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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 16

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 novembre 2000
(Séance de 16 heures15)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Suite de l'examen du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception - n° 2605 (Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure)

2

La commission a poursuivi, sur le rapport de Mme Martine Lignières-Cassou, l'examen du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception - n° 2605. Elle est passée à l'examen des articles.

TITRE IER

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE

Avant l'article premier

La commission a examiné ensemble deux amendements présentés par Mme Christine Boutin tendant garantir l'information des femmes enceintes en situation de détresse.

Mme Christine Boutin a précisé que les femmes concernées devaient être aidées dans la conduite de leur grossesse, rassurées sur les moyens financiers, matériels et psychologiques pouvant être mis à sa disposition. Elles doivent bénéficier d'une information complète sur l'IVG et ses conséquences psychologiques ainsi que sur toutes les solutions proposées : aide matérielle, hébergement d'urgence, suivi psychologique, aide éducative à l'accueil de l'enfant, possibilité de confier son enfant à l'adoption, sans toutefois qu'aucune pression en faveur de l'adoption ne soit exercée pendant la grossesse. Aucune pression ne doit être exercée sur une femme enceinte pour l'inciter à avoir recours à l'IVG. Il faut inscrire dans la loi le droit de toute femme enceinte à mener la grossesse à son terme.

La commission a rejeté ces amendements.

Article 1er : Modification de l'intitulé du chapitre relatif à l'interruption volontaire de grossesse

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau tendant à supprimer cet article.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a estimé que l'allongement des délais légaux de deux semaines pour l'IVG était une mauvaise solution à un véritable problème puisque seulement 40 % des femmes hors délai sont concernées par cet allongement. Par ailleurs cet allongement correspond à un changement de nature de l'intervention et risque de provoquer de graves interférences avec le diagnostic prénatal.

M. Philippe Nauche a observé qu'on ne pouvait prendre prétexte du fait qu'un texte ne résout pas tous les problèmes posés pour le rejeter. La plupart des cas de grande détresse sont résolus par l'allongement de la durée. Des spécialistes éminents ainsi que des praticiens ont été entendus qui ne s'accordent pas tous sur le point de savoir si l'allongement induit un changement de nature de l'acte lui-même. Le taux de morbidité des femmes concernées reste minime et ne peut pas non plus constituer un argument. De même, on ne peut arguer du détournement de l'utilisation de l'échographie pratiquée à la dixième semaine sans mettre injustement en accusation les parents concernés.

M. Denis Jacquat, s'interrogeant à son tour sur le devenir des 3 000 femmes qui ne pourront pas bénéficier de l'IVG, a indiqué que son souhait serait de voir tous les problèmes réglés par le texte.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia s'est inquiété de voir la révision de la loi Veil faite sur la base d'inexactitudes. Il convient de ne pas parler abusivement de la morbidité, en effet, celle-ci résulte surtout de risques liés à l'anesthésie générale. Après la dixième semaine, cette technique est indispensable. En outre, à ce stade l'embryon devient f_tus et une dilatation du col de l'utérus est requise. Il y a bien changement de nature de l'acte.

Mme Marisol Touraine a fait part de son accord avec les propos tenus par M. Denis Jacquat. Cependant, à vouloir trop bien faire, le risque est de ne pas se donner les moyens d'améliorer la situation des 3 000 à 5 000 femmes concernées. En tout état de cause, l'information sur la contraception doit être améliorée et développée. La question du changement de nature dans l'acte médical reste appréciée de façon très variable par le discours des médecins.

Mme Danielle Bousquet a estimé qu'en premier lieu, il importe de répondre au plus grand nombre de cas, l'allongement permettant la solution d'un nombre non négligeable de situations particulièrement problématiques. En deuxième lieu, il conviendra d'élargir la commission qui statue sur les demandes d'interruption médicale de grossesse justifiées par la santé de la femme.

Mme Christine Boutin a estimé qu'il n'y avait effectivement pas de changement de nature et que, dans ces conditions, elle ne comprenait pas pourquoi le projet ne proposait pas un allongement supérieur à douze semaines.

La rapporteure a indiqué son désaccord avec l'amendement proposé par Mme Marie-Thérèse Boisseau. On ne peut laisser dire que 3 000 femmes sont laissées de côté par le texte. Ce serait ignorer toute l'action qui est et sera développée en parallèle par les pouvoirs publics.

On ne peut pas non plus dire aux femmes que l'allongement à douze semaines constitue un risque pour la santé, l'anesthésie générale se pratiquant déjà dès la septième semaine.

La commission a rejeté l'amendement et adopté l'article premier sans modification.

Article 2 (article L. 2212-1 du code de la santé publique) : Allongement du délai légal

La commission a examiné un amendement de suppression de cet article présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a observé que le professeur Nisand a précisé, dans ses déclarations publiques, que la donnée selon laquelle l'allongement à douze semaines permettait de résoudre le problème pour 80 % des femmes hors délai valait pour l'Alsace mais non pour la France entière. Une loi qui ne résout pas le problème dans sa totalité est une mauvaise loi. Il n'est rien prévu pour les femmes qui seront au-delà du délai des douze semaines. En outre, passer de dix à douze semaines crée des problèmes nouveaux et importants qui sont éludés et qui sont liés à l'interférence entre l'avortement légal et le diagnostic échographique.

M. Jean-Christophe Baguet a observé que deux attitudes étaient possibles. Soit on considère l'avortement comme un drame qu'il faut à tout prix éviter, soit on le considère comme inévitable et l'on se pose seulement la question du délai qu'il convient de fixer. Le présent projet est un constat d'échec, puisque vingt ans après la loi Veil on est incapable d'être suffisamment à l'écoute des femmes en détresse. On ne peut se contenter d'un texte à minima. Il faut mettre en oeuvre de véritables moyens pour lutter contre ces situations de détresse.

M. Germain Gengenwin a considéré qu'il fallait aussi responsabiliser les hommes et a souligné que l'IVG posait avant tout des problèmes de morale individuelle.

Mme Marisol Touraine a observé que le débat sur le point de savoir si les femmes étaient suffisamment responsables pour décider seules de garder ou non un enfant ne lui semblait pas devoir être maintenant réouvert.

La rapporteure s'est élevée contre la démarche qui oppose l'allongement des délais au traitement plus humain des cas qui existent en dehors de ces délais et dans lesquels la santé de la mère ou du f_tus est en cause. Les médecins sont traumatisés lorsqu'ils doivent procéder à des interruptions médicales de grossesse (IMG) tardives. Il faut donc donner plus de souplesse aux règles en vigueur.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que même si des problèmes demeuraient il était utile d'apporter une réponse même partielle.

Mme Muguette Jacquaint a rappelé que ce projet de loi ne bouleversait pas la loi Veil. Ceux qui sont gênés par un allongement du délai à douze semaines ne le sont pas par le fait que des milliers de femmes soient contraintes de partir à l'étranger. En outre, le discours sur le diagnostic prénatal méprise la responsabilité que prennent les femmes lorsqu'elles décident une IVG.

La rapporteure a rappelé que les échographies pouvaient avoir lieu entre la neuvième et la douzième semaine, c'est-à-dire déjà dans les délais actuels de l'IVG. On n'a pas noté, pour autant, de réaction en terme de volonté d'avortement, comme d'ailleurs dans les pays étrangers qui ont des délais plus longs. Le débat sur les incidences du diagnostic prénatal n'a pas lieu d'être dans le cadre de la discussion de ce projet de loi mais relève d'une réflexion plus générale.

La commission a rejeté l'amendement et a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 (article L. 2212-2 du code de la santé publique) : Interruption volontaire de grossesse en médecine ambulatoire

La commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article additionnel après l'article 3 (article L. 2212-3 du code de la santé publique) : Première consultation médicale

La commission a examiné un amendement de la rapporteure précisant que la première consultation médicale doit présenter le choix entre les différentes méthodes de contraception et actualisant le dossier-guide pour en faire un outil d'information.

Mme Marie-Thérèse Boisseau s'est opposée à cet amendement au motif qu'il défigurait une disposition extrêmement équilibrée. Le texte actuel prévoit en effet l'information sur les risques encourus pour les maternités futures et comporte le rappel des droits de la mère si elle décide de garder l'enfant ainsi que les possibilités d'adoption.

En outre, le terme de méthode médicale ne paraît pas approprié.

La rapporteure a précisé que le terme d'avortement médical était employé par l'ANAES et recouvrait l'utilisation du RU 486.

La commission a examiné trois sous-amendements de Mme Christine Boutin ayant pour objet de compléter les informations contenues dans le dossier-guide remis par le médecin :

- le premier visant à informer la femme enceinte sur les aides financières dont elle pourrait bénéficier si elle décidait de garder l'enfant ;

- le second lui indiquant la liste des adresses des organismes ainsi que des lieux d'accueil et des centres d'hébergement d'urgence, des associations et organismes d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté.

- le troisième visant à lui remettre le répertoire départemental des aides économiques, des lieux d'accueil et d'hébergement, des associations et organismes spécialisés dans l'accompagnement des grossesses difficiles.

Mme Christine Boutin a indiqué que ses sous-amendements visaient à améliorer l'information des femmes en situation de grossesse difficile pour leur permettre de prendre une décision éclairée.

La rapporteure a émis un avis défavorable à l'adoption de ces sous-amendements, au motif que la femme a déjà effectué son choix au moment où elle entame sa démarche. En revanche, il est indispensable de lui proposer une consultation médicale systématique avant et après l'IVG.

M. Edouard Landrain, co-signataire des sous-amendements, a observé qu'il était essentiel de donner à la femme les moyens de son choix. Trop nombreuses sont celles qui déclarent avoir été insuffisamment informées. Ces sous-amendements complètent utilement le projet de loi.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a apporté son soutien à ces amendements tout en estimant que l'article L. 2212-3 du code de la santé publique était, en l'état, remarquable en ce qu'il offrait une réelle liberté de choix. A l'inverse, la rédaction proposée par la rapporteure conduisait à le dénaturer par une rédaction orientée et partiale en faveur de l'IVG. Du reste, de nombreux départements remettent dès à présent un dossier d'information aux femmes enceintes en difficulté comprenant un tableau des aides financières.

M. Germain Gengenwin a estimé que ces sous-amendements, de bon sens, permettaient de procurer aux femmes le maximum d'informations auxquelles elles ont droit.

La rapporteure a apporté des précisions sur son amendement : s'il prévoit le maintien de la liste des organismes chargés de l'information des femmes, il gomme, en revanche, le caractère dissuasif de l'entretien préalable, les informations contenues dans le dossier-guide tendant à stigmatiser l'IVG, ainsi que celles relatives aux possibilités d'adoption à la suite d'un accouchement sous X. Il garantit la neutralité des informations fournies.

Mme Christine Boutin a observé que tous s'accordent à reconnaître, sans esprit polémique, l'échec que constituait une IVG. Contestant le postulat selon lequel la femme qui entame une démarche de consultation a déjà effectué son choix, elle a évoqué le témoignage, ayant fait l'objet d'un reportage télévisé, d'une jeune fille exprimant ses doutes jusqu'au dernier instant. Ce postulat revient à dénier à la femme son libre arbitre. Or, l'ambivalence de la position des femmes vis-à-vis de l'IVG est incontestable.

M. Pierre Menjucq a apporté son soutien à ces sous-amendements en considérant qu'il était fondamental de laisser le choix aux femmes.

La rapporteure a objecté que les femmes considéraient l'entretien comme une occasion de débattre de leur situation sans pour autant influencer leur choix. Il n'est pas acceptable de leur dire au cours de cet entretien qu'elles peuvent mener à terme la grossesse pour abandonner l'enfant à sa naissance.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a exprimé sa crainte de voir se développer une confusion entre les articles L. 2212-3 et L. 2212-4. L'article L. 2212-3 prévoit un premier entretien au cours duquel est remis un dossier-guide. Cet entretien visant à informer les femmes sur les différentes possibilités qui s'offrent à elles, de l'avortement à la poursuite de la grossesse, intervient nécessairement avant que la femme prenne sa décision. Le caractère totalement objectif de cet article rend son maintien indispensable.

Mme Danielle Bousquet a indiqué que ces propos confortaient sa décision de soutenir l'amendement de la rapporteure. L'IVG est incontestablement une décision difficile à prendre pour les femmes, mais le législateur a le devoir d'éviter qu'elles soient culpabilisées et que soit faite une pression sur leur choix.

La rapporteure a indiqué que le médecin doit remettre à la mineure un dossier-guide dont les informations ont un caractère impartial. Il est seulement proposé de supprimer de ce dossier les informations qui n'ont pas ce caractère.

La commission a rejeté les trois sous-amendements de Mme Christine Boutin et a adopté l'amendement de la rapporteure.

Après l'article 3

La commission a rejeté par coordination un amendement de Mme Christine Boutin créant un répertoire départemental des aides économiques, des lieux d'accueil et des organismes dédiés à l'accompagnement des grossesses difficiles.

Article 4 (article L. 2212-4 du code de la santé publique) : Accompagnement par un adulte référent

La commission a examiné un amendement de la rapporteure supprimant le caractère obligatoire de l'entretien préalable, sauf pour les mineures, et reconnaissant dans la loi le rôle des conseillères conjugales.

La commission a rejeté deux sous-amendements de Mme Marie-Thérèse Boisseau visant à rendre obligatoire l'accompagnement de la mineure, après que la rapporteure a indiqué que l'article 6 du projet prévoyait bien un accompagement obligatoire avec la possibilité de choisir entre plusieurs adultes après discussion avec la conseillère conjugale.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (article L. 2212-5 du code de la santé publique) : Liberté de conscience du médecin

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau, ainsi qu'un amendement de M. Jean-Michel Dubernard prévoyant, selon la formule préconisée par Mme Nicole Catala, que toute femme qui a déposé sa confirmation écrite dans le délai légal de dix semaines, a accès à l'interruption volontaire de grossesse, même si celle-ci intervient au delà du délai légal, afin que personne ne soit pénalisé par l'absence de moyens et le mauvais fonctionnement éventuel du service public hospitalier.

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6 (article L. 2212-7 du code de la santé publique) : Aménagement de l'obligation d'autorisation parentale pour les mineures

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par Mme Christine Boutin, après que la rapporteure a précisé que le double consentement de la mineure et d'un des parents, exigé par la loi depuis 1979, restait l'objectif.

La commission a rejeté un amendement de M. François Goulard prévoyant la saisine du juge pour enfants pour statuer sur la demande d'IVG exprimée par une mineure, après que la rapporteure s'est exprimée contre la judiciarisation de la procédure et l'intervention d'une institution non adaptée dans cette situation.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure indiquant que la mineure peut avoir le choix entre le médecin et la conseillère conjugale pour discuter de la possibilité d'obtenir ou non le consentement parental, le médecin véfifiant alors que cette possibilité a bien été explorée lors de l'entretien avec les conseillers.

M. Pierre Menjucq a considéré que cet amendement étendait excessivement la responsabilité du médecin dans la procédure, alors qu'il a déjà celle de l'acte médical.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a examiné deux amendements de Mme Marie-Thérèse Boisseau précisant le caractère obligatoire de l'accompagnement de la mineure et de la deuxième consultation sur la contraception après l'intervention.

La rapporteure a considéré que cette double obligation figurait déjà dans le texte du projet de loi, l'indicatif ayant en droit une valeur impérative. Lorsqu'il est dit que la mineure « se fait accompagner » cela signifie bien qu'elle doit être accompagnée.

M. Edouard Landrain a considéré que le texte du projet de loi se contentait de laisser ouverte la possibilité d'un choix sans rendre la démarche obligatoire.

La commission a rejeté ces amendements, puis elle a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (article L. 2212-8 du code de la santé publique) : Clause de conscience

La commission a examiné un amendement de la rapporteure prévoyant que le conseil d'administration de l'établissement de santé désigne « l'unité fonctionnelle » et non « le service » dans lequel sont pratiqués les IVG.

La rapporteure a précisé que le projet de loi proposait la suppression de la disposition relative à l'organisation de l'IVG par le conseil d'administration, en même temps que celle autorisant un chef de service à refuser d'organiser les IVG dans son service. Il semble néanmoins qu'il soit utile de conserver l'avant-dernier alinéa actuel à la condition de viser non plus des services mais des unités fonctionnelles, dotées d'une certaine autonomie, comme le prévoit la loi hospitalière.

M. Edouard Landrain a fait observer que la loi hospitalière ne parlait pas d'unités fonctionnelles mais d'unités de soins.

Mme Christine Boutin a demandé si la suppression du dernier alinéa de l'article L. 2212-8 portait atteinte au droit à l'objection de conscience reconnu aux médecins.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a approuvé la substitution de la notion d'unités fonctionnelles à celle de services.

M. Bernard Schreiner a considéré que les amendements portaient atteinte à la liberté de conscience des chefs de service et s'y est déclaré défavorable.

Mme Catherine Génisson a précisé que la loi hospitalière prévoyait bien que les services hospitaliers, dirigés par un chef de service, puissent être composés de plusieurs unités fonctionnelles autonomes, chacune dirigée par un responsable médical.

M. Philippe Nauche a souligné que le lien entre un service et une unité fonctionnelle était de nature administrative et non pas médicale. L'application de la clause de conscience ne concerne donc pas un chef de service mais simplement les personnes qui doivent pratiquer l'IVG au sein de l'unité fonctionnelle. En ce qui concerne l'utilisation du terme « unités fonctionnelles », s'il est vrai que, selon les établissements, l'organisation en matière d'IVG est relativement diversifiée et parfois complexe, il reste que l'unité fonctionnelle est bien la structure de base. Il est donc utile de la citer de façon explicite dans la loi et de confirmer ainsi son autonomie.

Mme Christine Boutin a estimé que les réponses apportées à son interrogation sur la clause de conscience n'étaient pas satisfaisantes. La question devra être clarifiée en séance publique.

La rapporteure a considéré que la clause de conscience était totalement maintenue pour les médecins pratiquant l'IVG. Par contre, le texte du projet de loi prévoit que le chef de service se devra désormais d'assurer le fonctionnement du centre IVG dont il a la responsabilité même si, personnellement, il se refuse à pratiquer cet acte.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure puis l'article 7 ainsi modifié.

Après l'article 7

La commission a examiné un amendement de Mme Christine Boutin prévoyant la création, à proximité de chaque établissement pratiquant des IVG, d'un service de consultation pour le suivi psychologique post-abortif.

Mme Christine Boutin a fait observer que cet amendement allait dans le sens des souhaits formulés par tous les groupes de voir assurer un suivi après les IVG.

La rapporteure s'est opposée à l'amendement en considérant que, outre la formule retenue qui est particulièrement malheureuse, sa préoccupation était satisfaite par un amendement précédemment adopté qui prévoit qu'une consultation post-opératoire est proposée à la femme ayant pratiqué une IVG.

La commission a rejeté l'amendement.

Article 8 : Modification des termes de l'intitulé d'un chapitre désormais consacré à l'interruption de grossesse pratiquée pour motif médical

La commission a examiné un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau proposant d'intituler le chapitre du code de la santé publique actuellement relatif aux interruptions de grossesse pour motif thérapeutique : « Interruption de grossesse pratiquée pour motif médical ou pour motif psychosocial d'une particulière gravité ».

Mme Marie-Thérèse Boisseau a considéré que, plutôt que d'allonger les délais légaux pour l'IVG de dix à douze semaines, il serait préférable de s'en tenir au délai de dix semaines de grossesse en précisant qu'au-delà de ce délai, des IVG pourront être pratiquées pour des motifs médicaux mais également psychosociaux d'une particulière gravité. Les situations des femmes doivent être appréciées au cas par cas et par des équipes pluridisciplinaires.

Mme Christine Boutin a exprimé son total désaccord avec la philosophie de cet amendement en se disant choquée qu'un motif social puisse être reconnu comme valable pour pratiquer une IVG ou une IMG. Les femmes socialement déshéritées ne sauraient être, du seul fait de leurs difficultés d'ordre financier par exemple, orientées ou incitées à pratiquer une IVG. Il n'est pas acceptable de vouloir inscrire dans la loi que les femmes en situation de précarité sociale pourraient se voir proposer un dispositif particulier en matière d'interruption de grossesse.

La rapporteure s'est opposée à l'amendement de Mme Boisseau en soulignant, d'une part, que l'utilisation dans le projet de loi du terme de « motif médical » pouvait tout à fait couvrir des raisons d'ordre psychologique et, d'autre part, que l'expression de « motif psychosocial d'une particulière gravité » était dénuée de toute portée juridique.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a objecté qu'au-delà des dix semaines du délai légal, de nombreuses interruptions de grossesses se pratiquent actuellement pour des motifs autres que médicaux. Compte tenu de la situation souvent difficile vécue par les femmes concernées, il serait préférable que la décision soit prise par une équipe pluridisciplinaire constituée de représentants des professions médicales et psychosociales. Un tel dispositif serait de nature à aider la femme à prendre la décision la plus adaptée à sa situation. Il apparaît, en toute hypothèse, nécessaire de ne pas livrer les intéressées à l'arbitraire d'un seul médecin.

La commission a rejeté cet amendement. Puis elle a adopté l'article 8 sans modification.

Article additionnel après l'article 8 (article L. 2213-1 du code de la santé publique) : Amélioration de la procédure préalable à la décision de pratiquer une interruption médicale de grossesse

La commission a examiné, en discussion commune, trois amendements :

- le premier de la rapporteure visant à répondre à un triple objectif : la mise en place d'une procédure collégiale dans la décision de pratiquer une interruption volontaire de grossesse pour motif médical ; la suppression de l'intervention actuellement obligatoire du médecin inscrit sur la liste d'experts près la Cour de cassation ou près d'une Cour d'appel ; le renforcement des droits de la femme dans cette procédure ;

- le deuxième de M. Jean-Michel Dubernard tendant à élargir les conditions d'accès à l'interruption médicale de grossesse en prenant en compte la détresse psycho-sociale ;

- le dernier de Mme Marie-Thérèse  Boisseau visant au même objectif que le précédent et autorisant la pratique des IVG pour des motifs psycho-sociaux d'une particulière gravité jusqu'à la fin de la vingt-deuxième semaine de grossesse.

La rapporteure a observé que les auditions de médecins auxquelles la Délégation aux droits des femmes a procédé avaient permis à ces derniers de dire à quel point la décision de pratiquer une IMG peut parfois être lourde. Elle peut être dans certains cas d'autant plus difficile que le motif de l'avortement ne repose pas uniquement sur des données thérapeutiques mais également sur l'appréciation de normes sociales et de valeurs. Dans ce cas, le caractère collégial de la décision constitue une aide précieuse. Il semble, par ailleurs, nécessaire, dans le même esprit, d'ouvrir les équipes pluridisciplinaires à des représentants extérieurs au corps médical et d'instituer la possibilité pour la femme ou le couple d'être entendus par ces équipes.

La commission a adopté l'amendement de la rapporteure et rejeté en conséquence les deux autres amendements.

Article 9 (article L. 2213-2 du code de la santé publique) : Reconnaissance de l'interruption de grossesse pour un motif médical

La commission a rejeté un amendement de conséquence de Mme Marie-Thérèse Boisseau et adopté l'article 9 sans modification.

Article 10 (articles L. 5135-1 et L. 5435-1 du code de la santé publique) : Interdiction et sanctions de la vente à des personnes n'appartenant pas au corps médical de dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse

La commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11 (article 223-11 du code pénal) : Modifications de cohérence en matière de pratique illégale de l'interruption volontaire de grossesse

La commission a rejeté un amendement de conséquence de Mme Marie-Thérèse Boisseau et adopté l'article 11 sans modification.

Article additionnel après l'article 11 (article 223-12 du code pénal) : Impossibilité de condamner une femme pour complicité de son auto-avortement

La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à préciser, à l'article 223-12 du code pénal, que la seule personne condamnable dans le cas d'un auto-avortement est celle ayant fourni à la femme concernée les moyens techniques de cet acte. En aucun cas, la femme concernée ne peut être considérée comme complice.

Article 12 (article L. 2221-1 du code de la santé publique et articles 84, 85, 86 et 89 du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises) : Abrogation de dispositions sur la propagande en faveur de l'IVG et de dispositions obsolète

La commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article additionnel après l'article 12 (article 223-13 nouveau du code pénal) : Renforcement du délit d'entrave à la pratique légale des interruptions de grossesse

La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant, d'une part, à intégrer le délit d'entrave à la pratique légale de l'IVG dans le code pénal et, d'autre part, à en préciser les contours.

La rapporteure a expliqué qu'il convenait d'empêcher que les commandos anti-IVG puissent perturber, non seulement l'accès des établissements et la libre circulation, comme cela est actuellement prévu, mais également les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux. De même, la notion de « pressions morales et psychologiques » doit être ajoutée à celles existantes dans la législation en vigueur de menaces et d'actes d'intimidation. Enfin, les femmes concernées mais également leur entourage, venu les accompagner dans les locaux de l'établissement, doivent être protégés d'éventuelles agressions de la part des associations et mouvements hostiles à l'avortement.

La commission a adopté cet amendement.

Article 13 (articles L. 2412-1, L. 2412-2 et L. 2412-3 du code de la santé publique, article 723-2 du code pénal) : Application à la collectivité territoriale de Mayotte.

La commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14 (articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, article 713-2 du code pénal) : Application aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

La commission a rejeté un amendement (n° 1) de M. Michel Buillard visant à exclure la Polynésie française du champ d'application de cet article ainsi qu'un amendement de conséquence de Mme Marie-Thérèse Boisseau.

La commission a adopté l'article 14 sans modification.

Article 15 (article L. 132-1 du code de la sécurité sociale) : Prise en charge intégrale par l'Etat des dépenses nécessaires aux interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des femmes mineures non émancipées n'ayant pas obtenu le consentement parental

La commission a adopté cet article sans modification.

Après l'article 15

La commission a examiné deux amendements de Mme Christine Boutin, le premier tendant à la création d'un fonds de prévention de l'IVG destiné à subvenir aux besoins des associations et organismes d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté afin de les aider à mener leur grossesse à terme, le second visant à pallier l'incertitude afférente aux données chiffrées par la création d'un observatoire public sur la prévention de l'IVG.

La rapporteure a indiqué qu'elle était défavorable à ces deux amendements et rappelé l'existence d'éléments statistiques publiés par l'INED et l'INSERM en ce qui concerne les IVG intervenues dans le délai légal.

La commission a rejeté ces deux amendements.

TITRE II

CONTRACEPTION

Article 16 (article L. 2311-4 du code de la santé publique) : Délivrance des contraceptifs dans les centres de planification familiale

La commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 16 (article L. 2325 nouveau du code de la santé publique) : Education sexuelle dans les établissements scolaire

La commission a examiné un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau prévoyant l'organisation d'au moins trois séances annuelles d'instruction et d'éducation à la sexualité à destination des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

Mme Danielle Bousquet a souligné que les intervenants extérieures susceptibles d'agir dans ce cadre étaient rémunérés par la région.

M. Bernard Schreiner a souhaité pour des raisons de meilleure formation et d'extériorité à l'égard des élèves, que ces séances soient dispensées par des intervenants extérieurs.

Mme Christine Boutin a fait observer que les enseignants s'interrogeaient sur leur identité devant la multiplication des intervenants extérieurs.

La rapporteure a donné son accord à l'amendement en soulignant cependant son caractère réglementaire.

Le président Jean Le Garrrec a estimé que le législateur pouvait se permettre de temps à autre des incursions dans le domaine réglementaire quant l'enjeu était important.

La commission a adopté cet amendement.

Article 17 (article L. 5134-1 du code de la santé publique) : Délivrance et prescription des contraceptifs

La commission a examiné un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau précisant que les contraceptifs hormonaux ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a relevé que la suppression de la prescription médicale suscitait des inquiétudes dans le corps médical et chez les jeunes femmes dans la mesure où la consultation médicale permet au médecin de procéder à des examens dans une démarche de prévention des contre-indications relatives à la consommation de tabac ou à la présence de cholestérol ainsi que le dépistage des cancers du sein et du col de l'utérus.

La rapporteure a indiqué qu'elle était défavorable à cet amendement qui n'est pas conforme aux dispositions de la directive européenne sur les médicaments, laquelle prévoit la libre distribution de ces produits s'ils ne sont pas susceptibles de présenter de danger.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18 (article L. 5342-2 du code de la santé publique) : mise à jour de dispositions pénales relatives aux contraceptifs

La commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 18 (articles L. 2120-1 nouveau du code de la santé publique) : Encadrement de l'acte chirurgical de stérilisation masculine et féminine

La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant à créer un régime juridique encadrant la pratique de la ligature des trompes et de celle des canaux déférents effectuée dans un but contraceptif.

La rapporteure a rappelé que la ligature des trompes concernait 30 000 femmes par an et que près de 900 000 y avaient eu recours à ce jour. Un encadrement de cette pratique semble donc éminemment nécessaire. Il est proposé de le faire suivant les recommandations du comité national consultatif d'éthique et en tenant compte de l'avis formulé par les médecins la pratiquant.

La reconnaissance de cette pratique suppose qu'elle soit mise en _uvre dans les établissements de santé, que les personnels médicaux puissent faire jouer la clause de conscience. L'intéressé(e) doit prendre sa décision après avoir été complètement informé(e) des risques médicaux et des conséquences de l'intervention. Cette décision ne pourra intervenir qu'au terme d'un délai de réflexion de deux mois et devra faire l'objet d'une confirmation écrite.

La commission a adopté l'amendement.

Article additionnel après l'article 18 (article L. 2120-2 nouveau du code de la santé publique) : Encadrement de l'acte chirurgical de stérilisation des personnes incapables majeures

La commission a examiné un amendement de la rapporteure prévoyant l'encadrement de la stérilisation des incapables majeurs afin que cet acte médical se pratique dans le respect des principes éthiques.

La rapporteure a expliqué que, pour les incapables majeurs, la ligature des trompes et des canaux déférents ne pouvait intervenir que lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité de les mettre en _uvre. Il importe de recueillir dans la mesure du possible l'avis de l'intéressé(e). La décision est soumise à l'avis d'un comité régional d'experts et après que le président du tribunal de grande instance a contrôlé que les conditions prévues ont été respectées.

M. Philippe Nauche, co-signataire de l'amendement, a souligné que la stérilisation volontaire masculine et féminine répondait à une attente forte des personnes concernées et des médecins pratiquant aujourd'hui sans réel encadrement juridique ces actes. Il faut mettre fin au flou juridique et éthique entourant cette question. S'agissant des incapables majeurs, l'amendement vise à éviter d'éventuelles dérives en la matière. L'avis de la personne concernée doit en effet être prise en compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhension.

M. Edouard Landrain a observé qu'il fallait être particulièrement vigilant sur ce point ainsi que sur le devoir d'information quant à l'existence du caractère irréversible de l'intervention.

Mme Hélène Mignon a relevé le caractère parfois réversible de l'opération de ligature des trompes dans certains cas.

La commission a adopté cet amendement portant article additionnel.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.


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