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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 novembre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, Président

SOMMAIRE

 

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- Convention d'entraide judiciaire en matière civile France-Vietnam (n° 2489) rapport

- Adhésion de la France à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative   relative aux infractions douanières (n° 2175) rapport

- Convention d'établissement France-Togo (n° 1317) rapport

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- Convention internationale de 1989 sur l'assistance (n° 2174) rapport

- Protection de la mer Méditerranée contre la pollution (nos 2419, 2420, 2421, 2422)


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Convention d'entraide judiciaire en matière civile France-Vietnam

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Bernadette Isaac-Sibille, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 2489).

Mme Bernadette Isaac-Sibille a tout d'abord précisé que la convention d'entraide judiciaire en matière civile avec la République socialiste du Vietnam avait été signée le 24 février 1999, c'est-à-dire presque un an avant la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants datée du 1er février 2000, dont elle avait recommandé l'adoption au printemps 2000 et qui a été approuvée par le Parlement les 6 et 21 juin 2000.

En fait, les deux conventions sont liées l'une à l'autre et à l'origine devaient faire l'objet d'un examen simultané. Mais la France ayant suspendu en avril 1999 les adoptions d'enfants en provenance du Vietnam en raison de la non signature par ce dernier de la fameuse convention de La Haye, la convention sur l'adoption a fait l'objet d'une procédure très rapide de ratification en juin de cette année, qui a eu pour conséquence la mise en attente du texte sur l'entraide judiciaire dont nous sommes saisis maintenant.

D'une part, la présente convention d'entraide judiciaire est liée à la convention sur l'adoption puisque l'un des considérants fait référence à la convention d'entraide judiciaire. En outre, l'autorité centrale désignée pour le Vietnam dans la convention sur l'adoption est le ministère de la justice vietnamien qui est concerné par des dispositions de la convention d'entraide judiciaire. Enfin, le Vietnam, en accord avec la France, se prépare à appliquer les mesures réglementaires relatives à la convention sur l'adoption mais dans une première étape aux sept provinces les plus peuplées qui sont également les provinces où il y a le plus d'orphelinats et où les ressources humaines à former à la convention sur l'adoption sont les plus nombreuses. Or justement l'entrée en vigueur de la présente convention sur l'entraide judiciaire permettra d'envoyer des magistrats pour former cette ressource humaine et également d'engager la coopération technique en matière d'adoption.

D'autre part, la présente convention d'entraide judiciaire est la première signée en la matière par le Vietnam avec un pays occidental et vient consolider les relations juridiques que nos deux pays ont nouées depuis quelques années, sans qu'on puisse exactement en mesurer les résultats sur place.

En effet, la France soutient largement le Vietnam dans ses efforts pour se doter d'un système juridique qui prend exemple sur le modèle français. En 1993 la signature d'un accord intergouvernemental entre nos deux pays a permis de créer la première Maison du droit franco-vietnamienne dont l'une des missions principales est d'assister le Vietnam dans l'élaboration de ses textes normatifs, élaboration qui s'inscrit dans un ensemble de réforme judiciaire et administrative entreprise par ce pays dans le cadre de l'édification de l'Etat de droit. En 1995 un code civil et une législation commerciale ont été adoptés. Actuellement, un code de procédure civile est en cours d'élaboration qui régira l'ensemble des matières de droit privé (civil, économique et social). Les autorités vietnamiennes ont achevé l'élaboration du texte qui sera examiné lors de la session parlementaire du printemps 2001 pour être appliqué à partir de fin 2001. Il convient de préciser que ce code reprend très largement les dispositions du code de procédure civile français, certaines dispositions sont même directement reproduites. Enfin, afin de compléter un ensemble législatif destiné à faire entrer le Vietnam dans la famille des pays de droit écrit romano-germanique, la France a proposé aux autorités vietnamiennes de négocier, dans un premier temps, la présente convention d'entraide judiciaire qui est d'une facture classique et ne comporte pas de dispositions particulières par rapport aux conventions bilatérales conclues en la matière par notre pays.

Le Vietnam paraît fournir des efforts importants pour élaborer un système judiciaire qui s'inscrit dans le cadre de l'édification de l'Etat de droit, mais qu'en est-il de l'application de ce droit dans la vie quotidienne ? C'est un sujet d'inquiétudes pour beaucoup de raisons dont l'une a d'ailleurs été confirmée par une réponse du ministère des Affaires étrangères à une question posée par la Rapporteure à propos de l'entrée en vigueur au Vietnam de la convention sur l'adoption.

C'est pourquoi, la Rapporteure a souhaité faire plusieurs réflexions à ce sujet.

Tout d'abord, il est regrettable que ce texte sur l'entraide judiciaire n'ait pas été proposé en même temps que la convention sur l'adoption comme cela était prévu.

Si la convention sur l'adoption a été votée, elle n'est pas encore appliquée véritablement parce que les structures ne sont pas encore totalement créées et de plus cette convention ne sera appliquée que dans 7 provinces sur 61, ce qui n'était pas le sens de la convention. D'après un courrier émanant du ministère des Affaires étrangères et daté du 28 novembre 2000, "Les autorités vietnamiennes doivent, préalablement à l'étude des premiers dossiers des candidats à l'adoption, adapter leur législation interne aux dispositions de la convention bilatérale. Cette nécessaire définition des compétences entre autorité centrale et comités populaires fait l'objet d'un décret du Premier Ministre qui devrait paraître fin novembre. Ce retard dans l'adoption des textes réglementaires a obligé la MAI à différer la diffusion, auprès du public, de la fiche de procédure. La fiche ci-jointe constitue le seul document officiel que la MAI diffuse actuellement sur Internet et par voie postale auprès des personnes qui se manifestent auprès d'elle (soit plus de 1 000 envois effectués à ce jour). En tout état de cause la mise en _uvre pratique de la convention est subordonnée d'une part à la parution de ce texte réglementaire et d'autre part à la formation du personnel des comités populaires programmée pour la deuxième quinzaine de décembre. Il a toutefois été décidé, d'un commun accord avec les autorités vietnamiennes, d'étudier dès à présent les dossiers des 27 familles pour lesquelles la procédure d'adoption d'un enfant déjà désigné n'a pu aboutir avant la suspension des adoptions." Ce dernier point est en contradiction totale avec les engagements qui nous avaient été donnés l'an dernier selon lesquels ces dossiers seraient traités avant la fin juin 1999, soit il y a près de 18 mois maintenant.

Ensuite, contrairement aux conventions que nous adoptons habituellement, la présente convention d'entraide judiciaire ne comporte aucune référence aux droits de l'Homme alors que nous savons le drame quotidien que vivent certaines ethnies ou certaines personnes opposées au régime actuel. Est-il sérieux de parler de respect du droit dans un pays qui se comporte ainsi ? Qui peut contrôler ce qui se passe véritablement dans ce pays ? Toutes les personnes qui vont dans ce pays que nous aimons témoignent des privations des libertés individuelles et de la façon dont sont traitées les minorités.

De plus, la Rapporteure a fait part de ses inquiétudes quant à l'article 20 qui certes assure la possibilité à des Français d'obtenir l'exécution d'un jugement au Vietnam, mais, compte tenu du caractère un peu aléatoire de la procédure pénale vietnamienne, cet article fait courir un risque important à certains de nos nationaux qui pourraient se voir réclamer des dommages et intérêts en France suite à des condamnations au Vietnam. La Rapporteure a jugé qu'il ne fallait pas se jeter dans les bras d'une justice dont on ne connaît pas l'application. On peut faire confiance à la façon dont seront traités les Vietnamiens par la justice française mais l'inverse pourrait être plus grave et en ce sens Mme Bernadette Isaac-Sibille a cité l'exemple tragique d'un ressortissant français à Cuba.

En conclusion, Mme Bernadette Isaac-Sibille a estimé que l'on ne pouvait que voter l'adoption de la convention d'entraide judiciaire pour ne pas entraver l'entrée en vigueur de la convention sur l'adoption, tout en rappelant que dans le cas de cette dernière, l'accord avait été signé d'Etat à Etat et qu'une application de provinces vietnamiennes à Etat français ne respectait pas l'accord initial.

Le Président François Loncle a remercié la Rapporteure pour son investissement dans ce dossier, qui démontre une fois de plus son attachement aux droits de l'Homme et à ceux de l'enfant. La France signe des accords avec les pays membres des Nations Unies dont environ 70 % ne respectent pas les critères relatifs aux droits de l'Homme que nous connaissons. Il a néanmoins considéré qu'il ne fallait pas bloquer la procédure conduisant à la normalisation de l'adoption en provenance du Vietnam. Par ailleurs, ces dernières semaines, ce pays a donné des signes d'ouverture encourageants. Récemment la France a accueilli une forte délégation parlementaire, et le Président Bill Clinton a effectué un voyage historique au Vietnam.

Répondant au Président, Mme Bernadette Isaac-Sibille a observé que, en réponse au discours final du Président américain, les autorités vietnamiennes avaient déclaré qu'elles acceptaient de signer des accords économiques mais qu'il ne fallait pas s'occuper de leur organisation intérieure et des droits de l'Homme. Elle a également rappelé qu'au moment des négociations franco-vietnamiennes sur l'adoption, elle avait souhaité faire part de la délégation française qui s'était rendue au Vietnam mais que le ministère des Affaires étrangères s'y était opposé au motif qu'un parlementaire ne pouvait participer à une négociation gouvernementale.

Le Président François Loncle a considéré inadmissible le refus opposé à la participation de Mme Isaac-Sibille à la délégation sur l'adoption.

M. Pierre Brana a partagé l'avis de la Rapporteure sur la question de la mise en _uvre de la convention sur l'adoption et sur l'absence regrettable de la référence aux droits de l'Homme dans la présente convention, alors que cette référence existe dans de nombreux textes du même ordre. En revanche, il a estimé que la rédaction des articles 21, 22 et 23 de la convention pouvait atténuer les craintes que l'on pouvait concevoir à la lecture de l'article 20.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a déclaré que c'était une question qu'elle se posait et qu'elle était d'accord avec les propos de M. Pierre Brana.

Mme Odette Trupin a considéré que l'on ne pouvait faire de reproche au Gouvernement quant à la négociation de cette convention et qu'il ne fallait pas bloquer les procédures qui s'établissent peu à peu au plan bilatéral avec le Vietnam.

M. René Mangin, soulignant que le combat pour les droits de l'Homme se poursuit au jour le jour, a souhaité qu'une vraie référence à ces droits figure systématiquement dans les préambules des conventions que nous signons.

Le Président François Loncle a proposé à la Commission de l'adopter, précisant que toutes les observations et réserves devraient figurer au rapport et être portées à la connaissance du Gouvernement comme de la partie vietnamienne.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2489).

Infractions douanières

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Brana, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes) (n° 2175)

M. Pierre Brana a indiqué que l'assistance mutuelle administrative entre les services de douanes a commencé à l'origine au plan bilatéral, avant de s'imposer au plan multilatéral, dans le cadre européen notamment. La présente convention a quant à elle été signée sous l'égide de l'Organisation mondiale des douanes, le 9 juin 1977 à Nairobi. Elle est entrée en vigueur en 1980 et a été ratifiée par 44 Etats à ce jour. L'adhésion de la France a connu un grand retard : notre pays conditionnait en effet celle-ci à la possibilité de formuler deux réserves ; cette possibilité ayant été ouverte par des amendements apportés à la convention en 1995, la procédure d'adhésion a pu être engagée.

La Convention de Nairobi comporte un corps de 23 articles assorti de 11 annexes qui peuvent être acceptées indépendamment les unes des autres, selon un système en quelque sorte "à la carte". Elle est fondée, sous réserve de deux exceptions, sur le principe de la réciprocité selon lequel un Etat n'a d'obligation d'assistance vis-à-vis d'un autre Etat que si les deux ont accepté la même annexe. Les 11 annexes de la convention regroupent des mesures d'assistance douanière relevant des catégories suivantes : mesures préventives, mesures de recherche et de prévention de l'infraction, création d'un fichier central de renseignements à l'Organisation mondiale des douanes, mesures à caractère thématique concernant la lutte contre le trafic de stupéfiants, d'une part, et le trafic d'objets d'art et d'antiquités, d'autre part.

Le Rapporteur a rappelé l'importance du rôle des douanes dans la lutte contre les fraudes tant dans le secteur des produits industriels, des produits agricoles (c'est ici notamment le problème des crises sanitaires qui est posé) que dans le domaine de la contrefaçon, qui handicape les industries des secteurs dans lesquels la France est performante. La lutte contre le trafic de stupéfiants a donné lieu en 1999 à près de 29 000 constatations et à autant d'interpellations. La quantité de drogues saisies l'année dernière est sans précédent : 59 tonnes ainsi que 1,8 million de doses d'ecstasy. Enfin une quarantaine d'affaires ont abouti à la saisie de 841 _uvres ou objets d'art volés estimés à 4,5 millions de francs : ces chiffres ne reflètent qu'une faible partie de ce trafic car les douanes françaises ne sont pas très impliquées dans la recherche des biens culturels volés contrairement à la police.

La France a choisi d'adhérer aux annexes I, IX et X de la convention. L'annexe I relative à l'assistance spontanée prévoit l'échange d'informations, à la fois générales et ciblées, entre les Etats parties. L'annexe IX prévoit la transmission des renseignements au Secrétariat général de l'Organisation mondiale des douanes installé à Bruxelles. Le Secrétariat centralise les informations tant générales que nominatives et élabore des études sur les tendances de la fraude et ses méthodes pour un meilleur ciblage des contrôles. Enfin, l'annexe X va au-delà de l'échange d'informations et peut impliquer une coopération opérationnelle concrète entre les services de deux Etats parties pour lutter contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes. L'adhésion à cette annexe est particulièrement importante, dans la mesure où les services douaniers saisissent selon les années 75 à 80 % de la totalité des quantités de stupéfiants saisis en France par l'ensemble des services répressifs.

Les deux réserves formulées par notre pays sont liées à notre droit interne. La première a pour objet de faire prévaloir les procédures d'entraide judiciaire internationale sur celles de l'assistance administrative dans le cas d'infraction douanière faisant l'objet de poursuites pénales. En vertu de la seconde, la France s'interdit de verser des données nominatives concernant les personnes physiques dans le système d'information centralisé mis en place par l'annexe IX. Ceci permet d'être en conformité avec les exigences de la loi "informatique et libertés".

En conclusion, le Rapporteur a invité la Commission a approuver l'adhésion de la France à la convention de Nairobi, estimant qu'elle comble une lacune du dispositif existant au plan multilatéral, l'acceptation de l'annexe X relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants constituant en particulier un signal important en direction des pays qui ne l'ont pas encore acceptée. Il a souligné que l'on pouvait s'interroger sur le fait que la France n'accepte pas l'annexe XI sur la lutte contre la contrebande d'objets d'art et d'antiquités, alors qu'elle a accepté la convention de l'Unesco de 1970 et s'apprête à ratifier la convention d'Unidroit de 1995. Cette réserve viendrait de ce que les douanes n'ont qu'une compétence limitée en matière de biens culturels par rapport à la police nationale, et aussi peut-être de la réticence à être lié sur un plan multilatéral par les dispositions à caractère automatique de la convention.

Le Président François Loncle a remarqué que les chiffres sur les stupéfiants relataient certainement une augmentation du trafic mais aussi une amélioration du contrôle en la matière.

M. Charles Ehrmann a demandé que l'on insiste davantage sur les problèmes de drogue car tous les collèges et lycées de sa région possèdent une "section de drogues" et c'est tragique.

Le Président François Loncle a estimé qu'il était un peu excessif de parler de "section de drogues".

M. Charles Ehrmann a regretté que l'on ferme les yeux pour éviter de trop savoir.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2175).

Convention d'établissement France-Togo

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Godfrain, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise (n° 1317)

M. Jacques Godfrain a expliqué que la convention d'établissement concernait les résidents français au Togo et togolais en France soit près de 2 600 Français résidant au Togo dont 90 % à Lomé et 36 % ont moins de 20 ans, et la communauté togolaise installée en France soit près de 7 000 ressortissants majeurs en situation régulière. Le précédent accord qui datait de 1963 comportait la clause de la nation la plus favorisée, à l'exception des droits politiques, et prévoyait une assimilation quasi-totale entre les nationaux et les ressortissants de l'autre Etat : exercice des libertés publiques, des droits civils, d'une activité, y compris des professions libérales, et inopposabilité de la situation de l'emploi, l'expulsion devait résulter d'une décision du chef du Gouvernement. Il était donc devenu progressivement très dérogatoire au droit commun et de moins en moins compatible avec les engagements communautaires de la France et l'évolution de son économie. La négociation d'une nouvelle convention d'établissement avec le Togo a été difficile et a duré trois ans car ce pays voulait imposer sa conception de la famille en matière de regroupement familial.

Le nouvel instrument garantit le libre exercice des libertés publiques individuelles et collectives résultant de la déclaration universelle des droits de l'Homme et assure l'égal accès aux juridictions et l'exercice des droits à caractère patrimonial dans chacun des Etats.

Il offre à tout ressortissant de l'un des deux Etats la possibilité d'exercer toute activité professionnelle sur le territoire de l'autre dans la mesure où le marché de l'emploi le permet et s'agissant de professions libérales, il renvoie à la réglementation nationale. Il reconnaît à ces ressortissants le droit d'entrer, de sortir et de s'installer librement. Toute mesure d'expulsion ou d'éloignement prise par l'une des parties d'un ressortissant de l'autre Partie ne sera plus soumise comme auparavant à une décision du Premier Ministre, mais devra être précédée d'une procédure d'information de l'autorité consulaire portant sur les motifs de la décision.

Cette nouvelle convention d'établissement, comme celles renégociées avec les autres pays francophones, permet aux relations entre la France et le Togo d'être soumises à un ordre commun à l'Afrique francophone. Elle protège et clarifie les droits des Français vivant au Togo comme des Togolais vivant en France, et, de ce fait, encourage les relations entre les sociétés civiles des deux pays, quelles que soient les évolutions politiques futures du Togo.

Le Président François Loncle a demandé au Rapporteur s'il faisait état, dans son rapport écrit, de la situation des droits de l'Homme et de la démocratie au Togo. Il a évoqué une mission qu'il avait effectuée au Togo, conduite par le Président du groupe d'amitié France-Togo, M. Kofi Yamgnane, il y a deux ans, pendant laquelle il avait pu se rendre compte de l'absence de pluralisme et des difficultés de l'opposition.

M. Jacques Godfrain a précisé que son rapport décrivait la situation politique du Togo qui connaît actuellement une évolution assez positive notamment en matière de liberté de l'information (ouverture d'une maison de la presse). La France en nommant M. Bernard Stasi médiateur de la République parmi les quatre facilitateurs chargés depuis 1999 de résoudre la crise politique est impliquée dans cette évolution. L'Allemagne est aussi très vigilante. Les pressions économiques et financières de l'Union européenne décidées après les élections présidentielles de 1998 pèsent sur l'économie du pays. La chute des cours mondiaux du phosphate et la baisse des cours du coton en aggravent les difficultés économiques.

M. François Rochebloine a regretté la lenteur prise pour ratifier cette convention signée en 1996 et enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale en 1998.

Le Président François Loncle a reconnu ce retard qui s'explique par la volonté justifiée du Président Jack Lang de différer l'examen de cette convention tant que la situation politique n'était pas clarifiée au Togo après les contestations qui ont suivi l'élection présidentielle.

M. Jacques Godfrain a fait valoir qu'actuellement il était opportun d'adresser un signal positif au Togo car il aurait des répercussions psychologiques ailleurs en Afrique. Il a rappelé que, lors de la négociation de cette convention par la commission mixte franco-togolaise, pour la première fois les organisations non gouvernementales avaient été conviées.

M. Pierre Brana a observé que la convention faisait référence à la Déclaration universelle des droits de l'Homme alors même que le Togo n'est pas un pays très respectueux des droits de l'Homme. Cela accentue l'anomalie de toute référence à ceux-ci dans la convention d'entraide judiciaire en matière civile avec le Vietnam.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1317).

Convention internationale sur l'assistance

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Paul Dhaille, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance (n° 2174).

M. Paul Dhaille a expliqué que la convention internationale sur l'assistance signée à Londres en 1989 et en vigueur depuis 1996 n'avait pas été soumise plus rapidement à approbation parce que la France estimait insuffisants les droits de l'Etat côtier et plus récemment parce que lui-même avait souhaité attendre la publication du rapport de la commission d'enquête, dont il était membre, sur la sécurité du transport maritime pour présenter ce texte devant la Commission.

Le Rapporteur a rappelé que le droit de l'assistance maritime, d'abord coutumier, avait été codifié par la Convention de Bruxelles de 1910, dont il a indiqué les principales dispositions. Au sens de cette convention, il y a assistance en mer chaque fois qu'un secours est porté à un navire en danger de se perdre ; l'assistance est prêtée à un navire au sens large : les plates-formes pétrolières entrent dans le champ d'application de cette convention. Le sauvetage des personnes est gratuit, celui de la cargaison donne lieu à une rémunération, aléatoire quant à son versement et quant à son importance. Elle varie entre 2% et 60% de la valeur de la chose sauvée.

La forte augmentation du transport maritime de produits dangereux et polluants entraînant les premières marées noires (Torrey Canyon en 1967, Amoco Cadiz en 1978) a montré l'obsolescence des normes internationales en ce domaine. Aussi la France a-t-elle initié la Convention de Londres pour obtenir la reconnaissance de la notion d'assistance imposée par l'Etat côtier. Elle demandait également qu'une rémunération spéciale pour la préservation de l'environnement soit attribuée à ceux qui avaient aidé au sauvetage, indépendamment de la rémunération normale. Les demandes de la France se sont heurtées à l'hostilité de nombre de pays membres de l'Organisation maritime internationale (OMI), ce qui explique le caractère limité des dispositions de la Convention de Londres. Néanmoins, elle confère un droit d'intervention à l'Etat côtier et prend en considération l'assistance à la prévention des dommages causés à l'environnement.

La nouvelle convention modifie le champ d'application du droit de l'assistance en mer, d'une part, en y incluant les épaves, ce qui fait l'objet d'une réserve française sur les biens maritimes culturels présentant un intérêt archéologique, et d'autre part, en excluant les plates-formes pétrolières, régies par d'autres conventions internationales. Si l'Etat côtier ne peut imposer une assistance aux termes de la convention, il peut donner des instructions concernant les opérations d'assistance, ce qui permet de limiter les pouvoirs de décision de certains capitaines, qui estiment trop souvent être des marins libres dans une mer libre.

L'obligation d'assistance est renforcée puisque désormais le capitaine du navire assisté peut conclure un contrat d'assistance sans en référer à l'armateur. Une rémunération spéciale de l'assistance à la prévention de dommages causés à l'environnement est prévue ; elle doit couvrir tout ou partie des dépenses engagées. Si le résultat est positif, elle peut être augmentée en proportion de 30% à 100% de leur montant.

Il reste que la Convention de Londres est d'application supplétive ; elle garde un caractère privé, comme le souhaitait l'OMI. Le mode de fonctionnement de cet organisme le rend d'ailleurs assez peu efficace dans la lutte contre la pollution, car le montant des cotisations de chaque pays et la quantification des pouvoirs sont déterminés par le tonnage de leur flotte. Les Etats comme le Panama et le Liberia, grands pourvoyeurs de pavillons de complaisance, sont les plus gros contributeurs de l'OMI et n'ont par ratifié la convention.

Actuellement, la France s'efforce d'obtenir l'amélioration des dispositifs existants pour prévenir et lutter contre la pollution. Elle a fait des propositions dans le cadre de l'OMI et dans celui de l'Union européenne pour renforcer les mesures existantes dans le domaine de la sécurité maritime, des contrôles et de la transparence des procédures.

Malgré ses lacunes, la Convention de Londres sur l'assistance légitime l'action de l'Etat côtier au plan international ; son approbation renforcera la position de la France dans les négociations en cours.

Le Président François Loncle a félicité le Rapporteur pour sa maîtrise d'un sujet si important.

M. Pierre Brana a demandé des précisions sur ce que l'on appelle les biens maritimes culturels. S'agit-il par exemple de l'avion de Saint-Exupéry ? Les navires de guerre et les plates-formes pétrolières étant exclus du champ de la présente convention, qu'en est-il des sous-marins d'exploration civile tels que les bathyscaphes par exemple ?

M. Paul Dhaille a précisé que la convention s'appliquait aux épaves et que la France allait émettre une réserve excluant de son champ d'application les biens culturels maritimes, c'est-à-dire "ceux présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique", qui se trouvent au fond des mers.

S'agissant des sous-marins, en tant que navires de guerre ou navires non commerciaux appartenant à un Etat, ils sont exclus du champ d'application de la convention, sauf si un Etat décide de déclarer que l'accord de Londres leur est applicable, ce qui n'est pas dans les intentions françaises, selon le ministère des Affaires étrangères.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2174).

Convention pour la protection de la mer Méditerranée

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Charles Ehrmann, les projets de loi, adoptés par le Sénat : - autorisant l'approbation des amendements à la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (n° 2419) ; - autorisant l'approbation des amendements au Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique (n° 2420) ; - autorisant l'approbation du Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (ensemble trois annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996) (n° 2421) ; - autorisant l'approbation des amendements au protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs (n° 2422).

M. Charles Ehrmann a souligné que la prise de conscience des ravages de la pollution en Méditerranée était déjà assez ancienne puisque dès 1976 les pays riverains ont adopté à Barcelone une convention sur la protection de la Méditerranée contre la pollution.

En effet, la préoccupation de sauvegarder la mer Méditerranée contre la pollution est d'autant plus légitime qu'il s'agit d'une mer fragile. La Méditerranée est une mer semi-fermée de 2,5 millions de kilomètres carrés, qui connaît une absence presque totale des marées, donc un faible brassage des eaux et une relative pauvreté du milieu marin, qui la rend très sensible à la pollution. Sa fragilité tient aussi à des raisons humaines. La population des pays méditerranéens devrait en effet passer de 200 à 600 millions d'habitants entre 1950 et 2050, dont 400 millions dans les pays du Sud, contre moins de 100 millions un siècle plus tôt.

Cependant du fait de sa grande profondeur - 1500 mètres en moyenne - qui compense en partie son enclavement dans les terres, les eaux de la Méditerranée en haute mer sont d'une qualité comparable à celles de l'océan. En revanche, les littoraux sont victimes d'une pollution importante. A plus de 80 %, la pollution en Méditerranée est d'origine tellurique, c'est à dire constituée de rejets en provenance du littoral et des cours d'eau avec des conséquences désastreuses comme la prolifération d'algues. Il faut savoir en outre que seules 50 à 60 % des villes côtières de la Méditerranée sont desservies par une station d'épuration.

M. Charles Ehrmann a indiqué que les textes examinés par la Commission sont nécessaires car ils renforcent le dispositif juridique de protection de l'environnement en Méditerranée. Certes la France est très en avance sur les questions abordées par les différentes conventions mais elle a intérêt à leur entrée en vigueur rapide afin que des normes plus conformes aux siennes s'imposent aux autres pays signataires.

En outre, le Gouvernement a fait savoir qu'il utiliserait le cadre juridique des Aires spécialement protégées d'importance méditerranéenne (ASPIM) pour le projet de création d'un sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée entre la France, l'Italie et Monaco, lesquelles ont signé un accord sur le sujet en novembre 1999. Il a été approuvé en mai 2000 par Monaco et en juin par la France. La région concernée par l'accord abriterait environ 1 000 baleines et 25 000 dauphins.

M. Charles Ehrmann a recommandé d'approuver les quatre projets de loi autorisant l'approbation des amendements à la convention de protection de la Méditerranée contre la pollution et à ses protocoles.

Si la France et l'Italie sont en pointe, le Président François Loncle a regretté que malheureusement les autres pays soient en retard sur ce sujet.

M. Charles Ehrmann a regretté que bien souvent au Conseil de l'Europe les problèmes de la Méditerranée ne soient pas abordés et que toute l'attention soit réservée à l'Europe centrale et aux Balkans. Pourtant la Méditerranée vit une évolution démographique majeure très inquiétante pour l'avenir. On peut d'ailleurs craindre que les pays du Sud n'aient pas les moyens d'appliquer strictement les conventions de protection de la Méditerranée contre la pollution.

Le Président François Loncle a insisté sur la nécessité d'une coopération internationale forte vis-à-vis des pays du Sud de la Méditerranée et a fait référence au programme MEDA. Il a cité l'exemple d'Alexandrie qui n'a pas de station d'épuration et où la baignade n'est pas possible à moins de 50 kilomètres.

M. Pierre Brana a fait remarquer que, hormis l'Italie, Monaco et la France, d'autres pays faisaient également des efforts.

M. Charles Ehrmann a insisté sur l'avance de la France en matière de protection de l'environnement méditerranéen. Il a notamment rappelé le travail remarquable du Conservatoire national du littoral, dont il a longtemps fait partie, pour préserver les paysages.

Le Président François Loncle a cependant regretté que ce ne soit pas le cas de tous hélas.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 2419, 2420, 2421 et 2422).

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● Assistance maritime

● Protection Méditerranée contre la pollution

● Togo

● Vietnam


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