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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 avril 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Jack Lang, président,

SOMMAIRE

 

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– Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et de M. Charles Josselin,   ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, sur la situation au Kosovo ..........



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Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et de M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, sur la situation au Kosovo.

La Commission des Affaires étrangères a entendu M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie.

M. Georges Hage a observé que les bombardements réactivaient des haines séculaires. Il s'est inquiété du pouvoir considérable de la presse qui a su faire accepter la guerre et s'est étonné qu'un homme d'église ait pu justifier, dans un grand journal du soir, le recours à la force armée. Il a souhaité qu'aucune déclaration allant dans le sens de la paix ne soit négligée, même si elle émane de Milosevic, dont les forfaits sont connus. Revenant d'une mission en Irak, il a constaté que les bombardements américains avaient conforté Saddam Hussein et il a fait part de son intention de déposer une proposition de loi visant à interdire l'usage de certaines bombes dont il avait pu mesurer les ravages dans ce pays.

M. Jacques Myard a constaté que l'emploi de moyens militaires était insuffisant pour régler la crise du Kosovo et qu'il fallait une reprise des négociations intégrant la Russie. Il a voulu savoir dans quel état d'esprit étaient les autorités de ce pays et si une solution politique au conflit passerait par l'indépendance du Kosovo.

Evoquant les propos tenus par M. Mitsotakis, ancien Premier ministre grec, concernant le référendum sur l'autonomie du Kosovo, M. François Guillaume a souhaité obtenir communication du texte exact des accords de Rambouillet. Il a demandé si, comme le prétend la presse, les Etats-Unis et la France aidaient militairement l'UCK, ce qui risquait de compromettre l'avenir.

M. François Loncle a souhaité des précisions sur le contenu d'une adaptation des accords de Rambouillet à laquelle Mme Madeleine Albright avait fait allusion.

M. François Léotard s'est interrogé sur la place de la France dans la chaîne de commandement de l'OTAN et sur son niveau d'information quant au choix des cibles. Se félicitant des propositions de pacte de stabilité et de conférence sur les Balkans, il a suggéré que la France propose un mandat international pour le territoire du Kosovo, sous le contrôle du Conseil de sécurité des Nations Unies.

M. René André a souhaité obtenir des précisions sur l’intervention de la Russie dans le cadre d’une solution politique, ainsi que sur la mission du Secrétaire général du Quai d’Orsay, M. Hennekinne. Quels espoirs les Alliés fondent-ils sur la rencontre entre la Secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright et le Ministre russe des Affaires étrangères, M. Ivanov ? Quelles précautions seront prises pour que l’aide apportée aux Kosovars ne soit pas perçue comme une aide indirecte à l’UCK ? L’idée d’une indépendance définitive du Kosovo est-elle abandonnée ? Il a fait remarquer que l’on entendait parler de partition, de confédération, etc. Quel futur statut la France voit-elle pour le Kosovo ? Qu’entend-on par protectorat ?

Concernant les risques d’épidémies, le Président Jack Lang a demandé à M. Charles Josselin quelles étaient les actions humanitaires françaises et internationales. Rappelant que les réfugiés kosovars étaient souvent accueillis par des familles albanaises encore plus pauvres qu’eux, il a souhaité savoir quels moyens seraient susceptibles de les aider. Enfin, il s’est enquis plus précisément de la situation dans la province même du Kosovo. Quels sont les moyens pour acheminer des secours aux personnes en difficultés ?

M. Hubert Védrine, après avoir informé les commissaires sur les diverses initiatives diplomatiques en cours, a estimé que ce n'étaient pas les frappes aériennes qui ravivaient les haines ancestrales mais la politique de Slobodan Milosevic.

Il a rappelé que les accords de Rambouillet n'avaient pas retenu l'organisation d'un référendum au Kosovo à l'issue de la période de transition, comme l'avaient demandé les Kosovars, mais seulement une clause de rendez-vous afin de prendre en compte les souhaits de la population.

Ces accords devront être adaptés mais leurs principes sont maintenus. Il s'agit toujours de parvenir à une autonomie substantielle du Kosovo car les raisons de refuser son indépendance demeurent. On ne peut modifier les frontières, ni accepter les transferts de population qui en résulteraient. Après ce conflit, la coexistence pacifique entre les Serbes et les Albanais au Kosovo sera encore plus difficile. Il faudra définir une sorte de tutelle ou de protectorat afin de garantir les droits de chacun. Quant à la partition, c'est une fausse question mal posée car elle suppose d'accepter l'indépendance d'une partie du Kosovo qui poserait les mêmes problèmes de principe qu'une indépendance de toute la province. L'adaptation des accords de Rambouillet pourrait consister à définir un régime d'administration internationale et à organiser la mise en œuvre du retour des réfugiés.

Le Ministre des Affaires étrangères a déclaré que les autorités françaises avaient été pleinement impliquées dans les décisions de l'OTAN.

A propos de l'UCK, il a rappelé que la négociation de Rambouillet avait pour objectif de transformer cette armée de libération en mouvement politique, notamment en la désarmant.

Il existe de très nombreuses propositions sur l'organisation des Balkans. La proposition d'un pacte de stabilité faite par M. Fischer est intéressante. Des idées françaises avaient été formulées en leur temps. L'Union européenne doit être au centre des formules envisagées. L'objectif à long terme est d'européaniser les Balkans.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, a précisé qu'en dépit des risques d'épidémies dus à la concentration des réfugiés, seuls des cas de rougeole avaient été recensés. Il est envisagé de faire intervenir Bioforce. L'affaiblissement des réfugiés est d'autant plus grand que certains d'entre eux connaissent l'errance depuis six à huit mois. Les problèmes pulmonaires sont nombreux en raison du froid et de la pluie. Les médicaments sont en nombre insuffisant et la situation est d'autant plus précaire que la quasi-totalité des réfugiés ne sont pas vaccinés.

Plus de la moitié des réfugiés ont été accueillis en Macédoine et en Albanie par des familles, souvent elles-même aussi pauvres que les réfugiés. Bien sûr une aide leur est apportée sous forme de nourriture. La France participe à cette aide par des colis financés soit par l'Etat, soit directement par les Français. On s'interroge actuellement sur les moyens d'aider financièrement ces familles d'accueil, tout en les protégeant contre d'éventuels racketteurs.

Les questions de sécurité concernent aujourd'hui en Albanie aussi bien les camps de réfugiés que les familles d'accueil et nécessitent une coordination entre l'OTAN et le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). Il est important que l'OTAN n'agisse en matière humanitaire que par délégation du HCR. Certaines tâches comme l'octroi du statut juridique de réfugié ne peuvent être traitées que par le HCR.

Sur ce qui se passe au Kosovo, les informations manquent et on en est réduit à imaginer que les personnes déplacées n'ayant pu passer la frontière continuent à errer dans une zone où la présence militaire et policière serbe est particulièrement importante. Trois propositions ont été avancées pour leur porter secours. La première concerne l'ouverture d'un corridor humanitaire mais sa réalisation suppose des négociations préalables avec Milosevic. La deuxième consiste en des parachutages de vivres mais les avions alliés prendraient alors des risques importants en raison de la menace persistante des missiles sol-air. La troisième, la plus réaliste à l'heure actuelle, consiste à confier l'aide à des organismes dont la présence pourrait être acceptée de part et d'autre de la frontière, comme la Croix-rouge internationale.

Concernant la situation sur le territoire du Kosovo, Mme Marie-Hélène Aubert a émis des doutes quant à une absence d’informations. A-t-on des certitudes sur l'état des destructions et sur la situation des réfugiés ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille s’est demandé s’il ne fallait par arrimer Moscou dans la perpective de l’après-conflit. Elle a évoqué le danger des axes biélorusse et russe et a fait remarquer que les visées américaines n’étaient pas les mêmes que les nôtres dans cette guerre.

Rappelant à M. Hubert Védrine ses propos selon lesquels la partition du Kosovo n’était pas dans la logique de la France, M. Jean-Bernard Raimond a observé que cette idée pourrait être dans la logique des Serbes.

M. Charles Josselin a expliqué que la situation au Kosovo n'était pas connue avec précision et qu'il était difficile de déterminer les zones dans lesquelles opérait l'UCK et celles où étaient les Kosovars déplacés. Le retour des réfugiés au Kosovo implique le départ des forces militaires et paramilitaires serbes et des possibilités réelles de reconstruction existent.


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