Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires étrangères (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 novembre 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Marc Reymann

SOMMAIRE

 

page


- Crédits du Commerce extérieur pour 2000 (avis) ..........

3


- Accord avec la Suisse sur la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale - n° 1318 ; Accord avec la Suisse sur la réadmission des personnes en situation irrégulière - n° 1661 (rapport)



5

Crédits du Commerce extérieur pour 2000

M. Marc Reymann, président, a salué la présence de M. Ernst Burgbacher, député du Bundestag, qui a souhaité assister aux travaux de la Commission.

Mme Louise Moreau, rapporteur pour avis, a rappelé qu'en 1998, la France a enregistré un excédent commercial de 148 milliards de francs. Face au record de 1997 (167 milliards de francs), cet excédent accuse une baisse sensible qui pourrait s'accentuer en 1999 en atteignant environ 110 milliards de francs.

Le budget du commerce extérieur pour 2000 ne s'élève qu'à 4,24 milliards de francs en autorisations de programme (AP), soit une réduction de 11 % par rapport à celui de 1999, qui était déjà en baisse de 10 % par rapport à 1998. Il manque singulièrement d'ambition et prend insuffisamment en compte un environnement économique international fluctuant.

La réduction des crédits alloués aux organismes de soutien du commerce extérieur est inopportune, d'autant que le solde commercial de la France est orienté à la baisse pour des raisons conjoncturelles. Si la chute des cours mondiaux du pétrole, en 1998, a permis de compenser la détérioration de 25 milliards de francs du solde commercial avec les pays émergents d'Asie, les hausses récentes du prix du pétrole et des matières premières importés pourraient avoir au contraire un impact négatif sur le solde commercial. Le budget du commerce extérieur pour 2000 entérine purement et simplement les restrictions budgétaires décidées en 1999.

Les crédits alloués aux organismes de soutien au commerce extérieur s'élèvent à 242 millions de francs contre 245 millions de francs en 1999, ceux du Centre français du commerce extérieur (CFCE) accusent une baisse de 2,34 %. Les crédits de l'association Comité français des manifestations économiques à l'étranger - Agence pour la coopération technique industrielle et commerciale (CFCE-ACTIM) demeurent stables et s'établissent comme en 1999 à 116,39 millions de francs, confirmant ainsi les coupes opérées l'an dernier.

Par ailleurs, les crédits de la Direction des relations économiques extérieures (DREE) s'élèvent à 1 069,62 millions de francs en 1999. Les crédits de fonctionnement sont restés à leur niveau de 1999 :  243,06 millions de francs, ceux de l'équipement du service de l'expansion économique à l'étranger sont orientés à la baisse. Ainsi, la dotation allouée à la DREE ne retrouve pas son niveau de 1995, sa réduction est donc entérinée alors que ses missions évoluent.

L'aide extérieure où figure la dotation allouée au Fonds d'étude et d'aide du secteur privé (FASEP) bénéficie comme en 1999 de 300 millions de francs en crédits de paiement mais accuse une réduction de 53 % en autorisations de programme. Ce recul pourrait peser sur le soutien que les PME sont en droit d'attendre de ces structures.

Le budget du commerce extérieur pour 2000 est décevant. Les coupes brutales effectuées depuis 1991 et accentuées en 1998 sont confirmées. L'année 1998 a été marquée par un très fort ralentissement du commerce mondial. Cette pause dans la croissance du commerce mondial devrait se prolonger en 1999.

Dans ce contexte, l'impact de la Conférence ministérielle de l'OMC pourrait être considérable. L'unité de vues à laquelle est parvenue l'Union européenne pour préparer ces négociations est encourageante. Celles-ci, qui devraient prendre acte de la mondialisation de l'économie, promettent d'être délicates. Pour qu'elles soient utiles, il faut que de nouveaux sujets soient abordés.

Lors de ses visites en Estonie, Lettonie, Slovénie, Slovaquie et République tchèque, Mme Louise Moreau a constaté que ces Etats attendaient de la France qu'elle défende leurs intérêts auprès des instances européennes. Ces pays candidats sont fortement désireux de contacts politiques avec la France, particulièrement de visites ministérielles et parlementaires, et d'une progression de nos échanges commerciaux.

Jusqu'à une période récente, les entreprises françaises ont fait preuve de frilosité à l'égard des pays baltes. Les échanges entre la France et les pays d'Europe centrale candidats à l'Union européenne sont en progression, mais notre part de marché reste encore faible.

Le Rapporteur a été frappé par la volonté des dirigeants et des responsables économiques de ces pays de se maintenir dans le premier cercle des pays entrant dans l'Union européenne, voire pour certains d'y accéder, l'échéance de 2002-2003 étant la date souhaitée par chacun d'eux pour leur adhésion. Tous perçoivent leur intégration à l'Union européenne paradoxalement comme une affirmation de leur identité nationale, ainsi que comme une garantie de stabilité pour leurs institutions et leur économie. Chacun doit surmonter des handicaps ; la France doit contribuer à les aider. En effet, toutes les structures juridiques, économiques doivent être réformées, opération qui dans les pays de l'Union européenne a pris un certain temps. Aussi, les progrès qu'ils accomplissent sont remarquables et méritent d'être soulignés.

Pour mieux cerner la perception de l'Union européenne, le Rapporteur s'est rendu en Norvège, pays qui "a dit non" à l'Europe. Le terme "union" semble rappeler aux Norvégiens leur subordination à la Suède et au Danemark. Sur le plan économique, la Norvège considère que pour l'instant elle dispose des avantages de l'espace économique européen sans en subir les inconvénients. Toutefois, une partie de la classe politique et les décideurs économiques s'interrogent : le succès de l'euro, l'intégration des pays baltes, les pressions du Danemark, de la Suède et de la Finlande, comme la mise en place d'une défense européenne constituent autant de facteurs qui, à moyen terme, pourraient entraîner l'adhésion de la Norvège.

En conclusion, le budget du commerce extérieur pour 2000 ne permettra pas de soutenir de façon efficace les exportations françaises, moteurs de la croissance. Sa réduction prive la France d'un instrument essentiel de la diplomatie économique, ce qui est regrettable dans une conjoncture économique mondiale fluctuante. A titre personnel, le Rapporteur a déclaré qu'elle s'abstiendrait de voter un tel budget.

M. Alain Juppé a demandé des précisions sur les raisons de la baisse actuelle de l'excédent commercial de la France.

Mme Louise Moreau a estimé que la réduction actuelle de l'excédent commercial était liée principalement à celle des grands contrats et à l'augmentation du prix du pétrole et des matières premières importés. Parallèlement, les PME-PMI françaises ne sont pas en mesure de prendre le relais. C'est pourquoi le budget du commerce extérieur pour 2000 est inadapté : les crédits consacrés au soutien de l'implantation à l'étranger des PME-PMI sont insuffisants, alors qu'il est nécessaire qu'elles exportent davantage.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du Commerce extérieur pour 2000.

Accords avec la Suisse sur la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale et sur la réadmission des personnes en situation irrégulière

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Joseph Tyrode, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord avec la Suisse sur la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (n° 1318) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord avec la Suisse sur la réadmission des personnes en situation irrégulière (n° 1661).

M. Joseph Tyrode a tout d'abord décrit la situation très particulière de la Suisse au regard de ses relations extérieures avec les Etats voisins. Il a rappelé qu'avec l'entrée en application de la convention de Schengen en Autriche en décembre 1997, la Suisse se trouvait enclavée dans l'espace de libre circulation Schengen. Or, ce pays n'étant pas partie à la convention, il ne met pas en _uvre les mesures compensatoires à la libre circulation chargées de parer aux dangers de celle-ci. En outre, la tentative de la Suisse de s'intégrer partiellement à la coopération Schengen a échoué en 1998, plusieurs Etats Parties peu favorables à une « coopération à la carte » ayant repoussé cette éventualité, à laquelle la France est cependant favorable.

Néanmoins, le Rapporteur a estimé que l'intégration européenne de la Suisse progressait, d'une part grâce au traitement particulier que lui a accordé l'Union européenne dans les sept accords bilatéraux signés en juin 1999, d'autre part grâce à trois accords importants signés avec la France : il s'agit de l'accord de réadmission et de l'accord relatif à l'entraide pénale examinés ce jour, mais aussi de la convention de coopération policière, douanière et judiciaire signée entre nos deux pays le 11 mai 1998.

M. Joseph Tyrode a rappelé que la frontière franco-suisse était notre seule frontière extérieure terrestre au sens de la convention de Schengen. Notre pays est tenu vis-à-vis de ses partenaires au sein de la coopération Schengen d'y assurer la plus grande sécurité possible, ce qui est très difficile en dépit des efforts accomplis, et cette «frontière verte» reste perméable aux trafics et aux migrations non contrôlées. Placée au c_ur de l'Europe, la Suisse est un pays de destination pour l'immigration irrégulière, mais aussi un pays de transit, comme le montre le flux de personnes munies de documents falsifiés en provenance d'Afrique qui migrent vers la France et l'Allemagne après un atterrissage à l'aéroport de Zurich. La Suisse est devenu le pays d'asile le plus sollicité de l'Occident, ce qui a des conséquences pour la France concernant la circulation des personnes déboutées. De même, les situations de crise dans les Balkans ont aussi des répercussions immédiates sur les flux migratoires vers la Suisse, puis vers la France.

Dans ce contexte, l'accord de réadmission signé en 1998 apportera des moyens nouveaux aux policiers chargés d'opérer la réadmission des clandestins auprès des autorités de l'autre pays. Cet accord pose le principe de la réadmission des étrangers sans formalités sur la demande du pays requérant, c'est-à-dire sans la consultation des autorités centrales auparavant nécessaire. La « codification » des éléments de preuve permettant de démontrer auprès des autorités du pays requis que l'étranger a bien transité par le territoire de ce dernier devrait aussi faciliter au quotidien la tâche des policiers. Enfin, l'accord précise les modalités pratiques et juridiques du transit pour éloignement des étrangers en situation irrégulière, ce qui permettra d'avoir recours à cette possibilité, rarement utilisée actuellement par crainte des problèmes de responsabilité.

L'accord relatif à l'entraide judiciaire pénale a pour objet de compléter de façon bilatérale la convention du 20 avril 1959. Cette dernière convention a pour principe fondamental la transmission centralisée des demandes d'entraide : la lourdeur de cette procédure et les blocages qu'elle permet sont de moins en moins acceptables alors que la rapidité d'obtention des informations par les juges est un élément essentiel dans la lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment des fonds issus de celle-ci.

C'est pourquoi l'accord instaure le principe de la transmission directe des demandes d'entraide entre, en France, le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la demande doit être exécutée, et, en Suisse, l'autorité judiciaire compétente pour exécuter la demande. La France a gardé sa position traditionnelle en préservant le rôle du procureur général. L'accord apporte encore d'autres améliorations, qui sont en fait proches de l'application faite par la France des dispositions judiciaires de la convention d'application des accords de Schengen : l'extension du domaine de l'entraide, la simplification de la transmission et de l'échange des documents, notamment.

Le Rapporteur a formulé certaines réserves : le nouvel accord continue à permettre le refus de l'entraide lorsque la demande se rapporte à des infractions considérées par la partie requise comme des infractions fiscales, le principe de spécialité est toujours strictement défini. Enfin, il a observé que les lenteurs et retards de l'entraide ne sont pas imputables seulement aux procédures, mais aussi à la multiplicité des voies de recours admises par le droit suisse, et beaucoup reste à faire dans ce domaine.

En conclusion, le Rapporteur a estimé que les deux présents accords contribueront à améliorer la coopération bilatérale entre les deux pays dans les domaines de la lutte contre l'immigration clandestine et de la lutte contre la délinquance et la criminalité. Le second, malgré ses insuffisances, devrait permettre d'améliorer le fonctionnement de l'espace judiciaire européen en formation. Il a proposé l'adoption des deux projets de loi.

M. Marc Reymann a constaté, en tant que frontalier, le caractère fréquent et obstiné des contrôles de police et de douane suisses, regrettant que les fonctionnaires de ces corps semblent s'intéresser davantage à l'acquittement de la taxe autoroutière qu'à la recherche des délits. Il a demandé quels autres types de contrôle étaient pratiqués.

M. Paul Dhaille a observé que les résultats des élections législatives du 24 octobre en Suisse conduisent hélas à s'interroger sur la volonté des citoyens de se rapprocher de l'Union européenne. La Suisse semble vouloir bénéficier des seuls avantages de l'appartenance à l'Union, ce que nous ne devons pas accepter.

M. Gilbert Le Bris a observé qu'étant membre de la Mission d'information sur la délinquance financière et le blanchiment des capitaux en Europe, il a pu constater lors d'une mission en Suisse qu'il semblait y avoir autant de règles applicables que de juges, particulièrement en ce qui concerne la répression du blanchiment de fonds illégaux. Avec les restrictions énoncées par le Rapporteur, l'accord d'entraide judiciaire représente-t-il un progrès ?

M. Alain Juppé a demandé quelle est la réalité des contrôles de police et de douane sur la frontière verte, dont le Rapporteur a rappelé qu'elle comportait quelque 45 points de passage non surveillés.

Le Rapporteur a répondu aux questions des intervenants.

La frontière est en effet très difficile à surveiller, aussi serait-il souhaitable que la Suisse intègre les dispositifs de sécurité mis en place dans les pays de l'Union européenne, tel le Système d'Information Schengen, important outil de coopération policière, douanière, et aussi judiciaire. Les accords bilatéraux jouent aussi leur rôle : ainsi, la convention de coopération policière, douanière et judiciaire signée par la France et la Suisse à Berne, le 11 mai 1998, encore non ratifiée, devrait permettre d'améliorer la situation.

L'accord d'entraide judiciaire peut être considéré comme une avancée minime, mais une avancée tout de même, grâce à la transmission directe des commissions rogatoires internationales, même si les questions financières et fiscales restent un domaine "tabou".

Enfin, il a confirmé que la frontière franco-suisse est soumise à une très forte pression migratoire : 4 969 mesures de non-admission sur le territoire français y ont été prononcées depuis le début de l'année 1999, contre 4 537 pour la même période en 1998 (soit une augmentation de 9 %). Les réadmissions de la France vers la Suisse ont beaucoup augmenté, s'élevant déjà cette année à plus de 530 ; 768 étrangers ont été découverts en situation irrégulière au cours des neuf premiers mois, soit un peu moins que l'année dernière.

Cette frontière est la plus importante de nos frontières extérieures en matière d'immigration illégale (étant la plus difficile à surveiller) et se trouve en deuxième position des frontières terrestres, après la frontière italienne, en termes de pression migratoire. Cela étant, les contrôles "volants" sont sans aucun doute plus efficaces qu'une présence illusoire aux postes frontières.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 1318 et 1661).

________

· Commerce extérieur

· Suisse


© Assemblée nationale