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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 29 mai 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. François Loncle, président

SOMMAIRE

 

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- Ratification du traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 3045) - rapport


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Traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Michel Vauzelle, le projet de loi autorisant la ratification du Traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 3045).

Le Président François Loncle a annoncé que le débat sur le projet de loi de ratification du Traité de Nice aurait lieu le mardi 5 juin à l'Assemblée nationale. Un vote solennel sur le projet de loi a été demandé : il aura lieu le mardi 12 juin.

M. Michel Vauzelle a indiqué que le Traité de Nice, depuis son adoption par les Quinze le 11 décembre 2000, avait été beaucoup commenté, critiqué et défendu par les uns et les autres. En mars 1999, au Conseil européen de Berlin, les Etats membres s'engageaient à pouvoir admettre les premiers pays candidats à l'adhésion à partir de 2002. Par là, ils s'engageaient implicitement à adapter leurs institutions avant cette date. L'engagement sera tenu, et c'est bien là le premier mérite de ce traité.

Plus récemment, le Conseil de Nice a approuvé une stratégie, proposée par la Commission européenne, décrivant les dernières phases des négociations d'adhésion : en juin 2002, toutes les positions communes de l'Union, sur tous les chapitres de l'acquis, devront être définies. Le but de ce calendrier volontariste est de permettre la conclusion des négociations, dès la fin 2002, avec les candidats les mieux préparés. La perspective de l'élargissement devient plus concrète ; le Traité de Nice délivre un nouveau message clair sur l'irréversibilité de l'élargissement, en prévoyant, pour chaque nouvel Etat, sa place au sein des institutions.

Le Rapporteur a rappelé les principaux résultats de la négociation, actés dans le Traité adopté par les Chefs d'Etat et de Gouvernement le 11 décembre 2000 et signé le 26 février 2001.

Le protocole et la déclaration sur l'élargissement annexés au Traité modifient la pondération des voix au sein du Conseil, en la rééquilibrant au profit des cinq plus grands Etats. Si l'on considère l'exemple français, l'on constate que la France détiendra 8,4% des droits de vote au lieu de 7,5% si l'on avait maintenu l'actuel système. La France a obtenu le maintien de sa parité de vote avec l'Allemagne, parité à caractère historique et politique.

Le Rapporteur a regretté que, pour obtenir de la Belgique un accord sur la repondération et donc sur le compromis final, les quatorze Etats membres aient concédé l'engagement de tenir toutes les réunions du Conseil européen à Bruxelles, à partir du moment où l'Union comptera dix-huit membres, et dès 2002, une réunion par présidence. Cette déclaration retire à l'Etat assumant la présidence la possibilité d'inviter le Conseil européen à se réunir sur son territoire, privant les citoyens d'un événement fort sur le plan symbolique et important par son caractère pédagogique. Il a estimé nécessaire de revenir sur ce point à l'avenir, sans vouloir être trop désagréable envers nos amis belges. La notion de démocratie de proximité actuellement fort prisée doit aussi s'épanouir dans le cadre européen.

La réforme de la procédure de vote à la majorité qualifiée ne bouleverse pas le système actuellement en vigueur : la légère augmentation du seuil de la majorité qualifiée ne paraît pas réellement significative et ne devrait pas nuire au processus de décision, en outre la nouvelle procédure manifeste de façon plus explicite la double légitimité de l'Union en cela que les décisions reposeront sur une majorité significative de la population grâce à la pondération et sur la majorité des Etats, ce qui était souhaité par les petits Etats (soit quatorze Etats au terme de l'élargissement, contre treize si l'on avait conservé le système actuel).

La composition future de la Commission est le seul point réellement préoccupant du Traité. Le plafonnement à vingt-six membres fait présager une composition déséquilibrée, démographiquement et géographiquement, de plus, l'espoir de renforcer la collégialité et l'efficacité de l'exécutif communautaire semble s'éloigner. Le Rapporteur a exprimé le v_u que cet aspect soit remis en chantier avant le terme prévu, et si possible lors de la réflexion qui s'ouvrira sur « l'après-Nice ». Par ailleurs, le renforcement de l'autorité du Président sur la Commission apparaît très positif.

Le nombre de dispositions qui passent intégralement ou partiellement dans le champ de la majorité qualifiée - vingt-neuf - est important, même s'il est inférieur aux objectifs de la Présidence française. La réforme marque un progrès, et l'économie de notre pays en tirera des bénéfices pour ce qui concerne le domaine de la politique commerciale. En même temps, la France a obtenu le maintien de l'unanimité pour les accords multilatéraux touchant les domaines sensibles de la diversité culturelle, ce qui est très satisfaisant.

Le Traité comporte d'autres éléments très positifs. Ainsi, le meilleur ancrage des partis politiques au niveau européen, avec la possibilité d'adopter un statut et des règles de financement. La réforme des institutions judiciaires de l'Union était indispensable, était aussi très souhaitable l'inclusion d'une procédure préventive pour le cas de risque de violation des droits fondamentaux par un Etat membre, comme l'affaire autrichienne nous l'a montré. Enfin, la réforme des coopérations renforcées a répondu aux préoccupations de notre pays, en diminuant notamment le nombre minimal d'Etats parties à la coopération et en supprimant le droit de veto d'un Etat membre.

Enfin, la déclaration sur l'avenir de l'Union annexée au Traité ouvre, dès cette année, une réflexion très importante, à laquelle seront associés les pays candidats. Le Rapporteur a rappelé les quatre questions soumises à la réflexion : la délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres , le statut de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, la simplification des traités et le rôle des Parlements nationaux.

M. Michel Vauzelle a estimé que le premier thème paraissait particulièrement actuel. Tout au long de la construction européenne, retirer par pans successifs des compétences aux Etats pour les confier à la Communauté a été considéré comme le sens du progrès, comme une vision intelligente et intéressante du futur. Ce faisant, la question du devenir de l'Etat-nation n'était pas posée, et l'on arrive maintenant au point où il faut décider en conscience si l'on poursuit la disparition programmée de la dimension nationale. Chacun peut constater, et le Rapporteur en particulier dans la région Provence-Alpes-Côte d'azur qu'il représente, que cette question du devenir de l'Etat-nation trouble profondément le c_ur et l'esprit des citoyens.

Le Rapporteur a souhaité que l'Etat-nation conserve des éléments de souveraineté suffisants pour demeurer un repère aux yeux des citoyens ; à défaut le citoyen reportera sa recherche d'identité au niveau régional, d'où le phénomène de montée en puissance des régionalismes que l'on constate déjà dans plusieurs Etats européens, régionalisme qui se double parfois d'une ethnicisation des mentalités et des pratiques.

M. Michel Vauzelle a enfin manifesté son adhésion au projet de fédération des Etats-nations, notion antinomique et cependant politique et pédagogique, avancée par Jacques Delors.

Le Rapporteur a conclu en faveur de l'adoption du projet de loi.

M. Alain Barrau a tout d'abord salué la qualité du rapport de M. Michel Vauzelle, qui va rassembler un grand nombre d'entre nous, avant d'apporter quelques précisions.

Sur le plan institutionnel, le Traité de Nice est certes difficile à lire mais c'était le texte auquel on pouvait arriver de la façon la plus positive car la question du partage du pouvoir entre les différents pays au sein de l'Union européenne se posait. Et ce traité ne tombe ni dans l'hyperfédéralisme, ni dans la coopération interétatique, mais est la marque d'un équilibre auquel l'Union européenne est arrivée aujourd'hui.

Il convient ensuite de noter que ce traité, qui d'ailleurs n'est pas le seul acquis de la Présidence française, a été adopté sans réserves et sans reliquats contrairement au Traité d'Amsterdam.

Concernant l'enjeu politique pour la France que représentait l'élargissement, notre pays ne pouvait être un frein institutionnel à cette question fondamentale pour les prochaines années.

En matière de coopérations renforcées, un choix a été fait et dorénavant un très large champ s'ouvre et c'est là un point important pour l'avenir, en particulier sur le thème de la PESC.

M. Alain Barrau a enfin souhaité faire part de différentes initiatives engagées par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Ainsi cinq rapports sont en cours portant sur les quatre thèmes évoqués dans le Traité de Nice et sur le cadre général de la place du Parlement dans ce débat. Des auditions publiques de personnalités françaises et étrangères seront organisées tous les mardis à partir du début du mois de juin 2001 et jusqu'à la fin du dernier trimestre afin de déboucher sur des propositions avant le Conseil européen qui se tiendra à l'issue de la Présidence belge. Enfin, la réunion de synthèse des réunions décentralisées organisées par le Gouvernement dans les régions françaises se tiendra à l'Assemblée nationale.

M. Alain Juppé s'est déclaré favorable à l'adoption du projet de loi autorisant la ratification du Traité de Nice pour plusieurs raisons.

La première étant que faute d'accord à Nice, nous serions dans une situation de crise grave liée, en externe, à l'incompréhension, peut-être même à la révolte, des pays candidats mais aussi, en interne, au fait que l'Allemagne attache un prix important au processus d'élargissement.

Deuxièmement, l'accord en lui-même n'est pas si mauvais, il est même vraisemblablement le meilleur possible étant donné les conditions posées par chaque pays et le contexte général de la négociation. Sur la pondération des voix, on a progressé en faveur d'un rééquilibrage en faveur des grands pays. Sur la question de la majorité qualifiée, de réels progrès ont été obtenus. Concernant la taille de la Commission, il semble que ce soit là un faux problème. La vraie question n'a-t-elle pas trait à la nature de la Commission ? Sur les coopérations renforcées, il faut ouvrir la voie à l'imagination et après tout l'euro n'est-il pas déjà une coopération renforcée ?

Plus généralement, une nouvelle phase de réflexion s'ouvre avec un objectif daté qui sera 2004. Concernant les objectifs, on voit déjà les questions qu'il faudra se poser. Que veut-on faire ensemble ? Ainsi le Premier ministre vient de dire récemment que "L'Europe ne doit pas être une zone de libre-échange". Avec qui veut-on le faire ? Se pose alors la question des frontières de l'Union, où le critère géographique n'est pas suffisant. Enfin, qui fait quoi ? C'est la question de la répartition des compétences entre les différents niveaux d'administration en Europe. Dans ce domaine, la longue liste des tâches ne doit pas nous impressionner. Enfin, il faut se demander si les grands principes de l'organisation démocratique, tels qu'ils sont appliqués dans nos pays, sont respectés dans les institutions européennes où se mélangent les compétences législatives et les réglementaires : peut-on continuer à fonctionner ainsi ? Il n'est pas certain que rebaptiser la COSAC en Conférence permanente des Parlements soit suffisant. Un système bicaméral couplé à un exécutif bicéphale où l'on institutionnaliserait et pérenniserait le Conseil et l'on créerait une instance gouvernementale qui trouverait sa légitimité devant le Conseil et le Parlement apparaît comme une solution intéressante.

M. Pierre Brana a évoqué le discours du Premier ministre sur l'Europe, dans lequel ce dernier estimait qu'il fallait mieux assurer, dans certains domaines, la répartition verticale des compétences, en définissant au niveau européen le cadre général fait de principes et d'objectifs, et en laissant les Etats (ou les régions selon le droit constitutionnel interne) adopter les normes plus détaillées. En effet, la multiplication des normes de détail dans les directives est tatillonne et souvent incompréhensible pour les citoyens, ainsi par exemple en ce qui concerne la chasse. Il a demandé au Rapporteur comment insuffler ou réinsuffler cette idée dans la mise en oeuvre du Traité de Nice et comment, dans « l'après-Nice », instaurer un véritable espace judiciaire européen conduisant à une harmonisation du droit pénal européen et à la création d'un parquet européen, car s'il n'y a plus de frontière pour les délinquants il y en a toujours pour la justice.

M. Charles Ehrmann a exprimé sa déception à l'égard du Traité de Nice alors que l'Union européenne a permis d'assurer la paix en Europe. Il a observé que la réforme des institutions avait été promise à chaque Conférence intergouvernementale. Espérant qu'elle serait enfin réalisée à Nice, il a estimé qu'elle en était restée au stade du discours. Or comment élargir l'Union européenne sans réformer les institutions ? Comment la Commission européenne qui a à son actif un bilan considérable fonctionnera-t-elle avec vingt-sept membres ? Pourra-t-elle comme elle l'a fait auparavant aller de l'avant ? Selon lui, on n'a pas fait ce que l'on aurait dû, aussi s'abstiendra-t-il de voter la ratification du Traité de Nice.

M. Jacques Myard a félicité le Rapporteur pour son exposé car l'exercice était délicat sur un texte très difficile, quatrième strate déposée sur un traité de base. Il s'est déclaré frappé par le rapport tout en litote montrant bien qu'il fallait certes prévoir l'élargissement mais que l'on était à la fin de la méthode communautaire. Les critiques du Rapporteur sur le rééquilibrage et sur la notion d'Etat nation prouvent que l'on est face à une Europe complètement abâtardie qui n'a plus de raison d'être au moment où la globalisation la transcende et la dépasse.

Il a déploré que la question européenne ait été traitée comme un enjeu de politique intérieure ce qui n'est pas le cas. Il a appelé à une remise à plat totale du système pour savoir ce qui relève de la compétence européenne. Tous les discours actuels montrent que cette remise à plat est urgente sous peine de voir continuer à se développer une véritable usine à gaz qui mènera la construction européenne à l'échec.

Il a jugé que la majorité qualifiée ne ferait pas avancer l'Europe car elle interviendra dans des domaines qui doivent rester de la compétence des Etats. Selon lui on est arrivé au c_ur de l'échec et on n'échappera pas à une refondation totale.

Par ailleurs, il a fait observer que la France était la seule à évoquer la défense européenne alors que les autres membres préfèrent ouvertement le cadre de l'OTAN. Il a considéré que l'exclusivité européenne n'était plus adaptée à la réalité du monde et que la France devait se soucier de la situation en Méditerranée et en Afrique car aucun autre pays membre ne le ferait, garder son libre arbitre à ce sujet et avoir un effet d'entraînement. L'idée européenne a été une formidable dynamique de progrès pendant trente ans pour faire tomber le chauvinisme économique, mais il faut à présent retrouver sa liberté pour faire face aux défis qui se dressent devant nous en Afrique et en Méditerranée.

Mme Marie-Hélène Aubert a fait part de sa déception face au Traité de Nice et à la méthode de son élaboration, déception qui trouve son fondement dans les raisons évoquées par M. Charles Ehrmann. En outre, ce texte est dangereux dans le sens où le fait d'imposer une union économique et monétaire comporte des dangers sociaux et environnementaux que même l'OCDE dénonce. La logique qui a prévalu jusqu'alors et qui consiste à "ajouter du plus de ci de là » doit être remise en cause. Il faut s'interroger sur ce qu'on veut faire en l'Europe.

Plus précisément concernant l'objectif d'une Europe démocratique et plus proche des citoyens, le Traité de Nice n'y répond pas. En outre, les citoyens devront un jour ou l'autre être consultés par référendum.

Sur la question du vote à la majorité qualifiée ou à l'unanimité, à force de ne pas choisir, l'Europe se voit imposer des évolutions qu'elle ne souhaite pas par d'autres.

Si l'un des buts essentiels de la construction européenne a été et reste la paix et la politique extérieure commune, les intérêts économique et financiers restent malheureusement prédominants.

En ce qui concerne la chasse évoquée un peu plus tôt, nos ministres ne peuvent signer des directives pour notre pays en tant que membre de l'Union européenne puis dire qu'elles sont imposées par Bruxelles.

Enfin, le Traité de Nice ne permet pas l'élargissement dans de bonnes conditions.

Pour toutes ces raisons et d'autres encore, Mme Marie-Hélène Aubert a déclaré refuser de voter pour l'adoption du présent projet de loi. Les griefs légitimes que l'on peut concevoir à l'encontre de l'évolution de la construction européenne conduisent à estimer que le moment est venu de provoquer une crise au sein de l'Union européenne.

M. Georges Hage, après avoir estimé que son intervention pourrait s'intituler « ôtez-moi d'un doute », a posé deux questions. Est-il exact que la France a accepté à Nice la remise en cause de l'égalité entre la France et l'Allemagne, sous prétexte de reconnaître la supériorité démographique allemande ?  Est-il exact que l'Allemagne a imposé à Nice le principe d'une nouvelle conférence intergouvernementale pour 2004, ce qui lui donnera l'occasion d'imposer son projet de constitution européenne fédérale ? Selon lui, le Traité de Nice a eu pour premier résultat de déplacer le centre de gravité de l'Union européenne de Bruxelles à Berlin, ce qu'il a jugé peu rassurant.

Le Président François Loncle a rappelé que la bonne entente entre la France et l'Allemagne avait assuré cinquante-cinq années de paix.

M. Maurice Ligot a déclaré que le Traité de Nice comportait un point très positif : il ouvre la voie à l'élargissement. Mais il intègre également un point très négatif, en abandonnant, comme l'a déjà fait remarquer M. Georges Hage, le principe d'égalité entre la France et l'Allemagne. Ce dernier point est d'autant plus regrettable qu'il a été accordé sur proposition française, alors même que l'Allemagne ne demandait rien ou très peu. Il reste à espérer que le rendez-vous de 2004 sera l'occasion de tout remettre à plat.

Le Rapporteur a répondu aux intervenants.

Il a tout d'abord observé que la responsabilité du Rapporteur était faible dans la chute du Mur de Berlin, lequel a permis la réunification de l'Allemagne qui compte depuis lors 80 millions d'habitants, alors que la France n'en compte que 60.

Les défauts des directives, souvent trop détaillées et de ce fait mal comprises par les citoyens, sont connus. Pourtant, la raison d'être, théoriquement, de la directive, est de poser les principes généraux, en laissant les Etats membres définir les détails de l'application d'une législation. Il faut certainement revenir à la notion originelle de la directive, a fortiori dans la perspective de l'élargissement.

L'espace judiciaire européen progresse régulièrement, même si trop lentement, du fait de la pesanteur des traditions juridiques et judiciaires enracinées de longue date. Ainsi, une très importante convention relative à la coopération judiciaire pénale a enfin été adoptée à la fin de l'année dernière dans le cadre du troisième pilier, après plus de cinq années de négociation : ce texte donnera de nouveaux moyens, plus efficaces, aux magistrats pour mener leurs enquêtes et faire accomplir des actes d'un pays à l'autre de l'Union. La notion de procureur européen progresse.

Le centre de l'Union ne s'est pas déplacé à Berlin. Il est vrai que l'Allemagne a souhaité une meilleure prise en compte de son poids démographique, mais il n'y a pas eu de concessions excessives qui auraient été faites à notre détriment. En ce qui concerne la nouvelle procédure de vote à la majorité, la France a tout d'abord maintenu sa parité de voix au Conseil avec l'Allemagne, ainsi que le Royaume-Uni et l'Italie (chacun de ces pays aura vingt-neuf voix). Il est vrai que l'Allemagne pourra demander la vérification de la clause démographique, selon laquelle on s'assure qu'un vote déterminé représente 62% de la population de l'Union. Mais, le fait que la légitimité d'une décision est aussi liée au fait qu'elle réunit une majorité significative de la population de l'Union, surtout dans un cadre géographique qui sera plus étendu et une diversité économique et sociale accrue, peut se comprendre.

De plus, si l'Allemagne aura plus de facilité à faire jouer la clause démographique, celle-ci ne jouera pas à son seul profit. Dans certains cas de figure, la France pourra bloquer une décision avec deux autres grands pays, sans la participation de l'Allemagne. Mais, en pratique, l'examen des configurations de position et de vote montre que la France et l'Allemagne partagent dans la plupart des cas des vues communes, éventuellement dans leur opposition à une mesure. Ces deux pays pourront demander la vérification démographique avec un troisième pays comme le Danemark ou l'Irlande.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3045).

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● Union européenne


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