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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 27 octobre 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

pages

Projet de loi de finances pour 1999 :

 

· Affaires étrangères et Coopération

 

Avis : Affaires étrangères et Coopération (M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis)

2

· Défense

 

Avis : Titres V et VI (M. Jean Michel, rapporteur pour avis)

5

Titre III (M. François Huwart, rapporteur pour avis)

9

La Commission a tout d’abord examiné les crédits des Affaires étrangères et de la Coopération pour 1999, sur le rapport de M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis.

M. Bernard Cazeneuve a exposé que, bien que son rapport pour avis traite également de l’évolution des conditions de la défense et de la sécurité en Europe, ainsi que de la part prise par la France aux opérations de sécurité internationale ou de maintien de la paix, il concentrerait son propos sur la politique française de coopération dans le domaine de la défense.

Il a souligné que cette politique apparaissait l’an dernier dans une situation assez critique, dans la mesure où elle était fractionnée entre trois départements ministériels, le ministère des Affaires étrangères, qui gérait ce qu’on appelle la coopération de défense, c’est-à-dire la coopération militaire avec l’ensemble des pays développés ou émergents, le Secrétariat d’état à la coopération duquel dépendait la coopération avec les anciennes colonies françaises en Afrique, élargie depuis 1996 à l’ensemble des pays signataires de la Convention de Lomé, et le ministère de la Défense qui entretient de nombreuses forces prépositionnées en Afrique.

Il a ajouté qu’à ces moyens dispersés correspondaient des budgets disparates ; en effet, alors que la mission militaire de coopération (MMC) disposait du chapitre 41-42 du ministère de la coopération, c’est à dire de 703 millions de francs, le service de l’aide militaire du ministère des affaires étrangères ne gérait, pour le reste du monde, qu’une dotation de 86,1 millions de francs ; par ailleurs les actions de coopération du ministère de la défense en Afrique pouvaient être estimées entre 100 et 200 millions de francs.

Il a fait valoir qu’en conséquence, si la France disposait d’une mission d’assistance militaire de 59 membres en République Centrafricaine ou de 55 membres au Tchad, elle ne pouvait réunir que 63 coopérants de défense pour le reste du monde dont 5 seulement dans les pays d’Europe centrale et orientale, et n’avait à l’époque ouvert aucun poste en Hongrie, pays pourtant candidat à l’entrée dans l’OTAN.

Le rapporteur pour avis a alors souligné que la réforme de la coopération engagée par l’actuel Gouvernement corrigeait une grande partie de ces incohérences et était d’ores et déjà source de progrès considérables dans la modernisation de la coopération militaire.

Il a précisé que les deux coopérations conduites avec l’Afrique, d’une part, et le reste du monde, d’autre part, allaient être fusionnées et s’est réjoui que ce regroupement permette l’interaction des moyens et des méthodes, par le biais notamment d’une évaluation comparative des projets dans le cadre d’une même enveloppe et non plus de dotations budgétaires séparées. Il a indiqué, qu’en pratique, la coopération militaire serait confiée à une Direction du ministère des affaires étrangères qui devrait prendre le nom de Direction de la coopération militaire et de défense, au sein de laquelle l’ancien service de l’aide militaire et l’ancienne MMC devraient constituer chacune une sous-direction.

Il a ajouté que cette réforme administrative s’accompagnait d’une réforme budgétaire et que l’ensemble des crédits était désormais regroupé dans le chapitre 42-29 du budget des Affaires étrangères.

Il a estimé que cette fusion s’accompagnait de signes positifs. Il a fait valoir que, d’abord, elle se faisait au franc près, sans diminution de crédits, alors que l’an dernier encore, si les crédits de la coopération de défense avaient été stabilisés, ceux de la MMC avaient diminué de 5% environ. Les crédits consacrés à la coopération s’établissaient ainsi dans le projet de budget à 789,434 millions de francs.

Il a ajouté que 4 % des crédits de la MMC, soit une dotation de 28 millions de francs, étaient redéployés vers le Service de l’aide militaire, et que cette politique devrait être poursuivie dans les prochaines années. Il a fait observer que, pour le Service de l’aide militaire, ce redéploiement aboutissait dans le projet de budget à une augmentation de ses crédits d’un tiers.

Il a ensuite indiqué que cette progression se traduisait immédiatement en actions nouvelles, comme l’avait souhaité le rapport pour avis de l’an dernier, puisque quatre postes de coopérant de défense étaient créés en Europe centrale et orientale et auprès du Partenariat pour la Paix, l’un des trois postes de coopérant en Pologne étant un conseiller « Air », ce pays cherchant en ce moment à renouveler sa flotte d’avions de combat.

Il a indiqué que cette politique dynamique de coopération se traduisait également dans l’offre de stages. L’augmentation de 50 % des crédits de stages est destinée à accroître leur niveau et leur technicité. Il est envisagé en particulier de développer des stages de pilote ou de missiliers, ainsi que des cours d’état-major. M. Bernard Cazeneuve a ajouté qu’était également à l’étude la création d’un cursus de sous-officier en Pologne.

Le rapporteur pour avis s’est réjoui de cette identification judicieuse des priorités et a estimé que le renforcement ainsi opéré était de nature à changer à long terme les références au sein de l’OTAN tout en appuyant utilement le développement de l’industrie française.

Abordant la MMC il a exposé que celle-ci poursuivait la politique engagée depuis quelques années. La diminution de ses crédits l’amène une fois de plus à réduire le nombre d’assistants militaires techniques (AMT), dont l’effectif passe de 570 à 506, soit une réduction de 64 contre 70 l’an dernier. C’est sur les missions les plus nombreuses que porte l’ajustement : celle de Centrafrique passe de 59 membres à 28 ; celle du Tchad de 55 à 46. Plus aucune mission n’atteint 50 coopérants. En revanche, la formation est autant que possible préservée : plus de 110 AMT restent affectés à ces tâches dans des écoles nationales, dans certains cas à vocation régionale.

Il a expliqué que les écoles nationales à vocation régionale étaient le grand chantier actuel de la MMC. Du fait de l’accroissement du nombre des pays dont elle a la charge et de la réduction des promotions d’officiers français, la MMC souhaite en effet transférer autant que possible les formations en Afrique. Dans ce cadre, les pays africains ont estimé que la meilleure solution était que chacun d’eux puisse offrir un ou plusieurs centres d’excellence, où viendraient aussi se former les élèves ou stagiaires des pays voisins. La MMC offre, pour les écoles ainsi définies, des AMT (douze y sont affectés) et des crédits. Sept écoles nationales à vocation régionale fonctionnent actuellement, et six devraient être ouvertes en 1999, parmi lesquelles une école de maintien de la paix à Zambakro en Côte d’Ivoire.

Il a relevé que pour le financement de cette nouvelle politique de formation, 8 millions de francs ont été distraits du chapitre 42-29, pour être placés sur une ligne du chapitre 68-80 destiné aux subventions d’investissement. Cette année, ces 8 millions de francs seront en totalité consacrés à des investissements dans des écoles nationales, notamment à vocation régionale.

Il s’est également félicité que, conformément aux voeux qu’il avait exprimés l’an dernier, la coopération militaire soit rapprochée du ministère de la Défense. Il a indiqué qu’il serait désormais fait appel aux services de ce ministère de façon beaucoup plus complète pour évaluer les actions des missions locales de coopération.

Le rapporteur pour avis a enfin replacé la coopération militaire avec les pays africains dans le cadre de la redéfinition de la politique africaine de la France en matière de sécurité. La France considère désormais que c’est d’abord aux Africains eux-mêmes qu’il revient d’assurer leur sécurité. Le concept RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) a été élaboré en application de cette doctrine. Le rapporteur pour avis a souligné que la mise en oeuvre de ce concept amènerait à recourir à la fois à la MMC et aux forces prépositionnées. Pour la formation, la MMC développe l’école nationale à vocation régionale de Zambakro. Dans le cadre d’un élargissement de leur aide à la sécurité de l’Afrique, les Etats-Unis devraient également participer au financement de cette école et y envoyer des instructeurs. Pour l’entraînement, les troupes prépositionnées jouent un rôle clé, comme on l’a constaté lors des dernières manoeuvres Guidimakha, au Sénégal. Elles constituent des détachements de formateurs chargés d’entraîner les bataillons africains et de les conseiller sur le terrain. Enfin, la MMC met désormais en place des dépôts d’équipement, au rythme d’un par an. Ces dépôts sont sous la garde des forces prépositionnées, et les équipements sont prêtés aux forces africaines pour leurs opérations.

En conclusion, M. Bernard Cazeneuve a jugé positive l’action menée en matière de coopération militaire et de défense, qu’il s’agisse de l’action menée en Afrique ou du redéploiement de la coopération militaire. Il a remarqué cependant que, dans ce dernier domaine, les progrès à faire étaient encore considérables. Espérant que, l’an prochain, pourrait être annoncée l’ouverture de postes de coopérants militaires au Brésil, au Chili ou à Singapour, il a suggéré que soit utilisée à cet effet une petite partie des crédits qui vont être dégagés par l’allégement du dispositif français en Afrique.

Le rapporteur pour avis a enfin proposé de donner un avis favorable aux crédits des Affaires étrangères et de la Coopération.

M. Michel Voisin a souhaité savoir quelles étaient les évolutions respectives du nombre de stagiaires étrangers accueillis dans des écoles militaires françaises et des crédits de l’aide directe en matériel.

M. Georges Lemoine s’est interrogé sur l’état des relations franco-malgaches, notamment en ce qui concerne la coopération de défense, Madagascar étant demandeur d’une coopération dans le domaine de la gendarmerie.

M. François Lamy s’est enquis du contenu de l’accord de coopération conclu entre la France et le Qatar dont la presse s’est récemment fait l’écho.

M. Bernard Cazeneuve a apporté les précisions suivantes :

— le nombre de stagiaires étrangers en France a globalement diminué puisqu’il est passé de 1 338 en 1997 à 916 en 1998. Dans le même temps, le nombre de stagiaires accueillis en Afrique, dans les écoles nationales, notamment à vocation régionale, bénéficiant de l’assistance française, s’est accru ; le nombre de stagiaires qui y ont été formés est passé de 193 en 1997 à 269 en 1998 et devrait atteindre 550 en 1999 ;

— le volume des crédits consacrés à l’aide logistique directe a été maintenu au niveau de 180 millions de francs depuis 1997. Une partie des moyens destinés à cette aide sera affectée en 1999 à des subventions d’investissement pour soutenir les écoles nationales à vocation régionale ;

— la France et Madagascar ont signé récemment un accord de coopération ; 22 assistants militaires techniques apportent leur concours à la formation de militaires malgaches ;

— le récent accord de coopération entre la France et le Qatar n’a pas encore été soumis à la ratification du Parlement.

La commission, sur proposition de son rapporteur pour avis, a alors donné un avis favorable à l’adoption des crédits des Affaires étrangères et de la Coopération.

——fpfp——

La Commission a ensuite examiné les crédits des Titres V et VI pour 1999, sur le rapport de M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

M. Jean Michel a rappelé que la Commission de la défense avait pris la décision de présenter, pour la première fois, un avis budgétaire sur les crédits d’équipement militaire dans le cadre de la loi de finances initiale pour 1999 en s’affranchissant des contraintes d’une analyse par armée, issue de l’ancienne présentation du budget par section afin d’effectuer une analyse transversale et interarmées des dotations en capital. Il a souligné qu’il s’agissait d’une approche complémentaire qui devait permettre d’illustrer les choix majeurs d’équipement militaire sans se substituer aux analyses des avis relatifs aux dotations des différentes armées et de la Gendarmerie.

Présentant l’évolution globale des crédits d’équipement militaire, il a considéré, d’une part, que l’encoche réalisée en 1998 n’était que partiellement résorbée par le projet de budget puisque les dotations des titres V et VI resteront inférieures de plus de 3 milliards de francs à la référence de la programmation militaire initiale, d’autre part, que, s’il fallait se féliciter de la hausse globale de 7,5 % du titre V, il convenait également de porter attention à la modification de la structure du budget qui le rendait extérieurement conforme aux décisions de la revue de programmes mais en réalité en décalage avec elle. C’est ainsi que près de 1 400 millions de francs, dont 400 millions de francs au titre de l’entretien programmé des matériels (EPM) et 900 millions de francs destinés aux crédits duaux, c’est-à-dire au CNES, ont été intégrés à l’enveloppe des crédits d’équipement.

Le rapporteur pour avis a souligné que les conséquences de ce changement de structure étaient d’autant plus importantes qu’il sera reconduit sur le restant de la programmation et a observé qu’il constituait un ajustement financier supplémentaire.

Abordant la réforme des méthodes de gestion des crédits et des programmes, il a souligné qu’elle visait à plus de transparence et de rigueur, mais a indiqué que les reports de crédits, qui avaient diminué à 6,7 milliards de francs en fin d’exercice 1997, risquaient de s’établir à plus de 12 milliards de francs à la fin de la gestion 1998 en raison de la difficulté d’engager les crédits de paiement résultant des modifications apportées à la comptabilité des investissements. Il a indiqué à ce propos que les premiers engagements de dépenses sur les crédits votés de 1998 n’avaient pu avoir lieu qu’en mai.

Après avoir fait observer que l’amélioration des méthodes de gestion visait aussi bien les crédits que le déroulement des programmes, il a précisé que les axes majeurs de la réforme entreprise par la DGA portaient sur les notions d’opération budgétaire d’investissement (OBI) et de comptabilité spéciale des investissements (CSI). Il a considéré que le changement de nomenclature budgétaire avait le mérite d’améliorer la transparence et la clarté de la présentation des crédits budgétaires et d’individualiser une vingtaine de programmes sur des articles spécifiques. Il a cependant relativisé l’importance du passage de 8 à 9 du nombre des chapitres budgétaires, insistant sur le fait que tous les crédits consacrés à un programme ne figuraient pas dans l’article spécifique qui lui est consacré.

Examinant l’adéquation des crédits d’équipement aux objectifs de la programmation, M. Jean Michel a remarqué tout d’abord que l’analyse par objectif des programmes majeurs d’équipement montrait que les grandes fonctions opérationnelles des forces armées étaient respectées par la revue de programmes au prix d’inflexions dans les calendriers et l’architecture de certains programmes. Il a alors souhaité formuler quelques remarques dans une approche globale et interarmées :

— le redimensionnement de la dissuasion nucléaire est acquis avec l’inflexion durable des crédits et la confirmation du choix de deux composantes. L’aménagement majeur de la revue de programmes consiste à aligner les calendriers du quatrième SNLE-NG et du missile M 51. Le point le plus important reste la commande en 2000 de ce quatrième sous-marin qui permettra de maintenir la capacité opérationnelle de la force océanique stratégique ;

— le renforcement des capacités de projection des forces armées constitue l’un des objectifs principaux de la programmation et s’appuie sur le renouvellement d’équipements majeurs (Rafale, Tigre, porte-avions nucléaire, missiles, etc.). Le renforcement de la cohérence des forces de projection suppose toutefois que soient menés à terme des programmes qui souffrent d’incertitudes techniques ou financières. C’est le cas des hélicoptères NH 90, des frégates antiaériennes Horizon, du nouveau transport de chaland de débarquement (NTCD) ou de la flotte d’avions de transport futurs ATF.

M. Jean Michel a estimé que des décisions fondamentales devront être bientôt prises pour assurer le développement de l’ATF, améliorer le taux de disponibilité du groupe aéronaval par la commande d’un second porte-avions et achever les programmes de missiles SCALP, Magic 2 et MICA.

Enfin, il fait part de quelques interrogations sur les aléas de la coopération européenne. Citant en premier lieu les programmes spatiaux pourtant au coeur de la fonction de prévention des crises, il a souligné que la difficile recherche de partenaires européens avait tendance à retarder le renouvellement d’équipements (satellite d’observation optique Hélios I et système de communication Syracuse), dont la durée de vie est strictement limitée. La conséquence immédiate est que la France doit assumer seule le financement des systèmes dans l’attente de partenaires. Puis il a regretté les difficultés de la coopération européenne qu’illustrent les exemples des hélicoptères Tigre ou NH 90, des frégates Horizon, de l’ATF ou du VBCI, les qualifiant de paradoxales au moment où se rapprochent les échéances des restructurations industrielles.

En conclusion, M. Jean Michel a rappelé que la revue de programmes avait recalé la programmation sur une base réaliste et compatible avec les missions des armées et souligné que l’équilibre des programmes d’équipement tenait à la régularité des flux financiers qui leur sont affectés et aux prévisions que les industriels pouvaient faire sur leur déroulement. Il a invité la Commission de la Défense à suivre attentivement l’exécution des crédits d’équipement de façon à veiller à ce que la régulation budgétaire ne perturbe pas l’exécution de la première politique d’investissement de l’Etat.

Le Président Paul Quilès a souligné l’intérêt pour la Commission de la Défense de disposer d’une vision interarmées du budget d’équipement militaire.

Félicitant le rapporteur pour son travail, M. Arthur Paecht a considéré que cette analyse transversale permettrait d’accroître la transparence du budget d’équipement du ministère de la Défense et d’en avoir une meilleure lisibilité. Il a toutefois fait observer que sa présentation en soulignait d’autant plus les insuffisances, évoquant notamment l’écart de 3 milliards de francs par rapport à la loi de programmation initiale et de 1,4 milliard de francs par rapport aux décisions prises à l’issue de la revue de programmes. Il a jugé en conséquence que celle-ci n’avait pas permis d’assainir totalement la situation et avait seulement repoussé certaines échéances au-delà de 2002. Il a regretté qu’elle ne soit pas allée jusqu’au bout de la logique qui avait présidé à sa mise en œuvre et a estimé qu’il aurait été nécessaire de réfléchir à la pertinence du maintien de certains grands programmes.

Faisant référence aux indications du rapporteur concernant les difficultés de consommation des crédits, il a craint qu’elles n’accroissent l’écart entre les crédits d’équipement votés et les dépenses effectivement réalisées.

Il a ensuite relevé qu’au contraire de la coopération européenne classique, souvent laborieuse, coûteuse et largement symbolique en ce qu’elle ne permettait pas d’économies d’échelle, il semblait qu’avec l’OCCAR, on s’orientait vers une méthode plus efficace de cogestion des programmes. Il a souhaité savoir si les économies rendues possibles par cette nouvelle méthode de coopération avaient été mesurées. Il s’est toutefois interrogé sur le processus politique de prise de décision en matière de coopération, soulignant que cette question appelait un débat approfondi. Evoquant plus précisément les coopérations entreprises avec l’Allemagne dans le domaine des satellites et des missiles, il a regretté qu’alors que des accords avaient été conclus entre Aérospatiale et Dasa, la France ait formulé des exigences très lourdes à l’égard de son partenaire allemand, parfois fondées d’ailleurs, mais qui avaient pu être considérées comme une remise en cause des engagements pris. Evoquant l’éventualité de rapprochements entre les industries allemande et britannique, il a exprimé la crainte que les attitudes prises par la France dans le domaine de la coopération européenne aient pu contribuer à son isolement.

M. Bernard Grasset a estimé que la France était confrontée à des échéances précises concernant ses programmes de satellites et qu’elle n’était pas totalement responsable de l’évolution actuelle, les torts étant largement partagés. Il a fait état d’autres facteurs ayant pu contribuer à l’échec des coopérations européennes dans le domaine spatial comme les hésitations italiennes et espagnoles ou les propositions d’achats sur étagère faites par les Etats-Unis.

Le rapporteur pour avis a apporté les éléments d’information suivants :

— il a rappelé que la première cause de non-consommation des crédits votés est liée aux annulations, massives dans les années récentes. Quant aux crédits votés non consommés en fin d’exécution, ils peuvent être reportés et faire l’objet d’une décision d’engagement l’année suivante, sous réserve de l’accord du ministère du Budget. S’agissant du premier budget d’investissement de la Nation (55 % de l’investissement public total), la question de la consommation des crédits d’équipement militaire est effectivement fondamentale ;

— les décisions prises à l’issue de la revue de programmes ont veillé à préserver autant que possible les programmes en coopération, leur montant s’élevant actuellement à 8,5 milliards de francs. Quant à la coopération au sein de l’OCCAR, elle est encore trop récente pour pouvoir faire l’objet d’une analyse précise ;

— la coopération dans le domaine des satellites se fait principalement avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Le désengagement de l’Allemagne du programme Hélios 2 est tardif, puisqu’elle avait jusqu’alors réaffirmé sa volonté d’y participer, que ce soit au Sommet de Nuremberg en 1996 ou de Poitiers en 1997. La réunification a contraint l’Allemagne à une remise en question de ses choix budgétaires. Ses décisions ne sont peut-être cependant pas irrémédiables, plus encore après les évolutions politiques internes survenues récemment. Quant à l’influence américaine, si elle est réelle à l’égard de la Grande-Bretagne, elle peut être moins forte sur l’Allemagne ou d’autres pays européens.

Estimant que l’opinion du rapporteur venait appuyer son raisonnement, M. Arthur Paecht a jugé que, face aux difficultés financières de l’Allemagne consécutives à sa réunification, la France aurait dû abaisser son niveau d’exigence concernant, notamment, la question des droits d’entrée dans le programme de satellite de deuxième génération, d’autant plus que les Etats-Unis proposaient des produits sur étagère.

M. Jean Michel a fait observer que l’Allemagne s’était retirée du programme Horus alors que la question d’un droit d’entrée ne se posait pas.

M. Michel Voisin, faisant référence au rapport sur l’exécution de la loi de programmation militaire, et relevant que ce document mentionnait les programmes abandonnés à l’issue de la revue de programmes, s’est demandé si l’ensemble des sommes dépensées sur ces programmes avait fait l’objet d’une évaluation.

M. Jean Michel a estimé que les choix faits à l’issue de la revue de programmes représentaient une adaptation réaliste de la loi de programmation militaire aux facultés financières de la France et qu’ils permettaient de clarifier les perspectives d’activité des industriels. Il a estimé qu’il était impossible de continuer, comme c’était le cas auparavant, de voter des crédits budgétaires qui ne correspondaient pas à la réalité des dépenses effectivement réalisées, rappelant que les annulations de crédits avaient représenté, en 1995, 15 % et, en 1996, 11 % des dépenses nettes. Il a souligné les difficultés que de telles modifications des dotations en gestion avaient créées pour le contrôle parlementaire.

Il a fait observer que certains programmes, comme les programmes de satellite Horus, de torpille lourde, de missile AC3G-LP et de missile porte-torpilles Milas, avaient été abandonnés seulement à l’issue de la période de développement, la décision d’acquisition de ces systèmes ou d’autres systèmes équivalents ayant été repoussée à une date ultérieure.

M. Michel Voisin s’étant interrogé sur le cas de la torpille Murène, dont les études avaient coûté 1,9 milliard de francs, M. Jean Michel a répondu que le programme de torpille MU90 reprenait largement les études et le développement déjà effectués pour la torpille Murène.

Le Président Paul Quilès a souligné la nécessité de poser avec précision la question du coût des programmes abandonnés. Il a toutefois rappelé que chacun avait reconnu le caractère salutaire de la revue de programmes et que les pertes constatées aujourd’hui pourraient en réalité être autant d’économies pour l’avenir sur des dépenses consacrées à des équipements qui ne répondaient plus à nos besoins.

——fpfp——

La Commission a enfin examiné les crédits du Titre III pour 1999, sur le rapport de M. François Huwart, rapporteur pour avis.

M. François Huwart a exposé que le titre III du ministère de la Défense s’élèverait, pour 1999, à 104 milliards de francs hors pensions, contre 103,7 milliards de francs en 1998, soit une hausse de 0,12 % en francs courants et une baisse de 0,9 % en francs constants.

Il a souligné que cette évolution recouvrait elle-même deux mouvements inverses. La part consacrée aux rémunérations et charges sociales s’accroît : elles atteignent en effet 82,8 milliards de francs, en hausse de 2,86 % et représentent désormais 80 % du titre III contre 77,6 % en 1998. En revanche, les crédits de fonctionnement courant diminuent de 2,1 milliards de francs. De 23,2 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 1998, ils passeront à 21,1 milliards de francs dans le projet de budget pour 1999. Ils baissent ainsi de 9 % en francs courants, plus encore si l’on raisonne en francs constants.

Il a estimé que cette divergence amenait à traiter séparément des charges de personnel et de fonctionnement, même si ces deux catégories de dépenses étaient très liées. Il a relevé à ce propos que la difficulté était précisément d’évaluer la corrélation entre la diminution des effectifs et celle des crédits de fonctionnement.

Le rapporteur pour avis a alors exposé que la professionnalisation des effectifs continuait à s’effectuer de façon tout à fait satisfaisante et en conformité avec les prévisions de la loi de programmation militaire. A la fin de 1998, les effectifs réels, globalement et par catégorie, correspondent aux effectifs fixés pour l’annuité 1999. Les postes budgétaires prévus sont tous ouverts selon les prévisions : 52 postes d’officiers, 2 690 de sous-officiers et 38 982 d’appelés sont supprimés, tandis que 8 589 postes de militaires du rang engagés, 1 688 de civils et 4 751 de volontaires sont créés. L’effectif global est de 498 599, conforme à la programmation.

Il a indiqué que la politique des pécules, qui a montré son efficacité l’an dernier, serait reconduite cette année. La dotation en pécules dits « rénovés » s’élèvera à 810 millions de francs ; compte tenu de la baisse de 10 % de leurs montants, elle permettra d’assurer le départ aidé de 900 officiers (200 avec un pécule plein et 700 avec un pécule article 5) et de 2 000 sous-officiers.

Il a ajouté que le recrutement des militaires du rang se poursuivait de façon satisfaisante, la seule difficulté concernant les civils, pour lesquels un déficit de 12 % environ est constaté. Il a précisé que le ministère de la Défense travaillait cependant à le résorber, en organisant désormais des concours.

Le rapporteur pour avis a alors abordé les crédits de fonctionnement. Considérant que leur forte réduction méritait qu’on s’y arrête quelque peu, il a rappelé que la loi de programmation prévoyait une diminution de leur montant de 20 % entre 1997 et 2002.

A ce propos, il a souligné que la contraction des dépenses de fonctionnement courant s’inscrivait dans la logique de la professionnalisation, en cohérence avec la réduction du format. Il précisé qu’en 1999, conformément à la programmation, la réduction nette des effectifs ainsi que les restructurations se traduisaient par une économie mécanique de 1,2 milliard de francs sur les dépenses de fonctionnement courant.

Il a fait remarquer que la diminution des crédits de fonctionnement inscrite au projet de budget retraçait aussi, comme chaque année, des effets de structure, et que 950 millions de francs d’économies correspondaient à des mesures d’adaptation de périmètre qui ne réduisent pas les moyens des armées, telles que l’actualisation des cours des produits pétroliers, qui sont fortement à la baisse, pour 253 millions de francs, un ajustement des crédits budgétaires du Service de santé dû à l’augmentation prévue de ses ressources extrabudgétaires pour 168 millions de francs, ou encore des économies liées à la revue de programmes du titre V pour 75 millions de francs.

Il a ajouté que, pour un quart de leur montant, soit 400 millions de francs, les crédits d’entretien programmé du matériel du titre III, qui correspondent à des frais de main d’oeuvre, étaient transférés au titre V, où ils rejoignaient ceux du maintien en condition opérationnelle, qui correspondent aux pièces de rechange.

Le rapporteur pour avis a alors fait remarquer que, de ce fait, la réduction nette réelle du titre III était plus proche de 5 % que de 9 %.

Il a ensuite exposé que le budget de fonctionnement bénéficiait de mesures nouvelles et que 400 millions de francs étaient ainsi destinés, soit à compenser des dépenses nouvelles, comme les 110 millions de francs de charges héritées de la DIRCEN après sa dissolution, soit à ajuster les crédits aux besoins et à conduire les actions nouvelles consécutives à la professionnalisation ; 50 millions de francs de crédits nouveaux étaient ainsi prévus pour la sous-traitance, 60 millions de francs pour faire face à divers coûts de transition et de restructuration et 70 millions de francs pour tenir compte de l’évolution des dépenses de maintien de l’ordre.

Il a enfin expliqué qu’il apparaissait bien que 400 millions de francs d’économies seraient dégagés par des efforts importants d’amélioration de la productivité des armées et services et conclu que le ministère de la Défense contribuerait donc effectivement à l’effort général de rigueur budgétaire et de maîtrise des dépenses de l’Etat.

Analysant ces évolutions, le rapporteur pour avis a fait valoir que, sur un plan strictement comptable, le budget de fonctionnement, s’il était strict du fait des économies réalisées, n’apparaissait pas comme un mauvais budget. A l’appui de ce raisonnement, et tout en reconnaissant les limites de l’exercice, il a souhaité montrer ce qu’aurait pu être le budget 1999 dans la structure budgétaire 1998. Il a indiqué qu’en ajoutant à son montant de 21,1 milliards de francs, 2,55 milliards de francs dus aux économies structurelles et 110 millions de francs correspondant à la sous-traitance et aux restructurations, puis en en retranchant les 400 millions de francs d’économies déjà mentionnés, on obtenait un total de 23,36 milliards de francs correspondant peu ou prou pour 1999 à l’actualisation du budget de 1998, qui n’avait guère suscité de critiques.

Il a conclu qu’on ne pouvait donc pas dire que les crédits de fonctionnement pour 1999 marquaient une rupture par rapport à ceux de 1998.

En revanche, il a estimé que, s’il était clair que leur réduction était bien en adéquation avec la réduction du format des armées, elle impliquait qu’il y ait moins de dépenses effectives et supposait des réorganisations et des restructurations. Il a fait observer qu’avec moins d’argent, on ne nourrit pas seulement moins d’appelés, on entretient aussi moins de véhicules, on répare moins de bâtiments et que pour faire face à cette nouvelle situation, il fallait réduire le parc de camions, abandonner certains cantonnements, restructurer unités et services. Il a souligné qu’il ne fallait pas sous-estimer cet effort dont la difficulté pouvait être accrue par les mouvements de personnels liés à la professionnalisation.

M. François Huwart a cependant fait valoir qu’il avait été voulu, décidé et planifié par la loi de programmation militaire, tant lors de sa préparation que lors de sa discussion.

Il a jugé que la question était, non pas de savoir si les armées étaient soumises à une contrainte financière, mais si cette contrainte menaçait l’efficacité de l’outil de défense.

Il a avoué sa perplexité à ce sujet. Il a fait remarquer que, dans le budget de la Défense, les crédits de fonctionnement courant et les crédits opérationnels étaient très largement confondus, seule l’Armée de l’air séparant les dépenses de fonctionnement courant des bases aériennes (qui diminuent de 5,1 %) et les dépenses liées à l’activité opérationnelle (réduites de 1,4 % seulement). Il a estimé qu’avant toute interprétation, qui risquerait d’être hasardeuse, il convenait de veiller à ce que la nomenclature budgétaire permette une meilleure appréciation des contraintes financières entraînées par la programmation pour le fonctionnement de l’outil de défense, comme l’avait annoncé le Secrétaire général de l’administration devant la Commission.

En conclusion, le rapporteur pour avis a estimé que le budget de fonctionnement était effectivement un budget contraint, mais qu’il n’introduisait pas de rupture par rapport aux évolutions prévues par la loi de programmation militaire. Il a ajouté que l’Assemblée nationale devrait néanmoins rester attentive à son évolution et à ses conséquences.

Il a précisé que les années 2000 à 2002 permettraient d’apprécier la pertinence de la corrélation établie entre baisse des effectifs, restructurations et maintien en condition opérationnelle des armées. Dans la mesure où le titre III du projet de budget de la Défense pour 1999 correspondait aux prévisions de la loi de programmation militaire et où il était prématuré de s’interroger sur la nécessité de remettre en cause cette dernière, il a proposé que la Commission émette un avis favorable à son adoption.

M. Robert Poujade a considéré que la forte contrainte imposée aux dépenses de fonctionnement pouvait conduire à une rupture si elle était maintenue. Il a également estimé qu’il n’y avait pas de corrélation naturelle entre la déflation des effectifs et la réduction du titre III dans la mesure où la professionnalisation entraîne des coûts qui ont été sous-estimés. Il a fait observer que, si les difficultés étaient générales dans toutes les armées, elles étaient encore plus sensibles pour la Gendarmerie nationale dans la mesure où le niveau des dépenses de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales y a un impact immédiat sur les missions quotidiennes.

Après avoir constaté que les difficultés liées à la contrainte financière qui pesait sur les dépenses de fonctionnement de la Gendarmerie s’étendaient également aux autres armées, sauf peut-être à l’Armée de l’air dont le Chef d’état-major a exprimé moins d’inquiétudes, M. Michel Voisin s’est interrogé sur les conséquences réelles de cette contrainte sur les missions des forces armées. Il a à ce propos appelé l’attention de la Commission de la Défense sur les préoccupations exprimées par les Chefs d’état-major.

Comprenant la perplexité du rapporteur pour avis, M. Arthur Paecht a considéré pour sa part que les dotations prévues pour le titre III n’étaient pas en adéquation avec la réduction du format des armées et que le coût de la professionnalisation avait été largement sous-évalué dans la mesure où des dépenses n’avaient pas été prévues ou avaient été incorrectement chiffrées. Il s’est demandé si, dès lors qu’une revue des programmes avait permis une révision des coûts d’équipement, il ne serait pas possible d’effectuer une revue des missions assignées aux armées. Il s’est également interrogé sur la possibilité, non seulement de réorienter ces missions mais également d’instaurer un partage de certaines d’entre elles avec d’autres pays européens.

Souhaitant situer la réflexion dans une perspective historique, le Président Paul Quilès a rappelé que le rapport parlementaire de M. Jean-Pierre Balkany avait estimé que le passage d’une armée mixte à une armée professionnelle permettrait une économie de 7 à 14 milliards de francs alors que le débat en cours semble accréditer l’idée contraire : une armée professionnelle paraît coûter plus cher qu’une armée mixte. Il a estimé qu’il était très difficile, à l’heure actuelle, de savoir si la professionnalisation, décidée par le Président de la République et acceptée par le Parlement, allait conduire à une réduction ou à une augmentation du titre III de la Défense. Il a souligné que l’éventuelle révision des missions assignées aux armées, en cohérence avec les objectifs fixés à la Défense nationale, ne pouvait être dissociée du débat sur la défense européenne, dans la mesure où l’essentiel des opérations conduites par les armées se déroulaient actuellement en coopération internationale. Il a souhaité en conséquence que soit établi un bilan de la professionnalisation et de ses conséquences sur l’équipement des armées et qu’une réflexion soit engagée sur la possibilité de partager des missions dans un cadre européen.

Approuvant la nécessité de faire le point sur la professionnalisation des armées, M. Arthur Paecht a rappelé qu’au moment du vote de la loi de programmation militaire 1997-2002, il avait estimé qu’elle resterait « mort-née » si certains choix d’équipement n’étaient pas révisés et a regretté qu’au moins un programme majeur n’ait pas alors été supprimé. Il a évoqué les conséquences de la professionnalisation sur les coûts de fonctionnement du Service de santé des armées et observé qu’aucune dotation n’était prévue pour le financement de contrats passés avec des médecins civils, par exemple des radiologues auxquels il pourrait être nécessaire de faire appel dans les hôpitaux militaires.

Après avoir également estimé qu’il convenait de s’interroger sur l’opportunité d’une révision de la programmation militaire et d’une modification des missions des armées, M. Robert Poujade a rappelé que certains Chefs d’état-major avaient présenté devant la commission des solutions innovantes et faisaient ainsi preuve d’une grande capacité d’adaptation. Il a fait observer que le reproche pourrait être fait au Parlement d’éviter les choix budgétaires et de différer les décisions.

M. André Vauchez, rappelant que la professionnalisation avait été aussi engagée dans l’espoir de réaliser des économies sur les dépenses de fonctionnement, a fait remarquer que les difficultés étaient réelles pendant la période de transition, ce qui expliquait le désarroi de certains responsables militaires. Il s’est montré convaincu que les états-majors n’avaient pas toujours de projets précis pour tirer les conséquences des réductions budgétaires, par exemple dans les domaines de l’entretien des infrastructures et des équipements. Il a regretté que le débat sur la professionnalisation n’ait pas permis d’anticiper les difficultés actuelles de sa mise en oeuvre et a souligné l’ampleur des changements qui devaient encore être menés.

M. Guy Teissier a estimé que le désarroi des chefs d’état-major était compréhensible au regard de la révolution que connaît actuellement le système de défense français et s’est demandé quelle institution, publique ou privée, serait capable de mener à bien de tels changements dans un délai si bref. Il a reconnu que si, traditionnellement, l’armée était muette, on ne pouvait reprocher à ses membres de s’exprimer dans le contexte actuel. Il a admis que les coûts liés à la professionnalisation n’avaient pas été suffisamment maîtrisés, tout en faisant observer que les armées se situaient actuellement dans une période intermédiaire difficile, pendant laquelle elles devaient gérer deux pôles antinomiques, une armée de conscription en extinction progressive et une armée professionnelle en cours de constitution.

Le Président Paul Quilès a estimé que, si des erreurs d’évaluation du coût de la professionnalisation avaient été commises, notamment au Parlement, les spécialistes les plus aptes à analyser ce coût étaient certainement les militaires. Il leur revenait donc d’informer le Parlement de manière suffisamment précoce sur les problèmes qu’ils rencontraient. A ce propos, le Président Paul Quilès a émis le voeu que l’Assemblée nationale puisse disposer rapidement et suffisamment en amont d’indications sur les évolutions à venir.

M. Guy Teissier a estimé que le curseur budgétaire serait d’autant plus facile à manipuler que l’on se rapprocherait d’une situation d’armée professionnelle. Il a jugé qu’à ce moment, il deviendrait plus facile d’arbitrer entre l’évolution des missions, le format et le niveau des crédits.

M. Didier Boulaud a fait valoir que la représentation nationale n’était pas la seule à avoir fait des estimations erronées du coût de la professionnalisation, rappelant que les députés n’avaient pas été associés au Comité stratégique, auquel participaient en revanche les Chefs d’état-major.

M. François Huwart a noté qu’alors que la professionnalisation entrait dans sa troisième année de mise en œuvre, c’était la première fois que les chefs d’état-major mettaient en question l’adéquation du titre III à cette réforme.

M. Charles Cova a jugé que c’était tout à fait compréhensible puisque les armées se trouvaient dans une période de transition où elles rencontraient des difficultés nouvelles et spécifiques.

M. François Huwart a indiqué qu’il était également perplexe sur les évaluations faites par les armées de la situation actuelle et des évolutions prévisibles. Rappelant que dans le cadre de la loi de programmation militaire, il était prévu que les dépenses de fonctionnement connaissent une baisse de 5 % par an, en corrélation avec la réduction du format, il s’est étonné que les militaires n’aient pas, à ce moment-là, exprimé leurs doutes sur le réalisme des évolutions envisagées.

Il a reconnu, en écho à M. Robert Poujade, que les crédits de fonctionnement de la Gendarmerie soulevaient, dans le projet de budget, une réelle difficulté. Il a toutefois souligné que les armées se situaient actuellement dans une phase de transition et que, si l’on pouvait, comme l’avait fait le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d’état-major des armées, se poser la question de l’évolution des crédits de fonctionnement à long terme, il fallait cependant être conscient qu’à cette échéance, les données budgétaires seraient totalement modifiées.

Le Président Paul Quilès a remarqué qu’effectivement, un raisonnement reposant sur la transposition dans l’avenir des situations actuelles n’était pas vraiment pertinent dans la mesure où il supposait que des dépenses telles que les charges de fonctionnement évoluaient toutes choses égales par ailleurs, ce qui ne sera pas le cas.

S’agissant du Comité stratégique, M. Michel Voisin a rappelé que ses travaux avaient conduit à la définition des missions développées dans le Livre Blanc et que la question posée aujourd’hui était celle du lien entre ces missions et la professionnalisation.

M. Arthur Paecht a proposé que les préoccupations exprimées par les membres de la Commission fassent l’objet d’une observation dans l’avis présenté par M. François Huwart.

M. Charles Cova a alors proposé une observation concernant, d’une part la situation des sous-lieutenants retraités, et, d’autre part, celle des veuves dites allocataires. Il a indiqué que le Ministre de la Défense avait, dans un courrier, reconnu le caractère injuste de la situation des sous-lieutenants retraités mais qu’il n’avait pas encore été possible d’y porter remède pour des raisons budgétaires malgré le coût très limité de la mesure. M. Charles Cova a proposé à la Commission d’attirer l’attention du Ministre de la Défense sur ce point, tout en indiquant qu’il soulèverait également la question en séance publique dans le débat relatif aux crédits de la Défense, en suggérant une solution consistant à compléter la pension de ces retraités afin qu’ils puissent obtenir réparation.

S’agissant des problèmes posés par la professionnalisation, il a proposé que, pour favoriser l’embauche de civils, une prime de reconversion et de mobilité soit créée, sur le modèle du pécule destiné à favoriser le départ des militaires.

M. François Huwart a rappelé que le principe de reconstitution d’une carrière pour le calcul de la retraite était personnel et qu’il ne pouvait y avoir de mesures générales en la matière. Il a cependant estimé que l’observation de M. Charles Cova relative à la situation des sous-lieutenants retraités avait le mérite d’appeler l’attention du ministère de la Défense sur une situation à laquelle il convenait de porter remède. Il a observé que le versement de primes pour la reconversion des personnels civils et la mobilité géographique était techniquement possible et s’effectuait dans certains ministères. Il a cependant précisé qu’aucune dotation n’avait été prévue à cet effet dans le projet de budget du ministère de la Défense. Il a enfin souligné que le budget de la Défense n’était pas le seul où les chapitres consacrés aux rémunérations et charges sociales constituaient l’essentiel des dépenses ordinaires et que c’était en particulier le cas du ministère de l’Education nationale.

M. Charles Cova a fait alors valoir que, si les salaires des enseignants étaient effectivement versés par l’Etat, la construction et l’entretien des infrastructures de l’Education nationale étaient pris en charge par les collectivités locales. Il a rappelé que le titre III du budget de la Défense comprenait les crédits destinés à l’activité et à l’entraînement des forces, ce qui justifiait les craintes exprimées par les responsables militaires.

M. François Huwart a considéré que ces craintes paraissaient parfois exagérées.


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