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Première séance du vendredi 22 février 2013

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 631,701).

Mercredi soir, l’Assemblée nationale a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 277 à l’article 3.

Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, après l’examen des articles 3 et 4, nous aborderons l’article 23, puis nous reprendrons le cours normal de la discussion.

Article 3 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 534.

M. Lionel Tardy. Le rôle et la représentativité des collectivités territoriales sont consacrés par la Constitution de 1958. Le projet de loi présenté par le Gouvernement aboutit, sans la prise en compte de la diversité territoriale, à ce que des pans entiers de la France ne soient plus représentés.

Cet amendement permet d’introduire une plus grande souplesse dans le futur redécoupage des cantons afin de permettre une représentation correcte des territoires ruraux et de montagne.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 534.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement anticipe le débat que nous allons avoir à l’article 23 sur la marge maximum autour de la moyenne de la population cantonale de chaque département.

Je suggère que cet amendement soit retiré dans la perspective de la discussion à l’article 23. Dans l’hypothèse contraire, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Même avis.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Oui, madame la présidente

(L’amendement n° 534 est retiré.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, inscrit sur l’article 4.

M. Olivier Marleix. Pour que les choses soient claires et ne pas perdre une occasion de les répéter, je maintiens qu’il y a une sorte de confusion permanente autour de deux sujets : l’effectif du nombre de cantons par département ; l’écart à la population.

Avec l’article 3 que l’Assemblée vient d’adopter, vous avez figé une règle qui contrevient au principe d’égalité. Vous qui êtes si attachés aux écarts de plus ou moins 20 % etc., qui nous rappelez que c’est à ce titre que le tableau des effectifs du conseiller territorial avait été censuré, vous avez figé, avec l’article 3, des écarts de ratios entre le nombre d’habitants, le nombre d’élus et le nombre de cantons qui n’ont rien à voir d’un département à l’autre puisqu’ils peuvent aller au-delà d’un à sept d’un département à l’autre.

Cet article 3 pose un vrai problème par rapport au principe d’égalité devant le suffrage et vous amène à une vraie brutalité dans le découpage. Monsieur le ministre, je persiste à penser que vous auriez pu vous affranchir d’inscrire dans la loi quelque chose d’aussi brutal et d’aussi sommaire dans sa définition. Si vraiment vous vouliez inscrire les effectifs des assemblées départementales dans la loi – et j’aurais aimé entendre le rapporteur, qui n’a pas répondu sur ce sujet –, il fallait prendre la peine de redéfinir les critères. Rien ne justifie les écarts constatés entre la Savoie et la Haute-Savoie, par exemple, où le ratio est d’un à deux. C’est indéfendable et vous n’étiez vraiment pas obligés de le faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je répète que je n’ai jamais soutenu le conseiller territorial, je l’ai combattu autant que je vais combattre ce nouveau conseiller départemental.

D’ailleurs, je ne reconnaîtrai jamais cette loi, aussi longtemps que je vivrai. Elle n’aurait jamais dû être votée car il n’y avait pas un nombre de députés socialistes suffisant l’autre soir, nous les avons attendus pendant une heure. Si je ne la reconnais pas, ce n’est pas par fantaisie mais parce qu’elle porte atteinte à la France, à son intégrité.

S’il est un domaine où les choses n’allaient pas trop mal, c’était celui de la participation électorale dans les cantons. Je suis député d’une circonscription de quinze cantons – elle va en avoir quatre à l’arrivée – qui ont tous eu la palme du civisme aux dernières élections, celles de 2007 et de 2012, où les taux de participation ont atteint 70 %. Pour l’élection des conseillers généraux, la participation est à peu près la même, autour de 70 %. Ces électeurs vont être rattachés à des villes et des banlieues où l’on ne vote, hélas, qu’à 25 % ou 30 %.

Je pense qu’il y avait vraiment des sujets beaucoup plus importants à traiter plutôt que de s’attaquer à ce projet particulièrement malvenu, inutile, qui ne pourra jamais fonctionner et qui apporte la mort sur nos territoires, car un territoire qui n’est pas représenté n’a pas de chance de pouvoir vivre.

Après avoir mis le feu aux banlieues – nous y avons tous contribué –, nous allons ramener les bandits de grand chemin sur nos territoires ruraux. C’est inacceptable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Il me semble intéressant de regrouper l’élection des conseillers départementaux le même jour, de façon à avoir une bonne visibilité de ce que sera l’assemblée départementale pendant six ans.

On peut imaginer que, pour accompagner cette mise au même rythme, il y aura un jour un partage des compétences entre conseil régional et conseiller général. Pourquoi, dans ces conditions, avoir supprimé le conseiller territorial, qui avait l’immense avantage à mes yeux de placer un seul responsable, homme ou femme, à la tête d’un territoire donné ? Avec le dispositif que vous prévoyez, nous allons avoir un risque sinon de cacophonie au moins de divergences dans de très nombreux cas. En effet, il y aura au moins deux, voire trois, quatre ou cinq personnes qui seront intéressées plus précisément à l’avenir d’un territoire bien circonscrit.

À la différence de mon collègue Lassalle, je soutenais le conseiller territorial. Je ne vois pas le progrès qu’apporte votre projet pour la représentation des territoires, même si le fait que tous les membres du conseil départemental soient renouvelés en même temps me semble être une avancée intéressante.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 173.

M. Olivier Marleix. Défendu.

(L’amendement n° 173, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 731 et 238, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François de Mazières pour défendre l’amendement n° 731.

M. François de Mazières. L’article 4 dispose que les conseillers départementaux, élus pour six ans, sont « indéfiniment rééligibles ». À un moment où il est plutôt question de fluidifier, de renouveler, je trouve cette notion curieuse et même assez maladroite. On aurait mieux fait de ne rien mettre du tout parce que, précisément, les gens reprochent aux élus locaux de se rester en place éternellement. Il serait donc intéressant de prendre en compte cet amendement qui propose de supprimer cette mention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous n’avons pas innové en la matière, cette phrase existe déjà dans le code électoral. Je comprends votre remarque, mais j’attire l’attention de l’Assemblée nationale sur le signal que donnerait le retrait d’un élément de phrase existant dans le code électoral quant à la volonté du législateur d’indiquer que, désormais, il y a une limitation du cumul des mandats dans le temps. Ce sujet sera peut-être traité autrement, mais je pense qu’il n’est pas opportun de le faire dans le présent texte. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l'amendement n° 238.

M. Paul Molac. Pour les mêmes raisons que notre collègue, nous proposons qu’il soit indiqué que les conseillers départementaux sont « rééligibles une fois ».

L’amendement vise à limiter le cumul dans le temps des mandats de conseiller départemental, en permettant une seule réélection pour chaque conseiller. L’objectif est d’éviter que le mandat de conseiller départemental ne devienne un métier.

Je rejoins ainsi les préoccupations de certains parlementaires et d’un certain nombre de nos concitoyens. Il existe de nombreux autres scrutins – municipaux ou régionaux – ainsi que les mandats parlementaires, grâce auxquels ces personnes, si elles le désirent, pourraient encore exercer leurs talents.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cet amendement est plus précis que le précédent. Ces questions ne peuvent être abordées au travers d’un amendement sur cet article, qui traite uniquement de l’élection des conseillers départementaux.

Si le législateur considérait qu’il est opportun de limiter le cumul des mandats dans le temps, il faudrait le faire de manière cohérente, dans le cadre d’une réflexion sur l’ensemble des mandats.

Il n’est pas opportun à ce stade de retenir un tel amendement. La commission l’a donc repoussé.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Le débat est intéressant. Mon amendement propose une clarification afin de vous permettre de mettre de la cohérence entre votre discours et le texte.

Avec cette réforme que nous contestons – nous la trouvons trop radicale, trop politique et politicienne –, vous prétendez vouloir donner leur chance à de nouveaux élus. Mon amendement tend à adresser un petit signe en ce sens sans aller jusqu’à la proposition de notre collègue, que je trouve pour le coup un peu radicale. Vous auriez pu le retenir afin de montrer votre souci de cohérence avec votre discours introductif a cette réforme. Cet amendement est un juste compromis entre la position excessive consistant à autoriser un seul renouvellement et la nécessaire prise de conscience que les électeurs ne veulent plus des élus dont les mandats dépassent un nombre d’années raisonnable.

M. Alain Tourret. C’est une bonne réflexion.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Quelques mots pour appuyer cet amendement que j’ai cosigné. Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Par conséquent, si le renouvellement des mandats n’est pas interdit, il est autorisé. La mention du caractère potentiellement infini de la réélection des candidats au conseil départemental est juridiquement inutile.

Au-delà de cette remarque technique, ce serait envoyer un signal assez curieux d’écrire dans la loi que les mandats sont renouvelables de manière presque immortelle quasiment sans fin.

Parce que nous sommes favorables au renouvellement de la vie politique, nous incitons la majorité à faire preuve de progressisme en acceptant de faire disparaître cette mention un peu rétrograde de la loi actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je comprends que le débat puisse être lancé. Mais permettez au plus rétrograde d’entre nous de dire qu’il me semble qu’il y a aujourd’hui, compte tenu de la situation de notre pays, urgence plus grande que de traiter de cela.

Nous pourrions peut-être faire confiance aux électeurs, chers amis. Je suis conseiller général. Lors des deux derniers renouvellements, 40 % du conseil général a été remis en cause. Il en va de même pour les élections municipales. Il ne faut pas croire que l’on est élu à vie dans un canton. Il faut le gagner et c’est difficile. Les cantons où l’on vote le plus sont précisément les cantons dans lesquels la vie démocratique est la plus développée.

De grâce, faisons un peu confiance à l’électeur, faisons confiance au citoyen, réengageons-le, ne l’encadrons pas… Il n’en peut plus !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Je suis assez sensible à l’argumentation. Le terme indéfiniment me semble assez incompréhensible. Ce terme figurait dans le texte précédent, j’en conviens. Croyez-vous vraiment qu’il faille le maintenir ?

Je suis sensible à l’argument qu’il s’agit d’un mauvais symbole, d’un mauvais signal. En outre, cette mention n’est aucune utilité. Je serai donc favorable à ce qu’elle soit supprimée.

(Les amendements nos 731 et 238, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour défendre l'amendement n° 732.

M. François de Mazières. Défendu.

(L’amendement n° 732, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L'article 4 est adopté.)

Article 23

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous en venons à cet article central qui définit les critères du redécoupage de l’ensemble des cantons de tous les départements de France, que vous vous apprêtez à réaliser si cette loi, rejetée par le Sénat, est in fine votée par le Parlement.

Le groupe UMP présentera de nombreux amendements sur cet article autour de deux idées que je voudrais exposer, monsieur le ministre.

La première idée, la première demande porte sur la nécessité d’une plus grande transparence. Nous avouons que nous ne faisons pas entièrement confiance au Gouvernement pour effectuer ce redécoupage de manière complètement indépendante des intérêts du parti au pouvoir, pardon de cette franchise. Nous souhaitons qu’une commission pluraliste, présidée par un parlementaire de l’opposition et dont un parlementaire de la majorité serait le rapporteur, donne son avis sur chacun des projets de redécoupage. Cet avis serait publié au Journal officiel et transmis aux conseils généraux avant qu’ils se prononcent sur le projet de redécoupage envisagé. Nous faisons confiance au Conseil d’État, qui donnera un avis juridique, mais un avis d’opportunité politique est nécessaire. C’est pourquoi nous proposons la création de cette commission pluraliste.

La seconde idée a trait à l’équité territoriale. Nous soutiendrons au travers de nos différents amendements que la règle d’airain des 20 % que vous proposez n’est pas pertinente. Elle est motivée par des considérations démographiques mais exclusivement par celles-ci. Or nous pensons qu’il faut aussi se souvenir de la géographie et de l’histoire : la géographie pour prendre en compte la nécessité de représenter les différentes composantes territoriales des départements, notamment les territoires ruraux, mais aussi l’histoire et les dynamiques des territoires. C’est pour cette dernière raison qu’il faut, selon nous, prendre en compte les limites des circonscriptions et, autant que faire se peut, celles des cantons existants et des intercommunalités. Voilà les deux idées que nous allons développer : plus de pluralisme, plus d’équité dans la représentation des territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je tiens à appuyer ce que vient de dire Guillaume Larrivé. Il est très important aussi que la population comprenne les choix qui sont faits. L’existence d’une commission indépendante permettra d’affirmer que le découpage a été fait en toute transparence politique, que l’intérêt général, et non pas celui d’une majorité déterminée, a été pris en compte.

Nous contestons votre réforme au motif que votre projet d’un canton redéfini avec deux élus sur un mode paritaire est bien complexe et constitue une innovation totalement déplacée à l’heure actuelle. Mais, puisque vous faites cette réforme, vous pourriez la faire porter par une autorité indépendante. Pour vous, c’est sans doute la meilleure des solutions. Vous seriez ainsi dégagés d’une accusation politique que vous récusez. Vous avez à plusieurs reprises réfuté l’idée que cette réforme obéissait à une logique politique. Nous vous offrons un argument supplémentaire.

Nous ne comprenons pas les arguments qui vous empêchent de dire banco à la création de cette commission, sous l’autorité du Conseil d’État. Cela permettrait d’expliquer à la population que le redécoupage a été fait en toute transparence et avec le souci de l’intérêt général afin de parvenir à la meilleure redéfinition possible des cantons. Il y a des déséquilibres très importants entre les cantons dans certains départements ; par exemple, dans le département des Yvelines, certains cantons sont de taille très importante. La solution que nous proposons est bonne et je suis sûr que vous allez l’adopter.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Nous espérons, monsieur le ministre, que l’examen de l’article 23 vous permettra de concrétiser certains propos tenus au Sénat et à l’Assemblée nationale.

M. Lionel Tardy. Les élus de la montagne se réveillent !

Mme Frédérique Massat. J’approuve totalement le mode de scrutin et la parité qu’il met en avant. La nécessité du redécoupage est une réalité. Elle l’aurait été également dans le cas du conseiller territorial et avec les mêmes contraintes qui s’imposent au Gouvernement aujourd’hui.

Je souhaite également remercier le rapporteur. Il a auditionné l’Association nationale des élus de la montagne. Nous avons pu lui exposer nos positions et il a pu nous entendre. J’espère qu’il pourra accompagner les avancées du ministre pour répondre aux particularités de la montagne, mais également de l’insularité.

J’ai déposé, avec certains de mes collègues, des amendements sur cet article 23. Je souhaite rappeler que les territoires de montagne sont l’objet d’une loi de 1985 qui fixe le principe d’une adaptation des mesures d’ordre général à la spécificité de la montagne. Il ne s’agit pas de déclencher une guerre entre les territoires urbains et les territoires de montagne, ce n’est pas notre propos.

Je compte beaucoup, monsieur le ministre, notamment pour l’un des amendements, qui concerne la superficie, le relief et l’insularité, sur un avis de sagesse de votre part, à défaut de votre accord.

M. Marc Dolez. La sagesse du ministre est grande.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Le Gouvernement a tout à gagner à reprendre la proposition de constituer une commission faite par Guillaume Larrivé. Tout projet de redécoupage, quels que soient les gouvernements, est toujours entaché de suspicion aux yeux du camp d’en face, mais aussi du grand public. Vous entourer de précautions de ce type serait certainement intéressant.

La règle d’airain des 20 %, pour reprendre l’expression de Guillaume Larrivé, est absolument impossible à appliquer. En effet, pour les cantons actuellement peu peuplés, l’alternative est la suivante : il faut soit diluer ce canton dans un secteur urbain, auquel cas les voix des habitants de ce canton ne compteront plus pour rien ; soit regrouper de très nombreux cantons pour en créer un de taille suffisante, ce qui aboutira à une sous-représentation des territoires ruraux. Quel que soit le terme de l’alternative choisi, la solution n’est pas bonne si vous vous en tenez à la règle des 20 %. Il faut absolument apporter plus de souplesse.

Enfin, pour répondre à Mme Massat, en Meurthe-et-Moselle, il y a 44 cantons qui ne seront plus que 22 avec projet. Il en serait resté 37 avec le conseiller territorial. Ce n’est pas tout à fait la même chose !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Depuis le début de ce débat, monsieur le ministre, vous me faites penser à un célèbre cycliste, car vous nous dites en quelque sorte que vous faites du découpage « à l’insu de votre plein gré » : vous y êtes obligé, c’est la suppression du conseiller territorial qui vous conduit à y procéder.

Je vous rappelle simplement que, pour l’instauration du conseiller territorial, nous gardions 3 500 cantons, le nombre de cantons ne passait pas de 4 000 à 2 000. C’est quand même une énorme différence pour nos territoires !

C’est maintenant le Conseil constitutionnel qui vous obligerait à adopter cette règle d’airain des 20 % maximum d’écart de population par rapport à la population moyenne des cantons du département. Or, je l’ai dit, et je le répèterai lorsque je défendrai les prochains amendements, le Conseil constitutionnel tolère en réalité des écarts plus importants que cela. Dans notre assemblée même, il faut combiner cette règle des plus ou moins 20 % d’écart à l’intérieur d’un département avec la règle de la tranche, l’effectif par département. Ainsi, à l’Assemblée nationale, l’écart va je crois de 1 à 2,33, soit plus ou moins 40 %.

Pourquoi anticiper de manière aussi sévère ce que serait la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour les assemblées locales ? D’ailleurs, il faut prendre en compte non seulement la géographie, mais aussi les compétences desdites assemblées. Or gérer des territoires fait partie de celles-ci. Assurer, au-delà de la démographie, une représentation des territoires serait donc un motif parfaitement fondé.

Vous faites donc le choix d’une trop grande sévérité. L’amendement de Mme Massat va évidemment dans le bon sens mais, si vous desserriez cette contrainte des plus ou moins 20 % et optiez pour plus ou moins 40 %, ce qui est l’écart dans notre assemblée, cela offrirait infiniment plus de souplesse, vous en conviendrez.

Dernier point, nous serons extrêmement vigilants quant au fait que vous vous affranchissez des limites des circonscriptions législatives ; cela nous paraît inacceptable. Depuis que des redécoupages de circonscriptions législatives se font, ils se font – je crois que c’est un principe fondamental reconnu par les lois de la République –par agrégation de cantons. Supprimer ce lien entre le canton et la circonscription, c’est vous permettre, demain, de faire des redécoupages législatifs selon votre seul et unique bon plaisir, ce qui serait tout à fait inacceptable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne reviens pas sur les propos tenus par Mme Massat, mais je soutiendrai tous les amendements à l’article. D’ailleurs, les amendements déposés par l’UMP et par l’UDI, comme celui de Mme Massat, sont déposés au titre de l’Association nationale des élus de la montagne, dont Mme Massat est la présidente et M. Wauquiez le secrétaire général. Je souhaite de tout cœur, quoique sans trop y croire, que l’on tienne compte, effectivement, de la superficie, du relief et de l’insularité. On pourrait aussi tenir compte du caractère transfrontalier, car il y a beaucoup de choses de notre vie qui peuvent se révéler tragiques dans ce monde globalisé, et qui se jouent dans les territoires transfrontaliers.

Enfin, je veux dire le sentiment d’abandon profond qu’éprouvent les derniers hommes et les dernières femmes qui restent sur ces territoires. Ils ne reçoivent plus aucun message d’encouragement, ils ne reçoivent que des directives, tantôt européennes, tantôt françaises, pour les empêcher de faire ci, pour les empêcher de faire ça, pour enlever les dernières industries, les dernières entreprises qu’ils pouvaient encore espérer garder dans un coin ou un recoin.

M. Jacques Lamblin et M. François de Mazières. Très bien !

M. Jean Lassalle. Il n’y a plus guère d’installations d’agriculteurs, il n’y a plus guère d’installations de petits commerçants et d’artisans ; c’est aussi une réalité, et c’est pour ça que je crains le retour des bandits de grand chemin.

Donnons un signal d’espérance à ces territoires ! Ils n’attendent que ça. Ils souffrent de ce qui se passe dans les banlieues. C’est notre France ! Nous sommes tous du même pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je m’étonne que les élus ruraux, les élus de montagne, les élus insulaires ne se manifestent pas plus à propos de ce projet de loi, notamment à propos de cet article 23, qui traite du remodelage de la carte cantonale. Encore une fois, de quoi va-t-on discuter ? De pas grand-chose.

Je vous avais cité les chiffres qui concernent les département de Savoie et de Haute-Savoie, je vous les redonne, puisque, quoi qu’on fasse avec cet article, on ne réglera pas le problème. Haute-Savoie : 738 000 habitants et 34 conseillers généraux actuellement. Savoie : 415 000 habitants et 38 conseillers généraux actuellement.

Avec votre réforme, on divise bêtement par deux le nombre de cantons, et l’on atterrit à 17 pour la Haute-Savoie et 19 pour la Savoie, alors qu’il y a un écart de plus de 300 000 habitants entre les deux départements. Notre réforme du conseiller territorial, qui, elle, prenait pleinement en compte la notion de démographie, aboutissait à 37 conseillers territoriaux pour la Haute-Savoie et 22 pour la Savoie. Comme je l’ai souligné mercredi soir, cela permettait notamment à certains départements d’envisager leur fusion, ce qui ferait du bien à tout le monde, notamment en termes d’élus et d’économies d’échelle.

On voit donc que, quoi qu’on fasse avec cet article, sous couvert de parité, cela ne réglera pas le problème de base : beaucoup de cantons ruraux vont disparaître alors que la solution que nous apportions, nous, lorsque nous étions la majorité, avec le conseiller territorial, était beaucoup plus intéressante pour la représentativité des cantons ruraux au sein des assemblées départementales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Des règles précises et transparentes ont déjà été édictées en matière de cartographie électorale. Je pense à l’intégration entière de toute commune de moins de 3 500 habitants, par exemple. La règle des plus ou moins 20 % est également confortée.

J’insiste sur le fait qu’il n’est pas question d’opposer les territoires ruraux et les territoires urbains. Néanmoins, comme ma collègue Massat, je veux souligner la nécessité d’accorder une attention particulière à nos territoires ruraux, notamment en tenant compte d’un certain nombre de critères, qui peuvent être le nombre de communes ou la distance. Je pense qu’il faudra réfléchir à la représentation de ces territoires ruraux, et éviter un nombre trop important de communes par canton, car ce serait peut-être difficile à gérer. Enfin, il faudra avoir un débat – on ne l’a peut-être pas encore souligné – sur les critères d’attribution du statut de chef-lieu de canton.

M. Jean Lassalle. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Je reviendrai, lors de l’examen des amendements, sur la proposition d’instauration d’une commission indépendante. Je m’arrête pour l’instant sur le débat que les uns et les autres avez évoqué, concernant l’égalité démographique.

Vous le savez, le Gouvernement a trois objectifs.

Les deux premiers sont de mettre un terme à l’exclusion des femmes de la vie politique des départements et de répondre à la nécessité de préserver un lien entre les élus et leur territoire. Au cours de ce débat, je n’ai pas entendu de proposition alternative…

M. Gérald Darmanin. Si !

M. Manuel Valls, ministre. …au scrutin binominal, qui remplit ces deux objectifs, de proposition alternative qui recueille une majorité sur vos bancs.

Le troisième objectif résulte de la situation actuelle des cantons au regard du principe constitutionnel d’égalité démographique. Je veux m’y arrêter.

Rappelons tout d’abord, une nouvelle fois, que le Gouvernement a spécifiquement demandé au Conseil d’État un avis sur les critères qui devraient guider le redécoupage. L’article 23 du projet de loi retranscrit très précisément les termes du texte du Conseil d’État. Dans cet avis, il a eu l’occasion de rappeler sa propre jurisprudence, puisque c’est lui qui examine les projets de décret de redécoupage – naturellement, ceux que nous prendrons lui seront soumis –, et celle du Conseil constitutionnel, lequel aura, je n’en doute pas, l’occasion de se prononcer sur ce texte ; je compte évidemment sur vous. (Sourires.)

M. Lionel Tardy. Oui, vous pouvez !

M. Manuel Valls, ministre. Enfin, si vous ne voulez pas saisir le Conseil constitutionnel, ne le faites pas… (Sourires.)

M. Lionel Tardy. On le fera !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous voyais hésiter !

M. Guillaume Larrivé. On le saisira, c’est un point d’accord entre le Gouvernement et l’opposition !

M. Gérald Darmanin. Puisque vous insistez !

M. Manuel Valls, ministre. Le Conseil d’État a été limpide. Le premier critère à respecter lors d’un redécoupage, vous y avez fait allusion, le critère essentiel, selon les termes de la jurisprudence, est celui de l’égalité devant le suffrage. Ce critère est constant et de plus en plus prégnant dans la jurisprudence du juge administratif et du Conseil constitutionnel, jurisprudence qui en fait, vous le savez, une interprétation de plus en plus restrictive. Ce critère est tellement constant que c’est d’ailleurs celui que le précédent gouvernement aurait dû appliquer dans le redécoupage cantonal rendu nécessaire par l’instauration du conseiller territorial.

Je m’étonne que vous oubliiez cette jurisprudence alors que le Conseil constitutionnel lui-même a eu l’occasion de vous la rappeler dans sa décision du 9 décembre 2010 sur le tableau des effectifs des conseils départementaux, qui a censuré la répartition des conseillers départementaux d’une dizaine de régions au motif que la fixation du nombre de conseillers territoriaux dans les départements concernés méconnaissait le principe d’égalité devant le suffrage.

Au vu des arguments avancés depuis le début de l’examen de ce projet de loi, il me semble que je dois rappeler les termes de l’abondante jurisprudence qui entoure le principe d’égalité, et qui devraient vous convaincre qu’il n’est plus possible que, dans certains départements, un électeur urbain pèse quarante-six fois moins qu’un électeur d’une zone rurale. Dire cela, ce n’est pas mettre en cause la représentation des territoires ruraux. C’est partir – je le dis notamment à M. Lassalle – de la réalité et constater cet écart.

Je veux être précis. Tout d’abord, sur le critère démographique, le principe d’égalité devant le suffrage, apprécié dans le périmètre du ressort de l’assemblée délibérante au sein de laquelle siègent les élus, a valeur constitutionnelle, est consacré par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 3 de la Constitution – « Le suffrage [...] est toujours universel, égal et secret » – depuis des décisions fondatrices de 1985 et de 1986. Il est également affirmé par le Conseil d’État depuis 1998.

En 1985, le Conseil constitutionnel avait ainsi affirmé que le Congrès de Nouvelle-Calédonie – nous avons d’ailleurs eu un débat à propos de la Nouvelle-Calédonie –, dont le rôle comme organe délibérant ne se limitait pas à la simple administration, devait, pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l’article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques. S’il ne s’ensuivait pas que cette représentation devait être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région, ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne pouvaient cependant intervenir – j’y reviendrai – que dans une mesure limitée.

Dès lors, le principe d’égalité devant le suffrage doit constituer la raison d’être d’un redécoupage électoral, puisqu’il est le fondement essentiel de sa constitutionnalité. En application de ce principe, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont de façon concordante et constante réaffirmé, après la décision fondatrice de 1985, que tout découpage électoral devait reposer sur des bases essentiellement démographiques. Je suis sûr que nous pouvons nous retrouver sur ce point.

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Le juge, dans sa sagesse, a bien entendu admis des exceptions pour tenir compte de la réalité des territoires. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont admis en effet que pouvaient être pris en considération d’autres impératifs d’intérêt général : le Conseil d’État reconnaît que la délimitation des circonscriptions « peut tenir compte d’autres impératifs d’intérêt général » et peut ainsi « ne pas être strictement proportionnelle à la population ». Toutefois, selon les termes d’une décision du 8 août 1985, « ces considérations ne peuvent cependant intervenir que dans une mesure limitée ». Le Conseil constitutionnel précise que les dérogations doivent être circonscrites aux situations strictement nécessaires et justifiées au cas par cas.

Dans le considérant 38 de sa décision du 9 décembre 2010, relatif aux effectifs des conseillers territoriaux, à laquelle le Conseil d’État a fait explicitement référence dans son avis, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le tracé de la carte électorale d’une collectivité dans laquelle la population d’une circonscription s’écarte, sauf raison impérieuse, de la moyenne de plus de 20 % méconnaissait ce principe d’égalité devant le suffrage.

En retenant ce seuil, il a repris à son compte pour une élection à l’échelon départemental les limites que le législateur s’était assigné en 1986 puis en 2009 en vue de la réalisation de la délimitation des circonscriptions législatives. En déclarant que, dans six départements – la Meuse, le Cantal, la Haute-Garonne, l’Aude, la Mayenne et la Savoie –, la fixation du nombre de conseillers territoriaux était contraire au principe d’égalité devant le suffrage, le Conseil constitutionnel a consacré le caractère en principe indépassable du seuil de 20 % d’écart à la moyenne alors même que dans trois de ces départements l’écart à ce seuil était inférieur à – je le souligne – un demi-point.

Et je ne parle pas du découpage législatif, mais du découpage concernant l’élection des conseillers territoriaux.

M. Guillaume Larrivé. Du découpage des effectifs du conseiller territorial ! C’est un peu différent !

M. Manuel Valls, ministre. Il s’agit en effet des effectifs : vous avez raison de me corriger. Mais cet élément se serait retrouvé dans le découpage auquel vous auriez dû procéder, au-delà des exceptions sur lesquelles je reviendrai. Le seuil de 20 % est un principe indépassable : vous avez raison de le souligner. Il faut également noter qu’au fil des ans la jurisprudence constitutionnelle et la jurisprudence administrative ont interprété cette exigence de manière de plus en plus restrictive.

J’en viens aux aménagements possibles au critère démographique. Si les assemblées départementales doivent être élues sur des bases essentiellement démographiques, il apparaît qu’il peut être tenu compte d’autres considérations venant tempérer, équilibrer, nuancer la rigueur statistique et juridique de la recherche de cet objectif.

La jurisprudence n’a pas encore donné d’exemple précis des motifs d’intérêt général ou d’ordre géographique qui permettraient de conserver légalement des cantons dont la population ferait apparaître un important écart à la moyenne départementale. Les motifs pouvant justifiant des écarts plus importants par rapport à la moyenne sont néanmoins d’abord et avant tout d’ordre géographique. Sur le plan géographique, pourraient être envisagés des motifs tenant au maintien de l’unité de représentation des populations d’espaces géographiques ou économiques homogènes et isolés, tels qu’une vallée difficilement accessible en zone de montagne ou une île dont la continuité territoriale maritime quotidienne ne serait pas garantie. Ce sujet préoccupe particulièrement le président de la commission des lois, qui est breton ! (Sourires.) Ces considérations pourraient en effet être prises en compte dans la perspective du contact régulier entre les élus et les électeurs qu’ils représentent.

M. Gérald Darmanin. Les électeurs bretons !

M. Manuel Valls, ministre. Non, pas uniquement les Bretons ! Cela peut également concerner les habitants du Nord !

M. François Sauvadet. Les électeurs de toute la France !

M. Manuel Valls, ministre. Bien sûr, monsieur le président Sauvadet, vous avez raison : les électeurs de toute la France. Je ne fais que répondre sur le ton de l’humour à des interpellations amicales, que vous n’avez pu entendre car vous êtes assis trop loin pour les capter. N’ayez crainte, monsieur Sauvadet, je ne vous provoque pas ! (Sourires.)

En dehors des considérations géographiques, les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État montrent que la notion d’impératif d’intérêt général doit être maniée avec prudence et qu’elle doit être regardée comme étant d’interprétation stricte. Notre débat est encadré par le contenu de ces différentes décisions. Dans ses conclusions communes aux affaires Boulanger et Guinde portant sur le département des Bouches-du-Rhône, affaires sur lesquelles le Conseil d’État a rendu sa décision le 21 janvier 2004, le commissaire du Gouvernement a considéré que « le Gouvernement peut légalement tenir compte, lorsqu’il établit la carte cantonale, de considérations territoriales tenant par exemple à la nécessité d’assurer la représentation de telle ou telle partie du département qui, bien que peu peuplée, présenterait une forte spécificité. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé que les conseils généraux ont aussi vocation à assurer la représentation des composantes territoriales du département ».

Ces motifs d’intérêt général sont cependant appréciés in concreto par le Conseil d’État. Il a ainsi considéré en 2004 que « les raisons d’intérêt général invoquées par le ministre de l’intérieur et tirées des caractéristiques spécifiques de la Camargue ne font pas obstacle à ce qu’il soit procédé à un nouveau découpage tenant compte des nécessités de représentation de la Camargue, mais plus conforme au principe de l’égalité du suffrage ». Il semble dès lors qu’au sens de cette jurisprudence il ne pourra être argué d’un motif d’intérêt général pour prendre en compte des considérations économiques, sociologiques ou culturelles dont le caractère subjectif ou imprécis pourrait laisser penser qu’il s’agit simplement d’un argument d’opportunité.

Voilà ce que je voulais vous rappeler, après les interventions sur l’article 23, et avant l’examen des amendements sur cet article. Le Gouvernement souhaite procéder à l’élaboration de la nouvelle carte cantonale en respectant le principe d’égalité des suffrages, tout en faisant jouer les marges reconnues par la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Après que cette loi aura été examinée par le Conseil constitutionnel, le décret procédant au redécoupage cantonal sera examiné par le Conseil d’État, après consultation des conseils généraux – et donc des élus des départements. Nous utiliserons donc cette marge que nous laisse la jurisprudence pour tenir compte de la réalité de nos territoires. C’est pour cela que le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement que Mme Frédérique Massat présentera tout à l’heure. En effet, cet amendement intègre les éléments que je viens d’évoquer, tout en sachant que le découpage cantonal lui-même sera examiné par le Conseil d’État.

À titre personnel, monsieur Marleix, s’il était possible, en acceptant des amendements déposés par des parlementaires, d’aller au-delà de la limitation à 20 % des écarts démographiques entre cantons, je le ferais ! J’ai eu l’occasion de le dire au Sénat, et nous en discuterons également avec la Haute assemblée. Mais comprenez que je ne peux courir le risque de l’inconstitutionnalité ! Si la loi que je présente aujourd’hui était censurée, vous pourriez me le reprocher.

M. Olivier Marleix et M. François Sauvadet. Oh non !

M. Manuel Valls, ministre. Si !

Je crois que la richesse de nos débats est profitable, tout comme la navette parlementaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Je crois surtout à l’importance des marges de manœuvre que nous laissent les décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Intégrer ces éléments à la loi, au moyen de votre amendement, madame Massat, permettra de desserrer en partie cet étau. Je suis en effet favorable à une meilleure représentation des territoires, tout en imposant la parité et en respectant le principe de l’égalité devant le suffrage, corollaire du suffrage universel.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais vous dire pour préciser la position du Gouvernement. Je répondrai bien volontiers à vos interventions, à vos interpellations, et à vos questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 641.

M. Gérald Darmanin. Cet amendement de suppression me permet de montrer le principal problème posé par ce projet de loi, et particulièrement par son article 23. Vous envisagez une grande réforme institutionnelle : nous avons cru comprendre que le Président de la République et le Gouvernement souhaitaient qu’un certain nombre de députés soient élus à la proportionnelle. Les circonscriptions législatives seront donc redécoupées. Nous avons du mal à comprendre – ou peut-être comprenons-nous trop bien – pourquoi vous ne vous arrêtez pas au principe selon lequel – comme disait notre excellent collègue Olivier Marleix – les cantons doivent correspondre aux circonscriptions législatives.

Une deuxième question se pose, monsieur le ministre. Dans la perspective d’une application stricte de la règle de non-cumul des mandats, nous comprenons bien pourquoi vous voulez faire sortir les cantons des circonscriptions. Je sais bien, monsieur le président de la commission des lois, que la date d’application de cette règle pose problème. Politiquement, nous comprenons qu’un député qui ne pourrait plus être maire, ou exercer de fonctions exécutives au sein de l’organe élu d’une collectivité territoriale, ait envie de limiter la concurrence aux législatives et fasse ainsi sortir de sa circonscription un ou plusieurs conseillers généraux particulièrement puissants. D’autant plus que les binômes élus dans les cantons pourraient idéalement se présenter aux législatives en tant que candidat et suppléant.

Monsieur le ministre, nous proposons à l’Assemblée nationale la suppression de cet article. En effet, nous ne connaissons pas la réforme institutionnelle que vous entendez mener, ni le redécoupage des circonscriptions qui sera rendu nécessaire par l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives, ni l’ampleur de la règle de non-cumul des mandats que le Gouvernement souhaite appliquer. Il serait donc sage d’attendre d’en savoir plus sur ces différents points avant de voter un tel article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. M. le ministre a longuement développé le raisonnement qui a conduit le Gouvernement à proposer la présente rédaction de l’article 23, et ses évolutions possibles.

J’ai moi-même développé ces arguments, de manière moins complète, lors de la réunion de la commission des lois du 6 février dernier. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question au moment de la discussion des autres amendements.

Je relèverai simplement un point. Je comprends l’impatience avec laquelle vous attendez la présentation des autres textes législatifs que vous avez mentionnés. Pour ce qui est du non-cumul des mandats, vous savez qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République. Cette règle devra s’appliquer…

M. François Sauvadet. Après les élections !

M. Manuel Valls, ministre. …en fonction d’un certain nombre de critères. Ce n’est pas là le sujet : nous aurons l’occasion d’en discuter.

Quant à l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives, qui a d’ailleurs été défendue également par Nicolas Sarkozy à l’occasion de son premier grand meeting, à Marseille : errare humanum est

M. Gérald Darmanin. Sed persevare diabolicum !

M. François Sauvadet. C’était différent !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Sauvadet, je comprends que vous défendiez Nicolas Sarkozy, je rappelais simplement…

M. François Sauvadet. J’étais son ministre !

M. Manuel Valls, ministre. Vous avez raison de le faire. Cela vous honore : il faut toujours défendre le Président de la République pour lequel on a exercé des fonctions importantes.

Je rappelais simplement que Nicolas Sarkozy lui-même a évoqué cette idée. De toute façon, ce n’est pas aujourd’hui une urgence.

Permettez-moi de vous rappeler que 53 cantons ont d’ores et déjà été partagés entre plusieurs circonscriptions.

M. Gérald Darmanin. Sur combien de cantons ?

M. Manuel Valls, ministre. 53 cantons ont été partagés entre plusieurs circonscriptions : ce chiffre est à mettre en regard des 577 circonscriptions législatives et des 4 000 cantons.

M. François Sauvadet. C’est marginal !

M. Manuel Valls, ministre. Sur le plan juridique, nous devons nous attacher aux principes.

M. Gérald Darmanin. Mais les règles de droit admettent des exceptions !

M. Manuel Valls, ministre. Certes, il y a des exceptions. Cela nous ramène à ce que je disais tout à l’heure : l’amendement de Frédérique Massat permettra de faire en sorte que cette loi prévoie des exceptions.

Le critère du respect des limites des circonscriptions législatives ne trouve sa source que dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Cet élément n’existait pas auparavant. De toute façon, le Conseil d’État n’a pas jugé qu’il s’agissait d’un critère absolu.

M. Olivier Marleix. On verra !

M. Manuel Valls, ministre. On verra en effet comment cette question se pose, si une loi introduisant une dose de proportionnelle aux élections législatives est présentée au Parlement. Cela n’est pas, pour l’instant, une urgence. Des principes stricts encadrent par ailleurs le redécoupage des circonscriptions législatives : une commission indépendante y veillera. Il faudra que cette commission soit vraiment indépendante, cette fois-ci.

Je ne compare pas la présente réforme des cantons à celle qu’aurait entraînée la mise en place du conseiller territorial. Cette dernière aurait tout de même dû obéir aux principes que j’ai rappelés. Quoi qu’il en soit, il y aurait eu plus de cantons associant le conseiller territorial, la région et le département !

M. François Sauvadet. Deux fois plus !

M. Manuel Valls, ministre. Je ne le nie pas, mais la taille des cantons aurait été différente, et la question du rapport de ces cantons avec les circonscriptions législatives se serait également posée.

Je tenais à rappeler ces quelques éléments. Je donne, évidemment, un avis négatif à votre amendement, monsieur Darmanin.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, je comprends bien vos arguments, mais il faut revenir à l’essentiel : ce redécoupage général est lié à la création d’un binôme qui va distendre le lien entre l’élu et son territoire.

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. François Sauvadet. Vous voulez inscrire dans la loi les limites au redécoupage général des cantons, il ne s’agira donc plus seulement d’une jurisprudence constante du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Il ne faut pas dissimuler sous des considérations juridiques un redécoupage de la France qui répond à des considérations politiques !

M. Lionel Tardy. Nous sommes d’accord !

M. François Sauvadet. Deuxièmement, je m’étonne que vous inscriviez dans la loi les règles dégagées par la jurisprudence du Conseil d’État, confirmées par le Conseil constitutionnel. Franchement, je voudrais que vous me répondiez sur ce point.

Cette règle était une acceptation de la région par rapport au département. D’ailleurs, quand nous avons débattu de cette question avec le Gouvernement, nous avons augmenté le nombre des élus pour faire en sorte qu’une représentation territoriale soit assurée. La discussion portait donc sur le département par rapport à la région. La moyenne était régionale, ce qui faisait naturellement baisser, pour un certain nombre de territoires ruraux, la moyenne arithmétique et conduisait à la disparition pure et simple de la représentation politique des territoires ruraux.

Je m’étonne donc que vous inscriviez cette règle dans la loi. En revanche, la loi devrait préciser non pas seulement les exceptions, mais la nature de ce que vous voulez faire. Inscrire ces éléments dans la loi est très dangereux. La jurisprudence ne repose que sur l’interprétation du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Ce qui forge le destin d’un pays, c’est la loi ! La loi doit naturellement respecter la loi fondamentale, mais elle doit aussi fixer un cap, traduire une ambition.

Mes collègues et moi sommes attachés à la représentation territoriale, à ce lien étroit qui unit un territoire et un élu. Vous l’avez distendu en choisissant la formule du binôme, qui introduira une forme de compétition territoriale – je ne reviens pas sur ce sujet. Monsieur le ministre, je crois franchement que vous prenez un risque en décidant d’inscrire dans la loi cette règle limitant les écarts de population entre cantons à plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne, et en inscrivant également dans la loi les exceptions à ce principe. Je le pense profondément. Je ne vois pas ce qui, aujourd’hui, justifie cela.

Je vous demande simplement de renoncer à votre texte. Au regard du défi que constitue l’aménagement du territoire, la structure territoriale que vous voulez mettre en place fera disparaître politiquement, puis réellement, les territoires ruraux. Je vous demande donc de bien mesurer les conséquences de vos actes quand vous faites œuvre de législateur, et je sais que vous y êtes attentif. Quand on fait la loi, il faut faire attention à ce qu’on fait. La réforme que vous engagez sera lourde de conséquences pour l’avenir de la France. Je pèse mes mots : ce sera lourd de conséquences. Ne sacralisez donc pas ce principe en l’inscrivant dans la loi !

Je vous ai remercié, non parce que vous nous présentez ce projet de loi que je combats naturellement avec beaucoup de force, mais parce que vous avez pris en compte, en acceptant au tout début du débat un de mes amendements, la dimension des populations qui vivent dans les territoires. Le fait démocratique n’est pas simplement fondé sur le principe d’un homme, une voix – le fait aggloméré l’emportant par conséquent –, mais sur des circonscriptions électorales au sein desquelles s’applique le principe d’un homme égale une voix.

Monsieur le ministre, vous acceptez de reconnaître que les populations vivant dans les territoires doivent être reconnues en tant que telles dans le découpage généralisé, donc dans le charcutage que vous entendez faire. L’avenir du pays se fonde aussi sur la représentation de tous ceux qui vivent dans des territoires moins denses, moins peuplés et qui ont droit à être entendus sans que ne soit, bien sûr, remis en cause le principe constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, nous avons écouté avec la plus grande attention les arguments juridiques que vous venez d’exposer.

Je crains vraiment que le redécoupage total des cantons, qui n’est que la conséquence du choix du binôme, n’entraîne une sorte de machine infernale. En effet, cela vous soumet au carcan des 20 % qui semble, en réalité, suggéré par une partie de la doctrine et une partie du Conseil d’État. La jurisprudence de la section du contentieux du Conseil d’État est beaucoup plus nuancée que certains des courants qui s’expriment, aujourd’hui. J’en veux pour preuve les arrêts Guinde et Boulanger de 2004 que vous avez-vous-même cités et les conclusions de Sophie Boissard.

Dans la Revue française de droit administratif de 2004, page 506, sous la signature éminente de Laurent Touvet, que vous connaissez par ailleurs, un article passionnant intitulé « Comment procéder à un découpage cantonal ? » donne le mode d’emploi du découpage cantonal de manière beaucoup plus pragmatique. Il ne mentionne absolument pas la règle des 20 % et insiste uniquement sur la nécessité de réduire les écarts démographiques existants.

Si vous aviez choisi de vous en tenir à des redécoupages ponctuels de certains départements où les écarts étaient manifestement excessifs, cette jurisprudence pragmatique aurait trouvé à s’appliquer. En réalité, le choix du redécoupage total expose aux risques d’une logique purement arithmétique, machine infernale qui détruira la représentation des territoires ruraux.

Il est donc encore temps de ne pas se lancer dans cette démarche et de supprimer le critère arithmétique dans la loi pour se réserver une marge de manœuvre,…

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. Guillaume Larrivé. …lorsque seront pris les décrets de redécoupage dans un dialogue pragmatique avec les sections administratives du Conseil d’État, avec les conseils généraux et avec la commission pluraliste que vous ne manquerez naturellement pas d’approuver.

(L’amendement n° 641 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 629.

M. Lionel Tardy. Cet amendement très simple propose d’organiser une consultation systématique des communes pour la délimitation des cantons par décret en Conseil d’État. Cette consultation m’apparaît être la moindre des choses, les communes et leurs élus étant tout de même très concernés par le sujet dans sa dimension pratique et également – vous l’avez tous bien compris – dans sa dimension symbolique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans le droit actuel, rien n’impose de consulter les conseils municipaux. Une jurisprudence du Conseil d’État – et je pense à l’arrêt Lise et Valcin du 21 mai 1986 – confirme qu’il n’est pas nécessaire de consulter les conseils municipaux. En pratique, cette faculté n’a d’ailleurs jamais été utilisée au cours des redécoupages partiels effectués ces dernières décennies. S’il est logique de consulter les conseils généraux, c’est évidemment parce que les cantons correspondent à leurs circonscriptions d’élection. On ne peut pas en dire autant des conseils municipaux. En outre, tous les départements étant concernés par le nécessaire redécoupage, cette procédure serait d’une rare lourdeur et risquerait d’entraîner un non-respect des délais de la procédure de redécoupage. Peut-être est-ce là, d’ailleurs, un des objectifs des auteurs de l’amendement.

La commission a donc donné un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Consulter plus de 36 000 communes est, vous le savez, un exercice totalement impossible. La loi prévoit l’avis des conseils généraux et l’avis du Conseil d’État.

Je prendrai deux minutes pour répondre à MM. Sauvadet et Larrivé.

L’inscription dans la loi des critères de redécoupage existe déjà pour les circonscriptions législatives. C’est surtout une garantie majeure pour l’objectivité du futur redécoupage. Si nous ne prévoyons pas de critère, sur quelle base se fondera le redécoupage ? De toute façon, nous avons déjà demandé, et je l’ai déjà souligné à plusieurs reprises depuis le début de notre discussion, l’avis du Conseil d’État, lequel s’appuie sur une jurisprudence. L’article tout à fait passionnant de M. Touvet ne tient pas compte de deux éléments : d’une part, de l’avis que vient de donner le Conseil d’État et, d’autre part, et je l’assume, du binôme qui amène à une modification du territoire cantonal. Vous faites un procès d’intention en parlant de charcutage. La tradition, c’est très bien, mais seuls les résultats vous donneront tort ou raison. Vous continuez le débat de manière constante et cohérente. En effet, je vous écoute avec beaucoup d’attention, monsieur Sauvadet, vous qui êtes un élu important, président d’un conseil général et élu d’un territoire rural tout à fait significatif et, vous, monsieur Larrivé, qui êtes député d’un département où ces questions se posent et auxquelles je suis évidemment tout à fait sensible. Mais nous devons à la fois respecter le suffrage universel et instaurer la parité. Le binôme permet aussi, et c’est là où nous divergeons, à un canton plus vaste d’avoir deux élus, lesquels feront aussi ce travail de proximité.

Enfin, vous avez fait référence aux critères, ce dont je vous remercie. Les critères retenus par exemple dans l’amendement de Mme Massat sont cohérents avec l’amendement que vous avez déposé, monsieur le président Sauvadet, et qui a été adopté. Le critère de population est un élément fondamental, mais la représentation des territoires doit évidemment être prise en compte. Avec la jurisprudence, la règle des plus ou moins 20 % et les critères que nous intégrerons dans la loi, nous pourrons disposer des éléments permettant de tenir compte de la population et de la spécificité des territoires.

C’est pourquoi nous ne retirons pas ce texte. De plus, tant d’efforts pour en arriver là serait une forme de masochisme à laquelle je ne suis pas encore prêt !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je remercie M. le ministre d’avoir pris le temps, au cours de ses deux dernières interventions, de nous donner toutes ces explications, ce qui me permet, je dois le reconnaître, d’y voir beaucoup plus clair et de comprendre dans quel contexte le Gouvernement évolue. Mais si je vous suis si reconnaissant, monsieur le ministre, d’avoir pris ce temps pour nous répondre, c’est que je ne pensais pas, avant de vous avoir entendu, que les choses étaient aussi graves et que nous étions allés aussi loin depuis 1985. Je ne pensais pas que, pour le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, seule prévalait la représentation démographique, et que nos textes ne faisaient plus référence aux territoires. S’il est un pays pour lequel le territoire est une notion sacrée, qui lui a permis d’être un État, de rassembler des peuples, des nations, c’est bien le nôtre. Je ne pensais pas que, suite à cette cascade de lois depuis trente ans, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État en étaient arrivés là ! Ces lois avaient toutes la même approche : la France était devenue exclusivement urbaine et citadine. Je ne mène pas un combat contre les citadins. Je me sens très bien à Paris et dans toutes les villes chaque fois que je m’y rends. Toutefois, je crois qu’il n’y a pas que la pensée unique, qu’il y a aussi la pensée de ceux qui vivent dans des territoires et qui y ont des responsabilités.

Je pense donc qu’il y a plus urgent, monsieur le ministre, que de voter ce texte. Il convient de le retirer d’urgence, compte tenu des arguments que vous venez vous-même de donner, et de nous pencher sur la représentativité du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. C’est là que se situe la grande urgence. Si nous débattons à partir de bases aussi fausses, il n’est pas étonnant que nos lois, depuis trente ans, n’aient eu que des effets pervers.

M. Marc Dolez. C’est le gouvernement des juges !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, nous ne vous reprochons pas d’inscrire dans la loi des critères de redécoupage, mais de vous conduire en bon petit soldat. Vous avez une vision très étriquée du Conseil d’État. En effet, elle est extrêmement éloignée de la jurisprudence qui, jusqu’à présent, se limitait à considérer qu’il ne fallait pas aggraver les écarts.

Quant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elle ne vous contraint pas à ce tunnel des plus ou moins 20 %.

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. Olivier Marleix. En combinant l’effet tranche et l’effet écart, nous atteignons en réalité les plus ou moins 40 %. Vous nous avez rappelé la décision de 2010 qui a été prise en quelque sorte en deux temps. Elle portait à l’époque sur la répartition des effectifs entre départements d’une même région. L’écart affirmé par le Conseil constitutionnel était effectivement de plus ou moins 20 %. Mais le Conseil constitutionnel avait bien anticipé le redécoupage des cantons au sein de chaque département, avec, selon la vision la plus stricte et étriquée qui puisse être, un nouvel écart de plus ou moins 20 %, ce qui signifie qu’au final les écarts auraient pu atteindre jusqu’à plus ou moins 40 % au sein de la nouvelle assemblée régionale. C’est ce qu’admet en réalité le Conseil constitutionnel pour l’Assemblée nationale.

En adoptant d’entrée de jeu la vision la plus étroite qui soit, vous nous contraignez à faire ce qui n’est pas notre travail de législateur. Si l’on mentionne des principes dans la loi, c’est pour donner au Gouvernement davantage de souplesse face à ce que risquerait de lui objecter le Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel pourrait laisser une plus grande souplesse au législateur, comme il était prêt à le faire pour le conseiller territorial : il n’y avait pas de contrainte et les écarts auraient été plus importants.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. J’entends vos arguments, monsieur le ministre. La jurisprudence vous a demandé de réduire les écarts. A chaque modification électorale, elle vérifie que l’on se trouve dans les limites estimées raisonnables pour que soit respecté le principe constitutionnel d’un homme égale une voix. Votre perspective de redécoupage total et l’inscription dans la loi d’une jurisprudence me poussent vraiment à m’interroger sur le rôle du législateur aujourd’hui. Ne doit-on pas précisément indiquer la volonté de la représentation nationale, tout en respectant le principe constitutionnel ? M. le président de la commission des lois songerait évidemment à faire autre chose ! Prétendre que l’inscription dans la loi de la règle des plus ou moins 20 % donne de la justice est un mauvais argument. Cela justifie en fait votre geste politique de redécoupage, donc de charcutage.

Vous semblez partager avec nous l’idée d’une juste représentation des territoires. Dans ce cas, vous ne devez pas inscrire dans la loi la règle des plus ou moins 20 %. Je ne vois en effet pas en quoi cela se justifie.

Si l’on suivait votre raisonnement, il faudrait redécouper tous les départements. Comment pouvez-vous accepter que certains d’entre eux comptent 250 000 habitants et d’autres des millions ? Franchement, c’est la négation de la collectivité territoriale.

J’entends vos arguments et je connais votre côté carré de ministre de l’intérieur. Selon vous, les populations doivent être représentées. Je le comprends et je respecte d’ailleurs vos convictions, mais je ne les partage pas. Inscrire dans la loi ce qui est une jurisprudence au lieu de forger le droit par la loi, c’est une curieuse méthode dans un Parlement et dans une démocratie.

M. Jean Lassalle. Il faut redécouper la Chine !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Nous allons vous envoyer le faire, monsieur Lassalle. Bonne chance ! On ne vous verra pas pendant un certain temps. Avec des instruments anciens, cela mettra du temps.

Le découpage, monsieur Sauvadet, se fait dans le cadre départemental puisque, forts de ce qui a eu lieu dans le passé, nous ne proposons pas d’égaliser. Moi, je ne confonds pas l’égalité et l’égalitarisme, et mon côté carré ne m’empêche pas d’être rond même si cela ne se voit pas. (Sourires.)

S’il n’y a pas de critères, c’est la loi de la jungle. De plus, quoi qu’il arrive, chaque projet départemental sera soumis à l’appréciation du Conseil d’État. Nous lui avons demandé ce qu’il en pensait et c’est lui qui souhaite que nous intégrions les 20 %. Nous sommes logiques et cohérents.

Nous avons donc à la fois une appréciation juridique que nous respectons, forts de la jurisprudence et du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État et, en même temps, nous mettons en œuvre le scrutin binominal au nom des principes que j’ai rappelés.

Nous avons fait le choix du scrutin binominal pour privilégier la parité, ce qui est une différence…

M. François Sauvadet. Ah non ! Ce n’est pas une différence !

M. Manuel Valls, ministre. C’est sur le mode d’application de la parité qu’il y a une différence entre nous, je vous le concède, pour ne pas envenimer notre débat.

D’autres solutions étaient possibles. On pouvait tendre vers la parité, c’est là où nous avons un désaccord, ou instaurer un scrutin proportionnel, avec une liste majoritaire, mais cela rompt totalement de notre point de vue, et peut-être même du vôtre,…

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. …en tout cas de celui de certains,…

M. Lionel Tardy. Oui !

M. Manuel Valls, ministre. …le lien entre l’élu et l’électeur.

Nous préservons ce lien, nous imposons la parité, et nous redécoupons sur ces critères.

C’est vrai que c’est un redécoupage total, qui concerne tous les départements, tous les cantons, et c’est la raison pour laquelle nous inscrivons dans la loi des critères qui l’encadrent car, sans cette obligation des plus ou moins 20 %, on pourrait redécouper n’importe comment dans chaque département. Nous intégrons en même temps les éléments que j’ai rappelés déjà à plusieurs reprises et qu’on retrouve à la fois dans votre amendement et dans celui de Mme Frédérique Massat.

C’est sur ces bases que nous avons travaillé, précisément pour éviter le charcutage.

M. Lassalle nous a parlé du territoire sacré.

Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Eh oui !

M. Manuel Valls, ministre. Mettons-y un peu de laïcité. Je crois aux territoires. Même dans les territoires urbains, il y a une histoire, mais davantage sans doute dans les territoires ruraux, avec une forte spécificité culturelle, géographique, un lien fort avec les habitants.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Ce que nous proposons vise précisément à concilier ces différents éléments, la parité, le suffrage universel et la représentation des territoires.

C’est grâce à cet équilibre que ce sera un scrutin innovant, mais aussi un progrès majeur, avec une meilleure représentation du territoire, la parité et un équilibre nécessaire dans nos départements.

Je récuse évidemment le mot de charcutage et je conteste l’idée que les territoires ne seront pas représentés. Ils seront représentés dans un canton plus vaste, par deux élus, un homme et une femme ou une femme et un homme. C’est un sacré progrès, monsieur Sauvadet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 629 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 683, 190 et 715, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 190 et 715 sont identiques.

La parole est à M. François de Mazières, pour défendre l’amendement n° 683.

M. François de Mazières. Vous allez pouvoir nous faire la démonstration de ce que vous venez de nous expliquer, monsieur le ministre.

Le conseil général n’aura que six semaines pour émettre un avis, et, selon votre calendrier, ce sera à peu près pendant la période des vacances. Nous sommes donc dans la contradiction totale par rapport à ce que vous essayez de nous démontrer depuis tout à l’heure, avec talent, certes, en expliquant qu’il s’agit d’avoir des critères plus objectifs, en dehors de tout charcutage.

Nous vous proposons la mise en place d’une commission indépendante qui puisse avec vous assurer que le découpage a été fait selon des critères purement objectifs. Vous refusez, et vous nous annoncez que les conseils généraux, qui sont tout de même directement impliqués, qui sont les meilleurs connaisseurs de la carte du terrain, nous en avons eu plusieurs fois la démonstration ici, seront consultés sur une période réduite de six semaines pendant les vacances. Si, au terme de cette période, ils n’ont pas rendu leur avis, l’avis sera réputé positif.

Avouez que c’est une contradiction flagrante avec tout ce que vous nous avez expliqué. Vous êtes un homme carré. Il y a vraiment là un problème majeur.

Vous devez donc accepter notre amendement, qui propose non pas six semaines mais trois mois, ce qui est un minimum. Si l’on soumet pendant les vacances à ces conseils généraux de montagne dont parlait M. Lassalle un changement radical des cantons, vous rendez-vous compte de ce que cela signifie symboliquement, de la façon dont ils vont percevoir votre réforme ? Vous allez exactement à l’encontre de ce que vous essayez de nous expliquer en prétendant que ce n’est pas un charcutage.

Vous verrez si ce découpage a été fait pour des raisons purement électorales et si vous avez tort ou raison, avez-vous ajouté tout à l’heure.

M. Jacques Lamblin. Ce sera trop tard !

M. François de Mazières. J’avoue que cela nous fait encore plus peur. Vous envisagez que nous puissions avoir raison, cela nous inquiète encore plus.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour défendre l’amendement n° 190.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, même si nous ne sommes pas d’accord sur de nombreux points, le démocrate que vous êtes, et nous n’en doutons tout de même pas, ne peut pas ne pas accepter cet amendement.

Il y a certes des urgences de calendrier car les décrets doivent être soumis au Conseil d’État avant mars 2014 pour que la réforme soit applicable lors des prochaines élections cantonales. Le but ultime, nous l’avons bien compris, c’est que vous puissiez en tirer profit dès ces prochaines élections, c’est très important pour vous.

Cela dit, vous devez tout de même respecter un minimum de transparence dans votre démarche. Vous allez envoyer des décrets au fil de l’eau au Conseil d’État. Le rapporteur a précisé que les conseils généraux devraient délibérer entre juin et octobre 2013. Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ? Ils auront six semaines pour délibérer. S’ils reçoivent leur décret le 14 juillet, ils auront jusqu’au 15 août pour se prononcer. Réunir des conseils généraux entre le 14 juillet et le 15 août, ce n’est franchement pas sérieux. Nous sommes aux antipodes de la transparence.

Pour la refonte intercommunale, le législateur a donné, je crois, deux mois aux communes pour se prononcer. Calez-vous sur ce délai, qui est le minimum raisonnable. C’est intéressant, le débat devra avoir lieu dans l’Ariège, le Cantal, il faudra informer les gens et donner aux conseils municipaux l’occasion de se prononcer. Ne donnez pas le sentiment de vouloir cacher les choses et d’agir en catimini pendant l’été. Ce ne serait vraiment pas démocratique et respectueux de notre vie politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour défendre l’amendement n° 715.

M. Guillaume Larrivé. Ce que nous voulons, monsieur le ministre, c’est un peu plus de souplesse juridique et plus de transparence politique. L’un des éléments de cette transparence, c’est que, dans chaque département, les conseillers généraux aient un délai raisonnable pour étudier la question. Sinon, il se passera ce qui commence à se dessiner dans certains départements, c’est-à-dire un dialogue entre l’autorité préfectorale, soumise comme c’est la règle au pouvoir, et les élus de l’actuelle majorité.

M. Bussereau a appelé l’attention du groupe UMP sur un fait tout à fait scandaleux. Dans le département de la Charente-Maritime, un certain M. Vallet, président du groupe socialiste au conseil général, a écrit cette semaine à tous les maires de Charente-Maritime pour leur expliquer quel sera selon lui, selon la fédération locale du parti socialiste, le redécoupage dans ce département, et il indique par exemple le nombre de cantons à La Rochelle. Tout cela est assez hallucinant.

Le débat doit avoir lieu devant les conseils généraux de manière calme, sereine, transparente, démocratique, pas à la va-vite entre le 14 juillet et le 15 août.

M.  Gérald Darmanin. A-t-on consulté Ségolène ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?

M.  Pascal Popelin, rapporteur. L’objectif de la majorité, c’est de rendre la loi applicable tout en respectant la règle selon laquelle on ne modifie pas les circonscriptions électorales dans l’année qui précède l’élection.

Le droit existant ne comporte aucun délai prescriptif.

M. François Sauvadet. Vous avez raison, c’est un usage.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le délai de six semaines qui est proposé tient compte de l’ensemble d’un calendrier qui doit conduire à prendre tout de même la bagatelle de quatre-vingt-dix-huit décrets en Conseil d’État.

J’ai signalé dans le rapport, mais le Gouvernement nous donnera peut-être plus de précisions, que la période probable était entre juin et octobre et non pas du 15 juillet au 15 août, comme je l’ai entendu.

M. Olivier Marleix. Pour certains si !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Même dans les départements où il est le plus complexe de se déplacer en raison de la géographie, je ne pense pas que l’on ait besoin de plus de six semaines pour se rendre au conseil général, et, dans ces territoires, en général, on connaît parfaitement la géographie et les contraintes, et l’on est donc parfaitement capable de se prononcer rapidement pour ou contre les dispositions proposées par le Gouvernement.

La commission a donné un avis défavorable à ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Le délai laissé aux assemblées départementales pour se prononcer sur le projet de décret s’inscrit dans un calendrier très précis, vous l’avez souligné, qui doit permettre la publication des quatre-vingt-dix-huit décrets au plus tard un an avant le renouvellement général de mars 2015, en respect des dispositions de l’article 7 de la loi du 11 décembre 1990, afin de ne pas porter atteinte à la sincérité du scrutin.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Cela dit, je prends ici l’engagement que cela ne se fera pas pendant les vacances.

N’ayez crainte : nous respecterons la période des vacances de nos conseillers généraux. C’est un engagement que je prends, sachant évidemment que nous n’enverrons pas les quatre-vingt-dix-huit décrets d’un coup, mais de manière régulière, pour que les conseillers généraux puissent les examiner dans des conditions qu’il leur appartiendra de préparer.

Deuxièmement, le débat aura lieu. Il a même déjà commencé. Ce n’est pas uniquement M. Vallet qui fait le découpage dans son département,…

M. Jacques Lamblin. Il faut le lui dire !

M. Manuel Valls, ministre. …et nous avons eu l’occasion d’assurer le président Dominique Bussereau de notre respect des méthodes et des règles de consultation. Et cela vaudra pour chacun. Le débat a donc déjà commencé…

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Tout le monde ne pense pas que votre force de conviction me fera reculer !

M. François Sauvadet. Hélas !

M. Gérald Darmanin. Le débat a commencé au sein des sections du parti socialiste !

M. Manuel Valls, ministre. Certains ont déjà engagé le débat. C’est la vie politique. Mais il y a des règles et elles doivent être respectées.

Troisièmement, si vous aviez remporté les élections, le travail de redécoupage lié au conseiller territorial aurait au mieux commencé, puisqu’il avait été reculé par le Premier ministre, au mois de septembre 2012, et il se serait achevé en ce moment même, début 2013, c’est-à-dire qu’il y aurait eu moins de six mois, quelques semaines seulement, pour assurer le respect de la loi de 1990. Nous allons, quant à nous, après la promulgation de la loi et son examen par le Conseil constitutionnel, prendre quelques mois supplémentaires pour laisser du temps au débat public, à la consultation des assemblées départementales et à la procédure d’avis du Conseil d’État.

Mme la présidente. Monsieur Lamblin, compte tenu des explications que vient d’apporter M. le ministre, ces amendements sont-ils retirés ?

M. Jacques Lamblin. Bien sûr que non, madame la présidente, malgré votre sourire.

M. Lionel Tardy. Bien tenté !

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, vous affirmez que le scrutin que vous proposez a l’avantage de proposer une parité rigoureuse – c’est exact –, en maintenant le scrutin majoritaire – c’est également exact –, mais il engloutit totalement la représentation des territoires. Nous essayons d’y remédier. Même si nous n’approuvons pas votre texte, nous tentons de contourner la difficulté. Or vous ne voulez pas entendre parler d’une amélioration de la règle des 20 %. De même, quand nous vous montrons que vous muselez les conseils généraux, vous essayez de nous expliquer que non. Enfin, si le délai d’un an est la règle, il faut espérer que le Conseil constitutionnel approuvera le travail qui se fait ici : nous ne savons pas au-devant de quoi nous allons, je vous le signale au passage.

Nous avons également beaucoup insisté sur les écarts de représentation entre cantons. C’est l’occasion pour moi de vous communiquer une information lue ce matin sur internet. La différence, c’est l’histoire de notre pays. Il y a en France vingt-neuf communes de moins de dix habitants. J’ai regardé la situation des vingt-neuf plus importantes : elles comptent 8 millions d’habitants, lesquels sont ainsi représentés par vingt-neuf maires. Il y a donc, dans les plus petites communes, 290 habitants qui sont eux aussi représentés par vingt-neuf maires et qui ont vingt-neuf voix aux élections sénatoriales, tout comme les autres, ou pas tout à fait…

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est très fumeux !

M. Jacques Lamblin. Non, c’est la vérité.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il y a deux grands électeurs dans les grands cantons !

M. Jacques Lamblin. Le critère des 20 % auquel vous vous cramponnez est, comme on le voit assez souvent par ailleurs, à géométrie variable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Je souhaite rectifier certains propos que j’ai entendus sur les cantons de montagne. M. Olivier Marleix a évoqué le Cantal et l’Ariège. Je ne me permettrai pas de parler pour le Cantal mais, s’agissant de l’Ariège, nous sommes capables de nous réunir. Si nous avons des montagnes et des vallées, nous avons aussi des voitures et d’autres véhicules qui nous permettent de nous rendre au conseil général. (Rires.) Il faut arrêter de caricaturer, de ridiculiser ces territoires ! Nous sommes capables, en six semaines, de convoquer les élus du conseil général pour qu’ils délibèrent.

M. Olivier Marleix. Ça se fera en catimini !

M. Lionel Tardy. Il n’y aura qu’une réunion, alors ?

(L’amendement n° 683 et les amendements identiques nos 190 et 715, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements, les amendements identiques nos 687, 690, 696, 699, l’amendement n° 698 et les amendements identiques nos 692 et 695, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 687.

M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à mettre en place une commission indépendante, dont nous prévoyons la composition – députés, conseillers d’État, conseillers à la Cour de cassation, conseillers maîtres à la Cour des comptes –, afin de superviser le découpage.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 690.

M. Olivier Marleix. M. Larrivé l’a excellemment expliqué : il faut de la souplesse juridique mais aussi de la transparence politique. La précédente majorité avait donné l’exemple, lors de la réforme constitutionnelle, en prévoyant que le redécoupage des circonscriptions législatives aurait lieu sous le contrôle d’une commission ad hoc, dont l’existence est désormais inscrite dans notre Constitution. Nous vous demandons la même chose pour le découpage des cantons, afin de garantir la transparence.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 696.

M. Gérald Darmanin. Nous proposions deux garde-fous. Le premier, la consultation des conseils municipaux, vient d’être refusé, et c’est dommage. Dans mon département, les conseillers généraux, de droite comme de gauche, ont pris l’habitude de réunir des conseils généraux de consultation des communes, où l’intégralité des conseils municipaux délibèrent de manière consultative sur les projets du département.

M. Rémi Pauvros. La gauche le fait très bien !

M. Gérald Darmanin. Il n’y a pas que la gauche, monsieur Pauvros : des conseillers généraux de droite le font aussi. Je sais qu’à Maubeuge vous n’êtes pas habitués à avoir des conseillers généraux de droite, mais il en existe dans mon coin du Nord ! Je ne peux pas être dans l’opposition partout, mais le Gouvernement ayant en préparation des projets de bioéthique, nous pourrons peut-être un jour multiplier les Darmanin.

Le second garde-fou, c’est la commission que propose Guillaume Larrivé, de manière à la fois transparente, démocratique et intelligente.

M. Manuel Valls, ministre. Comme son auteur !

M. Gérald Darmanin. Il est bon de citer les grands auteurs, monsieur le ministre ! Tout le monde ne peut pas citer la jurisprudence administrative comme notre collègue Guillaume Larrivé ; je préfère donc citer Guillaume Larrivé directement. (Sourires.)

Nous ne doutons pas que vous accepterez ces amendements, alors que nous avons salué votre esprit démocrate. Cette commission indépendante garantira à l’opposition que le découpage se fera selon l’intérêt général et non selon les intérêts du parti socialiste.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 699.

M. Guillaume Larrivé. Je crois que nous devrions nous rassembler sur une proposition de cette nature. J’admets que, dans un passé assez lointain, certaines majorités ont pu être tentées, à l’occasion d’un redécoupage, de faire valoir non seulement l’intérêt général mais aussi leur propre intérêt. On est peu à peu sorti de cette logique politicienne. Le précédent découpage législatif a été opéré de manière aussi transparente que possible, sous le contrôle éminent d’une commission présidée par l’ancien président du Conseil constitutionnel, Yves Guéna.

Nous avons intérêt à prendre exemple sur ce modèle, mais aussi à l’améliorer. L’amendement a une logique un peu différente de celle de la commission Guéna, puisque la commission serait présidée par un parlementaire de l’opposition. Depuis quelques années, cette logique de pluralisme est à l’œuvre en matière budgétaire, la commission des finances de l’Assemblée nationale étant présidée par un député de l’opposition. En matière électorale, une démocratie moderne, apaisée, sereine, devrait admettre que les règles du jeu soient définies de manière pluraliste. La signature sera évidemment celle du Premier ministre, avec le contreseing du ministre de l’intérieur, et c’est normal, mais le redécoupage devrait être éclairé par une commission pluraliste.

Nous demandons, madame la présidente, un scrutin public sur ces amendements, afin que chacun prenne ses responsabilités.

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. Il n’y a rien de scandaleux ou d’anormal à ce qu’une commission pluraliste se prononce sur cette matière sensible pour la démocratie.

Mme la présidente. Sur le vote des amendements nos 687 et identiques, je suis saisie par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. M. Marleix nous invite à prendre modèle sur l’ancienne majorité et son redécoupage législatif. En matière de découpage électoral, je ne suis pas sûr que nous ayons ce modèle à l’esprit.

M. François Sauvadet. Vous allez faire pire !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans la loi du 16 décembre 2010 créant les conseillers territoriaux, aucune commission de ce type n’était prévue.

M. Gérald Darmanin. Le changement, c’est maintenant !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous nous demandez donc d’appliquer des modalités que vous n’aviez pas vous-mêmes prévu d’appliquer.

Le redécoupage aura déjà lieu après l’avis des conseils généraux et celui du Conseil d’État, lequel pourra également être saisi de recours pour excès de pouvoir contre les décrets.

Sur le fond, une commission nationale ne se justifie pas en matière de délimitation de cantons.

M. Guillaume Larrivé. C’est un découpage national !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans le cas du découpage des circonscriptions législatives, l’objet est l’élection d’une seule assemblée délibérante, l’Assemblée nationale ; il est donc indispensable que le découpage obéisse à des règles communes et strictement homogènes au plan national. En revanche, pour le découpage des cantons, il s’agit d’élire quatre-vingt-dix-huit conseils départementaux différents ; il n’y a donc pas lieu de procéder à des comparaisons entre cantons,…

M. Guillaume Larrivé. C’est une question d’égalité !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …ce qu’il faut c’est assurer une parfaite transparence et égalité du suffrage à l’intérieur des départements. Voilà pourquoi la commission a donné un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Après la mise en cause par M. Marleix du Conseil d’État,…

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. …M. Larrivé, ne prévoyant pas de sénateurs dans la commission, met ainsi en cause le Sénat.

M. Gérald Darmanin. M. Jospin l’a fait auparavant !

M. Manuel Valls, ministre. C’est vrai, et cela ne lui a pas porté chance. (Exclamations sur divers bancs.) Nous garderons cela pour nous, car en chaque député dort un futur sénateur – « dort » au sens figuré, bien sûr. (Sourires.)

L’article 23 a pour objet d’inscrire dans la loi ces critères définis pour le remodelage cantonal dont nous débattons depuis deux heures : leur précision doit permettre d’éviter tout arbitraire et de rendre inutile la saisine d’une commission.

Trois critères ont été définis, suite à une demande d’avis expresse au Conseil d’État, et dégagés de la jurisprudence constitutionnelle, plus rigoureuse que la jurisprudence administrative, qui ne concernait jusqu’alors que des redécoupages partiels.

Les critères du remodelage des circonscriptions électorales sont habituellement définis, sous le contrôle du juge, par le Gouvernement : ce dernier a cette fois-ci souhaité qu’ils soient explicitement inscrits dans les dispositions du projet de loi.

M. Olivier Marleix. Mais ce n’est pas la peine !

M. Manuel Valls, ministre. Bien que ces critères, une fois inscrits dans la loi, suffisent par eux-mêmes à garantir l’intégrité des décrets, le Gouvernement a néanmoins tenu à ce que le Conseil d’État puisse rendre un avis sur chaque projet de décret, en en choisissant la forme.

Comme tout acte administratif, ces décrets pourront enfin faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, si une personne intéressée s’estimait lésée par la nouvelle délimitation des cantons.

Nul ne pouvant douter de l’absolue indépendance des formations du Conseil d’État dans ses fonctions administratives, le remodelage dispose de suffisamment de garanties pour se dispenser d’en insérer de nouvelles.

Il est curieux que l’opposition nous reproche la rigueur des critères que nous intégrons dans la loi, eu égard à l’avis du Conseil d’État, pour nous demander ensuite la formation d’une commission indépendante dont les critères de travail seraient rien moins que clairs.

Vous souhaitez, messieurs de l’opposition, une commission indépendante mais, dans le même temps, vous voulez ôter du texte de loi les critères énoncés suite à l’avis du Conseil d’État, qui sera amené à examiner le découpage.

Votre proposition, tout intéressante qu’elle soit, est d’abord en contradiction avec vos propos précédents.

M. Guillaume Larrivé. C’est très cohérent !

M. Manuel Valls, ministre. De plus, cela poserait des problèmes de temps et politiserait le débat, ce qui ne saurait se produire s’agissant du Conseil d’État.

La gauche n’a jamais été amenée à procéder à un découpage législatif,…

M. Olivier Marleix. Et c’est tant mieux.

M. Manuel Valls, ministre. Je ne réponds pas aux provocations de M. Marleix.

…ni à l’occasion du premier redécoupage, ni à celle du deuxième. Permettez-moi de trouver ces découpages contestables, et d’autant plus lorsque l’on se rappelle les conditions dans lesquelles ils ont été effectués.

Certes, la commission était tout à fait indépendante ; …

Mme Frédérique Massat. Très impartiale !

M. Manuel Valls, ministre. …mais si je me souviens de l’audition du président Guéna – j’ai la plus grande estime pour l’homme et son parcours politique si peu partisan –, je pense avant tout à l’audition du président du Conseil constitutionnel, qui me semble ne pas avoir fait alors la plus grande preuve de son souci de l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le rejet de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Vous me semblez très en forme, monsieur le ministre,…

M. Gérald Darmanin. C’est l’Assemblée !

M. François Sauvadet. …mais vos propos sont au moins contradictoires.

Si j’éveille le sénateur qui sommeille en moi, je peux vous assurer que le meilleur moyen de réveiller le Sénat, cela aurait été de l’écouter.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait !

M. François Sauvadet. La loi que vous avez proposée au Sénat a été repoussée par une majorité de gauche.

M. Gérald Darmanin. Il paraît…

M. François Sauvadet. D’autre part, monsieur le rapporteur, lorsque vous évoquez un soutien de l’ensemble de la majorité, c’est un mensonge, puisque seul le parti socialiste porte ce projet de loi.

Hier, le Front de gauche a voté contre le binôme. D’ailleurs, j’ai reçu des témoignages d’élus locaux de ce parti qui nous ont demandé de nous battre.

M. Manuel Valls, ministre. Vous avez de mauvaises fréquentations.

M. François Sauvadet. La main sur le cœur, vous nous promettiez – et M. Hollande le premier – une République irréprochable, enfin tirée de la situation dramatique dans laquelle elle avait été plongée ; et c’étaient mille autres promesses encore.

Dans mon département, vous avez changé tous les hommes en place : un ancien candidat du parti socialiste est même devenu recteur.

Votre République irréprochable, jurée la main sur le cœur, est comme la loi relative au cumul des mandats : vous ne voulez plus de cumul en effet, mais vous repoussez la loi après les élections.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous la voulez avant ?

M. François Sauvadet. Quand vous parlez de République irréprochable, ne vous appuyez pas sur ce que vous qualifiez de turpitudes du passé pour vous livrer à pire.

Avoir recours à la règle des plus ou moins 20 % pour garantir l’intégrité du redécoupage, permettez-moi d’en rire, monsieur le ministre.

Vous nous dites qu’il faut appliquer cette règle afin d’assurer l’équité, tout en cherchant une délégation pour représenter les territoires ruraux : ne nous prenez pas pour des perdreaux de l’année.

Au contraire, assumez clairement que ce projet est celui du parti socialiste, qui veut opérer seul un redécoupage à sa guise. Remarquez combien il est rare que tous les partis, à l’exception du vôtre, s’opposent à cette loi, d’autant qu’il s’agit d’une loi organique.

M. Lionel Tardy. C’est incroyable.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je m’étonne, monsieur le ministre, que l’annonce du scrutin public ne vous ait pas fait comprendre l’importance de la situation actuelle et changer d’avis par rapport à la commission.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, votre argument selon lequel une commission nationale n’aurait rien à voir dans un découpage cantonal ou départemental me semble un peu spécieux.

Ne s’agit-il pas pourtant d’un découpage général, donc national, des cantons ?

C’est un peu comme si vous disiez à la commission des comptes de campagne : « Ne vous occupez pas des élections partielles, ni des élections cantonales, vous êtes une commission nationale, il revient donc à une commission départementale d’être juge des comptes. » Voilà un argument juridique quelque peu ténu.

Si la gauche n’a pas eu le loisir, qu’elle aura bientôt, de découper les circonscriptions, elle a fait mieux en 1986, en changeant le scrutin, ce qui permettait effectivement de se poser moins de questions sur le redécoupage. Nous portons ainsi une attention toute particulière à votre argument, puisqu’il semblerait que vous allez bientôt redécouper les circonscriptions.

Vous nous dites en effet que cela est hors de propos, mais vous allez tout de même créer, si le Président tient, comme je n’en doute pas, toutes ses promesses électorales, des élections législatives à la proportionnelle, ce qui vous obligera à redécouper les circonscriptions pour les élections de 2017, à supposer qu’il n’y ait pas de dissolution d’ici là.

Monsieur le ministre, vous attaquez M. Larrivé avec une rare violence, alors qu’il n’est qu’un jeune député qui sera peut-être un jour un jeune sénateur – espérons qu’il aura eu le temps de se faire réélire député pour 44 ans de mandat, comme son prédécesseur.

Vous auriez pu proposer un sous-amendement avec la mise en place de deux sénateurs, si c’était vraiment cette question qui vous gênait le plus. D’ailleurs, peut-être pouvons-nous demander une suspension de séance afin de vous laisser l’occasion de sous-amender ; mais comme le groupe socialiste semble désormais majoritaire dans l’hémicycle, nous n’allons pas manquer de passer au vote...

Nous pensions que votre argument, monsieur le rapporteur, du « Vous ne l’avez pas fait, pourquoi le ferions-nous ? » ne valait plus pour un parti qui déclarait « Le changement, c’est maintenant ».

Malheureusement, s’il n’y a pas de changement économique, il n’y en a pas plus en matière de découpage électoral. Je ne vous savais pas ce conservatisme, monsieur le rapporteur : non seulement, vous voulez cumuler, mais vous êtes aussi un conservateur réactionnaire. Comme j’ai bien fait de revenir ce vendredi de ma circonscription pour vous entendre !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement n° 698.

M. Guillaume Larrivé. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 695.

M. Gérald Darmanin. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l'amendement n° 191.

M. Olivier Marleix. Défendu.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 687, 690, 696 et 699.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 54

Majorité absolue 28

(Les amendements identiques nos 687, 690, 696 et 699 ne sont pas adoptés.)

(Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. La transparence, c’est maintenant !

(Les amendements nos 698, 692, 695 et 191, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. Gérald Darmanin. La réaction a gagné.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l'amendement n° 864.

M. Arnaud Richard. Le Gouvernement a refusé de prendre l’avis des communes, sous prétexte que cela aurait été trop long : voilà la preuve d’une grande ouverture à l’égard des élus locaux.

Vous avez refusé la proposition brillante de M. Larrivé, relative à la création d’une commission pluraliste, transparente et indépendante. Vous vous êtes coincés dans la règle des plus ou moins 20 %, qui relève d’une vision purement arithmétique des conseils généraux. Enfin, vous ne souhaitez pas laisser le temps à ces mêmes conseillers généraux de délibérer, pour vous résumer.

Cet amendement dispose qu’une majorité nette de cette institution départementale valide aux trois-cinquièmes les modifications que vous feriez sur les limites, les créations, les suppressions ou le transfert des sièges des chefs-lieux de ces cantons.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’avis que rendront les conseils généraux est un avis simple : mettre une condition de majorité des trois-cinquièmes est inopérant. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Le groupe UMP apporte par ma voix son soutien à cet excellent amendement du groupe UDI.

Dans une logique pluraliste de transparence, il est sain de recueillir l’avis le plus large possible des conseils généraux, afin qu’il soit transpartisan.

Il faut choisir : les règles du jeu électorales sont définies soit par des majorités partisanes, soit par la perspective du bien commun de la démocratie.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je voudrais saluer, madame la présidente, votre organisation des débats.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. François Sauvadet. On critique parfois les présidents lorsqu’ils ne laissent pas le débat se faire ; mais je voulais vous féliciter publiquement pour votre manière de présider l’Assemblée.

M. Gérald Darmanin. Cela change de Mme Dumont.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, j’aurais aimé que vous vous expliquiez sur le fait que nous pourrions rechercher un consensus ou, tout du moins, une vision partagée, autour de ce redécoupage. Vous aviez dit la main sur le cœur que vous souhaitiez préserver les grands principes républicains, mais nous avons peine à vous croire.

La règle selon laquelle nous pourrions rejeter ou accepter à la majorité des trois-cinquièmes le redécoupage permettrait d’en garantir la légitimité républicaine : vous venez de balayer cette possibilité d’un revers de la main.

Je souhaiterais, si vous l’acceptez, monsieur le ministre, que vous répondiez au groupe UDI sur des arguments de fond, au lieu de repousser la discussion à plus tard. Pourquoi rejetez-vous cette vision partagée d’un redécoupage qui permettrait d’assurer une certaine intégrité ou, tout du moins, une vision républicaine ? Éclairez la représentation nationale et le pays avec elle !

(L'amendement n° 864 n'est pas adopté.)