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Assemblée nationale

COMMISSION ÉLARGIE

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 20 octobre 2015

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la commission des finances,
puis de M. Dominique Baert,
vice-président de la commission des finances,
et de M. Patrick Bloche,
président de la commission des affaires culturelles

La réunion de la commission élargie commence à dix-sept heures.

projet de loi de finances pour 2016

Enseignement scolaire

-->M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, je suis heureux de vous accueillir, avec le président Patrick Bloche, pour cette commission élargie. La mission « enseignement scolaire » que nous abordons aujourd’hui représente un impressionnant montant de crédits.

Je rappelle que la procédure retenue par la conférence des présidents vise à rendre nos débats aussi interactifs que possible. Aussi, ne commençons-nous pas par un exposé du ministre concerné mais par entendre le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis, chacun d’eux disposant de cinq minutes. Il vous reviendra ensuite, madame la ministre, de répondre aux questions soulevées, puis je donnerai la parole aux orateurs des groupe, chacun pour deux minutes.

-->M. le président Patrick BlocheJe me réjouis également de vous retrouver cet après-midi pour un échange, que je souhaite dense et dynamique, sur le budget de l’enseignement scolaire pour l’année 2016, qui sera, pour la deuxième fois consécutive – je le dis avec force –, le premier budget de la nation.

Avec une hausse de ses crédits de 500 millions d’euros, hors pensions, ce budget s’inscrit incontestablement, pour la troisième année consécutive, dans l’ambition de la loi du 9 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République. Comme s’y était engagé le Président de la République, les moyens nécessaires au renforcement des effectifs – plus de 10 000 créations de postes en 2016 –, à l’amélioration de l’accompagnement des élèves, à la restauration de la formation des enseignants, à la réforme de l’éducation prioritaire et au développement des activités périscolaires sont au rendez-vous, sans pour autant sacrifier le sérieux budgétaire.

Cette année, c’est Mme Barbara Pompili qui a été nommée rapporteure pour avis pour l’enseignement scolaire par la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Dans le prolongement de la loi pour la refondation de l’école, elle a choisi de centrer son rapport sur l’une des principales ambitions de cette réforme : la mise en place d’une école inclusive. La présentation de ce rapport a été, pour les membres de notre commission, l’occasion d’avoir un échange extrêmement nourri et passionnant.

J’indique, pour finir, que la commission des affaires culturelles et de l’éducation se réunira, à l’issue de cette réunion de commission élargie, pour se prononcer sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

-->M. le président Gilles Carrez. Le rapporteur spécial Alain Fauré va maintenant présenter ce budget de 48 milliards d’euros qui est en première place, juste avant le service de la dette.

-->M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Il y a des comparaisons, monsieur le président, qu’il vaudrait mieux ne pas faire…

J’ai le plaisir et l’honneur, cette année encore, de présenter, en ma qualité de rapporteur spécial, les crédits de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » pour 2016. Pour la quatrième année consécutive, ces crédits connaissent une progression sensible ; ils atteignent 65,66 milliards d’euros, avec les pensions, en autorisations d’engagement et 65,72 milliards d’euros en crédits de paiement, croissant ainsi respectivement de 1,10 % et de 1,07 % par rapport à 2015. Ce budget, premier de la nation, a été déclaré prioritaire par le Président de la République après son élection, afin de donner une véritable égalité des chances à tous nos enfants.

Madame la ministre, les données chiffrées qui retracent votre politique figurent dans le rapport, mais je voudrais également rendre un hommage tout particulier à la cohérence et à la constance de vos actions, celle du ministère comme celle du Gouvernement.

Tout d’abord, la création d’emplois dans l’éducation nationale. Depuis 2012, 35 227 postes ont déjà été créés, auquel s’ajouteront 10 851 postes en 2016. Ces nouveaux 46 078 postes permettront de remplacer tous les départs décidés pendant le précédent quinquennat, mais aussi de renforcer les dispositifs d’accompagnement « Plus de maîtres que de classes ».

Il faut souligner que la rentrée scolaire de 2015 s’est très bien passée ; il y avait longtemps que cela n’avait pas été le cas. Celle de 2016 devrait se passer encore mieux.

Dans le même temps, vous poursuivez les réformes du premier et du second degré en consacrant une somme importante à la formation des enseignants, à la rénovation des programmes ainsi qu’au renouvellement des manuels scolaires, qui seront tous actualisés en à peine deux ans. Cette réforme est également qualitative, puisque nous reconnaissons, avec la création des écoles supérieures du professorat et de l’enseignement (ESPE), la nécessité d’une formation spécifique pour le métier d’enseignant. Nous donnons ainsi tous les moyens à la valorisation du potentiel de nos enseignants pour la réussite de nos enfants.

Rarement une réforme aura atteint une telle ampleur et une telle anticipation. Cet investissement est celui dont nous pouvons être le plus fiers, car il permettra à notre pays, qui connaît aujourd’hui encore une démographie dynamique, de poursuivre son développement. Nous nous félicitons de cette ambition pour notre école, incarnée par ce budget pour 2016, qui contribuera à bâtir la France de demain et permettra aux jeunes de mieux réussir leur vie d’adulte.

Je souhaiterais évoquer quelques questions plus précises.

Nous avons tous à l’esprit les événements tragiques du mois de janvier dernier et la mobilisation des Français qui s’est ensuivie. Comment l’école peut-elle aujourd’hui faire progresser l’idéal du « vivre ensemble » et, chez les jeunes, la culture du respect, de la citoyenneté et de l’engagement ?

S’agissant du recrutement des enseignants, quelle est la situation des différents départements ? Qu’en est-il des plans de formation des professeurs des écoles à l’échelon des départements ? Existe-t-il un suivi des titularisations et des démissions de ces jeunes enseignants ainsi recrutés ?

Je souhaiterais avoir des précisions sur la mise en œuvre du programme « Plus de maîtres que de classes » et sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans, là aussi, avec des indications par départements.

La période récente a été marquée par de nombreux débats portant sur la réforme du collège prévue à la rentrée 2016 ainsi que la refonte de ses programmes. Pouvez-vous nous présenter un point sur la situation actuelle ainsi que sur le programme de formation des enseignants ?

Quelles sont les incidences prévisibles de la réforme des programmes sur les données budgétaires ? Quelles informations pouvez-vous nous donner, notamment sur les coûts et les délais imposés par les changements de manuels ?

Quelle est la traduction dans le budget pour 2016 du programme de développement du numérique éducatif engagé par le Président de la République ?

L’aménagement des rythmes scolaires nous a mobilisés au cours des dernières années. Comment le dispositif se développe-t-il ? Quels sont les points de blocage ? Combien de projets éducatifs territoriaux (PEDT) ont été signés ?

Existe-t-il aujourd’hui des réflexions sur le développement de nouvelles techniques d’enseignement permettant de répondre aux besoins des enfants qui s’adaptent mal aux techniques actuelles ?

Enfin, s’agissant de la titularisation des auxiliaires de vie scolaire (AVS), la gestion de ces personnels et son évolution ont-elles fait l’objet d’études particulières ?

-->Mme Barbara Pompili, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cette année encore, le budget de l’enseignement scolaire est en hausse, ce qui, dans le contexte actuel, mérite d’être salué, même si je déplore un certain tassement au regard des autres années dans des secteurs pourtant toujours aussi décisifs pour l’avenir.

Investir pour notre jeunesse, c’est se donner les moyens de construire les contours d’une société plus égalitaire, où chacun dispose des mêmes droits et des mêmes chances de réussite. Or, comme le montrent toutes les études, c’est en France que les performances scolaires sont le plus liées aux origines sociales. Notre système éducatif aggrave les inégalités ; il ne sait pas ou sait mal prendre en compte et vaincre les difficultés particulières d’apprentissage d’une partie des élèves. Nous sommes donc encore loin de la mission d’inclusion que nous avons confiée à l’école de la République.

Nous attendons du budget de l’enseignement scolaire qu’il incarne clairement cette priorité qu’est l’école inclusive, qui consiste, non pas à demander aux enfants de se fondre dans une « normalité » fantasmée, mais à être en mesure de proposer à chacun les réponses appropriées. C’est à l’école de s’adapter aux besoins de chaque élève en difficulté, que ces difficultés soient temporaires ou non et de quelque nature qu’elles soient : situation de handicap, précocité, « dys », difficultés familiales ou sociales, enfants allophones nouvellement arrivés en France ou issus de familles itinérantes et du voyage…

Aujourd’hui, des efforts réels sont faits mais ils demeurent insuffisants.

Tout d’abord, qu’il s’agisse des instituts médico-éducatifs (IME), des unités d’enseignement externalisées ou des unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS), le manque de place est criant. Je soutiens le mouvement engagé d’internalisation des unités d’enseignement (UE) en milieu ordinaire, de même que la transformation de la classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) en ULIS. C’est l’affirmation de sa vocation à intervenir en appui et non en substitution de la classe ordinaire, et cela va dans le bon sens. Mais le retard demeure considérable, laissant de côté de trop nombreux élèves. Comment, madame la ministre, entendez-vous mieux répondre à ce besoin de places supplémentaires ?

Il ressort des nombreuses auditions que j’ai menées que l’accompagnement constitue un enjeu majeur. Je pense particulièrement aux auxiliaires de vie scolaire, dont l’augmentation des effectifs est une très bonne chose, mais dont quelque 10 % seulement bénéficient de contrats à durée indéterminée (CDI). Ce nombre doit être augmenté tant pour les AVS que pour les contrats aidés. Comment entendez-vous consolider et même amplifier l’effort budgétaire afin d’affirmer la pérennité d’au moins 75 000 de ces postes ?

De même, après la saignée opérée par la précédente majorité supprimant le tiers de leurs effectifs, les Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) se rétablissent depuis 2012, mais bien trop lentement au regard de leur rôle essentiel. Quelle est la hausse des effectifs prévue pour la rentrée 2016 ?

Dans le même registre, la pénurie de médecins scolaires est un point de blocage, singulièrement pour les plans d’accompagnement personnalisé (PAP) destinés aux élèves connaissant des troubles de l’apprentissage. Comment envisagez-vous d’y remédier ?

Permettez-moi également d’insister sur le besoin de formation de ces différents acteurs. Certes, toutes les ESPE ne sont pas encore en place, et je réitère tout notre soutien à la décision prise par le Gouvernement de rétablir la formation des enseignants. Mais des marges d’amélioration importantes existent : les ESPE doivent s’ouvrir davantage à l’ensemble des acteurs œuvrant dans le champ de l’éducation de façon à établir de nouvelles coopérations. En outre, alors que la démarche d’inclusion doit être au cœur du métier d’enseignant, elle est toujours aujourd’hui le parent pauvre de la formation, initiale comme continue. Le budget pour 2016 prévoit, il est vrai, une augmentation des crédits dévolus à la formation des personnels enseignants, mais elle est inférieure à celle des années précédentes, alors que les besoins sont urgents. Comment envisagez-vous de mieux répondre en termes budgétaires à cet impératif ?

Enfin, vous connaissez mon soutien à la réforme des rythmes scolaires, accompagnée de projets éducatifs de territoire (PEDT) de qualité. Je me félicite d’avoir été entendue lorsque j’ai plaidé pour la pérennisation du fonds d’amorçage. Aujourd’hui, je suis inquiète : le budget consacré aux « actions éducatives complémentaires aux enseignements », qui inclut ce fonds, diminue, alors même que la Cour des comptes vient de souligner que « la compensation accordée par l’État n’a pas couvert totalement le surcoût supporté par les communes et les EPCI ». Or la capacité des collectivités à proposer des activités gratuites et de qualité pour toutes et tous est en enjeu d’équité territoriale. Ce qui m’amène aussi à vous interroger sur les actions envisagées pour rendre ces activités vraiment accessibles aux élèves en situation de handicap.

-->Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux. Permettez-moi de me réjouir, cette année encore, de vous présenter un budget en augmentation de 694 millions d’euros par rapport à 2015. C’est le choix du Gouvernement et du Président de la République de considérer que, si une politique doit être prioritaire, c’est bien celle de l’éducation, parce qu’il s’agit d’un investissement d’avenir fondamental. À hauteur de 65,72 milliards d’euros, ce budget reflète la priorité donnée à la jeunesse et à l’éducation.

Pour entrer dans le vif du sujet et répondre aux questions d’Alain Fauré, ces efforts nous ont d’ores et déjà permis de concrétiser la priorité donnée à l’école primaire, en particulier par le financement du dispositif « Plus de maîtres que de classes » et la scolarisation des enfants de moins de trois ans. « Plus de maîtres que de classes » est un dispositif qui vise à prévenir le plus tôt possible la difficulté scolaire en permettant, au sein des classes, de nouvelles organisations pédagogiques grâce à l’affectation d’un maître supplémentaire. Il a bénéficié, pour la rentrée de 2015, de 500 emplois supplémentaires, ce qui porte à 2 500 les emplois créés depuis le début du quinquennat pour ce dispositif.

En ce qui concerne la préscolarisation des enfants de moins de trois ans, à la rentrée 2014, son taux était de 11,8 % pour la France métropolitaine et les départements d’outre-mer, avec 96 185 élèves. Les enfants de deux ans sont deux fois plus scolarisés en éducation prioritaire, ce qui explique que le taux de scolarisation dans cette catégorie est passé de 17,8 % en 2012 à 20,7 % en 2013, pour atteindre 21 % en 2014, soit un progrès de trois points là où les besoins sont les plus criants.

Ce budget augmenté permet également la mise en place de la réforme du collège en nous appuyant sur des personnels plus nombreux et mieux formés ; 4 000 postes lui sont ainsi consacrés. L’année scolaire 2015-2016 sera marquée par un effort important – je devrais dire inédit – de formation continue et d’accompagnement des équipes pédagogiques à la nouvelle organisation du collège qui entrera en vigueur à la rentrée 2016. Cette réforme du collège, nous la menons avec les enseignants. La mise en œuvre des enseignements pratiques interdisciplinaires, celle de l’accompagnement personnalisé, l’utilisation de la dotation « d’heures professeurs » pour le travail en petits groupes ne se feront pas sans l’avis du conseil pédagogique dans chaque établissement. Je veillerai à ce que l’organisation des enseignements dans chaque collège repose sur les personnels et les compétences en place, et sur des projets de qualité.

Cette réforme s’accompagne de la refonte des programmes de la scolarité obligatoire : c’est l’un des piliers essentiels de la refondation de l’école de la République. Tant de choses ont été dites de cette refonte qu’il faut rappeler que les programmes actuels de l’école primaire et du collège souffrent d’un manque de progressivité et de cohérence, et sont considérés par de nombreux enseignants, pour ne pas dire tous, comme trop lourds et trop longs. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité les repenser dans leur intégralité et, c’est une première, pour toute la scolarité obligatoire.

Pour la première fois, les programmes de la scolarité obligatoire sont conçus par cycles de trois ans et ne sont plus la simple juxtaposition de programmes disciplinaires, mais articulés autour du socle commun, c’est-à-dire ce que chaque élève doit avoir acquis au terme de sa scolarité. Pour la première fois depuis trente ans, les programmes sont tournés vers ce que doivent apprendre les élèves plutôt que vers ce que doivent enseigner les professeurs. Pour la première fois, ces programmes laissent du temps – du temps, c’est ce que l’on nous a réclamé – pour des entraînements quotidiens et des exercices fréquents, par exemple, de calcul mental, d’écriture, de dictée. Basés sur la pédagogie de la répétition, de l’entraînement, ces nouveaux programmes permettront de rendre les apprentissages solides. Ils donnent la priorité à la maîtrise du langage écrit, à la lecture, à la compréhension orale.

L’entrée en vigueur des nouveaux programmes d’enseignement à la rentrée 2016 pour tous les élèves des cycles 3 et 4 implique le renouvellement des manuels scolaires, qui sera échelonné sur deux années en fonction des disciplines. À la rentrée 2016, tous les élèves recevront de nouveaux manuels de français, mathématiques et histoire-géographie. Les élèves de cinquième auront un nouveau manuel de LV2, la réforme du collège avançant cet enseignement à cette classe, et les élèves de sixième auront un nouveau manuel de sciences. Les autres manuels seront fournis à la rentrée 2017. Nous échelonnons la parution de ces nouveaux manuels en accord avec les éditeurs. Ce renouvellement des manuels scolaires bénéficie d’un effort total de l’État s’élevant à 150 millions d’euros.

La réforme du collège et des programmes s’accompagne d’une modernisation de notre école, avec le lancement du grand plan numérique. Il s’agit d’élever le niveau de compétences numériques des élèves et d’accompagner la généralisation des pratiques du numérique dans les classes et les établissements scolaires. Le déploiement du plan numérique, c’est 192 millions d’euros pour cette année ; il sera progressif, l’objectif étant d’atteindre 40 % de collèges équipés à la rentrée 2016, 70 % à la rentrée 2017 et 100 % à la rentrée 2018.

Ce plan est entré dans une phase opérationnelle dès la rentrée 2015, dans plus de 500 collèges et écoles primaires pilotes. Cette phase opérationnelle voit aussi la mise en œuvre d’un plan de formation des enseignants, car le plan numérique n’est rien si les enseignants ne peuvent pas s’approprier les outils. C’est aussi une période pendant laquelle seront développées des séries de ressources numériques qui, discipline par discipline, vont enrichir la pratique pédagogique. Un plan numérique ne consiste pas, en effet, à simplement numériser des manuels, mais bien à inventer de nouveaux exercices et logiciels pour accroître l’efficience et la diversification des apprentissages. Cette année sera aussi celle de la valorisation et du partage de projets pédagogiques innovants. Nous avons lancé un appel à projets baptisé IFRAN, afin que, partout, se développe ce type de laboratoires, d’expérimentations, de projets et de pédagogie innovante autour du numérique, susceptibles d’être étendus à tous les collèges dans les trois années à venir.

Vous m’interrogez, monsieur le rapporteur, sur l’état de nos réflexions en matière de nouvelles pratiques pédagogiques. Le numérique permet aux enseignants de mettre en œuvre dans les classes des pédagogies actives, telle la classe inversée, par exemple. Ces pratiques peuvent rendre les cours plus attractifs pour les élèves et améliorer leurs résultats. Afin d’y voir plus clair et d’apporter des réponses à ces questions, j’ai demandé à Catherine Bizot, inspectrice générale, de mener une mission d’étude sur les pratiques mobilisant des pédagogies actives liées à l’utilisation des ressources numériques. Elle me remettra son rapport dans quelques mois.

L’effort budgétaire sur l’enseignement scolaire met aussi en œuvre l’engagement du Président de la République de créer 60 000 postes. Conformément à la feuille de route du Gouvernement, ils seront répartis à raison de 54 000 dans l’éducation nationale, 5 000 dans l’enseignement supérieur et 1 000 dans l’enseignement agricole sur l’ensemble du quinquennat. En 2016, 10 711 postes seront créés, dont 8 011 nouveaux postes enseignants. Entre 2012 et 2016, 47 078 postes auront ainsi été créés pour l’éducation ; les 12 922 postes restant seront créés en 2017.

Depuis 2012, les postes créés étaient majoritairement des postes de professeurs stagiaires. Entendons-nous bien, qui dit professeurs stagiaires ne dit pas personnels précaires et temporaires. Simplement, le choix du Gouvernement a été de recréer une formation initiale, et l’entrée en carrière de ces enseignants commence par une période où ils sont à mi-temps en ESPE et à mi-temps dans les classes. L’année suivante, ils deviennent enseignants à temps plein. À compter de l’année prochaine, les postes créés seront essentiellement des postes d’enseignants titulaires : en 2016, 6 420 postes d’enseignants titulaires seront créés et alloués aux priorités de la loi pour la refondation de l’école.

Afin d’aider les élèves les plus en difficulté, la loi pour la refondation de l’école a également prévu de renforcer l’action des RASED, dont Mme Pompili rappelait qu’ils s’étaient vu supprimer 5 040 emplois entre 2007 et 2012. Deux orientations ont été arrêtées. L’une consiste à recréer des postes de RASED, l’autre à redéfinir les spécificités de leurs missions et de leur fonctionnement pour les intégrer dans une logique de complémentarité avec l’ensemble des dispositifs d’aide. À la rentrée scolaire 2014, le nombre d’emplois en RASED s’élevait à 10 063 : 4 606 aidants pédagogiques, 1 728 rééducateurs et 3 729 psychologues scolaires.

Un effort important a également été fourni dans le domaine de la formation des enseignants. Pour les préparer à l’entrée de l’école dans l’ère numérique, 24 millions d’euros ont été inscrits au budget de l’éducation nationale. En matière de formation continue aussi des efforts ont été faits, puisque 72 millions d’euros y sont consacrés, soit 75 % de plus qu’en 2012.

Chacun de ces efforts, chacune de ces réformes prend en compte la nécessité de réduire les inégalités de réussite scolaire, ce qui est pour nous une priorité. Cela passe par une équité territoriale que nous avons mise en œuvre par des modalités d’attribution des moyens plus justes, plus soucieuses de la réalité sociale de chaque territoire. Les conclusions de l’enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), parue en décembre 2013, et les résultats sur l’évolution des acquis des élèves à l’entrée en CE2 entre 1999 et 2013, parus au mois de mai 2014, confirment ce que vous disiez du déterminisme social, madame Pompili, et elles confortent notre volonté de lutter contre les inégalités et de concentrer des moyens nouveaux pour les publics qui en ont le plus besoin. C’est pourquoi la rentrée 2015 se caractérise par la mise en place de l’allocation progressive des moyens. Il s’agit, au moment où se décide l’affectation des postes d’enseignants au ministère, de ne pas se borner à prendre en compte la dynamique démographique, mais à intégrer comme critères d’ajustement la concentration de difficultés sociales et territoriales.

Cette rentrée scolaire a aussi été celle de la mise en œuvre de la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, dont la réalisation n’a pas été simple mais qui était pourtant indispensable. Elle a ainsi permis aux 200 collèges qui ne bénéficiaient pas de ce classement et qui, pourtant, allaient très mal, d’être désormais intégrés et d’obtenir davantage de moyens. Outre le redécoupage territorial auquel elle a donné lieu, cette nouvelle carte de l’éducation prioritaire se traduit par un effort de 352 millions d’euros et la création de 2 150 postes d’assistants d’éducation prioritaire.

Ainsi que vous l’avez évoqué, monsieur Fauré, l’éducation ne pouvait pas rester insensible aux tragiques événements du mois de janvier. La meilleure des réactions que nous pouvions avoir, après la sidération et l’émotion, était de se poser ensemble, toute la communauté éducative réunie. Sans attendre, le ministère de l’éducation nationale a souhaité apporter des premières réponses. Il est apparu que la transmission du sens et de la portée du principe de laïcité était une priorité pour les enseignants consultés. Aussi, dès le mois de février dernier, le plan de formation des personnels a été engagé, dans le cadre duquel 1 000 premiers formateurs ont été formés à cette question de la laïcité. Ceux-ci ont été déployés de manière à toucher 300 000 enseignants d’ici à la fin de l’année 2015. Cette formation est particulièrement utile aux enseignants pour mettre en œuvre dans de bonnes conditions les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique. Intégrés au cursus depuis la rentrée scolaire 2015, ces programmes se déroulent depuis l’école élémentaire jusqu’au lycée, à l’issue duquel chaque élève aura reçu 300 heures consacrées à des débats et sujets de société parfois délicats. Vous avez tous évoqué la formation des enseignants à ces thèmes de laïcité et d’enseignement moral et civique ou de valeurs de la République. Nous avons voulu faire en sorte que la capacité des candidats à expliquer et à faire partager les valeurs de la République soit désormais évaluée systématiquement dans les concours de recrutement.

La communauté éducative ne se résume pas aux enseignants ; il y a également les parents d’élèves. C’est pourquoi, à la rentrée, ils ont été invités à signer la Charte de la laïcité à l’école afin d’être les alliés des enseignants pour expliquer cette notion aux élèves. Enfin, pour répondre aux questions que se posent certains chefs d’établissement au sujet de la problématique de la laïcité, un livret est en cours de diffusion dans l’ensemble des établissements scolaires. Il est pratique, fondé sur des données objectives et répond aux questions de façon pragmatique.

L’enseignement moral et civique n’est pas l’unique nouveauté de cette année sur cette question des valeurs de la République et de l’engagement. Dans le cadre d’un parcours citoyen que nous avons souhaité mettre en place dans le but d’amener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, une éducation aux médias et à l’information est en cours d’élaboration avec les professeurs documentalistes. Elle doit favoriser la conscience citoyenne et la culture de l’engagement.

Les événements de janvier et la très forte mobilisation à laquelle ils ont donné lieu ont également fait ressortir la disponibilité d’un grand nombre de citoyens prêts à venir aider les enseignants à transmettre les valeurs de la République dans les classes en s’appuyant sur leur propre parcours, engagement et expérience. Ne voulant pas laisser retomber le soufflé, nous avons créé la réserve citoyenne de l’éducation nationale, qui offre à ces citoyens la possibilité de s’engager bénévolement pour transmettre et faire vivre les valeurs de la République auprès des élèves, au côté des enseignants. Nous avons été très heureux du succès remporté par cette réserve citoyenne, à laquelle 4 660 personnes se sont inscrites. Ces volontaires sont mobilisables dans les écoles dès la rentrée scolaire.

Enfin, un mot sur les rythmes scolaires. En même temps que la dernière année scolaire, s’est achevée la première année de généralisation des nouveaux rythmes scolaires. Cette généralisation a entraîné d’importantes évolutions pour les équipes enseignantes, les enfants et leurs parents, et les collectivités territoriales. Il ressort d’un premier bilan que les organisations du temps scolaire se caractérisent par une très grande stabilité : peu de communes ont choisi de modifier la répartition des jours de cours entre le mercredi et le samedi. La réforme semble installée dans la durée. Désormais, tous les parents peuvent prendre connaissance de l’organisation applicable à l’école de leurs enfants sur le site du ministère de l’éducation nationale. J’ai donné des instructions pour que ces informations soient aisément disponibles. Surtout, j’ai demandé que soit renforcé l’accompagnement pédagogique des équipes enseignantes et qu’une attention particulière soit portée, en maternelle, au risque de fatigue des enfants, puisque c’est la préoccupation majeure qui continue d’être exprimée. Les équipes sur le terrain sont désormais invitées à adopter une organisation des rythmes plus pragmatique et mieux adaptée au jeune âge des enfants concernés.

S’agissant des activités périscolaires, elles relèvent de la compétence des communes, mais l’État est également présent à travers le fonds de soutien au développement des activités périscolaires, qui a été pérennisé et que les aides de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) peuvent venir renforcer. Certes, les mairies sont invitées, en contrepartie, à s’engager dans le projet éducatif de territoire (PEDT). Mais plutôt qu’une contrainte, elles devraient y voir l’opportunité de mettre en place des activités périscolaires de qualité et une organisation efficace grâce à la mutualisation des moyens des diverses parties prenantes. Les élus locaux ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : près de 15 400 communes sont déjà inscrites dans un PEDT, soit 80 % des communes concernées – je souhaite que l’intégralité de ces dernières soient couvertes d’ici à la fin de l’année.

J’en viens aux questions de Mme Barbara Pompili, que je remercie pour la qualité de son rapport ainsi que pour avoir choisi de travailler sur l’école inclusive. Nous gagnerions à parler beaucoup plus souvent de ce sujet. Pour ma part, je ne renoncerai jamais à cette idée de l’éducabilité de chaque enfant quel que soit son handicap, son origine, sa différence. On le sait, chacun peut apprendre, grandir, se dépasser, et l’école inclusive en est le concept désormais traduit en actes. Concrètement, plus de 260 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés dans nos établissements scolaires avec le souci de la réussite de chacun.

Cette réussite passe par la formation des enseignants et la professionnalisation des accompagnants, mais aussi par le numérique et le décloisonnement et la coordination des actions des professionnels de tous les secteurs. Elle passe aussi par la place donnée aux familles. Je veux que chacune de nos actions soit un levier pour des parcours de formation exemplaires pour ces enfants.

Madame la rapporteure, vous soulignez la nécessité d’appropriation par les enseignants des enjeux et des méthodes de l’école inclusive. Cette thématique est bien présente au sein du tronc commun des ESPE : vingt-cinq mentions « pratiques et ingénieries de la formation » ont d’ores et déjà été accréditées, comportant très souvent un parcours Adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés (ASH), accessible en formation initiale comme en formation continue. Au-delà de ces cours théoriques, la circulaire diffusée auprès de l’ensemble des ESPE insiste sur la nécessité de privilégier les expériences concrètes en situation, ce qui comprend les expériences de l’école inclusive. L’approche de l’école inclusive est donc présente de façon diffuse dans l’ensemble des modules des ESPE. C’est d’ailleurs tout le but des stages et de la période effectuée comme fonctionnaire stagiaire que de se confronter aux enjeux de l’école dans sa globalité et de pouvoir l’appréhender au-delà des concepts vus en cours, dans une pédagogie de l’expérience encadrée par le double tutorat terrain et ESPE.

Vous avez eu l’amabilité de rappeler que l’implication du Gouvernement est forte dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap. La professionnalisation des personnels se poursuit. Les assistants d’éducation ayant exercé durant six ans des fonctions d’accompagnement du handicap peuvent désormais bénéficier d’un contrat à durée indéterminée, qui devrait profiter à terme à 28 000 accompagnants. En outre, 350 postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) viennent s’ajouter aux 350 postes de l’année dernière, et 10 000 contrats aidés sur des missions d’auxiliaire de vie scolaire sont créés pour l’année 2015-2016. En matière d’accueil, trente nouvelles unités d’enseignement autisme en maternelle sont également créées en cette rentrée, et je peux vous annoncer qu’il y en aura cent, soit une par département, dès la rentrée prochaine.

La pérennisation des contrats aidés assurant l’accompagnement des élèves en situation de handicap est une bonne orientation, et nous sommes mobilisés sur le sujet. Les personnes en contrat aidé bénéficient de la formation d’adaptation à l’emploi de soixante heures. Elles acquièrent ainsi une expérience professionnelle favorisant leur insertion sur le marché du travail. Nous sommes attentifs à toute évolution permettant de déprécariser ces personnes et de répondre aux attentes légitimes des parents et des enfants. Le ministère favorise d’ores et déjà leur recrutement en AESH dès que cela est possible, autrement dit, dès qu’un poste se libère.

Je l’ai déjà dit, les activités périscolaires doivent être rendues accessibles à tous les enfants. Ce point a été rappelé dans la circulaire du 19 décembre 2014 sur les rythmes scolaires, qui avait été concertée avec l’ensemble des associations d’élus locaux. Il est vrai qu’en pratique cet objectif d’égal accès de tous se heurte encore à des contraintes de nature organisationnelle, matérielle ou liées à l’encadrement. C’est pourquoi, à la suite de la conférence nationale du handicap du 11 décembre dernier, pour faciliter l’accessibilité des accueils périscolaires aux enfants en situation de handicap, nous avons convaincu la CNAF de créer une aide spécifique pour les accueils déclarés. Après concertation avec l’association des maires de France (AMF), la CNAF a précisé, dans une circulaire du 25 février dernier, les modalités de sollicitation du Fonds d’accompagnement publics et territoires pour la mise en accessibilité des activités périscolaires ; près de 400 millions y sont dédiés pour la période 2013-2017. De mon côté, j’ai adressé une instruction aux recteurs afin de faciliter l’emploi complémentaire par les collectivités de nos AESH lorsque ceux-ci peuvent, en complément de leur activité principale au sein de l’école, apporter une réponse aux besoins de la mise en accessibilité, autrement dit pour que la même personne puisse accompagner l’enfant durant le temps scolaire et périscolaire.

Les moyens humains consacrés aux classes pour l’inclusion scolaire, devenues unités localisées pour l’inclusion scolaire, dans les écoles représentent environ 7 100 emplois en équivalent temps plein (ETP). Ils sont en augmentation constante au niveau national, si bien qu’il n’y a plus de tension, à ce même niveau national, pour l’accès en ULIS dans les écoles. L’éducation nationale accompagne aussi largement la demande des familles pour une scolarisation individuelle en classe ordinaire. Plus les enfants sont jeunes, plus les familles souhaitent qu’ils soient scolarisés à proximité du domicile familial. Ainsi, dans le premier degré, les élèves en situation de handicap sont plus souvent scolarisés individuellement au sein de classes ordinaires. Si cela est nécessaire, ils peuvent être accompagnés par un auxiliaire de vie scolaire (AVS).

La question de l’implantation des dispositifs collectifs d’accompagnement se pose davantage dans le second degré. Nous les développons. Les élèves en situation de handicap effectuent désormais des parcours scolaires de plus en plus longs, qui peuvent conduire certains d’entre eux jusqu’au baccalauréat et aux études supérieures. Tous les dispositifs doivent donc être pensés pour faciliter leur parcours de formation jusqu’à l’insertion professionnelle et sociale. Il ne faut pas qu’ils s’arrêtent en cours de route. Vous pouvez compter sur mon ministère pour se mobiliser en ce sens et pour créer des dispositifs là où les besoins s’expriment.

Les enfants dits « sans solution adaptée », qui ne peuvent fréquenter l’école ordinaire, sont essentiellement en attente de places dans des établissements du secteur médico-social. C’est pourquoi ma collègue Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, a engagé la création de places en services médico-sociaux au rythme d’environ 4 000 par an. La qualité de la coopération entre l’école et le secteur médico-social est au cœur des actions de nos deux ministères ; en témoignent l’externalisation des unités d’enseignement, actuellement localisées au sein des établissements médico-sociaux, la création des unités d’enseignement maternelle (UEM) pour jeunes enfants autistes ou les formations conjointes des professionnels des deux secteurs. Je suis mobilisée, avec Marisol Touraine et Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, afin que chaque jeune en situation de handicap puisse bénéficier des accompagnements sanitaires et médico-sociaux dont il a besoin ainsi que d’un enseignement qui lui permette de progresser.

-->Mme Colette Langlade. Le travail effectué par Mme Barbara Pompili sur l’inclusion scolaire à l’école primaire montre ce que des investissements clairs et déterminés en matière d’éducation peuvent apporter à la société.

Le budget de l’enseignement scolaire pour 2016 est ambitieux et complet, avec une augmentation de 517 millions d’euros des crédits, la création de plus de 40 000 emplois et la revalorisation du salaire des enseignants. Nous avons affaire à un budget de conviction construit autour de deux priorités : la transmission à l’école des valeurs de la République, à laquelle sont dédiés 33 millions d’euros, et l’école inclusive ainsi que le soutien aux élèves en difficulté.

Investir dans l’école, ce n’est pas seulement améliorer les résultats scolaires, c’est aussi donner à chacun une chance de trouver sa voie dans sa vie. Sur le plan professionnel, des formations adaptées doivent pouvoir être offertes, et le bac professionnel, qui fête ses trente ans cette année, joue un rôle capital en la matière. D’ailleurs, madame la ministre, j’ai été très sensible au fait que vous ayez prononcé cette année votre discours de rentrée dans un lycée professionnel. Sur le plan personnel, l’école doit rendre possible l’acquisition de compétences épanouissantes. Sur le plan citoyen, elle doit assurer la transmission de valeurs communes.

Le budget pour 2016 est une chance pour la réussite éducative sur l’ensemble des territoires. Tous, personnels enseignants, élèves et familles, ont leur rôle à y jouer. L’importance des moyens engagés témoigne de la volonté d’en finir avec l’école à deux vitesses, qui constitue la plus cruelle des injustices. À cet égard, madame la ministre, quel est votre sentiment quant à l’efficacité en matière d’acquisition des compétences de base, des nouveaux programmes scolaires de premier cycle élaborés par le Conseil supérieur des programmes pour la rentrée 2016 ?

-->M. Frédéric Reiss. En France, les dépenses d’éducation sont supérieures à la moyenne de celles des pays de l’OCDE, avec des réussites moindres. Les réformes et les dépenses engagées par le Gouvernement corrigeront-elles cette anomalie ?

Madame la ministre, je ne partage pas du tout votre enthousiasme pour la réforme des rythmes scolaires. Vous reconnaissez au moins qu’elle pose un véritable problème pour les enfants de maternelle. Croyez bien que ce n’est pas le seul !

Avec le recul, les premiers chiffres tombent : on est loin de l’impact neutre annoncé, que ce soit pour l’État, les collectivités ou les familles. La Cour des comptes a d’ailleurs du mal avec le coût réel de cette réforme, tant ses impacts sont multiples en frais de personnel, de transport, de matériels, de cantine ou d’énergie. Malgré la pérennisation du fonds d’amorçage, la Cour estime qu’environ 500 millions d’euros restent à la charge des municipalités, qui souffrent déjà d’une baisse drastique des dotations de l’État.

Il n’y a pas plus inégalitaire que la réforme des rythmes scolaires. Les neuf demi-journées ne sont pas en cause mais bien leur déclinaison sur le terrain. Le décret Hamon permet à de nombreux enseignants d’être en weekend le vendredi à midi ; tant mieux pour eux, mais ce n’était sans doute pas le but recherché. Les municipalités riches ont su mettre en place des PEDT de qualité, alors que les communes pauvres sont contraintes de demander une participation aux familles pour payer des animateurs sportifs à organiser des jeux collectifs. Selon le bilan d’étape de juin dernier, les temps d’activités périscolaires (TAP) sont gratuits dans seulement la moitié des communes de France. Où est l’égalité républicaine ? L’école de Jules Ferry était gratuite ; celle de la gauche socialiste est aujourd’hui partiellement payante.

Cette réforme a bouleversé la vie des familles, suscité des frais de garde supplémentaires et grevé les budgets communaux. Indépendamment de l’impact avéré sur les rythmes biologiques des enfants, quels en sont les bénéfices pour les apprentissages fondamentaux ? La dictée quotidienne sera-t-elle l’avancée majeure espérée ?

Madame la ministre, vous qui prônez une école exigeante et plus juste, quand abrogerez-vous cette réforme des rythmes scolaire coûteuse et synonyme de discrimination et d’inégalités sur le territoire ?

-->M. Rudy Salles. Je pourrais m’exprimer, au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, exactement comme vient de le faire M. Frédéric Reiss. Nous nous réjouissons néanmoins de constater que le budget de l’enseignement scolaire reste le premier budget pour 2016. Malheureusement, on ne peut se contenter d’une approche purement quantitative.

À travers l’école, ce sont notre héritage, nos valeurs et notre avenir que nous transmettons et que nous construisons. Or force est de constater que notre système scolaire est à bout de souffle : 150 000 jeunes le quittent chaque année sans diplôme, 20 % des élèves qui entrent aujourd’hui en sixième ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux et 2,5 millions de Français sont concernés par l’illettrisme, soit 7 % de la population. À chaque évaluation, le système français est à la traîne. Notre école coûte donc de plus en plus cher pour de moindres résultats. Il est ainsi regrettable que le Gouvernement reste sourd à l’appel de la Cour des comptes pour une réforme en profondeur du lycée réduisant la dispersion de l’offre de formation, notamment en matière d’options, et simplifiant le format du baccalauréat

La hausse globale du budget de l’enseignement scolaire masque certains points sur lesquels je souhaite avoir des précisions. Je pense en particulier à la baisse de plus de 350 000 euros des crédits destinés à l’information et à l’orientation. L’objectif de 80 % d’une classe d’âge titulaire du baccalauréat ne peut être une fin en soi si le système éducatif n’est pas capable d’accompagner les jeunes à l’issue de leur cursus ou de les réorienter.

Concernant l’apprentissage des langues, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants ne comprend pas la décision de mettre fin aux classes bilangues qui permettaient aux élèves d’apprendre de manière soutenue une langue étrangère. Ces classes avaient l’avantage d’imprégner les élèves de la culture d’un autre pays, avec des partenariats privilégiés facilitant les études à l’étranger. Elles permettaient aussi de maintenir un certain niveau dans nombre de collèges REP (réseaux d’éducation prioritaire).

Madame la ministre, votre numéro d’autosatisfaction ne nous a absolument pas convaincus. Notre groupe appelle de ses vœux une réforme qui remette l’impératif pédagogique et l’exigence des acquis fondamentaux au cœur de notre enseignement scolaire. Aujourd’hui, l’absence de réforme ambitieuse le conduira à voter contre ce budget.

-->Mme Isabelle Attard. Cette année encore, le budget de la mission « Enseignement scolaire » augmente de près de 700 millions d’euros supplémentaires. Cette augmentation fait écho aux exigences de la loi pour la refondation de l’école. Elle correspond aux besoins liés à l’installation du nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Ce budget poursuit des objectifs, auxquels nous adhérons, d’une école plus juste, d’un climat scolaire amélioré, d’une meilleure adéquation avec l’insertion professionnelle et de l’accompagnement de chaque élève. Il est satisfaisant de voir que l’enseignement scolaire reste une priorité budgétaire. Toutefois, nous repérons une tendance sérieuse à la stagnation sur plusieurs points.

Comme l’a souligné Mme Barbara Pompili dans son excellent rapport pour avis, les besoins de l’école inclusive sont encore très importants. Nous regrettons que la hausse pour ces actions soit bien moindre que les années précédentes. Ne restons pas au milieu du gué !

Pour une école inclusive de tous les enfants, de tous les parcours, il faut des enseignants bien formés. Or la formation des enseignants bénéficie d’une hausse des allocations réellement inférieure à celle enregistrée ces dernières années. Nous comprenons la stabilisation des budgets de formation initiale, mais nous serons extrêmement vigilants en matière de formation continue, car des enseignants formés tout au long de leur carrière, c’est ce qui garantit le respect de l’école et des élèves. Pour notre école, héritière de Condorcet, il nous appartient de répondre aux préconisations de ce dernier : « L’instruction doit assurer aux hommes, dans tous les âges de la vie, la facilité de conserver leurs connaissances ou d’en acquérir de nouvelles. »

Enfin, le budget alloué aux sections post-baccalauréat est toujours intégré à l’enseignement scolaire. En cohérence avec la volonté gouvernementale, le transfert de ces sections vers la mission « Enseignement supérieur et recherche » devrait avoir lieu au plus vite. « Le bonheur, c’est quand vos actes sont en accord avec vos paroles », disait Gandhi.

-->M. Jean-Noël Carpentier. Au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je veux exprimer ma satisfaction de voir les crédits de la mission « Enseignement scolaire » encore à la hausse par rapport à l’année précédente. L’opposition, qui avait en son temps supprimé à la fois la formation des maîtres et des dizaines de milliers de postes d’enseignants, aura beau critiquer ce budget et s’opposer aux différentes réformes, la réalité est bien là : rarement notre école aura fait l’objet d’autant d’attention.

L’enquête de l’OCDE de 2012 nous avait alertés : notre pays se déclassait par rapport à ses voisins. Tel était le résultat de la politique mené par les vôtres, chers collègues de l’ex-UMP. Notre système éducatif ne réduit pas assez les inégalités scolaires dues à l’origine sociale des élèves, ce qui donne des résultats globaux insuffisants, même si, bien sûr, notre école a à son actif de belles réussites dues notamment à l’investissement des enseignants. Nous avons donc besoin d’une réforme de fond. Moins de trois ans après le vote de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, 2016 est une année importante.

Donner la priorité au primaire doit permettre la réussite de chaque élève et ainsi augmenter le niveau de tous. Dorénavant, cette priorité doit mieux entrer dans le quotidien des salles de classe. J’espère, par exemple, une amplification des dispositifs « Plus de maîtres que de classes », une généralisation de l’accueil des moins de trois ans en zone d’éducation prioritaire ou encore le renforcement des moyens consacrés à l’école inclusive.

Concernant la refonte des programmes, plusieurs couacs ont été entendus qui ne doivent plus se répéter. Une meilleure concertation des enseignants et des parents d’élèves devrait être la règle dans le système éducatif.

Concernant le plan numérique pour l’éducation, si l’ambition est là, le rythme est bien trop lent. Il faut équiper l’ensemble du territoire le plus rapidement possible. Cela passe notamment par une meilleure coordination entre l’État et les collectivités territoriales ainsi que par un encouragement plus fort à l’innovation pédagogique.

Enfin, concernant la formation des enseignants, un important premier pas est franchi avec la création des ESPE. Néanmoins, aux dires des acteurs de terrain et malgré ce que vous annoncez, madame la ministre, la formation continue est nettement insuffisante. À ce sujet, j’aimerais connaître votre sentiment et en savoir plus sur votre plan à long terme.

Pour conclure, je vous confirme que le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera votre budget pour l’année 2016.

-->M. le président Patrick Bloche. Mme Marie-George Buffet m’a prévenu de son indisponibilité en raison de la présence du Président de la République dans sa circonscription. Elle ne pourra pas s’exprimer au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

-->Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Langlade, les parlementaires sont sans doute les mieux placés pour comprendre la nécessité de réformer les programmes scolaires puisque la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qu’ils ont adoptée en 2013, constitue le fil rouge de cette démarche. Au-delà des moyens supplémentaires, des postes créés et du retour de la formation des enseignants, ce texte traite de pédagogie, car c’est bien grâce à la pédagogie que l’on fait réussir les élèves.

La loi de 2013 dit la nécessité de faire tourner tous les apprentissages autour d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, que tous les élèves doivent avoir acquis à la fin de leur scolarité obligatoire. Il s’agit d’une sorte de pacte que la nation passe avec les élèves, par lequel elle s’engage à ne plus en laisser aucun sortir du système scolaire à seize ans sans maîtriser ces fondamentaux. Les programmes constituent simplement une déclinaison progressive et cohérente de ce socle tout au long de la scolarité, de l’école primaire au collège. Désormais plus clairs, ils prennent en compte la notion de cycle et laissent le temps à chaque élève d’apprendre. Ils font aussi la part belle à la maîtrise de la langue française, car nous avons tous constaté que beaucoup trop de jeunes quittaient le collège sans être capable d’argumenter, de débattre, de se présenter, et même parfois de lire, ce qui est terrible.

Puisque nous parlons de l’amélioration de l’apprentissage des fondamentaux, je signale que, dès cette rentrée scolaire, sans attendre 2016, nous avons voulu mettre en place, à l’entrée de la classe de CE2, l’évaluation systématique du niveau des élèves en mathématiques et en français, afin que les enseignants s’adaptent aux difficultés de ces derniers.

Monsieur Frédéric Reiss, je crois avoir déjà dit dans cette enceinte que les dépenses en faveur de l’éducation dans notre pays ne sont pas supérieures à celles que consentent les autres pays de l’OCDE. Avec 6,1 % du PIB consacrés à nos élèves, nous sommes dans la moyenne.

Ces dépenses sont-elles toujours engagées de façon efficiente ? La question peut être posée. Pour ma part, j’ai considéré que si nous voulions faire réussir le plus grand nombre d’élèves possible, il fallait mieux allouer nos moyens, par exemple en priorisant des établissements qui cumulent les difficultés sociales. Un travail sur l’allocation progressive des moyens est toujours en cours. Au moins pourriez-vous reconnaître que le Gouvernement a pris à bras-le-corps un sujet sur lequel la Cour des comptes émettait régulièrement des critiques ces dernières années !

En matière de rythmes scolaires, il n’a jamais été dit nulle part que la mise en place des activités périscolaires se ferait sans aucun coût pour les communes : un partage des charges est évidemment prévu. Avant la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, les communes qui s’engageaient dans ce type de dispositif les finançaient seules ; aujourd’hui, l’État aide cette démarche. Celles des villes qui ne faisaient rien du tout ne dépensaient rien, pourriez-vous me rétorquer. Je vous répondrais que nous ne pouvons pas nous satisfaire que des communes se lavent les mains du fait que les gamins, notamment ceux qui vivent des situations sociales difficiles, passent des mercredis entiers devant la télévision. Peut-être pourrions-nous dire collectivement qu’il est bon d’offrir à tous les enfants des activités de loisir, de culture et de sport qui ouvrent le champ de leur horizon. Dans cette nouvelle donne, les communes sont davantage aidées qu’elles ne l’étaient avant la réforme des rythmes scolaires. De plus, l’État n’intervient pas seul : en 2015, la CNAF a versé à ce titre 574 millions d’euros.

Les activités périscolaires peuvent être plus ou moins coûteuses. Elles n’ont, en tout cas, pas besoin d’être « luxueuses » pour être utiles aux enfants. Monsieur Reiss, ce que vous avez dit est faux : la distinction que vous opérez entre communes riches et communes pauvres n’est pas validée empiriquement. Je connais des communes en difficulté financière qui réussissent à organiser des activités périscolaires de très grande qualité sans faire payer les parents. Lorsqu’on y met du sien, on peut obtenir de très bons résultats. La signature d’un projet éducatif territorial constitue sans doute la meilleure façon de proposer des activités périscolaires de qualité, pensées en cohérence avec l’éducation nationale et ses partenaires.

Monsieur Salles, nous nous rejoignons sur la nécessité d’améliorer les savoirs fondamentaux. Peut-être suis-je trop enthousiaste, certains semblent me le reprocher, mais je l’assume, et je trouve formidable que notre pays prenne enfin l’engagement moral auprès de ses enfants de ne plus les laisser sortir du système scolaire à seize ans sans qu’ils maîtrisent les compétences, les connaissances et la culture qui leur permettront de s’insérer professionnellement et de se projeter dans leur vie personnelle. Je trouve formidable que cela soit inscrit dans la loi de refondation de l’école. Il fallait faire s’entendre le Conseil supérieur de l’éducation et le Conseil supérieur des programmes sur ces acquis indispensables : ce n’était pas simple, mais nous avons réussi.

Vous avez évoqué la question du lycée. Les remarques de la Cour des comptes concernent une réforme conduite en 2010 par d’autres que nous. Plutôt que de revenir immédiatement, par idéologie ou sectarisme, sur ce qui avait été fait par la majorité précédente, nous préférons tirer posément le bilan de la réforme des lycées, ce qui sera fait durant cet automne, y compris avec les syndicats. J’ai également demandé aux organisations lycéennes de participer à ce travail, car j’ai pensé qu’il était intéressant d’entendre les jeunes sur des questions pédagogiques. À l’issue de ces travaux, nous verrons comment prendre en considération les remarques de la Cour des comptes.

Madame Attard, j’ai bien entendu vos interrogations. Nous avons beau vouloir donner la priorité à l’éducation nationale, nous ne pouvons pas tout faire en même temps. Depuis 2012, nous avons été obligés de procéder par ordre de priorité. Prenons la rémunération des enseignants, question qui n’a pas encore été évoquée : le budget étant tourné vers la création de 60 000 postes, l’augmentation indispensable qu’il faut veiller à leur offrir viendra dans un deuxième temps. De la même façon, après avoir remis en place la formation initiale, nous nous attelons à présent à la formation continue. Plus de 70 millions d’euros lui seront consacrés en 2016, crédits très utiles pour accompagner les réformes que nous mettons en place mais aussi pour réaliser le plan national de formation continue qui vise à améliorer la professionnalité des enseignants. L’effort important consenti en matière de formation continue pour la période 2015-2016 ne doit pas être une exception liée aux réformes. Nous voulons initier une dynamique appelée à s’amplifier. La formation continue doit être ce qu’elle aurait toujours dû être : un passage quasi-obligé pour tous les enseignants. On apprend tout au long de sa vie, surtout dans ce métier-là.

Monsieur Carpentier, vous appelez de vos vœux des efforts supplémentaires en faveur du dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Vous avez parfaitement raison. Pour la rentrée 2016, nous prévoyons de créer 3 911 emplois dans le premier degré, effort exceptionnel qui permettra de donner de l’ampleur à ce dispositif. Depuis 2012, rappelons que 2 500 emplois ont déjà été créés. Je vous invite à vous reporter au très bon rapport d’étape rédigé par le comité de suivi du dispositif. Il montre que les bénéfices liés à l’arrivée d’un enseignant supplémentaire dans une école ne se limitent pas à la prise en charge des difficultés scolaires au sein d’une classe, ils s’étendent à l’organisation pédagogique de l’établissement dans son entier. Un travail d’équipe peut se mettre en place et se nourrir du regard extérieur ainsi porté.

Enfin, j’aimerais réparer un oubli en répondant à la question de M. Fauré sur les démissions et les non-titularisations d’enseignants. Elles restent très marginales puisqu’elles ne dépassent pas la centaine sur plus de 25 000 enseignants recrutés cette année. Il faut y voir une conséquence du fait que nous avons remis en place une formation initiale pour les enseignants, qui leur permet d’entrer progressivement dans le métier au lieu d’arriver sans rien connaître dans des salles de classe comme c’était le cas auparavant.

-->M. Yves Durand. Je vous félicite, madame la ministre, pour la qualité de la dernière rentrée scolaire – il est vrai qu’il est plus facile d’en organiser une lorsque l’on crée des postes que lorsque l’on en supprime. Vous nous avez assuré que l’objectif en termes de créations de postes serait bel et bien atteint à la fin du quinquennat. Encore faut-il qu’à ces créations correspondent des affectations effectives. Or des difficultés demeurent pour pourvoir les postes, notamment dans certaines académies et dans certaines disciplines – anglais, lettres et surtout mathématiques. Un concours spécifique a été mis en place en Seine-Saint-Denis. Serait-il envisageable que cette expérimentation réussie soit étendue à d’autres académies ? Cela poserait certes des problèmes statutaires mais cela vaudrait la peine, à mon sens, de considérer cette piste.

-->M. Xavier Breton. Je rejoins les analyses de notre collègue Frédéric Reiss sur la réforme des rythmes scolaires, qui crée de l’inégalité, et les regrets qu’exprime Rudy Salles à propos de la suppression des classes bilangues. En revanche, madame la ministre, je ne partage pas du tout votre optimisme quant à l’appréciation des élus locaux sur cette réforme. Je vous invite à venir expliquer votre conception devant une assemblée générale de maires comme celle qui se tiendra prochainement dans le département de l’Ain.

Les études internationales montrent que l’effet « maître » est celui qui fait progresser vers plus d’efficacité et de justice mais votre gouvernement donne l’impression de s’enfermer dans une approche purement quantitative. Les effets d’annonce en matière de chiffres ne permettent pas d’y voir clair. Les documents budgétaires donnent des informations différentes : 12 875 postes créés, selon le « bleu » budgétaire, à la page 23 consacrée à la récapitulation des emplois ; 10 851, selon le dossier de presse du ministère des finances ; 10 711, selon le dossier de presse du ministère de l’éducation ; 10 085, selon le tableau d’évolution du plafond d’emplois du projet de loi de finances pour 2016. En outre, il s’agit de chiffres en trompe-l’œil. Les créations d’emplois concernent massivement des emplois de stagiaires réintégrés dans le budget de l’État. Or, depuis 2012, leur recrutement est savamment calibré pour compenser des départs en retraite.

Je citerai le témoignage d’un ex-fonctionnaire de Bercy publié dans ce qu’il est convenu d’appeler un grand quotidien du soir : « Bien sûr que l’on peut créer des postes budgétaires sans créer de postes de titulaires. Ce sont des jeux d’écriture que tous les budgétaires maîtrisent. Depuis 2012, les enseignants en formation sont à nouveau comptés dans les effectifs de fonctionnaires. C’est même là que se niche la plus grosse part des postes créés par la majorité actuelle ». Qu’avez-vous à nous répondre, madame la ministre, sur ces chiffres en trompe-l’œil ?

-->Mme Julie Sommaruga. La mobilisation de l’État en faveur de l’éducation est une priorité de ce gouvernement. Les chiffres le montrent : le budget de l’éducation est passé de 61 milliards en 2012 à près de 66 milliards en 2016, ce qui en fait à nouveau le premier budget de l’État.

D’autres illustrations chiffrées de cet engagement fort peuvent être soulignées : plus de 10 000 postes supplémentaires répartis entre enseignants, accompagnants d’élèves en situation de handicap, agents de santé, agents socio-administratifs, assistants d’éducation ; 5 800 apprentis recrutés à la rentrée 2016 ; plus de 4 millions d’euros consacrés au décrochage scolaire, 16 millions d’euros aux fonds sociaux, 192 millions au plan numérique, 350 millions aux réseaux d’éducation prioritaire REP et REP+ dédiés aux quartiers en difficulté et 320 millions aux activités périscolaires. Voilà de quoi faire pâlir nos collègues de droite, qui estiment que l’État ne doit pas dépenser d’argent pour l’éducation de nos enfants !

Madame la ministre, vous avez fait de la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République l’une de vos priorités : quelles sont, dans ce budget pour 2016, les actions qui y sont liées ?

Au sujet du plan numérique, quelles sont les modalités du plan de formation exceptionnel ?

Concernant les nouveaux programmes du collègue, pouvez-vous nous donner des précisions sur le financement des manuels ?

-->Mme Annie Genevard. Comme l’an dernier, mesdames et messieurs de la majorité, vous avez commencé vos interventions par l’affirmation, juste, que l’éducation nationale constituait le premier budget de la nation. Ce rappel inlassable de cet engagement considérable ne vaut pas pour autant blanc-seing. Ce qui importe avant tout, c’est l’allocation et la répartition des crédits. Cette question est d’autant plus légitime qu’avec 1,4 million d’équivalents temps plein, le bloc de l’éducation nationale représente la moitié des effectifs de la fonction publique d’État. Rappelons que, par son volume de 65 milliards, ce budget représente presque autant que le produit de l’impôt sur le revenu, qui est de 74 milliards, et plus que la charge de la dette, qui atteint 56 milliards. Mesurer l’efficacité de la dépense publique, fût-elle consacrée à l’éducation, est un devoir.

Madame la ministre, vous avez fait un long et intéressant exposé mais je rejoins l’analyse de notre collègue Rudy Salles : il y a beaucoup de satisfaction dans vos propos. À vous entendre, on a le sentiment que tout va bien. Or on sait que ce n’est pas le cas. Lorsque ce jugement vient de nous, nous sommes accusés d’avoir une vision étroitement politique. Qu’en est-il lorsqu’un grand quotidien écrit : « On multiplie les crédits et les emplois mais les résultats sombrent » ? Ce type de commentaire fait mal. Il fait mal à l’éducation nationale elle-même et à ses enseignants, qui ne peuvent que souffrir d’un retour aussi dévalorisant ; il fait mal aussi aux familles, liées par un pacte de confiance à l’éducation nationale.

J’aimerais savoir, madame la ministre, comment mieux évaluer les politiques publiques en matière éducative.

Quelle sera l’avis du Gouvernement sur l’amendement déposé par votre prédécesseur, Benoît Hamon, qui vise à diminuer la rémunération des professeurs de classes préparatoires pour mieux augmenter celle des professeurs des écoles ?

-->M. Pascal Demarthe. Pour la deuxième année consécutive, l’éducation reste le premier budget de l’État, ce dont je ne peux que me réjouir en tant qu’ancien professeur des écoles. Qui mieux qu’un enseignant peut mesurer à quel point l’égalité des chances se joue dès le plus jeune âge, à quel point l’école laïque, gratuite et obligatoire est un bien précieux pour ceux qui n’ont rien ? Oui, l’école est précieuse pour un enfant : c’est le creuset de la formation de son identité et de son esprit ; c’est un passeport pour une vie adulte épanouie et heureuse ; c’est aussi le lieu de la socialisation et de l’apprentissage de la vie en collectivité.

C’est pourquoi il est si important de permettre à tous les enfants d’avoir accès à l’école, je pense en particulier aux enfants en situation de handicap qui en sont souvent privés. Tous les jours, dans ma circonscription, je constate l’ampleur des besoins et la détresse des familles face au manque de places en milieu adapté comme en milieu ordinaire. J’avais d’ailleurs, il y a quelque temps, organisé une table ronde sur ce sujet avec Mme la ministre Ségolène Neuville, l’association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés, le collectif « Parole d’autiste » et quelques parlementaires, de tous bords, du département de la Somme.

Parce que je suis engagé sur cette question, je salue les efforts importants consentis en 2016 pour l’accueil des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire. À la rentrée 2014, ce sont 270 000 enfants handicapés qui ont pu être accueillis dans les écoles, soit 9 % de plus que l’année précédente. En outre, plus de 120 000 d’entre eux sont désormais accompagnés par un auxiliaire de vie scolaire, contre seulement 26 0000 en 2006-2007. En 2016, l’accompagnement des enfants handicapés va être renforcé : les crédits qui lui sont destinés vont augmenter de 43,8 millions ; 350 postes d’accompagnants d’élève en situation de handicap vont être créés et les crédits destinés à leur formation vont augmenter.

Ce budget pour 2016 est la preuve que nous avons fait plusieurs pas importants sur le chemin de l’inclusion de tous les enfants en milieu scolaire. Quelles seront les prochaines étapes, madame la ministre ? Quelles actions allez-vous engager dans les années à venir ?

-->M. François Rochebloine. Madame la ministre, j’aimerais que vous nous rappeliez combien de postes ont été créés depuis 2012 sur les 60 000 prévus.

Je suis opposé, comme le groupe UDI en général, à la réforme du collège. Le mouvement de mécontentement ne faiblit pas. En témoigne la manifestation organisée à Paris le 10 octobre dernier, qui a fortement mobilisé les enseignants autour d’une intersyndicale réunissant pas moins de quatorze organisations et de slogans demandant purement et simplement l’abrogation de cette réforme.

Je vous concède que votre discours sur les programmes a beaucoup évolué. Le retour aux fondamentaux, comme la dictée, pourrait donner le sentiment que votre réforme n’est pas celle que l’on croit. Ce serait oublier votre volonté de supprimer à tout prix des dispositifs qui fonctionnent bien, comme les classes européennes, les classes bilangues ou encore les options classiques, ce qui constitue un nivellement par le bas que nous ne pouvons que regretter.

Par ailleurs, j’aimerais que vous reveniez sur le bilan de la réforme des rythmes scolaires désormais mise en œuvre dans presque toutes les communes de France. Vous est-il possible de nous préciser le coût global de cette réforme pour l’État et pour les communes, sachant qu’elles doivent assumer les coûts non compensés par l’État ? À combien s’élève cette compensation ? Nous pouvons supposer qu’il existe d’importantes disparités entre les communes en ce qui concerne le niveau des prestations et le montant des budgets annuels. Cela aboutira à une situation contrastée dont il importera de faire le bilan. Enfin, quelles garanties pourront être apportées aux communes sur la durée ?

Lors d’un déplacement en Roumanie au début du mois de septembre, j’ai eu la chance de visiter avec un collègue le lycée français de Bucarest : il compte 1 085 élèves – 45 % de nationalité française, 45 % de nationalité roumaine et 10 % d’autres nationalités – et obtient un taux de 100 % de réussite au bac, avec 80 % de mentions. N’est-ce pas là un exemple à méditer ?

Enfin, madame la ministre, permettez-moi de vous rappeler que le monde ancien combattant vous a sollicitée. Il a été reçu par le Président de la République. Il serait bon que vous le receviez à votre tour.

-->Mme Valérie Corre. Plus de 65 milliards sont alloués au ministère de l’éducation nationale pour 2016, soit 694 millions de plus que l’an passé. En hausse constante depuis 2012, le budget de l’éducation nationale est le premier budget de l’État. C’est un plaisir renouvelé que de le souligner.

Cette primauté est une nécessité, car investir dans notre école pour nos enfants, c’est investir pour demain, préparer l’avenir de notre pays. La loi pour la refondation de l’école de la République a pour ambition de permettre à tous les enfants de réussir : le budget nous en donne les moyens.

Deux priorités ressortent clairement.

Premièrement, le soutien aux élèves en difficulté, au cœur du rapport de notre collègue Barbara Pompili qui a choisi pour thème l’école inclusive, celle qui permet à tous les enfants de trouver leur place dans l’école, quelles que soient les difficultés d’apprentissage auxquelles ils sont confrontés. Le présent budget traduit cette priorité que constitue pour nous une école plus juste et plus accueillante pour l’ensemble des publics en difficulté : enfants en situation de handicap, élèves allophones, décrocheurs ou issus de territoires sinistrés.

Deuxièmement, la transmission des valeurs de la République est un enjeu très fort pour l’avenir de notre pays. Madame la ministre, nous avons eu le plaisir de vous auditionner cette année au sujet de la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, qui prend la forme de onze propositions principales déclinées en de multiples objectifs. Elle se voit confortée pour l’année 2016 par une enveloppe de 33 millions, conformément aux engagements que vous aviez pris devant notre commission. Un premier bilan de cette mobilisation a-t-il été réalisé et à quels objectifs principaux seront affectés ces 33 millions d’euros ?

-->M. François de Mazières. Je voudrais souligner le grand paradoxe que nous vivons depuis trois heures. Dans l’hémicycle, nous étions nombreux à souligner la gravité du déficit, nous désolant que la dette publique atteigne bientôt 100 % du PIB. Dans cette commission élargie, vous arrivez en nous disant combien vous êtes heureuse d’avoir engrangé plusieurs centaines de millions supplémentaires pour le budget de votre ministère. C’est un peu le drame de notre pays. Quand vous êtes responsable d’une collectivité, vous construisez votre budget en fonction de la dépense qui vous paraît la plus importante et vous voyez comment vous pouvez agir ensuite. L’attitude du Gouvernement nous donne l’impression d’une démarche inverse. Je prendrai quelques exemples.

Premièrement, la création des enseignements pratiques interdisciplinaires va induire un surcoût pour l’État en termes de dépenses de personnel puisque ces EPI supposent de faire travailler conjointement deux enseignants de deux disciplines différentes lors d’une même heure de cours. Mécaniquement, cette heure d’enseignement coûtera le double d’une heure de cours habituelle. À raison de trois heures d’EPI par semaine pendant quatre ans de scolarité, le coût sera énorme pour l’État. Pourriez-vous nous donner des évaluations précises, madame la ministre ?

Deuxièmement, la rénovation des programmes en vue d’entrer dans une logique nouvelle de cycle, qui, au passage, a fait l’objet d’un vote défavorable au Conseil supérieur de l’éducation, entraînera un renouvellement de tous les manuels. Vous en estimez le coût à 150 millions d’euros ; les professionnels, eux, avancent le chiffre de 480 millions. Qui va payer la différence ? L’État ou les collectivités territoriales ?

Troisièmement, les rythmes scolaires, drame de toutes les communes de France. Dans les assemblées d’élus auxquelles je participe en tant que maire, j’entends, y compris de la part de la gauche, qu’il s’agit d’un problème financier majeur. Ne vous réfugiez pas dans le déni, madame la ministre. Comment pouvez-vous prétendre que ce sera mieux pour les collectivités d’un point de vue financier ? Soyez honnête : dites plutôt que vous voulez leur imposer cette réforme. Vous venez de reconnaître qu’il y avait des problèmes dans les maternelles. Êtes-vous prête à assouplir la loi ?

-->Mme Brigitte Bourguignon. Permettez-moi, à mon tour, madame la ministre, de saluer ce budget, conforme à votre volontarisme politique pour notre école de la République. Je m’attacherai à l’école en milieu rural, que je connais bien pour être issue d’une circonscription composée de 165 communes rurales. J’inaugurais encore samedi dernier, à Lumbres, dans le Pas-de-Calais, de nouvelles classes de très grande qualité, équipées en numérique, marque d’une école où il fait bon vivre et offrant les meilleures conditions de scolarité pour les enfants.

Je connais votre attachement particulier à la scolarité en milieu rural et à la question de l’équité territoriale. La baisse de la démographie reste une difficulté majeure. Quand le couperet des fermetures de classe tombe, les conséquences sont durement vécues par les élus qui ont consenti des efforts importants pour maintenir la vie dans leur commune. Certaines collectivités commencent donc à réfléchir à des réorganisations de leur réseau d’écoles, au-delà des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Quelles mesures envisagez-vous pour aider les communes rurales dans les réflexions et les mutualisations qu’elles engagent afin de pallier les manques d’effectifs en milieu rural ?

-->Mme Dominique Nachury. La loi pour la refondation de l’école de la République met l’enseignement primaire au cœur des priorités de l’éducation nationale et confie aux professeurs des écoles un rôle majeur pour suivre et accompagner leurs élèves jusqu’à un niveau de connaissances et de compétences nécessaire pour la suite de leur formation et de leur parcours. Ces enseignants reçoivent une indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) de 400 euros chaque année, bien inférieure à l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) versée aux enseignants du second degré. Compte tenu de leur niveau de formation, de leur rôle dans les apprentissages fondateurs et de la nécessité de rendre ce métier attractif, pourquoi ne pas revaloriser l’ISAE et la faire converger vers l’ISOE ?

Vous avez déclaré lors d’une conférence de presse, madame la ministre, que vous disposiez d’un budget indemnitaire de 500 millions d’euros. Ne peut-il répondre à cette juste évolution de l’ISAE ?

-->Mme Maud Olivier. Comme mes collègues, je me réjouis de voir le budget de l’éducation nationale doté, cette année encore, de moyens en augmentation, tant financiers qu’en postes d’enseignants, d’assistants d’éducation, d’accompagnants des élèves en situation de handicap et de personnels administratifs.

Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la culture scientifique, technique et industrielle à l’école. Nous savons que pour la faire progresser, c’est à tous les niveaux qu’il faut agir, de la formation de l’enseignant au sein des ESPE à l’animation de la classe. Vous avez lancé, le 4 décembre 2014, la stratégie mathématique, qui apparaît exemplaire en la matière puisqu’elle consiste à la fois à mettre les programmes en phase avec leur temps, à mieux former les enseignants et à rénover l’image des mathématiques auprès des élèves. Comment cette stratégie est-elle déployée sur le territoire et selon quel calendrier ?

Plus généralement, les élèves sont exposés aux grandes questions de l’époque – climat, énergie, environnement, développement – dont les divers aspects relèvent d’une démarche globale pluridisciplinaire et de capacités de synthèse que doivent mettre en œuvre les professeurs. La formation continue a été, en d’autres temps, la variable d’ajustement budgétaire de l’éducation nationale. Dans le premier degré, la pédagogie, la didactique et la mise à niveau avaient presque disparu du paysage, comme le notait ma collègue Julie Sommaruga dans son rapport en 2013. Il faudra consacrer des moyens à la formation continue pour permettre l’accès de tous les enseignants à ces compétences.

Enfin, pour ce qui est des actions en direction des élèves, pouvez-vous m’indiquer, madame la ministre, le montant prévu cette année pour les interventions des associations de culture scientifique et technique dans nos établissements ?

-->M. Dino Cinieri. Le rapport de la Cour des comptes paru en mai 2013, intitulé Gérer les enseignants autrement, rappelle qu’en raison de leur nombre – 837 000 en 2012 –, les enseignants sont l’un des tout premiers enjeux des finances publiques : ils représentent à eux seuls près de la moitié des agents publics employés par l’État et leurs rémunérations s’élèvent à environ 50 milliards d’euros en 2011, soit 17 % du budget général de l’État. Au détriment d’autres ministères, vous persistez, madame la ministre, dans la logique d’augmentation des effectifs du corps enseignant alors même qu’on la sait inutile puisque l’accroissement du nombre d’enseignants n’a pas amélioré la performance des élèves, qui se situe au dix-huitième rang sur les trente-quatre pays membres de l’OCDE. Cette augmentation exponentielle s’est faite au détriment des enseignants eux-mêmes puisqu’ils perçoivent un salaire de 15 % à 20 % inférieur à celui de leurs homologues des États membres de l’Union européenne et de l’OCDE.

En 2005, selon le rapport de notre ancien collègue Jean-Yves Chamard, quelque 97 000 enseignants étaient, à titres divers, dégagés de l’obligation d’animer une classe. Ne serait-il pas plus pertinent de redéployer les enseignants en détachement ou les personnels qui ne sont pas auprès des élèves plutôt que d’augmenter les effectifs ? Un redéploiement permettrait, qui plus est, une revalorisation des rémunérations, très attendue par les enseignants.

Par ailleurs, j’ai appris avec surprise, en lisant le rapport L’état de l’école en 2015, que la scolarisation des enfants handicapés était bien plus élevée dans les années 1980 qu’aujourd’hui : de 130 000 enfants elle est passée à 48 000. Dans un rapport du Conseil de l’Europe, le commissaire aux droits de l’homme pointe les défaillances de l’État français en matière de prise en charge des personnes handicapées et estime que 20 000 enfants handicapés sont sans solution de scolarisation.

Enfin, comment expliquez-vous que certaines écoles décident, un mois après la rentrée scolaire, de ne plus accepter d’enfants en situation de handicap en se déclarant incompétentes en la matière ?

-->Mme Marie-Odile Bouillé. L’école demeure garante de l’égalité républicaine entre tous les jeunes. Comme souvent, j’interviendrai au sujet de l’éducation artistique et culturelle. Sur le plan budgétaire, elle a été présentée comme relevant d’une démarche à la fois partenariale, impliquant artistes et intervenants, et interministérielle. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école en fait désormais une composante de la formation de tous les élèves, tout au long de leur scolarité. Ces politiques sont mises en œuvre dans un cadre interministériel liant ministère de l’éducation et ministère de la culture. Quelle est la part prévue pour l’éducation artistique et culturelle à tous les niveaux – primaire et secondaire – dans votre budget pour 2016, madame la ministre ?

-->M. Jean-Claude Mathis. Le budget de l’enseignement scolaire est une priorité pour le Gouvernement, et je me réjouis que la formation de notre jeunesse soit au cœur de ses préoccupations. Toutefois, s’agissant de la gestion des enseignants par le ministère de l’éducation nationale, on ne peut que partager le constat établi par la Cour des comptes : « l’éducation nationale ne souffre pas d’un manque de moyens ou d’un nombre trop faible d’enseignants mais bien d’une utilisation défaillante des moyens financiers et personnels existants ».

Vous tenant à une pure logique comptable, vous répondez essentiellement aux besoins par de nouvelles créations de postes. Les dépenses de l’éducation nationale n’ont cessé de croître alors que le nombre d’élèves a diminué, passant de quarante-trois élèves par classe en moyenne en 1960 à vingt-trois, et que le niveau baisse de manière continue.

Je rejoins mon collègue Dino Cinieri, il serait intéressant que chacun ait connaissance du rapport initié par la commission des finances en 2005, qui souligne que le nombre d’enseignants jamais confrontés aux élèves était en perpétuelle augmentation. Avant d’embaucher de nouveaux enseignants, ne serait-il pas temps de faire le point sur la situation de ces enseignants occupés à tout autre chose que d’enseigner alors qu’ils ont été formés pour cela sur les deniers publics ? Ne pourraient-ils être remplacés dans les tâches qu’ils effectuent par d’autres personnes, peut-être mieux qualifiées qu’eux ?

-->Mme Anne-Christine Lang. Je souhaite revenir sur un sujet essentiel à mes yeux : la détection des troubles précoces des jeunes enfants, notamment avant l’âge de trois ans.

Dans certaines collectivités – à Paris, notamment, où les efforts en matière d’accueil collectif ont été remarquables –, les progrès accomplis dans le domaine de la prévention et de la détection des troubles sont sans précédent. Grâce au travail accompli par les PMI, les directrices de crèche et tous les personnels chargés de la petite enfance, des troubles précoces qui passaient largement inaperçus avant l’entrée à l’école sont désormais détectés très tôt et peuvent ainsi être mieux pris en charge.

Les centres de PMI nous font cependant remarquer que la prise en charge des enfants et la détection de ces troubles sont beaucoup plus difficiles quand les enfants ne fréquentent aucune structure collective, et ce, malgré la vigilance des responsables des consultations de PMI. Hormis par la scolarisation des enfants de moins de trois ans, comment améliorer la détection des troubles précoces chez les enfants de moins de trois ans ? Comment améliorer aussi la collaboration entre les personnels des services de la petite enfance et ceux de l’éducation nationale pour améliorer le suivi des enfants dès le plus jeune âge ?

-->M. Pierre Morel-A-L'Huissier. La proportion d’élèves se déclarant satisfaits de leur qualité de vie à l’école est largement inférieure chez les enfants en situation de handicap (59 %) que chez les enfants valides (80 %). La réduction de cet écart passe nécessairement par un renforcement des dispositifs d’accompagnement des élèves en situation de handicap. Dans les faits, deux problèmes majeurs se posent : d’une part, le nombre insuffisant d’auxiliaires de vie scolaire individuels (AVSI) ou d’AESH empêche une couverture totale des prescriptions ; d’autre part, la situation des AVSI est bien souvent précarisée par la durée de leur contrat aidé, d’environ deux ans.

Ayant été rapporteur de la loi portant création des CDI, je ne vois pas comment ces personnes pourraient obtenir un CDI alors qu’elles n’ont pas acquis les six années d’ancienneté requises. Pourriez-vous m’apporter une réponse précise sur ce point ?

-->M. Michel Vergnier. Le regard porté sur l’école a changé depuis 2012 : l’élève se trouve de nouveau au centre du dispositif. Le qualitatif rejoint le quantitatif, l’un et l’autre étant indispensables. Il faut des taux d’encadrement adaptés et une formation des maîtres qui soit enfin remise sur les rails, c’est l’ancien maître formateur de la République qui vous le dit. Il est mis fin à une situation inédite et insupportable pour l’école et les enfants qui la fréquentent.

Il reste cependant des améliorations à apporter. Madame la ministre, avez-vous engagé une réflexion sur la manière de continuer à améliorer la formation qualitative des maîtres ? Il faut revenir à certains aspects qui ont été abandonnés, en particulier à tout ce qui relève de la psychopédagogie.

Abandonnée, la médecine scolaire l’a aussi été alors que la prévention est importante pour les enfants comme pour les enseignants. Il faudra faire un point sur ce sujet.

À l’instar de l’une de mes collègues, j’aimerais aussi vous parler de l’école en milieu rural. Certaines associations de maires, dont la mienne, ont signé un protocole d’accord avec les recteurs, qu’il s’agit désormais de faire vivre. Je souhaite, madame la ministre, que vous soyez vigilante sur un point : les élus doivent rester au centre du dispositif afin que celui-ci soit une force de proposition et non pas une simple chambre d’enregistrement.

Enfin, je propose, une fois de plus et invariablement, de supprimer la carte scolaire annuelle, source de conflits et de crispations, et de la remplacer par une carte triennale et des contrats d’objectifs. C’est un rêve, mais sait-on jamais…

-->M. Fernand Siré. Madame la ministre, je tiens à vous interpeller sur les attentes des directeurs d’établissement, nombreux à s’inquiéter de voir leur charge de travail croître et se diversifier sans que davantage de moyens leur soient donnés. Les syndicats de directeurs d’école attribuent la dégradation de leurs conditions de travail à la gestion administrative qui réclame un investissement quotidien important, souvent consenti au détriment de la pédagogie, ainsi qu’à l’entrée en vigueur de la réforme des rythmes scolaires et l’arrivée d’intervenants extérieurs à l’école.

La responsabilité du directeur s’exerce à tous les niveaux, de la pédagogie au fonctionnement de l’école, en passant par les relations avec les différents partenaires. Il lui manque, non seulement le temps nécessaire pour mener à bien toutes ces tâches, mais aussi la reconnaissance statutaire qu’il mérite. Les quelques petites avancées en matière de temps de décharge et d’allégement des tâches sont encore loin des modifications substantielles qui seraient nécessaires pour soutenir les professionnels et valoriser la fonction.

Cette rentrée devait être celle de la mise en œuvre des mesures prises fin 2013 en faveur des directrices et des directeurs d’école, notamment les protocoles académiques de simplification des tâches. Or, selon l’Association nationale des directeurs d’école, le compte n’y est toujours pas.

Madame la ministre, la situation est préoccupante. Quels moyens supplémentaires allez-vous accorder aux directeurs d’école ? Comment peut-on remédier aux problèmes structurels et fonctionnels de l’école si l’on ne prend pas en compte les difficultés des directeurs qui œuvrent au quotidien pour le bon fonctionnement de notre école publique ?

-->Mme Sylvie Tolmont. En érigeant l’éducation en premier budget de la nation en 2016 comme en 2015, le Gouvernement réaffirme sa volonté d’offrir toutes les chances et tous les moyens à l’école d’accomplir sa grande mission de lutte contre les inégalités et de réussite éducative pour tous.

N’en déplaise à certains de nos collègues, les actes inscrivent cette volonté dans la réalité. À mon tour, je veux saluer la hausse de 517 millions d’euros du budget, la création de plus de 10 000 postes et la promesse qui tient toujours d’atteindre 60 000 postes d’ici à 2017. Avec ces mesures, nous forgeons, sous l’impulsion de François Hollande et grâce à votre mobilisation, madame la ministre, une école exigeante, juste, égalitaire, qui offre la même chance à tous et qui transmet les valeurs de la République.

Parmi les objectifs de la loi pour la refondation de l’école figure la fluidification des parcours scolaires. À cet égard, l’inefficacité du redoublement a été soulignée dans de nombreuses études et par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance. Partant de ce constat, le décret du 18 novembre 2014 donne au redoublement un caractère exceptionnel ; il ne peut être proposé que pour « pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires. » Si cette orientation semble préserver au mieux la continuité des apprentissages, la question des solutions alternatives à proposer pour accompagner les élèves les plus en difficulté se pose. Plusieurs leviers particulièrement efficaces ont retenu votre attention : classes moins chargées, éducation prioritaire, projets pédagogiques communs, activités pédagogiques complémentaires, projet personnel de réussite éducative, etc.

Comment les hausses du budget et des effectifs d’enseignants pourront-elles être mises au service de la fluidité des parcours ? Comment accompagneront-elles, de manière concrète, la lutte contre le redoublement ?

-->M. Lionel Tardy. Ma question porte sur le programme 214 « Soutien de la politique de l’éducation nationale », concernant les crédits des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE).

Ces crédits stagnent à 10,28 millions d’euros, ce qui m’étonne encore plus que l’année dernière sachant qu’un plan numérique à l’école a été annoncé par le Président de la République au mois de mai dernier. Certes, les départements prennent largement leur part dans les dépenses des collèges mais, si j’ai bien compris, ce plan s’adresse aussi aux écoles élémentaires. Si c’est l’État qui paie, il y a forcément un coût supplémentaire, ne serait-ce que pour les équipements. Or ce coût ne se répercute pas au niveau du budget.

À la lecture de ce budget, je crains que les annonces faites en grande pompe ne soient pas financées. D’ailleurs, comme nombre de mes collègues sans doute, je reçois chaque année des demandes de subventions sur la réserve parlementaire, car les communes n’arrivent pas toujours à financer ces équipements numériques. Comment donc ce plan va-t-il être financé ? Si c’est vraiment à coûts constants, quelles économies vont être réalisées sur les TICE ?

-->Mme Véronique Louwagie. Madame la ministre, je n’avais pas prévu d’intervenir mais je réagis à vos propos sur les activités périscolaires. Vous avez indiqué que certains maires parvenaient à réaliser des activités périscolaires de qualité à moindre coût « en y mettant du sien ». Est-ce à dire que d’autres ne le font pas ?

Je veux le dire, les maires font preuve d’une grande énergie et de beaucoup de dévouement. C’est pour eux une vraie difficulté de subir les décisions prises au niveau national. Même s’ils ne sont pas toujours d’accord avec vos orientations, même si certains d’entre eux n’étaient pas favorables à la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, ils ont été, pour l’essentiel, animés par le souci de bien faire, dans l’intérêt des enfants, et ils ont agi en partenariat avec les enseignants et les équipes pédagogiques. Je veux ici témoigner de l’esprit dans lequel les maires assument leur mandat et leurs fonctions, car vos propos pourraient leur paraître blessants et méprisants, eux qui œuvrent au quotidien avec le souci de l’excellence pour leurs administrés, notamment la jeunesse.

-->Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Louwagie, il n’a jamais été question pour moi d’adresser une quelconque récrimination aux maires. Mon propos consistait précisément à dire que, lorsqu’ils sont de bonne volonté, les maires sont bien mieux aidés qu’ils ne l’étaient avant la réforme des rythmes scolaires concernant la prise en charge du temps périscolaire des enfants.

Bien sûr, tout étant question de volonté politique, pour les maires qui ne se sont jamais intéressés au périscolaire, la réforme des rythmes scolaires ne représente qu’une contrainte. Je le regrette. C’est nous qui sommes aux responsabilités et nous considérons que les activités périscolaires de nos enfants sont très importantes. Un décret, qui a force de loi, est paru ; chacun doit l’appliquer. Vous pourrez constater, comme moi, que les choses semblent plus simples dans certains endroits du territoire français que dans d’autres. Certains maires parviennent plus facilement que d’autres à trouver des solutions. C’est un constat ; le taire serait se cacher derrière son petit doigt.

Plutôt que de critiquer qui que ce soit, mon propos est de rappeler que le ministère de l’éducation nationale se tient à la disposition de tous les maires de France, notamment par le biais du PEDT, pour les aider à construire ce domaine périscolaire. Comme nous voulons que cela marche, le ministère finance une partie de ces activités, ainsi que la CNAF. Il est donc faux de dire qu’elles représentent une charge supplémentaire pour les seules communes.

Monsieur Durand, vous m’avez interrogée sur le recrutement des enseignants. Ce sujet suscite des discours sur la crise des vocations, qui contribuent à miner le moral des enseignants. En 2012, le Gouvernement a annoncé qu’il allait créer des postes dans l’éducation. Le message a été entendu, mais de manière progressive, et le vivier ne s’est pas reconstitué immédiatement dès le début du quinquennat. Au concours 2014, nous avons eu le bonheur de voir que tous les postes ouverts dans le premier degré étaient intégralement pourvus. Pardon de manifester un enthousiasme que d’aucuns considèrent excessif, mais je trouve ce résultat formidable. Même dans l’académie de Créteil, dont le déficit d’attractivité était avéré, tous les postes ont été pourvus grâce au concours exceptionnel que nous avons organisé. Je répète qu’il n’y a pas de miracle : si la rentrée scolaire s’est bien passée, c’est parce qu’il y avait un enseignant dans chaque classe. Ce résultat est dû aux efforts que nous avons consentis.

Pour 2016, j’ai pris la décision de reconduire le concours exceptionnel dans l’académie de Créteil. Puisque nous venons de clôturer les inscriptions aux concours de l’enseignement pour 2016, sachez que nous avons de très bons résultats : l’augmentation du nombre de candidats est de 14 % pour le premier degré et de quasiment 10 % pour le second degré ; nous avons globalement 20 000 candidats de plus que l’an dernier. C’est là le résultat de nos politiques : l’annonce claire que l’éducation nationale recrute et l’assurance donnée aux candidats qu’ils bénéficieront d’une formation initiale leur permettant d’être outillés avant d’entrer dans une salle de classe.

Monsieur Xavier Breton, vous nous reprochez de comptabiliser les professeurs stagiaires dans les créations de postes. Vous devriez vous souvenir du cynisme avec lequel la majorité précédente avait procédé aux 80 000 suppressions de postes : pour que cela ne se voie pas trop, c’est la formation initiale qui avait d’abord été sacrifiée. C’est bien la preuve qu’elle se comptabilise aussi en postes budgétaires. De manière symétrique, la réintroduction d’une formation initiale se comptabilise aussi en postes budgétaires. Pourquoi voudriez-vous que l’on se mette soudain à compter autrement ?

Qui plus est, les professeurs stagiaires n’ont pas vocation à s’évaporer : à de rares exceptions près, ils vont être titularisés et devenir des professeurs à temps plein l’année suivante, comme je l’ai indiqué en réponse à M. Alain Fauré. Par conséquent, il est normal de les comptabiliser comme des recrues de l’éducation nationale.

Ayez également à l’esprit que l’éducation nationale a fait le choix de les payer à temps plein durant leur formation, qu’ils passent pour moitié en ESPE et pour moitié dans une salle de classe, parce qu’elle considère qu’il s’agit d’un investissement pour l’avenir.

Ces trois arguments mis bout à bout, pourquoi voudriez-vous que nous ne comptabilisions pas la formation initiale dans les créations de poste ? Ce serait absurde. Il n’y a pas de querelle à chercher sur ce sujet. Je répète que nous avons d’ores et déjà créé 35 200 postes dans l’éducation et que nous en serons à plus de 40 000 l’année prochaine.

Madame Julie Sommaruga, vous m’avez interrogée sur le chiffrage précis de nos actions de promotion des valeurs de la République. Suite aux attentats de janvier dernier, l’école a été attendue au tournant, parfois avec exagération. Quoi qu’il en soit, toute la communauté éducative a voulu se saisir de cette question de la transmission des valeurs de la République, et nous avons décidé d’y consacrer une enveloppe budgétaire de 33 millions d’euros afin de répondre à certaines nécessités absolues.

Comment cette enveloppe est-elle ventilée ? Une partie des fonds sert à renforcer le soutien à des associations d’éducation populaire qui interviennent à l’école sur les questions de droits, de devoirs, d’engagement, d’apprentissage de la citoyenneté, de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, etc. Une autre partie est consacrée à la prévention du décrochage scolaire, car certains discours s’installent d’autant mieux quand l’élève ne va plus en cours. Nous avons aussi décidé d’augmenter les fonds sociaux, qui se sont réduits comme peau de chagrin au cours des dernières années : la hausse va atteindre 20 % cette année et 20 % encore l’année prochaine, afin d’aider les familles touchées par les difficultés économiques. Au vu du nombre d’enfants en situation de pauvreté, nous réalisons qu’il faut vraiment reprendre ce sujet à bras-le-corps. Enfin, le reste des crédits va servir à augmenter le nombre de places dans le dispositif « Ouvrir l’école aux parents ». Ce dispositif permet aux parents d’élèves allophones de venir dans l’établissement scolaire de leurs enfants pour prendre, eux aussi, des cours – de français, sur la République ou le fonctionnement de l’école – afin de mieux suivre la scolarité de leurs enfants.

S’agissant du plan numérique au collège, les enseignants bénéficieront de trois jours de formation, programmés au cours de l’année scolaire 2015-2016, pour se préparer à ce défi de l’année prochaine. Il y sera question de l’apprentissage du numérique et de l’apprentissage des disciplines par le numérique, mais aussi des réseaux sociaux et de l’identité numérique, puisque les nouveaux programmes nous laissent enfin la possibilité d’aborder ces différentes dimensions avec les élèves. Vous l’avez peut-être noté, les programmes indiquent que l’élève de l’école primaire apprend à taper sur un clavier, et que le collégien travaille sur des questions telles que l’identité numérique, les réseaux sociaux ou la protection personnelle des données. Surtout, une grande place sera faite à l’utilisation du numérique dans des disciplines telles que les mathématiques et la technologie.

Comment organisons-nous le déploiement des nouveaux manuels scolaires, compte tenu des changements de programmes ? Contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là dans la presse, nous travaillons en collaboration étroite avec les éditeurs. Nous anticipons et nous savons qu’il nous faut une enveloppe de 300 millions d’euros : la moitié sera consacrée, pour la rentrée 2016, à l’achat des manuels de français, mathématiques, histoire-géographie, langue vivante 2 et sciences ; le reste financera, pour la rentrée suivante, les manuels des cinq matières qui nous semblent moins prioritaires.

Madame Annie Genevard, l’une de vos questions concerne l’augmentation de la rémunération des enseignants. À plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion de dire qu’elle est indispensable, notamment pour les enseignants du premier degré. Nous y sommes plus que favorables, et nous avons d’ailleurs créé, en 2013, l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves, une prime de 400 euros que vous estimiez insuffisante. Bien sûr, mais c’est un début, et nous discutons avec les organisations syndicales de la manière de l’augmenter progressivement. À ma connaissance, cette démarche n’avait pas été faite auparavant. L’important déjà, c’est de se mettre d’accord sur le fait qu’il est indispensable d’assurer cette augmentation.

Des débats, plus ou moins publics, se sont développés au cours des derniers mois sur ce qu’il faut faire en plus de cette prime. Pour ma part, j’estime que cette hausse de la rémunération des enseignants ne peut se faire à budget constant, contrairement à ce que prétend l’un des responsables de l’opposition. C’est tromper les gens que de leur raconter cela. Bien sûr, il faudra continuer à revaloriser les rémunérations au cours des années à venir, mais en prévoyant les moyens nécessaires.

S’il faut absolument assumer cet engagement, il faut le faire, si possible, en évitant d’opposer un corps à un autre. Cette augmentation de rémunérations unanimement considérées comme trop faibles ne doit pas se faire au détriment d’autres professionnels de l’éducation nationale. Elle ne doit pas se faire non plus au détriment des élèves eux-mêmes. Certains d’entre vous semblent vouloir dire qu’ils reviendraient sur les créations de postes s’ils se trouvaient en position de le faire, considérant qu’il y a trop d’enseignants dans l’éducation nationale. Or si vous réduisiez le nombre d’enseignants pour pouvoir augmenter les rémunérations de ceux qui restent, comme l’avait préconisé Nicolas Sarkozy à une époque, vous ne rendriez pas service aux élèves. Pour ma part, je pense qu’il faut rendre service à la fois aux élèves et aux enseignants : il faut conserver le nombre de postes nécessaires et, en même temps, se donner les moyens budgétaires – en l’assumant clairement – d’augmenter la rémunération des enseignants. C’est ce qui fait notre différence.

S’agissant de la redéfinition des carrières des enseignants, sachez que le Premier ministre a rappelé la semaine dernière sa volonté d’appliquer le fameux protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) adopté dans la fonction publique. Je m’en suis réjouie publiquement pour une raison simple : cela signifie que, dans l’éducation nationale – premier employeur de fonctionnaires de l’État –, nous pouvons désormais entamer les négociations avec les organisations syndicales pour faire en sorte que se rapprochent notamment le premier et le second degré en termes de rémunérations et de parcours de carrière. C’est un cadre qui va nous permettre de progresser.

Monsieur François Rochebloine, vous m’avez interrogée sur le coût de la réforme des rythmes scolaires. Je peux vous dire que l’État et la CNAF y consacrent respectivement 320 millions et 574 millions d’euros par an. En revanche, la Cour des comptes reconnaît elle-même dans son rapport que le coût pour les communes est très complexe à déterminer, pour une raison simple : les montants sont très variables d’une commune à l’autre.

Sans prétendre que l’aspect financier n’est pas important, je pense que nous devons désormais évaluer ensemble – dans un bon climat, je l’espère – les vertus pédagogiques de ces nouveaux rythmes scolaires et la qualité des activités périscolaires qui vont commencer, bon an mal an, à s’installer un peu partout. Nous avons décidé de lancer une enquête empirique d’une très grande ampleur puisqu’elle va concerner plusieurs dizaines de milliers d’élèves répartis sur tout le territoire. L’idée est d’avoir des réponses scientifiques sur les questions de fatigue des enfants et de vertus pédagogiques des nouveaux rythmes sur les apprentissages. Ces réponses nous permettront, le cas échéant, de nous adapter en ne perdant jamais de vue l’objectif : un élève apprend mieux en cinq matinées qu’en quatre ; il vaut mieux donner accès à des activités périscolaires à tous les enfants, plutôt que d’en voir certains dans des clubs de sports et d’autres devant la télévision.

M. François de Mazières s’inquiète du coût des enseignements pratiques interdisciplinaires, qui conduiraient à payer deux enseignants pour une seule heure de cours. Rappelons que ces enseignements visent à remédier aux inconvénients de l’apprentissage en silos, discipline par discipline, système dans lequel l’élève passe parfois totalement à côté du sens de ce qu’il apprend. L’idée, qui consiste à faire se rencontrer plusieurs disciplines, ne passe pas obligatoirement par du co-enseignement : certains projets peuvent être construits à deux, une partie étant abordée pendant le cours de mathématiques et l’autre pendant le cours d’anglais, par exemple, sans que les deux enseignants soient présents ensemble durant la même heure de cours. C’est beaucoup plus souple que ce que vous imaginez. Signalons aussi que la réforme du collège est assortie de la création de 4 000 postes, dans le but de favoriser notamment le travail en petits groupes plus homogènes. À l’évidence, cette méthode est vertueuse, et, oui, elle est plus onéreuse. Pour paraphraser une formule célèbre, si vous estimez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. Et voyez les résultats actuels de notre collège : ils ne sont pas bons. Nous avons besoin de mettre l’accent sur l’accompagnement personnalisé des élèves. Voilà pourquoi nous créons 4 000 postes supplémentaires.

Mme Brigitte Bourguignon et plusieurs autres députés m’ont interrogée sur l’école en milieu rural. Sachez que les postes supplémentaires que nous avons créés depuis 2012 profitent aussi aux territoires ruraux. La prise en compte des critères sociaux et territoriaux auxquels je faisais allusion dans mon propos introductif s’agissant de l’allocation des moyens permet un vrai rééquilibrage des emplois.

Néanmoins, les élus des territoires ruraux sont confrontés à un autre défi : la baisse de la démographie. Jusqu’à présent, les décisions de l’éducation nationale tombaient comme un couperet. Les élus se voyaient imposer brutalement, sans avoir le temps de se retourner, la fermeture d’une classe, qui se traduisait souvent par la fermeture d’une école, ce qui est terrible pour un territoire. Nous proposons désormais à ces départements ruraux isolés de signer un « protocole ruralité » par lequel les deux parties s’engagent. D’un côté, les élus, lorsqu’ils voient que le nombre d’habitants diminue, s’engagent à anticiper le phénomène, c’est-à-dire à réfléchir à des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Ils ont trois ans pour le faire. De l’autre côté, durant ces trois ans, le ministère de l’éducation nationale s’engage à les laisser tranquilles et à geler les évolutions de postes qui auraient dû se produire. Ce protocole permet au moins de supprimer les décisions brutales, sources d’angoisses. Nombre de départements l’ont déjà signé : le Cantal, les Hautes-Pyrénées, le Gers, le Lot et l’Ariège.

-->M. Michel Vergnier. La Creuse aussi !

-->Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Souhaitant aller plus loin, j’ai demandé au sénateur Alain Duran de mener une mission spécifique sur ces protocoles de ruralité pour qu’ils soient suivis avec toute l’attention qu’ils méritent.

Madame Maud Olivier, je vous remercie de m’avoir interrogée sur la stratégie mathématiques qui a pu passer inaperçue alors qu’elle est très importante. Notre pays produit des scientifiques absolument excellents qui remportent tous les prix possibles, et pourtant nos jeunes – et en particulier les filles – sont peu attirés par les mathématiques et les sciences. L’an dernier, nous avons lancé une stratégie nationale qui connaît déjà quelques applications concrètes dans les nouveaux programmes de mathématiques pour la scolarité obligatoire. L’utilisation du numérique permet de rendre ces matières plus attractives pour les élèves ; de nouvelles ressources pédagogiques ont été produites ; les sciences ont une part plus importante dans le nouveau brevet avec l’ajout d’épreuves de physique et de science et vie de la terre (SVT) à celle de mathématiques. Nous subventionnons aussi – à hauteur de 400 000 euros cette année – des partenaires de qualité qui interviennent dans les écoles pour promouvoir la culture scientifique et qui éveillent bien des vocations. Des associations telles que La main à la pâte, qui sont dans le « faire », apportent une autre vision des sciences.

J’ai été étonnée d’entendre M. Dino Cinieri et d’autres affirmer que l’augmentation du nombre d’enseignants n’a pas produit de résultats puisque nous sommes toujours aussi mal positionnés dans les classements internationaux. Vous savez bien, pourtant, que l’éducation produit des résultats dans la durée ! Vous n’espériez tout de même pas, parce que nous augmentons le nombre d’enseignants depuis 2012, en voir les résultats sur des enfants testés à l’âge de quinze ans sur leur scolarité entière. D’ailleurs, pour que tout le monde s’y prépare, je vous préviens que la prochaine évaluation PISA sera sans doute aussi désagréable que les précédentes. Il ne faudra pas venir expliquer que c’est la faute de ce Gouvernement : ce sont des données qui portent sur toute la scolarité d’enfants de quinze ans. L’éducation se déroulant sur un temps long, nous ne verrons les effets de nos réformes et recrutements que dans dix ou quinze ans dans ce type d’enquête. Nous ferons d’autres évaluations sur la fin de l’école primaire pour avoir des données plus rapides, mais nous n’en auront sûrement pas dès cette année. Il faut donc avoir conscience du temps et se garder de tirer des conclusions trop hâtives.

S’agissant de l’augmentation du nombre d’enseignants, j’aimerais aussi souligner un phénomène que vous n’avez pas forcément en tête : elle permet aussi d’accompagner la démographie, car le nombre d’élèves augmente. D’ailleurs, sur les bancs de la gauche, d’aucuns pourraient nous reprocher de ne pas faire davantage de « Plus de maîtres que de classes » ou de préscolarisation. La réalité, c’est que nous avons aussi dû faire face à une augmentation démographique. Nous recrutons autant d’enseignants, non seulement pour accompagner l’éducation prioritaire, mais aussi pour renforcer le premier degré. On ne peut pas dire en permanence, notamment dans la presse, que tout se joue à l’école primaire et qu’il faut porter tous les efforts à ce niveau-là, et nous reprocher ensuite de recruter des enseignants pour renforcer ce premier degré.

Vous m’avez aussi interrogée sur les professeurs détachés qui manqueraient à l’éducation. Rappelons que les enseignants détachés ne sont pas payés par le ministère de l’éducation nationale. Pour ce qui est de leur nombre, le ministère accorde de moins en moins facilement ces détachements et il les recentre dans certains domaines. Par exemple, en éducation artistique et culturelle, un enseignant peut être détaché auprès de la Comédie française pour monter des partenariats avec cette institution culturelle.

Enfin, vous avez évoqué les décharges horaires dont bénéficient notamment les directeurs d’école, estimant qu’il s’agissait d’un manque à gagner. Ce n’est pas le cas. D’ailleurs, s’intéressant à la situation des directeurs d’école, votre collègue Siré a plaidé pour un accroissement de ce nombre d’heures de décharge dont ils bénéficient pour jouer leur rôle : assumer les tâches administratives, conseiller les enseignants, être en relation avec les familles.

Mme Marie-Odile Bouillé est intervenue sur l’éducation artistique et culturelle, un domaine où une innovation importante est à noter : le référentiel commun. Désormais, tous les professeurs et les autres acteurs – les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ou les associations d’éducation populaire – connaissent les grands objectifs fixés aux élèves. Ce parcours d’éducation artistique et culturelle comporte trois axes : la transmission des savoirs culturels ; la pratique d’un art ; la rencontre avec des artistes et des œuvres. Ce programme est évalué et conduit de façon cohérente tout au long de la scolarité.

La formation des enseignants est également renforcée, notamment par le biais de partenariats entre les ESPE et les institutions culturelles. Enfin, le projet d’école de chaque établissement comportera bientôt la signature d’un partenariat avec l’institution culturelle du territoire concerné.

J’ai souhaité que les pratiques artistiques collectives – la chorale, le théâtre, la danse – soient renforcées dans les établissements scolaires, et nous avons dégagé 8 millions d’euros à cet effet. Près d’un million d’enfants participent à des chorales scolaires et, l’année dernière, la première édition du concours de chorale a rencontré un très beau succès. C’était un vrai plaisir de voir les gagnants se produire à Paris.

Monsieur Jean-Claude Mathis, j’ai cru comprendre que vous considériez comme une hérésie de créer des postes supplémentaires et qu’il faut cesser ; je tâche de trouver une réponse qui puisse vous être utile. Peut-être pourrais-je vous révéler quelque chose qui passe trop souvent inaperçu : le statut des enseignants a été revu, et le décret de 1950, qui n’avait pas été repensé pendant des décennies, n’est plus en vigueur. Depuis août 2014, au terme de négociations et de « groupes métiers » qui ont duré des mois, ce statut a été rebâti de sorte que des missions que les enseignants pouvaient remplir sans pour autant être rémunérés ou reconnus davantage ont été valorisées. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui les indemnités pour mission particulière. Par exemple, dans un établissement, le référent en charge de la lutte contre le décrochage, qui va être, en quelque sorte, le tuteur des enfants qui vont mal, percevra une indemnité pour cette mission particulière. Il me semble que c’est là une façon de valoriser l’engagement et l’investissement des enseignants dans l’établissement.

Monsieur Siré, oui, les directeurs d’école ont besoin d’être soutenus. C’est ce que nous faisons avec les contrats aidés, dont 15 000 environ servent à décharger les intéressés de tâches administratives. Ils bénéficient aussi de décharges horaires, notamment pendant la période de rentrée scolaire, ainsi que d’améliorations indemnitaires prévues par les « chantiers métiers » que j’évoquais, qui ont permis de revoir les missions, le statut et les rémunérations de nos professionnels.

Mme Lang m’a interrogée sur les missions des personnels de santé. C’est un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé, notamment pour préciser le statut des visites médicales. Un arrêté doit être publié prochainement, prévoyant que tous les enfants de l’âge de six ans feront l’objet d’un bilan de langage pratiqué soit par un médecin de l’éducation nationale, soit par leur médecin de famille. Ce travail partenarial permet d’associer aussi le ministère de la santé. Il vise à dépister les troubles spécifiques du langage et à y répondre. C’est l’occasion de rappeler que l’école se mobilise beaucoup pour les enfants présentant des troubles « dys », en particulier grâce au plan d’accompagnement personnalisé. La circulaire en date du 22 janvier dernier précise ce qu’est ce plan : un dispositif d’accompagnement pédagogique s’adressant aux élèves ayant besoin, dans leur classe, d’adaptation et d’aménagement pédagogiques. C’est un outil de suivi de l’élève, notamment au moment de la liaison entre l’école primaire et le collège ou entre le collège et le lycée.

Monsieur Pierre Morel-A-L’Huissier, les 58 000 AVSI qui suivent et accompagnent les élèves en situation de handicap effectuent un travail de qualité. Je sais que des inquiétudes s’expriment au sujet des compétences de ces personnes en contrat aidé. Je répète qu’elles reçoivent une formation d’une soixantaine d’heures, à l’issue de laquelle elles sont parfaitement à même d’effectuer leur tâche. Reste que nous devons travailler pour offrir un véritable parcours professionnel à ces AVSI, en particulier, au-delà de l’éducation nationale, dans le secteur de l’accompagnement des personnes dans lequel les besoins sont extrêmement importants.

Madame Sylvie Tolmont, la loi pour la refondation de l’école a fait du redoublement une procédure exceptionnelle. Vous-même ne l’avez pas fait, mais j’entends parfois dire qu’il a disparu. C’est faux : il est des cas où il s’impose et se justifie parfaitement – par exemple, lorsqu’un élève a été absent de façon très prolongée en raison d’une maladie ou pour une autre cause. En revanche, du point de vue pédagogique, il est reconnu aujourd’hui que le redoublement n’est pas suffisamment efficace, et qu’il est préférable de traiter les problèmes le plus tôt possible plutôt que d’attendre un an pour tout reprendre à zéro.

Plusieurs moyens sont désormais disponibles pour accompagner les élèves en difficulté au sein même de la classe. Dans l’enseignement du premier degré, cela passe par le dispositif « Plus de maîtres que de classes », par les stages de remise à niveau de quinze heures organisés pendant les congés scolaires pour les élèves en difficulté de CM1 et de CM2 ou par l’aide apportée par les RASED. Dans l’éducation prioritaire, l’accompagnement éducatif en dehors des heures de cours, par exemple pour l’aide aux devoirs, se développe grâce aux moyens débloqués. Là où ils existent, les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) jouent aussi leur rôle. Dans le second degré, la réforme du collège, avec l’accompagnement personnalisé ou le travail en petits groupes, a précisément vocation à remettre à niveau les élèves en temps utile afin de leur éviter le redoublement.

Les calculs de M. Lionel Tardy m’étonnent. Il considère que nous consacrons cette année moins d’argent au numérique que l’année dernière, alors que nous finançons le plan numérique à hauteur de 192 millions d’euros, somme qui s’ajoute aux 10 millions de crédits ouverts dans le PLF 2014. Il n’y a pas de doute sur le fait que ces crédits progressent.

Madame Barbara Pompili, l’avenir de la médecine scolaire constitue un véritable enjeu. L’attractivité du corps des médecins de l’éducation nationale est très faible, disons qu’elle est moindre que celle d’autres corps proposant des missions de même nature. Ce problème d’attractivité est d’autant plus important que de nombreux médecins scolaires prendront leur retraite dans les cinq prochaines années. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique, une mission conduite par plusieurs inspections générales est en cours afin de voir comment rendre ces missions plus attractives. À partir des conclusions qui nous seront remises au mois de février prochain, nous travaillerons avec les ministères concernés, notamment celui des affaires sociales, afin d’améliorer le déroulement de carrière de cette profession et la revaloriser.

-->M. Dino Cinieri. Selon le rapport du Conseil de l’Europe, 20 000 enfants handicapés seraient sans solution de scolarisation. Par ailleurs, certains établissements refusent de continuer à scolariser des enfants handicapés un mois après la rentrée arguant que les enseignants ne sont pas formés pour les accueillir. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

-->Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Conseil de l’Europe a pointé la situation des enfants « sans solution adaptée », dont le nombre est estimé à 5 000, et non pas 20 000, monsieur Cinieri. Compte tenu de leur handicap, la solution pour eux ne passe pas par une place dans un établissement scolaire mais par un accueil dans un établissement médico-social. Faute de places suffisantes, nous savons que certaines familles n’hésitent pas à déménager dans des pays voisins. Marisol Touraine s’est saisie de ce problème et a annoncé la création de 4 000 places par an dans des services médico-sociaux pour faire face aux besoins. Nous travaillons beaucoup avec le ministère des affaires sociales sur tous ces sujets, en ayant conscience que certains cas ne relèvent pas de l’éducation nationale.

-->M. Dominique Baert, président. Je vous remercie, madame la ministre, pour toutes vos réponses.

Je rappelle que la discussion et le vote en séance publique des crédits de la mission « Enseignement scolaire » auront lieu mercredi 28 octobre.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures quarante-cinq.

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