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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 9 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance

Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

Présentation

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants

Mme Émilienne Poumirol, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées

Discussion générale

Mme Marianne Dubois

M. Francis Hillmeyer

M. Stéphane Saint-André

M. Jean-Jacques Candelier

Mme Edith Gueugneau

Mme Sophie Dion

M. François Rochebloine

Mme Nathalie Chabanne

M. Jean-Claude Mathis

M. Christophe Léonard

M. Kader Arif, ministre délégué

Discussion des articles

Article 1er

M. Jean-Pierre Le Roch

Article 2

Article 3

M. Joaquim Pueyo

Vote sur l’ensemble

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance (nos 849, 1171).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des anciens combattants.

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, c’est avec une certaine émotion – je ne vous le cacherai pas – que je m’exprime devant vous ce soir, car nous examinons un texte important, un texte attendu depuis de nombreuses années, un texte qui nous invite à regarder notre passé mais aussi à préparer un avenir commun, un texte fortement symbolique.

Ce passé, il est celui du 27 mai 1943, de la mémoire de la Résistance. Car le 27 mai 1943, à Paris, la première réunion du Conseil national de la Résistance fut un événement hors du commun. Ce jour-là, la Résistance française écrivait l’avenir de la nation.

Née d’un appel – celui du général de Gaulle – et d’une mobilisation de volontés, la Résistance, en 1943, n’était encore qu’un rassemblement de passions. Il fallait lui donner une cohésion, un véritable chef, reconnu par tous, et un programme. Le Conseil national de la Résistance remplit cette mission.

Face aux autorités de Vichy qui avaient adopté une politique de collaboration avec l’occupant, le CNR affirmait la légitimité nationale contre les nazis et leurs affidés.

Le CNR mit autour d’une même table les politiques, les syndicats, les mouvements, toutes philosophies, toutes appartenances, toutes histoires et cultures confondues. Dans la grande tradition de notre histoire nationale, dans la tradition de la Révolution française, les résistants furent les nouveaux « soldats de l’an II ».

Le 27 mai 1943 se joua la transition démocratique de la fin de la guerre et la refondation pacifique de la République.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est donc particulièrement important, et ce pour au moins trois raisons, que je veux aborder devant vous.

D’abord, parce que cela fait presque trente-cinq ans que le Parlement examine des propositions de lois similaires à celle-ci. Quoi de plus normal pourtant que de rendre hommage à ceux qui, en France, ont traduit dans les faits, et souvent au prix de leur vie, la volonté libératrice du général de Gaulle ?

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Kader Arif, ministre délégué. Certains craignent, me dit-on, une multiplication des cérémonies, de peur qu’elles ne perdent de leur sens et de leur spécificité.

Mais comment peut-on avoir de telles craintes à la vue de l’engouement des établissements scolaires pour participer au concours national de la Résistance et de la déportation ? Ils étaient encore 40 000 élèves à y participer cette année, avec un intérêt qui ne faiblit pas. Comment peut-on s’inquiéter d’une perte de sens alors que partout des jeunes se sont mobilisés pour plonger dans l’histoire unique de Jean Moulin ?

Je ne vois pour ma part que des raisons d’encourager ces énergies et de vous assurer, pour l’avenir, qu’à mesure que disparaissent les témoins de cette entreprise glorieuse que fut la Résistance, notre jeunesse pourra continuer à jeter un regard lucide, mais aussi un regard de fierté, sur ce passé de notre pays.

C’est tout le sens de l’article 3 de la proposition sur laquelle vous êtes invités à vous prononcer.

La seconde raison de l’importance de ce vote, c’est qu’il est un hommage à des valeurs qui méritent plus que jamais d’être rappelées : le courage, la défense de la République, le souci constant de la justice, de la solidarité, de la tolérance et du respect d’autrui. Chaque occasion qui nous est donnée de mettre en avant ces valeurs, est une occasion gagnée, une occasion supplémentaire d’éveiller les consciences citoyennes et de rassembler les Français.

M. Gérard Bapt. Tout à fait !

M. Kader Arif, ministre délégué. Nous sommes les héritiers des valeurs du CNR.

Permettre aux jeunes générations, le temps d’une journée dans leur année scolaire, de prendre le temps de s’interroger sur cette thématique, c’est investir dans l’avenir, c’est promouvoir une vision de la société conforme aux exigences républicaines.

Enfin, troisième raison, ce vote est important du fait de son caractère hautement symbolique. L’année 2013 est celle d’un hommage national à la Résistance intérieure et extérieure.

Les cérémonies, les expositions, les ouvrages dédiés, les événements spécifiques à cette thématique se sont multipliés au cours du semestre écoulé et se poursuivent encore. Quoi de plus normal, dès lors, que de prolonger cette démarche en la complétant d’un volet législatif ?

Avec l’examen de ce texte ce soir, nous arrivons au bout d’une démarche dans laquelle se sont engagés de nombreux acteurs, tous motivés par la même ambition – celle de faire vivre notre mémoire nationale.

Parmi ces acteurs, il y a bien évidemment, et au premier rang, les résistants eux-mêmes. Membres des mouvements de résistance, membres des réseaux, membres des maquis, ils ont tous joué un rôle indispensable à l’œuvre de libération de la France.

Il y a eu des Français et des étrangers, des hommes et des femmes de toutes croyances et de tous horizons politiques. Il y a eu des paysans et des cheminots, des ouvriers, des lycéens, des enseignants et des militaires.

Ceux qui sont encore parmi nous nous regardent. Je peux vous dire, comme ils me l’ont dit, qu’ils attendent ce vote avec impatience. Soixante-dix ans après, ils ne cherchent bien sûr pas la reconnaissance, mais forment ainsi le vœu que leur héritage soit pérennisé.

Il y a également la volonté du sénateur Jean-Jacques Mirassou, qui déposa cette proposition de loi et que je tiens à remercier à nouveau devant vous.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Kader Arif, ministre délégué. Et je n’oublie pas la longue succession de parlementaires qui, au fil des ans, ont proposé des textes allant dans le sens de la création de cette journée nationale d’hommage à la Résistance. Vous vous inscrivez dans leurs pas.

Parmi ces milliers de femmes et d’hommes d’honneur, il y a les dix-sept membres du Conseil national de la Résistance, réunis ce jour-là autour de Jean Moulin, sous l’autorité du général de Gaulle.

Leur œuvre fut double.

Elle fut d’abord de porter au plus haut, au-dessus de toute autre considération, les valeurs de la République qui font encore aujourd’hui notre fierté. Leur action donna à la Résistance un nouvel élan et lui permit, malgré les risques, de frapper plus durement l’ennemi. Il n’était pas anodin, au milieu de la guerre et sous le joug féroce de l’ennemi, de rappeler dans le programme du CNR la nécessité d’assurer la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression, la liberté d’association, de réunion et de manifestation, le rétablissement du suffrage universel, le respect de la personne humaine ou encore l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.

La force du CNR fut aussi de développer une pensée visionnaire proposant un véritable programme politique de mise en œuvre de ces valeurs fondamentales : des réformes économiques, sociales et politiques donnant la priorité à l’accès à l’éducation pour tous et posant les bases d’un modèle social qui est aujourd’hui le nôtre, à tel point que le préambule de la Constitution de 1946, qui s’en inspire, fait partie aujourd’hui du bloc de constitutionnalité français.

Je ne reviendrai pas sur toutes les propositions. Permettez-moi toutefois d’en citer quelques-unes : l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, prévoyant notamment la participation des travailleurs à la direction de l’économie ; le droit au travail et le droit au repos ; la reconstitution d’un syndicalisme indépendant ; la sécurité sociale – et bien d’autres choses.

Derrière toutes ces propositions, le triptyque « Liberté, égalité, fraternité » occupe une place centrale.

La liberté, le retour à cette liberté volée, arrachée à une France humiliée par la défaite de 1940. La liberté, si chère au général de Gaulle, qui, à l’occasion de la libération de Paris, rendait hommage à « la France qui se bat, la seule France, la vraie France, la France éternelle. » Se battre pour la liberté, confisquée hier par l’envahisseur, menacée aujourd’hui par des maux internes, ces maux qui portent le nom d’indifférence, d’individualisme et d’égoïsme.

L’égalité, principe fondamental de la République, est au cœur du combat de la Résistance et du programme du CNR. Elle porte en elle le refus des politiques racistes et antisémites qui s’abattent partout sur l’Europe occupée et en France également, avec le concours de l’État français, qui en vint même à devancer en ce domaine les désirs de l’occupant. Souvenons-nous du sens de leur engagement, alors que s’élèvent autour de nous les tentations du repli et de l’exclusion.

La fraternité, enfin. Elle est au cœur de l’œuvre du Conseil national de la Résistance. Le rassemblement, l’unité, l’apaisement, au profit d’une ambition commune et partagée, celle d’une République démocratique restaurée. La fraternité comme capacité à se réunir, comme l’ont fait les membres du CNR, qui représentaient toute la France républicaine. La fraternité comme entraide et solidarité, comme un serment d’amitié qui porte tant le projet politique de libération du territoire national que celui de reconstruction de la France d’après-guerre.

Cette œuvre fondatrice, il est de notre devoir de la porter à notre tour auprès des nouvelles générations. C’est tout le sens de cette proposition que je suis heureux et honoré de soutenir au nom du Gouvernement. En instituant une journée nationale du souvenir, dirigée principalement vers la jeunesse, c’est l’impératif de transmission qui est assuré.

Hier, nous commémorions le soixante-dixième anniversaire de la mort de Jean Moulin, celui qui rendit possible le CNR. Aujourd’hui, il vous appartient d’enrichir par ce texte la mémoire de la France.

Le 27 mai, chaque année, la jeunesse de France pourra, autour de ses enseignants, réfléchir sur ce qui fait qu’une nation reste forte et digne. Le 27 mai, chaque année, la jeunesse de France découvrira le nom de ceux qui ont tracé un chemin : le général de Gaulle, Jean Moulin, Missak Manouchian, Joseph Epstein, Berthie Albrecht, Danielle Casanova, Pierre Brossolette et bien d’autres encore, femmes et hommes inconnus.

Le 27 mai, chaque année, la jeunesse de France découvrira les noms des territoires de la liberté : les Glières, le Vercors, Saint-Marcel, le mont Mouchet. C’est simplement de cela qu’il s’agit aujourd’hui, simplement de cela, c’est-à-dire de l’âme de la France. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Émilienne Poumirol, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, voilà déjà plus de trente ans que le Parlement tentait pour la première fois d’instituer une journée nationale de la Résistance.

Dès 1979, en effet, une initiative avait été prise en ce sens par M. le député Philippe Séguin. Depuis, de nombreuses propositions de loi, amendements ou questions écrites ont été présentés, sans jamais parvenir jusqu’au stade ultime.

Aujourd’hui, alors que nous venons de célébrer le soixante-dixième anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance, nous devons – M. le ministre délégué l’a rappelé tout à l’heure – à M. Jean-Jacques Mirassou, sénateur de Haute-Garonne, la paternité de cette nouvelle initiative, adoptée le 28 mars dernier au Sénat dans un climat de très large consensus, par 346 voix contre deux.

Pourquoi instituer une journée nationale de la Résistance, alors que plusieurs rendez-vous du calendrier commémoratif sont aujourd’hui liés au souvenir de la Seconde Guerre mondiale ? Tout simplement parce que, aujourd’hui, aucun de ces rendez-vous ne permet d’en restituer tout le message.

Bien sûr, l’appel du 18 juin, par exemple, constitue un événement fondateur, mais il symbolise avant tout la naissance de la Résistance extérieure. Il constitue un appel aux forces combattantes à rallier l’Angleterre, mais non à préparer le retour d’un gouvernement légitime.

De la même façon, d’autres dates ont pu servir à rendre hommage à ceux qui ont dit non, mais toujours sur une base éphémère ou précaire.


Aussi, afin que l’hommage rendu à la Résistance ne soit pas soumis aux aléas des dates anniversaires ou des circonstances politiques, il importe de l’inscrire dans la loi comme un événement en soi : c’est ce que fait cette proposition dans son article 1er.

Une fois le principe de cette journée posé, l’article 2 précise que cette journée ne sera ni fériée ni chômée et qu’elle aura lieu le 27 mai. Que s’est-il passé le 27 mai 1943 ?

Pour la première fois, se sont réunis, sous la présidence de Jean Moulin, les représentants de toutes les tendances politiques, de deux syndicats ouvriers et des différents mouvements de résistance, Nord et Sud. Lors de cette réunion, seront adoptées à l’unanimité la répudiation de « la dictature de Vichy, ses hommes, ses symboles, ses prolongements » et la reconnaissance d’un gouvernement provisoire confié au général de Gaulle.

C’est ainsi que la Résistance intérieure et la Résistance extérieure s’unirent pour la première fois. Le 27 mai, la France devint une nation alliée et prit sa place de grande puissance dans la guerre. Elle ne fut plus uniquement une résistance extérieure – la France libre –, elle devint une France combattante et souveraine. Il y avait désormais pour elle une chaise à la table des vainqueurs, siège encore aujourd’hui matérialisé au Conseil de sécurité de l’ONU. Rester dans le jeu des nations, éviter une annexion – n’oublions pas le projet de Roosevelt de faire administrer la France libérée par un gouvernement militaire allié – : ce fut aussi l’enjeu de l’union.

Selon les mots de Jean Moulin, le 27 mai constitue « la première réunion d’une assemblée représentative de la France depuis la trahison de l’Assemblée nationale, le 10 juillet 1940 ». Bien sûr, le Conseil national de la Résistance n’était pas monochrome, il réunissait des tendances de gauche comme de droite, et sa mise en place demanda des mois. Mais toutes ces tendances se sont accordées sur l’essentiel : l’urgence de l’union, sous peine de tout perdre. Le général de Gaulle avait fait du maintien de l’unité de la Résistance le but premier du Conseil.

Cette unification de la Résistance a évité à la France les déchirements, trop souvent observés, des lendemains de guerre, comme ce fut le cas en Grèce ou en Yougoslavie, où l’obstination de chaque vainqueur ne permit pas de reconstruire un projet pour tous.

Cette réunion de la rue du Four préparait donc la suite. La suite, ce fut le fameux programme du Conseil national de la Résistance, adopté à l’unanimité le 15 mars 1944. Ce furent les bases philosophiques, les lignes politiques à tracer pour la reconstruction : quel modèle de société voulions-nous ensuite, puisque le précédent avait échoué, et que la Résistance se battait contre un autre modèle ? « Pendant cette nuit de l’occupation, il y avait des hommes qui réfléchissaient à ce qu’allait être le jour d’après » a résumé le chef de l’État lors de son allocution le 27 mai dernier au lycée Buffon, à Paris.

L’œuvre du CNR tient donc aussi très largement au programme d’action qu’il établit et aux grandes réformes de l’après-guerre qu’il imagine. Il n’est plus question, comme en 1918, de « retour à la normale » mais bien de l’instauration d’un « ordre social plus juste » : prééminence des droits humains, droit à l’emploi, liberté syndicale, sécurité sociale, égalité d’accès à l’enseignement et à la culture.

Ces éléments sont aujourd’hui encore au sommet de notre ordonnancement juridique. Ils font partie du bloc de constitutionnalité, et chacun d’entre nous, législateurs, doit s’y conformer.

Cette proposition de loi veut rendre hommage à ces deux messages forts de la Résistance, l’union pour le salut et l’affirmation de la dimension fraternelle et égalitaire de notre République. C’est en ce sens qu’un très large accord existe pour fixer la journée nationale de la Résistance au 27 mai, comme le fait l’article 2. Je rappelle qu’aucune des personnes auditionnées n’a mis en doute la légitimité de cette date ou suggéré une date alternative.

Cette loi ne participe pas à l’inflation commémorative de ces dernières années, inflation liée à l’émergence d’intérêts « catégoriels » en matière de mémoire, comme l’a constaté le rapport Kaspi. Elle prétend au contraire unifier la mémoire de la Résistance en mettant en place des pratiques commémoratives communes.

Elle ne vise pas non plus à faire dire à l’histoire ce qu’elle n’est pas, à imposer un prisme. Cette proposition de loi ne crée pas d’interprétation, elle ne dit pas l’histoire, la vérité historique, elle est tout simplement une loi du souvenir, une loi pour ne pas oublier.

Elle ne prétend pas non plus graver dans le marbre la nature de l’hommage. Elle laisse au contraire une grande liberté dans l’organisation de cette journée ; il appartiendra au Gouvernement de définir chaque année la façon dont il conçoit cette journée. Les lieux de mémoire ne manquent pas. Alors que beaucoup regrettent une certaine désaffection du public pour les commémorations, le choix original du Président François Hollande d’échanger, cette année, avec des lycéens est peut-être un exemple à suivre.

Mais plus que l’organisation d’une cérémonie nationale, cette proposition de loi vise, dans son article 3, à associer les établissements scolaires au souvenir de la Résistance.

La Résistance est abordée à trois reprises dans les programmes scolaires, en troisième, en première et en terminale. Il ne s’agit pas d’ajouter un nouveau chapitre à ces programmes, mais d’inviter les enseignants de ces classes à se servir de cette journée pour évoquer avec leurs élèves la Résistance et ses valeurs.

À l’heure où les grands témoins de cette période se font de plus en plus rares, il est important de conserver, dans les établissements scolaires, une initiative forte consacrée à la Résistance. En effet, il n’existe pas de relais social de cette mémoire, dans le sens où il n’existe pas de « communauté » résistante. C’est pourquoi il importe de combler cette absence de relais communautaire par un relais éducatif. Cela est d’autant plus nécessaire que cette période historique fait l’objet d’un rétrécissement croissant dans les manuels scolaires.

Il y a donc une véritable urgence à développer un volet pédagogique et trangénérationnel, afin non seulement d’assurer un relais de la mémoire, un pont culturel entre les générations, mais aussi et surtout de permettre à cet événement de signifier encore quelque chose d’exemplaire dans les esprits des jeunes générations.

Pour toutes ces raisons, l’article 3 de la proposition de loi traite du rôle dévolu à l’éducation nationale dans cette journée anniversaire. C’est même, pourrait-on dire, l’aspect essentiel du texte.

Il reviendra aux enseignants de choisir les initiatives qu’ils jugent les plus adaptées à cette transmission. On peut imaginer qu’ils organisent des visites de lieux de mémoire ou de musées, montent une pièce de théâtre, projettent un film ou encore publient un journal. Pour cela, ils recevront naturellement le soutien du ministère de la défense et des différentes associations et fondations de la Résistance, à l’image de la Fondation de la Résistance, qui organise chaque année avec un franc succès le concours national de la Résistance et de la déportation.

Le 27 mai dernier, le Président Hollande a rappelé qu’il est des moments dans notre histoire « où nous devons nous rassembler sur ce qui est l’essentiel, sur ce qui fait que nous sommes une nation, que nous avons des valeurs – c’est ce qu’a fait le Conseil national de la Résistance ».

Ce message d’unité, de rassemblement autour de valeurs partagées sera entendu, je l’espère, par la très grande majorité d’entre vous. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il est des sujets qui méritent un consensus. La présente proposition de loi, visant à instituer une journée nationale de la Résistance, est de ceux-là.

Adoptée au Sénat par 346 voix contre deux, elle concrétise des initiatives diverses et anciennes. Rappelons en particulier la proposition de loi de M. Philippe Séguin, en 1979. La commission de la défense a également adopté, sans aucune modification et à l’unanimité, les trois articles proposés.

Nous célébrons cette année les 70 ans du Conseil national de la Résistance, qui s’est réuni pour la première fois le 27 mai 1943. Sa composition pluraliste a renforcé la forme institutionnelle qu’il allait conférer à la Résistance. Symbole du consensus politique et syndical, le CNR est le symbole de l’unification de la France résistante, et permet d’évoquer la mémoire des femmes et des hommes qui, comme Jean Moulin, ont choisi de faire don de leur vie pour notre pays et ses valeurs démocratiques.

À partir de ce 27 mai 1943, la Résistance intérieure se coordonne, devient plus efficace et participe, avec le général de Gaulle, à redonner à la France son rang au sein des nations alliées.

Cette proposition de loi se veut pédagogique, comme l’a très justement rappelé Mme la rapporteure. Il nous faut en effet renforcer les liens entre les Français – en particulier les jeunes Français – et l’histoire. Associer les jeunes à cette journée est indispensable.

Il faudra en particulier rappeler qu’à ce moment de notre histoire où notre pays était sous le joug de la dictature et de l’oppression, la jeunesse de France a pris toute sa part à la lutte pour redonner à notre pays espoir et dignité.

C’est un symbole très fort qu’il nous appartient de rappeler à l’heure où notre jeunesse s’interroge sur sa place au sein de la société et sur son avenir. Dans les pires moments de notre histoire, leurs aînés ont su montrer la voie de l’engagement au service d’un dessein commun.

Car le CNR représente aussi l’action collective pour bâtir une société plus juste et plus solidaire. L’héritage de ces partis et de ces syndicats rassemblés, c’est en effet celui de notre système de sécurité sociale, du droit de vote des femmes, de la modernisation de la presse et d’une nouvelle constitution.

Il est néanmoins nécessaire que cette journée de commémoration soit marquée par un moment de rassemblement, organisé par les lycéens et leurs professeurs, auxquels pourront se joindre toutes les organisations qui portent les symboles de la résistance à l’oppression.

Dans ma circonscription, à Beaune-la-Rolande, un lycée professionnel est bâti sur le site d’un camp de transfert avant déportation. Tous les ans, des actions pédagogiques sont menées par le corps enseignant pour rappeler cette page de notre histoire. Les commémorations, auxquelles sont associés les jeunes, sont l’aboutissement naturel de ces actions pédagogiques, où toutes les générations se retrouvent pour un instant de recueillement.

Ainsi que le montre cet exemple, il convient que les commémorations redeviennent attractives, qu’elles s’inscrivent dans une démarche pédagogique afin de rompre avec la loi du nombre et la désaffection qui s’y greffe parfois.

Je souhaite que cette proposition de loi, souple dans son application, permette à chacun de se l’approprier, et qu’elle soit rendue effective, au service de la transmission du flambeau de ce qu’étaient le Conseil national de la Résistance et ses valeurs. Comme le disait avec justesse le général de Gaulle, « la flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre ». La loi qui nous est soumise nous permettra de l’entretenir.

Les valeurs du courage, du dévouement, de l’abnégation sont permanentes et cette journée nationale de la Résistance permettra de mettre en lumière l’action héroïque de Jean Moulin et de ses compagnons.

En conclusion, mes chers collègues, je rappellerai notre soutien à la politique de mémoire, en témoignant de l’attachement des Français envers ceux qui ont combattu, souvent au péril de leur vie, pour notre liberté. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC, UDI et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il y a dans la vie publique des moments de rencontre qui signent un constat partagé, un lien de civilisation et de culture indubitable, une aspiration unanime à des valeurs à la fois supérieures et présentes intimement en chacun de nous. C’est une sorte de partage des eaux entre l’éphémère et le nécessaire, comme l’écrivait Jacques Ellul.

C’est la démonstration que viennent de faire nos collègues du Sénat, en adoptant cette proposition de loi à la quasi-unanimité, laquelle n’est pas sans évoquer cette réunion constitutive du Conseil national de la Résistance sous la présidence de Jean Moulin, le 27 mai 1943.

C’est, j’espère, ce que notre assemblée fera à son tour. C’est mon vœu personnel, et celui de l’ensemble de mes collègues du groupe UDI.

Le 27 mai 1943, Jean Moulin réunissait pour la première fois le Conseil national de la Résistance. Voilà au moins vingt ans que nombre d’associations d’anciens combattants attendent l’hommage de la nation au combat et aux sacrifices des résistants, en célébrant cette date si particulière.

Que dit cet événement ? Il parle d’une volonté d’indépendance farouche, d’intransigeance généreuse, et du refus des fatalismes. Il parle de la réinvention d’un monde qui semblait anéanti, parce que, comme le disait Stéphane Hessel, « résister, c’est créer et créer, c’est résister ».

Le 27 mai parle bien sûr de la haute figure emblématique et rayonnante de Jean Moulin, et, à travers lui, de celle des grands chefs de mouvements et de réseaux qui incarnaient une ville et un village après l’autre.

Il parle de la Résistance intérieure, de ces femmes et de ces hommes que l’occupant appelait « terroristes » et qui illustrent si parfaitement cette belle phrase de Jean-Pierre Vernant : « L’Homme est, en dedans de lui-même, le lieu d’une histoire ». Résister alors à la barbarie extérieure, c’était aussi résister à la barbarie qui sourd en chacun d’entre nous.

Il parle de ceux qui, dans cette période tragique, avec la mort qui rôde partout, dans cette période de barbarie, de terreur, d’incertitude et d’angoisse, n’ont jamais éteint la flamme de l’espoir et n’ont pas résisté à l’élan vital d’une nation, soulevée par l’effort de guerre pour elle-même et pour chacun des siens, moins de trois ans après l’appel du 18 juin.

Il parle d’une mission impossible qui permit de réunir toutes les composantes de la Résistance intérieure : huit mouvements de résistance ; six partis politiques résistants ; deux centrales syndicales clandestines ; les internationalistes qui découvraient la patrie et les nationalistes qui abandonnaient racisme et antisémitisme.

Il parle d’une convergence des volontés et des courages, malgré les conflits – de personnes et d’idées –, les armes pour les uns détournées par les autres, les traîtrises d’agents retournés par la Gestapo, les violences inutiles, les vilenies.

Il parle encore de tous les Français venus de ce que l’on appelait alors nos colonies, et de toutes les forces de libération alliées, auxquelles il fallait tracer la voie. Cette voie, ce fut, pour un trop grand nombre d’entre eux, celle de la mort pour la liberté d’un continent, pourtant si éloigné de leur vie, de leur quotidien, de leurs familles. Mais c’était la voie du monde libre.

Il parle du retour de la République, de cette grande fraternité républicaine qui avait alors un sens évident : c’était celui de la liberté. D’un coup, cette liberté, c’était aussi la puissance. D’un seul coup, la soumission n’était plus celle de la France, mais celle du peuple allemand, qui avait abdiqué toute volonté et toute réflexion personnelle, voire toute humanité, au destin collectif d’une nation. Cette République de la Résistance, c’était le combat pour la justice, l’honneur, la vérité et la liberté fondée sur la solidarité de tous.

Ce 27 mai 1943 parle, enfin, d’un pays renaissant et d’un pacte national rénové sur la base d’un programme national, qui permettra de profondes transformations économiques, sociales et politiques. Ces fondations appellent aujourd’hui, de notre part, le même travail en profondeur que celui de nos pères, après un cycle exceptionnel qui a longtemps traduit dans les faits, pour chacun de nos concitoyens, le triptyque républicain : liberté, égalité, fraternité.

Mes chers collègues, au nom de cette vision de la France, le groupe UDI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Saint-André.

M. Stéphane Saint-André. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, René Char écrivait : « Résistance n’est qu’espérance. » En juin 1940, quand l’Allemagne s’imposait en vainqueur, que notre pays ressentait l’humiliation de la défaite et allait connaître l’envahissement et le joug de l’occupation, l’espérance que la France retrouve sa liberté, sa dignité et son intégrité était portée par les résistants de la première heure.

Animés d’une détermination sans faille, persuadés de la légitimité de leur combat, ils s’engagèrent au nom de cette haute et noble cause. Le plus souvent spontanée, modeste et éparse sur tout le territoire, cette première Résistance s’annonça décisive, car elle dressa les premiers obstacles à l’exploitation et à la résignation du peuple français.

Le phénomène eut une importance particulière dans le Nord et le Pas-de-Calais, région qui souffrit beaucoup du sentiment d’abandon, d’une lourde présence allemande, des difficultés de la vie quotidienne et des bombardements.

En effet, lorsqu’en mai 1940 l’Allemagne lance son offensive à l’ouest, après avoir envahi la Hollande et la Belgique, ses troupes, dont la redoutable division Totenkopf, commettent de terribles exactions sur les populations, notamment celles de Courrières et d’Oignies, pour ne citer qu’elles. L’armistice signé, le Nord et le Pas-de-Calais sont déclarés « zone interdite », coupés du reste de la France et placés sous la tutelle directe de la Wehrmacht, car cette région industrialisée présente un intérêt économique important pour l’occupant, décidé à remettre rapidement l’appareil de production en marche. Très vite, les mines retrouvent leur activité et, afin d’en accroître les rendements au détriment des mineurs, les journées de travail sont allongées et les pauses supprimées, tandis que les salaires sont bloqués.

C’est alors qu’un acte collectif, précurseur de la Résistance – certainement l’un des plus importants, mais aussi des plus mal connus – va se dérouler : le 24 mai 1941 débute la grande grève patriotique des mineurs. En cinq jours, partie du puits Dahomey, à Montigny-en-Gohelle, elle devient générale dans le Nord et le Pas-de-Calais, avec plus de 100 000 mineurs cessant le travail, sur un total de 143 000. Ces gueules noires, motivées initialement par des revendications sociales, font de cette grève un mouvement de résistance de grande ampleur pour affaiblir l’occupant nazi et déstabiliser son économie de guerre, en parvenant à dissimuler 500 000 tonnes de charbon.

Cette résistance ouvrière, perçue par la Wehrmacht comme un défi à son pouvoir, l’a amenée, par contrecoup, à exercer une répression féroce. Ainsi, ce sont deux cent cinquante gueules noires qui constituèrent le premier convoi de déportés français vers le camp de Sachsenhausen. D’autres le payèrent de leur vie, comme Émilienne Mopty qui, ayant pris la tête des femmes de mineurs, fut décapitée à la hache à Cologne, en 1943. Par sa dimension patriotique, cette grève a permis aux mineurs de rejoindre le grand mouvement de la Résistance, avec ici les maquisards, là les membres des réseaux clandestins, et tous les autres anonymes.

Mais quand, au fil des mois, la destruction de la nation française s’accentue, parce que le gouvernement de Vichy s’enfonce totalement dans la collaboration, lorsque l’oppression et l’exploitation du pays par l’occupant atteignent un degré insupportable, par le pillage, la famine organisée, le maintien dans les camps d’un million de prisonniers, la déportation d’ouvriers, l’emprisonnement et l’exécution des patriotes les plus valeureux, la Résistance veut devenir une force offensive d’ampleur nationale. Cependant, il faudra des mois pour que réticences et oppositions soient surmontées, au terme de multiples et dangereux contacts. Car la Résistance demeure longtemps plurielle. Chaque organisation a ses caractéristiques propres. Les conceptions du combat et les visions de la France libérée y sont différentes, parfois opposées.

Le processus de rapprochement s’accélère en 1943 et Jean Moulin y joue un rôle crucial. Préfet de sensibilité radicale, il est entré en contact avec la Résistance française après avoir entendu l’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940. Devenu, en janvier 1942, le représentant du chef de la France libre auprès des mouvements de Résistance, il parvient finalement à les unifier, à Paris, en Conseil national de la Résistance, lors de la réunion historique du 27 mai 1943.

Malgré les sensibilités différentes réunies par lui autour de la table, à savoir huit représentants des mouvements de la Résistance, six représentants des principaux partis politiques de la IIIe République et deux représentants des syndicats les plus importants d’avant-guerre, c’est l’exigence d’unité qui l’emporte et qui rassemble, avec comme objectif la reconquête de l’indépendance nationale.

Ainsi, ce 27 mai, le CNR se fixe pour objectifs de coordonner l’action de la Résistance sous l’égide du général de Gaulle pour que la France parle d’une seule voix sur la scène internationale, mais aussi de préparer l’avenir. Ce qui conduit ses membres à adopter, le 15 mars 1944, un programme novateur pour préparer, comme le mentionnait sa première édition, « les jours heureux ». Il s’élabore autour d’un « plan d’action immédiate », appelant à l’engagement massif des Français, dans un combat incessant et multiforme contre l’oppresseur ; il expose ensuite les mesures à appliquer pour la libération du territoire, dessinant, dans les domaines politiques, sociaux et économiques, les traits d’une République nouvelle, profondément démocratisée autour d’un « ordre social plus juste ».

Les grandes réformes qui ont été accomplies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se sont inspirées de ce programme et nous en avons hérité aujourd’hui : un plan complet de sécurité sociale, le droit de vote des femmes, le droit au travail, les comités d’entreprise, les nationalisations, la modernisation de la presse, la garantie d’un niveau de salaire. Il nous appartient de les préserver, tout comme la défense des valeurs patriotiques, démocratiques et humanistes, la lutte contre le regain d’idéologies fascistes, et la défense de la paix. Autant de valeurs de la Résistance, inscrites dans le préambule de la Constitution, qui restent des valeurs modèles pour notre société actuelle, des valeurs auxquelles nous devons nous référer et que nous devons transmettre.

Notre devoir de mémoire est aussi de reconnaître les services rendus par cette « armée des ombres », que Joseph Kessel a célébrée dans son livre : « Jamais la France n’a fait guerre plus haute et plus belle que celle des caves où s’impriment ses journaux libres, des terrains nocturnes et des criques secrètes où elle reçoit ses amis libres et d’où partent ses enfants libres, des cellules de tortures où malgré les tenailles, les épingles rougies au feu et les os broyés, des Français meurent en hommes libres. »

À l’instar de Jean Moulin, sont morts en « hommes libres » 20 000 résistants des Forces françaises de l’intérieur tués au combat, 30 000 autres fusillés, et plus de 60 000 déportés dans les camps. L’exemple du courage et du civisme de ces combattants de la liberté est un élément fondateur de la mémoire nationale. Leur sacrifice, librement consenti, permit à la France de siéger à la table des vainqueurs le 8 mai 1945, et à l’Europe de se construire. Il est donc impératif que le message qu’ils nous ont légué soit conservé et transmis, et qu’il reste vivant : il y va des valeurs républicaines.

En instaurant une journée nationale de la Résistance chaque 27 mai, cette proposition de loi permettra de leur rendre un hommage solennel et elle sera l’occasion, auprès des jeunes générations, dans chaque collège de France, d’organiser des actions, de réfléchir aux valeurs de la Résistance et à l’action du Conseil national de la Résistance. Car l’esprit de la Résistance c’est aussi la confiance en l’avenir : c’est un message d’espoir qui est légué à la jeunesse.

Par conséquent, les députés du groupe radical, républicain démocrate et progressiste la voteront. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi instaure une journée nationale de la Résistance le 27 mai, date anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance.

Les parlementaires communistes, au cours des législatures successives, ont toujours défendu cette mesure. Je vous renvoie à la proposition de loi déposée au Sénat le 28 octobre 2007 par Guy Fischer, ou encore à la proposition de loi déposée en octobre 2012 par les députés du Front de gauche, dont moi-même.

Pourquoi commémorer la Résistance en une journée spécifique, alors même que d’autres anniversaires permettent de l’évoquer et de l’honorer, comme le 18 juin ou encore le 8 mai, date de l’armistice ? Célébrer le souvenir du 27 mai 1943 constitue une démarche unique de reconnaissance de l’apport de la Résistance intérieure à la libération et à la reconstruction du pays, tout en honorant les valeurs des résistants. Une telle célébration pourra être l’occasion, pour les enseignants, de transmettre aux élèves la mémoire de cette période historique, mais aussi les valeurs humanistes et d’engagement que symbolisent ces femmes, ces jeunes, ces hommes, ces ouvriers, ces paysans, qui se sont battus jusqu’au sacrifice de leur vie pour sauver notre République.

La date du 27 mai, marquant le début du processus politique de libération du pays, fait l’unanimité. Elle symbolise non seulement l’unification de la Résistance, mais également la volonté de libérer la France par une participation active du peuple français, à travers les Forces françaises de l’intérieur. C’est le 27 mai 1943 que la Résistance, unifiée sous la houlette de Jean Moulin, a exprimé la volonté de trouver, dans sa diversité, le chemin d’une unité patriotique tendant vers un idéal commun.

Cette journée nationale sera dédiée aux valeurs de la Résistance et au souvenir des héros qui ont eu le courage de refuser la capitulation, la collaboration et l’occupation nazie – occupation qui fut particulièrement inhumaine, je le précise à l’attention de certains élus d’extrême droite. Ces résistants, qui faisaient surtout partie de la classe ouvrière, quand la majorité de la droite et du patronat avait fait le choix de la collaboration, ont redonné à la France son identité, bafouée par Vichy. Avec ce texte, nous disons aux jeunes générations qu’il ne faut jamais oublier celles et ceux qui ont fait, au péril de leur vie, le choix de la liberté et de l’honneur. Par leur engagement, ces femmes et ces hommes ont permis d’offrir un avenir à nous tous. Si chacune et chacun d’entre eux mérite, certes, un hommage pour ses qualités personnelles inestimables, c’est également la France du collectif que nous honorons.

L’action des résistants a traduit le principe selon lequel l’avenir des hommes appartient d’abord aux hommes eux-mêmes. Rien n’est écrit d’avance et il faut lutter en permanence, surtout quand le pays est proche de l’abîme. En organisant la Résistance de l’intérieur, ils ont contribué à l’existence de la France dans l’après-guerre et au rétablissement de sa souveraineté et de sa dignité, et ils ont permis de faire échec aux velléités anglo-américaines de mise en place d’une tutelle sur la France. À l’heure où l’administration américaine, arrogante, sans foi ni loi, se permet de nous espionner, n’oublions pas que Roosevelt projetait d’établir une tutelle militaire sur la France après la guerre !

Célébrer le 27 mai, c’est également célébrer la vivacité du programme du CNR.

Ainsi, selon l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, le programme du Conseil national de la Résistance « a permis de jeter les bases d’un nouveau contrat social à l’ambition révolutionnaire, qui fonde encore aujourd’hui notre République. La modernité du programme du Conseil national de la Résistance demeure entière. »

Oui, le programme du CNR constitue le socle de notre modèle social, que les libéraux et les réactionnaires s’acharnent encore aujourd’hui à démanteler.

Nous gardons en mémoire les déclarations de Denis Kessler, numéro deux du MEDEF, affirmant qu’il fallait « défaire méthodiquement le programme du CNR ».

Une telle offensive avait suscité l’émoi des résistants qui, le 8 mars 2004, avaient déjà appelé les jeunes générations « à faire vivre et retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. [...] Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? », s’interrogeaient-ils.

Ils ajoutaient : « les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers, qui menace la paix et la démocratie. »

La destruction du programme du Conseil national de la résistance, c’était la ligne de Sarkozy. C’est toujours la ligne de l’UMP.

M. François Rochebloine. Ça, c’est ce qui s’appelle un dérapage !

M. Jean-Jacques Candelier. Le message est clair aujourd’hui pour le Gouvernement et sa majorité. Alors qu’il aurait fallu tourner la page de la droite, force est de constater que le Gouvernement poursuit et prolonge dans de nombreux domaines les attaques sur les salaires et les traitements des fonctionnaires, aggrave l’austérité, la soumission à l’Union européenne et aux États-Unis, la casse du code du travail, des droits sociaux et des droits à la retraite.

Au nom de quel dogme devrait-on aujourd’hui sacrifier les principes qui ont guidé l’élaboration du programme « Les jours heureux » ? Au nom de la dette ? Au nom de la compétitivité ? Au nom de la mondialisation ? Au nom de l’Union européenne ? Au nom du grand patronat ? Au nom des technocrates de la Cour des comptes ou de la Commission européenne ?

Alors que la crise du capitalisme s’abat sur nous, que le fatalisme progresse – ainsi, mécaniquement, que les idées et les agissements nauséabonds d’extrême droite –, nous devons non seulement rester vigilants, mais aussi ressourcer l’action publique d’aujourd’hui dans un nouveau pacte social et économique.

C’est une tâche brûlante pour tous les vrais républicains. Il faut recréer des marges de manœuvre face au capital, reprendre nos destins en main, donner à voir notre capacité à agir concrètement pour l’amélioration des conditions de vie de chacun.

Le CNR appelait à « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », et garantissant « le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ».

Il prônait « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques » et appelait à « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». Rien à voir avec le rapport Moreau sur les retraites !

Citons encore « l’organisation rationnelle de l’économie », la création de la sécurité sociale, des comités d’entreprises, du salaire minimum vital, le droit à l’emploi, les nationalisations ou l’augmentation des salaires.

Oui, il faut redresser la France, en s’inspirant largement d’un programme actualisé du CNR, qui renforcerait notamment la démocratie dans l’entreprise.

Oui, aujourd’hui à nouveau, il faut reconstruire la France dans une perspective d’émancipation nationale, de progrès social, d’éradication du fascisme et du racisme, en nationalisant démocratiquement les banques et les grandes industries, en prônant la coopération pacifique entre les nations, ce qui n’a rien à voir avec le libre-échange qu’on veut nous faire adopter au pas de charge.

Oui, face aux féodalités, à la Commission européenne, au FMI, à la BCE, face à l’OTAN, il faut retrouver le principe de l’indépendance politique et économique de la nation et de la souveraineté populaire pour mener des politiques de progrès social.

Alors que la représentation nationale appelle les enseignants à faire œuvre de pédagogie, je m’y essaie à mon niveau. En aucun cas le Front national des Le Pen ne saurait se réclamer de l’esprit et des valeurs de 1945.

Le Front national usurpe scandaleusement le nom du « Front national », ou « Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France », organisation politique de la Résistance intérieure française créée par le parti communiste français en mai 1941.

L’usurpateur Jean-Marie Le Pen a d’ailleurs été récemment condamné définitivement pour contestation de crime contre l’humanité par la Cour de cassation suite à ses propos sur l’occupation nazie.

Nous ne sommes pas dupes. Ce n’est pas avec, mais contre l’extrême droite, massivement compromise avec Pétain et Hitler, que s’est construite toute l’action du CNR.

Non seulement le CNR n’a rien à voir avec un parti dont le président d’honneur tient les chambres à gaz pour un « point de détail de la Seconde Guerre mondiale », mais les attaques incessantes des Le Pen contre les travailleurs immigrés et contre le mouvement syndical sont aux antipodes de l’esprit du CNR, dont le programme revendiquait, je le rappelle, le « rôle central du monde du travail » dans la reconstruction d’une France libre et fraternelle.

Établir la centralité du monde du travail dans tous les domaines de la vie sociale, voilà un beau projet d’émancipation sociale.

Le groupe GDR votera bien évidemment ce texte, en espérant rallumer l’espoir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Édith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, madame la rapporteure, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer, au nom du groupe SRC, notre collègue sénateur Jean-Jacques Mirassou qui a pris l’initiative de cette proposition de loi.

Le texte dont nous débattons aujourd’hui instaure le 27 mai comme journée nationale de la Résistance. Même si certains trouvent le calendrier mémoriel déjà bien chargé, cette journée ni fériée ni chômée, et s’adressant à la jeunesse, apparaît comme une réponse des plus opportunes aux demandes fortes des associations d’anciens résistants, mais surtout à notre devoir de mémoire. Malgré son rôle capital pour notre société actuelle, il n’existait jusqu’à présent pas de journée nationale pour saluer la Résistance.

Certes, des commémorations ont lieu chaque année autour de figures historiques comme Charles de Gaulle ou Jean Moulin, et les territoires n’ont pas attendu cette journée nationale pour rendre hommage aux illustres comme aux milliers d’anonymes. Cela a d’ailleurs été particulièrement vrai en cette année du soixante-dixième anniversaire de l’espoir de la première réunion du Conseil national de la Résistance, et de la tragédie de l’arrestation de Jean Moulin.

Le 20 mars 1943, Jean Moulin atterrissait pour la dernière fois en France, depuis l’Angleterre, à Melay, petite commune de Saône-et-Loire située dans ma circonscription. Le 20 mars 2013, l’émotion était palpable et l’engagement de tous, des associations, des élus, des anciens résistants et des plus jeunes forçait le respect et illustrait bien la déférence due à ces combattantes et combattants du quotidien. Pour autant, instaurer cette journée nationale est un devoir, et le 27 mai une date forte de symboles.

Ce 27 mai 1943, les représentants des huit grands mouvements de Résistance, des deux syndicats d’avant-guerre et de six partis politiques ont transcendé leurs divergences au service des valeurs de solidarité, de liberté et d’humanité. Le 27 mai 1943 est la première réunion du Conseil national de la Résistance. Une première réunion porteuse d’espoir et un acte fondateur indéniable.

Oui, nous sommes héritiers du programme du Conseil national de la Résistance, adopté à l’unanimité en mars 1944. Sécurité sociale, lois sur l’assurance vieillesse, sur les conventions collectives, sur le salaire minimum vital, fondent l’histoire et l’identité de notre République. Nous avons un devoir à l’égard de ces hommes et ces femmes qui ont su à la fois résister au présent et construire l’avenir.

La disparition récente de Stéphane Hessel et l’écho mondial des messages d’indignation et de résistance nous rassurent aussi sur nos capacités de résistance. Car personne ici ne peut présumer du résistant qu’il aurait été.

C’est pour moi l’occasion de parler des femmes et des hommes au courage sans limite, à la conviction chevillée au corps, et assoiffés de liberté. Je pense à Lucie et Raymond Aubrac, Robert Galley ou Gisèle Guillemot.

Rendre hommage aux valeurs, aux héros, aux anonymes, se souvenir, est aujourd’hui un de nos deux devoirs d’héritiers. Le second est de préserver la paix et le vivre-ensemble. Les valeurs universelles des droits de l’homme, que nous partageons, font de la paix le ciment du vivre-ensemble. Mais force est de constater que les hommes ne lui donnent pas toujours raison. Et après m’être rendue au Mali cette année, je ne peux faire l’éloge de cette paix sans évoquer les troupes françaises et les six soldats disparus au cours d’un conflit contemporain.

Il faut croire que les atrocités, les pertes, les injustices des guerres ne donnent pas assez de leçons. Pourtant la Seconde Guerre mondiale a été douloureusement instructive sur les dérives humaines. Quand on évoque 39-45, la mémoire est le devoir du « plus jamais ça ». La mémoire reste le meilleur rempart contre la bête immonde surgie d’un ventre peut-être encore fécond.

Mais ce n’est pas nous, durablement marqués par ces atrocités, qui avons le plus à craindre de l’oubli. Ce sont nos enfants, nos petits-enfants et les générations qui les suivront. Il faut donc une journée pour se souvenir ensemble, il faut donc s’adresser aux jeunes générations.

La jeunesse trouve toute sa place au sein de ce texte, qui ne se limite pas à créer l’hommage, mais qui entend le faire comprendre. L’éducation nationale a, dans cette démarche, tout son rôle à jouer, elle est le vecteur idéal de cette transmission. Et je voudrais saluer le travail de nos collègues sénateurs qui ont préféré « inviter » les enseignants à s’inscrire dans la démarche, leur permettant ainsi de se s’en saisir plus facilement.

« Si les générations passées cachent leurs erreurs à leurs successeurs, elles condamnent ces jeunes à revivre les mêmes erreurs », disait Goethe. Ne condamnons pas notre jeunesse, notre avenir, à oublier, et peut-être à recommencer. Apprenons-lui les luttes qu’il a fallu mener. Apprenons-lui que la liberté, la démocratie, la justice sociale, la solidarité, la tolérance, ce n’est pas un dû, ce sont des valeurs qui se préservent et qui s’entretiennent. Les délaisser entraîne des conséquences graves, que nous ne connaissons que trop.

Il ne faut pas tarder. L’histoire de la Seconde Guerre mondiale est en grande partie fondée sur le témoignage. Or, de la même manière que les symboles se galvaudent, les témoins de chair disparaissent, l’histoire contemporaine que nous connaissons perd année après année quelques pages dans les manuels scolaires. Notre jeunesse est le garant de notre histoire et de notre avenir.

Je conclurai avec René Char : « Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance. » (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’institution d’une journée nationale de la Résistance le 27 mai, en hommage à ces hommes et ces femmes de l’ombre qui ont participé, au péril de leur vie, à la libération de la France et qui se sont battus pour un idéal commun, la lutte contre le fascisme, ne peut que rassembler les parlementaires issus de tous les bords politiques.

Il est en effet important de conserver et de faire vivre le souvenir de ceux qui ont refusé la collaboration instaurée par le régime de Vichy et qui ont fait acte de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.

Nombreux sont ceux qui, en Haute-Savoie, se sont engagés dans la lutte armée, se rassemblant au sein de l’Armée secrète, le « bataillon des Glières ».

Haut lieu de la Résistance, le plateau des Glières fut un site de parachutages importants destinés à armer les maquisards de toute la région. Ce fut, pour les alliés, un moyen de tester la capacité militaire des maquis dans la perspective du débarquement. Et ce fut une réussite. Elle permit au général de Gaulle d’obtenir ensuite d’autres parachutages d’armes pour la Résistance intérieure française.

Entre janvier et mars 1944, le plateau des Glières a été le théâtre d’affrontements entre plusieurs centaines de maquisards, menés par le lieutenant Tom Morel puis par le capitaine Maurice Anjot, tous deux issus du 27e bataillon de chasseurs alpins.

Le combat des Glières fut la première bataille d’envergure de la Résistance. Malgré la neige et le froid, les bombardements aériens, les pilonnages de l’artillerie ennemie, l’encerclement, les maquisards ont tenu bon. Ils ont réussi à contenir les assauts et à s’exfiltrer du plateau. À Londres, les radios vantaient leur résistance, déclarant : « Trois pays résistent en Europe : la Grèce, la Yougoslavie, la Haute-Savoie. »

Il y eut ensuite une répression de grande ampleur opérée par la milice française et la Gestapo sur l’ensemble du département, qui a coûté la vie à 149 maquisards et résistants des vallées.

Mais en août 1944, la Résistance, forte de 3 000 hommes, reprit le contrôle du plateau des Glières. Les parachutages de tonnes d’armes vont permettre la libération de la Haute-Savoie, le 19 août, par les seules forces de la résistance.

Ainsi, comme le soulignait André Malraux, « l’histoire des Glières est une simple et belle histoire ». C’est l’histoire d’hommes de tous horizons qui ont tenu un rôle capital dans la libération de notre patrie, avec pour devise : « Vivre libre ou mourir ».

Au-delà des combats, c’est l’esprit des Glières qu’il convient de transmettre à nos concitoyens et aux jeunes générations : la résistance, la foi en l’avenir, la fraternité, l’amour de la France et de la liberté.

Les dispositions ajoutées par le Sénat à la proposition de loi initiale paraissent particulièrement judicieuses et utiles.

En Haute-Savoie, les associations d’anciens combattants et de résistants, le département et les établissements scolaires perpétuent déjà la mémoire de la Résistance à travers le concours de la Résistance pour les collèges. Cette année, l’événement « Glières fête la liberté » aura lieu le 21 juillet.

Mais attention, monsieur le ministre ! La multiplication des dates commémoratives risque peut-être, comme certains l’ont dit, de susciter à la fois la banalisation, la désaffection et l’instrumentalisation politique de l’histoire. Si la journée nationale de la Résistance recueille un très large assentiment, certaines dates commémoratives ne font pas toujours consensus. Peut-être faudrait-il se pencher plus avant sur ce sujet d’importance, en totale concertation avec les acteurs et l’ensemble des associations du monde combattant.

En attendant, et dans l’esprit qui animait les membres du Conseil national de la Résistance, je voterai naturellement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC, UDI et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, notre tradition commune est assise sur la mémoire. Mémoire du patrimoine, depuis Guizot, qui a fait de nos monuments, palais, églises ou simples demeures les marques vivantes du développement de notre génie national. Mémoire d’événements fondateurs, tragiques ou exaltants, comme cet anniversaire de la constitution du Conseil national de la Résistance sur lequel, collectivement, nous sommes appelés à revenir aujourd’hui.

Je ne m’attarderai pas sur les querelles de dates qui ont pu jalonner ce débat pourtant court. Avec le recul dont nous disposons, il n’est pas raisonnable d’opposer l’appel historique du 18 juin 1940 à la réunion du CNR, ni de créer des clivages parfaitement artificiels entre les tenants de l’un et les tenants de l’autre. Il existe un lien manifeste – un lien spirituel, oserais-je dire – entre le surgissement du 18 juin et la concorde en Résistance du 27 mai. L’un répond à l’autre ; maintenant que l’histoire glorieuse dont ces deux faits illustres ont été, parmi d’autres, les jalons, est achevée, ce qui compte, c’est d’embrasser d’un même respect et d’une même attention l’esprit de résistance qui est ainsi attesté.

Respect pour l’esprit de résistance, mais aussi respect pour le projet de société ainsi préfiguré, grâce à la volonté de femmes et d’hommes engagés dans la lutte contre l’occupant nazi, portés par des valeurs humanistes et sachant dépasser leurs antagonismes pour défendre l’essentiel, autour de Jean Moulin, dont nous commémorons ces jours-ci le soixante-dixième anniversaire de la mort.

Ces résistants étaient des bâtisseurs : ils ont su penser à la France de l’après-guerre et préparer la reconstruction du pays. Si seule une poignée de survivants peuvent aujourd’hui témoigner de ce que fut la Résistance face à l’occupation, qu’il nous soit permis de nous associer à l’hommage qui leur est ici adressé.

Tel est – et tel doit être, je crois – le sens du travail de mémoire : fixer des repères clairs de reconnaissance et d’identification. Ces repères indispensables, puisés dans notre histoire nationale, constituent le fondement d’un engagement civique, d’une fierté nationale, et permettent ainsi de nous tourner vers l’avenir.

À cet égard, le choix de la réunion du 27 mai 1943 ne me paraît pas contestable : événement collectif, traduction – au sens noble du terme – d’un compromis, et en même temps acte héroïque, il doit être mis en perspective, situé dans une dynamique, interprété avec toute la rigueur permise par la discipline historique. J’observe que, dans la définition du sens et des modalités de la commémoration, le Parlement a su solliciter le concours d’historiens réputés. On me permettra de constater que, parmi ces historiens, il s’en trouva qui furent à la pointe du combat contre les lois mémorielles, au nom de l’indépendance nécessaire de la recherche en histoire.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Absolument !

M. François Rochebloine. La rencontre entre le législateur et l’histoire scientifique permise par notre présente discussion montre – et je m’en réjouis – une compréhension plus exacte et plus apaisée du rôle de chacun.

L’intérêt de la commémoration à laquelle nous entendons convier la nation par ce vote serait, au demeurant, singulièrement amoindri si elle se présentait comme une suite d’actions stéréotypées, contraignantes ou comme un hommage obligé.

Cette date ne viendra pas davantage alourdir le calendrier commémoratif officiel. Il reviendra à chacun des acteurs – enseignants, associations, élus – qui auront à intervenir dans l’organisation des initiatives appelées par ce texte de faire preuve de l’inventivité et de la sensibilité indispensables pour que l’hommage rendu ait toute sa valeur pédagogique. À cet égard, il semble acquis que cette journée nationale ne pourra prendre sa pleine dimension que si nous sommes en capacité de favoriser un réel investissement de la jeunesse de notre pays dans le cadre de l’institution scolaire – vous l’avez dit, monsieur le ministre.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre : comme l’a indiqué mon collègue et ami Francis Hillmeyer, le groupe UDI votera sans réserve cette proposition de loi qui fait l’unanimité sur l’ensemble des bancs de cette assemblée. Je regrette toutefois les propos de notre collègue Candelier, et je m’interroge sur l’absence du groupe écologiste qui n’a pas pris part à cette discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, SRC, UMP et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Chabanne.

Mme Nathalie Chabanne. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, le Sénat a adopté, à l’unanimité moins deux voix et sous les applaudissements de l’ensemble des sénateurs présents, une proposition de loi visant à instaurer la date du 27 mai comme journée nationale de la Résistance. Félicitons-nous vivement de ce choix et de l’esprit d’unité qu’il recueille aujourd’hui parmi les représentants de la nation.

C’est maintenant à l’Assemblée nationale d’adopter ce texte. Aussi, nous, députés, représentants du peuple français, soyons conscients du moment historique dans lequel s’inscrit notre action. Car dorénavant, le 27 mai ne sera plus le même : il ne sera plus un jour comme les autres. Dorénavant, il sera la journée nationale de la Résistance. Ce faisant, nous inscrivons dans la loi la nécessité de perpétuer la mémoire et le combat des résistants eux-mêmes, ainsi que de leurs héritiers, pour conserver la paix, la démocratie et la justice jusqu’à nos jours.

En effet, la Résistance française, c’est la France, tout comme la Résistance européenne est l’Europe. Liberté, égalité, fraternité : ce sont ces mots que toutes les jeunes générations connaissent, mais auxquels il faudra donner du sens si l’on ne veut pas qu’ils tombent dans l’oubli. La Résistance nous rappelle cela avec force, car la liberté était le leitmotiv de ces résistants de la première heure, et le 27 mai sera l’occasion de rappeler la manière dont se sont organisées ces figures désormais historiques qui ont construit la Résistance en France et qui se sont battues pour la liberté. Je pense, entre autres, à Manouchian et ses complices de l’Affiche rouge,...

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme Nathalie Chabanne. …assassinés en 1944 et qui, plus que de susciter de la sympathie dans la population parisienne, deviendront le symbole de cette lutte pour la liberté. Je pense également à Germaine Tillion qui œuvra dans la plus grande intelligence pour déstabiliser l’ennemi, également dans cette optique de liberté. Je pense à Joseph Kessel qui mit sur papier avec tant de talent les terribles défis auxquels étaient confrontés les Français. Je pense enfin à ces jeunes résistants du groupe Béarn fusillés le 10 juillet 1944 dans la clairière de Morlaàs, dans les Pyrénées-Atlantiques.

Mais le 27 mai sera, sans nul doute, aussi l’occasion de rappeler les fondements de la Résistance européenne – par exemple, celle du mouvement de la Rose blanche, en Allemagne, qui montra l’insoumission d’une partie de la jeunesse allemande à l’idéologie fasciste de son gouvernement, mais aussi celle de Jozef Gabcik et Jan Kubis, qui ont participé brillamment, non sans difficultés, à l’opération Anthropoid pour libérer les peuples de Tchécoslovaquie. À l’image de ceux-ci, cette Résistance européenne était animée par la volonté de rétablir la souveraineté nationale partout en Europe, pour garantir la paix. Ce combat pour la liberté permit aussi de lutter contre les atrocités commises en Europe centrale envers, entre autres, les peuples juif et tzigane.

Mais cette journée sera aussi celle de l’égalité. En effet, à l’instar du programme du CNR, les valeurs qui ont fondé la Résistance se sont considérablement adossées aux aspirations sociales et démocratiques du peuple français. Prévoir la mise en place de services publics forts, définir les contours d’une sécurité sociale pour tous les citoyens, mais aussi déclarer les femmes égales aux hommes devant le suffrage universel et dans les institutions républicaines à construire : telles sont les mesures qui participeront à remplacer le triptyque « travail, famille, patrie », si cher au régime pétainiste, par une égalité de tous face à la loi.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

Mme Nathalie Chabanne. Le CNR avait bien compris que, si la prospérité économique est indispensable à la création de richesse, le progrès social en est également une des conditions essentielles. Ces objectifs aussi ambitieux, fixés puis réalisés une fois la paix retrouvée, montrent à quel point la Résistance était composée de grands visionnaires vers lesquels il nous faut sans cesse nous tourner à nouveau.

Enfin, le 27 mai célébrera la fraternité. Si, dès 1941, la chanteuse Anna Marly encourage la Résistance grâce au fraternel Chant des partisans, l’unité retrouvée au sein du Conseil national de la Résistance démontre à quel point il est indispensable, quelles que soient les circonstances, de s’allier les uns aux autres et de se soutenir dans les épreuves les plus difficiles. Si les grandes crises provoquent les grands changements, la fraternité est la condition pour que nous puissions avancer et progresser ensemble. Les résistants de l’époque l’avaient bien compris.

Ce sont donc ces enseignements que la Résistance nous transmet. « Le mot "résister" doit toujours se conjuguer au présent » disait judicieusement Lucie Aubrac. C’est bien notre intention de le rappeler lors de cette journée nationale. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, madame la rapporteure, chers collègues, le 27 mai 1943, il y a donc soixante-dix ans, les représentants des différentes organisations de la Résistance intérieure se sont réunis clandestinement, en présence de Jean Moulin, pour le premier Conseil national de la Résistance. Cette date devait marquer un véritable tournant dans la lutte contre l’occupant. En effet, cet acte fondateur a permis une organisation plus efficace de la Résistance, mais a également engagé une réflexion qui a débouché sur l’élaboration du programme du Conseil national de la Résistance. Le 27 mai 1943, la Résistance intérieure française a ainsi démontré son union et sa force.

Cette date est devenue l’un des symboles de la victoire : il paraît donc évident qu’elle ait été choisie pour honorer la mémoire de celles et de ceux qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes au service de la liberté et de la République, de celles et de ceux qui ont sacrifié leur vie pour défendre et promouvoir les valeurs et idéaux de la France. La célébration annuelle d’une journée nationale de la Résistance est non seulement un devoir de mémoire et de transmission pour notre pays, mais aussi un souhait des associations de résistants et d’anciens combattants. Alors que seuls vingt et un des 1 036 compagnons de la Libération sont encore en vie, il n’est que temps de rendre ainsi hommage à la fois aux derniers résistants en vie et à l’acte de résistance qu’ils ont accompli pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un autre objectif de cette proposition de loi consiste à ne pas oublier l’histoire de la Résistance française, en transmettant ses valeurs aux jeunes générations. Cette journée a donc également un rôle pédagogique, à travers des actions éducatives dans les établissements d’enseignement du second degré.

Concrètement, la date du 27 mai ne sera ni fériée, ni chômée – cela a été rappelé à plusieurs reprises. J’en suis heureux car, si cette proposition recueille une approbation quasi-unanime, je suis convaincu que nous ne devons pas pour autant alourdir – quitte à l’affaiblir – le calendrier commémoratif, qui a connu ces dernières années, chacun le sait, une multiplication des journées d’hommage ou de mémoire. Ainsi, notre calendrier compte déjà, outre le 27 mai, treize journées officielles. Sept nouvelles commémorations ont été instaurées depuis 1999 ; la dernière, la journée du 19 mars issue de la loi du 6 décembre 2012, s’ajoute à celle du 5 décembre, journée nationale d’hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.

Prenons garde de ne pas en abuser. En effet, la multiplication de journées de commémoration risquerait de réduire leur solennité et la portée de leur message. Et ce serait bien dommage.

Malgré cette petite réserve, je voterai bien entendu sans hésitation en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC, UDI et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Léonard. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, madame la rapporteure, chers collègues, « il est des moments dans notre histoire où nous devons nous rassembler sur ce qui est l’essentiel, sur ce qui fait que nous sommes une nation, que nous avons des valeurs. » C’est en ces termes que s’exprimait le 27 mai dernier, le Président de la République, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire du Conseil national de la Résistance. La réunion du 27 mai 1943 unifiant autour de Jean Moulin la Résistance française de l’intérieur est un acte fondateur dans la lutte contre l’oppresseur nazi et ses nervis de l’extrême droite française.

Il s’agit en effet d’une date clé de l’histoire de France en ce qu’elle aboutira à la réunion de l’assemblée plénière du Conseil national de la Résistance le 15 mars 1944 durant laquelle sera adopté le programme du CNR qui organisera le plan d’action opérationnel de lutte armée participant aux côtés des Alliés à la libération de la France et de l’Europe et préparera la société française d’après-guerre, dont nous sommes les enfants.

« Nous devons assumer ensemble ce souvenir. Nous devons le transmettre intact aux générations qui nous suivent. Croyez-moi, mesdames et messieurs, elles en auront besoin. ». Cet avertissement nous était adressé le 15 mars 1994 par François Mitterrand, lors du cinquantième anniversaire de l’adoption du programme du CNR, et c’est avec acuité qu’il résonne encore aujourd’hui.

Dans une époque où la souveraineté des citoyens européens est chaque jour bafouée par celles et ceux qui ont mené le monde à la plus grande crise financière depuis les années trente, dans une pulsion irresponsable de recherche effrénée du profit maximum, renforcée par un sentiment d’impunité de classe, non, le mépris du peuple à qui on fait payer la note sous le vocable technocratique « des nécessaires réformes structurelles » n’est pas la bonne réponse.

Au contraire, à l’heure d’une mondialisation non contrôlée, sans humanité ni éthique, oui, nous avons le devoir de faire honneur au souvenir du Conseil national de la Résistance.

Oui, nous devons transmettre intact à nos enfants l’héritage de la France combattante du général De Gaulle.

Oui, la résistance aux attaques ultra-libérales contre les valeurs de la République doit être notre nouvelle frontière.

M. Jean-Philippe Mallé. Excellent !

M. Christophe Léonard. À cet égard, le programme du CNR demeure malheureusement d’une dramatique actualité.

Qu’en est-il en effet de l’indépendance de la presse à l’égard des puissances d’argent prônée par le CNR quand l’information des citoyens est contrainte par la publicité et que nombre de médias sont aux mains de grands groupes industriels ?

M. Jean-Philippe Mallé. Très bien !

M. Christophe Léonard. Qu’en est-il de l’inviolabilité du domicile et du secret de la correspondance lorsqu’à l’heure du numérique nous sommes espionnés de toutes parts ?

Sur le plan économique, qu’en est-il du programme du CNR pour l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie alors que les États sont dorénavant à la merci des agences de notations, pompiers pyromanes à la solde des fonds de pensions et des « fonds alternatifs », n’hésitant plus à poser des ultimatums aux États ?

Sur le plan social, qu’en est-il du programme du CNR pour l’instauration d’une sécurité sociale, d’une retraite par répartition, d’un niveau de salaire qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, d’un véritable droit du travail, d’un syndicalisme indépendant doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale quand la Commission européenne, obéissant aux injonctions des marchés et avec la complicité active de celles et ceux qui croient être les propriétaires de nos vies, s’évertue à démanteler avec application et pugnacité notre modèle social ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Excellent !

M. Christophe Léonard. Le programme politique du 15 mars 1944, dans une France ruinée et détruite après de longues années de guerre, reste vivant aujourd’hui et plus pertinent que jamais.

M. Jean-Philippe Mallé. Eh oui !

M. Christophe Léonard. C’est pourquoi, au-delà de la nécessaire commémoration, inscrivons-nous dans la modernité du message du CNR pour y puiser la force du redressement dans la justice, la vérité du nouveau modèle français, l’inspiration d’une France à l’avant-garde humaniste du monde.

Alors que les grands témoins de cette époque s’éteignent peu à peu, il est de notre devoir de transmettre leur message et leurs valeurs à nos enfants. L’éducation nationale est désormais comptable devant le peuple de cette nécessaire transmission des valeurs de la Résistance. C’est ce à quoi nous enjoint la proposition de loi relative à l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance que nous examinons ce soir. Je la voterai sans aucune hésitation.

Pour conclure, je nous invite, chers collègues, dans l’exercice de notre mission de représentants du peuple à nous inspirer de l’injonction fraternelle formulée par Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Stéphane Hessel et dix autres de leurs compagnons d’armes le 15 mars 2004 : « Créer c’est résister. Résister, c’est créer ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UDI, RRDP et GDR.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué. Je tiens à remercier sincèrement l’ensemble des orateurs pour leurs propos et leur présence à cette heure tardive. C’est la preuve de l’intérêt que vous manifestez pour les valeurs qui ont été évoquées, ce que, dans mon discours, j’ai appelé l’âme de la France, autour de laquelle nous pouvons nous retrouver.

Je sais ce qui peut nous séparer, ce qui fait partie du débat politique. Mais je sais aussi qu’il est des moments – je ne sais pas si on peut les appeler des moments de grâce – qui dépassent nos appartenances partisanes légitimes, nos engagements tous respectables, des moments qui permettent de nous retrouver autour d’une mémoire apaisée, partagée et de valeurs qui nous sont communes.

Il y a quelques jours, le 21 juin, j’étais au fort de Montluc pour un hommage à Jean Moulin. Comme beaucoup d’entre vous, je pensais connaître une grande partie de son histoire. Or on découvre chaque jour ce que fut l’histoire de ces hommes, de cet homme en particulier. On nous fit part, à M. le Premier ministre et à moi-même, de l’anecdote suivante. Après des heures et des jours de torture, Jean Moulin, torturé par Klaus Barbie, ne pouvait plus parler. Klaus Barbie lui posait toujours les mêmes questions et lui demandait de dénoncer les réseaux, les femmes et les hommes qui les composaient. Klaus Barbie lui tendit une feuille de papier pour y inscrire des noms, Jean Moulin la lui rendit avec la caricature de son bourreau.

Je ne sais pas à quoi on mesure la grandeur des hommes. À titre personnel, je ne crois pas qu’on la mesure au rôle que l’on s’attribue ou au rôle que l’on vous donne. La grandeur des hommes se mesure à l’aune de l’engagement personnel à des moments importants de la vie d’une nation. Quelle que soit notre appartenance partisane, nous nous posons tous la question : qu’aurions-nous fait si nous avions été dans cette situation ? La réponse est difficile, aux plans individuel et collectif. Au moins, pourrons-nous tomber d’accord, et le débat de ce soir le démontre, sur une chose : nous aurions aimé leur ressembler. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Sur le vote de l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, inscrit sur l’article 1er.

M. Jean-Pierre Le Roch. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, cette proposition de loi relative à l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance vise à assurer la continuité de la mémoire collective au moment où les grands témoins de cette période nous quittent peu à peu.

La réunion de la rue du Four du 27 mai 1943 permit d’unir, au sein du Conseil national de la Résistance et sous la présidence de Jean Moulin, huit mouvements de Résistance, six tendances politiques et deux syndicats ouvriers face à « la dictature de Vichy, ses hommes, ses symboles, ses prolongements ». Ils ont su dépasser leurs divergences pour faire d’une coalition de rejet, une alliance élaborant le programme fondateur d’un nouveau modèle de société.

Adopté à l’unanimité en mars 1944, il vise à instaurer un « ordre social plus juste » par la reconnaissance de droits nouveaux : droit à l’emploi, à la liberté syndicale, à la sécurité sociale, à la retraite, égalité d’accès à l’enseignement et à la culture pour tous. Ces droits constituent dorénavant notre héritage, pivot de notre ordre juridique comme de notre ordre social. Cette proposition de journée nationale de la Résistance rend hommage à l’union pour le salut de la France ainsi qu’à l’affirmation de la dimension fraternelle et égalitaire de notre République qu’a portée la Résistance. Elle invite à transmettre aux générations futures les histoires de ces femmes et de ces hommes qui ont, dans une période sombre, écrit l’histoire avec un grand H. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Joaquim Pueyo, inscrit sur l’article 3.

M. Joaquim Pueyo. Monsieur le ministre, vous avez bien fait de rappeler que la journée nationale de la Résistance devait aussi avoir une visée pédagogique : transmettre la mémoire à la jeunesse et rappeler aux jeunes que leur vie quotidienne est, encore aujourd’hui, le résultat des combats menés par les résistants. Au-delà de la place accordée à la Résistance dans les programmes d’enseignement de l’histoire et de l’éducation civique à l’école primaire, au collège et au lycée, le concours national de la Résistance et de la déportation, créé sous l’impulsion des associations d’anciens résistants et déportés, s’inscrit déjà depuis cinquante-deux ans comme un vecteur de transmission de la mémoire auprès des jeunes générations. Demain, la commémoration de l’anniversaire de la création du CNR sera mise à profit pour que les jeunes découvrent de manière plus approfondie l’histoire et les valeurs de la Résistance. Il faut rappeler aux jeunes que d’autres jeunes de seize, dix-sept, dix-huit, vingt ou vingt et un ans se sont engagés au risque de perdre leur vie. Je voudrais vous lire une lettre que j’ai retrouvée par hasard dans le cadre d’une ancienne profession.

« Prison allemande de Fresnes, le 20 mai 1944.

Chers parents, j’ai une triste nouvelle à vous annoncer. J’espère que vous serez forts comme je le suis moi-même. Je vous ai caché jusqu’à maintenant que je faisais partie des Francs-tireurs patriotes. Vu cela, j’ai été condamné au poteau d’exécution et mon recours en grâce ayant été rejeté, l’exécution aura lieu ce matin à onze heures. Surtout, chers parents, je vous recommande d’être forts et de ne pas vous rendre malade pour moi. Je crois n’avoir accompli que mon devoir et j’espère que vous me pardonnerez de vous avoir caché cela. Enfin, quand vous recevrez cette lettre, tout sera fini pour moi. »

C’est une petite-cousine qui voulait retrouver la trace de son petit-cousin, qu’elle ne connaissait pas, car il n’y a plus de famille.

Il est bon de rappeler à la jeunesse, par ces exemples, que des jeunes se sont engagés au péril de leur vie pour défendre des valeurs républicaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(L’article 3 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 66

Nombre de suffrages exprimés 66

Majorité absolue 34

(La proposition de loi est adoptée.)

(Applaudissements sur tous les bancs.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mercredi 10 juillet à quinze heures :

Deuxième lecture du projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique ;

Proposition de loi relative à l’élection des conseillers de Paris ;

Proposition de loi relative à la bioéthique autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)