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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission de la défense nationale
et des forces armées

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 21 octobre 2013

Présidence de M. Yves Censi,
secrétaire de la Commission des finances,
et de Mme Patricia Adam,
présidente de la Commission
de la défense nationale.

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures dix.

projet de loi de finances pour 2014

Anciens combattants,
mémoire et liens avec la Nation

M. Yves Censi, président. Monsieur le ministre délégué chargé des anciens combattants, Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense et des forces armées, et moi-même sommes heureux de vous accueillir. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2014 consacrés à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

La Conférence des présidents du 11 juillet 2013 a décidé que l’ensemble des missions sera cette année discuté en commission élargie, procédure destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés.

Nous sommes réunis pour une durée approximative de trois heures. Je vous rappelle les règles de nos commissions élargies.

Nous donnerons d’abord la parole aux rapporteurs de nos deux commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes sous forme de questions au ministre. S’exprimeront ensuite, pour cinq minutes chacun, les porte-parole des groupes.

Enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre délégué, leur intervention étant limitée à deux minutes.

Mme la présidente Patricia AdamLa commission de la défense nationale et des forces armées a auditionné, jeudi 10 octobre dernier, les représentants de l’ensemble des associations d’anciens combattants et a longuement débattu avec eux.

M. Gérard Terrier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Malgré un contexte difficile, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » marquent des avancées majeures. La diminution globale de 2,98 millions d’euros liée à la disparition progressive des personnes assujetties ne doit pas faire oublier les 13 millions d’euros de mesures nouvelles.

Les engagements pris l’année dernière par le Gouvernement ont été tenus pour ce qui concerne la « carte à cheval » ou les « malgré-nous ». L’augmentation de l’aide différentielle pour le conjoint survivant est également à mettre à l’actif du Gouvernement. L’alignement sur le seuil de pauvreté se fait progressivement, même si je rappelle à M. le ministre délégué que ce seuil évolue et qu’il est passé à 977 euros, ce qui nécessitera des augmentations conjoncturelles. Les mesures destinées à permettre aux blessés de bénéficier des prothèses les plus performantes vont également dans le bon sens.

Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous confirmer que le monument en hommage aux soldats morts en opérations extérieures (OPEX) sera bien érigé Place Vauban, dans le 7ème arrondissement de Paris ? Le PLF pour 2014 prévoit 1 million d’euros à cet effet.

Alors qu’une réduction temporaire de 20 % des taux de majoration spécifique des rentes mutualistes est prévue, la majoration légale est inchangée et la double exonération des rentes est confortée. Pouvez-vous nous en dire plus sur la mise en œuvre de la clause de revoyure en cas de retour à meilleure fortune ? Je note que les dépenses fiscales consenties au profit des anciens combattants au nom de la reconnaissance des services rendus à la nation sont maintenues en 2014 pour un coût évalué à 600 millions d’euros, contre 566 millions en 2013. Cette évolution s’explique par l’augmentation du nombre d’anciens combattants ou de veuves d’anciens combattants qui atteignent soixante-quinze ans, âge à partir duquel est prévu le bénéfice d’une demi-part fiscale supplémentaire.

Dans le cadre du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) une étude épidémiologique a été lancée. Il serait souhaitable, conformément aux souhaits des associations de victimes, de déclassifier de nombreux documents classés « secret défense » afin d’accélérer les indemnisations. Un décret doit étendre l’application de la loi Morin de 2010, relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, à toute la Polynésie française. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’évolution de ce dossier ?

Mme Paola Zanetti, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le ministre délégué, j’ai déjà eu l’occasion, lors de votre audition en commission, de saluer les 13 millions d’euros de mesures nouvelles prises au bénéfice des anciens combattant dans un contexte budgétaire restreint, conformément aux engagements pris l’an passé.

La décision de réduire de 20 % le taux de majoration spécifique de la rente mutualiste appliqué par l’État a suscité beaucoup d’interrogations au sein des associations d’anciens combattants. J’ai bien compris que cette mesure était temporaire et qu’elle visait à ne pas augmenter les dépenses liées à cette action, qui sont aujourd’hui de l’ordre de 250 millions d’euros par an pour l’État. Afin de rassurer l’ensemble du monde combattant sur ce caractère temporaire, je vous propose de créer un comité de suivi qui ferait une place aux associations. Ce comité pourrait se réunir chaque année en mai ou juin ; il examinerait les projections démographiques et l’évolution de la dépense associée à cet abondement de l’État afin de rétablir au plus vite le taux normal de la majoration spécifique.

Le rapport du Gouvernement remis en juin dernier au Parlement sur la situation des veuves des plus grands invalides de guerre n’a pas apporté toutes les réponses demandées. La situation de ces veuves est très difficile car celles-ci doivent faire face à une brutale chute de revenus au moment du décès de l’époux qu’elles ont accompagné pendant de longues années, mettant souvent leur carrière professionnelle entre parenthèses. Devant la commission de la défense, vous avez reconnu que ces veuves étaient peu nombreuses, d’un âge avancé, et que vous réfléchissiez à l’idée de leur attribuer une somme correspondant à la pension d’une infirmière. Même si les outils statistiques du ministère ne permettent pas de connaître aujourd’hui avec précision cette population, je pense qu’il est désormais temps de faire des propositions concrètes au risque de voir toutes ces veuves disparaître avant de bénéficier d’un droit à réparation équitable. Je propose d’agir en deux temps. Dès cette année, il serait possible d’octroyer un supplément forfaitaire de pension de 360 points à toutes les veuves dont le mari bénéficiait d’une pension d’invalidité supérieure à 6 000 points – qui correspond à une invalidité absolue. Sans avoir de certitudes, faute de données statistiques pertinentes, on peut estimer cette population à 200 personnes, ce qui entraînerait une dépense annuelle de 1 million d’euros. À partir des informations recueillies lorsque les veuves se seront manifestées pour obtenir leur supplément de pension, nous pourrions proposer, pour 2015, un système de réparation complet, adapté à chaque situation, sur la base de la somme que vous aviez indiquée en commission. Cette solution donnerait l’occasion de toiletter le code des pensions militaires d’invalidité pour qu’il prenne enfin en compte la situation de ces veuves.

Enfin, alors que nous célébrons le soixante-dixième anniversaire de la résistance intérieure, de la libération du territoire nationale, et de la victoire sur le nazisme, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre délégué, sur la situation des orphelins de guerre de la Seconde Guerre mondiale et sur les réfractaires du STO. Un geste fort et symbolique serait le bienvenu. Concernant les orphelins de guerre, vous aviez indiqué vouloir appliquer la réglementation en vigueur « avec bienveillance » pour que les enfants de résistants ne soient pas exclus du dispositif d’indemnisation actuel. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Une association nous a dit être prête à renoncer à l’octroi du capital au bénéfice de la rente mensuelle ; qu’en pensez-vous ? Les réfractaires au STO constituent aujourd’hui une population âgée, qui demande non pas une indemnisation mais seulement la reconnaissance de la nation : ne serait-il pas possible de faire un geste à leur égard, en leur octroyant un titre de reconnaissance de la nation sans le bénéfice de la rente mutualiste ?

M. Yves Censi, président. Pour ma part, monsieur le ministre délégué, j’aurais souhaité avoir votre avis sur l’allongement à deux jours de la Journée défense et citoyenneté (JDC). L’évolution des crédits affectés à cette action semble exclure cette évolution qui ne manquerait pourtant pas d’intérêt.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les motifs de la réduction de 20 % du taux de majoration spécifique de la rente mutualiste appliqué par l’État ?

Enfin, alors que, depuis 2007, la retraite du combattant progresse chaque année d’un ou plusieurs points d’indice, ce n’est pas le cas en 2013. Comment justifiez-vous ce changement de politique ?

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Le budget que je vous présente s’élève à 2,85 milliards d’euros. Le recul de 2,7 % par rapport à l’an dernier doit être corrélé avec la baisse de 5 % du nombre de bénéficiaires, et 13 millions d’euros sont consacrés à des mesures nouvelles, contre 6 millions l’année dernière. De plus, afin de respecter les engagements pris avant mon arrivée au ministère concernant le passage de quarante-quatre à quarante-huit points de la carte du combattant, il a fallu dégager 54 millions en année pleine, qui n’avaient pas été budgétés précédemment.

Je veux bien être cordial, mais il faut aussi que nous nous écoutions. Je rappelle que le gouvernement précédent a fermé le ministère des anciens combattants durant huit mois, et qu’il ne l’a rouvert que dans un contexte préélectoral. Les membres de l’opposition qui m’interrogent légitimement aujourd’hui auraient peut-être dû se préoccuper du désintérêt du gouvernement de l’époque.

Ce ministère est pour moi tourné vers l’avenir. Il a toute sa place dans la politique gouvernementale. Depuis que j’occupe le poste qui est le mien, 16 000 cartes du combattant ont été délivrées aux anciens des OPEX, et, l’année prochaine, 8 400 « cartes à cheval » seront attribuées aux anciens d’Algérie.

Les engagements doivent être tenus. L’année dernière je vous avais annoncé que mes priorités étaient sociales. Nous avons tenu l’engagement relatif à la « carte à cheval » en retenant sa version la plus avantageuse pour les soldats concernés. Dans ce budget, 4 millions y sont d’ores et déjà consacrés – 5,5 millions en année pleine. Nous avons tenu l’engagement relatif à l’aide différentielle au conjoint survivant. J’ai bien noté que le seuil de pauvreté à l’échelle européenne était passé de 964 à 977 euros. Un premier pas a été fait avec la hausse du plafond à 932 euros ; j’affirme devant vous ma volonté de faire le suivant. L’engagement concernant l’aide sociale de l’Office national des anciens combattants (ONAC) est également tenu. Celle-ci augmentera bien de 500 000 euros pendant trois ans et, cette année, une rallonge de 800 000 euros est même prévue portant sa progression à 6 %.

Depuis que les parlementaires m’en ont fait le reproche, je n’ai plus qualifié la rente mutualiste de « niche fiscale ». Je leur ai donné raison, il s’agissait d’une maladresse d’expression. La somme globale qui y est consacrée n’a pas bougé. Le plafond de 1 763 euros n’a pas été modifié. La fiscalisation a été refusée à l’entrée comme à la sortie. J’ajoute que la concertation a bien eu lieu, contrairement à ce que j’ai entendu dire. Le « G12 » réunissant les représentants des principales associations d’anciens combattants ainsi que l’ensemble des structures qui gèrent la rente mutualiste a bien été consulté avant et depuis la présentation du budget. France mutualiste et la Caisse autonome de retraite des anciens combattants (CARAC) l’ont d’ailleurs confirmé dans un communiqué en annonçant qu’elles pourraient même envisager de proposer un abondement pour une période temporaire. Nous travaillons pour trouver une solution à court terme. Madame la rapporteure pour avis, je me rallie à votre idée de constituer un comité de suivi.

Je rappelle que la demi-part fiscale n’a pas été supprimée, contrairement à ce que beaucoup craignaient.

Un budget spécifique d’1 million d’euros est consacré pour la première fois à l’appareillage des mutilés avec du matériel de dernière génération.

Un guichet unique permettra aux harkis et aux rapatriés de disposer d’un interlocuteur sur le plan national tout en bénéficiant d’un service de proximité pérenne auprès des ONAC départementaux dans lesquels nous maintenons le personnel nécessaire – nous réfléchissons même à une augmentation de certains effectifs. Les prestations transférées vers mon ministère à ce titre s’élèvent à 17,8 millions d’euros. Le service central des rapatriés est rattaché à l’ONAC. La mission interministérielle et l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer verront leurs missions reprises par l’ONAC d’ici à la fin de l’année.

En matière de politique mémorielle, je rappelle qu’à mon arrivée rien n’était prévu pour le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Globalement, de 12 millions d’euros nous sommes passés à 17 millions pour parvenir, cette année, à 23,2 millions. Avec beaucoup de modestie, je me permets d’estimer qu’il s’agit d’une avancée : 11 millions d’euros pour le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et 8 millions pour le soixante-dixième anniversaire de la fin du second conflit mondial – plus un million d’euros d’enveloppe spéciale pour certains projets. Je suis à la disposition des commissions de la défense de l’Assemblée et du Sénat pour leur présenter les détails de la politique mémorielle des quatre années à venir. J’ajoute que, jeudi et vendredi, j’ai réuni à Paris les représentants de plus de trente pays, dont vingt ministres, afin de traiter ce cycle mémoriel de manière mondialisée.

En ce qui concerne le CIVEN, des avancées ont déjà eu lieu. Une proposition de loi sénatoriale vise à transformer ce comité en structure indépendante. Cette année, 10 millions d’euros sont toujours prévus dans le budget, et nous sommes passés de quatre à douze dossiers traités – avec une indemnisation moyenne de 65 000 euros d’indemnisation par dossier. Nous menons une politique de communication et d’information afin de permettre à toutes les personnes concernées de déposer un dossier. Pour améliorer encore la transparence, il est également question que des experts désignés par des ONG siègent au sein du CIVEN. Le ministre de la défense travaille actuellement sur l’ensemble des questions posées.

Pour ma part, je regrette que le service militaire ait été « suspendu ». Ma propre histoire m’a toujours poussé à défendre ce magnifique creuset républicain qui nous manque aujourd’hui, et je suis favorable au passage à deux jours de la JDC – le jour où notre pays en aura les moyens, je suis même partisan de l’instauration d’un service civique obligatoire et mixte. Cela posera de nombreuses questions techniques – assurances, personnels, lieux…–, mais je serais heureux de recevoir des propositions afin que nous puissions avancer.

L’idée du pourcentage pour l’établissement des pensions des veuves des grands invalides de guerre serait source d’inégalité. Sans vouloir dénaturer le rôle de ces épouses, j’avais avancé l’idée d’établir une pension de réversion sur la base de la retraite d’une infirmière diplômée d’État. La réversion de 25 % de la pension de l’invalide aurait un coût annuel pour le budget des anciens combattants d’environ 44 millions d’euros. Cela dit, je suis prêt à avancer sur le sujet. Toutes les solutions proposées méritent d’être expertisées. En tout état de cause, un changement ne pourrait intervenir que dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

La question de l’indemnisation des orphelins  est compliquée. Si l’on pense d’abord aux enfants de résistants et de soldats engagés dans les combats en 1940, il ne faut bien évidemment pas oublier les orphelins de la guerre d’Algérie. Or il faudra bien poser une limite, ce qui me semble difficile à concevoir. J’avais avancé un coût global de 2 milliards d’euros, qui pouvait, m’a-t-on dit, être revu à la baisse. Pour les seuls orphelins de résistants et de soldats engagés en 1940, il faudrait trouver entre 800 et 900 millions d’euros. Si l’on adoptait le principe du versement d’une allocation mensuelle d’un peu plus de 500 euros plutôt que celui d’une enveloppe globale, cela représenterait, pour l’ensemble des orphelins, 18 millions d’euros qu’il faudrait trouver chaque année. Je ne suis pas fermé à une telle solution, pourvu que l’on définisse un périmètre et un étalement dans la durée. Je vous propose de l’étudier dans le cadre du budget triennal que nous examinerons à partir de l’année prochaine.

Pour terminer, il est faux de dire que le titre de reconnaissance de la nation est gratuit. Ce TRN était donné à des gens qui s’étaient retrouvés en situation de combat. L’étendre aux réquisitionnés du STO reviendrait à considérer que ces travailleurs étaient en situation de combat. D’un point de vue philosophique, cela mérite réflexion. Pourquoi ne pas poser le débat sur la place publique ? Quoi qu’il en soit, dès lors que l’on a le TRN, on bénéficie automatiquement de la rente mutualiste, ce qui représente un coût.

Mme Émilienne Poumirol. Au nom du groupe SRC, je salue le projet de budget pour 2014 comme celui des engagements tenus : il s’attache à la fois à conforter les droits des anciens combattants et à leur rendre un hommage appuyé, cela dans un contexte budgétaire de redressement de nos comptes publics. Outre le renforcement des dispositifs existants, en particulier la progression du budget de l’ONAC de 6,3 %, les crédits pour 2014 consacrent 13 millions d’euros de mesures nouvelles répondant aux attentes légitimes du monde combattant.

C’est, bien évidemment, sur les anciens combattants que ce budget se concentre, avec la création de nouveaux droits. Le ministère se tourne désormais vers la dernière génération du feu, avec la progression substantielle et inédite du nombre de cartes attribuées aux anciens combattants d’OPEX et la programmation d’un million d’euros pour financer l’appareillage de nos blessés avec des prothèses de dernière génération. L’État se devait d’aider particulièrement ces soldats.

Parmi les nouveaux droits, figure la « carte à cheval ». Il suffira d’être arrivé le 1er juillet 1962 en Algérie pour que les 120 jours suivants puissent être pris en compte pour l’attribution de la carte du combattant. Le groupe SRC se félicite de cette mesure, qui était très attendue depuis de nombreuses années par les associations.

Je soulignerai également la fin de la discrimination entre les « malgré-nous » selon qu’ils avaient été incorporés à l’est ou à l’ouest de la ligne Curzon.

Si le ministère participe au redressement de nos comptes publics en voyant ses moyens diminuer de 2,7 %, hors pensions, par rapport à la loi de finances de 2013, l’impact de cette baisse sur les aides doit être relativisé : la baisse est essentiellement due à la diminution du nombre de bénéficiaires de l’action du ministère.

Une mesure d’effort temporaire est certes demandée sur la majoration spécifique des rentes mutualistes par une réduction uniforme de 20 %. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, cette a été prise en concertation avec les organismes mutualistes, qui l’ont pleinement acceptée, et en liaison avec les associations d’anciens combattants. Sur ce sujet, je renvoie au communiqué commun de la CARAC et de l’UMR ( Union mutualiste retraite) du 10 octobre. Les organismes mutualistes ont bien compris que cette majoration n’était pas supprimée, que la mesure n’était que partielle et surtout temporaire. En contrepartie, le dispositif est juridiquement pérennisé ; il est considéré non plus comme une niche, mais bien comme une aide pleinement intégrée dans le droit commun. L’ajustement est, en outre, plafonné à 10 millions d’euros et la double exonération à l’entrée ou à la sortie est préservée.

Le monde combattant, ce sont aussi les familles. Dans un contexte budgétaire contraint, le choix a été fait d’un renforcement des droits pour les situations sociales les plus difficiles. Le Gouvernement prévoit d’aligner progressivement le dispositif d’aide différentielle en faveur du conjoint survivant sur le niveau du seuil de pauvreté européen : cette année, le plafond mensuel de l’aide passera de 900 à 932 euros. Le ministère a également porté son attention sur les victimes d’essais nucléaires en maintenant, dans le projet de budget pour 2014, à 10 millions d’euros la provision consacrée à leur indemnisation.

Que seraient ces dispositifs si l’administration qui les gère ne garantissait pas un service public irréprochable ? Le projet annuel de performance 2014, en accord avec les mesures générales de modernisation de l’action publique, prévoit de moderniser et de simplifier l’action de l’ONAC : raccourcir les circuits, simplifier les démarches, fluidifier le traitement des dossiers, créer un guichet unique pour les rapatriés et les harkis, autant de changements nécessaires à un service de qualité.

Le monde combattant ne saurait, enfin, être dissocié de la nation. Le programme 167 a vocation à resserrer davantage les liens entre l’armée et la nation par la mémoire et par le civisme. Dans ce cadre, le groupe SRC salue l’augmentation des crédits consacrés à la politique de mémoire à hauteur de 6 millions, ce qui apparaissait indispensable au regard du programme commémoratif particulièrement riche pour l’année 2014, avec les anniversaires des deux guerres mondiales.

Notre groupe défend aussi la nécessité d’avoir une armée intégrée dans la nation, une armée qui doit être connue. C’est le sens de la Journée défense et citoyenneté qui constitue l’occasion privilégiée de sensibiliser l’ensemble d’une classe d’âge, garçons et filles, aux nouveaux enjeux de défense et de sécurité. Nous accueillons avec satisfaction la volonté du ministère de renforcer la signification de cette journée à travers l’allongement de la durée des modules de défense et l’explication de la nécessité de disposer d’un outil de défense dans un monde instable.

Face à de tels engagements réels et tangibles en faveur de l’ensemble du monde combattant, la majorité SRC sera fière de voter ce projet de budget pour 2014.

M. Christophe Guilloteau. L’attaque est la meilleure des défenses, monsieur le ministre, et il semble que vous ressentiez un fort besoin de vous justifier. Votre budget enregistre en effet une baisse de 2,7 % malgré la disparition de 50 000 ayants droit !

Quant aux amabilités dont vous avez fait preuve à l’égard du gouvernement précédent, permettez-moi de vous rappeler que celui-ci avait augmenté les retraites de 30 %, en fixant le point à 14 euros et en remontant le nombre de points à quarante-huit. C’est loin d’être votre cas : pour la deuxième fois cette année, vous proposez un budget sans aucune augmentation des retraites.

Je suis d’autant plus d’accord sur l’importance de mettre en place la « carte à cheval » que nous vous l’avions proposée il y a six mois. À ce moment-là, pourtant, le groupe socialiste ne l’avait pas votée. Nous avons donc perdu six mois. Veillez au moins à préciser, dans le décret, si le jour qui conditionne l’attribution est celui de l’arrivée dans le pays ou celui de l’appel ?

Porter le plafond de l’aide différentielle à 932 euros représente certes un effort, mais il faudrait envisager d’aller jusqu’à 977 euros. Nous proposerons des amendements en ce sens.

Le clou, c’est ce que vous avez fait à la retraite mutualiste ! Permettez-moi de ne pas partager votre conception de la concertation. Nous avons rencontré les anciens combattants du G12 la semaine dernière : c’est avec stupeur qu’ils ont découvert votre décret malicieux du 24 septembre dernier ! Nous déposerons donc des amendements sur ce point et j’espère, monsieur le ministre, que vous y serez favorable, sinon nous ne pourrions pas voter votre budget.

Vous vous targuez par ailleurs d’affecter 11 millions au centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, mais 11 millions tous les cent ans, il n’y a rien là d’extraordinaire !

Je terminerai sur l’état de friche dans lequel vous dites avoir trouvé le ministère à votre arrivée, après huit mois d’inoccupation. À l’époque, le ministre des anciens combattants, qui était aussi ministre de la défense, M. Juppé, présentait l’avantage d’avoir été Premier ministre. Je m’interroge : pour être ministre des anciens combattants, vaut-il mieux être ancien Premier ministre ou ami du Président ?

M. Francis Hillmeyer. Comme en 2013, le budget des anciens combattants est malheureusement en baisse, de 2,7 % pour 2014. Cette baisse a certes des causes démographiques, mais elle résulte aussi des mesures d’économie décidées par le Gouvernement. Bien entendu, les députés du groupe UDI sont conscients de la situation des comptes publics et de l’effort de redressement auquel chacun doit participer à sa mesure. Cependant, nous considérons que le monde des anciens combattants mérite d’être particulièrement protégé, et nous ne pouvons que regretter que leur ministère ne figure pas parmi ceux que le Gouvernement a distingués comme prioritaires. Notre pays ne doit pas oublier ceux qui l’ont servi dans les heures difficiles de son histoire. Les députés du groupe UDI souhaitent aujourd’hui rendre une nouvelle fois hommage à nos valeureux anciens combattants.

Des points positifs sont certes à souligner dans ce projet de budget pour 2014. La « carte à cheval » est une évolution importante que nous avions demandée l’année dernière. Le ministre nous avait alors répondu qu’elle interviendrait en 2014. Nous saluons donc l’engagement tenu du Gouvernement s’agissant de cette mesure de justice.

En outre, le montant du plafond de l’aide différentielle au conjoint survivant passera de 900 à 932 euros. Il s’agit d’une amélioration que nous tenons à saluer, même si ce montant reste très en deçà du seuil de pauvreté estimé à 977 euros par l’INSEE. Quand pensez-vous pouvoir atteindre ce niveau ?

Si les députés du groupe UDI soutiennent ces deux avancées, je souhaite vous faire part, de leur inquiétude sur d’autres sujets.

En premier lieu, nous ne pouvons que déplorer la décision du Gouvernement de réduire de 20 % sa subvention aux rentes mutualistes des anciens combattants. Cette disposition, qui a été mise en œuvre par décret, porte atteinte aux droits imprescriptibles des anciens combattants et touche en priorité les plus âgés d’entre eux, en particulier les anciens d’Algérie qui ont plus de soixante-dix ans. La retraite mutualiste avait été sanctuarisée depuis sa création en 1923 et ne peut pas être considérée comme une niche fiscale. Vous avez dit, monsieur le ministre, vouloir trouver une solution à court terme. Pourquoi n’avoir pas pris le temps d’une meilleure concertation sur ce sujet sensible ? Le groupe UDI vous demande de revenir sur cette décision qu’il considère comme injuste.

En deuxième lieu, nous craignons que les 71 millions d’euros alloués à la réserve ne permettent pas de répondre aux besoins. Quelle est la stratégie du Gouvernement concernant cet élément essentiel du lien entre l’armée et la nation ?

Enfin, nous déplorons que le point d’indice de la retraite du combattant demeure gelé en 2014. Cette décision aboutit à une érosion annuelle, inacceptable à nos yeux, du pouvoir d’achat des anciens combattants.

Nous sommes tous conscients, dans le contexte financier actuel, que la construction du budget pour 2014 nécessite des arbitrages. Nous nous interrogeons sur les moyens humains alloués à l’ONAC pour poursuivre ses missions. Même si ce budget comporte des avancées, il se devrait de mieux répondre aux attentes de nos anciens combattants qui ont tant donné pour notre pays.

M. Christophe Cavard. Par ma voix, le groupe écologiste exprime sa reconnaissance à ceux qui assurent la défense et la sécurité de la nation. Nous avons un devoir de mémoire et de solidarité envers le monde combattant, et nous sommes favorables à toute mesure concourant à l’amélioration de sa condition, dans un cadre d’honnêteté et de faisabilité budgétaire. Le budget qui nous est soumis aujourd’hui est conforme aux annonces faites par le ministre et s’inscrit dans la continuité du travail engagé depuis un an avec le monde combattant. Nous y trouvons des éléments de satisfaction, mais également des imprécisions et des dispositions perfectibles.

Avec un peu moins de 3 milliards d’euros, ce budget est en légère diminution par rapport à l’année dernière – moins 2,82 %. Cette évolution n’est pas choquante dans la mesure où elle épouse une réalité démographique : la nouvelle génération du feu, c’est-à-dire les soldats servant en opérations extérieures, est nettement moins nombreuse que les générations qui ont combattu durant la Seconde guerre mondiale ou la guerre d’Algérie.

Malgré un contexte budgétaire contraint, la mission comprend plusieurs dispositions répondant à des demandes anciennes du monde combattant.

Elle règle d’abord l’épineux sujet de l’attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie après l’indépendance. Au mois de février dernier, notre collègue Christophe Guilloteau avait déposé une proposition de loi visant à octroyer cette carte à tous les soldats ayant servi en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964. Cette proposition présentait deux inconvénients majeurs : son coût excessif de 39 millions d’euros, et sa nature hautement polémique puisqu’elle venait questionner l’effectivité de l’indépendance algérienne dans un contexte mémoriel particulièrement tendu. Nous nous félicitons du compromis que le ministre avait alors proposé, consistant à accorder cette carte aux soldats présents durant quatre mois sur le territoire algérien, sur une période courant d’avant le 2 juillet 1962 jusqu’après l’indépendance, dite période « à cheval ». Cette mesure figure à l’article 62 de la présente loi de finances.

Outre cette avancée, le budget prévoit une augmentation de 6 % des crédits affectés à l’action sociale, qui permettra notamment d’augmenter l’aide différentielle au conjoint survivant, ainsi que des dispositions plus structurelles, tel le transfert des outils financiers et administratifs concernant les harkis à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Par ailleurs, la mission soulève quelques questions. D’une part, de nombreuses associations se sont offusquées de la baisse de l’avantage mutualiste de la retraite du combattant. Pour les écologistes, cet avantage fiscal aurait dû faire l’objet d’un débat parlementaire, d’autant que le choix du décret n’a pas permis le dialogue avec les acteurs concernés. Le débat budgétaire doit être l’occasion d’expliquer ce choix politique et méthodologique.

D’autre part, le mécanisme de fixation de la liste des opérations extérieures ouvrant droit à la carte du combattant et aux avantages qui y sont attachés aurait mérité une réforme en profondeur. La liste de ces opérations extérieures fait l’objet de mises à jour régulières selon des principes obscurs. Ainsi, à ce jour, les opérations menées par nos forces en Libye et en Somalie ne sont toujours pas intégrées. Les multiples sollicitations que nous avons adressées à vos services sont restées sans réponse. L’uniformisation des conditions d’obtention de cette carte doit être envisagée dans les plus brefs délais. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?

En définitive, en dépit de notre désapprobation de la voie choisie s’agissant de la retraite du combattant et de notre réserve sur le système d’attribution des cartes, nous soutiendrons les avancées sociales et le sérieux budgétaire de cette mission en la votant.

M. Jacques Moignard. Je m’exprime au nom du groupe Radical Républicain Démocrate et Progressiste.

Si les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont en baisse pour 2014, c’est en partie pour des raisons mécaniques, du fait de la diminution annuelle du nombre des anciens combattants depuis près de trente ans. Alors que des baisses de crédits plus significatives avaient été enregistrées sous la précédente majorité – 5 % entre 2010 et 2011 et 4 % entre 2011 et 2012 –, celle prévue pour 2014 ne sera que de 2,7 %. Malgré le contexte budgétaire contraint, les engagements pris l’année dernière ont été tenus et les mesures nouvelles budgétisées.

La première est l’octroi de la carte du combattant, dite « carte à cheval », à tous les anciens combattants totalisant 120 jours de présence en Afrique du Nord sur une période débutant avant le 2 juillet 1962. Le coût de la mesure est de 4 millions d’euros pour 2014 et de 5,5 millions pour les années suivantes.

La deuxième mesure est l’augmentation du plafond de l’aide différentielle, qui passera de 900 à 932 euros en 2014, puis à 977 euros au terme de la programmation triennale des finances publiques.

L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre verra son budget consacré à l’action sociale progresser de 6,3 %, atteignant 21,9 millions d’euros. Rappelons que cet office effectue près de 30 000 interventions par an, en particulier en matière d’attribution de secours et de prêts individuels, de tutelle des pupilles de la nation, de maisons de retraite et d’écoles de reconversion professionnelle.

Par ailleurs, les crédits de la mission prendront en charge, à hauteur d’un million d’euros, l’équipement en prothèses de nouvelle génération des militaires amputés dans le cadre des opérations extérieures.

Enfin, les crédits pour la politique de la mémoire sont en hausse, passant de 17,21 millions d’euros en 2013 à 23,21 millions en 2014, dans la perspective notamment des commémorations du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, du 70e anniversaire de la résistance intérieure, de la libération du territoire national et de la victoire contre le nazisme.

Les représentants des associations d’anciens combattants ont relayé divers sujets sur lesquels je souhaiterais avoir quelques précisions. D’abord, la réduction, par décret du 24 septembre 2013, du taux de majoration des rentes mutualistes de 20 % – ce qui représente près de 10 millions d’euros – pénalise en particulier les anciens combattants les plus âgés. Ce droit acquis depuis 1923 fera-t-il l’objet de dispositions réglementaires nouvelles ?

Ensuite, l’indice des pensions militaires d’invalidité, qui augmente faiblement de 0,07 % dans le cadre de ce projet de loi de finances, fera-t-il l’objet d’une revalorisation ?

La pension de réversion des veuves des grands invalides de guerre a fait l’objet récemment d’un rapport remis au Parlement montrant que ces dernières ne seraient qu’à peine 1 600 et âgées en moyenne de quatre-vingt-quatre ans. Quelle suite sera donnée à ce rapport ? L’attribution d’un taux de réversion de 50 % est-elle envisageable ?

Enfin, nombre d’orphelins et pupilles de la nation restent en dehors des dispositifs d’indemnisation fixés par les décrets de réparation de 2000 et 2004. Certes, le montant de l’indemnisation représenterait un coût important pour le budget – entre 500 millions et 1,3 milliard d’euros pour les orphelins de la Seconde Guerre mondiale –, mais des évolutions réglementaires pourraient être envisagées, telle l’indemnisation en rente mensuelle plutôt qu’en capital.

M. Jean-Jacques Candelier. Plutôt qu’un réquisitoire, j’établirai un constat. Pour être cordial, ce budget n’est pas inacceptable, il est insuffisant. Les crédits consacrés à la reconnaissance et la réparation au monde combattant diminuent de 78 millions. Au cours de la XIIIe législature, la baisse a été de 447 millions. À budget constant, considérant le nombre annuel de disparitions – entre 50 000 et 60 000 –, on pourrait faire beaucoup, d’autant que la moyenne d’âge des anciens combattants est supérieure à soixante-quinze ans. Va-t-on attendre encore vingt-cinq ans pour donner satisfaction à leurs légitimes revendications ? Ils ne seront alors plus qu’une dizaine de centenaires à qui on remettra la légion d’honneur et un chèque de 1 000 euros.

Ces revendications sont les suivantes : rattrapage de la valeur du point de PMI, qui touche l’ensemble des anciens combattants et victimes de guerre ; relèvement de l’indice du plafond majorable des rentes mutualistes ; bénéfice effectif de la campagne double pour les anciens d’Afrique du Nord ; création d’une allocation différentielle pour les anciens combattants les plus démunis ; relèvement du plafond de l’allocation différentielle au niveau du seuil de pauvreté – 964 euros, voire 977 euros.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de réduire de 20 % sa subvention aux rentes mutualistes. J’allais parler de la suppression de la demi-part fiscale pour les veuves, mais je vous remercie d’avoir maintenu cet avantage.

Les effectifs des services départementaux de l’ONAC se réduisent, ce qui conduira, à terme, à une régionalisation. Un geste est prévu pour les demandes de « carte à cheval ». C’est un peu tard, mais nous l’acceptons.

La politique de la mémoire, parent pauvre de la mission, voit ses crédits croître de près de 6 millions, en raison surtout des cérémonies à venir. À l’occasion de la célébration du centenaire du déclenchement de la guerre de 1914-1918 nous pourrions réhabiliter de façon collective les fusillés pour l’exemple.

Partant de la hausse de 800 000 euros prévue pour revaloriser à 932 euros le plafond de l’aide différentielle en faveur des conjoints survivants, pourquoi ne pas prévoir une rallonge de 1,1 ou 1,12 million pour porter ce plafond à 977 euros ?

Pourquoi rien n’est-il prévu pour les conjoints survivants de très grands invalides de guerre, alors qu’un rapport avait été obtenu l’an dernier ?

Qu’attendons-nous – j’insiste beaucoup sur ce point – pour régler le problème de la campagne double pour les anciens d’AFN ?

Enfin, comment évoluera le dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires pour que les crédits soient effectivement consommés ?

Mme la présidende Patricia AdamJ’appelle certains de mes collègues à faire preuve de plus de modération et d’esprit de responsabilité. Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que les crédits de cette mission n’ont cessé de diminuer au cours de la législature précédente, et qu’il s’agit là d’une conséquence mécanique de la réduction du nombre des bénéficiaires ? On nous propose aujourd’hui de voter une diminution d’un peu plus de 2 %, au lieu des 5 % de réduction votés au cours des deux dernières années de la législature précédente. M. Laffineur, alors ministre en charge des anciens combattants, reprochait d’ailleurs aux députés de l’opposition que nous étions alors de ne penser qu’à dépenser toujours plus d’argent public !

La question de la rente mutualiste n’est pas d’une importance telle qu’elle doive monopoliser nos débats. Je voudrais cependant rappeler à certains qu’elle a été créée pour permettre aux anciens combattants de la Guerre de 14-18, des ouvriers agricoles pour la plupart, de bénéficier d’une pension de retraite. Aujourd’hui, la situation est radicalement différente. Il s’agit d’une rente par capitalisation, et non d’une pension de retraite. La CARAC a collecté, en 2012, 144 millions d’euros auprès de 26 700 cotisants, soit une cotisation moyenne de 5 388 euros par an. Je me demande combien d’anciens combattants peuvent supporter un tel niveau de cotisation, en dehors d’une poignée de privilégiés, et s’il ne faudrait pas plutôt parler de niche fiscale – aujourd’hui la CARAC présente un solde positif supérieur à 4 millions d’euros par an. Je proposerai d’ailleurs au bureau de la commission de la défense de se pencher sur le sujet, afin que nous puissions nous prononcer sur l’opportunité de réviser le plafond de cette rente mutualiste.

M. Yves Censi, président. Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre délégué, que la rente mutualiste n’était pas une niche fiscale, et voilà que Mme la présidente nous dit le contraire !

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Je vous rappelle, monsieur Guilloteau, que les crédits de cette mission avaient diminué de 3,4 % entre 2010 et 2011 et de 5 % entre 2011 et 2012, soit deux fois plus que dans le budget que nous vous proposons : c’est aussi simple que cela, du moins si je sais compter.

Par ailleurs, le monde combattant lui-même, toutes associations confondues, m’a félicité de la création d’un ministère délégué, en lieu et place d’un secrétariat d’État rattaché au ministère de la défense. Cette promotion n’est pas seulement une reconnaissance du monde combattant : elle permet au représentant des intérêts des anciens combattants au sein du Gouvernement de participer à tous les débats du conseil des ministres. Vous reconnaîtrez qu’il s’agit là d’une avancée.

Je suis très fier enfin, monsieur Guilloteau, que vous me considériez comme un ami du Président de la République, mais ne me reconnaître aucune autre qualité pour exercer ce ministère serait faire preuve d’un mépris à mon égard qui changerait quelque peu la nature de nos rapports.

Ce budget prouve d’ailleurs que j’ai su défendre les intérêts du monde combattant, puisqu’il bénéficiera l’année prochaine du même niveau de dépenses fiscales, alors que celles-ci ont baissé de 5 % pour tous les ministères.

Le passage à 932 euros du plafond de l’ADCS n’est qu’une première étape, et je souhaite que nous puissions continuer à avancer sur cette question. Nous pourrons envisager sa fixation à 977 euros dès l’année prochaine, dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques.

L’augmentation de quarante-quatre à quarante-huit points de la retraite du combattant, annoncée avant mon arrivée, n’avait pas été budgétée et elle nous a imposé de dégager 54 millions d’euros en année pleine. Je prends devant vous l’engagement d’examiner l’augmentation de la retraite du combattant dans le cadre du prochain budget, conformément à la demande de l’ensemble du monde combattant.

En ce qui concerne la rente mutualiste, je précise que seules les majorations spécifiques seront réduites alors que le plafond majorable est maintenu. La perte réelle est donc beaucoup moins importante que ce que pourrait faire croire une vision trop simplificatrice. Je récuse le faux procès que me fait l’opposition en prétendant que cette décision n’a été précédée d’aucune concertation avec le monde combattant. J’ai rencontré le « G 12 » à trois reprises cette année, et je lui ai soumis ce budget avant même de le défendre devant votre commission de la défense. Par ailleurs, mon cabinet a rencontré la CARAC, qui représente 50 % des bénéficiaires de la rente mutualiste. Celle-ci a fait preuve d’un esprit constructif en faisant part, dans un communiqué auquel je vous renvoie, de sa volonté de travailler avec nous à trouver une solution.

L’octroi de la carte dite « à cheval » générera 8 400 titulaires supplémentaires de la carte du combattant. En outre, le nombre de cartes du combattant délivrées au titre des opérations extérieures était de 3 600 en 2011 et de 8 900 en 2012 ; 7 100 cartes ont déjà été délivrées à ce titre au cours des six premiers mois de 2013. Ces chiffres attestent de notre volonté de faciliter l’accès à la carte du combattant pour nos soldats engagés dans des opérations extérieures. Il revient au service historique de la défense (SHD) de déterminer les critères d’attribution de la carte à partir des journaux de marches et opérations ( JMO) des unités engagées. Priorité a été donnée aux OPEX les plus récentes, alors que les plus anciennes, en particulier celles qui se sont déroulées dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, n’ont pas encore été traitées. Nous avançons le plus rapidement possible sur cette question, notamment s’agissant des unités engagées en Somalie et en Libye. Je me félicite que le décret concernant l’Afghanistan et le Rwanda ait été publié le 20 septembre dernier.

S’agissant de la réserve citoyenne, les chiffres ont été rappelés : 71 millions d’euros en 2013 pour un peu plus de 56 000 volontaires engagés. Le ministère de la défense a fait le choix de faire évoluer le statut de la réserve pour en faire une réserve d’emplois intégrés aux forces d’active plutôt qu’une réserve de masse, et de l’adapter aux nouvelles priorités telles que la cybersécurité. L’évolution se poursuivra, notamment en matière de simplification des procédures administratives de recrutement, de fidélisation, d’efforts de communication et d’incitation auprès des entreprises, de développement des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté, en particulier pour la mise en œuvre du plan Égalité des chances dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

L’augmentation, actuellement en examen, du traitement des fonctionnaires de catégorie C devrait naturellement se répercuter sur la valeur du point « PMI ».

Nous sommes en train d’examiner la proposition, formulée cet été, d’une indemnisation des orphelins de guerre via le versement d’une rente mensuelle, et je suis tout à fait prêt à rechercher avec vous les moyens de faire avancer ce dossier.

De même, nous pouvons avancer sur le dossier du titre de reconnaissance de la nation, d’autant qu’il n’y aura pas de répercussion budgétaire.

J’ai évoqué avec le ministre de la défense du Maroc la question de la décristallisation des pensions. Mise en place par le président Chirac, cette réforme est une belle avancée, mais le traitement des dossiers a pris du retard. Alors que 13 000 dossiers sont ouverts, 6 000 ont été traités et 8 000 restent en souffrance. Nous sommes en train d’examiner les moyens d’accélérer leur instruction par le service des pensions des armées de La Rochelle. J’ai interpellé le Premier ministre sur la nécessité d’un délai supplémentaire d’un an pour pouvoir « écluser » l’ensemble des dossiers. Même si l’impact budgétaire est significatif, pouvoir répondre à cette demande nous grandirait.

Je me suis battu pour que l’ONAC puisse conserver ses structures départementales, et je continuerai à défendre sa présence dans tous les départements, étant donné l’importance de ses missions, notamment en faveur des rapatriés et des harkis, mais aussi dans le domaine de la politique de mémoire.

S’agissant des fusillés pour l’exemple de 1914-1918, je compte vous faire le plus rapidement possible une proposition à partir des quatre pistes ouvertes par le rapport du professeur Prost : le statu quo, une réhabilitation générale, une réhabilitation au cas par cas ou une réintégration dans la mémoire collective. J’engagerai, au cours des prochaines semaines, une concertation avec les uns et les autres pour trouver une solution qui recueille l’assentiment du plus grand nombre.

M. Philippe Nauche. Selon quelles modalités pourrait-on passer d’une définition au cas par cas des critères d’attribution de la carte du combattant au titre des opérations extérieures, à celle de critères généraux valables pour toutes les OPEX ? Quelles sont les perspectives de diffusion, notamment via Internet, des fonds documentaires de l’Établissement photographique et cinématographique des archives de la Défense (EPCAD) et du Service historique de la défense, en cours de numérisation ? Quelle médiation culturelle souhaitez-vous mettre en œuvre pour que cette documentation très riche puisse contribuer à renforcer le lien entre l’armée et la nation ?

M. Bernard Deflesselles. Lors de votre dernière audition, monsieur le ministre, vous aviez associé l’autosatisfaction à la courtoisie. Aujourd’hui, la courtoisie a été remplacée par l’agressivité. C’est compréhensible quand on a à défendre un mauvais budget. Mauvais, votre budget l’est incontestablement, et à deux titres.

C’est d’abord la stagnation, pour la deuxième année consécutive, de la retraite des anciens combattants. Alors que nous avions mis en place la décristallisation, c’est une véritable cristallisation de l’indice des pensions que vous mettez en œuvre. Puisque vous évoquez le bilan de l’ancien gouvernement, je vous rappellerai que l’indice est passé de 33 à 48 de 2006 à 2012 : nous avons augmenté la retraite des anciens combattants de 42 %, et celle-ci est passée de 462 à 665 euros.

C’est ensuite la diminution de la rente mutualiste, que vous écartez d’un revers de main, madame la présidente, comme un sujet d’importance secondaire : les 400 000 bénéficiaires apprécieront ! Drôle de façon de célébrer l’anniversaire de la création de la retraite mutualiste que de baisser de 20 % la majoration de l’État ! Vous prétendez qu’il s’agit d’une mesure temporaire, mais il est permis d’en douter alors que l’on attend toujours la pause fiscale que vous annonciez. Allez-vous continuer à cautionner cette forme d’abandon de nos anciens dans leur « longue marche vers le tombeau », pour reprendre les mots de Chateaubriand ?

M. Yannick Favennec. Madame la présidente, les propos choquants que vous avez tenus sur la retraite mutualiste du combattant, que vous qualifiez de « niche fiscale », ne me semblent pas de nature à pacifier les esprits. Je vous invite à venir en Mayenne assister à l’assemblée générale de France mutualiste : vous verrez que ses adhérents sont loin d’être des privilégiés. Je rappelle que, quelle que soit la gravité des crises que la France a traversées depuis 1923, l’État n’a jamais diminué ses majorations, qui concrétisent le droit à réparation des bénéficiaires de cette rente et la reconnaissance de la nation à leur égard.

Aussi fondée soit-elle, la reconnaissance de situations particulièrement dramatiques opérée par les deux décrets d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale est vécue comme une injustice par les familles de ceux qui sont morts pour la France. Ainsi, une soixantaine de milliers de pupilles de la nation et d’orphelins de guerre ou du devoir, arrivés aujourd’hui à l’âge de la dépendance, considèrent comme une discrimination le fait d’être exclus de ce système de reconnaissance morale et d’indemnisation financière.

S’agissant, enfin, de l’indemnisation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français, certaines associations de victimes demandent l’intégration au sein du CIVEN de deux scientifiques désignés par les associations, la prise en compte de la contamination et de la présomption de causalité stricte pour tout le personnel civil et militaire, et un titre de distinction honorifique. Je m’interroge par ailleurs sur la faiblesse du nombre de cas indemnisés – 12 – au regard des 580 dossiers instruits.

Mme Edith Gueugneau. Monsieur le ministre, en tant que représentante de la Délégation aux droits des femmes au sein de la commission de la défense, je voudrais vous interroger sur l’aide différentielle au conjoint survivant, dont les bénéficiaires se trouvent dans une situation de grande précarité. Lors de votre arrivée au ministère, vous avez découvert que le plafond de 900 euros de l’ADCS n’avait pas été budgété en année pleine par votre prédécesseur. Malgré cette mauvaise surprise, et malgré l’effort budgétaire demandé aux différents ministères, vous avez pris l’engagement non seulement de maintenir ce plafond, mais aussi de le porter progressivement à 964 euros. Encore une fois, dans le cadre de ce projet de loi de finances, vous tenez vos engagements en portant le plafond de l’ADCS à 932 euros.

L’INSEE vient de publier une étude sur le niveau de vie des Français en 2011, qui fixe le seuil de pauvreté à 977 euros. Cette nouvelle définition du seuil de pauvreté a-t-elle eu un impact sur l’objectif d’augmentation du plafond de l’ADCS ? Quel sera, en termes d’exercices budgétaires, le calendrier de cette augmentation ?

Mme Marianne Dubois. J’ai été vivement alertée par les associations d’anciens combattants sur le sort que leur réserve ce budget, notamment sur le coup de rabot passé sur la rente mutualiste. En effet, le projet de loi de finances pour 2014 instaure une diminution de 20 % du taux de majoration des rentes mutualistes versées aux anciens combattants. Le Gouvernement en attend 10 millions d’euros d’économies en 2014 et 30 millions en 2015. Interrogé par mes soins mercredi dernier, le ministre de la défense ne m’a apporté aucun éclaircissement.

Le décret du 24 septembre 2013 suscite l’inquiétude des anciens combattants. En effet, la majoration de 25 % tomberait à 20 % et celle de 12,5 % à 10 %. De plus, n’ayant pas encore obtenu la campagne double, les anciens combattants seraient de nouveau pénalisés. Nombre d’entre eux estiment que ce décret, dans son application, est susceptible de porter atteinte au droit à réparation.

La majorité précédente a respecté les engagements pris auprès des anciens combattants. Même si comparaison n’est pas raison, cela ne semble plus être le cas aujourd’hui : votre budget connaît à nouveau une baisse supérieure à 2 %, alors que c’était déjà le cas en 2013.

Notre groupe proposera d’augmenter la retraite du combattant de deux points à compter du 1er juillet 2014.

M. Kléber Mesquida. Monsieur le ministre, à travers vous, je salue votre histoire qui est aussi la nôtre. Vous êtes l’ami de la République, que votre famille a servie avec honneur.

Vous l’avez rappelé, ce projet de budget s’inscrit dans une période de contrainte et de redressement des finances publiques. Mais personne ne peut contester que la dégradation des finances publiques est due pour un tiers à la crise et pour deux tiers à la gouvernance de ces cinq dernières années.

Votre politique s’articule autour, d’une part, de la préservation du lien entre la nation, les Français et la mémoire ; d’autre part, de la solidarité envers toutes les générations d’anciens combattants.

Vous respectez, dans votre budget, votre engagement concernant l’octroi de la « carte à cheval ». L’aide différentielle au conjoint survivant passe de 900 à 932 millions d’euros, soit une augmentation de près de 4 %, qui nous maintient néanmoins en deçà du seuil européen de pauvreté. Quant à la revalorisation de l’indice de calcul de la pension de retraite de 44 à 48 points, vous avez rappelé qu’elle n’était pas financée en totalité et qu’elle représentait 54 millions d’euros dans le budget 2013. Dans ces conditions, vous avez estimé qu’en 2014 la revalorisation de la retraite du combattant devait marquer une pause. À partir de l’an prochain cependant, nous entamons un nouveau budget triennal. Pensez-vous que, dans ce nouveau cadre, nous pouvons espérer une revalorisation en 2015 ?

M. Jean-Pierre Decool. Député d’un département du Nord vivement marqué par les conflits du xxe siècle, je sais tout ce que nous devons aux anciens combattants. Tous les ans, l’examen du budget qui leur est consacré est un moment fort de la discussion budgétaire, et la représentation nationale se doit d’exprimer sa reconnaissance vis-à-vis de celles et ceux ayant combattu pour notre liberté et dont certains restent marqués dans leur chair. Leur engagement et leur patriotisme doivent être honorés. Il faut ici remercier les associations et les fédérations d’anciens combattants pour leur action, inlassable et déterminée. Elles accomplissent bénévolement le travail nécessaire au devoir de mémoire de celle et ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour notre pays et notre liberté, et font œuvre de pédagogie à l’intention des plus jeunes, afin que nos enfants n’oublient pas le prix de la guerre.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir enfin entendu une demande récurrente du monde combattant en acceptant d’étendre le bénéfice de la carte du combattant aux militaires ayant servi en Afrique du Nord pendant quatre mois, dès lors que leur premier jour de service est antérieur au 2 juillet 1962 ; cette mesure concerne plus de 8 000 personnes.

Cette politique volontariste en faveur du monde combattant et de ses idéaux doit être renforcée. Je vous demande donc de bien vouloir poursuivre la revalorisation de la retraite du combattant, en acceptant l’amendement qui vise à augmenter l’indice de deux points au 1er juillet 2014. Pour la deuxième année consécutive en effet, votre budget est sur ce point en rupture avec la dynamique enclenchée sous la précédente législature.

Je vous prie également de bien vouloir revenir sur le décret pris le 24 septembre dernier sans aucune concertation et qui prévoit la diminution de 20 % du taux de majoration des rentes mutualistes versées par l’État aux anciens combattants. Une telle mesure pèsera de manière inadmissible sur leur pouvoir d’achat.

M. Régis Juanico. Je souhaite souligner les avancées contenues dans ce projet de budget et les nouveaux droits qu’il ouvre aux anciens combattants.

Avec la « carte à cheval », vous donnez satisfaction, conformément à vos engagements, à une vieille revendication du monde combattant.

Vous vous engagez à relever le montant garanti de l’aide différentielle au conjoint survivant de 900 à 932 euros ; là encore, c’était un engagement de votre part.

Vous augmentez enfin de 1,3 million d’euros en 2014 la subvention de l’État au budget de l’action sociale de l’ONAC, la hausse cumulée s’élevant à 3 millions d’euros dans le budget triennal.

On a beaucoup parlé de la baisse de 20 % du taux de majoration spécifique pour les rentes mutualistes, mesure qui concerne la moitié des 250 millions d’euros dépensés au titre de l’action 03, « Solidarité », et dont il faut attendre 10 millions d’euros d’économies pour l’an prochain et 20 millions d’euros pour l’année suivante.

Parallèlement, les dépenses fiscales concernant les anciens combattants seront en augmentation l’an prochain, puisque le coût de la demi-part supplémentaire pour les contribuables de plus de soixante-quinze ans, titulaires de la carte de combattant, va passer de 330 millions d’euros à 370 millions d’euros. En effet, le plus gros contingent d’anciens combattants est aujourd’hui constitué d’anciens d’Afrique du Nord – 1 million sur 1,2 million –, qui atteignent aujourd’hui soixante-quinze ans.

Par ailleurs, les exonérations sur les prestations aux anciens combattants sont intégralement maintenues, pour un montant de 200 millions d’euros, ainsi que la déduction de versement sur la rente mutualiste, pour 36 millions d’euros. Les dépenses fiscales vont donc passer de 566 millions d’euros à 606 millions d’euros, ce qui représente un effort non négligeable en faveur des anciens combattants.

Ma question porte sur l’éventuel élargissement de l’aide différentielle au conjoint survivant aux anciens combattants les plus démunis. En janvier 2013, vous m’aviez dit avoir recommandé aux services départementaux de l’ONAC d’examiner les demandes d’aide financière de ces anciens combattants les plus démunis avec bienveillance. Pouvez-vous nous confirmer qu’une réflexion est en cours sur le sujet ?

Mme la présidente Patricia Adam. La commission de la défense travaillera sur la question de la rente mutualiste. Il est important que tous les aspects soient évoqués, notamment la dimension fiscale. Marc Laffineur lui-même, en novembre 2011, à l’époque où il était secrétaire d’État, qualifiait cette rente mutualiste d’avantage fiscal.

M. Yves Censi, président. Je voudrais apporter trois précisions. D’abord, c’est un rapport de la Cour des comptes qui attribue la dégradation de notre solde budgétaire pour deux tiers à la crise et pour un tiers aux politiques menées par les gouvernements qui se sont succédé au cours des trente dernières années : nous avons donc tous notre part de responsabilité.

Ensuite, j’ai entendu dire que la rente mutualiste était une rente par capitalisation, ce qui ne l’empêche pas d’être une retraite…

Mme la présidente Patricia Adam. Non ; les textes donnent de la retraite et de la rente une définition très claire.

M. Yves Censi, président. Il existe d’autres types de retraite par capitalisation, notamment Préfon pour les fonctionnaires. Ce serait donc faire un mauvais procès à ceux qui en bénéficient de dire que la rente mutualiste n’est pas une retraite.

Enfin, un avantage fiscal n’est pas forcément une niche, et je ne crois pas que les bénéficiaires de l’avantage lié à la rente mutualiste y voient seulement un outil d’optimisation fiscale. Cet avantage fiscal est accordé au titre de la reconnaissance de la nation.

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Si la cordialité consiste à accepter la mauvaise foi, je ne peux pas être cordial. Je m’efforce de traiter l’ensemble des dossiers avec le maximum de transparence, et je ne crois pas que l’on puisse me reprocher d’occulter ceux qui posent problème ou de ne pas avancer là où c’est possible. Pour le reste, c’est une question de tempérament, et je suis un homme du Sud, monsieur Deflesselles.

Sans me lancer dans une guerre des chiffres, la réalité est que le budget des anciens combattants a baissé de 5,4 % en 2011 et 2012, et qu’il diminue cette année de 2,7 % par rapport à 2013, soit une baisse deux fois moins importante.

Quatre ministres ou secrétaires d’États s’étaient engagés avant moi sur la « carte à cheval ». J’ai pris un engagement à mon tour, mais, moi, je l’ai respecté : sans nulle prétention, c’est encore la réalité.

M. Bernard Deflesselles Il fallait voter la mesure lorsqu’on l’a proposée !

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Compte tenu de la situation budgétaire difficile que nous avons trouvée en arrivant au pouvoir, mon souci a avant tout été de protéger la rente mutualiste. Les débats ont porté sur le fait de savoir s’il fallait la fiscaliser à l’entrée, à la sortie ou la faire disparaître, garder l’enveloppe de 155 millions, ou rogner le plafond. L’essentiel a pourtant été protégé.

Par ailleurs, nous travaillons avec les organismes mutualistes les plus importants, dont la CARAC, à la recherche de solutions qui permettraient, en 2015, de compenser la baisse par l’État de l’abondement spécifique.

La retraite du combattant fait partie de mes priorités. Dès le prochain budget, nous sommes prêts à examiner l’hypothèse d’une hausse des points, et ce bien qu’il ait fallu trouver 54 millions d’euros pour compenser les mesures qui n’avaient pas été budgétées sous la précédente majorité.

S’agissant du plafond de l’ADCS, je ne sais si nous atteindrons d’emblée les 977 euros, mais nous allons procéder à des estimations financières pour savoir s’il nous faudra deux étapes pour y parvenir.

Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, la campagne double n’est pas une priorité, d’autant qu’elle ne concerne que les anciens combattants fonctionnaires.

Concernant l’attribution de la carte du combattant au titre des OPEX, nous travaillons sur l’idée de ne retenir, comme pour l’Algérie, que le seul critère des 120 jours. Cela permettrait de clarifier la situation et d’augmenter, conformément à notre souhait, le nombre de cartes délivrées.

En matière de médiation culturelle et d’apprentissage de notre histoire, l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense et le Service historique de la défense accomplissent un magnifique travail. Je tiens en particulier à mentionner les sites internet spécifiquement créés pour le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le site à vocation plus générale « Mémoire des hommes ». J’aurai, dans quelques jours, l’occasion de projeter à des représentants de pays ayant combattu pendant le premier conflit mondial un film réalisé par l’ECPAD.

Sur 846 dossiers envoyés au CIVEN, 580 ont été traités, dont 12 seulement de manière positive. Nous avons donc envisagé de faire évoluer le dispositif pour le rendre plus efficace et plus accessible aux populations concernées. Le ministre de la défense a décidé la réalisation d’une étude épidémiologique indépendante sur les effets médicaux des essais sur la population polynésienne. Cette étude a été confiée à l’INSERM et sa mise en place est en cours. La provision budgétaire de 10 millions d’euros est maintenue, et nous faisons en sorte d’améliorer l’information des demandeurs. Les experts proposés par les associations assisteront aux réunions du CIVEN et la déclassification des documents concernant les essais nucléaires sera poursuivie. Le périmètre d’application de la loi est étendu à toute la Polynésie française, et une étude spécifique sur la reconnaissance des vétérans est en cours.

J’évoquais, dans mon propos liminaire, la proposition de loi visant à faire du CIVEN une autorité indépendante : il y a là une piste de progression. Je suis autant gêné que vous par le faible nombre de dossiers traités de façon positive, alors que nous avons le budget nécessaire.

Je reviens d’un mot sur la rente mutualiste. J’accepte l’idée d’un comité de suivi, s’il peut contribuer à rassurer les uns et les autres. Je reste à votre disposition sur ce point.

Enfin, la question sociale reste une priorité pour moi, et l’attribution de l’aide différentielle aux anciens combattants les plus démunis est plus qu’une piste de travail. Nous avons accru les moyens sociaux de l’Office national des anciens combattants, et je suis prêt à franchir cette nouvelle étape.

M. Yves Censi, président. Monsieur le ministre, je vous remercie.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-sept heures.

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