Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires étrangères (2000-2001)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 juin 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, président

SOMMAIRE

 

page

- Accord euro-méditerranéen d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la Jordanie (n° 2981)

- Traité France-Andorre portant rectification de la frontière (n° 3115)

- Informations relatives à la Commission


3

5

7

Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et le Royaume hachémite de Jordanie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Brana, le projet de loi adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres) (n° 2981).

M. Pierre Brana a tout d'abord observé que la ratification des accords d'association donnait l'occasion au Parlement français d'intervenir quelque peu dans la politique euro-méditerranéenne de l'Union européenne.

Puis il a dressé un premier bilan des accords d'association euro-méditerranéens déjà conclus ou en cours de discussion avec les douze Partenaires euro-méditerranéens. A cette occasion, il a estimé que la signature prochaine d'un accord avec l'Egypte était une question un peu « tangente » du fait des incidents qui sont récemment intervenus sur la question des droits de l'Homme, la même question du respect des droits de l'Homme se posant d'ailleurs avec la Turquie où l'accord de coopération « à l'ancienne » restera en vigueur puisque ce pays se situe dans une logique de « pré-adhésion » à l'Union européenne.

S'agissant plus particulièrement de l'accord avec la Jordanie, sur les quinze Etats membres de l'Union européenne, treize avaient achevé leur procédure nationale de ratification au 31 décembre 2000. Il ne reste plus que la France et la Belgique. La Jordanie, quant à elle, a ratifié l'accord le 30 septembre 1999.

L'Union européenne étant dans une logique de partenariat global avec l'ensemble des pays de la zone méditerranéenne et de mise en place du libre-échange régional, l'accord conclu avec la Jordanie ne se distingue en rien du texte type des accords d'association euro-méditerranéens. Il s'agit d'un accord conforme aux accords euro-méditerranéens, structuré en considérants, suivis de deux articles et de huit titres.

Le Rapporteur a estimé qu'il était important de signaler que les considérants et les articles 1er et 2 rappellent les objectifs de l'accord mais aussi et surtout l'importance du respect des principes démocratiques et des droits de l'Homme, « élément essentiel du présent accord ». Le titre I prévoit l'instauration d'un dialogue régulier entre les Parties au niveau ministériel et au niveau des hauts fonctionnaires portant sur tous les sujets présentant un intérêt commun et plus particulièrement sur les conditions propres à garantir la paix, la sécurité, le respect des droits de l'Homme et le développement régional. Les principes de base de la libre circulation des marchandises sont posés au titre II. Le titre III stipule que l'accord s'appliquera au droit d'établissement de sociétés et à la libéralisation des prestations de services selon des modalités à définir ultérieurement. S'agissant des paiements, de la circulation des capitaux et de toute question économique, selon le titre IV, aucune restriction ne s'appliquera. La coopération économique est instaurée par le titre V alors que le titre VI est dédié à la coopération en matière sociale et culturelle. Le titre VII encadre d'une façon très générale la coopération financière puisque les règles d'utilisation des moyens destinés à la coopération financière sont fixées par le règlement financier MEDA (mesures d'accompagnement financières et techniques à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen). Enfin, les dispositions institutionnelles générales et finales font l'objet du titre VIII.

Le Rapporteur a ensuite mis l'accent sur les attentes et les appréhensions jordaniennes liées à cet accord. Ainsi, c'est dans l'espoir de remédier à un contexte économique difficile que la Jordanie espère une entrée en vigueur rapide du présent accord.

Mais si les Jordaniens placent beaucoup d'espoir dans l'entrée en vigueur de cet accord d'association, ils ressentent tout de même quelques appréhensions et ce sont les difficultés ayant trait à l'agriculture qui sont les plus importantes et que le Rapporteur a amplement développées dans son rapport.

Enfin, M. Pierre Brana a estimé qu'il ne saurait s'attacher à décrire les relations euro-jordaniennes dans le cadre du dialogue euro-méditerranéen sans s'attarder sur la question du respect des droits de l'Homme, « élément essentiel » de chaque accord d'association dont la violation peut entraîner la suspension de l'accord. La Jordanie est sans doute l'un des Etats de la région où l'on enfreint le moins les droits de l'Homme. En dépit de nombreuses imperfections, l'intégrité de la personne y est relativement assurée. En dehors de la peine de mort, les difficultés principales qui demeurent, bien que sur des plans différents, concernent la liberté d'expression et les crimes d'honneur. Une vingtaine de femmes sont assassinées chaque année par leurs proches pour avoir porté atteinte à l'honneur de leur famille en ayant contrevenu aux règles de la morale.

En conclusion, le Rapporteur a souligné les nombreuses raisons qui militent en faveur de la ratification rapide de cet accord d'association entre l'Union européenne et la Jordanie. Si l'on ne devait cependant en retenir qu'une seule, il a estimé que le rôle joué par la Jordanie dans le processus de paix au Proche et Moyen-Orient, outre le fait qu'il s'agit là d'une actualité toute brûlante, est la plus incontestée. C'est pourquoi, au vu de ces observations, le Rapporteur a recommandé l'adoption du présent projet de loi.

Observant qu'il s'agit là d'un pays qui occupe une place très importante dans la région, le Président François Loncle a annoncé qu'une mission de la Commission des Affaires étrangères, conduite par M. Georges Hage, Vice-Président, serait effectuée en Jordanie, au Liban et en Syrie à l'automne prochain. Il a également souligné que le présent projet de loi sera examiné en séance publique le jeudi 28 juin prochain et proposé qu'il soit soumis à la procédure d'examen simplifiée de l'article 107 du Règlement de l'Assemblée nationale.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2981)

Traité entre la République française et la Principauté d'Andorre portant rectification de la frontière

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Yves Gateaud, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre la République française et la Principauté d'Andorre portant rectification de la frontière (n° 3115),

M. Jean-Yves Gateaud a rappelé que la Principauté d'Andorre connaît depuis trente ans un véritable « boom » économique qui lui a apporté une croissance démographique considérable, passant de 6 000 habitants en 1950 à plus de 65 000 aujourd'hui. Le développement de ses activités économique, financière et touristique a plusieurs conséquences en ce qui concerne la région frontalière française, dont la nécessité d'une part, de doubler l'unique liaison routière saturée et, d'autre part, de résoudre des différends frontaliers ainsi la délimitation de la frontière concernant une zone de trente hectares de la commune de Porta, zone française mais sur laquelle la Principauté a fait des aménagements, touristiques notamment.

Les échanges entre la France et la Principauté s'effectuent par une seule liaison routière, la RN 22, au tracé tourmenté, donc dangereuse en hiver, et, de plus, souvent saturée en raison du développement des stations touristiques. Le doublement de cette voie exige la construction d'un tunnel sur le territoire andorran (déjà achevé) et d'un viaduc débouchant en territoire français. Les deux parties ont choisi un mode de financement laissant à la charge d'Andorre la construction et l'entretien du viaduc, aussi a-t-il été jugé préférable de faire passer l'emprise du viaduc sous la souveraineté de la Principauté. Cet arrangement a conduit à la signature, le 12 septembre 2000, d'un traité portant rectification de la frontière.

Ce traité comporte l'échange de deux parcelles de territoire de surfaces égales de 1,5 hectare chacune. La Principauté pourra donc achever l'ouvrage en mai 2002 comme prévu, avec la construction du viaduc reliant le tunnel d'Envalira à la RN 22 sur la parcelle cédée par la France. En échange, la France acquiert une partie de la rive gauche de l'Ariège, qu'Andorre avait remblayée avec, pour conséquence, un déplacement du cours de la rivière. Une solution juridique identique avait été adoptée entre la France et la Suisse pour un raccordement autoroutier près de Genève.

Cet échange de territoire comporte cependant quelques enjeux. Un enjeu environnemental d'abord, car la parcelle cédée par la France est incluse dans un périmètre intégré dans le réseau Natura 2000 mis en place par la directive « Habitats » du 21 mai 1992. La Principauté s'est engagée dans un arrangement signé avec la France à prendre les mesures nécessaires pour respecter les engagements pris par la France à ce titre, bien que le droit communautaire ne lui soit évidemment pas applicable. Un enjeu juridique ensuite, car une négociation de délimitation de la frontière doit s'ouvrir début juillet entre la France et Andorre. En effet, la délimitation résulte jusqu'à présent des usages locaux et de décisions de justice françaises remontant jusqu'au XVIIIème siècle. Cette négociation de délimitation pourrait ne pas être simple, car il existe des différends, comme celui concernant une zone de trente hectares (située dans la zone dite « le clos des Abellettes »).

Des garanties doivent être apportées à la commune riveraine française de Porta et à ses habitants. Il semble tout d'abord que les garanties relatives au fonctionnement des services de douane, de déneigement et au maintien de servitudes de pacage aient été apportées par les autorités compétentes. Mais le Rapporteur a estimé que deux autres garanties devaient être apportées par le Gouvernement.

Le Gouvernement devrait apporter l'engagement que les ouvrages à réaliser (le rond-point de sortie du viaduc et le bureau de contrôle douanier déplacé) ne compromettent pas l'accès à une partie de la commune et notamment à des terrains sur lesquels la construction d'une station de sports d'hiver est envisagée. Un accès doit donc être rétabli afin que le territoire de la commune ne soit pas définitivement coupé en deux, et afin aussi que les usagers se rendant d'un point à un autre de la commune ne soient pas pénalisés car du fait de la nouvelle configuration des lieux, ils seront amenés à franchir la frontière.

La deuxième garantie concerne la future délimitation frontalière. Il serait souhaitable qu'elle soit l'occasion de régler le différend déjà mentionné, qui suscite l'inquiétude des représentants locaux, étant donné que l'expansion urbaine d'Andorre a conduit à l'implantation d'installations sur le territoire français (remontées mécaniques, captages d'eau, remblaiements du lit de la rivière contestés). Cette délimitation ne doit pas être l'occasion de concessions injustifiées à la Principauté. Le bornage de la frontière doit se faire conformément au cadastre sur les parties de la frontière où des différends existent alors que la délimitation ancienne conforme aux usages traditionnels n'est pas, selon la commune de Porta, contestée.

Ces garanties pourraient être apportées par le Ministre des Affaires étrangères lors de l'examen du projet de loi en séance publique. La plus haute autorité de l'Etat français étant co-Prince d'Andorre, il ne devrait pas y avoir de difficulté insurmontable pour donner satisfaction aux habitants de la commune de Porta sans léser le développement andorran.

En conclusion, le Rapporteur a proposé de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

Le Président François Loncle a remercié le Rapporteur pour son exposé très précis et concret d'un projet de loi délicat car touchant aux problèmes de frontières et de communes. C'est pourquoi il a suggéré que l'examen en séance publique, prévu le jeudi 28 juin prochain, fasse l'objet d'une procédure avec débat pour que chacun puisse faire valoir ses arguments afin d'éviter certains soubresauts.

Mme Bernadette Isaac-Sibille s'est demandé quelle autorité était autorisée à modifier des frontières, en dehors du cas où les parties concernées s'entendent.

Le Président François Loncle a rappelé que l'intangibilité des frontières était un vieux principe, onusien d'ailleurs, et mis en avant au moment de la chute du Mur de Berlin par exemple. Si deux Etats s'entendent et rédigent un traité qui est promu par les gouvernements et ratifié par les parlements, il n'y a aucun problème et aucune autorité supérieure n'a à intervenir. A ce sujet, il a souligné que les questions de frontières concernaient non seulement le domaine terrestre mais également maritime et a rappelé que dans les années 80 il avait été le Rapporteur de nombreux projets de loi portant modification de frontières maritimes.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a cependant fait valoir que dans le cas présent, des terrains privés étaient en jeu.

M. Pierre Brana a estimé que le fait que la frontière concernée repose uniquement sur des traditions, donc sur le droit coutumier, compliquait le problème. La frontière étant de droit coutumier et ne reposant pas sur des traités, si la France accepte la modification demandée, Andorre pourrait ultérieurement revenir à la charge pour une autre partie de territoire. On peut craindre qu'Andorre ne respecte pas l'intangibilité de la frontière actuelle.

Le Rapporteur a précisé que la rectification de frontière négociée par l'Etat entraîne le passage de terrains appartenant au domaine privé de la commune de Porta à Andorre, et l'on comprend bien la protestation de la commune. Il y a lieu d'être vigilant quant aux prochaines négociations de délimitation frontalière, afin que les communes frontalières, et Porta en particulier, soient informées et ne soient pas défavorisées au profit d'Andorre du fait du développement et de l'urbanisation de la Principauté.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3115).

*

Informations relatives à la Commission

Nomination des rapporteurs pour avis pour le projet de loi de finances pour 2002

· Première partie du projet de loi de finances (article relatif à l'évaluation du prélèvement communautaire)

- Affaires européennes Mme Marie-Hélène Aubert

· Deuxième partie du projet de loi de finances

A. Dépenses civiles

Affaires étrangères :

- Affaires étrangères M. Pierre Brana

- Coopération et développement M. Jean-Yves Gateaud

- Relations culturelles internationales

et Francophonie M. Georges Hage

Commerce extérieur :

- Commerce extérieur M. Marc Reymann

B. Dépenses militaires

Défense :

- Défense M. Jean-Bernard Raimond

_______

● Jordanie

● Andorre


© Assemblée nationale