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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 25

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 janvier 2002
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de loi de M.  Jean le Garrec portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie - n° 3520 (M. Claude Evin, rapporteur)

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- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Claude Evin, la proposition de loi de M. Jean le Garrec portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie - n° 3520.

M. Claude Evin, rapporteur, a tout d'abord rappelé que le texte dont est saisie la commission avait été déposé en deux temps par le Gouvernement à l'occasion de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 avant d'être censuré par la Conseil Constitutionnel pour une raison de procédure.

Après avoir brièvement retracé l'histoire, développée par ailleurs dans son rapport, des conventions médicales et des relations entre caisses et professionnels de santé depuis la loi du 3 juillet 1971 créant les conventions médicales, le rapporteur a indiqué qu'aussi bien les imperfections de ces conventions que l'attachement à ce mécanisme contractuel d'encadrement conduisaient aujourd'hui à une révision importante du système.

Le nouveau dispositif proposé résulte d'une large concertation menée à l'occasion du « Grenelle de la Santé » tout au long de l'année 2001 et il a été validé à l'unanimité par le conseil d'administration de la CNAMTS. Il entend substituer au schéma actuel de la convention nationale unique déclinée sur l'ensemble du territoire, un nouveau cadre conventionnel à trois étages.

Le premier étage est constitué par un accord-cadre applicable à l'ensemble des professions de santé et négocié par le Centre national des professions de santé (CNPS). Cet accord doit être conclu par les CNAMTS et au moins une autre caisse nationale et ne s'applique à une profession concernée que lorsqu'au moins une organisation syndicale représentative de cette profession l'a signé.

On trouve en second lieu les actuelles conventions professionnelles dont la durée est fixée à cinq ans et qui définit le niveau des tarifs et les engagements collectifs et individuels des professionnels en matière d'organisation des soins, de respect des bonnes pratiques, d'évolution de l'activité. Les tarifs seront fixés dans un avenant qui comportera également les modifications de nomenclature proposée par les partenaires conventionnels aux ministres.

Enfin, les professionnels de santé conventionnés pourront adhérer individuellement à des contrats de santé publique ouvrant droit à une rémunération forfaitaire complémentaire.

La conséquence logique de ce dispositif faisant davantage de place à la négociation conventionnelle est la suppression de la possibilité pour les caisses de modifier unilatéralement les lettres-clés pour les professions qui auront conclu une convention. En revanche, cette possibilité sera maintenue pour des professionnels de santé n'ayant pas signé de convention.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean Le Garrec a relevé l'extrême intérêt du rapport présenté et l'utilité du rappel historique qu'il comporte concernant les conventions médicales. La décision du Conseil constitutionnel permet en fin de compte un débat de fond sur un texte essentiel. Les travaux de la commission ont fréquemment souligné la nécessité d'une refonte de l'architecture du système conventionnel. Par ailleurs le dispositif proposé par l'article 4 concernant les contrats individuels de santé publique est tout à fait intéressant et novateur afin de développer notamment des actions de prévention.

M. Jean-Pierre Foucher a souligné la fâcheuse tendance de la majorité à vouloir légiférer dans l'urgence. L'état d'impréparation de l'amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'abord présenté sous forme de simple esquisse, a conduit à sa censure par le Conseil constitutionnel. De plus, ce texte a été élaboré sans concertation avec les professionnels de santé.

Du reste, le texte ne satisfait pas ces professionnels pour de multiples raisons : le maintien de l'opposabilité de l'ONDAM et du système des lettres-clés flottantes, la création d'un lien entre nomenclature et tarification. Le système à trois étages est de surcroît d'une extrême complexité. Peut-on se satisfaire du fait que la signature de la convention par le CNPS, puis par un syndicat professionnel unique, éventuellement minoritaire, suffise à rendre l'ensemble du dispositif applicable à tous les professionnels ? La possibilité donnée aux professionnels d'adhérer individuellement à des contrats pose également problème.

M. Philippe Nauche a dénoncé le caractère contradictoire des propos tenus par l'opposition qui critique tantôt l'existence de mesures collectives, tantôt celle de mesures individuelles. Le Conseil constitutionnel a bien involontairement rendu service au Parlement en lui permettant d'examiner de manière approfondie une réforme importante du système d'assurance maladie et dont le maître mot est « contrat ». La présente proposition de loi est un texte d'actualité et non d'urgence. Son objet n'est pas, en effet, de répondre à la seule question tarifaire mais de construire un dispositif de long terme par la mise en place de trois étages conventionnels :

- un accord-cadre qui couvre les dispositions communes aux différentes professions de santé ;

- un deuxième étage qui permet notamment une meilleure définition des honoraires et de la nomenclature, étant observé que la révision de celle-ci peut prendre des années et que le dispositif proposé ouvre ainsi la possibilité d'un meilleur suivi de l'évolution des pratiques et des actes ; on peut par ailleurs se féliciter que ce dispositif inclut la profession des ambulanciers ;

- un troisième étage, individuel, du dispositif conventionnel qui permettra le développement d'actions de prévention, la mise en place de politiques régionales mieux adaptées aux besoins locaux et la rémunération d'actions spécifiques en complément, et non en substitution, de la rémunération à l'acte. En fin de compte, ce texte contribuera sans nul doute à l'amélioration de la politique de santé.

M. Yves Bur a estimé que le Conseil constitutionnel a, par sa décision, sanctionné une méthode de travail qui devient malheureusement la règle en cette fin de législature : on peut relever des signes de précipitation aussi bien dans l'amendement dont découle la proposition du présent texte que dans la loi relative à la présomption d'innocence ou dans le sort fait à l'arrêt Perruche. Tout cela constitue autant de signes avant-coureurs de changements politiques à venir.

Les professionnels de santé souffrent aujourd'hui d'un manque de perspectives. Des orientations ont été adoptées en 1996, certaines ont produit leurs effets et ne sont pas contestées, d'autres se sont malheureusement révélées impuissantes, en particulier l'ensemble des dispositifs de sanctions. Depuis 1996, la situation n'a pas évolué, voire s'est aggravée. Aucune perspective claire n'est offerte aux professionnels s'agissant de leur place dans le système de soins, de leurs conditions d'exercice ou encore de leur rémunération. N'est pas davantage traitée la question de la nomenclature pendante depuis des années. Tout cela crée chez les professionnels de santé un formidable malaise que ne peut résoudre le présent dispositif qui arrive d'ailleurs bien tard et qui ne comporte pas de clarification du rôle de la CNAMTS. Cette clarification des responsabilité s'impose tout particulièrement aujourd'hui face à l'étatisation du système de santé qui n'est pas ici remise en cause mais plutôt renforcée.

M. Bernard Schreiner a posé les questions suivantes :

- S'agissant de la signature des conventions avec un seul syndicat représentatif, comment la représentativité d'un tel syndicat sera-t-elle jugée ?

- En ce qui concerne la signature de contrats individuels, quelle autorité sera-t-elle compétente pour apprécier la pertinence des sujets retenus ?

- De quelle manière les financements complémentaires seront-ils assurés ?

M. Maxime Gremetz, après avoir indiqué que le retour du dispositif devant le Parlement n'était pas surprenant dans le contexte actuel d'urgence, a relevé que cette proposition de loi n'épuisait pas loin s'en faut, le sujet, sur le fond. Déjà, en 1995, le groupe communiste, favorable au développement de la responsabilité des médecins, s'était insurgé contre la politique de sanctions prévue par le plan Juppé qui n'a pas été abandonnée depuis. Il en résulte le malaise actuel des médecins généralistes qui risque en définitive de contraindre le Gouvernement à prendre des mesures sous la pression de la rue.

En réalité, le problème est double :

- Il s'agit d'une part de la nature des relations entre la CNAMTS et l'Etat, caractérisées par une tendance à l'étatisation dont les agences régionales de l'hospitalisation sont la plus parfaite illustration. Cette contradiction majeure n'est pas réglée par les mesures que propose le présent texte.

- D'autre part, persiste l'éternel refus de la démocratisation de la sécurité sociale au moyen de l'organisation des élections. On peut en effet se demander quelle est la représentativité du conseil d'administration de la CNAMTS. En outre, la disposition prévue à l'article 1er de la présente proposition de loi permettant à un seul syndicat éventuellement minoritaire d'imposer, par sa signature, l'application de l'accord-cadre à l'ensemble d'une profession équivaut à une dictature de la minorité. Cette disposition, contraire à la démocratie sociale, pose un problème majeur et elle est inacceptable en l'état.

En conclusion, ce dispositif constitue une mesure d'urgence qui, tout en améliorant très légèrement les relations entre les professionnels et les caisses, ne résoudra pas, sur le fond, le malaise profond ressenti par les médecins. Le groupe communiste n'a pas encore arrêté sa position mais un vote défavorable ne peut être exclu.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a souligné son attachement à la démocratie sociale. Ce texte, qui ne résout certes pas la question de l'ensemble des relations entre la CNAMTS et les professionnels de santé, a néanmoins été accepté à l'unanimité par le conseil d'administration de la CNAMTS.

S'il demeure en effet nécessaire de clarifier à l'avenir les relations entre l'Etat et la CNAMTS, il ne faut pas négliger la responsabilité de l'Etat notamment en matière de santé publique et d'organisation territoriale de l'offre de santé. Ainsi, lors de la publication par la CNAMTS d'un plan stratégique en faveur de la réduction de 60 milliards de francs du budget des hôpitaux, il n'était pas saugrenu que l'Etat réagisse sur les difficultés que risquait d'entraîner ce plan. S'agissant de la fixation des cotisations, il faut rappeler que, depuis 1945, cette compétence dont dispose la CNAM est demeurée largement inutilisée.

L'accusation de l'absence de concertation est inacceptable s'agissant d'une réforme qui fait suite au « Grenelle de la santé » - auquel le président Le Garrec et lui-même ont participé - et surtout aux travaux de la mission de concertation. Cette mission a en effet entendu au cours de l'année 2001 tous les partenaires de la santé, ce qui a permis une réelle concertation. Le présent texte n'a pu faire partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002- ce qui aurait été naturellement préférable - précisément parce que la phase de rédaction des propositions issues de cette large concertation n'était pas achevée.

Enfin, le dispositif proposé ne maintient pas la procédure de lettres-clés flottantes automatiques qui n'a jamais existé car il présuppose un fonctionnement du système en tiers-payant.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (articles L. 162-1-11 et L. 162-15 du code de la sécurité sociale) : Création d'un accord-cadre entre la CNAMTS et le Centre national des professions de santé

La commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur :

- le premier précisant que l'accord-cadre ne s'applique à une profession de santé que si une organisation syndicale représentative de cette profession l'a signé ;

- le deuxième tendant à clarifier le dernier alinéa du I de l'article ;

- le troisième précisant la rédaction du II de l'article en distinguant l'accord-cadre de la convention nationale.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (articles L. 162-14-1 nouveau et L. 162-14-2 nouveau du code de la sécurité sociale) : Contenu des conventions professionnelles

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que les ministres devront motiver leurs décisions en matière de nomenclature des actes lorsqu'elles s'écartent des propositions faites sur le sujet par les partenaires conventionnels.

Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 (articles L. 162-12-17, L. 162-12-1-8 et L. 162-12-20 nouveau du code de la sécurité sociale) : Réforme des accords de bon usage des soins et des contrats de bonne pratique

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, après que le rapporteur a indiqué que la rédaction de l'article L. 162-12-19 proposé par cet article sera, en outre, à revoir, de manière à préciser que l'Etat établit des contrats type et les soumet à l'adhésion individuelle des professionnels, en cas de carence des mécanismes conventionnels.

Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 (article L.  162-12-20 nouveau du code de la sécurité sociale) : Création des contrats de santé publique

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (articles L. 162-15-2, L. 162-15-3 et L. 162-5-9 du code de la sécurité sociale) : Suppression de la régulation unilatérale par les caisses

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6 (articles L. 162-14, L. 322-5 à L. 322-5-5, 645-2-1 du code de la sécurité sociale) : Diverses dispositions de cohérence et validation des actes pris en application de la convention nationale des masseurs kinésithérapeutes

La commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur et un amendement consolidant la mesure de validation prévue par le V de cet article par l'exclusion des actes ayant le caractère de sanction.

Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Au titre des explications de vote, M. Maxime Gremetz a indiqué qu'il ne prenait pas part au vote dans l'attente de la décision de son groupe.

La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

Informations de la commission

La commission a procédé à la désignation des membres de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Titulaires

Suppléants

M. Jean Le Garrec

M. Jean-Jacques Denis

M. Claude Evin

M. Philippe Nauche

Mme Yvette Benayoun-Nakache

M. Jean-Paul Durieux

M. Jean-Michel Dubernard

M. Pierre Morange

M. Jean-Pierre Foucher

M. Bernard Accoyer

Mme Muguette Jacquaint

M. Jean-Luc Préel

M. Bernard Charles

M. Marc Laffineur

Elle a également désigné les membres de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.

Titulaires

Suppléants

M. Jean Le Garrec

M. Serge Blisko

M. Marcel Rogemont

Mme Hélène Mignon

M. Patrick Bloche

M. Alain Néri

M. Olivier de Chazeaux

M. Bruno Bourg-Broc

M. Henri Plagnol

Mme Roselyne Bachelot-Narquin

M. Jean Dufour

M. Christian Kert

M. Gérard Charasse

M. Gilbert Gantier

La commission a nommé M. Claude Evin rapporteur de la proposition de loi de M. Jean Le Garrec portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie - n 3520.


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