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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 octobre 1999
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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Projet de loi de finances initiale pour 2000 (n° 1805)

- Audition de M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l'Administration du ministère de la Défense

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La Commission a entendu M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l'Administration du ministère de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805).

Se proposant de présenter d'abord l'état de la professionnalisation en centrant son propos sur la situation du personnel civil, M. Jean-François Hebert, a indiqué qu'il aborderait ensuite les réformes de structures en cours, et en particulier la fusion imminente des administrations de la Défense et des Anciens Combattants.

Considérant que la professionnalisation se déroulait globalement bien, il a précisé que la Défense devrait compter 440 000 personnes (hors comptes de commerce) en 2002 contre 573 000 en 1996. L'objectif fixé pour l'année prochaine par la loi de programmation militaire et par le projet de loi de finances est de 474 000 personnes, prévision qui a toutes les chances de se réaliser. Les cadres, officiers et sous-officiers, dont le nombre doit diminuer (respectivement de 267 et de 15 500 unités en six ans) quittent les armées au rythme attendu, les départs prévus en 1999 étant déjà intervenus dès le 1er septembre. Il est très probable que les armées, notamment l'armée de Terre et l'armée de l'Air anticiperont, dans les mois qui viennent, les évolutions de l'année prochaine. Due en partie à la reprise de la croissance, cette situation favorable témoigne aussi de l'efficacité des mesures d'aide au départ mises en place par le ministère de la Défense : 156 officiers ont bénéficié cette année d'un pécule moyen de 450 000 francs tandis que 2 553 sous-officiers ont reçu une somme de 263 000 francs. Les crédits pour 2000 devraient permettre de continuer à encourager le départ de 192 officiers et 2 534 sous-officiers.

Pour les années de la période de programmation restant à courir, l'effort continuera également à porter sur les congés de reconversion dont 3 700 militaires ont bénéficié en 1998. Ils devraient être 5 000 en 1999 et encore davantage en 2000 puisque les crédits consacrés à ce type d'action passeront de 15 à 17,5 millions de francs.

La situation des engagés, dont le nombre doit croître de 44 552 à 92 527 en six ans, se présente tout aussi bien. Les objectifs de l'année 1999, tant en ce qui concerne les engagés volontaires de l'armée de Terre (EVAT) que les techniciens militaires de l'Air (MTA) ont été atteints dès le 1er octobre. Il convient de souligner la grande qualité des jeunes qui s'engagent, en dépit de la concurrence du secteur privé, ce qui augure bien de l'avenir.

Malgré un manque de recul qui incite à la prudence, le même constat peut être fait pour les volontaires dont l'objectif de recrutement, fixé à 4 751 pour 1999, sera dépassé dès le mois de novembre.

En dépit de variations saisonnières et géographiques, la transition vers la professionnalisation se réalise également conformément à la loi de programmation pour ce qui concerne les appelés dont le nombre de 99 000 cette année passera à 62 500 en 2000. Les conditions satisfaisantes dans lesquelles se déroule la réforme démontre la pertinence du choix d'une durée de six ans pour opérer une mutation aussi ambitieuse.

Considérés comme des professionnels à part entière, les civils dont le rôle a été clairement défini par la loi de programmation constituent l'un des éléments du « noyau dur » de l'armée professionnelle. La diminution du format des forces conduit à affecter prioritairement les personnels militaires dans les emplois opérationnels, renforçant ainsi la place des personnels civils. Alors qu'à la veille de la professionnalisation, le ministère de la Défense comptait (hors DCN) environ 74 000 agents civils, ce chiffre devrait passer à 83 000 en 2002, soit 9 300 de plus (+ 12,3 %) en six ans ou 1 550 emplois supplémentaires par an en moyenne. De 13 %, leur part devrait passer à 19 % des effectifs totaux de la Défense, ce qui reste néanmoins inférieur aux taux observés dans les armées étrangères comparables.

Le projet du budget pour 2000 prévoit l'ouverture brute de 3 487 postes supplémentaires, associée à une mesure nouvelle de sous-traitance gagée par des emplois non pourvus. Toutes ces créations ont été « pyramidées », c'est-à-dire qu'elles concernent tous les grades d'un même corps et pas seulement le premier d'entre eux. Au 1er septembre 1999, 9 925 emplois (6 500  de fonctionnaires et contractuels, et 3 500 d'ouvriers) étaient vacants, nombre qui devrait être ramené à 5 900 au 31 décembre de cette année du fait du recrutement en cours de près de 4 500 fonctionnaires. Mais ces données globales recouvrent des situations très variables d'un service ou d'une armée à l'autre. Il convient en outre de distinguer les fonctionnaires et les ouvriers d'Etat.

Budgétairement, le ministère de la Défense compte, en 1999, 37 000 fonctionnaires et 7 000 contractuels. Le déficit prévisionnel de ces personnels devrait être de l'ordre de 2 000 emplois à la fin de l'année, soit 4,3 % de l'effectif total. M. Jean-François Hebert a rappelé que le ministère de la Défense est soumis à la « mise en réserve » de 1 100 emplois. Il a par ailleurs précisé qu'antérieurement, les forces armées perdaient chaque année plusieurs centaines d'emplois de fonctionnaires. Depuis 1997, la Défense figure parmi les rares administrations publiques qui bénéficient de créations nettes d'emplois, inversion de tendance qui n'a pu s'opérer immédiatement et qui a généré dès le début un déficit important (3 627 vacances au 31 décembre 1998). Les efforts engagés pour améliorer la situation portent à la fois sur une accélération des dates d'ouverture des concours et sur les modalités de leur déroulement (réduction des délais de procédure, amélioration de l'information des candidats, limitation de la mobilité géographique des lauréats des concours internes...) de manière à en améliorer le rendement.

Au total, près de 7 800 emplois de fonctionnaires auront été créés entre 1997 et 2000 : environ 2 700 dans des corps administratifs, 2 100 dans des corps d'ouvriers fonctionnaires, 1 700 dans des corps techniques, 1 000 dans des corps de personnels paramédicaux et 300 dans des corps de personnels enseignants et de bibliothèque.

Le ministère de la Défense compte 54 506 emplois d'ouvriers d'Etat en 1999 dont 32 000 dans les forces armées, 9 000 à la DGA hors DCN et un peu plus de 12 000 à la DCN. Au 31 décembre de cette année, 3 900 de ces emplois pourraient être vacants, ce qui correspond à un déficit légèrement plus faible que celui constaté au 31 décembre 1998 (4 026). Ces vacances ne procèdent nullement d'une désaffection des civils pour ces postes que les armées pourraient pourvoir sans difficulté grâce aux nombreuses candidatures dont elles disposent. Mais la gestion des personnels civils de la Défense, et singulièrement celle de la DGA, ayant longtemps été marquée par d'importants sureffectifs d'ouvriers d'Etat, on considère logiquement que les postes ouverts doivent être pourvus par mobilité interne en y affectant des agents issus de secteurs excédentaires. Les mesures du dispositif « formation-mobilité » qui accompagnent cette politique ont donné des résultats extrêmement positifs : en 1997, 1 600 personnes provenant essentiellement de la DCN ont rejoint les armées. En 1998, 750 autres agents ont effectué cette démarche et les prévisions portent sur 500 mutations pour l'année en cours.

Mais ce mouvement s'est sensiblement ralenti à la DCN, les personnels concernés attendant le décret autorisant le dégagement des cadres à 52 ans, pris le 1er mai 1998, ainsi que l'annonce des orientations relatives à l'avenir de ce service industriel. Une relance de la mobilité est à présent indispensable si l'on veut atteindre les objectifs du plan qui fixe, pour 2002, à 12 500 (hors effet de l'aménagement et réduction du temps de travail) les effectifs de la DCN qui atteignent aujourd'hui 16 000 personnes. Un autre moyen de réduire les déficits consiste à obtenir de la Direction du Budget des autorisations exceptionnelles d'embauche. 150 emplois ont ainsi été ouverts en 1997 et 500 en 1998. D'autres ont été demandés pour 1999. Par ailleurs, la décision de limiter désormais le dégagement des cadres à 55 ans aux ouvriers dont l'emploi est supprimé dans le cadre d'une restructuration devrait se traduire par une réduction du nombre des départs intervenant en cours d'année.

Considérant que certains postes ne requièrent pas les qualifications qui sont celles des ouvriers d'Etat, le ministère de la Défense développe également le recours aux ouvriers fonctionnaires et prévoit dans le cadre du budget 2000 de créer 1 100 emplois dans cette catégorie. Cette mesure suppose cependant un travail de différenciation entre les fonctions occupées par les uns et par les autres.

Enfin, en contrepartie du gage de 1 100 emplois non pourvus, 216 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires seront consacrés à la sous-traitance. Ces ressources devraient permettre de recourir à des entreprises extérieures pour accomplir des tâches que ni les militaires, parce que ce n'est pas leur vocation, ni les civils, parce que ce n'est pas de leur niveau, ne souhaitent accomplir. Cette mesure, bien que modeste, est entourée de garanties : elle est réversible, suivie en gestion sur des lignes particulières et fait l'objet d'une délimitation précise de son champ d'application. Elle doit être replacée dans un contexte où, déjà aujourd'hui, la Défense consacre 2,8 milliards de francs à la sous-traitance.

Compte tenu des différentes mesures prévues dans le projet de budget (sous-traitance, transformations et suppressions d'emplois), l'année 2000 devrait commencer non pas avec un sous-effectif d'ouvriers d'Etat, comme c'était le cas en 1999 (- 1 733) mais avec un léger sureffectif global (+ 325).

Abordant les actuelles réformes de structure du ministère de la Défense, le Secrétaire général pour l'Administration a évoqué les nombreux chantiers juridiques nécessaires à leur mise en _uvre :

- un grand nombre d'états-majors ou de directions se sont engagés dans la refonte plus ou moins poussée de leur organisation (Etat-major des Armées, Délégation générale pour l'Armement, Etat-major de l'armée de Terre, Direction générale de la Gendarmerie nationale, Direction du Renseignement Militaire, Direction de la protection et de la sécurité de la défense et commissariat de l'armée de Terre) ;

- l'armée de Terre achèvera en 2000 sa réorganisation territoriale autour de cinq régions qui se substitueront aux neuf circonscriptions militaires de défense actuelles. Cette modification nécessitera de redéfinir le cadre des relations civilo-militaires ;

- la transformation de la Direction des Constructions Navales en service à compétence nationale (SCN) directement rattaché au Ministre nécessite notamment deux décrets en Conseil d'Etat qui devraient être publiés au début de l'année prochaine ;

- le Ministre a en outre demandé la création de deux nouveaux services. Le service d'entretien de la flotte, sous l'autorité du Chef d'état-major de la Marine, regroupera, sous une forme intégrée, des éléments dispersés entre la DGA et la Marine. Le service de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques des trois armées vise également à gagner en coût et en efficacité ;

- le transfert du contrôle des armements, de la Direction des relations internationales de la DGA vers la délégation aux affaires stratégiques, est décidé.

Toutes ces réformes, d'une ampleur exceptionnelle impliquent la préparation ou la modification de 150 décrets ou arrêtés.

M. Jean-François Hebert a alors fourni des précisions sur la fusion des administrations de la Défense et des Anciens combattants. Il a rappelé que cette réforme était devenue indispensable sur le plan administratif, car le secrétariat d'Etat aux Anciens combattants est confronté, depuis plusieurs années, à une diminution de sa charge de travail : 5,5 millions de ressortissants il y a 30 ans, 4,5 aujourd'hui et probablement 2,2 dans 20 ans ; 1,6 million de pensionnés à la fin des années 1960, moins de 600 000 aujourd'hui. Le budget de 29 milliards de francs il y a 10 ans sera ramené à 25 milliards de francs en 2000. Les effectifs d'un niveau de 7 000 personnes - Office national des Anciens combattants (ONAC) et Institution nationale des Invalides (INI) compris - il y a 20 ans, s'établiront à un peu moins de 4 000 l'année prochaine.

Le secrétariat d'Etat a effectué un grand nombre de réformes au cours de ces dernières années mais est parvenu au bout de ses capacités d'adaptation interne. Le ministère de la Défense a été choisi de préférence à celui des Affaires sociales, pour accueillir cette administration.

Sur le plan politique, la sensibilité du monde combattant et son attachement à une organisation spécialement chargée de ses problèmes supposaient sa pleine adhésion à la réforme, engagée dès la nomination de M. Jean-Pierre Masseret en qualité de Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants auprès du Ministre de la Défense.

De nombreuses consultations des associations nationales, notamment à l'occasion de leurs congrès entre mai et novembre 1998, et des associations départementales ont permis de préparer la réforme. Le consensus dégagé entre ces associations et le secrétariat d'Etat prévoit le maintien d'un interlocuteur de niveau ministériel au plan politique, d'un budget autonome finançant le droit à réparation et les actions en faveur de la mémoire, d'une direction d'administration centrale spécifique, de directions interdépartementales ainsi que de l'ONAC et de l'INI.

Le Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants a vu son titre et ses attributions modifiés par le décret du 23 mars 1999 et est devenu Secrétaire d'Etat à la Défense chargé des Anciens combattants, son champ de compétence ayant été étendu parallèlement au service national universel, aux réserves militaires, au lien Armée-Nation et à la « politique de mémoire ».

Concomitamment à cette réforme, les services du Secrétariat général pour l'Administration ont été réorganisés autour de ses quatre principaux domaines d'activité (finances, personnel, affaires juridiques et patrimoine), la direction du service national lui ayant été également rattachée.

M. Jean-François Hebert a précisé que l'administration des Anciens combattants devrait se fondre au sein du Secrétariat général pour l'Administration du ministère de la Défense qui comptera alors deux directions supplémentaires : la Direction des Statuts, des Pensions et de la Réinsertion sociale, chargée du droit à réparation, et la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives. Le Secrétariat général pour l'Administration assurera également la tutelle de l'ONAC et de l'INI sous l'autorité du Secrétaire d'Etat.

Le projet de budget pour 2000 comporte un transfert de crédits légèrement inférieur à un milliard de francs en provenance du budget des Anciens combattants. Cette somme correspond, au titre III, aux rémunérations des 2 000 personnes qui rejoindront la Défense (568 en administration centrale et 1 437 dans les directions interdépartementales) et à leurs moyens de fonctionnement (928,5 millions de francs au total), et aux titres V et VI, aux dépenses d'investissement des services concernés pour 20,3 millions de francs. Les crédits consacrés au droit à réparation, de même que ceux alloués à l'ONAC et à l'INI (24,1 milliards de francs au total) demeureront, quant à eux, identifiés dans un fascicule distinct.

M. Charles Cova a souligné la nécessité de maintenir le cumul de la retraite proportionnelle avec la rémunération d'un emploi public et a contesté le principe du reversement du pécule lors du reclassement d'un militaire dans un emploi public civil. Il a également préconisé de proposer davantage de postes civils aux personnels militaires, sous réserve d'une adaptation éventuelle des règles relatives au pécule. Il a enfin relevé que la sous-traitance était à présent destinée à pallier les vacances de postes civils, alors qu'initialement ce besoin devait être satisfait par la mobilité des personnels de GIAT Industrie et de la DCN en sureffectifs. Il a observé enfin que les crédits du ministère des Anciens combattants subissaient une diminution de l'ordre de 2,6 milliards de francs alors que les responsabilités du Secrétaire d'Etat ont été élargies.

M. Antoine Carré a souhaité obtenir des précisions sur les différences entre les statuts des ouvriers d'Etat et des ouvriers fonctionnaires.

M. Alain Clary s'est inquiété du risque qu'un accroissement du recours à la sous-traitance dans le cadre de la professionnalisation se traduise par une baisse de la qualité des prestations fournies aux armées. Revenant sur la fusion entre l'administration du ministère de la Défense et celle du Secrétariat d'Etat aux Anciens combattants, il a souhaité avoir des précisions sur le devenir des Directions départementales et interdépartementales de cette dernière.

M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l'Administration a apporté les éléments de réponse suivants :

- il est essentiel que les règles relatives au cumul de la retraite des militaires avec une rémunération d'activité ne nuisent pas à leur reconversion. Les dispositifs existants concernant les militaires sont donc à reconduire ;

- la sous-traitance a pour objet d'améliorer le service rendu à moindre coût pour certaines fonctions. Elle ne saurait concerner les emplois publics par nature, comme ceux d'encadrement ou de contrôle ;

- les responsabilités nouvelles du Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants sont prises en charge par les services et financées par les moyens du ministère de la Défense qui y étaient déjà dédiés ;

- les différences de situation entre ouvriers de l'Etat et ouvriers fonctionnaires concernent non seulement leur recrutement, celui des seconds étant assuré par concours alors que les premiers s'inscrivent sur un registre d'embauchage et subissent un examen d'aptitude, mais également leur carrière, les ouvriers de l'Etat pouvant partir en retraite à 55, voire 52 ans à la DCN. D'autres différences existent dans leurs régimes de pension et de rémunération ;

- la loi réserve un certain nombre de places de l'administration civile aux militaires. De l'ordre de 300 postes leur sont ainsi ouverts chaque année dans le cadre de la professionnalisation. Toutefois, tous ne sont pas toujours pourvus en raison de l'inadéquation du niveau de qualification des personnels concernés.


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