientation. L’article 2 reprend précisément la définition du conseil en évolution professionnelle qui figure dans l’ANI, mais en restreint le champ.

Sans prendre parti sur la direction à prendre – ce conseil est-il une activité économique, ou relève-t-il strictement du service public de l’emploi –, j’aimerais que le Gouvernement précise sa position. Il y a une grosse différence entre son texte et ce qui résulte de la négociation de l’ANI : non sur la définition du conseil en évolution professionnelle, mais sur la question de savoir qui pourra l’assurer. Cela explique la volonté qui est la nôtre d’intégrer au dispositif les maisons de l’emploi, mais aussi les acteurs des missions locales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur le député, nous avons repoussé cet amendement en commission, pour la raison très simple que ce que vous proposez est déjà prévu : les missions locales et les plans locaux pour l’insertion et l’emploi font partie du service public de l’orientation professionnelle. En revanche, votre amendement tendrait à l’excès vers le retour à l’emploi et l’adaptation, au lieu de favoriser la progression professionnelle tout au long de la vie. Les FONGECIF, les OPCA, Pôle Emploi, l’AFPA sont aussi importants dans ce domaine. Il vaut mieux s’en tenir au texte, sachant que la loi de décentralisation ou, si elle est examinée avant, la loi sur la formation professionnelle préciseront très clairement les choses.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Excellente explication, qui a convaincu l’auteur de l’amendement !

M. Arnaud Richard. Pas du tout !

(L’amendement n° 5380 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n° 4556.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Si vous me passez l’expression, c’est l’amendement cousin de celui de M. Chassaigne et des membres de son groupe, qui ont souhaité que, dans l’article 6111-1 du code du travail, il soit précisé que la formation professionnelle concourt à la promotion sociale des salariés. Il s’agit dans mon amendement de préciser que le conseil en évolution professionnelle ne sert pas simplement à évoluer, au sens de s’adapter en période de crise, mais aussi à progresser professionnellement.

Cela me semble indispensable. Il y a eu, au cours de ces dernières années, plusieurs modifications du code du travail en ce sens. Pour améliorer la qualification tout au long de la vie, nous avons adopté un amendement très important. Celui-ci vise à compléter le dispositif pour tirer la formation vers le haut.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement sera favorable à cet amendement, mais tout le monde doit être bien d’accord sur un point : il faut avoir une vision large ou du moins extensive de ce qu’est la progression. Il ne faudrait pas qu’elle signifie des changements de niveau très importants : il y a des moments où une simple évolution peut être décisive pour le salarié.

Je crois que nous sommes d’accord, mais je le dis ici pour que ce soit inscrit sinon dans le marbre, du moins dans le papier ou le support informatique du Journal officiel. Nous avons une vision large de la progression, qui permet de servir chacun en fonction de ses besoins.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je ne voudrais pas pinailler, mais je ne suis pas persuadé de l’intérêt d’un tel ajout dans le code du travail. Il y a déjà beaucoup de termes, on se plaint que la formation professionnelle soit un domaine très jargonneux et on s’efforce de préciser la terminologie. Nous avons déjà la « promotion sociale » et la « progression en qualification » : je ne vois pas ce qu’apporterait d’introduire l’idée qu’on va « progresser professionnellement », sinon des complications à moyen terme. Nous étions dans un choc de simplification : je pense que cet ajout n’est pas essentiel et qu’on n’en a peut-être pas mesuré toutes les conséquences.

M. Francis Vercamer. Règlement de compte !

M. Jean-Patrick Gille. Non, mais nous avons déjà modifié beaucoup de dispositions dans l’article 6111-1 : on peut se calmer, on verra s’il y a nécessité de procéder à ces innovations terminologiques qui à mon avis n’apportent pas grand-chose et peuvent causer des problèmes.

Mme Véronique Louwagie. C’est la sagesse.

M. Arnaud Richard. Celle d’un excellent ministre de la formation professionnelle ! (Sourires.)

(L’amendement n° 4556 est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence l’amendement n° 15 tombe.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 5439.

M. Jean-Patrick Gille. Il vise à supprimer l’alinéa 7 qui définit l’un des objectifs du conseil en évolution professionnelle. C’est un peu délicat, parce que cet alinéa est la reprise quasi intégrale d’une ligne de l’ANI qui dit que « le conseil en évolution professionnelle permet de repérer les offres d’emploi adaptées à ses compétences ».

Or, cela me paraît finalement contraire à l’esprit même de l’ANI sur le conseil en évolution professionnelle, qui consiste en un accompagnement pour progresser d’un niveau de qualification à un autre et maintenant pour « progresser professionnellement ». Son objectif est donc la progression en qualification et non le placement en emploi de même niveau de compétence. Il ne s’agit pas d’un conseil en placement, ce qui relèverait de Pôle Emploi.

Le conseil en évolution professionnelle, les partenaires sociaux en ont parlé, serait plutôt l’affaire des FONGECIF, de l’APEC, de certains OPCA. Il faudrait trouver une formulation qui évite la notion de placement et définisse un accompagnement en faveur de la mobilité professionnelle et de la promotion sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a émis un avis favorable à l’amendement de M. Jean-Patrick Gille, lequel supprime un alinéa qui introduit en effet une confusion. Dans ces conditions, je ne comprends pas que vous n’ayez pas soutenu avec enthousiasme l’amendement précédent qui, au fond, procédait de la même intention. Je le comprends encore moins de Mme Coutelle, qui se bat matin, midi et soir pour l’égalité professionnelle.

M. Francis Vercamer. Règlement de compte au PS !

Mme la présidente. Je demande son avis au Gouvernement, avec la présentation simultanée de son amendement n° 5564 rectifié.

M. Michel Sapin, ministre. Je comprends que la commission ait émis un avis favorable à cet amendement qui apporte des précisions utiles. Cependant, il présente aussi quelques inconvénients : je ne veux pas entrer dans le détail, mais vous supprimeriez quelques éléments qui me paraissent importants.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement n° 5564 rectifié : même si je comprends qu’il ne soit pas en discussion commune au sens formel, il répond aux préoccupations qui sont les vôtres, monsieur Jean-Patrick Gille, ainsi qu’à celles de la commission, sans avoir les inconvénients que j’ai évoqués. Je propose donc que vous retiriez votre amendement au profit de celui du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je ne veux pas polémiquer avec le rapporteur, mais puisqu’il me relance sur le progression professionnelle, je répondrai qu’on sait ce qu’est la progression de qualification : il y a la qualification de niveau 5, 4, etc., – plus on progresse, plus le chiffre baisse. La promotion sociale, on voit ce que c’est. La progression professionnelle, est-ce que cela voudrait dire qu’il y a des métiers qui valent mieux que d’autres ? Cela pose tout de même un problème.

Pour répondre au ministre, je suis prêt à retirer mon amendement pour me rallier au sien en le sous-amendant, pour ajouter « à ses compétences acquises » ou même aussi « et à acquérir ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je pense qu’il est difficile de ne pas faire référence aux emplois qui existent sur le territoire, parce que le premier élément du conseil en évolution professionnelle donné dans le cadre du compte personnel de formation, c’est l’évolution des métiers sur le territoire. Comment en parler sans identifier les emplois qui peuvent exister sur le territoire ?

C’est un service important qui peut être apporté au bénéficiaire de ce conseil. Le mot « offre » n’est peut-être pas adapté, mais l’identification des emplois me paraît très importante.

Je suis donc favorable à l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Il y a vraiment un hiatus entre la position du Gouvernement et la volonté des partenaires sociaux : dans leur esprit, le conseil en évolution professionnelle est un secteur d’activité économique. Je peux me tromper, mais je pense que c’est dans cet esprit qu’il a été inscrit dans l’ANI.

Vous, vous nous laissez entendre que c’est le service public de l’orientation qui va assurer cette mission. Soit, je ne juge pas ; mais il y a une vraie différence entre ce qu’ont voulu les partenaires sociaux – une prestation économique – et votre conseil gratuit pris en charge par le service public de l’orientation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. C’est un peu contradictoire, monsieur Richard : vous m’avez reproché d’avoir retiré trop vite mon amendement qui visait à garantir la gratuité du conseil et maintenant vous nous dites que la prise en charge par le service public constitue un problème. J’ai retiré mon amendement, mais je voulais poser le problème et je pense que la question reste ouverte. Il me semble normal que la puissance publique assure qu’elle s’investira dans ce conseil en évolution professionnelle et qu’elle mobilisera le service public. Je pense de surcroît que la réglementation européenne ne donne pas le droit de constituer un monopole : dans le cadre de la directive « Services », il y aura obligation de laisser ce domaine ouvert. Il faut donc continuer à approfondir le sujet. Mon souci était d’ouvrir le débat.

Par ailleurs, je retire mon amendement n° 5439, puisque j’ai constaté que la version rectifiée de l’amendement déposé par le Gouvernement comporte les précisions que je demandais.

(L’amendement n° 5439 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

Pour clore ce beau débat et passer à la suite qui est importante, je me réjouis qu’avec les éclaircissements de M. Jean-Patrick Gille sur son amendement précédent, nous nous retrouvions sur la notion de promotion. C’est ainsi qu’il faut interpréter les amendements que nous venons d’adopter, avec Mme Coutelle aussi.

(L’amendement n° 5564 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 14.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, je me permets de vous dire que de temps en temps je lève la main pour prendre la parole et que vous ne me voyez pas. Cela a été le cas tout à l’heure, quand j’ai voulu vous demander pourquoi mon amendement n° 15 tombait après l’adoption de l’amendement n° 4556 approuvé par le Gouvernement.

Je suis extrêmement favorable à ce conseil en évolution professionnelle : si on veut faire la promotion de la mobilité voulue et non subie, il faut absolument travailler dans ce domaine. Je voulais en profiter pour ajouter à l’alinéa 6 qu’il y a des outils – les boîtes à outils sont à la mode –, parce qu’il faudra donner corps à ce conseil en évolution professionnelle. La maison de l’emploi de Rennes a mis en place un outil très efficace – je l’affirme en présence de notre collègue députée de Rennes – appelé Transcompétences et qui correspond exactement à la définition de ce que souhaite le législateur.

À propos de l’amendement n° 14, je me permets d’insister sur le fait que les PLIE et les missions locales joueront un rôle. Je persiste à penser qu’il faut expressément inscrire dans la loi les maisons de l’emploi créées pour cette raison…

Mme Catherine Coutelle. Les maisons de l’emploi, ça ne marche pas !

M. Arnaud Richard. Chez vous, peut-être !

Mme Isabelle Le Callennec. Il y a tout de même de nombreuses maisons de l’emploi, madame, qui fonctionnent et qui remplissent ce service gratuitement.

M. André Chassaigne. Ce n’est pas gratuit pour tout le monde.

Mme Isabelle Le Callennec. Je me souviens, monsieur Sapin, que, lors de votre audition, vous avez évoqué un endroit neutre et que vous avez insisté pour que ce service soit gratuit. Or la mission que l’on entend confier au conseil en évolution professionnelle correspond exactement à ce qui est fait au sein des maisons de l’emploi qui fonctionnent bien. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas accepter un amendement visant à inscrire dans le texte les maisons de l’emploi, quitte à préciser, pourquoi pas : « quand elles fonctionnent dans des bassins d’emploi. » C’est très important : le cahier des charges des maisons de l’emploi vise précisément ces objectifs.

Mme Catherine Coutelle. Mais les maisons de l’emploi figurent de fait dans le texte !

Mme Isabelle Le Callennec. Mieux vaut l’inscrire noir sur blanc.

Mme la présidente. Madame Le Callenec, votre amendement n° 15 est tombé parce qu’il visait à compléter l’alinéa 6 dont l’amendement n° 4456, adopté, venait de récrire la fin.

Mme Isabelle Le Callennec. Je comprends.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 14 ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable pour les mêmes raisons que tout à l’heure lorsque nous avons longuement débattu de l’amendement n° 5380 de MM Vercamer et Richard.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Chacun est prêt à rendre hommage aux maisons de l’emploi, y compris à celle aux activités de laquelle vous pouvez éventuellement participer compte tenu de vos responsabilités. Reste que, comme ce ne sont pas les seuls établissements concernés, on ne va pas citer un dispositif parmi beaucoup d’autres. Ces dispositifs, d’une manière générale, devront travailler ensemble. Par conséquent, ne pas mentionner les maisons de l’emploi ne revient pas à les mépriser mais consiste à ne pas créer de hiérarchie entre tel et tel dispositif. C’est l’ensemble des dispositifs qui est concerné et quand certains fonctionnent très bien, vous en avez cité, ce sont évidemment ceux-ci qui seront choisis. Il faut tenir compte de la variété des dispositifs sur le territoire. Respectons cette diversité.

(L’amendement n° 14 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 3166.

M. Gérard Cherpion. Il s’agit de compléter l’alinéa 9 par les mots : « dans les conditions définies par accord collectif ». Je défends par la même occasion l’amendement n° 3177 qui porte sur l’alinéa 10.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il semble que du fait de l’adoption d’un précédent amendement l’alinéa 10 n’existe plus. Par conséquent, madame la présidente, l’amendement n° 3177 est tombé.

Quant à l’amendement n° 3166, nous allons préciser les conditions d’application du conseil en évolution professionnelle ; aussi, monsieur le député, je vous propose de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je n’ai pas entendu, tout à l’heure, la même réponse de la part du rapporteur et de la part du ministre concernant l’alinéa 10. Quand je vous écoute, monsieur le rapporteur, je crois comprendre que le compte personnel de formation n’aura pas vocation à financer le conseil en évolution professionnelle. Quand j’écoute M. le ministre, j’ai en revanche le sentiment que le compte personnel de formation sera bien susceptible d’être utilisé pour le conseil en évolution professionnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je vais être très clair : l’accord lui-même le prévoyait.

M. Francis Vercamer. Tout à fait !

M. Michel Sapin, ministre. En revanche, soyons transparents vis-à-vis des partenaires sociaux : nous considérons qu’ils doivent pouvoir parler de tout au cours de la négociation. C’est la difficulté de l’articulation entre ce texte, que nous voulons le plus précis possible, et la liberté qu’il faut laisser aux partenaires sociaux de discuter de la mise en œuvre du compte personnel de formation.

Voilà la raison de cette contradiction que votre perspicacité a permis de dévoiler mais dont les fondements sont parfaitement clairs.

M. Francis Vercamer. Il s’agit d’une liberté éclatée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Puisque nous plaidons pour une totale transparence, sachez que je suis très attaché à la gratuité de ce service public. Il ne faut donc pas que le compte personnel de formation serve à financer le conseil en évolution professionnelle. Il est vrai que, à la lettre, l’ANI peut laisser apparaître des ambiguïtés. Ce que nous recherchons, c’est plutôt une articulation, et nous avons adopté un amendement en ce sens, entre le compte personnel et le service public de l’orientation.

Par ailleurs, le texte prévoit d’inclure l’accès aux offres d’emploi. Adopter un alinéa général permettant au compte personnel de formation d’accéder à Pôle emploi reviendrait à donner un signal négatif. Il faut clarifier sans doute ce point ; reste que, pour ma part, j’y insiste, je suis très attaché à la gratuité.

M. André Chassaigne. Un bon décret permettra de clarifier tout cela !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Si, comme l’indique la réponse du rapporteur, l’accord collectif est prévu dans la définition, je retire mon amendement sous réserve d’une réelle application du dispositif.

(L’amendement n° 3166 est retiré.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3177 tombant du fait de la suppression de l’alinéa 10, nous passons à une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 4303.

M. Marc Dolez. Cet amendement vise à préciser l’articulation entre le texte et les travaux du comité national de la formation professionnelle tout au long de la vie. Le ministre nous a apporté un certain nombre de précisions : le rapport dudit comité a été adressé à la commission des affaires sociales qui a pu en tenir compte au cours de ses travaux. Je ne suis pas membre de cette commission, mais je ne suis pas sûr qu’elle ait vraiment pu débattre de ce rapport et de ses conclusions.

C’est pourquoi, pour assurer cette articulation que nous jugeons nécessaire, nous proposons que les modalités du compte personnel de formation soient définies par décret après avis du comité national de la formation professionnelle tout au long de la vie, et que ce décret vise les conclusions du comité national.

Mme la présidente. Sur ces amendements identiques, je suis saisie par le groupe GDR d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 4310.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

Mme la présidente. En est-il de même pour l’amendement n° 4311, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. À la suite de la conclusion des travaux du CNFPTLV, j’ai procédé en votre nom, à l’audition de son secrétaire général – et de la secrétaire générale qui lui a succédé –, puis de sa présidente qui nous a présenté les conclusions du rapport du comité. Votre groupe, comme les autres, a été invité à cette audition. C’est au vu de ce rapport que nous avons procédé aux adaptations législatives nécessaires.

Vous présentez par ailleurs plusieurs amendements visant à aller plus vite en matière de droits nouveaux pour les salariés. Ces amendements identiques, en tout cas, me semblent aller à l’encontre des objectifs que vous poursuivez. Je vous suggère donc de les retirer au profit des dispositions que nous venons d’adopter et de celles que nous allons examiner dans les cinq prochains amendements à l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Dolez ?

M. Marc Dolez. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je suis surpris par ces amendements identiques : ils semblent signifier qu’il reviendrait au Gouvernement de tout décider alors que les partenaires sociaux, qu’ils soient ou non signataires, sont demandeurs pour poursuivre la négociation sur ces questions.

D’autre part vous demandez que les modalités du compte personnel de formation soient définies par un décret du Gouvernement « après avis du comité national de la formation professionnelle tout au long de la vie ». Je ne peux m’empêcher de vous rappeller que c’est la fonction dudit comité de rendre des avis à chaque fois que le membre du Gouvernement chargé de la formation professionnelle prend un décret. Cela va donc de soi.

M. Marc Dolez. Il vaut mieux bien préciser les choses !

M. Jean-Patrick Gille. Je vous prête une intention qui n’est pas mauvaise, d’ailleurs, qui est celle d’aller plus loin, et d’insister sur la nécessité d’une vraie prise en considération de l’avis du CNFPTLV.

M. Marc Dolez. C’est exactement ce que j’ai dit !

M. Jean-Patrick Gille. Là aussi, je suis obligé de vous faire remarquer que le travail est déjà fait, puisqu’il y a eu un rapport d’étape et que le rapport définitif a été rendu il y a une quinzaine de jours à l’occasion d’une réunion en présence de Thierry Repentin, deux jours avant qu’il ne devienne ministre délégué aux affaires européennes. Cette réunion s’était plutôt bien passée. J’ai donc du mal à comprendre le sens de ces amendements identiques.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 4303, 4310 et 4311.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 64

Nombre de suffrages exprimés 64

Majorité absolue 33

(Les amendements identiques nos 4303, 4310 et 4311 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4852 et 4954.

La parole est à Mme Monique Iborra, pour soutenir l’amendement n° 4954.

Mme Monique Iborra. Nous avons besoin d’être opérationnels rapidement, même si un certain nombre de dispositions ont été précisées. L’amendement vise à engager la concertation entre l’État, les régions et les partenaires sociaux avant le 1er juillet. Il serait important que l’on sache très précisément, à cette date, les compétences attribuées aux régions dans la loi de décentralisation, de manière à ce que la concertation s’appuie sur des bases solides et inscrites dans la loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n° 4852, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5561 de M. Vercamer.

M. Jean-Marc Germain rapporteur. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir le sous-amendement n° 5561.

M. Francis Vercamer. Je souhaite que la concertation entre l’État, les régions et les organisations syndicales s’attache aussi aux conditions de coordination et d’intégration des deux structures décentralisées ou déconcentrées que sont le Comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle, le CCREFP, et le Comité régional pour l’emploi, ou CRE. J’avais déposé un amendement en ce sens, qui n’a pas passé l’article 40 ; c’est pourquoi j’en ai fait un sous-amendement, et celui-ci, curieusement, est passé. L’idée est de simplifier les organismes de gouvernance de la formation en région, qui font double emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission n’a pas examiné le sous-amendement, pour les raisons évoquées par M. Vercamer. Sur le fond, il faut évidemment rationaliser les choses, et ce sera l’objet de la loi de décentralisation. J’observe simplement que ces comités ne sont pas des guichets d’accueil.

Mme Monique Iborra. Bien sûr que non !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Vous souhaiteriez qu’ils constituent un « guichet unique » de la formation professionnelle, mais il s’agit d’instances de gouvernance politique, au niveau local, de la formation professionnelle. Pour cette raison, et pour son caractère un peu superfétatoire, j’émets un avis défavorable sur votre sous-amendement.

J’en profite pour défendre mon amendement, qui est identique à celui de Mme Iborra et des commissaires socialistes : il s’agit de définir un calendrier très précis et très serré et de faire en sorte que la concertation tripartite ou quadripartite ait lieu très prochainement. Elle débouchera sur la publication d’un rapport au mois de septembre, qui devra ensuite faire l’objet d’adaptations légales ou conventionnelles. J’ai compris que celles-ci ne pourront pas être opérationnelles au 31 décembre 2014, mais qu’elles le seront vraisemblablement avant le 1er mars 2015. C’est la raison pour laquelle j’émettrai également, tout à l’heure, un avis favorable sur le sous-amendement du Gouvernement, qui donne des précisions à ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 5561 et sur les amendements identiques du rapporteur et de Mme Iborra ?

M. Michel Sapin, ministre. Je suis favorable aux deux amendements identiques. M. Vercamer voudrait les compléter par un sous-amendement qui engage l’éventuelle fusion…

M. Francis Vercamer. Le rapprochement…

M. Michel Sapin, ministre. …ou le rapprochement du fameux CCREFP et du plus simple CRE. Cette préoccupation est à ce point partagée par le Gouvernement qu’elle a été inscrite dans l’avant-projet – appelons-le ainsi – de la loi de décentralisation : nous allons les remplacer par une entité unique, dont nous fixerons en même temps les modalités de fonctionnement.

Il y a dans votre proposition, sans vouloir être désobligeant, un risque d’« à peu près », alors que nous devons être très concrets. Je suis, à ce stade, défavorable à ce sous-amendement, car il anticipe par trop sur le calendrier de l’action gouvernementale. Je préférerais que cette question soit tranchée le moment venu, lorsque nous parlerons de la clarification des compétences et de la clarification de l’exercice de ces compétences – nous aurons à en débattre et je serai présent au banc du Gouvernement pour m’exprimer là-dessus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je voudrais seulement une précision.

S’il s’agit bien de réunir les financeurs des dispositifs qui ont vocation à alimenter financièrement le compte personnel de formation, je me demande s’il ne manque pas, autour de la table, un acteur qui finance de la formation – pour les demandeurs d’emploi, certes, mais il s’agit bien de formation – et qui peut apporter un éclairage extrêmement intéressant dans les débats qui entoureront ce compte personnel de formation : je veux parler de Pôle Emploi.

Je voulais savoir si vous aviez envisagé d’associer Pôle Emploi à votre projet, d’une manière ou d’une autre – nous avons d’ailleurs auditionné M. Bassères dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. Sommes-nous bien d’accord sur le fait que Pôle Emploi ne sera pas amené à financer le compte personnel de formation, mais seulement la formation des personnes qui ont le statut de demandeurs d’emploi, et que c’est pour cette raison qu’il ne figure pas au nombre des acteurs de la concertation ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je suis naturellement favorable aux amendements de Monique Iborra et de M. le rapporteur. En revanche, le sous-amendement de M. Vercamer me surprend un peu.

Je suis d’accord sur le principe : depuis que le CRE a été créé, on se plaint qu’il ne serve à rien, et de fait il ne sert pas à grand-chose. Depuis sa mise en place, par la loi de 2009, on parle de le fusionner avec le CCREFP ; je pense d’ailleurs qu’il faut donner l’avantage au CCREFP, qui a une vraie existence. Mais cela relève de la loi de décentralisation ; dans les projets que nous avons déjà examinés est même apparu un CCREOFP, qui introduit la question de l’orientation. Je suis surpris, par ailleurs, que M. Vercamer, qui est un spécialiste de ces questions, parle de « guichet unique ».

Mme Monique Iborra. Malheureusement.

M. Jean-Patrick Gille. Il ne s’agit pas d’un guichet unique, mais d’une instance de concertation au niveau régional.

Une question qui va néanmoins se poser – mais je crois qu’on ne réglera pas tout ce soir – est de savoir si l’on introduira aussi dans ces instances les opérateurs que sont Pôle Emploi, les missions locales et les maisons de l’emploi. Le problème posé par le sous-amendement mérite d’être traité, mais je crois que ce n’est vraiment pas le moment.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je comprends bien la volonté des auteurs de l’amendement d’accélérer les négociations sur le financement de cette formation, mais il y a tout de même un problème, que vient d’exposer M. le ministre. Il explique à M. Vercamer qu’il faut attendre l’acte III de la décentralisation pour clarifier les compétences, mais il indique en même temps qu’il faudra agir sur ce sujet avant le 1er juillet 2013. Or le texte qui devrait traiter de la décentralisation en matière de formation et de clarification ne devrait arriver, lui, qu’à l’automne : je trouve qu’il y a ici un problème de cohérence.

Mme la présidente. Souhaitez-vous retirer votre sous-amendement, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. Non, je ne retire pas mon sous-amendement. Je voulais seulement rappeler que votre amendement parle d’une concertation entre les partenaires : il n’évoque pas la création de quoi que ce soit. Je demande que, dans le cadre de cette concertation, on puisse parler du rapprochement de ces deux structures ; je ne demande pas pour l’instant de les fusionner. Votre amendement, je vous le rappelle, porte seulement sur l’organisation d’une concertation.

Si l’on veut pouvoir prendre des décisions dans la loi de décentralisation, je pense qu’il est bon d’organiser une concertation en amont. Je vous rappelle qu’il existe une loi sur le dialogue social préalable : on est en plein dedans.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je veux dire combien nous trouvons importants ces amendements relatifs au calendrier. Depuis le début, on se voit gentiment reprocher par certains de toujours parler au futur des avancées sociales des salariés, alors que d’autres mesures, et notamment celles relatives à la flexibilité, seraient adoptées immédiatement. Avec cet amendement, nous montrons que nous allons mettre en œuvre sans tarder le compte personnel de formation. C’était un enjeu important de pouvoir le dater et c’est pour cela que nous soutenons largement cet amendement.

Pour répondre à notre collègue Nicolas Sansu, l’acte III de la décentralisation n’apportera que des améliorations. Le projet de loi prévoit, même s’il est saucissonné pour l’instant, la possibilité de faire des plans et d’organiser des concertations à l’échelon régional, avec un rôle important donné aux régions. Cela ne peut qu’améliorer les choses, et les deux ne sont pas à opposer, bien au contraire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je trouve ces amendements utiles, je l’ai déjà dit, et chacun aura remarqué qu’ils cadrent parfaitement avec le calendrier que je vous ai annoncé dans l’intervention que j’ai faite au début de la discussion sur l’article 2.

Cette concertation, qui n’est pas une négociation, chacun le voit bien, et qui permettra d’associer les partenaires sociaux, l’État et les régions, est nécessaire pour mettre en œuvre un certain nombre de projets ; elle est même nécessaire pour permettre aux partenaires sociaux d’avoir, dans un deuxième temps, une négociation au sens strict du terme, en connaissance de cause. Les dates, donc, correspondent très bien.

J’ai déjà répondu à M. Vercamer, mais j’y reviens : je pense qu’il est utile, non seulement de fusionner les structures existantes, mais de les supprimer pour créer un organisme unique. Il n’y a pas besoin de concertation en ce domaine, croyez-moi. J’ai posé la question à tout le monde, et le ministre délégué qui, à l’époque, était plus particulièrement chargé de la formation professionnelle, a fait de même : tout le monde est d’accord, il y a une unanimité absolue sur ce sujet.

Donc cela se fera : il n’y a même pas besoin de concertation sur ce point. Ce que nous avons inscrit dans le futur projet de loi, c’est ce que tout le monde réclame. Il peut y avoir un débat sur ce que l’on mettra à la place, ou sur la manière dont cela fonctionnera. Pour ma part, je serais très favorable à ce que les partenaires sociaux soient associés à l’ensemble du mécanisme. Mais sur ce point, je le répète, il n’y a pas besoin de concertation : c’est clair, c’est net, c’est déjà derrière nous.

Mme Le Calennec, enfin, a exprimé une préoccupation s’agissant de Pôle Emploi. Pôle Emploi, vous le savez bien, est un opérateur de l’État, et pas une entité en soi. Par conséquent, quand l’État est présent, Pôle Emploi est présent ; quand je vous parle, je parle aussi au nom de Pôle Emploi, car celui-ci est un opérateur, et non pas une personnalité juridique ayant le même statut que l’État, les régions ou les partenaires sociaux.

(Le sous-amendement n° 5561 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 4852 et 4954 sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques nos 4957, 5156 et 5422.

La parole est à Mme Monique Iborra, pour soutenir l’amendement n° 4957.

Mme Monique Iborra. Cet amendement suit exactement la même logique. Il propose de fixer un terme pour la mise en œuvre du compte personnel de formation par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, pour le faire entrer le plus rapidement possible dans les faits – en l’occurrence, nous proposons comme limite la date du 1er janvier 2014.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 5156.

M. Christophe Cavard. Nous souhaitons que le compte personnel de formation soit en activité le plus vite possible : il est donc normal que nous défendions la logique des amendements que nous avons votés ensemble précédemment.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n° 5422, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5563 du Gouvernement.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai fait allusion à ce sous-amendement quand j’ai évoqué le calendrier. Pour respecter le calendrier que vous appelez de vos vœux, et que le Gouvernement se sent capable de mettre en œuvre, dans le respect de la négociation nécessaire avec les partenaires sociaux, il convient de modifier l’une des dates qui est inscrite dans cette proposition d’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le ministre, je comprends votre souci de réalisme ; en même temps, vous avez compris que la représentation nationale est très attachée à ce compte personnel de formation, qui est une innovation majeure, peut-être la plus importante de ce texte pour les salariés, pour les entreprises et pour notre pays. Je comprends que les « adaptations nécessaires des dispositions conventionnelles en vigueur » seront faites par les partenaires sociaux avant la fin de l’année. En fait, on va se retrouver un peu avec le même calendrier – avec un an de décalage – que celui des contrats de génération : les choses seront opérationnelles vers début mars. Nous serons en retard de deux mois par rapport à ce que je souhaitais, mais le calendrier retenu permettra de faire tout ce qui doit être fait, la concertation tripartite comme la loi de décentralisation, et de parvenir à ce que toutes les pièces du dispositif s’emboîtent de manière intelligente et rapide.

La commission est donc favorable au sous-amendement n° 5563 du Gouvernement.

(Le sous-amendement n° 5563 est adopté.)

(Les amendements identiques nos 4957, 5156 et 5422, sous-amendés, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 985.

Mme Jacqueline Fraysse. L’examen de notre projet de loi doit permettre de clarifier l’article L.6315-2 du code du travail.

En effet, celui-ci traite de la question du « passeport orientation et formation » dont peut disposer chaque salarié. L’article précise le contenu de ce passeport qui traite des diplômes, certifications, formations, habilitations et autres bilans de compétences de la personne concernée.

Il dispose, dans la deuxième phrase du second alinéa, que « l’employeur ne peut exiger du salarié qui répond à une offre d’embauche qu’il lui présente son passeport orientation et formation. »

« Est illicite le fait de refuser l’embauche d’un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter son passeport orientation et formation. »

Toutefois, aucune sanction n’est prévue pour une infraction à cette règle. Nous vous proposons donc, au moyen de cet amendement qui récrit l’avant dernier alinéa de l’article L.6315-2, de préciser que le refus d’embauche en cas de non-présentation de ce passeport constitue une discrimination au sens de l’article L.1132-1 du même code, ce qui signifie qu’elle peut faire l’objet d’une action en justice et donner lieu au versement de dommages et intérêts.

En effet, cet article précisant les cas de discrimination se trouve déjà en lien avec la formation professionnelle, ce qui en assure toute la pertinence et la cohérence. Nous pensons donc qu’en adoptant cet amendement, nous protégerons au mieux les intérêts des salariés, ce qui est notre rôle, et vous invitons donc à le voter.

M. Marc Dolez. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 986.

M. Marc Dolez. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 993.

M. Nicolas Sansu. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 994.

M. André Chassaigne. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Madame la présidente, j’aimerais entendre les explications de M. le ministre. En tout état de cause, il me semble que prévoir des sanctions concernant l’absence de présentation d’un passeport qui n’a jamais été mis en œuvre peut constituer un exercice intellectuel intéressant, mais présente peu d’intérêt sur le plan pratique – même si je comprends votre préoccupation, madame la députée.

M. Jean-Patrick Gille. C’est vrai !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je comprends, moi aussi, la préoccupation pour l’avenir – lorsque l’outil existera – qu’expriment ces amendements, et ne conteste pas la nécessité de lutter contre ce qui pourrait constituer une discrimination. Cependant, la réglementation actuelle considère déjà comme illicite le refus de l’embauche d’un salarié en raison du refus ou de l’impossibilité de présenter son passeport orientation et formation.

Afin de renforcer la réglementation sur ce point, vous placez le refus d’embauche en raison de la non présentation du passeport orientation et formation au même niveau que d’autres discriminations qui me paraissent autrement plus graves, à savoir celles fondées sur l’origine, l’âge ou le sexe, ce qui ne me paraît pas opportun. Il faut en effet éviter de banaliser les discriminations gravissimes basées sur les motifs que je viens d’évoquer en les plaçant au même niveau que d’autres discriminations qui, pour être condamnables, ne sont toutefois pas aussi graves.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. J’abonde plutôt dans le sens du rapporteur, et j’aimerais avoir la garantie du ministre et du Gouvernement quant au fait que le décret d’application sera effectivement pris. De même, comme je l’ai déjà dit au sujet du bilan d’évaluation professionnelle, je pense qu’il serait bon de pouvoir disposer d’une évaluation des dispositifs créés par la loi de 2009, en particulier de leur articulation avec le conseil en évolution professionnelle. Une telle évaluation permettrait de déterminer si les dispositifs actuellement en vigueur ne nécessitent pas d’être retravaillés.

Il ne suffit pas d’inventer tous les deux ou trois ans un nouveau dispositif de conseil, d’accompagnement et d’orientation : encore faut-il suivre sa mise en œuvre et ses effets. Je suggère donc que nous profitions des concertations qui vont avoir lieu dans les mois à venir pour remettre tout cela en ordre. Pour en revenir à l’amendement qui nous occupe, il est plein de bon sens, mais je me demande tout de même s’il porte sur quelque chose qui existe vraiment ou sur une chimère.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Notre amendement ne porte pas sur une chimère. Le texte affirme un certain nombre de choses mais, si ses dispositions ne sont pas appliquées, aucune sanction n’existe. Nous souhaitons donc corriger ce qui nous apparaît comme une insuffisance.

M. le ministre nous dit, et je veux bien lui en donner acte, que le terme « discrimination » n’est peut-être pas approprié, en ce qu’il met celle que nous dénonçons sur le même plan que d’autres, gravissimes, fondées sur l’origine ou le sexe. Cependant, je souhaite que nous profitions des prochains travaux sur ce texte pour corriger l’absence de sanction qui, en l’état, permet de passer outre la loi.

Notre amendement n’a rien d’une chimère, je le répète. Pour le moment, je le maintiens, en souhaitant que nous approfondissions notre réflexion lors des prochaines lectures, éventuellement en vue d’une meilleure rédaction.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Au nom de la commission, et compte tenu de toutes les explications qui ont été données, je m’en remets à la sagesse du ministre.

Il est important que le refus d’embauche visé par cet amendement soit illicite…

M. Michel Sapin, ministre. C’est le cas !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. …et, de ce point de vue, l’article L.6315-2 du code du travail est explicite. Les sanctions restent effectivement à préciser et, si la discrimination n’est pas la bonne voie, il faudra en trouver une autre.

M. Marc Dolez. Oui, il faut une sanction !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. En effet, définir des règles de droit sans prévoir de sanctions dans le cas où elles ne sont pas respectées n’a pas de sens – de ce point de vue, je pense qu’en vertu des principes généraux du droit, il y a toujours des sanctions. Nous devrons vérifier cela, et déterminer si les sanctions existantes sont adaptées ou nécessitent d’être renforcées, comme cet amendement propose de le faire ou d’une autre façon.

M. Marc Dolez. Il n’y a qu’à voter l’amendement, nous verrons bien après !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. M. le ministre a raison de souligner que toutes les discriminations ne doivent pas être placées sur le même plan, sous peine d’affaiblir la portée des plus graves d’entre elles.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Adopter une disposition sans faire en sorte qu’elle soit respectée par la suite serait vain, j’en conviens. En ce sens, je comprends tout à fait la préoccupation des auteurs de l’amendement. Je rappelle que, dans cet épais petit livre rouge qu’est le code du travail, il est écrit : « L’employeur ne peut exiger du salarié qui répond à une offre d’embauche qu’il lui présente son passeport orientation et formation. Est illicite le fait de refuser l’embauche d’un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter son passeport orientation et formation ». Bref, le caractère illicite figure déjà dans la loi.

Par ailleurs, même si je n’ai pas la possibilité de vous en apporter la preuve immédiatement, car cela nécessite quelques recherches, je suis persuadé qu’il existe quelque part une disposition portant sur cet aspect du code du travail et prévoyant au moins une contravention pour la sanctionner. Cette disposition est peu visible, car elle est sans doute contenue dans une disposition balai prévoyant de sanctionner telle et telle attitude contraire à la loi, mais je la trouverai et vous la ferai connaître.

En tout état de cause, je maintiens qu’il n’est pas opportun de placer la sanction que vous proposez au même niveau que celles prévues pour les discriminations les plus graves.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous prenons acte des remarques qui ont été faites, et sommes disposés à modifier notre proposition à l’occasion de la deuxième lecture du texte. En l’état actuel, nous maintenons notre amendement.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places afin qu’il soit procédé au scrutin public sur les amendements identiques. Je rappelle que la commission a déclaré s’en remettre à l’avis du ministre, qui a lui-même…

M. Michel Sapin, ministre. Fait savoir qu’il était contre !

M. Nicolas Sansu. En principe, la sagesse du ministre signifie qu’il est favorable !

M. Michel Sapin, ministre. Je suis contre !

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 985, 986, 993 et 994.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 62

Nombre de suffrages exprimés 60

Majorité absolue 31

(Les amendements nos 985, 986, 993 et 994 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 5420.

M. Francis Vercamer. L’amendement n° 5420 vise à remédier à un phénomène constaté par la Cour des comptes dans son rapport de janvier 2013, à savoir le fait que les contrats de professionnalisation demeurent insuffisamment orientés vers les moins qualifiés. La Cour préconise que les conventions d’objectifs et de moyens passées entre l’État et les organismes paritaires agréés – les OPCA – qui financent ces contrats, puissent comporter des dispositions par lesquels les OPCA s’engagent à cibler ces contrats vers les publics les moins formés, c’est-à-dire ceux qui en ont le plus besoin, dans le cadre des contrats de professionnalisation. C’est ce vers quoi tend le présent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans le cadre de la discussion générale, je me réjouis toujours de la rédaction d’une nouvelle page du code du travail, chaque disposition prévue par ce code constituant une protection supplémentaire pour les salariés – or, c’est mon combat politique.

Nous partageons tous l’objectif fondamental que vous poursuivez au moyen de votre amendement, monsieur Vercamer. Cependant, je rappelle qu’il est ici question d’une convention tripartite signée entre les OPCA et l’État. L’État ayant été éclairé par nos débats, je crois que nous pouvons nous dispenser d’ajouter cette page au code du travail.

M. Francis Vercamer. C’est le fameux choc de simplification !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis : je suis pour l’économie de papier et la protection des arbres ! (Sourires.)

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. Je le maintiens, madame la présidente. Le rapport de la Cour des comptes a nécessité l’abattage d’un grand nombre d’arbres, et ce n’est pas l’adoption de notre amendement qui aggravera beaucoup les choses de ce point de vue. Évitons donc au moins que les arbres abattus pour l’impression du rapport de la Cour des comptes l’aient été en vain.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je ne soutiendrai pas l’amendement de M. Vercamer car, comme l’a dit M. le rapporteur, ce n’est pas tout à fait le lieu ni le moment pour adopter cette disposition.

Je souhaite tout de même attirer l’attention du ministre sur les difficultés rencontrées actuellement par le contrat de professionnalisation, qui peine à atteindre le public auquel il est destiné. Il convient de défendre ce dispositif, tellement mal en point que des responsables et des entreprises commencent à se demander s’il n’y a pas une volonté de le faire disparaître. Je ne pense pas que ce soit le cas – je l’espère, en tout cas –, car il est important qu’il y ait deux types de contrats d’alternance, l’un de formation initiale – le contrat d’apprentissage – et l’autre de formation continue, tout au long de la vie, dont nous parlons depuis le début de cette séance – le contrat de professionnalisation. Au cours des derniers mois, ce contrat a connu une évolution défavorable. Il ne faut donc pas négliger ce sujet. À titre tout à fait personnel, je serais même favorable à ce que l’on engage une réflexion avec les partenaires sociaux sur l’élargissement du public bénéficiaire de ces contrats.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Compte tenu de la nécessité d’attirer l’attention sur les contrats de professionnalisation, actuellement difficiles à mettre en œuvre, je soutiens cet amendement, qui a pour objet d’ouvrir ces contrats à des publics moins qualifiés. Cela va dans le sens d’une aide inversement proportionnelle au niveau de qualification.

(L’amendement n° 5420, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, je demande une suspension de séance pour que notre groupe puisse prendre une décision réfléchie quant à la nature de son vote sur l’article 2.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Sans vouloir allonger les débats, comme le font certains (Sourires.), je veux dire qu’après s’être concertés, les députés du Front de gauche ont pris acte des avancées qui ont été obtenues sur ce texte grâce à un certain nombre d’amendements.

Cela étant dit, sans vouloir dresser un quelconque procès d’intention, force est de reconnaître que la question déterminante du financement n’a pas été réglée. J’ai le souvenir d’échanges que nous avons eus sur ces bancs lors de la précédente législature : chaque fois qu’un texte était examiné et qu’un tel problème de financement demeurait en suspens, nous nous élevions tous contre cela en disant que ce n’était pas une solution acceptable.

En conséquence, alors que nous avions demandé dans un premier temps la suppression de cet article, nous avons finalement décidé de nous abstenir, en raison des avancées obtenues au cours de la discussion.

Mme la présidente. La parole est à M. Vercamer pour des explications de vote au nom du groupe UDI.

M. Vercamer. Le groupe UDI a constaté que le Gouvernement et le rapporteur ont pris quelques libertés avec l’ANI, allant jusqu’à le modifier assez largement, s’agissant par exemple de l’interdiction du financement par le compte personnel du conseil en évolution professionnelle.

Je constate également que le Gouvernement a ouvert le jeu, en acceptant un certain nombre d’amendements du groupe GDR, comme M. Chassaigne vient de l’indiquer. Je regrette toutefois qu’il n’ait adopté cette position d’ouverture que dans un sens : les amendements que nous avons proposés, portant sur des dispositions qui ne résultaient pas de l’ANI, ont été repoussés, tandis que ceux de nos collègues communistes ont été acceptés.

Néanmoins, le groupe UDI, considérant que cet article est important, car il ouvre des droits aux salariés et permet de véritables avancées, votera cet article, tout en demandant au Gouvernement et au rapporteur d’assurer un traitement équitable des amendements émanant des deux parties de cet hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe UMP.

M. Gérard Cherpion. Nous avons eu un débat très intéressant sur des sujets primordiaux. Nous avons également remarqué que le contenu de certains amendements est bien éloigné du texte initial du projet de loi comme de l’ANI ; certains n’ont d’ailleurs aucun rapport avec ce dernier.

M. Jérôme Guedj. On fait la loi, ici !

M. Gérard Cherpion. L’article 2 demeure une boîte vide, à un double titre : il ne contient pour l’heure que le DIF et, comme l’a relevé M. Chassaigne, son financement est loin d’être défini.

Le rapporteur – qui, je tiens à le préciser, effectue un excellent travail – a affirmé : « on veut ajouter des pages au code du travail », pour le simple motif, semble-t-il, que sa formation politique appartient à la gauche. Nous recherchons, quant à nous, l’efficacité et la simplification, grâce à des dispositifs opérationnels. Cela nous différencie sur le fond, sans qu’il s’agisse, monsieur le rapporteur, d’un clivage politique.

Tout en regrettant que l’ouverture n’ait pas profité à des amendements qui auraient mérité un sort meilleur que celui que vous leur avez réservé, nous voterons cet article qui nous paraît aller dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Comme cela a été dit, cet article concerne un sujet majeur. Nous améliorons le texte au fil de nos débats, ainsi que l’a rappelé mon camarade Chassaigne, et je pense que c’est de bon augure pour la suite de la discussion.

M. Marc Dolez. Un article à la fois !

M. Christophe Cavard. Il a été rappelé que le compte personnel de formation peut servir à un choix personnel, dans le cadre d’une évolution mais également d’une réorientation professionnelle. Pour faire écho au débat qui a eu lieu tout à l’heure, je veux dire à Jean-Patrick Gille que la progression professionnelle peut aussi se traduire par l’acquisition de nouveaux savoir-faire permettant, éventuellement, l’intégration dans de nouvelles filières. Le groupe écologiste est attentif à cette question comme il l’est, plus généralement, aux transformations du paysage économique.

Par ailleurs – nous y tenions – la base minimum du compte personnel de formation sera de 120 heures mais, au vu des amendements votés et des accords qui pourraient résulter des concertations menées dans les territoires, en particulier dans les régions, il n’est pas exclu que l’on ait une bonne surprise et que ce crédit puisse augmenter.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe écologiste votera évidemment cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe SRC.

M. Jean-Patrick Gille. Nous voterons également, bien évidemment, l’article 2, qui aura des conséquences importantes sur la formation professionnelle. Vous le savez, cette dernière s’est réorganisée depuis quelques années sous l’impulsion, en particulier, des partenaires sociaux.

On a beaucoup parlé de démocratie sociale et de démocratie représentative. Or, dans le domaine de la formation professionnelle, avant même l’application de la loi Larcher, il était de tradition que la négociation collective précède le travail législatif.

Cet article permettra la mise en œuvre de deux grands principes. En premier lieu, la progression du niveau de qualification, figurant dans la loi de 2009, va se trouver consacrée puisque chaque personne sera dotée d’un compte personnel de formation.

Le deuxième principe, qui ne figurait pas dans l’ANI du 11 janvier 2013, est l’introduction du droit à la formation initiale différée, sur lequel nous avons débattu cet après-midi. Une fois encore, ce droit avait été introduit dans l’article 8 du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et constituait un des objectifs fixés par l’accord national interprofessionnel de 2003, voilà déjà dix ans. C’est donc un moment important.

Nous avons aussi fait un geste important en votant l’amendement du groupe GDR qui visait à introduire avant le premier article de la sixième partie du code du travail, relative à la formation professionnelle, un alinéa qui en précisait les finalités.

Contrairement à ce qu’ont affirmé nos collègues, et qui me surprend un peu, il n’y a pas eu de modification par rapport à ce qui était inscrit dans l’ANI. Je pense qu’ils ont voulu dire que certains amendements apportaient des éléments complémentaires qui n’étaient pas traités dans l’accord, mais quant à son respect, nous n’avons pas bougé d’un iota.

Nous avons donc accompli un bon travail qui laisse place à la concertation tout en fixant des limites temporelles : la feuille de route du Gouvernement prévoit un démarrage rapide et un aboutissement sous la forme d’un projet de loi sur la formation professionnelle à la fin de l’année.

Enfin, pour les tenants de la formation professionnelle, et même si le débat a été un peu compliqué, il était également important de réintroduire la notion de promotion sociale en lien avec la formation professionnelle.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de l’article 2.

Mme Jacqueline Fraysse. Le groupe GDR s’abstient.

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Après l’article 2

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements après l’article 2.

Sur les amendements identiques nos 1402, 1403, 1410 et 1411, j’ai été saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1402.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous avons amendé l’article 2 pour introduire les actions de formation professionnelle des personnes en situation de handicap. Avec le présent amendement, nous vous proposons de préciser cette volonté dans le code de l’éducation par ces mots : « Ce plan comporte un volet concernant les actions de formation professionnelle des personnes handicapées, élaboré en lien avec les politiques concertées visées à l’article L. 5211-2 du code du travail. »

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 1403.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 1410.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 1411.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Mesdames, messieurs les députés du groupe GDR, l’amendement que nous avons adopté sur votre initiative couvre le champ des présents amendements, puisqu’il concerne les formations professionnelles qui sont mises en œuvre par les régions.

Par ailleurs, d’un point de vue technique, l’article du code de l’éducation auquel vous souhaitez apporter une modification sera complètement récrit dans le cadre de la loi de décentralisation. Je vous propose donc de retirer votre amendement, qui a été repoussé par la commission pour les raisons que je viens d’exposer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Le Conseil économique, social et environnemental vient de rendre public un rapport intitulé « Femmes et précarité » dans lequel sont rassemblées des informations très intéressantes, en particulier au sujet de l’insertion sur le marché du travail, qui intervient souvent plus tard chez les femmes que chez les hommes. Plus touchées par la précarité, moins facilement intégrées dans le monde du travail, les femmes ont aussi une formation plus faible.

Si cet amendement était approuvé ou repris dans un autre texte, il faudrait aussi attirer l’attention sur la nécessité de proposer des formations spécifiques renforcées aux femmes handicapées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai écouté attentivement les propos du rapporteur. Compte tenu de ses explications, nos amendements sont retirés.

(Les amendements nos 1402, 1403, 1410 et 1411 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 5413 rectifié.

M. Francis Vercamer. Cet amendement est très important, car il vise à défendre les stagiaires qui, malheureusement, sont souvent utilisés pour faire face à un surcroît de travail dans un certain nombre d’enseignes commerciales connues ou pendant les vacances sans nécessairement recevoir de formation. Nous souhaitons donc par cet amendement interdire le recours par les entreprises aux stages pour faire face ponctuellement à des surcroîts d’activité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons beaucoup débattu en commission de la question des stages, qui fait partie des sujets abordés par le texte. Celui-ci se fixe en effet comme objectif fondamental, outre la lutte contre les plans sociaux en favorisant des solutions de redéploiement, la lutte contre les emplois précaires. Il instaure notamment une nouvelle taxe sur les CDD au profit d’une exonération pour les CDI.

La question des stages me semble étroitement liée à cette disposition, puisque la taxation des CDD risque d’entraîner un recours accru aux stages abusifs. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un certain nombre d’amendements à ce sujet.

Cependant, monsieur Vercamer, il me semble que vous abordez le problème des stages par le mauvais bout. À cet égard, l’amendement n° 2847 rectifié de M. Morin, que ce dernier n’a pas pu défendre, me semblait, excusez-moi de vous le dire, plus efficace.

En effet, le problème que nous avons à régler est double.

Premièrement, les jeunes – nous recevons chaque semaine dans nos permanences des étudiants qui sont dans ce cas – ont beaucoup de difficulté à trouver les stages de sensibilisation ou de découverte de l’entreprise qui sont indispensables à leur formation. J’ai encore reçu la semaine dernière dans ma permanence un étudiant qui suit une formation à l’université avec cent autres jeunes ; à un mois du début de la période de stage, seuls dix-neuf d’entre eux avaient trouvé un stage de professionnalisation, les autres étant probablement victimes de discrimination.

Deuxièmement, l’autre abus concerne les étudiants diplômés qui se voient contraints de recourir aux stages avant de pouvoir accéder à un CDD puis à un CDI. C’est ainsi que dans notre pays les jeunes accèdent à leur premier CDI en moyenne à l’âge de vingt-neuf ans et pour un quart d’entre eux à plus de trente ans.

De mon point de vue, la bonne réponse n’est donc pas de limiter les possibilités de stage dans les entreprises, par exemple, comme vous le proposez, en excluant le recours à un stagiaire pour faire face aux surcroîts d’activité, car dans ce cas les étudiants qui peinent à trouver des stages verraient leurs difficultés s’accroître. Il faudrait plutôt mettre fin aux stages factices, aux formations proposées après un master et dont le seul objet est de permettre aux étudiants d’obtenir une convention de stage en contrepartie de leur inscription. C’est pourquoi je suis défavorable à vos amendements, et la commission m’a rejoint sur cet avis.

J’ai en revanche déposé trois amendements sur le sujet. Le premier, l’amendement n° 4115, vise à interdire le conventionnement d’un stage dès que le temps passé en stage est supérieur au temps passé sur les bancs de l’université, pour éviter que les formations proposées soient sans contenu réel. Le deuxième, l’amendement n° 4130, a pour objet la question des années de césure, et tend à remplacer les stages effectués durant ces périodes par des vrais contrats de travail. Je propose enfin dans mon troisième amendement n° 4181 que les stages abusifs soient assimilés à des contrats de travail illégaux. Je me suis sur ce dernier point inspiré d’un travail fait par le Gouvernement, notamment la ministre de l’enseignement supérieur.

À mes yeux, la vraie réponse doit figurer dans le code de l’éducation en raison du double effet que j’ai évoqué au début de mon propos. Avis défavorable, donc, sur l’amendement n° 5413 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5413 rectifié de M. Vercamer et sur les trois amendements que M. le rapporteur vient de nous présenter en son nom ?

M. Michel Sapin, ministre. Au sujet de l’amendement de M. Vercamer, je souscris aux remarques du rapporteur sur le plan technique, ce qui me conduit à donner un avis défavorable.

J’aimerais devant vous, à ce stade de nos débats, et compte tenu des amendements que vient de présenter le rapporteur, dire quelques mots sur cette question très importante des stages.

Deux types de problèmes se posent. D’abord, un certain nombre de jeunes qui ne peuvent mener leurs études dans de bonnes conditions qu’en suivant des stages n’en trouvent pas.

Mme Catherine Coutelle. Il faut avoir des réseaux pour cela !

M. Michel Sapin, ministre. Nous en connaissons tous un certain nombre. Là où les stages sont non seulement utiles, mais aussi nécessaires et obligatoires, il faut trouver des solutions.

Tel n’est pas le problème abordé par les amendements du rapporteur, qui renvoient au contraire au cas trop souvent répandu – chacun a des exemples de personnes rencontrées dans sa permanence de député ou de maire, ou même au sein de sa famille – de l’utilisation abusive des stages. Comme vient de l’expliquer le rapporteur, des jeunes restent stagiaires pendant des mois, parfois des années, ce statut étant utilisé abusivement en lieu et place de contrats à durée indéterminée, qui répondraient pourtant parfaitement aux besoins de l’entreprise. Il faut donc agir contre les situations anormales. C’est ce que vous demandez, monsieur le rapporteur, et les propositions que vous faites correspondent techniquement à la réflexion du Gouvernement, à laquelle vous avez d’ailleurs fait allusion puisque ces documents de travail sont accessibles.

Cependant, avec Geneviève Fioraso, nous avons lancé plusieurs pistes sur cette question : certaines concernent le code du travail, d’autres le code de l’éducation. La place des stagiaires dans l’entreprise doit être définie, les recours abusifs aux stages doivent eux-mêmes être définis et combattus, les stagiaires doivent être mieux protégés. Il faut réglementer la longueur des stages, encadrer les cursus universitaires – certaines formations universitaires permettent de légitimer des stages sans offrir de contenu réel. Il y a un ensemble considérable de sujets qui ont d’ailleurs été abordés lors du comité interministériel de la jeunesse et avec à la fois les organisations syndicales patronales et les organisations représentatives de la jeunesse, qui sont extrêmement demandeuses dans ce domaine.

Il me semble donc, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, que si nous voulons traiter tous les aspects du problème – ce n’est qu’à cette condition que nous parviendrons à éradiquer les situations anormales – il faut le faire par un texte global sur ce sujet. Nous y travaillons de manière très précise avec Geneviève Fioraso. Avant les vacances d’été, la réflexion sera suffisamment mûre pour élaborer un texte qui réponde ponctuellement mais globalement à tous les aspects qui doivent être abordés. Je souhaiterais donc que nous agissions de cette manière, quitte à ce que ce sujet soit traité dans une proposition de loi. L’Assemblée nationale pourrait parfaitement se saisir de la question des stages, comme elle peut d’ailleurs le faire pour tous les sujets. En tout état de cause, il me paraît préférable d’attendre d’avoir une vision globale du sujet pour en traiter tous les aspects et ainsi agir efficacement.

Telle est ma proposition. Je reconnais tout à fait la pertinence du sujet et celle des amendements qui viennent d’être présentés, mais d’autres aspects doivent être traités dans le même temps, et seule une vision globale nous permettra d’être efficaces pour traiter un problème qui traîne depuis trop longtemps.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. C’est la première fois en dix ans que j’entends un rapporteur critiquer un député qui défend, à la volée, l’amendement d’un de ses collègues, en l’occurrence M. Morin. Mais comme M. Germain est un peu sectaire, je peux comprendre ses propos.

J’entends bien, monsieur le ministre, que vous prenez des engagements sur la question des stages. Néanmoins, depuis le début de ce débat, vous avez tendance à reporter au lendemain le traitement de sujets pourtant prégnants.

M. le rapporteur a raison sur le fond, beaucoup de jeunes ont du mal à trouver des stages et mon amendement peut avoir pour conséquence de réduire une offre déjà limitée. Mais vaut-il mieux des stages efficaces ou des quantités de stages inutiles ? Je suis partisan d’apporter aux étudiants une formation réelle, qui leur permette de s’engager dans la vie professionnelle avec des atouts.

Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à préciser que les stages doivent s’inscrire dans un parcours de formation et permettre aux étudiants de débuter dans la vie professionnelle.

M. Michel Sapin, ministre. C’était leur fonction première.

M. Francis Vercamer. C’était initialement leur objet, mais leur emploi est de plus en plus dévoyé.

Si M. le ministre me demande de retirer cet amendement, je le ferai, dans l’attente d’un texte plus complet sur la question.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Vercamer, j’imagine que c’est la fatigue qui vous conduit à employer le mot « sectaire » dans une acception qui n’est pas tout à fait celle du Petit Robert. J’ai simplement dit que vous posiez une bonne question, mais que la réponse apportée par votre amendement n’était pas la bonne. Peut-être avez-vous voulu dire que j’étais de gauche ? Dans ce cas, je l’assume et j’en suis fier !

Il serait sage que vous puissiez retirer cet amendement. Je me réjouis que le ministre se dise favorable à la rédaction d’une proposition de loi, dont serait saisie la commission des affaires sociales, ce qui nous permettrait d’y travailler ensemble.

Je note avec satisfaction que nous nous rejoignons sur les points qu’il convient d’aborder dans ce texte : dispositions du code du travail relatives aux formations, lutte contre les formations abusives qui ne comprennent pas d’enseignement sur les bancs de l’université, années de césure, requalification. Vous avez ajouté, monsieur le ministre, la question des droits sociaux des stagiaires, dont nous avons beaucoup parlé à propos de la complémentaire santé.

J’espère que ce texte sera prochainement soumis à notre examen, car il est très attendu.

Mme la présidente. Retirez-vous les amendements nos 4115, 4130 et 4181 ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’amendement n° 4181 devait venir en discussion ultérieurement. Mais je le retire, avec les autres, et j’invite M. Vercamer à faire de même, afin que nous puissions très vite engager ce travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Chacun a bien saisi le sens et l’importance de notre discussion et entendu les engagements pris par les uns et par les autres. Nous avons déjà commencé de concevoir les dispositifs juridiques qui permettront de répondre aux préoccupations exprimées.

Compte tenu des autres éléments de ce projet de loi, de l’avancement des travaux et de la nécessité d’avoir une vision globale, je souhaite que tous les amendements portant sur cette question puissent être retirés, au profit d’un texte dont nous débattrons dans les mois qui viennent.

(L’amendement n° 5413 rectifié est retiré.)

(Les amendements nos 4115, 4130 et 4181 sont retirés.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)