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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 décembre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, Président

SOMMAIRE

 

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- Protocole relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (n° 2672) rapport

- Conventions France-Lituanie, Lettonie et Estonie relatives à l'évasion et la fraude fiscales en     matière d'impôts sur le revenu et la fortune (nos 2512, 2513, 2514) - rapport

- Convention France-Arménie relative à l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le     revenu et la fortune (n° 2515) - rapport

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- Convention France-Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements     (n° 2679) - rapport



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Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Marie-Hélène Aubert, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I) (ensemble deux annexes) (n° 2672).

Mme Marie-Hélène Aubert a exposé que le protocole I, signé mais non ratifié par la France, était entré en vigueur le 7 décembre 1978 ; elle a regretté ce retard car à ce jour, 156 Etats en sont parties, dont tous les Etats membres de l'Union européenne et tous les Etats membres de l'Alliance atlantique, à l'exception notable des Etats-Unis et de la Turquie. Le 1er décembre 1999, lors de l'audition de M. Paul Grossrieder, directeur général du Comité international de la Croix Rouge (CICR), l'absence d'adhésion de la France au protocole I avait fait l'objet de critiques de la part de la Commission des Affaires étrangères. Comment, en effet, vouloir être pionnier dans la défense des droits de l'Homme et ne pas adhérer au protocole I ? Les critiques formulées par la Commission consultative des droits de l'Homme, les ONG et nombre de juristes ont finalement été entendues après plus de vingt ans d'atermoiements, alors que le protocole I contient des apports essentiels au droit international humanitaire et notamment à la protection des victimes civiles de ces conflits armés.

Fruit d'une négociation longue et difficile qui dura trois ans, le protocole I élargit le champ des conflits armés internationaux en y assimilant les guerres contre la domination coloniale, et de ce fait étend la définition de combattant. Il permet l'application des Conventions de Genève au personnel sanitaire civil, au personnel de protection civile et aux journalistes.

Parallèlement, le protocole I renforce la protection des victimes civiles par l'édiction de règles de conduite des hostilités plus précises. Sont ainsi prohibées certaines méthodes de guerre : utilisation d'armes "propres à causer des maux superflus" ou conçues pour causer des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel , le recours à la perfidie, à la terreur, à la famine, aux attaques sans discriminations. Il édicte des mesures de protection des biens essentiels à la survie de la population civile et des règles novatrices et précises relatives aux précautions dans l'attaque visant à épargner les civils et les biens à caractère civil. Il contient une définition plus exhaustive de la notion d'infraction grave ou crimes de guerre, ces incriminations se recoupant avec celles contenues dans le statut de la Cour pénale internationale. Il instaure un mécanisme de contrôle : la commission internationale d'établissement des faits qui n'a jamais fonctionné.

Malgré ces avancées considérables la France qui participa activement à l'élaboration du protocole I de 1974 à 1977 a signé l'acte final en indiquant qu'elle ne se considérait pas liée par cet instrument et sa position n'évolua qu'avec lenteur et réticence comme le démontrent les dix-huit réserves ou déclarations interprétatives qu'elle se propose de déposer lors de son adhésion. Le refus d'adhérer de la France a été initialement motivé par son hostilité à l'introduction de règles de conduite des hostilités dans le protocole I et par ses interrogations quant à la compatibilité de cet instrument avec sa doctrine de dissuasion nucléaire. Malgré les travaux préparatoires montrant que le protocole I ne concernait que les armes classiques la France s'est abstenue de suivre ses partenaires sur la voie de la ratification, mais à partir de 1997 la position de la France a commencé d'évoluer. Tous les partenaires de la France avaient ou s'apprêtaient à adhérer au protocole I notamment le Royaume-Uni qui adhéra en 1998. En mars 1998, à l'occasion du 50ème anniversaire de la déclaration des droits de l'Homme, le Premier ministre a indiqué que la France envisageait d'adhérer au protocole I.

Cependant les autorités françaises se proposent de déposer dix-huit réserves ou déclarations interprétatives lors de l'adhésion de la France, ces textes figurent dans le rapport du Sénat. Votre Rapporteure en a obtenu un commentaire détaillé mais convenu auprès du ministère des Affaires étrangères et a recueilli l'avis du CICR et de Médecins sans frontières. On constate que certaines déclarations interprétatives reprennent mot pour mot celles déposées lors de la ratification par la France du Statut de la CPI. Toutefois et c'est regrettable il n'y a aucune distinction entre déclarations interprétatives et réserves alors que leur valeur juridique n'est pas identique. D'après le ministère des Affaires étrangères la France a repris les déclarations interprétatives faites par la plupart des pays membres de l'Alliance atlantique ou de l'Union européenne mais certaines vont bien au-delà et dénaturent le protocole I. En réalité la France a calqué sa position sur celle du Royaume-Uni, tout en veillant à limiter le risque d'engagement de la responsabilité des militaires français pour crime de guerre. Cette position pourtant critiquée par les parlementaires quasi unanimes lors du débat sur le statut de la CPI n'a donc pas évolué.

On tend à faire primer la sécurité des militaires sur celle des civils. Ainsi l'article 50 § 1 établit en cas de doute la présomption du caractère civil des personnes. Or la déclaration interprétative 9 permet au commandement en cas de doute de faire primer son devoir de préserver sa situation militaire sur la protection des civils. L'obligation de précautions dans l'attaque contenue dans l'article 57 en cas de violation grave et délibérée de convention par l'ennemi semble limitée par la déclaration interprétative 11, ce qui est en contradiction avec la lettre, l'esprit du droit humanitaire et d'ailleurs les traditions de l'armée française fondées sur le principe de non réciprocité.

Les obligations édictées à l'article 57 § 2 d'annuler ou d'interrompre une attaque à l'examen des informations dont on dispose et celles de l'article 57 § 2 exigeant la vérification de la nature des cibles démontrent, contrairement à la déclaration interprétative 16, que les autorités militaires ont une obligation de recherche active et de vérification des informations. Les commandants ont une obligation de s'informer qu'il est dangereux d'affaiblir, tant pour eux-mêmes que pour les civils. Par ailleurs on élargit la notion d'attaque, qui fait en principe référence à une action précise, à l'ensemble d'une attaque ce qui rend l'application du principe de proportionnalité et de précaution plus aléatoire. La déclaration 17 semble chercher à limiter l'action de secours aux populations civiles en cas de blocus naval. Quant au point 18, il revient à permettre à la France de qualifier de manière discrétionnaire les situations de conflits armés ou de terrorisme.

La multiplication des déclarations interprétatives au protocole I comme les formulations maladroites, telle celle de la déclaration 2 qui tend, d'après le CICR, à écarter l'application des Conventions de La Haye, et donc des principes généraux du droit de la guerre aux armes nucléaires, démontre un certain malaise des autorités françaises à l'égard des progrès du droit humanitaire international. Ce malaise est source d'ambiguïté et contribue à l'isolement de la France dans un domaine où sa société civile s'est pourtant montrée pionnière.

Tout en approuvant l'adhésion de la France même avec vingt ans de retard au protocole I, Mme Marie-Hélène Aubert a profondément regretté la frilosité dont font preuve les autorités françaises en multipliant réserves et déclarations interprétatives. Alors que cette position a été dénoncée à maintes reprises par la quasi totalité des groupes politiques de l'Assemblée nationale lors du débat sur le statut de la CPI.

A l'issue d'un débat auquel ont participé le Président, la Rapporteure, M. Pierre Brana, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. François Rochebloine, M. Joseph Tyrode et M. Patrick Delnatte, la Commission a décidé qu'une audition sur les réserves aurait lieu avant le débat en séance publique prévu le 18 janvier 2001.

Puis, conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2672).

Conventions fiscales avec la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Yves Dauge, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole) (n° 2512) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole) (n° 2513) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole) (n° 2514).

M. Yves Dauge a tout d'abord déclaré qu'il s'agissait d'un sujet classique, à savoir trois conventions en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Ces trois conventions ont été signées avec trois pays, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, et ont déjà été adoptées par le Sénat.

Ces conventions sont assez complexes mais les articles en sont clairement définis : champ d'application, personnes concernées, définition des "établissements stables", etc. Sur ce dernier point, le Rapporteur a précisé que la durée au terme de laquelle un chantier constituait un établissement stable était de douze mois selon le modèle de convention fiscale de l'OCDE. Cela étant, afin de favoriser la transition vers l'économie de marché des trois pays baltes, la France a accepté que durant une période transitoire de dix ans, un chantier de plus courte durée (six mois) constitue un établissement stable.

Le Rapporteur a regretté le retard pris pour faire entrer en vigueur ces conventions Une mission parlementaire a eu lieu dans ces pays en 1999, mission qui a pu contribuer à faire accélérer les choses. D'autant qu'un vide juridique existait qui résultait du refus de ces trois Etats d'être liés par la convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre 1985.

Or ce vide est très préjudiciable au développement des relations économiques entre la France et ces trois Etats. Certes, il y a des grandes entreprises françaises qui sont intervenues dans ces pays mais la France reste très minoritaire, en partie parce que les relations de ces pays sont très fortes avec la Russie. Toutefois les relations se développent maintenant au profit de l'Union européenne et c'est dans ce cadre que la France devrait retrouver une position forte. Les Allemands et les Scandinaves sont également très bien placés. Il reste que la France a des atouts et qu'elle peut marquer des points.

Le Rapporteur a brièvement évoqué la vie démocratique très intense depuis dix ans de ces pays qui se développent et ont retrouvé une situation économique favorable, un taux de croissance positif. Des réformes structurelles ont également été engagées et l'entrée dans l'Union européenne se prépare activement.

Le Président François Loncle a souligné combien les trois Etats baltes avaient à c_ur d'être dans le premier train des pays candidats à l'Union européenne.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a fait remarquer que la Lituanie attendait avec beaucoup d'impatience cette ratification.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 2512, 2513 et 2514).

Convention fiscale avec l'Arménie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Rochebloine, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole) (n° 2515)

M. François Rochebloine s'est demandé si les peuples ayant connu plus souvent qu'à leur tour le malheur pouvaient encore prétendre à un avenir. Il s'est déclaré à la fois optimiste et inquiet sur l'avenir de l'Arménie. Selon lui, l'adoption de cette convention, signée à Paris le 9 septembre 1997 et destinée à remplacer l'accord franco-soviétique du 4 octobre 1985 devrait permettre de surmonter les difficultés de certaines entreprises à s'installer en Arménie.

Evoquant la situation de l'Arménie, il a souligné combien l'attentat du 27 octobre 1999 au Parlement de Erevan avait ébranlé la vie politique de ce pays, en fragilisant le Président de la République, M. Robert Kotcharian. Celui-ci a néanmoins repris progressivement et méthodiquement la main, divers remaniements ministériels lui ayant permis de mieux assurer la cohésion de l'exécutif. Cet éclaircissement de l'horizon politique devrait redonner le moral aux Arméniens et freiner l'accélération du mouvement d'émigration (le dernier recensement réalisé en 1990 avait dénombré 3,7 millions d'habitants, alors qu'actuellement, les estimations de la population arménienne sont comprises entre 1,8 et 2,2 millions).

Il reste que la croissance connaît un ralentissement depuis le dernier trimestre 1999 (moins de 3% en moyenne annuelle pour l'année 2000 contre plus de 5,5% de 1994 à 1998). Outre les données structurelles (arriérés de paiement contractés par l'Etat, vieillissement de l'appareil industriel...), des raisons plus conjoncturelles liées aux inquiétudes politiques expliquent cette contre-performance.

Dans ce contexte, le Rapporteur a souligné l'importance pour l'Arménie des soutiens extérieurs ainsi que d'une stabilisation de l'environnement régional. Ainsi, ce pays devrait prochainement intégrer le Conseil de l'Europe, qui a adopté, le 28 juin 2000, un avis favorable à ce sujet. Il a la chance de bénéficier, grâce à la diaspora arménienne, d'importants transferts familiaux, mais cette aide privée ne suffit pas, et l'ampleur de la crise financière nécessite une augmentation de l'aide internationale publique.

Entre bailleurs de fonds et administrations arméniennes, le dialogue est souvent très difficile, et les discussions parfois houleuses, car le mouvement de privatisations s'est sensiblement ralenti au cours des derniers mois. Il est clair que le développement économique passe par une stabilisation de l'environnement régional de l'Arménie, ce qui implique la résolution du conflit du Haut-Karabakh et une réconciliation avec le voisin azerbaïdjanais. Le groupe de Minsk, auquel participe la France, tente d'y contribuer.

Le Rapporteur s'est félicité de l'excellence des relations entre la France et l'Arménie, malgré la faiblesse des échanges commerciaux entre les deux pays, l'Arménie ne se situant qu'au 155ème rang des clients français en 1999, année où les exportations françaises ont chuté à 86 millions de francs contre 142 en 1998 ; il a souhaité un développement des investissements français au-delà des secteurs agro-alimentaires.

M. François Rochebloine a présenté le contenu de la convention qui est conforme dans ses grandes lignes au modèle de l'OCDE. Les dispositions qui s'en écartent résultent, dans la majorité des cas, ou d'une volonté de traitement plus favorable des entreprises ou des particuliers, ou de demandes de la partie française, ou de demandes arméniennes jugées acceptables car correspondant aux clauses signées par la France avec les principaux Etats de cette zone géographique. Il a estimé que le parlement arménien ratifierait bientôt cet accord.

Appelant à la création à Erevan d'un poste d'expansion économique français pour des raisons à la fois de potentiel économique et de volonté diplomatique, il a estimé que le présent accord renforcerait les conditions de transparence des investissements car il constitue un outil utile de développement ; il en a recommandé l'adoption.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2515).

Convention d'investissements avec le Ghana

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Brana, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 2679).

M. Pierre Brana a tout d'abord rappelé que, pays d'origine du Secrétaire général des Nations Unies et première colonie d'Afrique noire à accéder à l'indépendance en 1957, le Ghana était également en passe de devenir le premier pays d'Afrique où un ancien militaire quitte le pouvoir normalement. D'autant que le Ghana est situé entre le Togo du général Etienne Gnassingbé Eyadéma, dont l'élection est régulièrement contestée, et la Côte d'Ivoire, qui connaît une grave crise politique.

Le Rapporteur a souhaité saluer et encourager la transition politique légale qui est en cours actuellement. Il a également précisé que ce pays faisait partie de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) démontrant si besoin était l'ouverture de la politique africaine française aux pays anglophones. C'est d'ailleurs dans le cadre de l'excellence des relations bilatérales franco-ghanéennes que le présent accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements a été signé, le 26 mars 1999 à l'occasion de la visite en France du Président Jerry Rawlings.

M. Pierre Brana a ensuite présenté brièvement ce pays relativement important puisque peuplé de 19,7 millions d'habitants. C'est une démocratie stable avec un parlement et une opposition critique. La paix civile règne, la situation générale des droits de l'Homme s'est améliorée, les libertés civiles et les droits politiques sont dans l'ensemble respectés.

Aux élections du 7 décembre 2000, John Kufuor, le chef du principal mouvement de l'opposition, le New Patriotic Party (NPP), a devancé avec 48,35 % des suffrages le vice-président sortant John Atta Mills, le candidat du New Democratic Congress (NDC), le parti du président sortant Jerry Rawlings. Faute de majorité absolue recueillie par l'un des candidats, l'élection présidentielle se jouera donc au deuxième tour entre le 23 et le 27 décembre 2000. Les Ghanéens ont d'ores et déjà voté pour le changement aux élections législatives puisque le NPP a créé la surprise en remportant la majorité, soit 99 sièges sur 200 au Parlement, devant le NDC (92).

Colonie la plus prospère d'Afrique au début du XXème siècle grâce à ses ressources en cacao et en or et enfant chéri des bailleurs de fonds (FMI et Banque mondiale), le pays est actuellement plongé dans une situation de crise économique. Il serait regrettable que ces difficultés économiques viennent obérer les efforts fournis par le Ghana notamment en matière de lutte contre la pauvreté. Ainsi la malnutrition a reculé de plus de 30 % depuis 1980 grâce à la recherche agricole qui a permis l'introduction de nouvelles variétés de manioc à haut rendement adaptées aux conditions locales et résistantes aux maladies. En vingt ans, le taux de sous-alimentation est passé de 62 % à 10 %. Entre 1990 et 1998, la consommation de manioc a doublé, passant de 126 kg à 232 kg par personne et par an. Cependant, en raison de la mauvaise qualité du régime alimentaire, le taux de mortalité à la naissance au Ghana reste l'un des plus mauvais du monde (1 070 pour 100 000 naissances).

Des facteurs externes viennent encore aggraver la situation, à savoir la hausse des prix du pétrole et la chute brutale des prix mondiaux des deux principaux produits d'exportation du pays, le cacao et l'or, qui représentent respectivement 30 % et 45 % des recettes d'exportation. Ainsi, le cours de l'or a atteint son plus bas niveau depuis vingt ans en juillet 2000. Comme l'or représente la première source de recettes en devises du Ghana (onzième producteur mondial), cette baisse a des répercussions lourdes sur l'économie du pays. Autrefois premier producteur mondial, le Ghana arrive dorénavant en deuxième position des pays producteurs de fèves de cacao avec 14 % de la production (400 000 tonnes de fèves), derrière la Côte-d'Ivoire avec 43 % (plus d'un million de tonnes). Récemment, le gouvernement ghanéen a lancé un programme pour augmenter les rendements de la production de cacao avec l'objectif de passer de 400 000 à 475 000 tonnes en 2001. Ce programme intervient au moment où les cours mondiaux sont en chute avec pour conséquence la faillite de nombreux planteurs et une baisse de la production au Ghana de 500 000 à 400 000 tonnes.

Ce panorama inquiétant est encore aggravé par la pandémie de SIDA. La pauvreté est clairement un facteur de développement du virus VIH. Réciproquement le SIDA est facteur d'appauvrissement de l'économie. Selon un rapport de l'ONU, en Afrique du Sud par exemple, l'épidémie devrait "réduire de 0,3 % à 0,4 % par année le taux de croissance économique et entraîner ainsi d'ici à 2010 une baisse de 17 % du produit intérieur brut (PIB) par rapport à ce qu'il aurait été sans le SIDA et effacer 22 milliards de dollars de l'économie nationale". Bref, en Afrique, le virus menace de "réduire à néant des décennies de progrès vers un avenir meilleur et plus prospère". Les pays africains ne disposent pas d'une industrie de production des médicaments antirétroviraux, extrêmement coûteux par ailleurs et donc hors de portée des malades africains. Or, "la survie en l'absence de thérapies antirétrovirales est estimée à 8-10 ans". En août 2000, la société Female Health Company a annoncé que le Ghana avait commandé un demi-million de préservatifs féminins afin de lutter contre la propagation du virus du SIDA. Ce moyen de contraception, qui peut être utilisé par des femmes mais aussi par des hommes homosexuels, a d'abord été testé au Ghana dans le cadre d'un projet pilote mené par le fonds des Nations Unies pour la population et l'association Ghana Social Marketing Foundation. Il y a un gros problème en Afrique avec le préservatif masculin, mal accepté par les hommes. Malheureusement le préservatif féminin a un coût dix fois plus élevé que le préservatif masculin, lui-même déjà difficilement accessible aux populations les moins favorisées.

Enfin, le Rapporteur a apporté des éléments d'information sur les relations bilatérales. Notre politique de coopération se développe fortement. En 2000, l'intervention du poste coopération a été doublée passant de 7,8 millions de francs par an en moyenne à 15,6 millions de francs dont 7,6 millions de francs pour la coopération culturelle, linguistique, scientifique et technique (titre IV) et 8 millions de francs d'autorisations de programme ouvertes au titre du Fonds de solidarité prioritaire. La coopération technique et de développement relève de l'Agence française de développement (AFD) qui a ouvert une agence dès 1985 à Accra. L'AFD est engagée pour 150 millions de francs annuels environ. La coopération en matière d'enseignement et dans le domaine culturel, qui relève du ministère des Affaires étrangères, est le secteur d'intervention privilégié de notre politique de coopération. L'enseignement du français représente ainsi les deux tiers de notre coopération, d'autant que les autorités ghanéennes font preuve d'une détermination politique certaine quant à la place accordée à l'enseignement de notre langue. Ce qui d'ailleurs se comprend étant donné que les pays voisins sont francophones, le développement de cet enseignement facilite les échanges. Notre assistance s'exprime de multiples manières. Enfin, la coopération de proximité s'exerce depuis peu au travers du Fonds social de développement (FSD) puisque le Ghana fait désormais partie de la ZSP.

La signature du présent accord viendra renforcer encore la présence économique française déjà relativement importante. Cet accord est d'une facture classique et n'appelle aucune remarque particulière. Il est conclu pour une durée initiale de dix ans. Chaque Partie accorde aux investisseurs de l'autre Partie un traitement juste et équitable. Il prévoit la liberté des transferts, le principe de la protection des investissements et d'une indemnisation juste et adéquate en cas de dépossession, une procédure d'arbitrage international, etc. Les entreprises françaises présentes sur place sont nombreuses : TotalFina-Elf, l'hôtellerie avec Accor-Novotel, les transports maritimes avec Delmas et Saga, le contrôle et l'inspection avec Veritas, l'eau et l'électricité (EDF International), les travaux publics, etc. La privatisation des entreprises publiques ghanéennes intéresse également les firmes françaises.

En conclusion, le Rapporteur a recommandé l'adoption du présent projet de loi.

Le Président François Loncle a demandé si le parti vainqueur des élections législatives qui dispose de 99 sièges sur 200 pouvait compter sur des alliés pour constituer une majorité. Il s'est en outre interrogé sur la modestie des efforts faits pour encourager l'utilisation du préservatif féminin.

M. Pierre Brana, rapporteur, a expliqué que le NPP ayant remporté 99 sièges sur 200 et le parti du président sortant 92, les autres sièges se répartissaient entre les petits partis et des candidats indépendants. En ce qui concerne les préservatifs féminins, l'effort est certes encore modeste, mais c'est la première fois qu'un pays africain favorise ce type de moyen de protection contre le SIDA, c'est donc un premier pas qui devra être poursuivi en espérant que la production s'intensifiant et le coût diminuant, ils seront plus accessibles.

M. François Rochebloine a souhaité savoir s'il existe des établissements français d'enseignement au Ghana.

M. Pierre Brana a répondu qu'il y a au Ghana un réseau culturel français et notamment une école primaire française, l'enseignement au niveau du collège se faisant par correspondance.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (nos 2679).

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