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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 décembre 2000
(Séance de 10 heures 15)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l'Armement

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La Commission a entendu M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l'Armement.

Après avoir observé que le porte-avions Charles-de-Gaulle revêtait un caractère exceptionnel par ses capacités militaires et le haut niveau technologique de sa conception, mais aussi par son coût et les délais de sa réalisation, le Président Paul Quilès a rappelé qu'il constituait également un prototype et fait valoir qu'il n'était dès lors pas anormal que des difficultés apparaissent dans la mise au point de ses nombreux systèmes. Il a toutefois souligné que la répétition des incidents qu'il a connus au cours des derniers mois nourrissait des interrogations compréhensibles qui expliquaient que la Commission s'efforce de recueillir à leur sujet l'information la plus exacte et la plus complète, en vue notamment de clarifier un débat souvent marqué par des imprécisions et des commentaires hâtifs, voire tendancieux.

M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l'Armement, a apporté, en premier lieu, des précisions sur les caractéristiques techniques des hélices du Charles-de-Gaulle. Il a indiqué qu'elles avaient chacune quatre pales, un diamètre de six mètres et un poids de dix-neuf tonnes. Il a également souligné que leur fonderie monobloc et leur alliage en cupro-aluminium, à base de cuivre, d'acier, de manganèse, de fer et de nickel avaient été retenus pour assurer un bon comportement en milieu marin et limiter les risques de casse au choc.

Il a indiqué que la conception initiale des hélices avait reposé sur une hypothèse de vitesse maximale du porte-avions de 27 n_uds pour un déplacement à pleine charge de 36 500 tonnes, mais que l'étalement du programme du fait de décisions budgétaires avait rendu nécessaire la prise en compte d'une évolution du besoin opérationnel et d'une rigueur accrue des futures normes de sécurité nucléaire et conduit à un tonnage effectif du bâtiment porté à 40 500 tonnes.

Le Délégué général pour l'Armement a alors précisé que les hélices étaient la principale variable d'ajustement technique pour assurer, malgré l'augmentation du poids du Charles-de-Gaulle, la vitesse requise, une fois réalisé le choix de chaufferies nucléaires, identiques à celles des SNLE-NG.

Aussi le modèle d'hélice finalement installé sur le porte-avions était le sixième projet d'hélice. M. Jean-Yves Helmer a expliqué que les caractéristiques techniques retenues garantissaient, d'une part, un rendement de l'hélice conforme aux exigences de vitesse du porte-avions et, d'autre part, une absence de vibration et une bonne performance en cavitation, phénomène de création de bulles d'air sous pression aux conséquences dommageables pour le navire et sa navigation. Ce résultat a été obtenu par un épaississement des pales, en particulier des bords d'attaque, et une diminution de leur largeur.

Le Délégué général pour l'Armement a fait valoir que pour ces raisons le profil des hélices du Charles-de-Gaulle était peu conventionnel, aucune expérience de réalisation de ce type n'existant en France jusqu'alors.

Après avoir précisé que le coût des hélices du Charles-de-Gaulle s'élevait à 6 millions de francs chacune, un peu moins de la moitié de ce montant correspondant aux opérations de fonderie et le reste représentant les frais de développement, d'assemblage et de contrôle, le Délégué général pour l'Armement a observé qu'il s'agissait d'un équipement qui ne constituait pas un enjeu significatif en termes de coût pour le programme.

M. Jean-Yves Helmer a alors abordé le processus de fabrication des hélices du Charles-de-Gaulle. Détaillant l'organisation industrielle du programme de porte-avions nucléaire, il a indiqué que la maîtrise d'ouvrage en avait été assurée par une équipe de programme intégrée comportant un directeur de programme de la DGA et un officier de programme représentant la Marine. La maîtrise d'_uvre de l'ensemble du programme relevait d'un directeur de projet de la DCN. Quant à la maîtrise d'_uvre de la propulsion, elle avait été confiée à DCN-Indret, le bassin d'essais des carènes ayant eu quant à lui la charge des études de conception des hélices.

La réalisation proprement dite des hélices a été sous-traitée par DCN-Indret à la société « Fonderies de l'Atlantique ». La société « Fonderies de l'Atlantique » était la seule entreprise française capable de fabriquer des hélices de grande taille présentant les caractéristiques techniques très particulières de celles du Charles-de-Gaulle, cette capacité n'étant aujourd'hui partagée qu'avec une société britannique, une société américaine et une société néerlandaise spécialisée dans la propulsion de navires commerciaux. Le Délégué général pour l'Armement a insisté sur l'importance pour la France, en termes d'approvisionnement mais aussi de compétences, du maintien de cette capacité industrielle stratégique qui intervient également dans la propulsion des sous-marins. La société « Fonderies de l'Atlantique » a déposé son bilan à l'été 1999. Elle a été reprise sous la raison sociale « Atlantic Industries » en août dernier par la société « Les bronzes d'Industrie ».

Les travaux de dessin des hélices ont été conduits jusqu'en février 1996. En août 1996, une hélice prototype a été réalisée pour tester différents processus de coulée des pièces. Les autres coulées sont intervenues entre décembre 1996 et août 1997 et l'achèvement des hélices plusieurs mois après la coulée du fait des contrôles et finitions nécessaires avant livraison. Au total, en plus de l'hélice prototype, ce sont quatre hélices, dont deux rechanges, qui ont été produites. Les deux exemplaires destinés au porte-avions ont été installés de décembre 1997 à janvier 1998.

M. Jean-Yves Helmer a précisé que le procès-verbal de l'acceptation du service qualité agissant pour le compte de DCN-Indret datait d'avril 1998 et que la réception définitive des hélices montées à bord avaient été prononcée par DCN-Indret en juillet 1998. Il a indiqué que l'enquête s'attacherait à expliquer les raisons de ces délais. Les hélices ont été contrôlées en bassin, sur le porte-avions, au cours de la période de remise à niveau après essais (RENAE) entre septembre 1999 et avril 2000.

Le Délégué général pour l'Armement a alors fait le point sur l'enquête technique relative à l'avarie. Il a expliqué que l'hélice bâbord avait subi une rupture brutale dans la partie supérieure d'une pale alors que le porte-avions naviguait à une vitesse stabilisée de 25 n_uds environ, sans aucun signe précurseur pour l'équipage. Se fondant sur des photographies prises par des plongeurs de la Marine et montrées aux membres de la Commission, il a formulé l'hypothèse d'une propagation d'un défaut situé à proximité de la partie supérieure de la pale concernée.

Indiquant que le défaut ne paraissait pas dû à la conception de l'hélice, les nouveaux calculs effectués depuis l'accident confirmant des coefficients de sécurité suffisants, il en a déduit que c'était la phase de réalisation qui était plus probablement en cause.

Habituellement, le métal est coulé depuis la partie supérieure de la pièce et le front de solidification de la coulée progresse à partir des extrémités des pales, qui sont les parties les plus fines, avant de remonter progressivement vers le haut, ce qui limite les risques de création, à l'intérieur de la pièce, de vides appelés « retassures » qui sont autant de facteurs de fragilité.

Mais la forme très particulière des hélices du Charles-de-Gaulle, dictée par leur hydrodynamisme, ne permettait pas d'être absolument certain de l'évolution homogène de la solidification. Un procédé de masselotage, c'est-à-dire d'injection de métal en fusion dans les pales pendant le refroidissement dans le but de combler d'éventuels vides, a donc été retenu par le fabricant, après essais sur l'hélice prototype.

Le fondeur a réalisé un premier contrôle après la fabrication. Il a procédé à un ressuage, c'est-à-dire à la pulvérisation sur la surface de la pièce d'un produit qui a la propriété de mettre en évidence les défauts de surface invisibles à l'_il nu. En outre, un contrôle radiographique a été réalisé par la DCN-Indret afin de déceler les éventuels défauts internes. Des retassures ont été mises en évidence, ce qui n'est pas anormal en fonderie et notamment sur des pièces d'une telle dimension. Certains des défauts ont fait l'objet de dérogations et n'ont pas été considérés comme remettant en cause la solidité des pales. Pour d'autres défauts, des réparations ont été demandées au fondeur qui les a réalisées. Enfin, une des hélices de rechange, celle de bâbord, n'a pas été acceptée par la DCN.

M. Jean-Yves Helmer a ensuite indiqué que le marché public passé avec la société « Fonderies de l'Atlantique » comprenait des clauses particulières d'exigence en matière de qualité et des règles spécifiques de fabrication et de contrôle. Un contrôle a été réalisé par le service qualité de la DGA, mandaté par la DCN-Indret. Cette dernière a rendu compte à la direction de projet relevant de la DCN, mais pas à la maîtrise d'ouvrage, ni, a fortiori aux échelons supérieurs.

M. Jean-Yves Helmer a alors indiqué que, à la vue des clichés sous-marins, le défaut à l'origine de la rupture de l'hélice bâbord semblait identifié : une défectuosité située sous un point de masselotage a sans doute fait l'objet d'une réparation (enlèvement par affouillement du métal défectueux et remplacement par soudure) qui, en l'occurrence, s'est avérée insuffisante. Cette analyse devra être confirmée dès la mise à sec du porte-avions.

Il appartient désormais de vérifier plusieurs points, notamment :

- les dérogations consenties pour les défauts mis en évidence étaient-elles justifiées ?

- les réparations demandées au fondeur ont-elles été réalisées dans les règles de l'art et selon les standards requis ?

- les contrôles prescrits ou souhaitables ont-ils tous été réalisés ?

- les avis et la décision finale de DCN-Indret étaient-ils justifiés compte tenu des informations disponibles ?

L'enquête en cours doit permettre d'apporter des réponses à ces questions.

M. Jean-Yves Helmer a enfin souligné que le porte-avions Charles-de-Gaulle avait déjà parcouru l'équivalent de deux fois le tour du monde, qu'il avait enregistré 1 200 mouvements d'avions et que la quasi totalité des 20 000 équipements embarqués donnaient entière satisfaction. Il a mis en exergue l'ampleur de la tâche accomplie par tous ceux qui ont travaillé pendant quinze ans à la réalisation de ce bâtiment.

En conclusion, M. Jean-Yves Helmer a évoqué les enseignements à retirer des difficultés rencontrées. Ils portent sur l'organisation et l'application des procédures qualité, sur les dysfonctionnements générés par l'allongement des délais de réalisation des programmes et sur le maintien des compétences industrielles pour des matériels construits tous les trente ans.

Après avoir remercié le Délégué général pour l'Armement de la qualité de l'information qu'il avait communiquée à la Commission, le Président Paul Quilès lui a demandé si la mise au rebut de la seconde hélice bâbord signifiait que le Charles-de-Gaulle avait pris la mer sans rechange pour cette hélice.

M. Jean-Yves Helmer a confirmé que l'hélice bâbord de rechange, réceptionnée en 1998, avait été rejetée au début de l'année 2000, le délai entre les deux dates pouvant être lié aux difficultés de la société « Fonderies de l'Atlantique » qui a déposé son bilan en 1999 et dont la notification de rebut aurait précipité le déclin.

Après l'avarie survenue à l'hélice bâbord du Charles-de-Gaulle, l'hélice de rechange tribord a été contrôlée à nouveau et les mêmes défauts y ont été décelés. Pour autant, on ne peut pas dire que le porte-avions ne dispose plus d'hélices de rechange, les lignes d'arbres ayant été conçues dès le départ, sur la suggestion d'un technicien, pour être aptes à recevoir celles des porte-avions Clémenceau et Foch. Ainsi, si aucun problème n'est décelé sur les lignes d'arbres, le Charles-de-Gaulle pourra être remis à flot en février et poursuivre ses essais à partir du mois de mars, sans préjudice pour les capacités opérationnelles, la vitesse maximum de 27 n_uds n'étant réellement nécessaire que pour le catapultage et l'appontage de versions du Rafale qui ne seront livrées que vers la fin de la décennie 2000-2010.

M. Guy-Michel Chauveau a demandé si, au vu des difficultés de fabrication, les constructeurs britannique et néerlandais avaient été consultés. Il a également souhaité savoir si l'établissement d'Indret de la DCN disposait de l'ensemble des radiographies des hélices et si une confrontation était intervenue entre cet établissement et la société ayant fabriqué le matériel de radiographie pour écarter d'éventuels doutes sur l'interprétation des clichés. Il a enfin voulu savoir si la DGA avait été informée du rejet de certaines pièces par la DCN.

M. Jean-Yves Helmer a indiqué que les Fonderies de l'Atlantique, ayant accepté le marché en étant conscientes des difficultés, DCN-Indret n'avait pas eu le sentiment de prendre un risque particulier. Pour remplacer les hélices défaillantes, il a été décidé de fabriquer des hélices selon le même dessin, la forme de l'ébauche étant modifiée pour rendre la fonderie plus facile. Deux des quatre hélices prévues seront fabriquées par Atlantic Industrie, une consultation internationale ayant été lancée pour les deux autres. S'agissant des radiographies effectuées au moment du contrôle de qualité, il a fait observer que leur interprétation ne présente pas de difficultés spécifiques pour des spécialistes. Il a précisé enfin que l'établissement d'Indret n'ayant pas eu le sentiment de prendre un risque particulier, avait informé la direction de projet de la DCN de manière succincte mais non la direction de programme.

M. René Galy-Dejean a estimé que cet incident mettait en lumière le problème majeur du maintien des compétences industrielles. Il a observé à ce propos que l'effort considérable consenti pour concevoir et réaliser le Charles-de-Gaulle avait buté sur un problème de fonderie dans un atelier unique en France. Il a souligné que le coût de l'hélice, soit 6 millions de francs, était extravagant de faiblesse au regard du montant total des dépenses nécessaires à la réalisation du bâtiment. Puis il a remarqué qu'une des composantes de la dissuasion dépendait de cette hélice puisqu'elle était nécessaire pour propulser le porte-avions à une vitesse suffisante pour mettre en _uvre, à partir de 2008, le Rafale équipé du missile ASMP amélioré.

Il s'est alors interrogé sur le nombre d'ingénieurs de fabrication présents dans la société « Fonderies de l'Atlantique », soulignant que le maintien de compétences industrielles de haut niveau passait par un meilleur équilibre entre ces ingénieurs et ceux des bureaux d'étude.

M. Pierre Lellouche s'est étonné qu'à l'issue d'un programme de quatorze années et de 20 milliards de francs, la réalisation d'un élément-clé du bâtiment ait été confiée à une société en liquidation, qui, en quatre ans, a fabriqué quatre hélices, dont trois n'ont pas été acceptées ou ont été acceptées à tort. Il a estimé que la principale leçon à tirer de cet incident portait sur le mode de contrôle de l'exécution des marchés, dans la mesure où la Marine, utilisatrice, déclarait ne pas connaître les conditions d'application du contrat, où l'établissement d'Indret avait réceptionné l'hélice sans en contrôler suffisamment la qualité et où l'équipe de programme n'avait pas été saisie.

S'étonnant que les organes centraux de la DCN et de la DGA n'aient pas contrôlé l'exécution d'une opération aussi sensible, il a interrogé M. Jean-Yves Helmer sur les mesures qu'il comptait prendre pour modifier cet état de fait et s'est demandé si la Commission ne devait pas développer des investigations sur les procédures internes de la DGA et de DCN en matière d'exécution des contrats.

M. Jean-Yves Helmer a déclaré que la DCN avait décidé d'aider la société « Fonderies de l'Atlantique » devenue « Atlantic Industrie », à renforcer sa compétence industrielle en lui fournissant un système de simulation de coulée pour la fabrication des futures hélices. Il a souligné que l'hélice n'avait jamais été considérée comme une pièce délicate car il n'existe pas en France de précédent de l'avarie qu'elle a subie. Il a rappelé que le porte-avions Charles-de-Gaulle comportait de l'ordre de 20 000 équipements, nombre d'entre eux présentant un degré de sensibilité supérieur à celui de l'hélice.

Le Président Paul Quilès a alors souligné que, même si l'hélice était de conception nouvelle, c'était aussi le cas de très nombreux autres équipements sur un prototype tel que le porte-avions Charles-de-Gaulle.

S'agissant de la société « Fonderies de l'Atlantique », le Délégué général pour l'Armement a précisé que, lorsque la commande de l'hélice lui a été notifiée en 1996, cette entreprise n'était pas dans la situation de dépôt de bilan qu'elle n'a connue qu'à l'été 1999. Il a ajouté que le ministère de la Défense n'avait pas ménagé ses efforts pour que cette société trouve un repreneur et que, sous l'égide du groupe industriel qui l'a reprise, elle était actuellement réorganisée, bénéficiait de nouveaux investissements et qu'il s'agissait maintenant de s'assurer de l'efficacité de ses procédures qualité. Concernant le contrôle de l'hélice, M. Jean-Yves Helmer a indiqué que, parmi 20 000 équipements du porte-avions Charles-de-Gaulle, dont la plupart ont été conçus spécifiquement et intègrent de fortes innovations technologiques, les hélices n'étaient pas considérées comme présentant un risque particulier. Il a déclaré que, s'agissant de l'un des 80 programmes conduits par la DGA, le contrôle, la conception et la fabrication de chaque équipement ne peuvent s'opérer à son niveau et doivent s'appuyer sur une organisation reposant sur une délégation des décisions aux bons niveaux de compétence. En l'occurrence, la décision d'accepter les hélices est du ressort de DCN-Indret, maître d'_uvre industriel de l'appareil propulsif.

M. Robert Gaïa s'est interrogé sur les conditions exactes du contrôle de qualité de l'hélice, s'étonnant qu'il ait été effectué par l'industriel chargé du contrat. Il a par ailleurs demandé les raisons du décalage entre la réception des hélices et leur acceptation.

Le Délégué général pour l'Armement a fait observer que de manière courante, le contrôle est de la responsabilité de l'industriel, qui dresse un rapport de contrôle. Un représentant du service de qualité de l'organisme qui lui a confié le contrat peut assister à ces contrôles et accéder aux rapports. Concernant le décalage entre la livraison et l'acceptation des hélices, il a indiqué que l'enquête en cours devait préciser s'il existait d'autres raisons qu'administratives.

M. Robert Gaïa s'est étonné que l'hélice ait pu être réceptionnée alors qu'une hélice de rechange avait été rejetée et que la décision ait été prise par DCN-Indret et non à un niveau hiérarchique plus élevé de la DCN. Il s'est également étonné que les protocoles de vérification n'aient pas pu permettre de rejeter, lors de la livraison, l'hélice de rechange déclarée inutilisable après l'avarie.

M. Charles Cova s'est interrogé sur l'éventualité de dommages causés par l'avarie à la ligne d'arbres bâbord et a demandé quel serait le délai d'immobilisation du bâtiment en pareil cas. Il a également évoqué la fatigue subie par la ligne d'arbres tribord.

Relevant les propos du Délégué général pour l'Armement sur les actions de maintien des compétences industrielles, M. Jean-Yves Le Drian a souhaité savoir si elles concernaient aussi d'autres secteurs.

Après avoir souligné que le technicien qui avait imaginé une solution permettant de monter les hélices du Foch ou du Clémenceau sur le Charles-de-Gaulle méritait de grands éloges, M. Robert Poujade s'est demandé si son initiative ne traduisait pas une certaine inquiétude des personnels quant à la résistance des nouvelles hélices. Il a ensuite souhaité savoir si la propulsion nucléaire ne modifiait pas les conditions de fatigue de l'hélice.

Après avoir relevé que les avaries d'hélice pouvaient concerner aussi des paquebots construits par des chantiers navals privés réputés très performants, M. Jean-Noël Kerdraon s'est demandé si le système de propulsion du porte-avions n'aurait pas pu faire appel à des « pods », qui ne nécessitent ni ligne d'arbres ni safrans.

Le Président Paul Quilès a demandé au Délégué général pour l'Armement quels commentaires il souhaitait faire sur les rumeurs relatives à l'incendie des locaux de l'entreprise de fonderie ayant eu la charge de la fabrication de l'hélice.

M. Jean Michel s'est étonné qu'aucun contrôle radiographique nouveau n'ait été fait après les réparations effectuées sur l'hélice à la suite de la constatation des premières malfaçons.

M. Loïc Bouvard s'est inquiété des effets de l'avarie sur l'image de DCN, notamment auprès des industriels européens dont elle souhaite se rapprocher.

M. Jean-Yves Helmer a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- le rejet de l'hélice de rechange bâbord n'a été décidé qu'au début de l'année 2000 bien après l'acceptation des hélices montées à bord ;

- l'hélice de rechange bâbord a été rejetée pour des défauts en pied de pale, différents des défauts supposés à l'origine de l'avarie. En conséquence l'équipe de projet a demandé un contrôle des hélices lors de la remise à niveau après essais (RANAE). Le contrôle n'a porté que sur les pieds de pale et a montré que les hélices montées ne présentaient pas ce défaut ;

- les radiographies de l'hélice de rechange tribord n'ont été effectuées qu'après l'avarie de l'hélice bâbord. Elles ont montré que des défauts subsistaient sous la partie renforcée par masselottage malgré les réparations. Ces défauts n'avaient pas été détectés précédemment car les procédures de contrôle de qualité n'imposaient pas de radiographie après réparation, le ressuage après affouillement étant en principe suffisant ;

- on ne sait pas aujourd'hui si la ligne d'arbres a été touchée. D'éventuels dommages seraient connus très vite. Si l'avarie était grave au point d'exiger un réusinage de l'ensemble de la ligne d'arbres, le porte-avions serait immobilisé au-delà de mars 2001 ;

- il est exact que la chaufferie nucléaire permet de monter en puissance plus rapidement qu'avec les autres modes de propulsion et de maintenir plus longtemps une vitesse élevée, mais ses conséquences sur la fatigue de la ligne d'arbres et de l'hélice ont normalement été prises en compte dans la conception de l'ensemble ;

- la solution des « pods » mérite d'être étudiée pour la propulsion d'un éventuel second porte-avions ;

- en appliquant les procédures fixées et compte tenu de leur expérience en matière d'hélices, les personnels de DCN-Indret n'ont pas eu l'impression de prendre des risques ; pour la direction du projet et le reste de DCN, l'hélice n'était de ce fait pas un sujet de préoccupation particulière ;

- l'origine de l'incendie dans les locaux de l'entreprise « Atlantic Industrie » fait l'objet d'une enquête judiciaire. DCN-Indret détient un double de chacun des documents qui ont brûlé à l'exception des documents conservés dans le coffre-fort qui concernaient les résultats des simulations du processus industriel de construction de nouvelles hélices. L'entreprise indique qu'elle peut les reconstituer en deux semaines. Le déroulement de l'enquête n'est en aucune façon affecté par cet incendie. Etant donné que l'incendie a touché un local et des équipements informatiques qui appartenaient à l'Etat, le ministère de la Défense a porté plainte.

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