Accueil > Projet de loi de finances pour 2016 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2016) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des affaires étrangères

Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 5 novembre 2015

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances,
de Mme Frédérique Massat,
présidente de la Commission
des affaires économiques,
et de M. Jean-Paul Chanteguet,
président de la Commission du développement durable

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures.

projet de loi de finances pour 2016

Écologie, développement et mobilité durables

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, je suis heureux de vous accueillir avec mes collègues Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, et Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour examiner en commission élargie les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Je rappelle brièvement nos règles d’organisation : nous entendrons d’abord les rapporteurs, pour cinq minutes – un temps de parole que je leur demande de respecter strictement puisqu’ils sont quinze en tout, davantage que pour toute autre mission budgétaire –, puis les orateurs des groupes, enfin les questions des autres intervenants.

Nous procéderons ainsi d’abord pour les crédits de l’écologie, ensuite pour ceux des transports, après quoi les commissions se réuniront pour examiner les éventuels amendements et voter les crédits.

Mme la présidente Frédérique Massat. Comme chaque année, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », plus précisément du programme « Énergie » dont la rapporteure est Mme Béatrice Santais.

Près de 513 millions d’euros sont consacrés à ce programme, mais il convient de préciser que 94 % des crédits de cette enveloppe sont destinés à la gestion économique et sociale de l’après-mines : l’essentiel de la dépense publique allouée à notre politique énergétique est inscrit sur d’autres lignes. La lisibilité budgétaire de cette politique doit donc de toute évidence être améliorée, madame la ministre, d’autant que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte comporte de fermes engagements en ce domaine. C’est d’ailleurs l’un des enjeux de la réforme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) sur lesquels nous aurons certainement à travailler.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis, en ce qui concerne l’écologie, des programmes « Protection de l’environnement et prévention des risques », « Paysages, eau et biodiversité », « Politiques de développement durable » et « Transition écologique » et, en ce qui concerne les transports, des programmes « Transports terrestres et fluviaux », « Transports aériens » et « Affaires maritimes ».

Je vous prie de bien vouloir excuser notre rapporteur Jacques Alain Bénisti, qui ne pourra être des nôtres cet après-midi.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la prévention des risques et pour la conduite et le pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer. Madame la ministre, l’an dernier, je m’intéressais particulièrement dans mon rapport aux enjeux de simplification du droit de l’environnement. Pourriez-vous nous donner une évaluation des conséquences de cette simplification en termes d’économie budgétaire ? Quels sont vos objectifs en la matière ? Quel degré de simplification pour quelle économie budgétaire, et pour quels résultats dans l’économie, quelle réduction des coûts au profit des ménages et des entreprises ?

J’aimerais évoquer ensuite les évolutions budgétaires touchant l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont la dotation baisse de 2,19 %, et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Nous comprenons l’effort budgétaire globalement demandé à votre ministère, mais il existe aussi un impératif de moyens. Compte tenu des enjeux de sécurité nucléaire, comment justifiez-vous cet effort attendu de l’IRSN ? Quels objectifs vous donnez-vous et quelles sont les perspectives budgétaires qui s’offrent à ces deux organismes ?

Troisièmement, la naissance de nouvelles régions au 1er janvier 2016 va entraîner la fusion de directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). La réforme a été présentée comme une source potentielle d’économies : quel est votre objectif à cet égard pour 2016 et 2017 ?

Enfin, je me suis particulièrement intéressé dans le cadre de ce rapport à l’éclairage de la décision de renoncement à l’écotaxe et à ses modalités de pilotage. Je sais, madame la ministre, que vous contestez souvent mon évaluation – ou les nôtres, puisque je ne suis pas le seul à subir vos critiques – mais j’ai calculé que l’abandon de l’écotaxe, indépendamment du renoncement à une recette budgétaire, coûterait 1 milliard d’euros environ. En clair, l’État a brûlé 1 milliard d’euros dans cette affaire… J’entends que la responsabilité n’en repose pas sur ce seul gouvernement ; chacun d’entre nous peut le comprendre. Mais j’aimerais que vous confirmiez ou infirmiez cette évaluation et, si vous l’infirmez, que vous nous donniez et nous expliquiez la vôtre. Une autre voie aurait-elle été possible, moins dispendieuse pour les finances publiques ?

M. Marc Goua, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour l’énergie et pour le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ». Le programme « Énergie, climat et après-mines » n’échappe pas à l’effort global de maîtrise des dépenses publiques : il s’établit pour 2016 à 513 millions d’euros, ce qui représente une baisse de 6 % par rapport à l’année passée.

Comme au cours des années précédentes, la baisse observée concerne essentiellement la gestion économique et sociale de l’après-mines, en raison de la diminution naturelle du nombre d’ayants droit : ce poste supporte environ près de 90 % des 31 millions d’euros d’économies proposées pour 2016.

Mais les autres actions du programme contribuent également à l’effort, en particulier les crédits destinés à la lutte contre le changement climatique, en baisse de 6 %. Une telle diminution n’est pas sans conséquences, en particulier pour les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, mais aussi pour le centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique (CITEPA).

Acteur majeur de la lutte contre le changement climatique, le CITEPA réalise pour le compte du ministère les inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre et de polluants requis par les accords internationaux sur le climat et sur la qualité de l’air. Il est financé par le programme à hauteur de 1,34 million d’euros en 2016, soit une baisse de 9 % par rapport à 2015 et de 17 % par rapport à 2014. Les restrictions budgétaires sont telles que le centre ne pourra plus accomplir l’intégralité de ses missions : je songe au suivi de certains travaux internationaux, à la réalisation de revues des inventaires étrangers d’émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’à la création d’un centre franco-chinois d’étude de la pollution atmosphérique. La situation pourrait donc se tendre, d’autant que le CITEPA va devoir faire face à une augmentation prévisible de son activité au cours des prochaines années. Une telle diminution, l’année où la France organise la COP21 et alors même que notre pays est engagé dans un contentieux européen pour non-respect de certains engagements concernant la lutte contre la pollution de l’air, risque de réduire notre influence et notre crédibilité en ce domaine.

Je défendrai donc un amendement tendant à rétablir les crédits du centre. Y serez-vous favorable, madame la ministre ?

Au-delà des crédits budgétaires du programme, une grande partie du financement de la politique énergétique est extrabudgétaire et pèse sur les consommateurs d’énergie. Ainsi, le futur chèque énergie et le complément de rémunération des énergies renouvelables sont financés par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), dont le montant pour 2015 s’élève à 6,3 milliards d’euros, soit douze fois les crédits du programme. Lors du débat sur la loi relative à la transition énergétique, vous vous étiez engagée, madame la ministre, à présenter un projet de réforme de la CSPE. Pourriez-vous nous en préciser les principales orientations ainsi que le calendrier ?

Cette année comme l’année dernière, je souhaite que soit revu le principe de financement par les seuls consommateurs d’électricité via la CSPE, au profit d’un financement de l’ensemble des coûts de la transition énergétique par tous les consommateurs d’énergie. Cet élargissement de l’assiette pourrait être réalisé par le biais de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Il paraît d’autant plus envisageable que le coût des énergies fossiles telles que le gaz naturel ou le fioul domestique est particulièrement peu élevé à l’heure actuelle.

Je serais également favorable à la réintégration au sein du budget de l’État des charges financées par la CSPE, afin de mettre un terme définitif au déficit de compensation supporté par EDF et qui s’établissait fin 2014 à 5,6 milliards d’euros, soit quasiment l’équivalent d’une année pleine de CSPE.

J’aimerais enfin appeler votre attention, comme l’a fait mon collègue Mariton, sur le financement de l’ASN et de l’IRSN. Ces deux organismes s’accordent à constater que le dispositif de contrôle va devoir très bientôt faire face à des enjeux de sécurité et de radioprotection sans précédent, notamment en raison de l’instruction de la demande de prolongation de la durée de fonctionnement des centrales, de la mise en route d’une nouvelle génération de réacteurs et de la montée en puissance du problème du démantèlement. Dans ces conditions, je m’inquiète du caractère insuffisant des moyens budgétaires mobilisés. Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer les principales conclusions des inspections en cours à ce sujet, ainsi que les mesures envisagées ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour l’énergie. Nous examinons aujourd’hui le premier PLF depuis l’approbation de la loi relative à la transition énergétique, qui a donné à la France de grandes ambitions, fixant en particulier des objectifs chiffrés concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie. Il s’agit donc aujourd’hui de se donner les moyens d’atteindre ces objectifs.

Réussir la transition énergétique implique de développer et de promouvoir des solutions innovantes, respectueuses de l’environnement et porteuses d’efficacité énergétique. Il importe pour cela que le soutien public soit bien orienté, bien ajusté et suffisamment incitatif.

J’ai choisi de m’arrêter sur trois thèmes qui me paraissent essentiels pour y parvenir.

Premièrement, la CSPE. Cette contribution, payée par chacun sur sa facture d’électricité, vise à compenser les charges résultant des obligations de service public supportées par les fournisseurs d’électricité. Elle fait l’objet de nombreuses critiques qui visent notamment sa fragilité juridique, son insuffisance alors que les charges qu’elle est censée couvrir augmentent, et son assiette qui mériterait d’être étendue aux énergies fossiles. Alors qu’une réforme de la CSPE est prévue dans le cadre du collectif budgétaire, mon rapport recense quelques propositions formulées au cours des auditions et envisage plusieurs perspectives d’évolution pour rendre cette contribution plus efficace, mais aussi pour renforcer le contrôle du Parlement sur cette politique publique essentielle.

Nous confirmez-vous, madame la ministre, que cette réforme figurera dans le collectif budgétaire ? Comment les dépenses du service public de l’électricité seront-elles intégrées au budget général ? L’assiette de la taxe sera-t-elle bien étendue, à court ou à moyen terme, aux énergies fossiles ? Cela permettrait un légitime rééquilibrage de la fiscalité applicable aux différentes sources d’énergie et remédierait à la contradiction qui veut que ce soit l’énergie la moins productrice de CO2 qui est la plus taxée.

En deuxième lieu, je me suis livrée à un examen approfondi de la situation des réseaux de chaleur. Ces systèmes de chauffage à l’échelle urbaine peuvent jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la transition énergétique. Cette solution, unanimement reconnue comme performante, reste insuffisamment exploitée à ce jour malgré les mesures prises à leur sujet, notamment dans la loi relative à la transition énergétique. Il convient donc d’ajuster les dispositifs de soutien public de manière à inciter davantage à l’extension et au verdissement de ces réseaux.

J’ai donc déposé un amendement tendant à permettre aux personnes se raccordant à un réseau de chaleur de bénéficier du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

Au-delà du CITE, comment le Gouvernement entend-il inciter au raccordement et impliquer davantage les collectivités territoriales, qui ont un rôle primordial à jouer en ce domaine ? Quelles mesures seront prises pour revaloriser les filières porteuses d’énergies renouvelables, notamment la filière bois et sa composante bois-énergie, ou encore la géothermie, et contribuer ainsi au verdissement des réseaux de chaleur ?

Troisièmement, l’énergie solaire thermique mérite elle aussi davantage d’attention de la part des pouvoirs publics : il s’agit d’une solution d’avenir, nettement sous-exploitée alors même qu’elle permet à la fois l’autoconsommation et la stabilisation de la facture énergétique et qu’elle est créatrice d’emplois en France. Seule une volonté politique forte peut redynamiser la filière et rendre à cette énergie innovante la place qu’elle mérite. Qu’y a-t-il de mieux en ce monde que d’être chauffé par le soleil ?

J’ai donc déposé un amendement tendant à permettre aux dispositifs hybrides mêlant thermique et photovoltaïque, qui existent depuis peu, de bénéficier du crédit d’impôt pour la transition énergétique – pour leur seule composante thermique, bien sûr, afin d’éviter tout abus.

Enfin, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour que la filière solaire thermique rattrape son retard sur la trajectoire du plan national d’action qui fixe des objectifs spécifiques pour 2020 ? Comment imaginez-vous la réglementation thermique 2020, sachant que la RT 2012 pose vraiment problème du point de vue de l’intégration du solaire thermique ?

M. Pierre-Yves Le Borgn', rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangèresDans mes travaux et analyses préparatoires, je me suis attaché à suivre prioritairement la question du climat, pour des raisons évidentes : l’imminence de la conférence Paris Climat 2015 et, plus fondamentalement, l’urgence absolue que ce sujet constitue pour l’avenir même de la vie sur terre.

Une réalité illustre cette urgence. La concentration de CO2 dans l’atmosphère se mesure en parties par million (ppm). Au-delà de 450 ppm, les scientifiques assurent que la température terrestre augmentera de plus de deux degrés centigrades par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui rendra les dérèglements climatiques incontrôlables. La concentration était de 270 à 280 ppm au début du XIXe siècle ; elle s’élève désormais à 400 ppm. Si les tendances actuelles se poursuivaient, le seuil des 450 ppm serait atteint sous vingt ans ; si l’on se contentait de stabiliser le niveau des émissions, il le serait sous trente ans. Autrement dit, pour l’humanité, il est minuit moins une…

Les émissions de CO2 dépendent directement du mode de production d’énergie : elles sont liées à près de 50 % à la production d’électricité et de chaleur. En 2012, au niveau mondial, la consommation de charbon restait, avec 44 %, la principale source de CO2 dans le total des émissions liées à la consommation de combustibles, devant le pétrole – 35 % – et le gaz naturel – 20 %. Dans le monde, les principaux utilisateurs de charbon pour la production d’électricité sont la Chine, les États-Unis et l’Union européenne où demeurent trois grands États membres charbonniers : l’Allemagne, la Pologne et le Royaume-Uni.

Ces toutes dernières années, nous avons assisté à un basculement progressif, mais lent, du bouquet énergétique au profit d’énergies décarbonées ou faibles en carbone ; il faut s’en réjouir. Les résultats restent cependant insuffisants, même dans le secteur des énergies renouvelables, avec lequel mon parcours professionnel passé m’a familiarisé. Le coût de ces énergies a considérablement baissé depuis 2010, mais de manière inégale selon les régions du monde, l’Europe étant, fort heureusement, très en pointe dans cette évolution. Le développement des énergies renouvelables requiert toujours de lourds investissements et se heurte au double écueil de la gestion de l’intermittence et de l’absence de solution de stockage.

Grâce à la loi relative à la transition énergétique que vous avez portée, madame la ministre, la France a en partie montré le chemin. Je connais d’ailleurs, depuis le plan énergie solaire de votre région du Poitou-Charentes, votre passion pour les énergies propres, décarbonées, sources de développement local. Je sais également le travail que vous menez auprès des milieux de l’industrie verte et de la finance verte.

J’aimerais donc vous poser une série de questions précises qui ont trait aux conditions du succès de la conférence Paris Climat 2015.

Quels ont été les résultats de la dernière réunion des parties à Bonn ? Que peut-on attendre des prochaines échéances, à savoir la pré-COP qui se tiendra à Paris dans quelques jours et la réunion du G20 à Antalya, en Turquie, qui la suivra de peu ? À quelle date la clause de révision, essentielle à la réussite de la conférence, devrait-elle commencer à jouer au regard des nombreuses contributions nationales, souvent encourageantes, qui ont été reçues ? Faut-il institutionnaliser pour l’avenir l’agenda des solutions, ce qui valoriserait le rôle majeur joué par l’industrie, grâce aux progrès technologiques sans cesse renouvelés, et par l’intervention du secteur financier ? Quel rôle peut ou doit jouer la Banque européenne d’investissement pour lutter contre le réchauffement climatique, au sein de l’Union européenne, mais aussi au-dehors ? Enfin, atteindra-t-on les objectifs assignés pour 2020 au financement du Fonds vert pour le climat ?

M. Jacques Krabal, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour la protection de l’environnement et la prévention des risquesLes risques naturels ne sont pas un fait nouveau, mais l’activité humaine aggrave les caprices de la nature, en tout cas leurs conséquences. Par ailleurs, la modernité dans laquelle nous vivons, qui donne le sentiment de pouvoir nous protéger de tout, y expose en réalité bien davantage nos sociétés.

Les programmes 181 et 170, dont je suis, pour la troisième année consécutive, le rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable, sont essentiels à la protection des populations, des biens et des milieux écologiques.

Les crédits du programme 181 s’établissent à 286,5 millions d’euros, en baisse de 4,77 %. Quant au programme 170, doté de 203,76 millions, il diminue de 1,96 %. Tous deux participent logiquement à l’effort de redressement des comptes publics. Il ressort toutefois des auditions de tous les acteurs que ces derniers auront des difficultés si les crédits continuent de baisser fortement au cours des années à venir. Cela a été dit pour l’ASN et l’IRSN ; cela vaut également pour l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS). Les inquiétudes sont donc très vives. Cela étant, le niveau de sécurité de notre pays demeure parmi les plus élevés au monde.

Le cadre budgétaire ainsi posé, je souhaiterais évoquer succinctement trois sujets essentiels.

Tout d’abord, la catastrophe survenue dans les Alpes-Maritimes a de nouveau souligné avec acuité la nécessité de maintenir notre vigilance et notre capacité de réponse opérationnelle au niveau le plus élevé. Un rapport d’étape doit permettre d’apporter des précisions sur le fonctionnement du dispositif d’alerte rapide et sa diffusion aux populations. Pourriez-vous, madame la ministre, nous exposer le bilan qui a été dressé et les améliorations préconisées ? Quels moyens sont engagés afin d’améliorer les deux leviers d’action que sont la sensibilisation du public et l’investissement dans la recherche ?

J’en viens aux risques naturels et hydrauliques. Afin de préparer nos territoires et notre société à faire face aux aléas naturels, la prévention se concrétisera par l’application de la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation (SNGRI). Les plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) doivent être adoptés d’ici au 22 décembre 2015, avant d’être déclinés en stratégies locales (SLGRI) au niveau des territoires à risque important d’inondation (TRI) d’ici à la fin 2016. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les modalités de ces actions et sur leur calendrier ?

Je souhaiterais enfin souligner l’effort réalisé par Météo France, seul de tous les opérateurs de l’État à avoir réduit sa masse salariale de moitié au cours des quatre dernières années, alors que les sollicitations grandissantes du système de vigilance accroissent la charge de travail et les moyens requis. Parallèlement, si légitime soit-elle, la politique d’ouverture des données publiques, dont la mise à disposition était jusqu’alors payante, implique des baisses de recettes évaluées entre 3 et 5 millions d’euros par an et des coûts importants de transmission informatique. Dès lors, et compte tenu de l’afflux croissant de demandes, comment envisagez-vous d’accompagner Météo France afin de concilier ouverture des données publiques et allégement des coûts de transmission ?

Nous devons nous mobiliser collectivement pour atteindre nos objectifs, renforcer la sécurité des populations exposées, stabiliser, voire réduire, le coût des dommages liés aux risques naturels, accélérer enfin le retour à la normale des territoires sinistrés. Tels sont les enjeux des deux programmes budgétaires dont je suis chargé. En effet, des phénomènes météorologiques croissants en nombre et en intensité suscitent un sentiment anxiogène de fragilité et d’incertitude. Les enjeux, majeurs, ne vont faire que croître dans le contexte de dérèglement climatique que nous connaissons. J’aurai l’occasion d’y revenir la semaine prochaine en séance publique.

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas Jean de La Fontaine que je citerai pour conclure, mais Alexandre Dumas – né à Villers-Cotterêts, dans ma circonscription –, qui écrivait dans Les Trois Mousquetaires : « Derrière tout bonheur présent est cachée une crainte à venir. » Ce disant, je songe bien sûr aux risques naturels, mais aussi aux risques politiques qu’encourent mon département et ma grande région à la veille des élections régionales.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les politiques de développement durableLe programme 217, « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », m’amène à commencer par un constat positif : le projet de budget pour 2016 contribue à l’effort de redressement des comptes publics. Mais ce constat doit être aussitôt relativisé, car le budget reflète la politique de rabot menée par le Gouvernement au lieu des réformes structurelles attendues.

J’aimerais aussi faire part de mes doutes quant à l’adéquation entre la réduction de l’enveloppe budgétaire du programme et l’étendue de ses missions, au demeurant renouvelées à l’approche de la COP21. Certes, le programme 217 n’est pas directement affecté par l’organisation de l’événement, puisqu’un programme 341 a été spécialement créé pour en supporter les crédits. Toutefois, en tant que programme transversal, il intervient dans le pilotage des chantiers majeurs en faveur du développement durable. Dès lors, madame la ministre, comment préserver le cœur de ses missions malgré la baisse des moyens, alors même qu’il est plus fortement mobilisé que l’année passée par l’actualité environnementale ?

Pour préparer mon rapport, j’ai rencontré le directeur de l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC). Son audition m’incite à vous faire part de ma vive inquiétude quant aux arbitrages budgétaires à effectuer pour doter la formation des ingénieurs de modes de gouvernance cohérents avec le développement durable. Il me paraît indispensable d’enrayer la baisse de la subvention pour charges de service public versée à l’ENPC, qui a perdu 10 %, en euros constants, entre 2010 et 2014. Je souhaite donc un retour au niveau de 2009 lors du prochain triennal. Quel est, madame la ministre, votre sentiment à ce sujet ?

Ma troisième remarque a trait à ma visite du chantier de rénovation en cours de la paroi sud de l’Arche de la Défense. Je me réjouis de cette opération de régénération et de densification immobilière : exemplaire du point de vue des performances environnementales, elle contribue à la construction d’un parc moins onéreux et mieux adapté au service public. Je souhaite toutefois appeler votre attention sur la nécessité de nouer des partenariats public-privé avec les propriétaires du pilier nord de l’Arche, l’assureur AXA et la Caisse des dépôts, pour le moment réticents à engager des travaux de rénovation. Quelle est votre appréciation de l’avancement des travaux ? Quelles propositions formulez-vous pour mobiliser au plus vite ces voisins en tenant compte des difficultés liées à la copropriété du monument ?

J’aimerais enfin vous interroger sur le rôle que vous entendez donner à la Commission nationale du débat public (CNDP). Chacun a en mémoire les impasses des débats sur les nanoparticules ou sur la construction d’un laboratoire souterrain destiné aux déchets hautement radioactifs en Meuse. L’organisation par la CNDP, le 6 juin 2015, d’un débat citoyen planétaire labellisé COP21 me semble prometteuse. Quelles sont, madame la ministre, vos propositions concrètes sur la place et l’organisation des débats publics en France ?

S’agissant enfin du financement des associations, comment expliquez-vous les très fortes disparités entre les dotations des dix principales associations financées, avec entre autres 593 000 euros pour France Nature Environnement et 110 000 euros pour la Fondation Nicolas Hulot ? Comment l’utilisation de cet argent public est-elle contrôlée ?

Pour toutes ces raisons, et compte tenu du manque général de lisibilité et de cohérence du programme, je ne pourrai émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

M. Michel Lesage, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les paysages, l’eau et la biodiversité. Pour commencer sur une note positive, je me réjouis que les crédits attribués aux programmes 113, « Paysages, eau et biodiversité », et 159, « Information géographique et cartographique », soient pour l’essentiel préservés. Dans le contexte difficile que nous connaissons, cette stabilité prouve à elle seule que le Gouvernement a fait des politiques des paysages, de l’eau et de la biodiversité un domaine d’action prioritaire ; je m’en félicite. Je donnerai donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

Si les moyens budgétaires sont préservés, des efforts pour réduire les dépenses de fonctionnement sont néanmoins demandés aux opérateurs des deux programmes. Les plafonds d’emploi diminuent ainsi d’un peu moins de 2 %. Les missions des opérateurs sont par ailleurs réorganisées et les synergies entre les services, voire entre les opérateurs eux-mêmes, systématiquement recherchées.

La stabilité des crédits s’accompagne donc d’une baisse des dépenses de fonctionnement, ce qui permet de dégager des crédits d’intervention supplémentaires pour mettre en œuvre la nouvelle dynamique en faveur du développement durable ; je m’en réjouis.

Après cet état des lieux, j’aimerais vous poser quelques questions, madame la ministre.

Je l’observais déjà l’année dernière : le programme 113 ne reflète pas, loin s’en faut, l’ensemble des crédits alloués aux politiques en faveur de l’eau, de la biodiversité et des paysages. Je regrette qu’il soit de ce fait difficile, voire impossible de procéder à une estimation satisfaisante des efforts réalisés dans ces domaines. J’ai donc été heureux d’apprendre au cours des auditions le lancement prochain d’une mission ministérielle destinée à faire le point sur les différents acteurs impliqués, leurs compétences respectives et les flux financiers engagés. Pouvez-vous préciser son périmètre exact, son calendrier et ses objectifs ?

Ma deuxième série de questions porte sur la création de l’Agence française pour la biodiversité. Dans le cadre de la préparation de cet avis, j’ai rencontré les quatre structures qui ont vocation à l’intégrer ainsi que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), dont le sort n’est pas encore fixé, et le préfigurateur de la nouvelle agence.

Ma première interrogation est d’ordre pratique. Il est ressorti des entretiens que l’absence de visibilité quant au calendrier législatif et, a fortiori, quant à la date de création de l’agence complique le travail des préfigurateurs. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des informations précises à ce sujet ? Le calendrier actuel, selon lequel l’AFB serait installée au 1er janvier 2017, est-il encore valable ? Vous avez annoncé que l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages serait inscrit à l’ordre du jour de la séance publique au Sénat en janvier prochain. Quel calendrier envisagez-vous pour la suite de sa discussion au Parlement ?

Par ailleurs, les préfigurateurs ont besoin d’engagements fermes quant aux moyens dont bénéficiera la future agence. Sa création s’opérera-t-elle à périmètre budgétaire constant ? Quel sera le statut de ses agents ? C’est une question clé pour l’avancement du processus de préfiguration.

Enfin, les politiques en faveur des paysages, de l’eau et de la biodiversité constituent un levier important pour l’aménagement et la mise en valeur de nos territoires. De nombreuses actions sont déjà conduites au niveau local et je crois indispensable de s’appuyer sur les structures déjà existantes pour construire les déclinaisons locales de l’AFB. Comment envisagez-vous donc l’installation des agences régionales pour la biodiversité ? Comment décliner l’AFB dans les territoires sans détruire les réseaux déjà en place ?

M. François-Michel Lambert, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour la transition écologique. À quelques semaines de l’ouverture de la COP21 à Paris, la présentation de l’avis budgétaire relatif au programme 174 « Énergie, climat et après-mines » prend une dimension toute particulière. Ce programme s’articule en effet autour de deux finalités : la mise en œuvre de la politique énergétique de la France et la lutte contre le réchauffement climatique. Sa contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la lutte contre le réchauffement climatique reste pourtant modeste, puisque 94 % de ses crédits sont consacrés à la gestion sociale et économique des anciens mineurs, notamment au financement de l’opérateur gérant leurs droits sociaux, l’Agence nationale de gestion des droits des mineurs (ANGDM).

Je veux insister, à ce propos, sur la nécessité de préserver la spécificité du régime social minier, qui garantit un service public solidaire et de proximité aux anciens mineurs et à leurs familles, lesquels sont attachés à leurs centres de santé et d’accueil social. À cet égard, le rapprochement, voire la fusion, de l’ensemble des structures gérant les droits sociaux des anciens mineurs au sein d’une maison commune des droits des mineurs, réclamée par de nombreux acteurs, pourrait être une piste à explorer.

Par ailleurs, la récente déclaration commune de François Hollande et du Président chinois en faveur d’un accord ambitieux et juridiquement contraignant est un pas majeur vers un succès de la COP21. La présidence française doit donc être l’occasion pour notre pays d’assurer son leadership. La réussite des engagements qui seront pris dans le cadre de cette conférence dépendra cependant des financements qui y seront consacrés.

Dans un contexte budgétaire difficile, les crédits du programme 174 sont en légère baisse, de 6 %, par rapport à 2015, s’établissant à 510 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 512 millions en crédits de paiement. Il convient néanmoins de relever l’effort consenti par l’État dans le domaine des dépenses fiscales en faveur de la transition écologique : leur montant a presque doublé entre 2014 et 2016, notamment du fait de la montée en charge du crédit d’impôt pour la transition énergétique.

Ma principale préoccupation concerne le respect par la France de la trajectoire du prix du carbone en période de prix bas de l’énergie. Le prix du carbone est un signal économique fort, mais on peut s’interroger sur la cohérence des divers dispositifs fiscaux relevant de la politique énergétique : si le rapprochement entre les prix du gazole et de l’essence ainsi que la mise en place d’une contribution carbone vont dans le bon sens, les exonérations de TICPE accordées aux entreprises « à consommation intensive en énergie » en période de prix bas de l’énergie peuvent, en revanche, poser problème. En effet, ne vaudrait-il pas mieux, madame la ministre, moduler les aides selon le prix de l’énergie et les concentrer sur la réduction des besoins en énergie des entreprises ?

L’année 2016 sera marquée par l’entrée en vigueur de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août dernier. Particulièrement attaché au titre IV de la loi, je souhaiterais revenir sur la transition vers l’économie circulaire. La mise en œuvre d’une stratégie nationale en la matière va dans le bon sens, mais l’on peut regretter l’absence de pilotage interministériel. De fait, en confiant le pilotage de cette stratégie nationale au seul ministère de l’écologie, l’État se prive d’une vision globale des enjeux. Personne ne remet en cause l’engagement de ce ministère, mais son action est par définition limitée à son champ d’intervention. Or, pour que l’économie circulaire se déploie en tant que véritable modèle économique alternatif, une conception interministérielle et transversale doit émerger. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que la création d’une délégation interministérielle chargée du pilotage de la stratégie nationale permettrait l’accélération de la transition vers l’économie circulaire ?

Enfin, si la loi relative à la transition écologique pour la croissance verte prévoit de renforcer et de rassembler les financements au sein du Fonds de financement pour la transition énergétique, ceux-ci demeurent trop disparates et insuffisamment fléchés. Le financement de la transition vers l’économie circulaire s’appuie ainsi sur une multiplicité d’outils financiers : le fonds chaleur, l’enveloppe spéciale « transition énergétique », les certificats d’économie d’énergie, le fonds déchet, et j’en passe. Cette diversité des solutions de financement est source de complexité pour les porteurs de projets et peut être facteur de découragement. Ne serait-il pas pertinent de créer un fonds de financement ad hoc pour faciliter le financement de la transition vers l’économie circulaire ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Au-delà de leur intérêt, la variété de vos questions reflète bien la diversité des activités du ministère de l’écologie. De fait, et c’est ce qui le rend passionnant, ce ministère s’occupe aussi bien de la vie quotidienne de nos concitoyens, qu’il s’agisse de leur pouvoir d’achat – je pense au coût de l’énergie – ou de la santé publique – à travers la lutte contre la pollution –, que de la préparation de l’avenir, en participant, par exemple, à l’élaboration de stratégies bas carbone. Mais vos questions, qui traduisent à la fois des préoccupations concrètes, témoignant ainsi de votre proximité avec nos concitoyens, et le souci de l’équilibre planétaire soulignent également combien nous devons être attentifs à l’articulation entre le global et le local. Les actions opérationnelles de terrain doivent ainsi permettre de contribuer à préserver l’avenir de la planète. C’est donc avec grand plaisir que je vais vous répondre, tout en vous présentant les grandes lignes de la mission budgétaire que nous examinons aujourd’hui.

Tout d’abord, le ministère de l’écologie participe équitablement au redressement des comptes publics, en particulier grâce à la mobilisation de moyens complémentaires et à une nouvelle ingénierie financière qui permettent de financer la transition écologique et énergétique, notamment dans les territoires. J’assume – c’est assez rare pour être souligné – les économies qui seront réalisées en 2016 : pour réduire les impôts, il faut bien consentir des efforts de réduction de la dépense ! Je les assume d’autant plus que la capacité d’action ministérielle se mesure, non pas au taux d’augmentation de ses crédits, mais à son efficacité. J’ai du reste démontré, pendant les dix ans durant lesquels j’ai présidé la région Poitou-Charentes, que l’on pouvait dépenser mieux sans augmenter l’impôt. C’est ce que je vous propose aujourd’hui : diminuer la dépense publique pour baisser les impôts, en dépensant mieux et plus efficacement.

Il est vrai que, parallèlement, et grâce à votre contribution, des solutions opérationnelles permettent de consacrer des moyens au financement de la transition énergétique et écologique. Ainsi, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, que nous vous proposons de reconduire, représente un effort de 1,4 milliard d’euros qui, en aidant les Français à rénover leur logement et à réaliser des économies d’énergie, vont directement dans leur portefeuille. Les collectivités territoriales, quant à elles, bénéficient directement du Fonds de transition énergétique dans le cadre des contrats de territoire à énergie positive. Enfin, les moyens financiers de Bpifrance, qui est la banque de la transition énergétique, et le programme des investissements d’avenir permettent aux entreprises d’investir. En outre, les tarifs de rachat, qui sont régulièrement publiés, et les appels à projets offrent à celles d’entre elles qui appartiennent au secteur des énergies renouvelables une sécurité pour investir dans les technologies du futur qui participent à la transition énergétique et écologique.

Depuis un an, beaucoup a été fait, grâce notamment à vos excellents travaux parlementaires. Je pense tout d’abord à la promulgation, le 17 août dernier, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nous donne une base opérationnelle pour agir. Je précise d’ailleurs que M. Šefčovič, vice-président de la Commission européenne à l’énergie, a très clairement indiqué que cette loi devait servir de modèle aux autres pays européens, la France étant le seul d’entre eux à avoir transcrit dans la loi ses Intended nationally determined contributions (INDC), c’est-à-dire les engagements internationaux qu’elle devra présenter lors de la conférence sur le climat. Le texte couvre en effet tous les aspects de la transition énergétique : efficacité énergétique, énergies renouvelables, économie circulaire, place des entreprises et des territoires. La France est également le seul pays à avoir inscrit dans la loi le prix du carbone, à hauteur de 56 euros la tonne en 2020 et de 100 euros la tonne en 2030. Or, dans le cadre de la préparation de la conférence sur le climat, tous les pays s’interrogent sur le prix du carbone. Même les entreprises, y compris celles qui produisent des énergies fossiles, demandent qu’un prix du carbone soit débattu et fixé lors de cette conférence, afin d’envoyer un signal fort et irréversible en matière de stratégie bas carbone. Enfin, je rappelle que la France est un des rares pays à avoir présenté sa stratégie bas carbone, adoptée par le Conseil de la transition énergétique, avec son mix énergétique.

Le débat parlementaire n’a, certes, pas été facile. Mais, parce que nous avions conscience, les uns et les autres, de notre responsabilité, nous sommes parvenus, malgré des positions parfois très divergentes selon la nature des diverses énergies, à adopter une loi, dont je précise que la moitié des décrets d’application seront prêts d’ici à la fin de l’année, pour l’ouverture de la conférence de Paris sur le climat. Surtout, nous avons d’ores et déjà mis en place le Fonds de transition énergétique, de sorte qu’à l’heure où je vous parle, plus de 400 contrats de Territoire à énergie positive ont été signés, par des élus de toutes sensibilités politiques du reste, ce qui est formidable. Il faut saluer l’imagination et la créativité des territoires et la prise de conscience d’une bonne articulation entre le local et les objectifs nationaux.

Les financements destinés à accompagner la mise en œuvre de cette loi sont là : le CITE permettra, en lien avec l’ANAH, de soutenir la rénovation des logements des ménages modestes ; l’ADEME, qui va contribuer aux efforts d’économies par un prélèvement sur son fonds de roulement, verra néanmoins sa capacité d’engagement inchangée, puisqu’elle s’établit à 590 millions d’euros ; enfin, le Fonds de transition énergétique disposera de 250 millions d’ici à la fin de l’année. L’appel à projets « Villes et territoires à zéro gaspillage et zéro déchet » a reçu un écho très positif, si bien qu’un second appel à projets a été lancé. J’ajoute que vingt villes ont été candidates à un autre appel à projets intitulé « Villes respirables ». Il s’agit de communes de droite et de gauche – je tiens à le souligner, car je crois qu’il faut dépolitiser la transition énergétique. Les citoyens, les territoires s’en saisissent : nous avons besoin de tout le monde pour réussir la mise en place du nouveau mix énergétique.

Le soutien aux mobilités propres, dont la mobilité électrique, sera poursuivi, avec le maintien du bonus pour les véhicules électriques et l’extension de la prime à la conversion de 10 000 euros aux véhicules diesel de plus de dix ans.

J’en viens au volet fiscal des lois de finances. Vous avez adopté l’amorce de la convergence des fiscalités du diesel et de l’essence, et vous serez appelés à voter, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, une réforme de la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui a un triple objet : sécuriser le financement de la transition énergétique grâce à un cadre juridique rénové, améliorer le contrôle parlementaire sur les ressources et les charges de l’électricité en les inscrivant directement dans le budget de l’État et poursuivre la trajectoire de progression de la composante carbone de notre fiscalité énergétique, ce qui permettra de renforcer le prix du carbone, de stabiliser la fiscalité de l’électricité en 2017 et de faire mieux contribuer les énergies fossiles au financement de la transition énergétique.

Cette réforme est essentielle, car elle mobilise, faut-il le rappeler, un effort public de 6,3 milliards d’euros en 2015, dont 4 milliards en faveur des énergies renouvelables. Cet effort sera porté à 7 milliards en 2016 et, potentiellement, à 7,5 milliards en 2017. Ces sommes, qui ne figurent pas directement dans le budget du ministère, sont trop souvent oubliées ; elles sont pourtant la preuve de l’effort financier considérable que nous consacrons à la transition énergétique.

Alain Vidalies aura l’occasion de revenir longuement sur la mobilité durable, qui concerne les infrastructures et les services de transport modernes. L’année 2016 confirmera la priorité donnée à l’amélioration de la qualité et de la sécurité. Suite à l’accord conclu le 9 avril dernier entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, celles-ci apporteront un soutien supplémentaire à la maintenance du patrimoine routier. Grâce aux discussions menées ces derniers mois, la polémique sur l’écotaxe est derrière nous. Nous avons trouvé, via la fiscalité du gazole et en accord la profession, un moyen simple et peu coûteux de faire contribuer le transport routier au financement des infrastructures. Ainsi, les moyens de l’AFITF permettront de couvrir près de 1,9 milliard d’euros de dépenses d’investissement, soit un niveau équivalent à celui de 2015.

Par ailleurs, nous continuerons de favoriser le rééquilibrage et la complémentarité des modes de transport. Alain Vidalies reviendra sur les actions menées en faveur du fret ferroviaire, du transport fluvial et maritime et du secteur de la logistique. Je rappelle, en outre, qu’entre 2015 et 2017, le Fonds de financement de la transition énergétique soutiendra le transport combiné à hauteur de 10 millions d’euros par an. Nous ne devons pas oublier, dans ce domaine, la promotion des mobilités actives : l’indemnité kilométrique vélo, votée dans la loi de transition énergétique, sera fixée à un niveau significatif de 25 centimes par kilomètre.

L’année 2016 sera également celle – vous avez été nombreux à m’interroger sur ce point – de l’adoption de la loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – le texte sera examiné en première lecture au Sénat en début d’année – et de la création de l’Agence française pour la biodiversité, dont la préfiguration se poursuit de façon satisfaisante. Avec 276 millions d’euros, les moyens consacrés à ces actions sont en légère augmentation, de manière à accompagner l’adoption du projet de loi. L’accent sera mis sur les milieux littoraux et marins, avec la création de nouveaux parcs naturels marins, au Cap Corse et en Martinique, portant le nombre de ces parcs à dix ; rappelons que la France, grâce à l’extension récente du plateau continental, est devenue la première puissance maritime du monde. J’ai du reste prévu qu’une journée soit exclusivement consacrée, lors de la conférence de Paris sur le climat, à la question de l’océan.

Je m’aperçois en effet que les propositions de la France sont très attendues, qu’il s’agisse de l’exploitation durable des ressources considérables de l’océan, des énergies renouvelables liées à la mer et à l’océan ou de la prise en compte de la fragilité de ce milieu qui pâtit du réchauffement climatique ainsi que de l’acidification et de la montée du niveau des océans. Nous aborderons donc ces problématiques dans toutes leurs composantes, ce qui ne s’était jamais fait. Encore une fois, l’ensemble des pays à rivages et les États insulaires attendent beaucoup de la France en la matière.

Des moyens importants seront également affectés à la concrétisation de la trame verte et bleue. L’ensemble des schémas régionaux de cohérence écologique doivent être approuvés avant la fin de l’année : 66 millions d’euros seront consacrés aux parcs nationaux, 31 millions au réseau Natura 2000, 21 millions aux réserves naturelles nationales, 8 millions aux parcs naturels régionaux et 12 millions à d’autres actions liées à la trame verte et bleue. Cette politique, qui vise à assurer la continuité écologique sur le territoire national et la résilience des écosystèmes, revêt une importance particulière dans le contexte du changement climatique puisqu’ils en sont à la fois les victimes et la solution – je pense à la reconquête de la nature en ville.

Par ailleurs, les nouveaux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux pour la période 2016-2021 seront adoptés d’ici à la fin de l’année et permettront d’accentuer l’amélioration de la qualité des eaux ainsi que la restauration des zones humides et de s’adapter aux évolutions liées au changement climatique. Un prélèvement de 175 millions d’euros sur les agences de l’eau a été arbitré pour les années 2015-2017, mais il préservera, dans le cadre des dixièmes programmes, un niveau d’intervention ambitieux équivalent à celui des neuvièmes programmes.

Pour améliorer la qualité du cadre de vie, ce budget permet également de renforcer l’action en faveur des paysages, dans le cadre du plan d’action pour la reconquête des paysages que j’ai lancé, et de poursuivre leur protection grâce au classement de nouveaux sites, qui viennent s’ajouter aux sites déjà classés, lesquels couvrent désormais près de 2 % du territoire.

Un mot sur la prévention des risques, qui est d’une importance majeure, comme en témoignent les récentes inondations meurtrières dans le sud-est de la France : l’ensemble des crédits sont préservés.

La subvention attribuée à Météo France tient compte des gains de productivité permis par la réforme de son organisation territoriale et permet de maintenir un niveau d’investissement soutenu, indispensable pour continuer d’améliorer la qualité de la prévision. Les moyens de fonctionnement et d’investissement en lien avec la prévision ont été maintenus entre 27 millions et 30 millions d’euros par an.

Par ailleurs, je poursuis l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques autour des risques SEVESO, avec de nouvelles instructions ; 85 % d’entre eux sont aujourd’hui approuvés, et je viens de publier une ordonnance afin de simplifier et d’accélérer leur mise en œuvre. Le plan national « santé environnement » sera également l’une des priorités de l’année 2016, avec la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens et la feuille de route sur l’économie circulaire, qui concerne aussi la santé publique.

En matière de sûreté nucléaire, monsieur Mariton, monsieur Goua, le Gouvernement continue d’augmenter les effectifs de l’Autorité de sûreté nucléaire à hauteur de dix renforts par an, conformément à la programmation triennale. Les moyens de l’ASN et de l’IRSN sont par ailleurs préservés et les crédits globaux de prévention des risques maintenus. Le redéploiement de 20 millions d’euros s’explique par des facteurs techniques : d’une part, les délais de mise en œuvre des plans de prévention des risques sont un peu plus longs que prévus, du fait de la conjoncture économique, qui ralentit les projets d’investissement des entreprises ; d’autre part, le changement de régime fiscal du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui n’a plus à collecter la TVA sur les subventions qu’il reçoit, explique une baisse cosmétique de 3 millions d’euros.

Il est proposé d’allouer, cette année, 1,4 milliard d’euros aux organismes de recherche pour faire progresser la connaissance, fournir les données nécessaires à l’éclairage des politiques et soutenir l’innovation. C’est un levier essentiel, notamment dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche énergétique. Les crédits du programme de recherche contribuent notamment au développement des nouvelles technologies en s’appuyant sur les compétences du Commissariat à l’énergie atomique, de l’IFP Énergies nouvelles ainsi que de l’Institut français des sciences et technologies des transports de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR). Cet institut, auquel sont attribués en 2016, 87 millions d’euros, est mobilisé sur des projets tels que la route dite de cinquième génération, c’est-à-dire la fameuse route solaire à énergie positive, sur laquelle la France est particulièrement en avance.

Enfin, le ministère poursuivra, en 2016, son effort de réduction des emplois : 671 emplois budgétaires seront supprimés, soit un taux de baisse de plus de 2 %, comparable à celui des établissements publics sous tutelle. Mais les actions d’intervention du ministère ne diminueront pas pour autant, grâce à une meilleure organisation – et j’en remercie les chefs de mon administration, ici présents, très engagés à la fois dans la rédaction et l’application des textes et dans la restructuration administrative du ministère. Un plan triennal de requalification des emplois de la catégorie C vers la catégorie B et de la catégorie B vers la catégorie A concernera 2 150 agents sur trois ans, dont 1 650 agents de la catégorie C.

En conclusion, dans moins d’un mois débutera la conférence de Paris sur le climat, et je remercie l’ensemble des parlementaires pour leur implication dans son organisation. Je souhaite vivement, mesdames, messieurs les députés, que vous fassiez partie de la délégation française : je vous adresserai sous peu une invitation afin que vous puissiez bénéficier des accréditations nécessaires pour pénétrer dans la zone bleue et me faire part de vos attentes et de vos souhaits à cet égard. Grâce à vos travaux, la France s’est dotée d’une législation très avant-gardiste que nous nous devons d’appliquer dans le cadre de ce projet de budget et des actions d’accompagnement que vous menez sur vos territoires. Conscients de la responsabilité qui nous incombe en tant qu’hôtes de la conférence, nous avons cherché à être exemplaires, et je crois que nous y sommes parvenus. Bien entendu, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le maintien du réchauffement climatique en deçà de deux degrés exigent un travail de longue haleine qui se déroulera sur plusieurs années. La France, qui fait figure d’exemple, a un message à diffuser au monde entier. Elle le doit aux actions qu’elle conduit dans le domaine de l’écologie, et je veux vous en remercier très chaleureusement, car je sais l’énergie que cela vous a demandée.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la prévention des risques et pour la conduite et le pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer. Mme la ministre a répondu, à sa manière, à la question que je lui ai posée sur l’ASN et l’IRSN, et je prends acte de sa réponse. En revanche, elle n’a pas répondu à mes autres questions, qui portaient, je le rappelle, sur l’écotaxe et sur les économies liées aux fusions des Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) dans le cadre de la nouvelle carte régionale.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Le coût de l’annulation du contrat Écomouv’s’élève à 528 millions d’euros en 2015, auxquels s’ajoutent neuf annuités de 45 millions d’euros, soit 960 millions d’euros au total. Si ce contrat avait été maintenu, il aurait coûté 2,3 milliards d’euros, puisque les frais de gestion et de rémunération des actionnaires étaient très élevés : plus de 25 % de la recette potentielle… Chacun mesure bien l’aberration que constituait ce contrat. Les recettes de l’écotaxe ont été intégralement remplacées par l’augmentation de la fiscalité sur le gazole de deux centimes plus deux centimes de TICPE, soit quatre centimes au total, pour un coût de perception nulle. En ayant le courage d’interrompre ce contrat, l’État a donc réalisé une économie de plus de 1 milliard d’euros.

En ce qui concerne les DREAL, les économies liées à leur fusion sont encore difficiles à chiffrer. Comme je l’ai indiqué, le ministère réduit ses effectifs de plus de 2 %, mais nous tenons à agir dans le respect des agents. Les simplifications que le Gouvernement a décidées, notamment le permis unique que vous avez voté dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, réduiront les coûts administratifs à hauteur de 167 millions d’euros d’ici à 2017, mais il faut rester très vigilant et très scrupuleux sur le pouvoir de contrôle des directions du ministère. J’ajoute que celui-ci va concentrer son activité sur des actions de prévention des risques plus intenses, grâce à l’allégement des procédures lié au permis unique. Si vous le souhaitez, j’informerai régulièrement le Parlement dans les six prochains mois, de la façon dont nous restructurons les DREAL et des économies que cette restructuration peut produire.

M. le président Gilles Carrez. Nous en venons maintenant aux interventions des porte-parole des groupes.

M. Patrice Carvalho. Pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine, cette mission budgétaire constitue un énorme paradoxe. Nous allons accueillir, dans quelques semaines, à Paris, la COP21, qui se fixe pour objectif d’obtenir des 196 nations représentées un accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans son discours du 28 septembre dernier devant l’ONU, à New York, François Hollande a affirmé que la France devait « montrer l’exemple ». Le Parlement a voté la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte. Le Président de la République avait fait de l’écologie un engagement majeur de son quinquennat.

Pourtant, les crédits consacrés au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sont en baisse. Les années se suivent et se ressemblent…

La mission budgétaire qui nous est présentée prévoit en effet une baisse de 105 millions d’euros des crédits de paiement, le budget passant de 6,59 milliards à 6,49 milliards. Chaque année, le ministère voit ses crédits rabotés : de 740 millions en 2013 – ce qui provoqua le départ de la ministre de l’époque –, puis de 500 millions en 2014 et, en 2015, on nous a annoncé une baisse programmée de 400 millions dans le budget triennal 2015-2017. Les effectifs ne sont pas en reste : 515 postes ont été supprimés l’an dernier, 671 le seront en 2016. Le ministère de l’écologie paie ainsi l’un des plus lourds tributs aux 5 milliards d’euros de mesures supplémentaires d’économies budgétaires qui portent sur l’État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Certes, les moyens du ministère sont complétés par trois dispositifs : le Programme d’investissements d’avenir (PIA), le Fonds de financement de la transition énergétique (FFTE) et la prolongation du Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

Pour justifier les baisses de crédits, le Gouvernement explique rituellement que l’engagement de l’État ne se mesure pas seulement au niveau du budget du ministère. L’argument est assez peu convaincant et, en définitive, ne concourt pas à la transparence qui permettrait d’apprécier les actions réellement conduites.

En tout état de cause, les budgets qui se succèdent sont à cent lieues des ambitions affichées dans la loi sur la transition énergétique, qu’il s’agisse de la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon de 2030 et de leur division par quatre d’ici à 2050, de la réduction de moitié, en 2050, de la consommation énergétique par rapport à 2012, de l’objectif de porter à 32 % la part des énergies renouvelables en 2030 ou de la rénovation de 500 000 logements par an.

Quant à la fiscalité écologique, elle est la grande absente du projet de loi de finances pour 2016. Chacun a en mémoire le fiasco de l’écotaxe, qui permet aux poids lourds de continuer à traverser la France sans avoir à payer et encourage la poursuite du développement du transport routier, ce qui va à l’encontre des objectifs affichés. Par ailleurs, certaines questions mériteraient de faire l’objet d’un débat approfondi : ainsi, l’alignement progressif de la taxation du diesel sur l’essence a été décidé sans qu’une réflexion soit menée sur les moteurs diesel de nouvelle génération – domaine dans lequel l’industrie française est pourtant en pointe – et la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) devrait encourager la valorisation, en particulier dans le traitement des déchets.

En résumé, cette mission budgétaire laisse à penser que l’engagement de l’État pour une croissance verte et de nouveaux modes de production relève de l’effet d’annonce et qu’il n’est, hélas ! Pas suivi d’effets, faute de moyens.

M. Jean-Jacques Cottel. Les programmes qui composent la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sont assez révélateurs de la diversité des sujets relevant de l’écologie. De fait, la transition énergétique est un objectif transversal, et l’on en trouve la traduction dans les crédits de cette mission, puisque 2016 sera la première année post-loi de transition énergétique, laquelle a été votée et promulguée au cours de l’été dernier. Je m’attacherai donc à mettre en exergue les moyens alloués à la bonne application des dispositions de cette loi et au respect de ses objectifs, non sans avoir précisé d’emblée que le grand ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’échappe pas à l’effort de redressement budgétaire de notre pays, ses crédits s’établissant, pour 2016, à 6,49 milliards d’euros, soit une baisse de 1,5 point par rapport à 2015.

Il convient cependant de rappeler que les crédits de la mission sont complétés par divers dispositifs : PIA, CITE, éco-prêt à taux zéro, certificats d’économie d’énergie (CEE), aides et subventions en direction des entreprises, des collectivités locales et des citoyens – via notamment les aides de l’ANAH –, prêts « verts » de la Caisse des dépôts et de la BPI et aides aux projets territoriaux en faveur de l’économie circulaire : je pense aux labels « Territoire à énergie positive » (TEPos) et aux projets « zéro gaspillage, zéro déchet » qui me sont particulièrement chers et qui sont très bien reçus dans nos territoires. L’ensemble de ces dispositifs participent, c’est évident, à la transition écologique puisqu’ils permettent d’améliorer concrètement la vie quotidienne de nos concitoyens tout en protégeant mieux notre planète.

Mes premières questions, madame la ministre, ont trait à la transition énergétique appliquée au logement. Quelles perspectives d’action définir pour respecter l’ambitieux objectif que constituent la couverture, d’ici à 2050, de 100 % du parc bâti immobilier en bâtiments à basse consommation et le traitement prioritaire des « passoires énergétiques » d’ici à 2030 ? Pouvez-vous nous dire un mot de la répartition et de la pérennité du Fonds de transition énergétique ? Est-il possible de revoir la clé de répartition des crédits de l’ANAH en tenant compte des situations géographiques, urbaines et sociales des régions ?

J’en viens maintenant aux différents programmes de la mission. On retrouve, dans le volet « Affaires maritimes » du programme 205, la priorité donnée à la sécurité maritime, à une formation maritime de qualité et à une meilleure protection de l’environnement.

Météo France, qui relève du programme 170, devra poursuivre ses efforts de rationalisation tout en améliorant son efficacité.

Le programme 113, relatif à la biodiversité, couvre des domaines dans lesquels la France a pris des engagements sur la scène européenne et internationale mais aussi au plan national. Ses priorités sont au nombre de trois : la préservation et la gestion des paysages et des sites remarquables ; la protection des espaces naturels terrestres et maritimes et des ressources ; la préservation, la restauration, le renforcement et la valorisation de la biodiversité. On constate une légère augmentation des crédits de ce programme afin de poursuivre l’action menée dans les domaines de la biodiversité, de l’eau et des paysages.

Le programme 181, relatif à la prévention des risques, regroupe les actions destinées à financer un contrôle performant de la sûreté nucléaire et la réduction de l’impact des déchets et des produits sur les personnes et l’environnement. En ce qui concerne précisément la politique des déchets et les éco-organismes, il conviendrait que les metteurs sur le marché établis hors de France soient soumis aux obligations de la responsabilité élargie du producteur (REP) au même titre que les producteurs et vendeurs sur le marché intérieur. J’ai du reste déposé un amendement en ce sens.

Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est essentiel puisqu’il concerne notamment la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air.

Enfin, vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre, que je suis très attentif au projet de canal Seine-Nord Europe, qui est devenu réalité. La société de projet est attendue pour 2016 : il faudra veiller à ce que les collectivités locales concernées y soient convenablement représentées. Par ailleurs, il sera nécessaire d’anticiper les besoins des entreprises afin de les accompagner dans leurs embauches, en privilégiant les emplois locaux et d’insertion et en anticipant les formations à mettre en place dans les lycées et les organismes de formation avec le soutien de Pôle emploi.

En conclusion, le groupe SRC votera les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

M. Jean-Marie Sermier. Compte tenu des effets d’annonce permanents du Gouvernement sur l’écologie – encore récemment celle de l’augmentation du prix du gazole –, des ambitions très fortes de la loi de transition énergétique, qui tend à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, et de l’organisation en France, à partir du 30 novembre, de la COP21, qui va accueillir quatre-vingts chefs d’État et de gouvernement pour rechercher un accord mondial sur le climat, le groupe Les Républicains est extrêmement surpris de constater que le budget de la mission « Écologie » baissera encore en 2016. On a vraiment le sentiment que les actes ne sont pas conformes aux discours.

En effet, les crédits de la mission « Écologie » baisseront de 65 millions d’euros entre 2016 et 2015. Ce n’est pas la première fois : ils avaient déjà baissé de 2 % l’an dernier et de 6,5 % l’année précédente.

Alors que les crédits des infrastructures de transport diminuent singulièrement, la biodiversité pourrait apparaître sauvegardée, puisque c’est le seul programme de la mission qui progresse. Or c’est précisément dans ce domaine que le Gouvernement prend du retard. La navette parlementaire de la loi relative à la biodiversité n’en finit pas : l’Assemblée nationale a adopté le texte en mars 2015 et nous sommes toujours en attente de son retour du Sénat.

Mesure phare de ce projet de loi, la création de l’Agence française de la biodiversité. Or ce nouvel établissement, qui veut être à la biodiversité ce que l’ADEME est à l’énergie, avec des missions de sensibilisation, de formation, de recherche et surtout de participation aux projets de restauration des milieux naturels, n’avance pas.

Autant ces objectifs sont louables, autant l’état d’esprit dans lequel l’agence est créée n’est pas bon. Quelques idéologues cherchent à opposer entre eux les acteurs de la biodiversité. Nier l’apport des chasseurs à la régulation de la faune sauvage ou exclure les agriculteurs du conseil d’administration de l’agence, autant de provocations qui relèvent de la posture idéologique plutôt que de la recherche d’un équilibre intelligent, au service de la biodiversité.

Autre point que je veux souligner : la baisse du programme « Prévention des risques », de 20 millions d’euros. Là encore, c’est un mauvais signal quand on sait que les catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique se multiplient, y compris dans notre pays. Les inondations meurtrières qui ont eu lieu début octobre entre Mandelieu et Nice nous l’ont rappelé cruellement.

Enfin, se pose la question du financement du plan de rénovation thermique des logements prévu dans la loi de transition énergétique. L’objectif annoncé de 500 000 logements par an d’ici 2017 nécessite de se doter de vrais moyens d’action. Personne ne croit qu’une timide augmentation du crédit d’impôt constituera un levier significatif et incitera massivement les ménages à engager des travaux à leur domicile.

En résumé, des crédits pour la biodiversité progressent alors que les orientations de l’État dans ce domaine ne sont pas stabilisées, un mauvais signal adressé en matière de prévention des risques et l’absence de moyens significatifs pour parvenir à l’objectif de rénovation thermique des logements : le groupe Les Républicains voit dans tout cela un décalage entre la communication du Gouvernement et la réalité de son action. Fixer des objectifs ambitieux, hors d’atteinte, souvent idéologiques, sans se donner les moyens de les satisfaire, n’est pas une méthode acceptable. Nous croyons pour notre part à une autre vision de l’écologie. Pour nous, l’écologie ne doit pas être punitive, elle doit préserver la compétitivité de nos entreprises, l’emploi des Français, le pouvoir d’achat des familles et l’indépendance énergétique de notre pays.

M. Bertrand Pancher. Plus les résultats sont mauvais, madame la ministre, plus votre autosatisfaction est immense… Étonnant ! Transports, logement, énergies renouvelables, maintenant biodiversité : tous les indicateurs sont au rouge, et vraiment au rouge : jamais on n’a fait aussi mal !

Une nouvelle fois, votre budget est en baisse importante : moins 1,6 % par rapport à 2015. Depuis 2012, il n’a cessé de diminuer de façon substantielle. Est-il nécessaire de rappeler que le budget pour 2015 avait connu une coupe budgétaire de l’ordre de 5,6 % et celui pour 2014 de l’ordre de 4 % ?

Au fond, ce budget pour 2016 est révélateur de la politique menée par le Gouvernement depuis le début du quinquennat dans le domaine environnemental : on privilégie l’affichage politique au détriment du pragmatisme et de l’action.

À quelques semaines de la COP21, comment pourrions-nous espérer être crédibles et pousser des pays à signer un accord quand nous ne sommes pas capables d’afficher les moyens financiers nécessaires à l’échelle nationale ?

Cette baisse est d’autant plus incompréhensible lorsqu’on sait que le budget consacré à l’aide au développement est également en chute libre.

Ou sont donc passées les priorités du Gouvernement ?

Si François Hollande est passé maître dans l’art de faire de belles déclarations sur la protection de l’environnement ou sur la solidarité internationale, ce budget illustre une énième contradiction d’une majorité qui n’aura pas réussi à rendre ce quinquennat résolument vert.

Outre une baisse substantielle des crédits, le ministère de l’écologie reste un des ministères les plus impactés par la perte d’emplois. Plus de 700 postes devraient être supprimés, majoritairement situés au sein des services territoriaux.

Vous avez dit assumer ce budget en rappelant qu’il fallait « faire des économies », n’hésitant pas à dire que, finalement, vous donniez l’exemple « en faisant plus avec moins d’argent public ». Cette déclaration, pour le moins audacieuse, est intéressante, car si elle se révélait juste, nous ne pourrions que vous suivre.

Cependant, je m’interroge car je reste persuadé que le problème majeur du Gouvernement est d’être en constant décalage entre ses annonces et les moyens qu’il met en place.

Ainsi, la loi relative à la transition énergétique a permis la création d’un fonds spécial de financement de la transition énergétique, doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Or comment ce fonds est-il concrètement abondé, si ce n’est par la reconduction de moyens actuels ?

L’annonce du doublement du fonds chaleur, géré par l’ADEME, d’ici à 2017 nous laisse également perplexes. Les crédits supplémentaires devant être apportés par le fonds de financement de la transition énergétique, nous n’avons aucune visibilité sur ce point.

Pire, le budget pour 2016 prévoit un prélèvement de 90 millions d’euros sur le fonds de roulement de l’ADEME ! Cela fait beaucoup… On pourra relever que le fonds chaleur n’est pas consommé, mais l’argument est quand même un peu court : si l’on élargit les critères, ce fonds sera forcément consommé.

L’abandon de l’écotaxe laisse des traces indélébiles sur le budget de l’AFITF, tout comme votre obstination à ne rechercher aucune autre ressource – j’y reviendrai plus précisément dans la seconde partie de l’examen du budget. Par quel coup de baguette magique allez-vous financer tout ce que vous avez promis ou qu’allez-vous définitivement abandonner dans ce domaine ? Tout le monde se pose la question dans les territoires…

Si ce budget est clairement aux antipodes des enjeux qui nous attendent, je tiens néanmoins à saluer le maintien des crédits alloués à la préservation de la biodiversité.

Cependant, la création de nombreuses instances est-elle prise en compte ? Je pense notamment au fonctionnement de la future Agence française pour la biodiversité, qui doit être correctement appréhendé – si la loi est votée un jour.

Malheureusement, cette bonne nouvelle est contrebalancée par la ponction exorbitante exercée sur les agences de l’eau, qui subissent un prélèvement de 175 millions d’euros. Le prix de l’eau explose dans nos territoires, et ce n’est pas la faute des collectivités.

Par ailleurs, madame la ministre, je souhaiterais vous interroger à nouveau sur le projet Cigéo. Dans le bleu budgétaire, il est mentionné sa mise en œuvre par l’ANDRA. Or il est toujours au point mort. On a pourtant investi plus de 1 milliard d’euros dans la recherche : il est vrai que quand on voit les conditions d’abandon de l’écotaxe, on n’est plus à un milliard près ! Quand tout cela va-t-il vraiment démarrer ?

Ce budget est donc loin d’être satisfaisant, surtout lorsqu’on sait que la France est le pays hôte de la COP21, celui censé faciliter les négociations pour parvenir, je l’espère, à un accord international contraignant. On n’y est toujours pas. Ces choix sont incompréhensibles quand on connaît la position de la France sur la scène internationale.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI s’opposera à ce budget.

Mme Laurence Abeille. Les écologistes ne peuvent que regretter la baisse du budget 2 016 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »,

Cette baisse est de 8,6 % en autorisations d’engagement et de 6 % en crédits de paiement par rapport au budget 2014, avec la suppression de 920 postes. Si on retire le programme d’investissement d’avenir et les fonds de pension, la baisse est toujours de 1,5 %.

Mais surtout, si l’on tient compte de la hausse des prix de 1 % et d’une croissance en volume de la production de richesses de 1,5 % – chiffres prévus par le Gouvernement pour l’an prochain –, il manque en fait 256 millions au budget de l’écologie pour que la part du PIB consacrée à ce secteur reste constante entre 2015 et 2016. Cela fait beaucoup !

Et ces baisses sont récurrentes ; on avait déjà noté des baisses similaires les années précédentes : moins 5 % en 2015 par rapport à 2014, moins 7 % en 2014 par rapport à 2013 et moins 8,8 % en 2013 par rapport à 2012… Soit une baisse totale d’environ 2,3 milliards d’euros depuis 2012 !

Pourtant, la France s’est donné des objectifs ambitieux, votés récemment dans le cadre de la loi de transition énergétique. Ils sont le fruit d’un long travail : diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, porter à 32 % les énergies renouvelables en 2030, diviser par deux la consommation d’énergie d’ici à 2050, ramener à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire.

Peut-on tenir de tels objectifs avec un budget en baisse ? La transition écologique et énergétique de notre société ne nécessite-t-elle pas d’y mettre les moyens ? À quelques semaines du rendez-vous crucial pour notre avenir qu’est la COP21, la France doit être au rendez-vous de ses ambitions.

Or, au sein de cette mission, presque tous les programmes subissent une baisse des crédits. Le programme « Prévention des risques » est en baisse de 8,2 %, alors qu’il doit faire face à un accroissement des exigences communautaires et à la multiplicité des conventions internationales. Certes, l’action n° 8 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » voit son budget augmenter légèrement – + 1,25 % –, ce qui paraît essentiel pour faire face aux nouvelles obligations de sûreté à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Je me réjouis de la légère hausse du budget du programme 113 sur la préservation de la biodiversité. Des interrogations demeurent pourtant au sujet de l’Agence française pour la biodiversité : si les subventions allouées à ce programme tiennent compte de la mise en œuvre des dispositions relatives au statut des agents, le projet de loi sur la biodiversité qui doit créer cette agence est en effet toujours bloqué en première lecture au Sénat. Il est désormais urgent que cette agence voie le jour courant 216 et que la loi sur la biodiversité soit enfin mise à l’ordre du jour de nos assemblées. La préservation de la biodiversité est une priorité pour les écologistes et doit en être une pour le Gouvernement.

Mieux préserver la biodiversité ne passe certes pas uniquement par une augmentation des dépenses. Nous savons que de nombreuses mesures fiscales ont un impact néfaste sur l’environnement et la biodiversité, ce qu’a bien mis en avant Guillaume Sainteny dans un rapport publié il y a quelques années. Ses préconisations n’ont malheureusement pas été suivies par le Gouvernement et nous continuons à entretenir des niches fiscales qui nuisent à notre biodiversité et à l’environnement. Je pense notamment à l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont bénéficient les navires qui pratiquent une pêche industrielle ou ceux qui pratiquent le chalutage en eaux profondes, à la fiscalité allégée sur le kérosène dans l’aviation, ou à la fiscalité foncière qui favorise l’étalement urbain sans prendre en compte les conséquences de l’artificialisation des sols. Les écologistes plaident depuis des années pour que l’impact des décisions publiques sur la biodiversité et l’environnement soit systématiquement pris en considération.

En outre, le programme 174 sur la mise en œuvre de notre politique énergétique connaît une baisse de près de 8 % sur l’année 2016 par rapport à 2015. Il bénéficie en revanche de fortes augmentations des dépenses fiscales, ce que les écologistes notent avec une grande satisfaction. Le montant total de ces dépenses connaît une augmentation de 28 % entre 2015 et 2016, notamment du fait de l’accroissement de plus de 50 % des dépenses fiscales liées au crédit d’impôt transition énergétique (CITE). Le doublement du CITE s’accompagne en plus du début de l’abondement du fonds de transition énergétique de 1,5 milliard. Finalement, les moyens alloués à la transition énergétique en sortent renforcés.

En revanche, les écologistes s’inquiètent de la nouvelle baisse du budget de l’ADEME. Or il est primordial que cette agence, bras armé de la transition énergétique dans les territoires, conserve les moyens de son action.

M. Joël Giraud. Huit missions, quarante-huit actions, un bleu de 456 pages : si j’étais un peu plus jeune, je dirais que les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », c’est du lourd ! Il n'est pas besoin de rappeler ici l'importance de l'ensemble des politiques sectorielles concernées, à l'heure où nous sommes à quelques encablures de la COP21 que nous allons accueillir.

Globalement, les crédits alloués au ministère connaissent une légère baisse, comme c'est le cas de l'immense majorité des missions. Chacun doit prendre sa part dans l'effort de redressement de nos comptes publics. Le cadre de la contrainte budgétaire est fixé, les crédits de cette mission sont cohérents avec la politique d'ensemble. Nous devons être imaginatifs pour maintenir des priorités stratégiques et contrôler habilement la diminution des crédits. Le Gouvernement a choisi de faire des économies là où elles sont nécessaires, d'en trouver là où elles sont possibles et de préserver un cap sur les actions prioritaires.

À ce titre, je relève une heureuse nouvelle qui fera plaisir à mon collègue Paul Giacobbi, président de l'Agence des aires marines protégées, composante principale de la future Agence française pour la biodiversité : les crédits de l'action 13 du programme 217, qui concerne les personnels œuvrant pour les politiques du programme 113 « Paysages, eau, biodiversité », sont en hausse d'environ 20 millions d'euros.

Enfin, après une saignée, la stabilité des ressources affectées des agences de l’eau à 2,3 milliards en 2016 est une nouvelle rassurante. L'ADEME échappe aussi au coup de rabot et garde ses 590 millions d'euros de capacités d'engagement. Cela étant, compte tenu de la montée en charge de ses missions, c'est un maintien de crédits un peu en trompe-l'œil.

Plus largement, la préservation ou une baisse infime de certains crédits montrent que les priorités sont sanctuarisées cette année, notamment s’agissant des politiques en faveur de la qualité de l'air, de la sûreté nucléaire, du climat, et de l'énergie. Le groupe RRDP votera donc les crédits de cette mission.

Je ne déposerai pas d’amendement cette année sur les parcs nationaux car les répartitions qui ont été faites en leur faveur, qui prennent en compte parfaitement la notion d’adhésion des collectivités territoriales, ont été bien respectées : nous sommes arrivés à un équilibre satisfaisant.

Je n’en déposerai pas non plus sur l’irrigation en montagne puisque vous avez bien voulu, madame la ministre, me confier une mission sur le sujet – je vous en remercie. Dans les conclusions du rapport de cette mission, il n’y a qu’une mesure à caractère législatif, concernant les fontaines patrimoniales dans les zones de montagne n’ayant pas de problème particulier d’alimentation en eau : elle fait l’objet d’un amendement qui sera examiné dans le cadre des articles non rattachés. Comme vous l’avez validée, de même que le Premier ministre dans le cadre du Conseil national de la montagne, je me permets de la signaler à votre bienveillante attention.

Au-delà de cette mission, je souhaiterais évoquer celle, voisine, relative aux collectivités territoriales, notamment les problèmes de dotation globale de fonctionnement (DGF) liés à la biodiversité et aux aménités positives. Dans le projet de réforme de la DGF, la question des parcs nationaux a été traitée de façon insuffisante : pourquoi ? Le critère de superficie, jusqu’à présent utilisé, est censé ne plus entrer en ligne de compte ; pour les parcs nationaux, c'est lui qui déterminait la répartition d’une dotation particulière. La loi de 2006 prévoyait un véritable pacte entre les parcs nationaux et leurs territoires. J’aimerais que nous puissions retrouver cet équilibre, car beaucoup de collectivités seraient frustrées de voir que les engagements de 2006 ne sont pas tenus à l’occasion d’un projet de loi modifiant la DGF.

De façon plus générale, dans de plus en plus de pays d’Europe, en Europe du Nord comme en Italie, l’ensemble des aménités positives – les éclairages raisonnés dans les collectivités, les mètres carrés réservés pour les surfaces agricoles, les zones Natura 2000 ou les parcs naturels régionaux –, qui sont importantes pour la nation, font partie des éléments structurants des dotations en faveur des collectivités. Je souhaiterais que votre ministère puisse jouer un rôle d’influence en ce sens.

M. le président Gilles Carrez. Nous en en venons aux questions des orateurs inscrits.

Mme Geneviève Gaillard. Madame la ministre, j’ai remarqué une légère augmentation du programme 113, qui a trait notamment à la biodiversité et à l’eau. Mais la diminution de la biodiversité est plus rapide que l’augmentation du budget nécessaire pour amplifier les actions destinées à la reconquérir… Cela me gêne un peu : les services rendus par la biodiversité nous sont indispensables si nous voulons continuer à vivre convenablement. Il aurait fallu donner un coup de pouce plus important pour la mettre au cœur de nos préoccupations.

Votre ministère, avez-vous dit, participe au redressement des comptes publics ; à terme, on pourrait baisser l’impôt pour nos concitoyens. Or la suppression de l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti dans les zones Natura 2000 va augmenter les impôts pour certains de nos concitoyens, ce qui est incohérent et néfaste pour les zones à protéger, comme les zones humides. Dans le Marais poitevin, cela aura pour effet de faire revenir des prairies à la culture du maïs, ce qui ne va pas dans le bon sens.

Enfin, on aurait peut-être mieux fait de regarder plus précisément le rapport Sainteny, qui a pointé l’importance des mesures fiscales néfastes à l’environnement et la biodiversité. Où en est-on sur ce point ? Quand allons-nous enfin mettre en place un système permettant de revenir sur cette fiscalité ?

M. François Rochebloine. Madame la ministre, j'avais souhaité vous interroger l’an dernier sur la politique du paysage et vous m'aviez alors fait part de votre souci de veiller à ce que l'on soit plus exigeant quant à la qualité des études d'impact réalisées préalablement à l'implantation d'éoliennes industrielles. J'en avais pris note avec satisfaction.

Or nous assistons depuis quelques mois à une multiplication de projets éoliens portés soit par des collectivités locales, soit par des groupes industriels, sur des territoires classés en parc naturel régional (PNR).

Rappelons que les chartes de territoire ont prévu de longue date une sensibilisation des habitants au paysage ; des mesures contraignantes, notamment en termes d'urbanisme, furent instaurées pour préserver la qualité des paysages : suppression de lignes à haute tension, enfouissement de lignes, limitation de la construction, interdiction de circulation de véhicules à moteur, etc.


Les projets éoliens en cause concernent de surcroît des zones de crêtes, ce qui rend les machines d’autant plus visibles. Des pylônes de 150 mètres, perchés sur les sommets ardéchois, de la Loire ou du Puy-de-Dôme à plus de 1 000 mètres, voire 1 200 mètres d'altitude, sont visibles de très loin, sans parler du déboisement, ou d'autres inconvénients pour le tourisme, et des nuisances pour les riverains.

Les rendements annoncés sont très incertains – moins de 20 % –, surtout dans des régions où les vents sont très irréguliers Tout cela donne l'impression que notre pays poursuit un développement anarchique de petits champs éoliens sans véritable réflexion préalable.

L'argument des retombées financières – subventions de l'éolien – pour des communes rurales à la recherche de financement l'emporte souvent au détriment d'autres arguments plus qualitatifs.

Un véritable dilemme existe dans les parcs naturels régionaux, où l'on consacre depuis des années des moyens pour la préservation des paysages et de l'environnement. Comment ne pas relever une contradiction ? Si on installe ces éoliennes, il faut alors renoncer au classement en PNR. J’aimerais avoir votre avis sur ce point.

M. Régis Juanico. Madame la ministre, vous étiez présente le 10 octobre dernier à Saint-Étienne pour l’inauguration du stade Geoffroy-Guichard rénové. À cette occasion, vous avez souligné que « le Chaudron », équipement sportif à énergie positive, était une référence en termes de développement durable : panneaux photovoltaïques, isolation thermique performante, pompe à chaleur pour le chauffage et le rafraîchissement des espaces de réception, achat d’électricité verte pour 50 % des besoins de l’enceinte, récupération des déchets alimentaires et de la tonte de la pelouse pour une plateforme de compostage, mais aussi mise en place d’une filière de production de biodiesel à partir d’huiles alimentaires usagées pour l’éclairage du stade dès les matchs de l’Euro 2016 en juin prochain. C’est d’ailleurs une très petite entreprise (TPE) stéphanoise, Greencup, qui a été choisie par l’UEFA comme l’un des prestataires pour approvisionner en gobelets recyclables quatre des dix stades de l’Euro 2016, en signant sur place deux conventions avec l’agglomération – une convention territoire à énergie positive et une convention « ville respirable » – pour un total de 3 millions d’euros.

Vous avez montré que l’État était au rendez-vous des investissements d’avenir en matière d’environnement et annoncé par ailleurs une aide de l’État pour le financement de la troisième ligne de tramway à Saint-Étienne, dont les travaux devraient commencer en 2017 et desservir le stade Geoffroy-Guichard. Pouvez-vous préciser quels types d’aides financières pourraient être mobilisés et pour quel montant ?

M. Ibrahim Aboubacar. Vous avez dit l’importance que vous accordiez à la dimension océanique du changement climatique, eu égard à l’importance de la zone maritime de notre pays, qui est devenue la première du monde, notamment grâce à l’ensemble des territoires d’outre-mer. La Délégation aux outre-mer de notre assemblée a fait un travail approfondi sur les changements climatiques dans ces territoires et nous avons remis hier après-midi les conclusions de nos travaux, dont j’étais l’un des trois rapporteurs, à la ministre chargée des outre-mer. Nous avons souligné nos atouts tant en termes de recherche, de connaissances que de solutions développées à partir de nos territoires – il y en a de nombreux exemples. Compte tenu de l’importance de nos outre-mer, qui confèrent à notre pays une responsabilité particulière mondiale, tant en termes de biodiversité que de connaissance de ce phénomène sur les changements climatiques, et de la vulnérabilité particulière de ces territoires, qui sont pour la plupart des îles, de quelle manière l’État intègre-t-il ceux-ci dans la stratégie nationale sur le changement climatique ?

M. Hervé Mariton. J’ai parfois du mal à comprendre, compte tenu des caractéristiques des moteurs, votre politique sur les véhicules diesel et à essence. Sont régulièrement publiés des comparatifs établissant qu’à véhicules comparables, les moteurs diesel modernes émettent significativement moins de CO2 que les moteurs à essence. La différence d’émission de CO2 pour 100 kilomètres serait de l’ordre de 15 %. Comment l’évolution de la fiscalité dont vous vous flattez est-elle dès lors justifiée ? En d’autres termes, ces comparatifs sont-ils ou non exacts ?

M. Jean Grellier. Je voudrais saluer la signature récente des arrêtés concernant l’évolution des prix de rachat d’électricité pour les unités de méthanisation actuellement en production. Cette évolution fait suite aux discussions qui ont eu lieu avec les différents acteurs de la filière et concernent les installations utilisant en particulier les ressources d’origine agricole, pionnières dans ce domaine. Parallèlement, des décisions d’exonération de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ont été inscrites à l’article 7 du PLF 2016 pour ces installations, complétant celles prises dans le PLF 2015 pour les nouvelles installations. Elles viennent conforter le soutien nécessaire aux installations en fonctionnement et vont permettre d’en assurer la pérennité économique.

Elles permettront aussi de relancer les projets de nouvelles unités dans nos différents territoires afin d’atteindre l’objectif de 1 000 à 1 500 méthaniseurs que vous avez fixé. Ces nouveaux projets devraient désormais s’inscrire dans le cadre d’une nouvelle procédure d’appel à projets, avec toujours le choix entre une production de cogénération électricité-chaleur, qui oblige à une optimisation de l’utilisation de la chaleur, et l’injection au gaz, actuellement plus rentable mais conditionnée par la présence de réseaux suffisants. Pouvez-vous nous faire part de votre position sur le développement de cette filière de méthanisation, à partir prioritairement de ressources d’origine agricole, et des actions que vous continuerez à mettre en œuvre pour la soutenir ?

M. Jean-Luc Laurent. Je suis très inquiet d’avoir lu récemment dans la presse que la Commission européenne mettrait la France en demeure de réviser ses choix dans le domaine de l’hydroélectricité et des dispositions prises à l’issue du rapport d’une mission parlementaire – longuement débattu au sein de la Commission des affaires économiques – et inscrites dans la loi de transition énergétique. Quelles informations pouvez-vous nous fournir sur ce sujet ? Y a-t-il d’autres demandes de la Commission européenne concernant nos structures de production de l’électricité ou ce qui fait le fleuron de l’industrie électrique française – je pense à EDF en tant qu’ensemblier ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je répondrai par écrit aux questions précédentes auxquelles je n’ai pu apporter de réponse.

Monsieur Cottel, pour atteindre les objectifs ambitieux en matière de transition énergétique dans le cadre de la rénovation des logements, qui sont très importants, nous mobilisons tous les leviers d’action, que ce soit le crédit d’impôt, l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), mais aussi le développement du tiers financement – puisque la loi de transition énergétique a permis la création de sociétés dans ce domaine – ou le conseil gratuit de proximité avec le déploiement du service public de l’efficacité énergétique et le réseau des plateformes d’information, qui monte en puissance sur le territoire. Nous avons également des actions incitatives menées par l’ADEME, comme celles en faveur des familles à énergie positive, dont le bilan est extraordinaire – une famille peut en moyenne baisser de 20 % sa facture en étant bien informée des moyens de réduire sa consommation. Ce potentiel de citoyenneté énergétique ne fera que s’accentuer avec le déploiement des compteurs intelligents, qui donneront au consommateur à nouveau une maîtrise sur ces consommations d’énergie.

Nous avons aussi des actions réglementaires nouvelles, prévues dans la loi de transition énergétique, comme le décret relatif au tertiaire, le dispositif sur les travaux embarqués, des actions en faveur du développement d’une offre innovante de qualité et moins chère, comme l’appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME avec le plan des investissements d’avenir, l’écoconditionnalité des aides et la mobilisation des territoires – grâce aux 250 millions d’euros dévolus aux territoires à énergie positive pour la croissance verte, auxquels vient s’ajouter la ligne de crédits ouverte à la Caisse des dépôts et consignations, de 5 milliards d’euros, pour les collectivités locales rénovant les bâtiments communaux. Il y a aussi 1 milliard d’euros prévu par la Banque européenne d’investissement (BEI), permettant aux départements de faire des travaux d’isolation dans les collèges.

Nous avons donc un panorama de leviers et d’aides bien ciblés et opérationnels, qui doivent permettre aux opérateurs publics et privés et aux citoyens de s’engager pour donner du travail aux entreprises et aux artisans du bâtiment dans le secteur des économies d’énergie.

La clé de répartition ses crédits de l’ANAH tient déjà compte des situations géographiques ainsi que des opérations programmées, contractualisées entre l’État, l’agence et les collectivités. Cela rencontre un grand succès puisque les crédits ont été rapidement consommés et nous avons tous dans les territoires des exemples d’opérations de l’ANAH attendant des crédits complémentaires. L’objectif 2016 est maintenu à 50 000 logements sur le programme « Habiter mieux » pour lutter contre la précarité énergétique et un éco-PTZ spécifique sera développé pour faciliter le préfinancement des opérations subventionnées dans le cadre de ce programme. Par ailleurs, la loi de transition énergétique a créé les certificats d’économie d’énergie précarité, qui vont donner plus de moyens à l’ANAH – les textes d’application sont en cours de rédaction.

S’agissant du canal Seine-Nord Europe, sur la base des conclusions de la mission administrative, le Gouvernement doit créer par ordonnance dans un délai de neuf mois une société dont l’objet principal est la réalisation du canal. Le rapport de Rémi Pauvros a été remis le 5 mai dernier et ses grandes lignes d’application ont été précisées avec, notamment, le directeur général des voies navigables de France, qui est chargé de la préfiguration de la société de projet de cet ouvrage et constituera un interlocuteur privilégié et régulier des représentants des collectivités territoriales.

Concernant la fiscalité des déchets, objet de la question de M. Carvalho, le Gouvernement y travaille sur la base du rapport remis par le comité sur la fiscalité écologique, pour la rendre plus incitative et mieux encourager leur recyclage. Mais je dois aussi prendre en compte un avis du Conseil constitutionnel de mi-septembre sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) déchets, qui estime que les modulations de celle-ci peuvent présenter des risques d’inconstitutionnalité. Nous sommes en train de travailler avec l’administration fiscale pour construire un dispositif robuste.

M. Sermier s'est inquiété du retard pris par le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Je tiens à le rassurer puisque ce texte va être inscrit à l’ordre du jour du Sénat en début d’année. C’est précisément l’augmentation des crédits, qu’il a soulignée, qui permet d’anticiper la mise en place de l’Agence française pour la biodiversité. En outre, les crédits affectés à la prévention des risques sont maintenus.

Enfin, je le remercie pour son adhésion à l’écologie non punitive dont j’ai fait ma ligne d’action.

Avec le sens de la nuance qui vous caractérise, monsieur Pancher, vous demandez au Gouvernement de faire des économies. Aujourd’hui, vous vous en plaignez et vous réclamez des dépenses supplémentaires. Je me permets de souligner cette petite incohérence…

Le fonds de transition énergétique pour la croissance verte est doté de la façon suivante : trois fois 250 millions d’euros sur trois années, qui proviennent des dividendes du secteur de l’énergie et qui transitent par la Caisse des dépôts, opérateur des financements des contrats de territoire pour la transition énergétique. À cela s’ajoutent des financements par l’intermédiaire des certificats d’économie d’énergie et des financements issus du Programme d’investissements d’avenir. Cette ingénierie financière permet, par des circuits courts, d’alimenter très directement les actions des collectivités territoriales.

Malgré vos critiques virulentes, monsieur Pancher, je note avec grand intérêt que la circonscription dont vous êtes l’élu a fait acte de candidature pour être un territoire à énergie positive pour la croissance verte. C’est un hommage rendu à l’action de celle qui est devant vous ! Le Pays barrois a déposé un dossier et un projet tout à fait intéressants. Vous allez être lauréat des territoires à énergie positive pour la croissance verte et je me ferai un plaisir de signer avec vous ce contrat de territoire et de vous faire bénéficier d’une enveloppe de 500 000 euros pour financer vos travaux. J’ose espérer qu’à l’avenir, vous direz un peu de bien des actions qui sont conduites et dont vous méritez les financements. Je viendrai volontiers le signer moi-même à Bar-le-Duc, si vous m’invitez. 

M. Hervé Mariton. Vous n’allez tout de même pas acheter son silence !

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En ce qui concerne SIGEO, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) avance sur l’avant-projet sommaire et passera sous peu au projet détaillé. Puis il y aura le dossier d’option de sûreté et le dossier d’autorisation de création, qui est prévu pour la période 2017-2018.

Votre affirmation concernant la baisse des crédits sur les infrastructures est totalement inexacte. Les crédits de l’AFITF s’élèvent à 1,8 milliard d’euros en 2015, contre 1,9 milliard d’euros en 2016. L’abandon de l’écotaxe, je veux le souligner, a fait progresser les recettes de l’AFITF. Auparavant, avec le système d’écotaxe, les recettes s’élevaient à 1 milliard d’euros, moins 250 millions d’euros de frais de fonctionnement et de versement de dividendes à la société Ecomouv’, ce qui fait 750 millions d’euros, alors qu’avec la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), les recettes d’élèvent à 1,1 milliard d’euros, moins les 95 millions d’euros d’indemnités annuelles d’Ecomouv’, ce qui fait 1 milliard d’euros de recettes nettes. Elles sont bel et bien supérieures à ce qu’aurait rapporté l’écotaxe.

Madame Abeille, vous déplorez, vous aussi, la baisse du budget. Cette baisse est assumée, car c’est une contribution à la baisse de la fiscalité. À l’inverse, des dispositifs financiers efficaces et ciblés directement sur les particuliers, les territoires et les entreprises permettent d’augmenter globalement les moyens consacrés à la transition écologique et économique de 3 %.

Quant aux 8 % que vous évoquez, ils ne correspondent absolument pas aux chiffres. Le budget baisse en effet de 2 %, mais avec les dispositifs fiscaux, les subventions et les aides diverses, notamment le fonds de transition énergétique pour la croissance verte, les moyens augmentent de 3 %. C’est une mobilisation sans précédent, mais, je le répète, j’assume la baisse des moyens budgétaires dès lors que le financement de la transition énergétique est plus que compensé.

Madame Gaillard, vous vous êtes inquiétée de la disparition de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les zones humides. En réalité, ce dispositif n’a pas été beaucoup utilisé. C’est la raison pour laquelle il a été supprimé. Nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, afin de comprendre pourquoi il y a eu si peu de recours à ce dispositif et comment nous pouvons compenser par des aides financières proposées aux particuliers pour la protection des zones humides, notamment par les agences de l’eau. Nous devons avoir une vision globale de l’ensemble du dispositif.

Mme Abeille et Mme Gaillard ont également évoqué la question des subventions néfastes pour l’environnement. La suppression des crédits export charbon a été une décision difficile à faire passer pour certaines entreprises, mais nous avons réussi à les convaincre. La société ENGIE elle-même a décidé d’abandonner ses projets de construction de nouvelles centrales à charbon et de réorienter ses moyens d’investissement vers les énergies renouvelables. C’est un véritable tournant, y compris à l’échelle internationale : il faut préparer l’après-charbon et l’après-pétrole. Les investissements dans le secteur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables s’accélèrent, le marché mondial prend de la vitesse, ce qui doit pousser nos énergéticiens à investir prioritairement dans ces secteurs.

Monsieur Juanico, le projet de territoire sur l’ensemble de l’agglomération de Saint-Étienne est tout à fait remarquable. Nous avons signé le projet de territoire à énergie positive et le projet « villes respirables en cinq ans » à Saint-Étienne. L’État est au rendez-vous des investissements sur ces territoires.

Vous avez aussi beaucoup insisté pour que l’État aide à financer une troisième ligne de tramway. Je vous ai invité à regarder du côté des tramways de nouvelle génération, qui sont moins coûteux puisqu’il n’y a pas besoin d’emprise fixe au sol. Au titre de l’accompagnement du projet « Villes respirables en cinq ans », je suis intervenue auprès du commissariat aux investissements d’avenir pour obtenir une dérogation pour ce territoire afin que soit examiné ce projet dès lors qu’il présentera une dimension expérimentale et avant-gardiste qui pourrait par la suite être étendu à d’autres villes de même dimension.

Monsieur Aboubacar, vous avez longuement parlé du plan d’adaptation au changement climatique et des outre-mer en général. Les élus des outre-mer ont été très présents dans le débat sur la transition énergétique, d'abord parce qu’ils subissent très directement les effets du réchauffement climatique, avec l’accentuation des phénomènes climatiques extrêmes, la violence des cyclones et l’élévation du niveau de la mer qui menace directement la survie de ces régions insulaires. Cela étant, l’énergie solaire et l’énergie de la mer représentent pour les outre-mer un réel potentiel. L’autonomie énergétique est donc concevable pour ces territoires.

Nous sommes en train d’évaluer le Plan national d’adaptation au changement climatique qui comporte des actions spécifiques à l’outre-mer en termes de prévention, d’adaptation, d’autonomie énergétique, de prévention des submersions marines et d’alerte rapide des populations. Nous lui dédions un fonds grâce aux moyens de la Banque mondiale. Pendant la Conférence de Paris sur le climat, une attention particulière sera consacrée aux territoires insulaires pour répondre aux risques, mais aussi pour qu’ils se saisissent de tous leurs atouts, s’agissant notamment des solutions liées à la biodiversité. Ainsi, j’ai lancé, en Guadeloupe, le plan de reconquête et de replantation des mangroves qui permettent d’atténuer les effets des vagues et des submersions marines. D’autres propositions sont faites afin que nous puissions prendre ce problème à bras-le-corps.

Monsieur Mariton, l’évolution de la fiscalité en cours n’est pas liée aux émissions de CO2, mais aux émissions de particules et d’oxydes d’azote, qui sont bien supérieures pour le diesel que pour l’essence.

M. Hervé Mariton. Vous avez l’air bien sûre de vous !

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je suis heureuse de vous avoir manifestement appris quelque chose… Les motorisations diesel, même récentes, émettent beaucoup plus de particules et de NOx que les motorisations essence. Par conséquent, neutraliser la fiscalité est tout à fait nécessaire.

M. Hervé Mariton. Et les véhicules à injection ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. C’est la même chose pour les véhicules à injection.

Monsieur Grellier, nous avons lancé un appel à projet de 1 500 méthaniseurs. Pour avoir expérimenté la construction de méthaniseurs en région, j’ai été étonnée de constater la lenteur de la réalisation des projets par rapport à des pays voisins comme l’Allemagne. Nous sommes en train de simplifier les choses en mettant en place des permis uniques pour les méthaniseurs. Je viens de publier les tarifs de rachat d’énergie des méthaniseurs, qui devraient faciliter leur montée en puissance : les opérateurs industriels se sont du reste félicités de cette publication.

La taille du méthaniseur, le modèle économique et les ressources en matière première peuvent effectivement poser problème. Il ne doit être ni trop gros ni trop petit. La difficulté est de trouver la taille optimale. Lorsque le système est mal ciblé, cela pose des difficultés de réalisation.

S’agissant de l’hydroélectricité, monsieur Laurent, nous avons effectivement reçu une mise en demeure, la Commission entendant vérifier le respect des règles européennes en ce qui concerne la mise en concurrence. J’ai rencontré à plusieurs reprises la commissaire européenne qui s’occupe de cette question pour expliquer ce que nous avions fait dans la loi de transition énergétique, qui trouve un système économique original puisqu’on maintient des sociétés d’économie mixte avec une participation publique importante, mais avec un appel à la concurrence pour le reste. J’espère obtenir satisfaction sur ce point en plaidant activement – parce que je tiens, comme vous, au modèle français de l’hydroélectricité – pour que la solution que nous avons trouvée dans la loi de transition énergétique, certes unique en Europe, soit considérée comme conforme aux règles européennes.

Compte tenu de la créativité que nous avons montrée collectivement dans cette loi, j’espère pouvoir démontrer à la Commission européenne que nous respectons parfaitement les règles, tout en restant fidèles à notre histoire : le pays s’est en effet équipé en structures hydroélectriques de grande qualité, auxquelles nous tenons beaucoup.

En ce qui concerne les éoliennes, monsieur Rochebloine, l’objectif est de porter à 23 % la part des énergies renouvelables.

M. François Rochebloine. Mais dans les parcs ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Il faut en effet rendre compatible la protection de l’environnement et l’implantation des éoliennes.

M. François Rochebloine. De quelle manière ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Les appels à projet et les enquêtes publiques doivent permettre de trouver une juste conciliation.

M. François Rochebloine. Malheureusement, votre réponse ne me satisfait pas. Elle est en contradiction avec ce que vous avez dit l’année dernière. Vous préconisiez alors un meilleur environnement et le respect des paysages.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Nous allons faire un nouveau guide d’élaboration des études d’impact pour les éoliennes. Il faut trouver un juste milieu.

M. François Rochebloine. Pas dans les parcs classés !

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Il n’y a pas d’éoliennes dans les parcs, ou très peu. Je vais vous transmettre des éléments écrits sur le nouveau cahier des charges concernant les études d’impact des éoliennes par rapport au problème spécifique des parcs.

S’agissant de la DGF pour les communes situées en cœur de parc, monsieur Giraud, le projet de loi de finances fait évoluer les modalités de soutien particulier aux communes situées en cœur de parcs nationaux. Un abondement global de 3 millions d’euros sera réparti entre les communes suivant leur surface située en cœur de parc. À l’avenir, l’avantage consenti passe par la dotation de ruralité, avec un accès facilité à l’éligibilité et une modalité particulière de calcul de cette dotation pour les communes qui la renforcent. La plupart des parcs ont signé des contrats de territoire à énergie positive et les communes ont été bénéficiaires. J’ai veillé directement aux crédits affectés à la rénovation énergétique des bâtiments et de l’éclairage public, ainsi qu’à tous les projets souvent faits, dans ces communes, de façon anticipatrice puisqu’elles sont dans les parcs. Elles bénéficient, en plus, des aides particulières du fonds de transition énergétique pour la croissance verte.

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, je vous remercie.

Transports aériens, terrestres et fluviaux
pêche et affaires maritimes

M. le président Gilles Carrez. Nous poursuivons l’examen des crédits pour l’année 2016 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Je suis heureux d’accueillir M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche pour la seconde partie de cette commission élargie, consacrée aux transports aériens, terrestres et fluviaux, à la pêche et aux affaires maritimes.

M. le président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire souhaite-t-il prendre la parole ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Soucieux de réduire mon empreinte carbone, je laisserai la parole à mes rapporteurs pour avis. (Sourires.)

M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits des transports aériens et de la météorologie, et pour le budget annexe Contrôle et exploitation aériens. En 2016, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » confirme que l’activité de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) dégage un résultat positif, près de 200 millions d’euros, alors qu’elle a longtemps présenté une perte. C’est le signe d’une dynamique vertueuse de désendettement.

La DGAC diminuera son recours à l’emprunt, tout en investissant beaucoup pour réaliser le volet technologique du ciel unique européen. L’augmentation de l’autofinancement permet de diminuer son encours de dette à 1,117 milliard, soit une baisse de 107 millions d’euros. En conséquence, les charges financières baissent et cela améliore encore l’autofinancement. Ces bons résultats sont le fruit d’une stratégie de baisse des coûts de fonctionnement courant, ainsi que des effectifs. Parallèlement, les redevances aéronautiques restent à des niveaux modérés, bien inférieurs aux tarifs pratiqués par nos voisins.

Je m’en félicite et je souhaite saluer les efforts des personnels de la navigation aérienne, qui ont réalisé d’importants gains de productivité pour continuer à garantir la sécurité du transport, dans un contexte de croissance du trafic. Ils doivent en particulier faire face à des pointes de trafic rendues plus nombreuses et plus intenses par la massification du tourisme. Les vingt journées les plus chargées de l’histoire de la navigation aérienne française comptent onze jours en 2015 et six en 2014.

En conséquence, la DGAC va devoir adapter le rythme de travail des agents. Ce sera un des sujets de la négociation des prochains protocoles sociaux qui définiront les nouveaux efforts des personnels, ainsi que les contreparties. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous indiquer vos attentes en la matière ?

Concernant Météo France, 2016 verra l’aboutissement de la réorganisation territoriale de l’établissement, qui a permis de faire des économies. Mais, dans les années à venir, Météo France devra réaliser des investissements importants. Comment l’établissement pourra-t-il développer ses ressources propres, commerciales notamment, pour continuer à se moderniser ?

Mes autres questions concerneront la situation globale du transport aérien français.

Alors que le trafic aérien mondial a augmenté de 6,5 % l’an passé, avec 3,3 milliards de passagers, notre pays ne profite pas suffisamment de cette croissance. Certes, les commandes massives adressées à Airbus confortent notre industrie aéronautique, mais le transporteur Air France est dans une situation difficile. Or un pavillon français fort garantit une connectivité directe avec le monde : c’est un facteur d’attractivité du territoire. Nous reposer sur des transporteurs étrangers pour relier la France au reste du monde serait source de vulnérabilité pour notre pays, car nous pourrions perdre des connexions directes indispensables.

Le redressement d’Air France repose d’abord sur la compagnie elle-même. Depuis quatre ans, les personnels ont fait des efforts considérables pour améliorer la qualité de service et la satisfaction des clients, dans un contexte de baisse des effectifs. Mais les écarts de coûts restent élevés par rapport à nos principaux partenaires.

Des mesures d’économie, comme la suppression de lignes long-courriers déficitaires, ont été présentées en octobre – nous savons tous dans quel contexte. Ces mesures ne peuvent être que temporaires. Le redressement viendra d’une stratégie mobilisant toutes les catégories de personnels pour des efforts partagés. C’est l’enjeu du plan Perform 2020.

Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous préciser la position de l’État actionnaire pour veiller à ce qu’Air France donne toute sa place au dialogue social ?

Je souhaiterais également vous interroger sur le nouveau contrat de régulation économique qui lie Aéroports de Paris (ADP) à l’État. Ce contrat prévoit une hausse modérée des redevances aéroportuaires en contrepartie d’investissements importants. Mais la commission consultative aéroportuaire avait préconisé une baisse des redevances et une meilleure prise en compte des activités commerciales d’ADP pour alléger la charge globale.

Cette piste n’a pas été retenue, mais je relève que le contrat de régulation fixe des plafonds de hausse annuelle des redevances. Ces plafonds ne doivent pas obligatoirement être atteints. On peut donc espérer des allègements de redevance si le trafic croît plus vite que prévu. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer comment vous allez veiller à une mise en œuvre équilibrée de ce contrat ?

Enfin, une étude rendue publique par les compagnies américaines en début d’année montre, s’il en était besoin, que les transporteurs du Golfe sont massivement subventionnés. Air France est donc bien confrontée une concurrence qu’il est difficile de qualifier de loyale. L’Union européenne doit faire front commun pour fixer des règles de concurrence avec les compagnies du Golfe. C’est indispensable pour que le pavillon français bénéficie pleinement de la croissance des vols, notamment vers l’Asie.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous indiquer quel mandat de négociation vous souhaitez confier à la Commission européenne ?

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les transports routiers, fluviaux et maritimes, et pour le compte d’affectation spécial Aides à l’acquisition de véhicules propres. Le rapport spécial recouvre le programme 203 « Infrastructures et services de transport », le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », le programme 159 « Information géographique et cartographique » et les programmes 791 et 792 « Financement des aides à l’acquisition de véhicules propres ».

Le programme 203 est doté, pour 2016, de 3,21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une diminution de 0,5 % par rapport à 2015 ; autrement dit, l’effort semble maintenu. Nos interrogations portent sur l’évolution des fonds de concours, en baisse pour 2016, et qui concernent un certain nombre d’opérations inscrites dans les contrats de plan et dans les Programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI).

En ce qui concerne l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), nous sommes sortis d’un très mauvais pas, l’an dernier, à la suite de l’abandon de l’écotaxe et du contentieux qui pouvait naître avec Ecomouv’. L’État a trouvé une solution efficace, mais il faut tout de même trouver maintenant des ressources suffisantes et pérennes pour avoir une véritable soutenabilité financière des efforts d’investissement dans le domaine des transports. Je rappelle que l’AFITF a été créée il y a douze ans, en décembre 2003, et devait au départ percevoir le produit des péages des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Et comme par hasard, notre collègue Mariton, qui a été le rapporteur de l’opération de privatisation, a choisi ce moment pour quitter la salle…

Le budget d’intervention de l’AFITF sera d’environ 1,920 milliard d’euros.

S’agissant des prévisions de recettes en PLF 2016 du compte d’affectation spécial « Aides à l’acquisition de véhicules propres », la dotation augmente de 10 %. La situation financière a été assainie. Je tiens à féliciter l’Agence de services et de paiement, dont le siège est dans notre circonscription, pour l’efficacité dont elle a fait preuve pour lancer ces programmes.

Ayant entendu le dernier échange entre Mme Royal et M. Mariton, je rappelle que, dans l’agglomération de Limoges, au Centre européen de la céramique, des équipes de recherche travaillent depuis dix ans avec le Nagoya Institute of Technology pour mettre au point des filtres à particules en technologie céramique – n'oublions pas que Nagoya est le siège de Toyota. En réalité, quoi qu’en disent certains, les progrès dans le domaine des filtres à particules sont considérables.

Je me félicite de l’effort fait en direction des véhicules propres. Il faudra sans doute examiner les objectifs et accroître l’enveloppe du programme 792 concernant le retrait des véhicules les plus polluants. La dotation est de 30 millions d’euros, ce qui est peut-être un peu juste.

S’agissant de la biodiversité, la Cour des comptes s’interroge sur les annulations de crédits concernant la trame verte et bleue, Natura 2000 et la préservation de la biodiversité. Ce n’est pas un problème de volonté politique, mais de gestion des crédits. Il est parfois très difficile, dans le domaine de l’environnement, de mobiliser des maîtres d’ouvrage. Il faut souhaiter que la future Agence française pour la biodiversité, en évitant les doublons et le saupoudrage, puisse conduire plus vigoureusement les actions dans les domaines de l’eau, de la biodiversité et des paysages.

En ce qui concerne le programme 159 « Information géographique et cartographique », tout repose sur le problème des ressources propres de l’Institut national de l’information géographique et forestière, qui dépendent de facteurs exogènes difficiles à maîtriser. Certes, on peut attendre de la part des gestionnaires de réseaux et du ministère de la défense des commandes importantes ou des prestations de haut niveau, mais la gratuité générale de l’accès aux données publiques et la redéfinition du périmètre des régions rendent ces recettes incertaines. C’est la raison pour laquelle l’effort de l’État, maintenu par rapport à l’an dernier, doit être envisagé dans l’avenir au même niveau.

M. Olivier Faure, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, et les services nationaux de transport conventionné de voyageurs. La France accueillera, le 30 novembre prochain, la COP21. L’enjeu est de limiter l’augmentation de la température à deux degrés d’ici à la fin du siècle. Les transports publics ne représentant que 1 % du total des émissions de dioxyde de carbone produits en agglomération, la démonstration n’est plus à faire : il faut développer les transports collectifs.

Permettez-moi une considération, liée au débat actuel sur le code du travail.

Le législateur s’est beaucoup intéressé, au cours du XXe siècle, à la relation au travail, et il a eu raison. Je ne vous propose pas de rajouter quelques pages supplémentaires au code du travail, mais de prendre en considération une réalité devenue quotidienne pour de nombreux salariés, pour lesquels, avant ou après le travail, il y a le temps passé dans les transports. Il m’arrive trop souvent de rencontrer des salariés pour lesquels le temps de trajet est devenu équivalent au temps de travail !

C’est dire l’importance que nous devons accorder à cette mission pour assurer sécurité, régularité, ponctualité, accessibilité et confort minimum aux Français. C’est la condition d’une réduction drastique de la pollution, la possibilité d’ouvrir droit à une mobilité quotidienne de qualité ; bref, c’est l’intérêt de la planète, des salariés et des entreprises qui les emploient.

Le décor étant posé, venons-en à l’action 10 du programme 203, dont je suis chargé de rapporter les crédits relatifs aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires.

Cette action est, sans mauvais jeu de mots, le « poids lourd » du programme : avec 2,48 milliards d’euros, elle concentre 77 % des crédits du programme et quasiment la moitié des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Je tiens à exprimer ma satisfaction concernant la stabilité des crédits par rapport à 2015, stabilité résultant de la sacralisation du concours versé à SNCF Réseau pour la gestion de l’infrastructure ferroviaire, qui constitue l’exclusivité des crédits de l’action 10, suite à la suppression de la subvention budgétaire allouée à l’AFITF en 2015. Ces crédits permettront de poursuivre les opérations de modernisation et de maintenance du réseau tant attendues.

Mais un rapporteur qui ne s’inquiète pas est un rapporteur qui dort… Je tiens à vous faire part d’une certaine inquiétude à propos de l’AFITF. S’il faut se réjouir de la pérennisation de la nouvelle ressource provenant de l’attribution d’une part du produit de la TICPE, comment ne pas s’alarmer de voir cette dernière diminuer sensiblement à 715 millions d’euros, soit une baisse de 37,2 % par rapport à 2015 ? Le budget de l’agence n’atteint ainsi que 1,9 milliard d’euros, mettant en péril le financement du scénario n° 2 de la commission « Mobilité 21 », pourtant soutenu par le Gouvernement et hypothéquant le financement des engagements pluriannuels des nouveaux contrats de plan État région.

Dans ce contexte, j’avais déposé, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, un amendement visant à relever de 2 centimes d’euro supplémentaires par litre de gazole le niveau de TICPE applicable en 2016. Je l’ai retiré, suite au dépôt d’un amendement du Gouvernement prévoyant d’augmenter d’un centime d’euro le litre de gazole et de diminuer parallèlement d’un centime le prix de l’essence. Je me félicite de la convergence progressive de la fiscalité des carburants et du signal prix ainsi adressé au marché, qui met fin à l’incitation implicite des pouvoirs publics à rouler au diesel. Mais je m’interroge sur l’utilisation du solde de 245 millions d’euros résultant du différentiel entre consommation de diesel et d’essence.

Le Gouvernement a décidé d’affecter cette ressource à la neutralisation de la suppression de la demi-part des veuves, votée en 2008. Personne n’en contestera donc l’utilisation. Mais ne serait-il pas plus naturel de consacrer ces recettes de fiscalité écologique au financement d’alternatives à la voiture diesel ?

Si les annonces du Gouvernement ne sont pas contredites l’an prochain par une hausse soudaine du prix du baril, ne serait-il pas plus judicieux de consacrer les recettes tirées de la hausse progressive de la TICPE au financement, d’une part, de nos infrastructures de transports via l’AFITF, d’autre part, à l’augmentation du bonus écologique pour l’achat de véhicules propres ou à la création du crédit d’impôt pour l’adjonction de filtres à particules pour les particuliers qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule ? Poser la question, c’est, d’une certaine façon, y répondre. Mais dans ce combat intragouvernemental et inter-administrations, vous avez, monsieur le secrétaire d’État, besoin de nous, et je tiens à vous assurer de mon soutien pour faire face à des forces qui ne sont pas celles du mal, mais qui sont parfois réellement obscures…

Par ailleurs, je me réjouis de l’accroissement des compétences dévolues à l’ARAFER – Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières –, suite à l’adoption de la loi pour la croissance et l’activité, qui va désormais permettre à cette agence de contrôler les pratiques des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Afin de mener au mieux ces nouvelles missions, l’Autorité a évalué à dix-sept le nombre d’équivalents temps plein qui devrait lui être alloué. Je note que le Gouvernement a déposé un amendement visant à relever de cinq équivalents temps plein le plafond actuel d’emplois. Lors de la discussion de cet amendement, je rappellerai les objectifs de l’ARAFER et les moyens qui doivent être dévolus à la mission.

Enfin, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par Philippe Duron sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, qui a conduit le Gouvernement à dégager une feuille de route ambitieuse. En effet, l’État, autorité organisatrice des transports pour ces lignes, s’était trop longtemps désengagé et avait trop tardé à admettre que l’offre, extrêmement déficitaire, n’était plus adaptée aux besoins de mobilité actuels. C’est une part non négligeable des transports du quotidien et il fallait y venir.

Le renouvellement du matériel roulant est aussi urgent que nécessaire. J’aimerais savoir, monsieur le secrétaire d’État, dans quel cadre seront réalisés ces achats. Pour ma part, je considère qu’ils devraient être prioritairement réalisés sur la base du contrat cadre signé avec Alstom, car la multiplication des appels d’offres sur le matériel roulant constitue un motif de surcoût récurrent. Et quand l’État honore sa signature, c’est une garantie pour les industriels, qui se répercute à la baisse sur leurs prix, et inversement…

Monsieur le secrétaire d’État, plus, c’est mieux que moins, mais mieux n’est pas forcément synonyme de bien. Nous sommes donc pleinement à vos côtés pour que votre secrétariat d’État, qui est celui de la vie quotidienne, ait les moyens de nos ambitions partagées.

M. Jean-Claude Buisine, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la sécurité et les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture. Les crédits du programme 205 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupent les crédits consacrés à la sécurité maritime, à la formation des marins, au développement durable du littoral et aux aides à la pêche et à l’aquaculture. J’ai d’autant plus de plaisir à en être le rapporteur que je viens d’une circonscription, la Picardie maritime, éminemment concernée par ces thématiques.

Ce programme bénéficiera, pour l’année 2016, de crédits évalués à 186 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 183,4 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui traduit une légère baisse, par rapport à 2015, de 2,9 % pour les autorisations d’engagement et de 4,1 % pour les crédits de paiement.

L’examen plus attentif de ces crédits par action permettra de montrer que cette baisse est essentiellement liée à la conjoncture économique et sociale des entreprises d’armement maritime, mais que le cœur de métier des affaires maritimes, à savoir la sécurité et la sûreté maritimes, reste relativement préservé.

Tout d’abord, les crédits du volet « Sécurité et affaires maritimes » représenteront, pour 2016, 136,7 millions d’euros en crédits de paiement et 139,2 millions d’euros en autorisations d’engagement.

L’action « Sécurité maritime » conserve une relative stabilité de ses crédits. Les centres de sécurité des navires sont préservés et sont toujours au cœur de la mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière de sécurité et de sûreté maritimes civiles.

En ce qui concerne le sauvetage en mer, l’augmentation des autorisations d’engagement permettra de lancer trois opérations significatives de maintenance des systèmes d’information, absolument nécessaires à l’accomplissement des missions des Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer.

Par ailleurs, le programme 205 reconduit sa dotation de 2,3 millions d’euros pour la Société nationale de sauvetage en mer, composée de 7 000 bénévoles qui portent assistance aux personnes et aux navires en difficulté, alors que les dotations des collectivités territoriales, les dons et les autres sources de financement diminuent. Lors du comité interministériel de la mer (CIMER), le 22 octobre dernier, le Premier ministre a promis au président de la SNSM plus d’un million d’euros supplémentaires, ainsi qu’un pourcentage pérenne de la future taxe perçue sur l’éolien marin. Ces annonces ont bien sûr été accueillies positivement. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous les confirmer et les préciser ?

En ce qui concerne la signalisation maritime, je constate une baisse des crédits de 2,9 millions d’euros en autorisations d’engagements, que je compare aux 10 millions d’euros prévus en investissements il y a dix ans.

Pour les années à venir, la mise en place de bouées de nouvelle génération doit être la priorité du ministère. La Cour des comptes indique dans un rapport récent que les phares et balises constituent des aides conventionnelles qui permettent aux navigateurs de poursuivre leur route en toute sécurité, même lorsque les autres systèmes de localisation sont défaillants.

En ce qui concerne l’enseignement maritime, quatre classes de deuxième année de brevet de technicien supérieur maritime ont été ouvertes, ainsi que le nouveau centre havrais de l’École nationale supérieure maritime, en octobre dernier. Le Président de la République avait d’ailleurs rappelé, lors de l’inauguration, l’importance de la politique d’enseignement et d’innovation maritimes, qui représente un des piliers de l’ambition de la France sur mer.

Le président du Comité national des pêches m’a confirmé que le chômage n’existait pas dans le secteur de la pêche… Mais le manque d’engouement des jeunes pour cette filière s’explique en raison des conditions de travail très difficiles. Il faut donc former et préparer nos jeunes.

Cependant, la question du déficit en enseignants fait partie des trois enjeux identifiés par le projet annuel de performance, qui indique que les efforts à venir doivent notamment porter sur le recrutement des enseignants. Je serai particulièrement attentif au suivi de ces objectifs.

Pour 2016, l’État maintient les compensations d’exonération de charges sociales pour renforcer la compétitivité économique du transport maritime français. La légère baisse enregistrée par rapport à 2015 – 69,81 millions d’euros en 2015, contre 64,45 millions d’euros en 2016 – est due à l’incertitude quant à l’avenir de deux compagnies majeures de transport de passagers – Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM) et MyFerryLink –, mais aussi à une érosion plus globale de l’emploi concernant la marine marchande.

L’accroissement de la flotte française ne fait pas partie des principales mesures adoptées par le CIMER du 22 octobre. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement porte-t-il une réelle ambition de développement de la flotte sous pavillon français ?

Sur le deuxième volet du programme 205, relatif aux aides aux entreprises de pêche et d’aquaculture, les crédits pour 2016 ont subi une baisse significative – 2,5 % de moins qu’en 2015 –, liée à l’absence de plan de sortie de flotte prévue pour 2016. De plus, la France attend toujours la validation de son programme opérationnel, afin de pouvoir engager le nouveau fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer les prochaines échéances relatives à la validation de ce programme, ainsi que les principales mesures qu'il contient ?

En matière de gouvernance de la politique de la mer, un décret du 28 octobre 2014 a créé, au sein du ministère, une délégation à la mer et au littoral, afin de coordonner les différents services compétents dans le domaine du maritime. Cette délégation n’est toujours pas opérationnelle. Monsieur le secrétaire d’État, quel est l’avenir de cette délégation et quand sera-t-elle enfin constituée concrètement ?

La politique maritime de la France doit impérativement allier sécurité, croissance économique et protection des milieux marins. Ces principes trouvent en partie leur traduction budgétaire dans les crédits du programme 205. C’est pourquoi, mes chers collègues, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

M. Jean-Christophe Fromantin, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les affaires maritimes. Je ne reviendrai pas sur les éléments chiffrés du programme 205, qui viennent d’être indiqués. Il y a une contradiction entre un budget qui baisse légèrement, de 3,5 %, et des ambitions maritimes clairement affichées, mais qui ne se retrouvent pas dans le projet politique que porte ce budget.

Il y a quelques mois, le Président de la République, au moment du lancement du Bougainville au Havre, rappelait que la France était toujours conquérante dans le domaine maritime. Pourtant, avec un budget de 140 millions d’euros, par rapport au domaine maritime de la France, nous sommes loin d’une grande ambition et d’une France conquérante, dans une compétition mondiale particulièrement dure.

À défaut d’une grande ambition, ce programme apporte des améliorations, dans le domaine notamment de la formation maritime, avec un effort particulier en direction des lycées maritimes.

Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, j’ai quelques questions sur plusieurs points précis, à commencer par celui du dragage, essentiel pour l’avenir de nos ports. Notre besoin d’investissement est d’environ 100 millions d’euros par an pour draguer nos ports, en particulier nos ports d’estuaires, compte tenu de la nécessité de disposer de profondeurs importantes du fait de la taille des navires. Aujourd’hui, l’apport de l’État représente moins de la moitié, soit à peu près 45 millions d’euros, et les ports compensent, au détriment d’autres investissements qui pourraient être plus pertinents pour améliorer leur attractivité ou leur compétitivité. Pourquoi l’État laisse-t-il se déliter cet investissement essentiel pour nos grands ports maritimes ?

Un autre élément est régulièrement évoqué : le déclin de notre flotte pétrolière. Nous avons besoin de la prévalence de cette flotte. Or le fait que nous importions de plus en plus de produits raffinés rend inopérante la loi de 1992 ; du coup, notre dépendance à l’approvisionnement de produits pétroliers est s’aggrave et pourrait venu à poser problème, compte tenu d’une situation géopolitique aujourd’hui tendue. Une réforme de la loi de 1992 est prévue. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, vous entendre sur ce point.

S’agissant de l’autoliquidation de la TVA, le directeur du port de Dunkerque, que j’ai rencontré récemment, estime que cela pose un véritable problème par rapport, notamment, aux ports du range nord-européen, qui bénéficient d’une simplification administrative sur ce point. L’autoliquidation est valable pour nos chargeurs agréés, mais pas pour les chargeurs non agréés, ce qui rallonge les délais de traitement des opérations de chargement ou de déchargement. Des mesures pourraient être prises de votre côté, monsieur le secrétaire d’État, pour venir à bout de cette difficulté administrative.

J’en viens à la sécurité maritime.

Les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) ont des responsabilités de plus en plus importantes, compte tenu de l’évolution du trafic maritime, des sauvetages, de la sécurisation des routes et de la surveillance de la navigation. Ils doivent aussi faire appel à des outils de plus en plus complexes – Spationav, Marylin, Navtech, etc.

Le budget ne bouge pas beaucoup par rapport aux besoins de maintenance et d’évolution de ces technologies. Certains matériels radioélectriques commencent à présenter des signes d’obsolescence ou de vieillissement. Pouvez-vous nous rassurer quant à la maintenance proactive et dynamique de ces outils électroniques ? Ils nous font gagner en productivité et doivent en permanence être mis à niveau. Toutes les générations de logiciels pour maintenir l’efficacité de ces outils doivent être au rendez-vous des arbitrages budgétaires.

Avec un budget de 25 millions d’euros, La SNSM bénéficie d’une contribution de l’État de 2,3 millions d’euros, compte 8 000 bénévoles et 219 stations. Pouvez-vous nous rassurer sur la récurrence du budget supplémentaire de 1 million d’euros proposé par l’État ? La SNSM pourra-t-elle compter sur ces 3,3 millions, à terme, pour conforter ses investissements ?

Par ailleurs, l’État ne pourrait-il pas être le régulateur d’une meilleure adaptation des investissements par rapport à l’évolution des besoins des régions sur le littoral ? Il y a peut-être une asymétrie entre des régions qui ont une attractivité maritime forte en matière de tourisme ou de navigation commerciale et des investissements de la SNSM qui ne correspondent pas forcément à ces évolutions.

Puisqu’on parle beaucoup du rôle des collectivités dans les budgets de la SNSM, n'y aurait-il pas matière à fixer des critères plus objectifs de fléchage des investissements de l’État et des collectivités par rapport aux investissements de la SNSM ?

Même constat pour les phares et balises, dont le domaine pourrait glisser vers le Conservatoire du littoral. Quel est votre point de vue, monsieur le secrétaire d’État, sur l’évolution de ce patrimoine, qui n’est pas forcément utile pour les phares et balises, mais qui constitue un élément important pour notre pays sur le plan patrimonial, et qui peut être affecté par la diminution des crédits ?

M. Rémi Pauvros, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les transports terrestres et fluviaux. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une stabilité des crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transport », avec 3,2 milliards d’euros sur les 7,17 milliards d’euros de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». C’est un acte fort, au moment où le Gouvernement est courageusement engagé dans la baisse des déficits publics et dans la réduction des impôts. Je suis sûr que nos collègues voteront donc ce budget préservé avec joie.

Remarquablement présidée par notre collègue Philippe Duron, présent à mes côtés, l’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un opérateur du programme 203. Ses ressources sont pérennisées grâce à la ressource que constitue la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Son montant est cependant fortement réduit, passant de 1 139 millions d'euros en 2015 à 715 millions d'euros en 2016. Le fonds de roulement de l'AFITF, qui était de 82,6 millions d'euros fin 2013 et de 63,4 millions d'euros fin 2014, est devenu quasiment inexistant fin 2015.

En 2016, l'AFITF sera toutefois en mesure de remplir ses missions, avec un montant de recettes d'environ 1,9 milliard d'euros. Néanmoins, pour ses besoins de financement pour 2017 et au-delà, la question reste posée. En plus des engagements antérieurs qu'il faut honorer, les services du ministère estiment que le besoin structurel sera de 700 à 800 millions d'euros supplémentaire par an. C'est le prix de la mise en œuvre des contrats de plan État-régions (CPER), des opérations liées aux nouveaux grands projets, mais aussi des loyers des partenariats public/privé (PPP) pour la ligne ferroviaire à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire, le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, la rocade L2 à Marseille et la ligne à grande vitesse Est européenne Baudrecourt-Vendenheim pour laquelle le paiement vient seulement de commencer, même s’il honore un engagement pris antérieurement.

L'AFITF avait bon espoir que la taxation supplémentaire du diesel alimente son budget. Or tel ne sera vraisemblablement pas le cas. C'est pourquoi je me permets de vous demander, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les analyses et projections faites pour pérenniser l'avenir de l'AFITF.

Mon deuxième point concerne les réalisations pour 2016 au niveau des infrastructures de transport. L’ensemble des interlocuteurs considère que la loi portant réforme ferroviaire d'août 2014, que cette loi est une bonne loi, et qu’elle a permis de mettre en place des établissements fonctionnant dans de très bonnes conditions de coordination. Leurs responsables m'ont indiqué avoir à gérer la rénovation et la modernisation des réseaux existants aussi bien que la mise en place des nouveaux chantiers et l'amélioration de la qualité du service proposé aux utilisateurs, y compris la mise en conformité de l'accessibilité aux personnes en situation de handicap, pour 400 millions d'euros – c’est un élément qui n’est pas négligeable.

Une des priorités de SNCF Mobilités concerne le renouvellement
du matériel roulant des trains d’équilibre des territoires (TET). Le transport doit être envisagé durablement, dans une globalité et uniformité sur le territoire. Les TET en sont une composante essentielle. Or nous connaissons les problèmes relatifs au renouvellement du matériel. Monsieur le monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous interpeller dès l’année prochaine les nouveaux exécutifs régionaux pour débattre avec eux et redéfinir des périmètres respectifs de l'offre TET et de l'offre ferroviaire TER, afin que les régions volontaires se voient confier l'exploitation de sections de ligne TET ?

S’agissant de Voies navigables de France (VNF), les subventions pour charges de service public allouées sont de 251,5 millions d'euros et le produit de la taxe hydraulique plafonné à 132,8 millions d'euros. Le montant de la subvention qui sera versée par l’AFITF n'est pas encore connu, mais représentera la marge d'investissement de VNF.

Mon troisième point concerne les rapports avec l’Union européenne. Des fonctionnaires de la DG Mobilité et Transports m'ont confié que l'absence de visibilité sur le financement pérenne des projets nationaux créait quelques inquiétudes ; à terme, cela pourrait handicaper la France. Soulignons cependant qu’actuellement, suite de l'appel à projet sur le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe, notre pays a obtenu, grâce à votre activité au cours de la négociation, une subvention d'un montant de 1,77 milliard d'euros –  le même montant que l'Allemagne, autrement dit une des deux plus importantes subventions attribuées aux vingt-huit pays de l'Union européenne.

Mon quatrième point concerne les problématiques de développement durable et de transition énergétique au quotidien par la sécurisation des transports ferroviaires et fluviaux, le bonus-malus et les CPER.

Les nouveaux CPER prévoient un budget de 22,6 milliards pour le volet transport. C'est plus de deux fois et demie fois le budget alloué de 2007 à 2013, soit 8,9 milliards d'euros.

J’en viens finalement aux critères d’attribution du bonus-malus. Il conviendrait d’y intégrer l’azote et les micro-particules. Contrairement à ce que disait notre collègue Hervé Mariton, ce sont eux qui posent problème, bien plus que le dioxyde de carbone.

Je terminerai en soulignant que nous sommes loin du compte en matière de transport collectif et de mobilité à long terme, en vous faisant part d’une récente étude, publiée le 3 novembre dernier, de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), service d'études et de statistiques du ministère du Travail, sur les trajets domicile-travail : trois Français sur quatre, soit 74 % des actifs, utilisent encore la voiture pour se rendre au bureau, d’où l’engorgement de nos métropoles… On mesure l’effort qui reste à faire en faveur du transport collectif.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Le budget que je vous présente s’inscrit dans la stratégie du Gouvernement, alliant la maîtrise des déficits publics et la poursuite des objectifs que j’avais déjà développés devant vous l’an dernier.

Dans le programme 203, 95 % des crédits sont consacrés aux concours destinés à SNCF-réseau, et représentent l'effort important de l'État pour le soutien des activités ferroviaires de service public comme les TER, les trains Intercités et le fret ferroviaire, mais aussi pour le soutien à l’entretien routier et à la subvention pour charges de service public destinée à VNF. Les crédits du programme 203 baissent de 17,5 millions d’euros, ce qui ne représente que 0,5 % de la loi de finances initiale pour 2015. Cette quasi-stabilité s’explique par le maintien des concours ferroviaires à leur niveau de 2015.

La maintenance du patrimoine routier constitue toujours une priorité pour laquelle la baisse des crédits, hors financement de l’AFITF, n’est que de 1,1 % ; mais elle sera plus que compensée en 2016, tout comme en 2015, par une dotation exceptionnelle provenant de la contribution volontaire exceptionnelle des concessionnaires autoroutiers dans le cadre de l'accord passé le 9 avril dernier ente l'État et les concessionnaires. L'effort d'efficacité sur les effectifs en charge du réseau routier national sera non nul cette année, et pourra se traduire par quelques ajustements au niveau des services.

La subvention à VNF a également fait l’objet d’une baisse modérée de 2,5 % en raison de la part importante de masse salariale dans le budget de l’établissement. Nous poursuivrons en 2016 notre effort de réforme de la ressource parafiscale de VNF.

Pour 2016, la répartition du budget de l’AFITF n’est pas encore arrêtée ; son conseil d’administration s’en chargera prochainement. Mais je souhaite que l'AFITF suive la priorité accordée par le Gouvernement à la maintenance des infrastructures de transport, dont j’ai fait ma priorité en prenant mes responsabilités. Le niveau des d’investissements de l’AFITF sera légèrement supérieur en 2016, les dépenses dites opérationnelles seront de 1,855 milliard d’euros en 2016 contre 1, 844 milliard dans le dernier budget 2015 de l’AFITF : cette augmentation est rendue possible grâce à la contribution volontaire des concessionnaires autoroutiers, suite à l'accord obtenu par le Gouvernement le 9 avril dernier avec le secteur. Les recettes prévisionnelles sont de 1926 millions d’euros, intégrant une affectation de 715 millions d’euros de TICPE et les 100 millions d’euros apportés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Concernant la TICPE, suite aux travaux conduits avec les organisations professionnelles du secteur du transport routier de marchandises, le dispositif mis en place en 2015 qui est reconduit et pérennisé : hausse de 2 centimes de la TICPE pour les véhicules légers et non-déductibilité au titre du gazole professionnel des augmentations de la TICPE à hauteur de 4 centimes.

Au-delà de 2016, de nouvelles sources de financement sont recherchées pour permettre à l’Agence de faire face aux engagements liés aux grands projets européens Lyon-Turin et Canal Seine-Nord, dont les dépenses interviendront à partir de 2017 et surtout 2018.

J’ai entendu les chiffres avancés par plusieurs rapporteurs, esquissant des perspectives financières prenant en compte les charges résultant notamment des engagements antérieurs, mais aussi des CPER et des grands projets : les ressources supplémentaires de l’AFITIF devront en effet s’élever à 500 millions d’euros, voire 700 millions d’euros supplémentaires. Le Gouvernement n’entend pas éluder la question et la traitera dès la préparation du projet de loi de finances pour 2017, en proposant des ressources supplémentaires pour l’AFITIF ou en lui affectant la totalité des ressources actuellement dédiées au financement des infrastructures.

Le Gouvernement partage donc le constat de vos rapporteurs. Pour cette année, les crédits correspondent aux engagements pris, puisqu’ils sont maintenus à 1,9 milliards d’euros. Cependant, compte tenu des CPER et des grands projets, il faudra naturellement trouver des ressources supplémentaires. Un budget d’investissement complémentaire sera nécessaire pour l’AFITIF dès 2016.

S’agissant du programme 205, qui s’articule autour du volet « Sécurité et affaires maritimes » et du volet « Pêche et aquaculture » qui accompagne la mise en œuvre de la politique commune de la pêche (PCP), en vue d’une exploitation durable des ressources aquatiques, le projet de budget 2016 du programme est présenté à hauteur de 185,9 millions d’euros d’autorisation d’engagement, et 183,4 millions d’euros de crédits de paiement.

Le programme porte de nombreuses missions régaliennes de sécurité maritime et de mise en œuvre de la politique commune des pêches. Dans le contexte budgétaire contraint de l’État, le programme conduira, pour ce qui concerne la sécurité et la signalisation maritimes, des actions ciblées pour réaliser des investissements porteurs d'économies pour le futur : la modernisation des systèmes d’information des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) ; le renouvellement d'un baliseur pour l'armement des phares et balises, selon le programme d’efficience « un nouveau navire contre deux anciens », permettant d'ici à deux ans le retrait du service de deux anciens baliseurs dont l'exploitation est devenue difficile ; la modernisation technologique dans le domaine de la surveillance des pêches dans la zone exclusive des Terres australes françaises.

Les dépenses en faveur d’un bon fonctionnement de l’enseignement maritime secondaire et supérieur sont maintenues constantes et illustrent la priorité du gouvernement en la matière.

Les exonérations de charges qui améliorent la compétitivité de la flotte soumise à concurrence internationale continueront à être prises en charge par le programme.

En matière de sauvetage, l’État a pris ses responsabilités en assurant le financement de la Société nationale pour le sauvetage en mer (SNSM), acteur majeur du sauvetage en mer : outre la subvention annuelle de 2,1 millions d’euros qui est maintenue dans le projet de loi de finances 2016, 1,4 million d’euros supplémentaires seront dégagés pour le financement des investissements de la SNSM en 2016. À terme, une partie de la taxe éolienne sera affectée à la SNSM. Je réponds ainsi précisément aux questions des rapporteurs : ce complément sera pérennisé et financé par une ressource particulière dès 2017.

S'agissant de l'accompagnement des secteurs de la pêche et de l’aquaculture dans la mise en œuvre de la nouvelle politique commune des pêches (PCP), le programme mobilisera les moyens nécessaires pour abonder le nouveau fonds « Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche » (FEAMP), dont la mise en œuvre effective commencera en 2016.

En effet, le commissaire européen m’a confirmé la semaine dernière, à Brest, que ce programme opérationnel avait été validé par ses services et serait adopté officiellement par le collège des commissaires peut-être dès la fin du mois de novembre. L’engagement que j’avais pris de faire en sorte qu’il connaisse un commencement d’exécution avant la fin de l’année sera donc respecté.

Pour mémoire, l’enveloppe française sur la période de programmation 2014-2020 est de 588 millions d’euros, répartie en plusieurs axes : développement durable de la pêche, à hauteur de 369 millions d’euros, en hausse de 70 % par rapport à la précédente période de programmation ; collecte des données ; contrôle des pêches ; compensation des surcoûts pour nos outremer. La maquette financière stabilisée répartit ces montants entre les mesures nationales, pour un total de 304 millions, et les mesures régionales, dont la gestion est déléguée aux régions pour un montant de 284 millions. Dans les négociations des CPER, certaines régions avaient en effet exprimé la volonté de pouvoir exercer cette gestion déléguée.

Dans l’immédiat, la priorité porte sur la mise en place rapide d’un système de gestion et contrôle du fonds afin que les premiers dossiers présentant des projets structurants puissent être préparés par les demandeurs selon les logiques que je viens d’évoquer.

Ces montants importants sont complétés par des contreparties nationales. L’appel des fonds européens nécessite, pour cette année de mise en œuvre, la mise en place des dépenses pour lesquelles l’État est maître d’ouvrage, et celle des contreparties nationales. L’enjeu majeur est de permettre un accompagnement de l'amélioration des performances économiques et environnementales des filières pêche et aquacultures équivalent à ce qu’il fut lors de la précédente programmation.

Elle s’appuie sur un volet important d'acquisition de connaissances, notamment sur l'état des ressources halieutiques et sur les interactions entre la pêche et les milieux marins, et de contrôle des pêches. L’évolution du budget ne permet d’envisager, par ailleurs, que des actions ciblées de soutien spécifique, telles que le plan chlordécone.

Ce cadre général étant donné, et s’agissant des grands dossiers transports, mer et pêche, je voudrais revenir plus précisément sur les infrastructures et les services de transports, le domaine aérien, la mer et la pêche.

Je commencerai par les infrastructures et les services de transports. Pour ce qui est du transport ferroviaire, suite à la réforme ferroviaire d’août 2014, le nouveau groupe ferroviaire a été mis en place en juillet 2015. L’élaboration des textes réglementaires a débuté. Elle s’est accompagnée d’une large concertation avec les parties. Ainsi, une grande partie des dispositions de la réforme est déjà entrée en vigueur avec, au 1er septembre 2015, quinze décrets d’application et une ordonnance publiés. D’ici la fin de l’année 2015, sept autres décrets devraient être publiés achevant ainsi, à l’exception du volet social de la réforme, les travaux juridiques d’application de la loi. Nous sommes aujourd’hui en cours d’élaboration des contrats de performances entre l’État et les entités de ce groupe public ferroviaire, afin d’établir notamment les trajectoires financières. La conclusion des contrats est envisagée pour le courant 2016.

S’agissant du chantier relatif à la clarification de l’offre TET, à la suite de l’excellent rapport de la commission Duron, j’ai indiqué en juillet dernier au Gouvernement une feuille de route. Elle comprend un renforcement du rôle d’autorité organisatrice de transport de l’État, la conclusion avec SNCF Mobilités d’une nouvelle convention pluriannuelle sur la période 2016-2020, l’organisation d’une concertation, notamment avec les régions, sur les évolutions de l’offre TET à mettre en place – mission que j’ai confié au préfet Philizot –, la création enfin d’un comité consultatif réunissant l’ensemble des présidents de région sous la présidence du ministre.

Par ailleurs, après l’engagement de 510 millions d’euros pour l’acquisition de 34 rames en 2013, le Gouvernement s’est engagé à ce que le parc de matériel roulant des lignes structurantes de l’offre TET soit entièrement renouvelé d’ici à 2025, pour un montant d’investissement d’environ 1,5 milliards d’euros.

Pour ce qui est de la concertation, le préfet Philizot a commencé ses démarches auprès des régions, dans le contexte particulier que constitue la fusion prochaine de certaines d’entre elles. Il les reprendra donc dès le début de l’année 2016 avec les nouveaux exécutifs régionaux. Ses démarches s’avèrent positives quant aux TET aujourd’hui, lignes qui paraissent pouvoir s’inscrire à l’avenir dans l’organigramme des TER.

S’agissant du matériel, le Gouvernement s’est engagé à hauteur de 1,5 milliards d’euros pour contribuer à son renouvellement. Plus facile et plus rapide, un achat sur étagère paraît envisageable lorsqu’un marché préexistait avec une région. Mais le matériel alors fourni était conçu pour rouler à 160 kilomètres à l’heure, et non à 200 kilomètres à l’heure, comme c’est nécessaire sur les lignes qui viennent d’être évoquées. Dès lors, à quelles conditions peut-il être modifié ? Ces modifications sont-elles d’ailleurs compatibles avec le cahier des charges initial ? Une expertise juridique est en cours pour évaluer les deux options ouvertes : soit un achat sur étagère, qui aurait l’avantage de permettre une livraison rapide et efficace, soit un nouvel appel d’offres. Nous connaîtrons les résultats de cette expertise avant la fin de 2015. Le Gouvernement jouera la transparence, en particulier sur ses aspects juridiques.

J’en viens au domaine autoroutier. Le Gouvernement a engagé des discussions avec les sociétés concessionnaires qui a abouti au protocole d’accords que j’ai signé. Ce protocole remplit trois objectifs : rééquilibrer les contrats dans l’intérêt des usagers et de l’État ; dégager des ressources nouvelles pour le financement des infrastructures de transport, les sociétés d’autoroutes versant 1 milliard d’euros au profit de l’amélioration des infrastructures de transport du pays, dont 300 millions d'euros au cours des trois premières années ; contribuer à la relance de l’activité économique et permettre des créations d’emploi.

Ce plan prévoit la réalisation par les sept principales sociétés concessionnaires d’une vingtaine d'opérations à leur charge exclusive, pour un montant de 3,27 milliards d'euros. Les décrets approuvant les avenants ont été publiés le 23 août 2015. Les premiers travaux démarreront d’ici la fin de l’année et s’échelonneront jusqu’en 2018. Le plan de relance autoroutier permettra la création de près de 10 000 emplois. À la demande du Gouvernement, les sociétés d’autoroutes se sont engagées à ce que 55 % des travaux soient réalisés par des PME et PMI non liées aux groupes autoroutiers.

Pour ce qui est des infrastructures, les projets de renouvellement ou de développement doivent être planifiés dans une logique d’aménagement du territoire : c’est l’objet des CPER déjà cités. L’État y mobilisera 6,7 milliards d’euros au titre des transports, correspondant à un montant, tous cofinanceurs confondus, de plus de 23 milliards d’euros.

En complète cohérence avec les principes de la transition énergétique, les ressources consacrées aux modes alternatifs à la route, tous cofinanceurs confondus, représentent plus de 75 % des crédits transports, dont 7,6 milliards d’euros au titre du ferroviaire, plus de 1,8 milliards d’euros pour les ports, vallée de la Seine comprise, et 7,5 milliards d’euros au titre des transports collectifs en Île-de-France. Pour répondre aux besoins des territoires, les CPER prévoient néanmoins un effort important de l’État en matière routière, avec une enveloppe de contractualisation de 3 milliards d’euros en lien avec la réalisation de l’ordre de 250 chantiers prioritaires.

Deux grands projets de dimension européenne ont bien avancé. S’agissant du Canal Seine-Nord Europe, tout est mis en œuvre pour que le projet entre dans sa phase opérationnelle dans le courant du premier semestre 2016. Le projet d’ordonnance créant la société de projet est actuellement à la consultation des collectivités territoriales. L’enquête publique déroule du 7 octobre au 20 novembre 2015 ; l’horizon d’obtention de la déclaration d’utilité publique est fixé à début 2017 pour un début des travaux la même année et une mise en service en 2023. Avant la fin de l’année, une convention concrétisant l’engagement financier de l’Europe dans le projet de liaison Seine-Escaut, à hauteur de 980 millions d’euros, sera signée par la France et les partenaires européens du projet.

Quant au projet Lyon-Turin, il est désormais totalement déclaré d’utilité publique à la fois en France et en Italie. Le nouveau promoteur qui sera chargé de conduire les travaux définitifs est mis en place depuis février. Le dossier de demande de crédits européens a obtenu une réponse positive, puisque 814 millions d’euros ont été attribués par l’Europe pour couvrir les investissements à réaliser d’ici à 2019. Par ailleurs, nous avons signé avec l’Italie en février 2015 un nouvel accord pour permettre le lancement des travaux définitifs.

S’agissant enfin des transports urbains, malgré les difficultés rencontrées sur le budget de l’AFITF, le Gouvernement a tenu ses engagements en faveur du développement des projets de mobilité durable. Les subventions du troisième appel à projets sur les transports urbains seront délivrées par l’AFITF après conventionnement des opérations ; pour rappel, il s’agit de 99 à6projets émanant de 65 autorités organisatrices de transport, pour un montant de 110 millions d’euros de subventions.

Concernant l’ouverture du marché du transport par autocar, l’offre de mobilité a connu un développement significatif en un mois seulement. Le décret encadrant l’ouverture du marché a été publié le 14 octobre dernier pour s’assurer que les nouvelles lignes d’autocars ne portent pas atteinte à l’équilibre des services publics. L’enjeu est maintenant d’accompagner la croissance du secteur en développant les arrêts et gares routières pour assurer un bon maillage du territoire.

Enfin, dans le cadre du plan d’actions pour les mobilités actives de 2014, plus de 80 % des vingt-cinq mesures s’appliquent d’ores et déjà.

Quant au transport aérien, il participe au rayonnement international de la France, avec 2,8 millions de vols contrôlés et 140 millions de passagers. La filière aéronautique, avec des entreprises importantes et nombreuses, est un secteur stratégique, vecteur de recherche et d’innovation pour l’économie nationale et acteur de la souveraineté française. Le poids économique du secteur représente aujourd’hui un peu plus de 3 % du PIB.

Partenaire de l’ensemble des acteurs de l’aérien, la direction générale de l’aviation civile est à la fois une direction régalienne de l’État, un régulateur économique, un pôle de surveillance de la sécurité et un prestataire de services de la navigation aérienne et de formation. Cette structure, unique en Europe, permet une approche globale des enjeux du secteur aérien.

En 2016, la DGAC et ses personnels continueront d’accompagner la transition énergétique et écologique du transport aérien, avec l’objectif de contribuer à lutter contre le réchauffement climatique. Pour ce faire, la DGAC poursuivra son engagement dans la construction du Ciel unique européen au service de la performance économique et environnementale.

L’action de la DGAC s’appuiera sur une stratégie financière responsable, comme l’a souligné le rapporteur. Elle poursuivra ainsi sa politique de réduction des coûts structurels au moyen d’une redéfinition de l’implantation géographique de ses services et d’une optimisation de leurs dépenses de fonctionnement. Elle augmentera légèrement ses redevances tout en restant la moins chère par rapport aux pays limitrophes. Ces efforts lui permettront de dégager des ressources pour financer les investissements qui sont indispensables à la modernisation des outils de gestion du trafic aérien dans le but de relever le défi technologique du Ciel unique. Elle participera également à la réduction du déficit public en accélérant le désendettement du budget annexe de l’aviation civile, qui passe à 107 millions d’euros en 2016 contre 57 millions d’euros en 2015. Ce qui répond aux observations, ou encouragements, de la Cour des comptes.

Vous m’avez posé des questions sur la situation et sur la défense du pavillon français. Il est en concurrence avec les compagnies à bas prix comme avec les compagnies du Golfe. Même si le marché aérien est en croissance, notre pavillon y a reculé de 10 % en dix ans. Le modèle des compagnies à bas prix n’est pas contestable, car il est approuvé par le consommateur et répond à ses besoins de mobilité. Toutefois, il faut respecter les règles sociales. Le Gouvernement est très attentif à la situation dans certaines compagnies, qui se situent parfois à la marge du droit applicable. Une condamnation importante a été prononcée contre la compagnie Ryanair.

Un rapport américain sur les compagnies du Golfe a également été cité, qui soulève de vraies questions. La France, avec le soutien de l’Allemagne puis d’autres pays, a sollicité la Commission européenne pour qu’elle engage avec les pays du Golfe une négociation globale visant à assurer des règles de concurrence loyale. S’appuyant sur cette initiative, la Commission européenne devrait proposer en début d’année prochaine au Conseil des ministres la définition d’un mandat de négociation. Un accord bilatéral entre la France et le Sultanat d’Oman existe déjà, qui pourra peut-être servir d’inspiration.

Cela ne peut être cependant la seule réponse à la situation d’Air France, qui accuse un différentiel de coût de 15 % à 20 % avec les autres compagnies européennes. La solution réside dans un dialogue social constructif ; c’est tout ce que le Gouvernement souhaite. Il a montré la voie, en mettant en œuvre une partie des recommandations contenues dans le rapport de Bruno Le Roux : la taxe de correspondance a été supprimée pour moitié depuis avril 2014 et le restera pour l’ensemble de cette année. Par ailleurs, Air France bénéficie, comme les autres entreprises françaises, du crédit d’impôt emploi compétitivité (CICE), ce qui représente 66 millions d’euros chaque année. Ceux qui s'interrogeaient sur l’effort de l’État trouveront ici une réponse : 90 millions d’euros sur deux ans grâce à l’allégement de la taxe de correspondance, plus les 66 millions d’euros du CICE, c’est déjà un geste qui permet d’aller dans le bon sens.

En ce qui concerne la mer et la pêche, l’économie maritime occupe, votre rapporteur l’a rappelé, une place essentielle dans l’activité de la France : 310 000 emplois directs et un chiffre d’affaires de 69 milliards d’euros.

Le Gouvernement a pris des engagements importants concernant la politique maritime de notre pays, notamment lors du dernier comité interministériel à la mer réuni le 22 octobre dernier à Boulogne sur mer. Ces mesures ont été prises au bénéfice de l’ensemble des secteurs qui constituent notre économie maritime. Il s’agit d’abord du renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes français, en leur donnant de nouvelles perspectives de développement et d’attractivité. Il s’agit ensuite de la mise en place de mesures afin d’assurer le renouvellement de la flotte de commerce pour s’adapter aux conditions du marché mondial.

À ce titre, il est prévu d’aligner les dispositifs d’assurance-crédit sur les conditions offertes par la concurrence étrangère pour le renouvellement des flottes. Ce mécanisme, communément appelé « COFACE inversé », permet à nos entreprises industrielles de bénéficier des mêmes conditions de garantie. Les dispositifs de garantie à la construction navale seront reconduits ; nous avons également prévu d’organiser un exercice pilote avec la Banque européenne d’investissement sur le verdissement et de prolonger l’appel à projet concernant les ferries propres.

D’autres dispositions sont prévues par ailleurs concernant le transport de produit pétrolier sous pavillon français. Un décret sera prochainement publié, pour lequel des consultations sont en cours. Il n’est pas sans poser quelques difficultés : certains partenaires voudraient qu’ils soient un peu plus précis afin de garantir le recours à des marins français. Mais, comme je l’ai dit hier à Marseille aux assises de la mer, le cadre doit respecter les règles européennes. La finalisation des attentes des partenaires relève ensuite des relations contractuelles.

Autre sujet important : l’affirmation d’une ambition aquacole pour la France, afin de réduire notre dépendance aux importations en produits de la mer qui représentent aujourd’hui 80 % de ce que nous consommons. Il faut bien voir que dans le cadre de la politique commune de la pêche, l’application du principe du rendement maximum durable (RMD) empêche de pêcher plus, en vue de conserver la ressource. La seule réponse possible pour gagner des marges de manœuvre est donc le développement de l’aquaculture. En ce domaine, nous avons encore des efforts à faire, y compris dans le domaine de la réglementation et de la maîtrise spatiale.

Je citerai encore l’adoption d’une feuille de route sur les grands fonds marins, nouvelle frontière de notre espace maritime, et le renforcement de nos capacités de contrôle dans nos aires marines protégées.

D’autres mesures concernent l’adaptation de nos outils de sûreté et de sécurité maritimes aux nouveaux enjeux. Enfin, le CIMER a permis de mettre en avant la nécessité de valoriser le potentiel considérable des espaces maritimes ultramarins, en assurant le renouvellement des moyens maritimes permettant leur surveillance et en soutenant la mise en place d’une stratégie spécifique pour nos ports d’outre-mer.

Par ailleurs, certaines dispositions intéressant également la croissance bleue ont vocation à être mises en place dans le cadre du plan d’action que nous portons avec Ségolène Royal.

Votre rapporteur a souligné le caractère stratégique de la formation maritime ; notre pays dispose en la matière de nombreux atouts. Ces métiers recèlent un fort potentiel d’emplois et offrent de belles perspectives de rémunération, il faut le rappeler.

S’agissant de la gouvernance de la mer, je souhaite préciser que le décret du 27 octobre dernier relatif aux attributions, à la composition et au fonctionnement du Conseil national de la mer et des littoraux nous permettra de disposer d’un cadre de concertation modernisé pour les sujets transversaux intéressant ce secteur. Plus largement, le Premier ministre a souhaité, dans le prolongement du dernier CIMER, qu’une mission soit rapidement engagée afin de réfléchir aux évolutions souhaitables de notre gouvernance dans ce domaine. C’est d’ailleurs pour cette raison que la nomination du délégué à la mer et au littoral a été reportée.

Je souhaite aussi avancer sur la question du dumping social. Nous avons été aussi loin que possible à travers le dispositif de l’État d’accueil mis en œuvre depuis quelques mois pour le cabotage et les activités de services. Son application doit s’amplifier. Je souhaite initier un mouvement des pays de l’Union européenne pour améliorer le cadre communautaire qui s’applique aujourd’hui au cabotage et qui n’est pas assez protecteur de l’emploi des marins européens.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Dans le domaine de la pêche également, des progrès doivent être accomplis, question que j’ai pu évoquer avec le commissaire Vella, la semaine dernière à Brest. La France a déposé le 28 octobre à l’Organisation internationale du travail (OIT) les instruments de ratification de la convention sur le travail dans la pêche. Il est important que les autres pays le fassent également et que les différentes dispositions soient intégrées dans le droit communautaire.

Enfin, je citerai l’important programme de travail en matière de simplification que le Gouvernement a engagé et qui se décline dans le domaine maritime. Il s’est déjà concrétisé par différentes dispositions, dont la modernisation du guichet unique du registre international français (RIF). Certains chantiers comme la réforme du rôle d’équipage trouvent leur traduction législative dans la proposition de loi pour l’économie bleue de M. Arnaud Leroy.

Dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture, les enjeux de l’année à venir sont considérables, à commencer par la mise en œuvre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) qui va accompagner concrètement les évolutions structurelles de ces secteurs, notamment l’application de la politique commune de la pêche.

S’agissant du dragage, les crédits sont effectivement en légère diminution, passant de 49 millions à 46 millions. Je partage les préoccupations qui ont été exprimées et suis attentif à cette situation.

M. Faure m’a posé une question sur les moyens de l’ARAFER. Le relèvement du plafond d’emplois de 63 à 68 équivalents temps plein qu’a proposé le Gouvernement à la suite du rapport conjoint demandé à l’inspection générale des finances et au Conseil général de l'environnement et du développement est justifié. Les effectifs de l’autorité ne dépassant pas concrètement 50 équivalents temps plein, ce relèvement permettra de recruter jusqu’à 18 équivalents temps plein pour l’année 2016. Toutefois, si cette augmentation se révélait insuffisante à la fin de l’année prochaine, le Gouvernement s’engage à donner à l’ARAFER les moyens nécessaires

Quant à l’auto-liquidation de la TVA, elle fait partie des mesures annoncées par le CIMER. Nous sommes dans une phase de montée en puissance de ce mécanisme, que le Gouvernement soutient.

M. le président Gilles Carrez. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

Mme Catherine Beaubatie. Les députés socialistes peuvent être satisfaits de ce budget « Infrastructures et services de transports » inscrit au PLF 2016.

Pour l'année prochaine, le budget des transports terrestres affirme, voire réaffirme, notre ambition en matière de transports des personnes et des marchandises. Le financement de l'AFITF est assuré, comme l'a souligné Rémi Pauvros, mais nous devrons pour les années à venir envisager enfin des ressources plus abondantes et surtout pérennes pour cet opérateur.

Dans ce budget, nous retrouvons les axes structurants de la politique générale de transports que nous avons fixés.

Il s’agit, tout d’abord, de l'excellence environnementale par le financement des mesures de la loi de transition énergétique. Ainsi, cette année, le bonus écologique à l'achat de véhicule propre est reconduit, de nouveaux projets de mobilité douce en milieu urbain et d'intermodalité sont financés et nous engageons la convergence de la taxation du diesel et de l'essence.

Nous assurons l'amélioration des performances et la modernisation des infrastructures existantes et la poursuite de la réforme de l'entreprise SNCF. Là encore, l'héritage est lourd : une dette de SNCF Réseau considérable et des engagements du Grenelle de l'environnement intenables et jamais financés par nos prédécesseurs. Pour nos concitoyens, ce sont des attentes et des besoins auxquels nous devons répondre aujourd'hui. La vérité que nous devons aux Français, c'est que l'État actionnaire et planificateur ne peut pas tout, tout de suite.

Nous poursuivons la mise en chantier de projets stratégiques pour notre pays, comme le Canal Seine-Nord, la ligne transalpine du Lyon-Turin ou les nouvelles lignes à grande vitesse. Il faut rattraper notre retard dans le fret ferroviaire et fluvial mais aussi maintenir une desserte territoriale équitable.

Enfin, nous donnons de nouveaux moyens à l'ARAFER afin d'assurer ses nouvelles missions liées à la régulation des concessions autoroutières et à la libéralisation des autocars prévues par la loi pour la croissance et l’activité.

Pour toutes ces raisons, le groupe SRC donnera un avis favorable à cette mission budgétaire.

Permettez-moi pour finir, monsieur le secrétaire d’État, de vous interroger sur un point particulier. Le compte d'affectation spéciale du bonus-malus écologique a été excédentaire en 2014 et son surplus a alimenté le budget général de l'État. S'il y avait un nouvel excédent en 2015 et 2016, ne serait-il pas envisageable qu'il vienne abonder des dépenses relatives à la mobilité durable ?

M. Hervé Mariton. Nous pouvons nous réjouir de voir le compte d’affectation spéciale du dispositif du bonus-malus soit enfin excédentaire, après de nombreuses années de lourds déficits et de mauvaises évaluations. Nous devons saluer aussi le renforcement que vous avez mis en œuvre en faveur de l’acquisition de véhicules électriques ou hybrides.

Ce dispositif suscite toutefois des interrogations. Tout d’abord, quelle est sa cohérence avec les mesures fiscales punitives prises par le Gouvernement à l’encontre des véhicules diesel, sachant qu’il tend plutôt à encourager leur acquisition ? Ensuite, va-t-il évoluer pour prendre en compte les émissions de particules et de NOx ? Si l’objectif du Gouvernement est de diminuer les émissions de particules fines, pourquoi est-il revenu sur l’interdiction des feux de cheminée en Ile-de-France, cause principale de ce type de pollution ? La cohérence ne devrait-il pas le pousser à poursuivre la même logique pour les véhicules et pour la combustion du bois ?

S’agissant ensuite du prolongement de la ligne à grande vitesse au sud de Bordeaux, j’avais dénoncé l’absurdité de schémas d’infrastructure mobilisant les moyens disponibles de l’AFITF pendant des dizaines d’années, voire au-delà du siècle. Ces moyens sont ce qu’ils sont. Il n’y a pas eu de miracle. Les analyses de qualité menées dans le cadre des travaux de la commission « Mobilité 21 » montrent que certains projets sont infinançables au regard des capacités actuelles de financement de l’AFITF. Le prolongement de la ligne à grande vitesse en fait partie, à l’instar du schéma national des infrastructures de transport (SNIT) sous l’ancienne législature.

L’enquête publique a émis un avis défavorable ; de nombreux rapports de personnalités d’origines diverses, qu’elles soient de droite ou de gauche, politiques ou plutôt techniques, ont critiqué ce projet ; son financement est hors d’horizon. Pouvez-vous rendre compte à la commission élargie des éléments qui ont pu justifier la position du Gouvernement de valider ce projet ? Quelle est d’ailleurs la nature exacte de votre décision, monsieur le secrétaire d’État ? Est-ce une décision créant du droit ou un simple propos sans conséquence juridique ?

M. Bertrand Pancher. Lorsque l'on parle de budget du transport, il faut avoir conscience que l'on évoque en réalité trois budgets différents : premièrement, le budget de l’AFITF, de 1,9 milliard, qui finance les grandes infrastructures en cours de réalisation, les études et les projets validés par la commission « Mobilité 21 » ; deuxièmement, le budget du ministère des transports proprement dit, d’un montant de 3,2 milliards, qui finance essentiellement l'entretien des réseaux ; troisièmement, le budget de la SNCF qui consacre environ 2,5 milliards d'euros par an à l'entretien du réseau ferroviaire.

Ces budgets sont-ils suffisants ? La réponse est clairement non. Leur faiblesse chronique menace dangereusement la qualité de notre réseau, fait peser des charges supplémentaires sur les contribuables et usagers ces prochaines années, voire ces prochaines décennies. Elle paralyse les projets d'investissements nouveaux pourtant promis et asphyxie davantage encore les entreprises du secteur des travaux publics qui ne voient toujours rien venir. Le bilan est désastreux.

Avec 1,9 milliard d’euros, le budget de l’AFITF ne permet pas d’engager quoi que ce soit de nouveau. On se consolera en constatant qu’on n’a pas sorti les dossiers des placards et qu’aucune dépense supplémentaire n'est par conséquent engagée. Mais lorsque l'on fera le bilan à la fin de votre mandat des grands projets d'infrastructures demandés par les territoires, mis à part le canal Seine-Nord et la liaison Lyon Turin, projet lui-même fortement contesté, votre bilan sera marqué par un vide spectaculaire. Pour 2016, il aurait été sage d'au moins retenir le scénario de notre collègue Philippe Duron, soit un budget à hauteur de 2,3 milliards d'euros de façon à constituer des réserves pour s'engager dans la réalisation des grandes priorités – nœud ferroviaire lyonnais, nœud ferroviaire marseillais, autoroute À 31. Ce ne sera pas le cas. Avec ce budget ridicule, il faudra aussi résorber une nouvelle dette de 700 millions de la SNCF. Quelles consignes allez-vous donner, monsieur le secrétaire d’État, autres que celle de faire de la cavalerie, c'est-à-dire de commencer à rembourser début 2016 et de faire traîner l'ensemble des autres factures, notamment celles des partenariats public-privé, tout au long de l’année 2016 ?

Il aurait été, me semble-t-il, d'autant plus prudent de commencer à augmenter le budget de l'agence qu'en 2017, les dépenses supplémentaires et obligatoires vont être spectaculairement plus importantes : 230 millions au titre des loyers des réalisations qui s'achèvent et 500 millions par an pour les premières tranches du tunnel Lyon-Turin et du canal Seine-Nord. La prochaine majorité devra-t-elle voter un collectif budgétaire sous forme de douche froide ?

Concernant le budget du ministère des transports proprement dit, sur un montant total de 3,2 milliards, 80 % sont consacrés à la SNCF dans le cadre de la compensation des péages. Parmi les 20 % restants, 320 millions vont à l'entretien des routes et 260 millions aux canaux. Il manque actuellement au moins 200 millions pour l'entretien de nos routes ainsi que le financement des petits projets. Le réseau national n'est plus correctement entretenu depuis plusieurs années et se détériore gravement. Outre les risques d'accidents, contenus par des limitations de vitesse désormais mises en place partout, signalons que la structure des chaussées se dégrade et que les observateurs considèrent dans leur ensemble que les travaux futurs seront d’un coût encore beaucoup plus élevé.

S'agissant des canaux, il manque au moins 30 millions d'euros pour leur entretien. La situation s'aggrave également depuis plusieurs années et beaucoup de nos canaux dits secondaires ne sont plus du tout entretenus. Que se passera-t-il en cas de grosses fuites ? Qui indemnisera les dégâts ? C'est un grand mystère. Je me suis rendu ces dernières semaines en bateau sur le canal de l'Est qui traverse une partie de mon département. Je vous invite à venir aussi, monsieur le secrétaire d’État : vous serez édifié !

Reste la SNCF. Elle consacre actuellement 2,5 milliards par an à l'entretien du réseau ferroviaire. Il est urgent de passer le plus rapidement possible à 3,5 milliards car le réseau lui aussi se dégrade. Il suffit de prendre régulièrement le train pour être confronté à des ralentissements, voire des arrêts liés au mauvais état des chemins de fer. Et je ne parle pas de l'abandon méthodique des voies de chemin de fer dites secondaires et de celles consacrées au transport de marchandises. Il est nécessaire d'autoriser la société nationale à augmenter la part de son budget consacrée à l'entretien du réseau. Ses dirigeants, me semble-t-il, le souhaitent, car ils craignent que leurs bilans se détériorent à la suite de la dévalorisation de leurs actifs. Bercy s'y oppose. Pourquoi ? Avez-vous la possibilité de nous l'expliquer, monsieur le secrétaire d’État ? La situation est grave. Il existe neuf catégories de réseaux selon le type de trafic : ceux des catégories de 7 à 9, c'est-à-dire les moins fréquentés, ne sont déjà plus entretenus ; sur ceux des catégories de 4 à 7, on considère que les trains pourraient encore circuler ces prochaines années, mais l’état des voies se détériore fortement.

Faute de temps, je n’évoquerai pas la résorption de la dette du réseau ferroviaire. Nous faisons confiance aux acteurs, mais il y a débat. Je n'ai pas le temps non plus d'évoquer la question des infrastructures du Grand Paris, question sur laquelle il y a beaucoup à dire. Je voulais conclure en vous faisant part de ma très forte inquiétude face à la paralysie du financement de nos infrastructures. Je ne comprends toujours pas la faute lourde qu’a constituée l'abandon de l'écotaxe, qui aurait permis de rapporter au moins 1 milliard par an, ni la grave erreur qui a consisté à ne pas augmenter la taxe sur les carburants alors que les prix sont historiquement bas.

Mme Laurence Abeille. Je commencerai par le budget consacré aux transports, d’un montant quasiment équivalent à celui de 2015, avec une légère baisse en crédits de paiement, de 0,5 %.

La loi de transition énergétique votée cet été établit de grandes orientations qui concernent également le secteur des transports et la nécessaire ambition de réduire les pollutions liées au transport et de développer une mobilité alternative et plus durable.

À ce titre, il est impératif de poursuivre les efforts en matière de développement des transports propres et collectifs ainsi que de la multimodalité. Réduire les incitations au diesel, notamment sur les flottes d'entreprise, est une demande récurrente des écologistes. Bien que nous nous réjouissions du rééquilibrage déjà voté en première partie, nos attentes restent fortes à ce sujet.

L'année 2015 est celle de la prise en compte de la faiblesse structurelle de la France en matière logistique. Nous saluons à ce titre la mise en place d'une conférence nationale sur la logistique, créée à la suite d’un amendement parlementaire, et dont la présidence a été confiée à mon collègue François-Michel Lambert. D'ici à quelques mois, la France devrait se doter d'une stratégie nationale logistique de long terme intitulée « France logistique 2025 », qui concernera les mutations de la mobilité, du transport des marchandises et des voyageurs liées à la révolution numérique.

Concernant l'AFITF, nous regrettons que son budget reste orienté vers le financement des grands projets d'infrastructures. Le développement des transports collectifs en site propre (TCSP) doit pourtant constituer une priorité de la politique de mobilité durable. Quels seront les engagements pour 2016 ? Quelle part du budget de l'AFITF sera réellement consacrée à l'amélioration de la performance de l'existant et au développement de solutions multimodales ?

S’agissant de la mobilité en milieu urbain, je rappelle que les écologistes ont déposé en commission des finances un amendement, que nous déposerons à nouveau en séance, sur les petits véhicules légers non assimilés à des voitures, tels que les Twizy, qui ne bénéficient pas actuellement du bonus-malus. Ce type de véhicules peut constituer une solution intéressante de mobilité en milieu urbain et péri-urbain. Pourquoi ne se voient-ils pas appliquer ces aides incitatives ?

L’année 2015 a aussi donné lieu à des questionnements sur les grands chantiers d'infrastructures dont on ne voit ni l'urgence, ni l'opportunité. Ont été confirmés les chantiers du canal Seine-Nord, du tunnel Lyon-Turin, de la prolongation de la LGV Atlantique Sud-Ouest vers l'Espagne et vers Toulouse, et de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le bleu budgétaire prévoit que « Dans l'attente de la date de lancement des travaux de l'aéroport de Nantes, suite au rejet des recours intentés contre le projet, la dépense inscrite pour 2016 est provisionnée à 4,5 millions d’euros en crédits de paiement ». Je rappelle l'opposition forte des écologistes à la construction de cet aéroport, cher et inutile. Le groupe écologiste estime que ces grands projets consomment des crédits et des moyens financiers sans répondre aux urgences de notre quotidien et aux enjeux climatiques qui sont plus que jamais les nôtres cette année.

S’agissant du budget de la pêche, j'interviendrai plus particulièrement sur la question de la transparence des aides. Les subventions publiques au secteur de la pêche peuvent être inefficaces dès lors qu'elles visent à puiser de façon non durable dans les ressources halieutiques ou qu'elles encouragent les méthodes de pêche destructrices. Une politique de subventionnement public bénéfique doit au contraire viser à maintenir l'emploi et le maillage socio-économique des territoires ainsi qu’à assurer la santé de l'environnement marin et des stocks halieutiques dont les activités de pêche dépendent. Or, en l'absence de connaissance des aides allouées au secteur de la pêche, il n'est pas possible de les flécher vers une pêche durable.

La Cour des comptes, après s’être penchée sur la question des fonds publics alloués au secteur de la pêche entre 2000 et 2009, avait pointé plusieurs problèmes. Elle a montré que les aides consenties sont incohérentes au regard des objectifs nationaux de développement durable et de la politique commune de la pêche établie au niveau européen puisqu’elles ont accru la capacité de pêche et imposé une pression excessive sur les stocks de poissons. Elle a souligné que les aides ne sont pas répertoriées par une instance centrale : personne n'est en mesure d'en établir une image claire. Elle a également mis en lumière que les subventions sont « supérieures au chiffre d'affaires, si on inclut les aides à la protection sociale ». Enfin, elle a rappelé que les aides publiques ne poursuivent même pas l'objectif prioritaire de maintien de l'emploi : aucun des dispositifs d'aides n'est en effet conditionné à un engagement de maintien ou de développement de l'emploi.

Ce rapport de la Cour des comptes n'a pas été rendu public et n'a donc malheureusement pas été suivi d'effets. La direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) ne publie que très peu de données concernant le subventionnement du secteur de la pêche. Les rares fichiers mis en ligne le sont de manière irrégulière et leur format ne permet pas de procéder à une évaluation des aides publiques allouées à ce secteur. Or, toute réforme de la pêche dans une optique de développement durable nécessite de disposer d'un inventaire complet des dispositifs existants. Monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous rendre transparentes les aides au secteur de la pêche ?

M. Philippe Duron. Je ne reviendrai pas sur les besoins de financement de l’AFITF : nos rapporteurs Alain Rodet, Olivier Faure et Remy Pauvros ont dit excellemment ce qu’il fallait en penser et vous leur avez apporté, monsieur le secrétaire d’État, des réponses précises et positives. Mes remarques porteront plutôt sur son fonctionnement à long terme. Nous bénéficions en effet de dix ans de recul : sa création a été décidée lors du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003 et elle a été mise en place en 2005.

L’AFITF a ordonnancé 33 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 21 milliards d’euros de crédits de paiement pour le financement des infrastructures, malgré les aléas qu’elle a pu connaître. Cette robustesse montre, s’il en était besoin, l’efficacité du principe des ressources affectées. Par ailleurs, elle applique des principes vertueux en matière environnementale, les deux tiers des crédits qu’elle a adoptés étant destinés à des modes complémentaires à la route. Enfin, s’agissant du troisième appel à projets en matière de transports collectifs en site propre, à peine un an après les décisions prises par votre prédécesseur, les premières conventions sont soumises à décision : quatre ont déjà été adoptées, au mois de juillet et au mois d’octobre.

Vous avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, que la priorité du Gouvernement était l’entretien, la maintenance et la modernisation des réseaux. Le budget que vous présentez cette année, en particulier le budget de l’agence, me semble de nature à conforter cette ambition. Les crédits destinés à l’entretien et à l’exploitation du réseau routier national non concédé sont en hausse de 23,7 %. C’était chose nécessaire compte tenu de leur insuffisance passée. Il en va de même pour les crédits ferroviaires et portuaires.

J’en viens à deux questions.

Vous avez confié à Michel Destot et Michel Bouvard une mission sur les nouvelles sources de financement du projet de ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, notamment la surtaxe au titre de l’Eurovignette III. Nous avons été très intéressés d’entendre les conclusions de leur rapport dans le cadre d’une réunion conjointe de la commission des finances et de la commission du développement durable. Pourriez-vous nous dire où vous en êtes de l’analyse de leurs travaux ? Avez-vous pris des décisions sur leur base ?

Ma deuxième question concerne la recherche en matière de transports et de mobilités. Alors que le transport est le seul secteur à avoir vu augmenter ses émissions – de 14 % – entre les accords de Kyoto de 1990 et 2012 et que les mobilités ont connu des changements profonds ces dernières années, il apparaît nécessaire d’accentuer les efforts de la recherche. Le quatrième programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres s’est achevé en 2013. Où en est-on du processus de reconfiguration du PREDIT engagé en 2014 en vue de relancer un nouveau cycle de recherches sur les transports et les mobilités, les comportements et les modèles économiques des systèmes de transport ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’aimerais avoir des précisions, monsieur le secrétaire d’État, sur les projets d’autoroutes ferroviaires. Celle qui relie Bettembourg au terminal du Boulou devrait être prolongée jusqu’à Calais, ce qui aboutirait à la création d’une troisième autoroute ferroviaire en France. Par ailleurs, vous avez annoncé en septembre que le projet de l’autoroute atlantique reliant Dourges à Tarnos était relancé. Pourriez-vous nous donner de plus amples informations ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Mariton, vous vous souciez de la cohérence du dispositif du bonus-malus. Je m’en suis déjà expliqué, mais je vous précise que je ne suis pas favorable à votre idée de taxer les utilisateurs de feux de cheminée…

S’agissant du grand projet ferroviaire du sud-ouest (GPSO), vous m’avez demandé quelle était la nature de la décision annoncée par le Gouvernement. Rappelons que ce projet comporte deux branches, l’une reliant Bordeaux à Toulouse, l’autre Bordeaux à Dax, qui ont fait l’objet de deux enquêtes publiques. Elles ont été menées en même temps, compte tenu de l’existence d’un tronçon commun d’une soixantaine de kilomètres. Le Gouvernement n’a pas choisi de se ranger à l’avis défavorable de la commission d’enquête publique et a jugé indispensable de poursuivre la procédure, comme il l’a annoncé dans les derniers jours du mois de septembre. Pourquoi à cette date ? Il fallait donner aux préfets un délai suffisant pour s’assurer que les documents d’urbanisme des communes concernées soient mis en conformité, étape nécessaire avant la parution du décret de déclaration d’utilité publique pris en Conseil d’État prévu au mois de juin 2016. Il s’agissait donc d’un rendez-vous incontournable, compte tenu du délai de saisine.

Sur le fond, les appréciations divergent. J’observe toutefois, monsieur Mariton, que les élus concernés, quelles que soient la taille de leurs collectivités, sont favorables dans leur quasi-totalité à ce projet : je ne connais pas un président de conseil régional, pas un président de conseil général, pas un responsable de communauté d’agglomération ou de grandes villes qui s’y soit opposé. J’ajoute que les chambres de commerce dans leur ensemble se sont aussi montrées favorables. Les « autorités » auxquelles vous avez fait référence sont peut-être d’une autre nature… qui ne relève en tout cas pas du cadre démocratique et institutionnel.

Les enjeux diffèrent selon la branche considérée.

Pour la liaison entre Bordeaux et Toulouse, la question se pose en termes simples : la quatrième agglomération de France doit-elle encore rester à l’écart d’une liaison à grande vitesse avec Paris ? Ce n’est pas l’avis des élus toulousains. Leur détermination à raccourcir le temps de trajet reste totale, quelles que soient les alternances locales.

Pour la liaison atlantique, l’enquête publique s’est arrêtée à Dax, ce qui, je vous le concède, n’est pas des plus rationnels : l’objectif est bien d’aller vers l’Espagne. Cette décision a été prise à un moment où l’opposition locale au pays basque était extrêmement forte, ce qui a conduit à procéder en deux temps. La façade atlantique peut-elle se priver d’une liaison à grande vitesse qui la mettrait en situation difficile par rapport à d’autres territoires, notamment notre façade Est ? Et quelle réponse apportera-t-on lorsque les liaisons à grande vitesse espagnoles arriveront à nos frontières à l’horizon 2019-2020 ?

Un élément important a conduit le Gouvernement à poursuivre la procédure : cette ligne a été validée parmi les projets que la Commission européenne estime prioritaires parmi les grands corridors qu’elle considère comme indispensables pour l’équilibre des territoires à l’échelle européenne. Preuve en est que la phase d’études, portant en particulier sur les maîtrises foncières, est subventionnée à hauteur de 50 % par l’Europe.

La question du financement mérite, à l’évidence, d’être posée, comme elle peut l’être pour l’ensemble des grands projets. Il serait dommageable que, le moment venu, les collectivités locales et l’État constatent qu’ils n’ont pas les moyens de financer ou qu’ils ne veulent pas trouver les ressources, car d’autres pays, notamment l’Espagne, les ont trouvés. La priorité aujourd’hui est de se mobiliser pour obtenir un maximum de participations européennes dans la mesure où la Commission l’a classé comme prioritaire.

Le Gouvernement a donc souhaité poursuivre le projet, mais probablement pas – la décision n’est pas encore prise – sous la forme juridique mise au point pour la liaison Tours-Bordeaux dont la mise en œuvre pratique se révèle d’une complexité rare. En l’absence de financements publics majoritaires, mieux vaut ne pas inventer des systèmes qui produisent des intérêts contradictoires. J’espère que la bonne volonté de chacun permettra le démarrage des travaux de cette ligne à grande vitesse dans de bonnes conditions, qu’il s’agisse de la desserte ou du financement.

Pour répondre à votre question, monsieur Mariton, la décision du Gouvernement est créatrice de droit dans la mesure où conduit à poursuivre la procédure. Elle correspond à la volonté des élus locaux, toutes tendances politiques confondues, et à une volonté de l’Europe, des arguments qui ne me paraissent pas justifier une mise à l’écart du projet.

Je ne vais pas arbitrer – même si je suis un peu tenté de le faire – entre vos arguments, monsieur Mariton, et ceux de M. Pancher. Vous auriez bien des difficultés à vous mettre d’accord pour définir une politique : l’un considère qu’il ne faut rien dépenser, l’autre que l’on ne dépense pas assez ! Comment concilier vos points de vue ? Je gage qu’il vous faudra un temps de réflexion complémentaire pour y parvenir…

Je suis assez d’accord, monsieur Pancher, avec le constat que vous faites de l’état des réseaux routiers et ferroviaire. Pour le réseau ferré, j’ai dit l’an dernier que ma priorité était la maintenance, et je ne me suis pas contenté de le dire : parce que je tenais à ce que les crédits soient concentrés sur l’entretien, j’ai différé de deux ans douze grands projets d’investissements dans le ferroviaire, notamment de nouvelles gares – ce qui ne m’a pas valu que des félicitations. L’objectif global résultera de la négociation du contrat de performance en cours de discussion. Quand on parle de « maintenance », on confond parfois restructuration et entretien quotidien et, lorsque le réseau vieillit, des restructurations deviennent nécessaires car l’entretien quotidien ne suffit plus. C’est ce qu’il faut rendre possible. Le réseau doit avoir et des objectifs de productivité et financiers, mais aussi des moyens, y compris en personnels. Je rappelle que, dans le contexte budgétaire que l’on sait, le Premier ministre a tranché l’an dernier en faveur du recrutement de 500 emplois supplémentaires pour Réseau ferré de France et de 350 cette année. Cela signifie que les moyens humains, indispensables, seront là. C’est une première approche pour parvenir à ce que nous souhaitons tous les deux : un entretien plus performant du réseau ferré.

Cela vaut aussi pour le réseau routier. Il est de bonnes qualités, mais la maintenance quotidienne est indispensable pour ne pas dépasser la limite qui le ferait se trouver, même si comparaison n’est pas raison, dans la situation que connaît aujourd’hui le réseau ferré. Le budget est stable cette année, mais je rappelle que nous avons pu débloquer 100 millions d’euros en cours d’année pour permettre des travaux supplémentaires. Ils ont permis de relancer l’activité du secteur des travaux publics et de faire un peu plus pour l’entretien des routes.

Je ne puis vous laisser dire, madame Abeille, que les aides à la pêche manqueraient de transparence ; je m’inscris en faux contre cette affirmation injuste, d’autant plus inexacte que la politique de la pêche est pour 99 % une politique européenne, et que l’Union européenne n’est pas réputée pour ne pas contrôler les conditions dans lesquelles les engagements pris sont respectés. Non seulement le contrôle des pêches est fait, mais le contrôle européen du contrôle français des pêches l’est aussi – et ce contrôle est compliqué par l’interdiction des rejets de poissons en mer. Alléguer qu’il n’en serait pas ainsi, c’est faire un mauvais procès, et cela ne correspond en rien à l’investissement des comités des pêches, des pêcheurs français et de la Commission européenne. Je ne dis pas que la situation est idyllique – la discussion à venir sur les quotas sera compliquée – mais, en France, des pêcheurs se sont engagés dans la mise en œuvre des objectifs de la nouvelle politique commune de la pêche qui, en visant le respect du rendement maximal durable en 2020 au plus tard, objectif déjà atteint pour 60 % des espèces, a été conçue pour que ce que l’on prélèvera une année n’affecte pas la ressource future. Vous devriez plutôt, madame Abeille, accompagner cette démarche ; le moins que je puisse dire est que je ne partage pas votre opinion.

Le modèle économique des autoroutes ferroviaires a longtemps été hésitant, monsieur le président Chanteguet. Outre que l’équilibre des comptes dépendait des subventions publiques, les discussions opposaient les partisans des autoroutes ferroviaires, où l’on met directement les camions sur les trains, aux tenants du transport combiné, c'est-à-dire de l’utilisation de conteneurs. Le modèle des autoroutes ferroviaires est en train de trouver son équilibre financier. L’équation est difficile à résoudre, et l’un des problèmes tient à la longueur des trains. Parce que l’on peine à équilibrer les comptes quand les trains sont longs de 750 mètres, certains envisagent des trains de 1 000 mètres, mais avec des convois de 850 mètres on parvient déjà à l’équilibre. C’est une bonne chose pour le report modal. Un nouveau service sera ouvert en janvier 2016 entre Calais et Perpignan, avec deux allers-retours quotidiens représentant le transport annuel de 40 000 semi-remorques sur un trajet de 1 500 kilomètres. C’est une nouvelle positive.

En revanche, j’ai été amené à stopper le projet d’autoroute ferroviaire Atlantique, pour lequel une concession avait été envisagée par l’État, en raison de sa localisation : l'implantation d’une plateforme en milieu urbain aurait eu pour conséquence que ces longs trains auraient bloqué deux passages à niveau en même temps, dix fois par jour pendant sept minutes dans l’agglomération de Bayonne… Les risques juridiques pour l’État étant considérables, nous avons décidé de ne pas persister dans ce projet. Mais l’Espagne entendant créer un terminal multimodal à Vitoria, de l’autre côté de la frontière, il n’y avait pas à faire preuve de nationalisme mal placé : j’ai rencontré fin juillet mon homologue Ana Pastor, et encore la semaine dernière à Bordeaux, avec le coordonnateur européen pour le corridor atlantique. Nous avons décidé de relancer le projet ensemble, avec le soutien de l’Union européenne. En résumé, une autoroute ferroviaire deviendra réalité en janvier et l’autre est relancée.

Un mot, aussi, pour vous dire que la Commission européenne a accepté que nous relancions « l’autoroute de la mer » entre Nantes et Vigo, trajet un peu différent de la ligne qui reliait précédemment Montoir-de-Bretagne à Gijón, fermée en raison de son déficit chronique. Peut-être la présence des usines Peugeot et le soutien de l’Union européenne permettront-il que ce très beau projet de report modal trouve, cette fois, son équilibre économique, seul moyen de pérenniser la ligne.

Le Premier ministre avait demandé à MM. Michel Destot et Michel Bouvard de cerner la faisabilité juridique et technique du financement du projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin dans les conditions prévues par la directive Eurovignette, qui autorise les États à percevoir des majorations de péages destinés à financer une infrastructure dans un périmètre défini. Leur travail remarquable alimente la réflexion du Gouvernement, mais aucune décision n’est encore prise à ce jour.

Je vous ferai transmettre, monsieur Duron, une réponse écrite sur la relance du programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres, le PREDIT.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions d’avoir parfaitement répondu à toutes nos questions.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures quinze.

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