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Commission des affaires européennes

mercredi 19 juin 2013

17 heures

Compte rendu n° 71

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Table ronde sur l’avenir de l’Union européenne, avec la participation de Mme Cynthia Fleury, professeur de philosophie politique, vice-présidente d’EuropaNova ; Mme Françoise Vergès, politologue ; M. Patrick Viveret, philosophe et essayiste ; M. Guillaume Duval, économiste, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques ; M. François Hartog, historien.

II. Examen des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 19 juin à 17 heures

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 heures

I. Table ronde sur l’avenir de l’Union européenne, avec la participation de Mme Cynthia Fleury, professeur de philosophie politique, vice-présidente d’EuropaNova ; Mme Françoise Vergès, politologue ; M. Patrick Viveret, philosophe et essayiste ; M. Guillaume Duval, économiste, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques ; M. François Hartog, historien.

La Présidente Danielle Auroi. Cette table ronde clôt la première étape des travaux que nous consacrons à l’approfondissement de l’Union européenne. Cet approfondissement est nécessaire : les récentes déclarations du commissaire européen au commerce extérieur, M. Karel de Gucht, selon lesquelles il pourrait faire fi des décisions des États membres dans la négociation qui va s’ouvrir avec les États-Unis, montrent en effet qu’il est impératif de rappeler les règles de la démocratie au sein de l’Union. Mais il est vrai aussi que la plupart des Européens, et sans doute avec eux beaucoup d’élus de ce pays, y compris d’élus nationaux, ne savent pas que l’année 2013 a été déclarée « Année européenne des citoyens ».

Pour nourrir sa réflexion sur la démocratisation et sur l’avenir de l’Union européenne, notre Commission a reçu nombre de personnalités très diverses, telles que M. Jacques Delors, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Thomas Piketty, M. Daniel Cohn-Bendit ou M. Jean Arthuis. Nous nous sommes également rendus à plusieurs reprises à Bruxelles pour interroger directement de nombreux acteurs quotidiens des institutions. Nous avons ainsi rencontré, en décembre dernier, le président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy.

L’Assemblée nationale a d’ores et déjà obtenu que les parlementaires nationaux et européens puissent débattre ensemble, de façon transversale, des enjeux économiques et budgétaires auxquels est confrontée l’Union. En effet, notre Commission – M. Christophe Caresche en particulier – avait repris le combat mené en ce sens par mon prédécesseur, M. Pierre Lequiller, pour aboutir, le 27 novembre dernier, au vote à l’unanimité par notre assemblée d’une résolution sur l’ancrage démocratique du gouvernement économique européen. Finalement, la Conférence des présidents des parlements de l’Union européenne, qui s’est tenue du 21 au 23 avril dernier à Nicosie, a décidé la création d’une Conférence budgétaire réunissant des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen qui se déroulera deux fois l’an – tantôt dans le pays qui préside l’Union, tantôt à Bruxelles. Il est en effet essentiel de faire se rencontrer les élus, de manière à les associer à toute évolution vers un gouvernement économique européen : un nouvel exécutif ne doit pas voir le jour sans qu’un pouvoir législatif le conteste et puisse débattre de choix qui engagent l’avenir de nos peuples.

Toutefois, la question de la démocratie ne se limite pas pour l’Europe au champ budgétaire. Même si l’argent est le nerf de la guerre et même si tout budget traduit des choix politiques, il s’agit d’une matière qui est loin de parler directement aux citoyens. La semaine prochaine, je présenterai un premier rapport d’étape en vue de dessiner notre vision d’une future Europe des citoyens qui étende ses ambitions au-delà des seuls champs économiques et financiers. Aujourd’hui, la citoyenneté européenne souffre d’un déficit de crédibilité qui nous inquiète particulièrement alors que les populations, soumises partout à l’austérité, ne voient de l’Union que ce qui les contraint, ce qui porte atteinte au modèle social de chacun des États. Il y a un besoin d’Europe, d’une Europe sociale et écologique qui soit celle des citoyens, mais, pour le satisfaire, nous avons encore bien des étapes à franchir.

Afin d’élargir notre champ de réflexion et de ne pas rester prisonniers de l’existant, nous avons tenu à organiser cette table ronde réunissant des personnalités extérieures à l’Union « officielle ». Construire l’Europe de demain demande en effet de sortir des sentiers battus et des solutions technocratiques qui sont en fait des choix conservateurs et traditionnels. Nous sommes donc heureux, mesdames et messieurs, que vous puissiez nous aider à trouver des pistes pour construire un projet partagé par les citoyens.

Monsieur Patrick Viveret, votre parcours riche et stimulant, de la Cour des comptes à la philosophie en passant par votre engagement de chaque instant pour le développement durable et pour une mondialisation responsable, vous qualifie pour nous parler du rapport de l’Europe à la croissance et à l’économie. Vos nombreux travaux sur les modalités du pouvoir contemporain fourmillent d’enseignements porteurs d’espoir dans le futur de l’Europe.

Madame Cynthia Fleury, vos travaux, comme philosophe et plus particulièrement, dans la problématique qui nous rassemble aujourd’hui, comme vice-présidente du think tank EuropaNova, vous ont conduite à exprimer votre « soif d’Europe » et à appeler à la désignation claire d’un gouvernement européen par le Parlement.

Madame Françoise Vergès, votre regard est à la fois européen et décalé par rapport au continent car vos travaux concernent les grands fléaux que l’Europe a apportés au monde, comme l’esclavage et le colonialisme. Cette approche vous permet d’interroger les fondements de l’identité d’un continent qui n’a peut-être pas tiré toutes les leçons de son passé colonial.

L’Europe au passé complexe et conflictuel ne peut parler au présent et au futur sans s’interroger sur son histoire. Encore récemment, participant à une mission à Belgrade, j’entendais certains de nos collègues du Bundestag évoquer les obstacles à l’entrée dans l’Union de la Serbie. L’espace de paix que nous construisons doit en permanence faire l’objet d’un réexamen au regard de l’histoire. M. François Hartog évoquera cette dimension du temps comme élément essentiel de la refondation du projet européen, dans un contexte de « présentisme » où parler de l’avenir paraît presque incongru.

Enfin, M. Guillaume Duval nous fera profiter de son regard d’économiste iconoclaste, en particulier sur les fondements actuels de la prospérité allemande et sur la vision du futur de l’Union.

M. Patrick Viveret, philosophe et essayiste. Face à l’enjeu de civilisation auquel l’Europe se trouve confrontée, il ne me paraît possible de tracer de perspectives positives qu’à condition de prendre d’abord conscience que la forme actuelle de l’Union peut représenter une menace pour les deux valeurs cardinales sur lesquelles elle s’est construite : la démocratie et la paix.

Si la démocratie a toujours posé un problème à l’Union européenne – elle n’est jamais devenue pleinement démocratique –, les reculs sur le terrain de la paix constituent un fait nouveau. Les logiques de guerre économique dans laquelle l’Europe s’est laissé entraîner produisent des éléments de dislocation : on ne passe pas impunément d’une économie pacificatrice à la guerre économique. Même si l’on peut déplorer que la construction européenne des premières années ait surinvesti le champ économique en négligeant le politique et le social, il faut bien reconnaître que les « pères fondateurs » ont réalisé un coup de génie en plaçant les deux industries de la guerre, le charbon et l’acier, au cœur de la logique de paix. L’économie devenait ainsi facteur de paix interne en même temps qu’elle protégeait de logiques extérieures fondées sur la guerre économique. Cependant, un bouleversement majeur et invisible s’est produit à partir des années Thatcher et Reagan, et sous l’effet du consensus de Washington. Certes, l’économie est restée le fondement de l’Europe mais, de pacificatrice, elle est devenue guerrière. Ce changement a profondément affecté le champ politique et social : le modèle social européen, jusqu’alors considéré comme positif et anticipateur, a été regardé comme une charge, il est devenu impératif de démanteler l’État-providence ou l’État social, et le politique a été prié d’ « accompagner » cette transformation de l’économie.

La remise en cause conjuguée des valeurs européennes de démocratie et de paix se traduit par l’apparition d’un dispositif totalement oligarchique : les intérêts des catégories les plus puissantes, que ce soit sur le plan financier, économique, politique ou médiatique, se trouvent de fait coalisés pour l’essentiel. Le processus démocratique est de plus complexe ou inopérant, et l’on va même jusqu’à remettre en question ce qui en constitue le moment ou l’acte essentiel : le vote des peuples. On sait ce qu’il est advenu des référendums de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe, et les électeurs de plusieurs pays européens qui ont porté au pouvoir des majorités opposées à la logique de l’austérité constatent amèrement, après quelques mois, que ces gouvernements sont dans l’incapacité de changer véritablement cette politique économique.

Conjuguée à un pouvoir oligarchique, la logique de guerre économique prépare la guerre sociale et celle du sens. Dans La grande transformation, Karl Polanyi distinguait les économies et les sociétés de marché. Que se passe-t-il quand la marchandisation devient intégrale et attaque la substance même du lien social ? Comme le montre Josef Stiglitz, il existe un lien systémique entre « fondamentalisme marchand » et fondamentalisme identitaire. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que les perdants de la course à la compétitivité se tournent vers un radicalisme identitaire, qu’il soit religieux, national ou qu’il prenne d’autres formes. Il est aujourd’hui possible d’affirmer que cette réponse fondamentaliste peut être de nature à provoquer des situations aussi dangereuses que celles que l’Europe a connues dans les années trente.

Pour passer à une logique plus positive, il nous faut transposer le coup de génie des pères fondateurs et imaginer la transformation des industries actuelles de la guerre économique, sociale et culturelle en industries de la paix. Quelle est aujourd’hui l’industrie par excellence de la guerre économique ? La démesure de l’économie financière et spéculative est indéniablement au cœur de la logique guerrière. Déjà, un an avant la crise financière de 2008, M. Bernard Lietaer, ancien dirigeant de la Banque nationale de Belgique, poussait un cri d’alerte en montrant que moins de 3 % des 3 200 milliards de dollars échangés quotidiennement sur les marchés financiers correspondaient à des biens et des services réels. Il faudrait que l’économie financière se mette au service de la paix économique et qu’elle soit utilisée pour refonder la démocratie. Dans ce cadre, la lutte contre la fraude fiscale est déterminante. À la suite du commissaire européen Michel Barnier, le président de la Commission, José Manuel Barroso, qui ne passe pas pour être proche des mouvements alternatifs, a reconnu que la seule fraude fiscale, hors optimisation, représentait mille milliards d’euros. Comment continuer dans ces conditions à prétendre que les caisses sont vides ? Tous les processus liés à l’existence de paradis fiscaux et à la fraude fiscale sont indubitablement à ranger dans les éléments qui entraînent pour la société une perte de substance. Aujourd’hui, ces processus fabriquent de la guerre ; il faut donc les combattre de façon radicale.

Nous pourrions le faire en mettant par exemple en place une forme d’avance sur les recettes de la lutte contre la fraude, pour nous donner une marge de manœuvre monétaire. Si, lorsqu’une pression citoyenne se fait sentir, cette lutte est inscrite à l’ordre du jour, dès qu’elle s’estompe, l’opacité reprend en effet ses droits et les lobbies agissent pour éviter toute réforme de fond – cela a été le cas après les G8 et G20 de 2009.

Pour échapper à la logique de guerre qu’elle s’est imposée à elle-même, l’Europe peut aussi s’inspirer des propositions les plus positives faites de par le monde. Je pense, par exemple, à la perspective mondiale d’une transition vers le bien-vivre – le buen vivir – proposée par le Forum social mondial de Belém, au Brésil, en 2009, puis évoquée par l’Assemblée générale des Nations unies en juillet 2011. L’Europe forme potentiellement un espace privilégié pour évoluer vers une société écologiquement soutenable, socialement juste et à haute qualité démocratique. S’il lui est impossible de se refonder sur les éléments de sa puissance passée – la logique impériale et la conquête –, elle peut, en revanche, jouer sur ce nouveau chemin un véritable rôle anticipateur. Car la véritable question posée au monde pour demain n’est pas de savoir si la Chine sera la superpuissance du XXIIIe siècle, mais celle de savoir s’il y aura un XXIIIe siècle ! L’humanité a des rendez-vous critiques avec elle-même car elle risque la sortie de route si les questions écologiques, sociales, « civilisationnelles », et celle de la forme de la gouvernance démocratique ne sont pas traitées.

Peu avant son assassinat, alors que les relations entre les États-Unis et l’Union soviétique entraient, après la crise des fusées de Cuba, dans une phase de détente, le président John Fitzgerald Kennedy avait interrogé un groupe pluridisciplinaire de haut niveau sur les conditions et les conséquences d’une paix mondiale durable. Le rapport issu de leurs travaux, publié quelques années plus tard, était extraordinairement pessimiste et même sinistre. Ce document peu connu a été présenté en France par John Kenneth Galbraith sous le titre La paix indésirable. Le « système de la guerre » étant considéré comme structurant et incontournable dans l’organisation des sociétés, le rapport préconisait de maintenir l’horizon de la guerre dont la préparation devait se poursuivre. Ce texte ajoutait que la peine de mort était indispensable comme expression symbolique du pouvoir de vie et de mort du politique à l’égard des citoyens. Pourtant, alors que toute alternative était considérée comme utopique, l’Europe démontre, depuis plus d’un demi-siècle, qu’une autre voie est possible. Elle a à la fois remis en cause la guerre elle-même, sa préparation, et la peine de mort. Mais il est vrai qu’elle n’assume pas vraiment cette tentative inédite dans l’histoire de l’humanité de fonder une communauté politique sur d’autres éléments que la guerre et la domination. Elle agit plutôt de façon empirique, à reculons, sans ambition et sans vision d’avenir. C’est, au contraire, en reconstruisant une démocratie et en s’attaquant aux industries de la guerre nouvelle qu’elle s’engagerait dans la transition vers la société du bien vivre.

Mme Cynthia Fleury, professeur de philosophie politique, vice-présidente d’EuropaNova. La paix a constitué l’enjeu politique de la construction européenne, et le territoire européen a fait du grand geste de la réconciliation une nouvelle dynamique historique. Avec du sens, l’élargissement aurait permis à cette logique d’aller à son terme mais il ne s’est joué que comme un simulacre de réconciliation, passant à côté de l’approfondissement.

Aujourd’hui, les citoyens européens se retrouvent au milieu du gué avec le sentiment que leur souveraineté est liquidée au niveau national – dont il constate l’insuffisance – sans que rien leur soit offert à l’échelon fédéral, qui n’est pas encore construit. Cette souveraineté est toutefois toujours perçue par les citoyens dans un cadre national. L’Europe serait peut-être mieux incarnée si le Parlement européen était élu différemment, et si le suffrage universel aux élections de l’Union était encore plus direct. L’introduction d’une plus forte dose de parlementarisme permettrait aussi à la majorité élue de désigner un gouvernement européen qui exposerait son projet pour cinq ans.

Au-delà de la question de la souveraineté, l’Europe souffre également d’une crise de la qualité de sa représentativité. Considérant que les partis présentent des troisièmes couteaux aux élections européennes, les citoyens ont le sentiment que Bruxelles n’est qu’une arrière-cour – alors que la situation est précisément inverse.

L’efficace pose aussi un problème majeur à l’Europe qui ne peut prouver sa légitimité qu’en étant au rendez-vous d’une intégration sociale opérationnelle et de la régulation de la finance dans un « pacte de réciprocité fiscale ». L’épreuve de souveraineté passe logiquement par la restitution au peuple des milliards d’euros évaporés. Peu à peu, les citoyens comprennent que les banques et les États ne se prêtent pas mutuellement dans les mêmes conditions, et ils constatent que les milliards de bénéfices des multinationales – Google ou Amazon – échappent à l’impôt. Or, si la France tient un discours fort sur le sujet, sa pratique reste faible. Sur l’évasion fiscale, sur la transparence des patrimoines, elle a renoncé à être ambitieuse. Quant à la législation relative à la séparation bancaire, elle ne concerne que 2 % des activités concernées – les directeurs de banque sont venus dans cette enceinte même expliquer qu’ils n’étaient pas concernés par la réforme. EuropaNova et le collectif Roosevelt défendent, au contraire, l’idée d’une crise clarificatrice entre les États européens afin de mettre en cohérence l’éthique proclamée et la réalité des pratiques.

Pendant que nous laissons en friche la question de l’Europe sociale, ce territoire de la socialisation et de l’intégration est occupé par d’autres, notamment par les extrêmes politiques. Bien évidemment, ceux-ci ne feront rien, mais ils cherchent ainsi à conquérir une assise démocratique. Leur mobilisation, conjuguée à l’abstentionnisme des « non extrêmes », risque de faire des prochaines élections des moments très difficiles. Aujourd’hui, tous les partis « nationalistes » français discutent quasi quotidiennement avec leurs homologues extrémistes et populistes de Hongrie, de Grèce ou d’autres États européens. Ils ont parfaitement compris la nécessité d’une action transnationale, européenne. Il nous appartient de ne pas leur abandonner ce terrain décisif.

L’Europe de l’injonction et l’Europe institutionnelle ne sont plus à l’ordre du jour. Le temps d’une Europe de ce que Pierre Rosanvallon appelle la « démocratie continue » est venu. L’Europe doit faire l’objet d’une co-création avec les citoyens grâce aux outils de la régulation citoyenne que constituent les think tanks collectif Roosevelt, Économistes atterrés, etc. Aujourd’hui, le diagnostic est établi, et il est partagé. Il manque seulement le courage et l’ambition pour « assumer » une crise forte au profit de la défense de normes élevées en matière sociale et environnementale. Éthiquement, ce chemin est particulièrement défendable ; géopolitiquement, c’est le seul possible !

Mme Françoise Vergès, politologue. Je regarde sans doute l’Europe en faisant un pas de côté, depuis les mondes qu’elle a fabriqués en se lançant dans la colonisation. Nous avons toujours quelque chose à comprendre des héritages d’une organisation qui a eu de profonds impacts, trop négligés, sur l’environnement, sur les écosystèmes, sur le commerce, sur le droit et sur les peuples. Le sujet est toutefois délicat car il persiste un doute général sur l’importance de cette histoire, et sur le rôle de l’identité de l’Europe et du monde construite dans ce parcours.

J’évoquerai deux anniversaires significatifs : celui des traités d’Utrecht, signés en 1713, et celui de la naissance d’Aimé Césaire, il y a cent ans.

En 1713, les traités d’Utrecht mettent fin à la guerre de Succession d’Espagne et consacrent une victoire de la diplomatie. Ils empruntent beaucoup aux idées de l’abbé de Saint-Pierre qui, l’année précédente, dans son Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, avait considéré que « toutes les Puissances européennes forment entre elles une sorte de système qui les unit par une même religion, par un même droit des gens, par les mœurs, par les lettres, par le commerce, et par une sorte d’équilibre qui est l’effet nécessaire de tout cela ». On oublie toutefois trop souvent que ces traités firent aussi de l’Angleterre la bénéficiaire absolue du monopole de l’asiento, lui permettant de devenir une grande puissance coloniale et de se lancer dans la déportation des Africains. Au XXIIIe siècle, 70 000 à 90 000 captifs africains furent déportés tous les ans, contre 30 à 40 0000 durant le siècle précédent, de sorte qu’environ 60 % de la traite transatlantique s’est accomplie à partir de 1713.

L’Europe s’est construite comme une grande puissance mondiale fondée sur la paix, le commerce et l’entente, mais c’est au nom même de cette union qu’elle s’est autorisée à intervenir partout dans le monde, à coloniser des peuples, à bouleverser des écosystèmes, ou à établir l’esclavage. Elle a édifié sa richesse sur cette exploitation, mais elle est ainsi entrée en contact avec des mondes qui l’ont transformée. Aujourd’hui, elle porte encore le fardeau de ce qu’elle a entrepris au XVe siècle. Les héritages de cette longue histoire restent vivants et s’inscrivent dans une réorganisation du monde marquée par de nouvelles formes de colonisation, par de nouvelles migrations, par de nouvelles guerres et par l’émergence de nouvelles puissances. Au-delà de l’Europe, le monde entier est aujourd’hui soumis à la logique de l’économie financière et à de nouvelles formes de colonisation.

Né le 26 juin 1913, Aimé Césaire écrivait, en 1950, dans Le discours sur le colonialisme que l’Europe était indéfendable. Cependant, ajoutait-il, la décolonisation n’est pas seulement la destruction de cultures et de peuples non européens : elle « travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral », au bout de quoi « il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent ». Peut-être une « décolonialisation » de l’Europe est-elle nécessaire, comme un retour sur elle-même ; peut-être doit-elle interroger une culture qui l’a conduite à l’« ensauvagement », et pas seulement sur son sol ? Une multitude d’actions culturelles et artistiques ont traité de ce sujet depuis plusieurs années en l’approchant de manière transversale.

Dans son entreprise historique, l’Europe n’a toutefois jamais été uniforme et homogène. Pour échapper à la barbarie qui menace toujours et pour retisser du lien, il faut qu’elle se « décolonialise », qu’elle entre de nouveau en relation avec le monde en s’appuyant sur ses propres révoltes pour l’égalité et la dignité, sur ses Printemps des peuples, sur ses romanciers, sur ses poètes et ses artistes dont les œuvres ont raconté une ouverture au dialogue, à la curiosité et à l’échange. Avec la bibliothèque coloniale coexiste en effet une bibliothèque anticoloniale qui défend des sociétés plurireligieuses, pluriculturelles et plurilingues. Mais ces deux Europes antagonistes restent très souvent absentes de l’éducation, que ce soit à l’école ou à l’université, des médias, des commémorations et des débats.

Le déficit de citoyenneté est ressenti d’autant plus fortement que les populations concernées sont plus vulnérables. En Europe, les migrants, les minorités, les femmes, les personnes âgées méritent à ce titre une attention toute particulière. Si nous voulons une citoyenneté vivante fondée sur l’espoir et la solidarité, il faut que l’Europe croise les mémoires qu’elle abrite, et qu’elle cesse de se penser comme un territoire clos sur lui-même, limité à un seul continent ; il faut qu’elle se souvienne que des terres lui appartenant sont dispersées à travers le monde, sur plusieurs océans ; il faut qu’elle fasse resurgir des chapitres oubliés et des histoires partagées.

L’Europe s’est construite et se construit toujours au-delà d’un seul continent, avec d’autres mondes. Sur son sol se croisent les descendants de ces histoires, des descendants d’esclaves, de colonisés, de colons, de bagnards… Autant d’individus dont les mémoires doivent être respectées et qu’il faut introduire dans le grand récit européen.

M. François Hartog, historien. Je ne suis pas un historien de l’Europe mais, depuis plusieurs années, je m’efforce d’éclairer les questions contemporaines et celles du passé à la lumière de la transformation de notre rapport au temps. Si cette approche n’est pas directement reliée à votre réflexion sur l’Europe, du moins peut-elle permettre une plus grande intelligibilité de notre situation.

Depuis les années soixante-dix, quelque chose s’est dénoué dans notre rapport avec le futur mais aussi avec le passé, tandis que montait en puissance la catégorie du présent, un présent envahissant, aspirant à l’autosuffisance, se donnant comme seul horizon possible tout en s’abîmant à chaque instant dans l’immédiateté. C’est le moment où ont disparu les grands mots d’ordre des années soixante : « plan », « prospective », « futurologie »… Nous sommes désormais complètement concentrés sur la réponse immédiate à l’immédiat ; il faut en permanence réagir en temps réel, parfois jusqu’à la caricature – comme c’est le cas en matière de communication politique.

Une autre attitude, inverse à première vue, ramène aussi au seul présent : c’est celle qui se fonde sur la certitude que le futur n’est que trop prévisible. Confrontés à une irréversibilité dont nous sommes les initiateurs, nous serions entrés dans « le temps des catastrophes ». Bien avant d’advenir, le futur serait déjà joué. Comment y faire face sans céder aux délectations moroses de l’apocalypse ? Ce futur n’est plus conçu comme indéfiniment ouvert mais, tout au contraire, comme de plus en plus contraint, sinon fermé. On pense aussitôt au réchauffement climatique, aux déchets nucléaires, aux modifications du vivant… Nous découvrons, de façon de plus en plus accélérée et de plus en plus précise, que non seulement le futur s’étend de plus en plus loin devant nous, mais que ce que nous faisons ou ne faisons pas aujourd’hui a des incidences si lointaines que ce futur ne représente plus rien à l’échelle d’une vie humaine.

Dans l’autre sens, vers l’amont, nous avons appris que le passé venait de loin, de plus en plus loin – l’époque de l’apparition des premiers hominidés n’a cessé de reculer. Confrontés à ces bouleversements de nos repères, nous sommes tentés de dire « stop », de prôner un retour en arrière, de retrouver des paradis perdus. L’industrie des loisirs a immédiatement saisi le parti qu’elle pouvait tirer des îles paradisiaques où le vacancier achète, pour une semaine ou deux, des expériences bien calibrées de décélération programmée. Quant au passé historique, on tend à le « traiter » ou le « gérer » en des lieux précis – les tribunaux –, et au moyen d’actions spécifiques – les politiques mémorielles –, c’est-à-dire au présent et pour le présent, sous l’autorité de la mémoire. Dans le même temps, on ne sait plus trop ce qu’il convient d’entendre par « l’histoire », alors que cette dernière a été la grande croyance des temps modernes.

La mémoire, la commémoration, le patrimoine, l’identité sont peu à peu devenus des maîtres mots de la fin du XXe siècle. De fait, le glissement de l’histoire à la mémoire, dans le cours des années quatre-vingt, indique un changement d’époque. Il en va de même du patrimoine qui est une notion pour temps de crise. Quand les repères s’effritent, quand l’accélération du temps accentue la désorientation, on cherche à préserver des lieux, des objets, des gestes, afin de rendre habitable un présent dans lequel on ne se retrouve plus. La commémoration est la reprise publique du phénomène mémoriel. Elle donne lieu à des politiques mémorielles au niveau de l’Europe, voire à des « lois mémorielles ». Quant à l’identité, foyer organisateur de ces notions, elle est doublement porteuse d’inquiétudes dans un questionnement qui s’adresse tant au passé – quel est, au vrai, le passé de la France ? – qu’au futur – quel peut être notre avenir commun, de quelle espérance l’Europe peut-elle être encore porteuse ? On comprend alors, sur le fond et par-delà les polémiques, les embarras de la défunte Maison de l’histoire de France, voulue par l’ex-président Nicolas Sarkozy.

Dans ce que je nomme l’ancien régime d’historicité – avant 1789, pour retenir une date symbolique –, les acteurs avaient certes leur présent, vivaient dans ce présent, essayaient de le comprendre et de le maîtriser, mais, pour s’y repérer, ils commençaient par regarder du côté du passé, avec l’idée qu’il était porteur d’intelligibilité, d’exemples, de leçons. L’histoire était l’inventaire de ces exemples et le récit de ces leçons.

Dans le régime futuriste, ou régime moderne, c’était l’inverse : on regardait du côté du futur. C’était lui qui éclairait le présent et expliquait le passé ; c’était vers lui qu’il fallait aller au plus vite. Et l’histoire était téléologique : le but indiquait le chemin déjà parcouru et celui qui restait à accomplir. Toutes les histoires nationales ont été conçues et écrites sur ce modèle.

La singularité de ce que je qualifie de « régime présentiste » tient à ce qu’il n’y a finalement plus que du présent. Chacun le vit dans son quotidien, personnel comme professionnel. Dans ce régime-là, on ne sait plus quoi faire du passé puisqu’on ne le voit même plus, et l’on ne sait plus quoi faire de l’avenir qu’on ne voit pas davantage. Il n’y a plus que des événements se succédant ou se télescopant, auxquels il faut « réagir » dans l’urgence, au rythme incessant des breaking news – à moins qu’il ne s’agisse d’événements dont nous assurons nous-mêmes la production, soumis aux exigences de l’événementiel. Avec Internet, se sont désormais imposés le temps réel, la simultanéité de tout avec tout, et le continu. Tout apparaît sur le même plan dans un présent aussi étendu que le réseau lui-même. Dans cette nouvelle « condition numérique » – pour reprendre le titre d’un ouvrage récent –, articuler passé, présent et futur devient plus problématique que jamais, mais apparaît d’autant plus nécessaire alors même que semble reculer la possibilité d’un récit commun – à chacun sa mémoire, son site et son blog !

L’Europe des pères fondateurs est fondamentalement un projet futuriste, toujours inachevé, conçu comme accélérateur de progrès dans le cadre de la modernisation et d’une compétition qui opposait à ses débuts l’Ouest à l’Est. Relais ou substitut de la construction nationale, l’Europe s’est proposée comme une nouvelle histoire pour une nouvelle croyance. L’horizon des fins était sans cesse reporté, ce qui n’empêchait pas d’avancer au jour le jour dans un système d’engrenage enclenché par Jean Monnet. Pour le reste, l’Europe se vivait dans l’urgence, traversait des crises, et discutait au rythme de marathons : bref, elle était dans le présent pour le présent. Quant au passé, il n’existait pas, si j’en crois Marc Abélès, anthropologue qui a travaillé à Bruxelles : en effet, si, d’un côté, on invoquait rituellement les pères fondateurs, de l’autre, on vivait dans le jour même – « comme si nous conduisions sans rétroviseur » ainsi que le lui confiait un fonctionnaire européen.

L’année 1989 est à la fois celle de l’Europe retrouvée et, paradoxalement, celle aussi de l’Europe arrêtée, même si elle continue quelque temps sur son erre. Avec la réapparition de la question nationale, une discordance des temps apparaît entre les pays de l’Europe de l’Ouest et ceux de l’Est : les nations qui avaient été « arrêtées » renouent, fictivement ou non, le fil d’une continuité ininterrompue. Alors que l’Allemagne de l’Ouest se considérait presque comme un État post-national, d’autres souhaitent retrouver à toute force une histoire nationale. Aucune de ces aspirations n’est toutefois portée par la force entraînante du futur ou transcendée par la croyance autrefois vivace en l’histoire. L’Europe qui marchait vers l’avenir est désormais soucieuse de se protéger. Forteresse ou citadelle, dans un mouvement de repli, elle se protège de l’extérieur, et nous en venons aussi à nous protéger de l’Europe elle-même en défendant notre patrimoine.

La récente déclaration de M. José Manuel Barroso sur l’attitude « réactionnaire » de la France met au jour un intéressant paradoxe sur le rapport de la politique au temps. À l’âge moderne, la politique était en charge de diriger les sociétés : ceux qui se voulaient accélérateurs de la modernité étaient des progressistes qui s’opposaient aux conservateurs, désireux de freiner cette marche en avant. Aujourd’hui, la politique n’apparaît plus comme un élément de progrès mais comme un frein à la modernisation, retardant les processus socio-économiques et technologiques, si bien que ceux qui veulent encore croire au contrôle politique passent pour des conservateurs, voire pour des réactionnaires. Le marqueur temporel est donc inversé, ce qui pose, de façon générale et en Europe en particulier, le difficile problème du temps de la décision politique.

M. Guillaume Duval, économiste, rédacteur en chef d’Alternatives économiques. Comment convaincre l’Allemagne que l’Europe doit cesser d’être allemande ? Telle est la question qui se pose à mes yeux en premier lieu si l’on veut promouvoir une conception démocratique de l’Union.

Oui, l’Europe a commencé avec la CECA et avec l’exclusion d’un certain nombre d’activités du marché. Mais, après l’échec de la CED, l’Europe a choisi de s’engager sur un autre voie, en optant pour le modèle ordolibéral à partir duquel l’Allemagne fédérale s’était construite après les dérives hitlériennes. Selon cette idéologie, l’État ne doit pas intervenir dans l’économie ni jouer un rôle redistributif, mais doit établir des règles et les faire respecter. L’Europe du Traité de Rome s’est donc édifiée de la sorte, autour d’une idée qui agréait aussi aux Français puisqu’elle n’impliquait pas de transfert budgétaire ni de transferts de souveraineté significatifs à ce « machin » : il suffisait d’une Commission pour édicter des règles et d’une Cour de Justice pour les faire respecter, et basta !

On a tout d’abord procédé ainsi avec les biens, puis avec les services, dans le cadre d’un marché unique. Or tout cela n’a pas pu très bien fonctionner du point de vue économique en raison du dumping social et fiscal qui en a résulté. Au sein de ce marché obéissant à des règles communes, chaque pays a en effet été incité à abaisser le coût du travail pour pouvoir exporter. Un pays qui agit seul de la sorte peut y gagner, mais lorsque tous procèdent ainsi, on en arrive où nous sommes : l’activité économique n’est pas très dynamique.

Facteur aggravant : ce jeu perdant-perdant est également asymétrique, les petits États y perdant moins que les grands dans la mesure où, lorsqu’ils réduisent leurs coûts salariaux, ils peuvent assez facilement accroître leurs exportations pour compenser la baisse de l’activité en leur sein. Un grand État, en revanche, est toujours perdant parce que cette déperdition interne ne peut que très difficilement être compensée par un surcroît d’exportations.

Le constat est le même en matière fiscale. Lorsqu’un petit État diminue l’imposition sur les bénéfices des entreprises ou sur les revenus de l’épargne, il peut attirer suffisamment de riches ou d’entreprises pour accroître ses recettes fiscales. Dans la même situation, un grand État comme la France, l’Allemagne ou l’Italie est forcément perdant.

Cette logique ordolibérale a toutefois été battue en brèche par l’instauration de la monnaie unique, qui a induit le transfert au niveau central d’un élément de souveraineté majeur et d’une importante capacité de décision discrétionnaire. Il n’en reste pas moins que cette logique a perduré et a même été confortée en matière budgétaire avec l’adoption du Pacte de stabilité. Nous traversons les difficultés que nous savons parce que nous demeurons dans ce cadre : pour l’opinion publique et pour les dirigeants allemands, la crise s’explique par le fait que le Pacte de stabilité et les règles que nous nous sommes données en matière budgétaire n’ont pas été respectés et que les contrôles et les sanctions ont été insuffisants, et la solution passerait donc par le renforcement de ce cadre. D’où le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ainsi que le « Six Pack ».

Or c’est une erreur d’analyse. Pendant sept ans, essentiellement lorsque M. Schröder, aujourd’hui considéré comme un modèle, était aux affaires, l’Allemagne n’a pas respecté les 3 % de déficit public autorisé non plus que, pendant onze ans, la nécessité de maintenir une dette publique inférieure à 60 % du PIB – à la différence des Irlandais et des Espagnols, mais qui, eux, souffraient d’autres maux sur lesquels nous ne nous attardions pas.

Quoi qu’il en soit, les Allemands persistent dans cette logique. Bien que des solutions aient été trouvées aux problèmes les plus brûlants comme la spéculation sur les dettes publiques – cela grâce aux décisions de la Banque centrale européenne et aux capacités d’intervention adoptées l’été dernier –, la dépression économique demeure parce que les politiques budgétaires restent structurellement trop restrictives en raison de ces règles communes.

La logique ordolibérale est parvenue à son terme : l’intégration économique et monétaire est telle que le problème, aujourd’hui, est de parvenir à se doter d’une capacité de décision discrétionnaire sur les politiques budgétaires, étant entendu que le budget européen est et restera insignifiant.

Cela supposerait qu’une instance européenne décide des politiques budgétaires nationales en dehors de la logique des règles, forcément stupide comme l’avait fort bien dit Romano Prodi dès 2002. Cette instance devrait pouvoir dire par exemple que, compte tenu de la conjoncture et des perspectives économiques, la France doit contenir son déficit en dessous de 2 %, l’Allemagne dégager un excédent de 1 %, etc. L’idée est proche de celle du gouvernement économique que les gouvernements français successifs mettent en avant depuis quinze ans, sans toutefois être capables d’expliquer comment il devrait fonctionner. Dans l’esprit de MM. Sarkozy et Hollande, cela impliquerait, me semble-t-il, que les chefs d’État et de gouvernement se réunissent plus souvent pour prendre ce type de décisions ensemble. Mais un tel dispositif ne pourrait convenir qu’aux seuls Français, dans la mesure où la Ve République n’est pas vraiment une démocratie parlementaire : une fois que le Président de la République s’est entendu avec ses homologues, le Parlement vote et l’on n’en parle plus. Or la plupart des autres pays, l’Allemagne notamment, ne fonctionnent pas de la sorte. Si Mme Merkel a mis tant de temps à réagir à la crise, c’est en particulier parce que l’Allemagne est une véritable démocratie parlementaire et qu’il lui fallait obtenir l’accord du Bundestag et de ses partenaires de la coalition. La solution envisagée par la France ne peut donc être vraiment opératoire parce qu’elle fait fi de la légitimation démocratique des décisions prises au niveau européen, décisions qui ne sauraient demeurer dans le champ intergouvernemental comme nous en avons hélas pris la fâcheuse habitude lors de la crise.

La Commission européenne peut-elle prendre ces décisions ? Je ne le crois pas. Elle a achevé de se discréditer pendant la crise en se montrant incapable de prendre la moindre initiative en 2008 et 2009 tout en étant en revanche habile à nous faire replonger dans la récession avec les politiques d’austérité qu’elle a soutenues.

Nous avons donc besoin de nouvelles institutions, et avant tout d’un Parlement de la zone euro qui soit à même de légitimer démocratiquement les décisions prises, en particulier vis-à-vis des Allemands. Si la Cour de Karlsruhe et le Parlement allemand « bloquent », c’est parce que cette légitimation fait défaut au niveau européen. Si nous voulons convertir les Allemands à un processus de décision plus discrétionnaire et mieux adapté aux problèmes actuels, il faut d’abord leur proposer, non un gouvernement économique européen, mais ce Parlement de la zone euro. Et, dans la mesure où cela aboutirait à priver les parlements nationaux d’une part essentielle de leurs prérogatives, ce nouveau Parlement devrait émaner d’eux, et non pas du Parlement européen tel qu’il est aujourd’hui.

La Présidente Danielle Auroi. Ce propos conforte notre détermination à faire réussir la Conférence interparlementaire dont je parlais tout à l’heure, et dont la première réunion se tiendra en Lituanie à l’automne.

M. Joaquim Pueyo. L’enjeu le plus important pour l’avenir de l’Union européenne consiste à renforcer l’intégration des pays membres, l’Europe ne devant plus apparaître aux yeux de nos concitoyens comme une charge indue ou comme un territoire contraint par toutes sortes de règlements, mais comme une communauté de destin.

Cela passera par des approfondissements de plusieurs sortes.

Par un approfondissement économique, tout d’abord, avec la constitution d’un budget européen beaucoup plus consistant et avec une vraie mutualisation des dettes publiques nationales.

Par un approfondissement militaire ensuite. Vous avez parlé de « réconciliation pour la paix » mais l’Europe de la défense n’a pas beaucoup avancé puisque c’est toujours l’OTAN qui assure la défense de notre continent. Charles Quint, Napoléon, Hitler et d’autres ont voulu réaliser l’« unité » européenne par la contrainte mais nous avons aujourd’hui la chance de pouvoir la faire vivre à travers les valeurs de la démocratie.

Par un approfondissement politique, enfin, en accroissant les pouvoirs de contrôle du Parlement européen et en rendant la citoyenneté européenne plus effective.

L’Union européenne doit également faire face au défi de l’élargissement, dont aucun de vous n’a parlé. Pourtant, ce processus est loin d’être achevé puisque des négociations se sont ouvertes en 2005 avec la Turquie et que les pays de l’ouest des Balkans ont vocation à intégrer l’Union, de même que l’Ukraine.

La réussite de l’Union européenne suppose donc de maîtriser à la fois l’élargissement et l’approfondissement, ce qui implique de procéder à la réforme tant attendue des institutions et des processus de décision.

Un espace social européen élargi suppose également de trouver des solutions sur quantité de sujets sensibles : la protection sociale, le marché du travail, la politique communautaire du droit d’asile et des migrations, le droit des minorités…

Selon vous, l’Europe a-t-elle la capacité d’intégrer de nouveaux membres tels que la Turquie ou l’Ukraine sans mettre en péril les objectifs d’approfondissement que je viens d’évoquer ?

J’en profite incidemment pour signaler que le Parlement discutera lundi prochain d’une résolution en hommage à Aimé Césaire, dont nous parlions à l’instant.

La Présidente Danielle Auroi. L’Europe « oligarchique », pour utiliser un vocabulaire un peu caricatural, est de moins en moins généreuse avec ses citoyens.

M. Viveret a relevé le caractère fondateur de la CECA, du point de vue économique comme du point de vue historique. Il me semble que l’on peut en dire autant de la PAC. Mais comment parvenir à l’« Europe du bien vivre » sans un approfondissement réel de l’Europe sociale et sans nouvelle politique industrielle fondatrice ? Cette dernière n’est-elle pas à rechercher du côté de l’énergie et de l’environnement ? Cela ne contribuerait-il pas à en finir avec une vision strictement financière, porteuse de dérives et de scandales et trop étroitement technocratique ?

M. Guillaume Duval. Comment convaincre les Allemands et les autres pays européens de travailler avec nous afin de relancer la machine ? La transition énergétique et la conversion écologiste de nos économies me semblent en effet être les voies les plus appropriées, l’Allemagne étant beaucoup plus écologiste que nous et fondée de surcroît à penser que son industrie tirera profit d’une telle politique. Celle-ci aurait également des effets redistributifs massifs puisqu’elle concernerait au premier chef les pays méditerranéens. Je rappelle qu’avec un ensoleillement une fois et demie supérieur, la Grèce produit cinquante fois moins d’électricité photovoltaïque que l’Allemagne – c’est avec la France le pays d’Europe qui, jusqu’ici, a fait le moins d’efforts pour développer les énergies renouvelables.

Cette idée est celle de beaucoup, depuis longtemps, et pourtant elle n’avance pas. L’une des raisons en est l’attitude des responsables allemands : lorsqu’on leur propose de donner des milliards aux Grecs ou aux Espagnols pour accroître leur efficacité énergétique et pour développer les énergies renouvelables, ils vous regardent avec de grands yeux et vous demandent si vous êtes sûr qu’il s’agit là d’une bonne idée, les aides attribuées par le passé à ces deux pays n’ayant pas eu d’effets concluants.

Il est possible de contourner la difficulté en faisant valoir que le moment est propice pour créer un véritable service public européen de la transition énergétique et de la conversion écologique de nos économies, l’argent ne transitant plus par les États mais étant distribué partout en Europe par une institution ad hoc – comme le fait déjà, mais à une toute petite échelle, la Banque européenne d’investissement. Cela ne servirait pas simplement à relancer la machine économique sur le mode keynésien : l’Europe est la zone la plus anciennement industrialisée au monde, mais aussi celle qui a le moins de matières premières non renouvelables et d’énergies fossiles et, si elle n’emprunte pas cette voie, elle se condamne à mort. Il ne s’agit donc pas seulement de préserver les intérêts des générations futures ou de laisser un peu de pétrole aux pays du sud afin qu’ils se développent : chaque fois que l’économie mondiale repart, les prix des matières premières remontent et l’Europe est le continent qui en est le plus affecté, de sorte que, sans une telle politique, nous ne sortirons jamais de la crise.

Mme Cynthia Fleury. J’irai dans le même sens.

Je l’ai dit, en termes peut-être un peu plus politiques : la défense de hautes normes sociales et environnementales n’est pas seulement une exigence éthique, c’est la seule voie géopolitiquement praticable pour l’Europe.

Nous en sommes tous d’accord, il faut repenser les « solidarités concrètes » nées de la substitution d’industries de paix aux industries de guerre. Aujourd’hui, et cela constituera pour l’Europe un véritable test de crédibilité, nous devons substituer à l’industrie de la finance dérégulée une industrie propre à réduire l’hiatus démentiel entre l’économie réelle et l’économie spéculative. La « troisième révolution industrielle » prônée par Jeremy Rifkin permettra d’associer les énergies renouvelables et les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Grâce aux réseaux intelligents ou au stockage de l’hydrogène, chaque territoire, chaque maison se transformera en fournisseur d’énergie.

La question de l’approfondissement et de l’élargissement est très compliquée. Nous assistons à une très forte poussée du populisme et du nationalisme qu’on ne peut balayer d’un revers de la main en considérant qu’elle est le fait de crétins dévorés par le ressentiment : les partis politiques modérés n’ont pas de solutions à proposer en matière sociale. Si l’Union continue de s’élargir sans avoir préalablement soumis à un test de crédibilité ses capacités d’intégration sociale, nous serons confrontés à une véritable cassure. Il n’est pas question de s’interdire, à long terme, tout élargissement, mais il faut se saisir à bras-le-corps de la question de l’approfondissement.

Je reviens d’un forum des Young Leaders qui se tenait à Athènes : tous s’interrogent sur l’opportunité de poursuivre l’élargissement et considèrent que quelques tests de crédibilité s’imposent préalablement, en particulier pour garantir aux peuples européens un modèle social viable, qu’ils puissent s’approprier. En bref, ils demandent des preuves !

M. Patrick Viveret. Il est frappant de noter à quel point les vues des acteurs issus de la société civile européenne convergent. Les propos de M. Duval en faveur d’un Parlement de la zone euro rejoignent ceux qui ont été tenus sur le lien à établir entre le renforcement du budget européen et la nécessité de lutter vraiment contre la fraude fiscale. Vous rendez-vous compte de ce que nous gagnerions à rediriger une fraction, si minime soit-elle, des mille milliards d’évasion fiscale vers des investissements du type de ceux qui viennent d’être évoqués, comme la constitution d’un service public européen de la transition énergétique ?

Le constat est le même en ce qui concerne le problème de la défense européenne, qui doit être posé à nouveaux frais. Qu’est-ce qu’une telle défense ? Quelles menaces pèsent sur notre continent ? La première d’entre elles, qui vise le modèle social européen, résulte du dérèglement de la sphère financière. L’organisation d’une défense européenne sur ce terrain-là suppose de lutter contre la fraude fiscale et de réglementer à nouveau les marchés financiers.

Mme Françoise Vergès. Il est beaucoup question de la façon dont les Européens pourraient se sentir à nouveau concernés par l’Europe. Or je viens précisément d’une région européenne qui, comme d’autres d’ailleurs, n’existe pas dans la conscience européenne. Prendre en compte l’ensemble des citoyens européens suppose tout d’abord de s’interroger sur la carte de l’Europe que l’on a dans la tête. Avant de parler d’élargissement, il faut se rendre compte qu’une partie des Européens n’est même pas considérée.

Pourtant, ces régions-là, qui jusqu’ici n’ont pas été particulièrement aidées par l’Europe, sont encore plus concernées par les politiques énergétiques : elles sont plus fragiles mais disposent de ressources naturelles comme le vent, l’océan, le soleil, la géothermie. La création d’une agence européenne surplombant les collectivités locales serait sans doute très intéressante pour faire avancer les dossiers en échappant à l’emprise des intérêts de court terme.

Nous avons parlé des problèmes liés à l’environnement. Or, alors que des générations d’Antillais vont être affectées par le scandale du chlordécone, cela ne constitue pas vraiment une question européenne. Pourquoi ? Parce que cela s’est passé loin du continent et que cela touche des gens que l’on ne connaît pas très bien ? Si cette affaire s’était produite dans une région que tout le monde considère comme européenne, n’aurait-elle pas constitué un scandale européen ?

La Présidente Danielle Auroi. Les ultramarins sont aussi des Européens.

Lorsque je siégeais au Parlement européen, j’ai eu l’occasion de travailler un peu avec les Antillais et j’ai alors constaté qu’ils ignoraient l’existence des programmes européens spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) et ne les utilisaient donc pas. Cela étant, comme dit le proverbe, et c’est hélas valable pour toutes les zones ultramarines de l’Europe, « loin des yeux, loin du cœur ». Ces territoires, pourtant, nous invitent à nous interroger sur ce que devrait être une Europe du « bien vivre » pour tous ses peuples.

M. François Hartog. Des pistes pleines de bon sens ont été proposées mais quelles sont les conditions pour qu’elles soient effectivement empruntées ? Tout d’abord, il faut croire en l’Europe, alors que le projet européen tel qu’il est né après la deuxième guerre mondiale n’a plus de sens, comme on vient de nous le dire. Il nous faut donc « rouvrir » le futur, en ayant la conviction que, sans faire preuve pour autant d’optimisme béat, nous pouvons agir afin d’améliorer la situation.

Entre autres obstacles à un tel projet, nous nous heurtons à la valorisation, extrêmement forte depuis trente ou quarante ans, du seul présent. Comment donc réintroduire l’articulation entre passé, présent et futur ? Toutes les communautés humaines ont toujours essayé de bricoler ces trois catégories de multiples façons mais, pour l’heure, nous ne savons plus le faire.

Nous avons également intérêt à prendre conscience de la discordance des temps entre les différents pays qui composent l’Europe : n’ayant pas eu la même histoire, ils ne partagent pas, aujourd’hui, rigoureusement la même temporalité. Le temps de la globalisation est le présent, le temps de l’instantanéité et de la simultanéité, mais les autres temps renvoient aux histoires nationales et aux individus qui les ont faites et nous ne pouvons en faire abstraction si nous voulons proposer un projet qui ait du sens pour les citoyens européens.

La Présidente Danielle Auroi. Pour conclure cette passionnante réunion, quels messages vous semblent absolument prioritaires pour réussir le débat sur l’avenir de l’Europe ?

M. François Hartog. Trouvons le moyen d’articuler à nouveau passé, présent et futur.

M. Guillaume Duval. Ayons le sentiment de l’urgence. Nous sommes lancés dans une course contre la montre qui peut être assez facilement perdue.

Le Président de la République répète régulièrement que la crise de l’euro est finie. Il est vrai que nous avons trouvé les moyens d’atténuer les formes les plus saillantes de la spéculation financière, comme les opérations monétaires sur titres (OMT), mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose au fond. Confrontés à une spéculation débordante, les chefs d’État ont été poussés à prendre des décisions le dimanche soir parce qu’elles devaient l’être avant la réouverture des bourses le lundi matin, mais, la pression ayant cessé, nous risquons de ne pas faire ce qu’il faut pour redresser vraiment une situation explosive.

L’Europe étant évidemment à plusieurs vitesses, nous devons mettre en œuvre des politiques différenciées. Or, si les Allemands freinent, c’est en raison de la question polonaise, décisive pour eux. Une plus forte intégration de la zone euro suppose donc d’y faire rapidement entrer ce pays car, pour l’Allemagne, ce qui se passe à l’est de ses frontières est absolument essentiel.

M. Patrick Viveret. Édouard Glissant oppose la mondialité à la mondialisation, cette dernière n’étant qu’une globalisation financière, et donc une fausse mondialité. De quelle Europe le monde a-t-il donc besoin ?

L’humanité a besoin de relever le défi écologique afin de promouvoir des sociétés écologiquement soutenables. Elle doit également traiter les dossiers explosifs de la misère et de l’humiliation qui naît du creusement des inégalités sociales, de l’alternative à la guerre des civilisations, de la prolifération des armes de destruction massive, de la démesure de l’économie spéculative, etc. Si nous nous posons ces questions en termes de mondialité, l’Europe peut oser l’ambition au lieu de se replier sur elle-même et de ruminer son « déclinisme ». Elle peut oser la mondialité, non plus en se référant à son histoire de puissance dominatrice, mais en adoptant une posture de puissance créatrice et anticipatrice de stratégies de transition vers le « buen vivir ».

Mme Françoise Vergès. Il faut redonner espoir dans la capacité des luttes à changer les politiques actuelles. Sans doute y faut-il du courage, mais il est possible de lutter contre le repli sur soi et la désespérance.

Il faut également affirmer que la diversité est un fondement de l’Europe.

Enfin, puisque Édouard Glissant a été cité, l’échange doit être au cœur des relations et non la peur de l’autre. La culture ne se résume pas aux beaux-arts, elle est le ciment des sociétés humaines et des organisations sociales.

Mme Cynthia Fleury. Sur le fond, il est désespérant de constater que ce sont les États-Unis qui nous donnent des leçons sur la manière de récupérer les milliards de l’évasion fiscale. En ce domaine, il est primordial de lier lutte contre la fraude fiscale et organisation de la transition énergétique car celle-ci exige celle-là en ces temps de disette budgétaire.

Sur la forme, il faut éviter le piège du maximalisme. L’Europe étant à plusieurs vitesses, il convient de mener des politiques différenciées, d’établir des coopérations renforcées et de promouvoir des projets pilotes de gouvernance économique. Utilisons nos histoires nationales pour créer des avant-gardes entre pays qui partagent un même diagnostic sur le désastre social, quitte à ce que le fameux couple franco-allemand cède la place à d’autres binômes, ou à des trinômes ! Assumons des leaderships partagés !

La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie d’avoir ainsi enrichi notre réflexion.

Parmi les pistes évoquées, je retiens l’idée d’une Europe puissance créatrice. Plus nous nous montrerons ouverts dans cette phase, plus nous inciterons nos collègues à réfléchir à l’avenir de l’Europe et aux moyens de sortir nos concitoyens du désespoir. À un an des élections européennes, nous sommes en effet tous inquiets de ce qui s’annonce, les risques d’explosion semblant l’emporter sur les chances de cohésion.

II. Examen des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø Budget de l’Union européenne

- Projet de budget rectificatif no 4 au budget général 2013: état des dépenses par section: Section III - Commission Section IV - Cour de Justice de l’Union européenne (COM(2013) 254 final – E 7888-4) ;

- Projet de budget rectificatif no 5 au budget général 2013: État des recettes par section - État des dépenses par section – Section III – Commission (COM(2013) 258 final – E 7888-5).

Ø Commerce extérieur

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CE) no 552/97 du Conseil retirant temporairement le bénéfice des préférences tarifaires généralisées au Myanmar/à la Birmanie (COM(2012) 524 final – E 7691) ;

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l’Union européenne au sein des comités compétents de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe en ce qui concerne l’adaptation au progrès technique des règlements nos 13, 13-H, 16, 29, 44, 53, 79, 94, 95, 96, 117 et 130, l’adoption d’une proposition de règlement technique mondial sur les véhicules à hydrogène et à pile à combustible, ainsi que l’adaptation au progrès technique des règlements techniques mondiaux nos 2 et 12 de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (COM(2013) 302 final – E 8337).

Ø Commerce intérieur et services

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des législations des états membres concernant la mise à disposition sur le marché d’articles pyrotechniques (refonte) (COM(2011) 764 final – E 6854).

Ø Droit privé

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile (COM(2011) 276 final – E 6288).

Ø Énergie – changement climatique

- Proposition de directive du Conseil fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants (COM(2012) 242 final – E 7412) ;

- Recommandation de décision du Conseil autorisant la Commission à négocier, au nom de l’Union, des modifications et adaptations du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (COM(2013) 128 final/ RESTREINT UE - E 8173).

Ø Environnement

- Règlement (UE) de la Commission portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables aux chauffe-eau et aux ballons d’eau chaude (D025860/03 – E 8232) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (CE) no 1275/2008 en ce qui concerne les exigences d’écoconception relatives à la consommation d’électricité en mode veille et en mode arrêt des équipements ménagers et de bureau électriques et électroniques, et modifiant le règlement (CE) no 642/2009 de la Commission en ce qui concerne les exigences d’écoconception des téléviseurs (D026203/02 – E 8243) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l’annexe III du règlement (CE) no 66/2010 du Parlement européen et du Conseil établissant le label écologique de l’UE (D026252/02 – E 8310) ;

- Décision de la Commission établissant, conformément à la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, les valeurs pour les classifications du système de contrôle des Etats membres à la suite de l’exercice d’interétalonnage et abrogeant la décision 2008/915/CE (D025283/03 – E 8325).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) no 1089/2010 portant modalités d’application de la directive 2007/2/CE en ce qui concerne l’interopérabilité des séries et des services de données géographiques (D026242/02 – E 8303).

Ø Politique régionale

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil en ce qui concerne certaines dispositions ayant trait à la gestion financière pour certains États membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves difficultés quant à leur stabilité financière et aux règles de dégagement pour certains États membres (COM(2013) 301 final – E 8336).

Ø Questions institutionnelles

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 1999/4/CE, 2000/36/CE, 2001/111/CE, 2001/113/CE et 2001/114/CE en ce qui concerne les compétences à conférer à la Commission (COM(2012) 150 final – E 7279).

Ø Relations extérieures

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant attribution d’une assistance macrofinancière au Royaume hachémite de Jordanie (COM(2013) 242 final – E 8312) ;

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 866/2004 du Conseil concernant un régime en application de l’article 2 du protocole no 10 de l’acte d’adhésion relatif aux marchandises qui sont sorties des zones placées sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre, puis réintroduites dans ces zones après être passées par les zones qui ne sont pas placées sous un tel contrôle (COM(2013) 274 final – E 8317).

Ø Sécurité alimentaire

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l’annexe III du règlement (CE) no 853/2004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites autorisées de yessotoxines dans les mollusques bivalves vivants (D025799/04 – E 8326) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) no 231/2012 en ce qui concerne les spécifications de plusieurs polyalcools (D026573/02 – E 8327) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil et l’annexe du règlement (UE) no 231/2012 de la Commission en ce qui concerne la gomme arabique modifiée à l’acide octénylsuccinique (OSA) (D026574/02 – E 8328) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l’annexe II du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’utilisation de copolymère de méthacrylate neutre et de copolymère de méthacrylate anionique dans les compléments alimentaires solides et l’annexe du règlement (UE) no 231/2012 de la Commission en ce qui concerne les spécifications du copolymère méthacrylate basique (E 1205), du copolymère de méthacrylate neutre et du copolymère de méthacrylate anionique (D026575/02 – E 8329) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l’annexe II du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’utilisation de phytostérols riches en stigmastérol comme stabilisant dans des cocktails alcoolisés prêts à congeler et l’annexe du règlement (UE) no 231/2012 de la Commission en ce qui concerne les spécifications de l’additif alimentaire « phytostérols riches en stigmastérol » (D026576/03 – E 8330) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l’annexe III du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’utilisation de sucroesters d’acides gras (E 473) dans les arômes destinés aux boissons claires aromatisées à base d’eau (D026577/02 – E 8331) ;

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l’annexe II du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’utilisation de certains additifs dans les succédanés d’œufs de poisson à base d’algues (D026579/03 – E 8332) ;

- Directive de la Commission modifiant la directive 2006/141/CE en ce qui concerne les exigences en matière de protéines pour les préparations pour nourrissons et les préparations de suite (D026712/02 – E 8333).

Ø Transports

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter par l’Union européenne au sein du comité de surveillance bilatéral pour l’accord entre les États-Unis d’Amérique et la Communauté européenne relatif à la coopération dans le domaine de la réglementation de la sécurité de l’aviation civile en ce qui concerne la décision no 0004 portant modification de l’annexe 1 dudit accord (COM(2013) 252 final – E 8296) ;

- Directive UE de la Commission modifiant la directive 96/98/CE du Conseil relative aux équipements marins (D025578/01 – E 8309).

Point B

La Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Environnement

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le financement pluriannuel de l’Agence européenne pour la sécurité maritime dans le domaine de la lutte contre la pollution causée par les navires et la pollution marine causée par les installations pétrolières et gazières (COM(2013) 174 final – E 8214).

Ø PESC et relations extérieures

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord d’association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part (COM(2013) 289 final – E 8350) ;

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord d’association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part (COM(2013) 290 final – E 8368).

Procédure d’examen en urgence

Par ailleurs, la Commission a pris acte de la levée de la réserve parlementaire, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- Proposition de décision du Conseil arrêtant la position de l’Union européenne au sein du Conseil des ADPIC de l’Organisation mondiale du commerce concernant la demande de prorogation de la période de transition visée à l’article 66, paragraphe 1, de l’accord sur les ADPIC pour les pays les moins avancés (COM(2013) 309 final – E 8323) ;

- Décision du Conseil européen fixant la composition du Parlement européen (EUCO 110/13 – E 8341).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d’ajustement à la mondialisation), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- Proposition de règlement d’exécution du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines électrodes en tungstène originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil (COM(2013) 256 final – E 8297) ;

- Proposition de règlement d’exécution du Conseil portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement d’exécution (UE) no 990/2011 du Conseil sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine aux importations de bicyclettes expédiées d’Indonésie, de Malaisie, du Sri Lanka et de Tunisie, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ces pays (COM(2013) 261 final – E 8299) ;

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement d’exécution (UE) no 990/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1225/2009 (COM(2013) 263 final – E 8300) ;

- Décision du Conseil portant nomination des membres et des suppléants du conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (8990/13 – E 8304) ;

- Décision du Conseil portant nomination de quatre membres du Royaume-Uni et de trois suppléants du Royaume-Uni du Comité des régions (9367/13 – E 8305) ;

- Décision du Conseil portant nomination d'un membre suppléant estonien du Comité des régions (9456/13 – E 8306) ;

- Décision du Conseil portant nomination de deux membres italiens et d’un suppléant italien du Comité des régions (9616/13 – E 8307) ;

- Décision du Conseil portant nomination d’un membre italien du Comité des régions (9703/13 – E 8308) ;

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation conformément au point 28 de l’accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (EGF/2013/000 TA 2013 - assistance technique présentée sur l’initiative de la Commission) (COM(2013) 291 final – E 8321) ;

- Virement de crédits no DEC 08/2013 – Section III - Commission - du budget général 2013 (DEC 08/2013 – E 8334) ;

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2010/330/PESC relative à la mission intégrée "État de droit" de l’Union européenne pour l’Iraq, EUJUST LEX IRAQ (SN 2394/13 – E 8338) ;

- Projet de décision du Conseil à l’appui des activités de sécurité physique et de gestion des stocks visant à réduire le risque de commerce illicite d’ALPC et de leurs munitions en Libye et dans sa région (SN 2395/13 – E 8339) ;

- Proposition conjointe de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1183/2005 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JOIN(2013) 17 final – E 8340) ;

- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de M. Robert HUBERTY, membre luxembourgeois, en remplacement de M. Paul WEBER, démissionnaire (9936/13 – E 8342) ;

- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de M. Raul SCHMIDT, membre suppléant luxembourgeois, en remplacement de M. Robert HUBERTY, démissionnaire (9938/13 – E 8343) ;

- Décision du Conseil portant nomination de trois membres maltais et de trois suppléants maltais du Comité des régions (9983/13 – E 8344) ;

- Proposition de virement de crédits no DEC 10/2013 à l’intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l’exercice 2013 (DEC 10/2013 – E 8360) ;

- Projet de décision d’exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2012/285/PESC du Conseil concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes menaçant la paix, la sécurité ou la stabilité de la République de Guinée-Bissau (SN 2495/13 – E 8361) ;

- Projet de règlement d’exécution du Conseil mettant en œuvre l’article 11, paragraphe 1, du règlement (UE) no 377/2012 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes menaçant la paix, la sécurité ou la stabilité de la République de Guinée-Bissau (SN 2525/13 – E 8362) ;

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2012/440/PESC portant nomination du représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme (SN 2332/13 – E 8363) ;

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2011/426/PESC portant nomination du représentant spécial de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (SN 2333/13 – E 8364) ;

- Projet de décision du Conseil prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour la région du Sud de la Méditerranée (SN 2334/13 – E 8365) ;

- Conseil de direction du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP). Nomination de Michalis KOUROUTOS (EL), membre dans la catégorie des représentants des organisations des travailleurs (10576/13 – E 8366) ;

- Décision du Conseil portant nomination de deux membres autrichiens et de deux suppléants autrichiens du Comité des régions (10329/13 – E 8367) ;

- Projet de décision du Conseil prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour l’Afghanistan (SN 2326/13 – E 8378) ;

- Projet de décision du Conseil prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale (SN 2338/13 – E 8379) ;

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2012/329/PESC prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour la Corne de l’Afrique (SN 2340/13 – E 8380) ;

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2012/642/PESC du Conseil concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (SN 2554/13 – E 8381) ;

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2012/389/PESC du Conseil relative à la mission de l’Union européenne visant au renforcement des capacités maritimes régionales dans la Corne de l’Afrique (EUCAP NESTOR) (SN 2574/13 – E 8382) ;

- Projet de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées au réseau Al-Qaida (SN 2616/13 – E 8383) ;

- Projet de décision des représentants des gouvernements des États membres portant nomination d’un juge au Tribunal (10847/13 – E 8384) ;

- Projet de décision des représentants des gouvernements des États membres portant nomination d’un juge à la Cour de Justice (10855/13 – E 8385).

Accords tacites de la Commission liés au calendrier d’adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

- Proposition de décision d’exécution du Conseil modifiant la décision d’exécution 2011/77/UE sur l’octroi d’une assistance financière de l’Union à l’Irlande (COM(2013) 320 final – E 8354) ;

- Proposition de décision d’exécution du Conseil modifiant la décision d’exécution 2011/344/UE sur l’octroi d’une assistance financière de l’Union au Portugal (COM(2013) 330 final – E 8377) ;

- Proposition de décision du Conseil sur la signature, au nom de l’Union européenne, du Traité de Beijing de l’OMPI sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (COM(2013) 109 final – E 8159) ;

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole portant amendement de l’accord sur les marchés publics (COM(2013) 143 final – E 8187) ;

- Décision du Conseil concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (9781/13 – E 8318) ;

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la fixation des coefficients correcteurs applicables du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 et à partir du 1er juillet 2012 aux rémunérations des fonctionnaires, agents temporaires et agents contractuels de l’Union européenne affectés dans les pays tiers (COM(2013) 251 final – E 8313).

La séance est levée à 18 h 40

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 19 juin 2013 à 17 heures

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Seybah Dagoma, M. Yves Daniel, M. Joaquim Pueyo

Excusés. - M. Pierre Lequiller, M. Jean-Claude Mignon, M. Rudy Salles, Mme Paola Zanetti

Assistait également à la réunion. – Mme Brigitte Allain