ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION DES FINANCES,
DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
COMPTE RENDU N° 75
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 30 septembre 1998
(Séance de 18 heures)
Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président
SOMMAIRE
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Audition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de lÉquipement, des Transports et du Logement, sur les crédits de son ministère pour 1999. Nomination dun rapporteur sur la proposition de résolution visant à créer une commission denquête sur Air France (n° 980) de MM. Dominique Bussereau, François dAubert et Gilbert Gantier.
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La Commission a procédé à laudition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de lÉquipement, des Transports et du Logement, sur les crédits de son ministère pour 1999.
M. Jean-Claude Gayssot a tout dabord souligné que le projet de budget pour 1999, dune part, manifestait une volonté de consolider les premières inflexions qui, dans le budget de 1998, traduisaient les priorités nouvelles du Gouvernement, et, dautre part, ménageait plusieurs transitions, tenant compte de la préparation des schémas de services de transport, des futurs contrats de plan ainsi que de laboutissement des réflexions engagées sur le financement des concessions autoroutières, laménagement urbain ou les transports collectifs. Il a ajouté quil serait heureux dintégrer à ses travaux les réflexions de la commission des Finances.
Il a ensuite rappelé que son budget sélevait pour lensemble de ses composantes, y compris la dotation en capital de 13 milliards de francs à Réseau ferré de France, à 160 milliards de francs, ce qui représentait une augmentation de 3,2 % par rapport à 1998, et environ 10% du budget de lÉtat.
Évoquant la première priorité de son budget, le logement social et laménagement urbain, il a précisé que les crédits de lurbanisme et du logement progressaient de 2,2 % en crédits de paiement et de 3,6 % en autorisations de programme pour atteindre un montant de 49 milliards de francs, ce qui permettrait de maintenir les programmes de construction et de réhabilitation à un niveau élevé avec 80.000 prêts locatifs aidés neufs et la réhabilitation de 120.000 logements HLM et de 200.000 logements dans le parc privé et ancien. Après avoir indiqué que le volume de prêts à taux zéro permettrait de financer la construction de 110.000 logements, il a souligné la hausse de 6 % de la dotation consacrée à lactualisation, comme en 1998, des aides au logement, venant après plusieurs années de non-revalorisation.
Le Ministre a par ailleurs évoqué son intention de garantir sur le long terme les moyens du 1 % logement ainsi que de mettre en uvre le statut du bailleur privé qui permettra de développer une offre de logement à loyer maîtrisé grâce à un régime dinvestissement très incitatif. Il a enfin indiqué que les crédits consacrés aux agences durbanisme, aux grandes opérations durbanisme et à la politique foncière étaient maintenus.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite abordé la seconde priorité de son budget, le soutien aux transports collectifs et ferroviaires, pour laquelle, compte tenu des dotations budgétaires du fonds dinvestissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), du fonds pour laménagement de la région Ile-de-France (FARIF) et des concours financiers à Réseau ferré de France (RFF), 60 milliards de francs au total étaient prévus. Il a estimé que ces crédits permettraient daccélérer le rééquilibrage en faveur des transports collectifs et ferroviaires grâce à la réalisation du programme de lignes à grande vitesse, à la modernisation du réseau classique et aux transports combinés qui bénéficieront de 2,1 milliards de francs en 1999, soit un doublement des crédits en deux ans.
Il a précisé que le soutien à la réalisation de transports collectifs bénéficierait de crédits en croissance de 10 % comme en 1998, et que Réseau ferré de France se verrait attribuer un concours de 13 milliards de francs, conforme à lengagement triennal, et destiné à lui permettre de stabiliser son endettement et à éviter ainsi le développement dune charge qui serait devenue vite insupportable.
Abordant ensuite le rééquilibrage entre modes de transport, il a évoqué laugmentation des crédits en faveur du transport combiné et du transport fluvial, lamélioration de la chaîne de transport de fret grâce à la remise en état de certaines infrastructures portuaires et à la croissance des crédits accordés aux ports maritimes qui sélèveront en 1999 à 625 millions de francs.
Pour illustrer la troisième priorité de sa politique, assurer des meilleures conditions de sécurité dans les déplacements, il a souligné la progression de 4 % des moyens applicables à la politique de lutte contre linsécurité routière en citant le renforcement des procédures denquêtes administratives lors des accidents, lamélioration du réseau routier existant grâce à laugmentation de 6 % des crédits dentretien et de réhabilitation. Il a ajouté que les investissements de sécurité seront développés comme le montraient le programme pluriannuel de résorption des passages à niveau, laugmentation des moyens des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage et la généralisation de la mise en sécurité de laccès aux zones réservées des 35 premiers aéroports commerciaux avant lan 2000 ou encore léquipement des aérogares en contrôle des bagages de soute avant la fin 2002.
Après avoir rappelé limportance du soutien à linvestissement public civil résultant des programmes exécutés par le ministère de lÉquipement et des entreprises sous sa tutelle, le Ministre a annoncé que le budget du Tourisme progresserait de 7,2 % en 1999. Il a reconnu que la légère diminution des investissements routiers neufs ne permettrait pas dexécuter totalement les contrats de plan. Considérant que lensemble des besoins nétaient pas satisfaits dans le domaine routier, il a appelé à une réflexion sur les moyens de dégager les financements correspondants dans le projet de loi de finances pour 2000.
Tout en souscrivant à lobjectif de stabilité des effectifs de la fonction publique fixé par le Premier ministre, il a déploré que les 16.000 suppressions demplois pratiquées par les gouvernements précédents aient pour lessentiel affecté, au cours des quinze dernières années, le secteur de lentretien et de lexploitation routière et il a indiqué quil avait, en conséquence, demandé et obtenu que le nombre de suppression demplois soit ramené de 1.000 à 490. Il a précisé que les effectifs atteindraient 111.683 emplois, soit une baisse nette de 268 postes, compte tenu des 227 emplois créés dans le secteur de la Navigation aérienne et de lAviation civile.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite insisté sur la réforme, par larticle 26 du projet de loi de finances, de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France. Après avoir rappelé que la loi, dite Pasqua, du 4 février 1995 avait prévu le transfert progressif du produit de cette taxe de lÉtat à la région Ile-de-France, il a indiqué que le Gouvernement navait pas souhaité revenir sur cette décision, mais quil entendait préserver durablement la capacité dintervention de lÉtat en matière de logement social, de transport collectif ou dinfrastructure routière en compensant la perte de ressources occasionnée par ce transfert, et proposait donc délargir, lassiette de la taxe et de préciser lévolution des tarifs de 1999 à 2004 afin de compenser la perte évaluée à 1,2 milliard de francs.
Le Ministre a enfin évoqué les mesures prises en urgence afin de tirer les conséquences de lannulation par le Conseil dÉtat des arrêtés fixant les taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne au motif que les dépenses financées par cette recette présentaient un caractère général impliquant leur financement par limpôt. Il a indiqué que le dispositif envisagé par le Gouvernement, portant création dun impôt spécifique au transport aérien, sintégrerait à la fois dans un projet de loi portant diverses dispositions sur le transport aérien et dans le projet de loi de finances pour 1999 ainsi que dans le projet de loi de finances rectificative pour ce qui concernait les dispositions fiscales. Il a souligné limportance de lenjeu financier de cette mesure tant pour les gestionnaires daéroports (2,3 milliards de francs) que pour lÉtat (5 milliards de francs).
M. Didier Migaud, rapporteur général, a interrogé le Ministre sur létat dexécution des contrats de plan par rapport aux engagements initiaux. Rappelant les mesures prises pour adapter loffre de transport de marchandises par voie routière la modernisation des entreprises de transport afin quelles sadaptent à la libéralisation du cabotage au niveau communautaire, le volet social de laccord de 1996, laccord de branche du 2 avril 1998 sur le congé de fin dactivité il a demandé des précisions sur le financement de ces mesures ainsi que sur les moyens de contrôle de lapplication de la législation du travail. Il a ensuite souligné lendettement des sociétés concessionnaires dautoroutes et a demandé quelles étaient les orientations du Gouvernement pour le financement des grandes voiries. Rappelant quaprès labandon du projet de canal Rhin-Rhône, la politique fluviale semblait se concentrer sur laménagement du bassin Seine-Nord et sur le déchirage des navires obsolètes, il a souhaité connaître la place exacte que le Gouvernement assignait au transport fluvial.
M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial des crédits des transports terrestres, a marqué limportance des transports collectifs comme solution à lengorgement des villes et à la lutte contre la pollution. Il sest, en conséquence, inquiété des capacités des collectivités locales à faire face aux dépenses de fonctionnement et dentretien liées aux investissements en faveur des transports collectifs en province et a demandé si lÉtat était en mesure dévaluer les coûts futurs du développement des infrastructures correspondantes, tant pour les collectivités locales que pour le budget national. Il a estimé que la cohérence de la politique des transports conduisait nécessairement à poser la question de laide de lÉtat.
Puis le Rapporteur spécial a demandé des précisions sur la réforme de Réseau ferré de France, la situation financière de cet établissement public et les relations quil entretenait avec la SNCF, en notant que, sur le terrain, ces relations, dans la gestion quotidienne, lui étaient parfois apparues délicates. Il a ensuite interrogé le Ministre sur le montant de la dette des sociétés dautoroutes et les modalités de gestion de cette dette, ainsi que sur une éventuelle révision du schéma autoroutier.
M. Jean-Louis Idiart a enfin fait part de sa préoccupation sur la présence des services de léquipement sur le territoire, et a considéré que le non-remplacement des personnels risquerait davoir des conséquences particulièrement graves dans certaines zones, notamment en montagne, pour les hivers à venir.
M. François dAubert, rapporteur spécial des crédits de laviation civile et de la météorologie, a mis laccent sur les rapprochements de grandes compagnies aériennes, notamment American Airlines et British Airways dun côté, les compagnies composant Star Alliance de lautre côté, et a estimé quAir France, en dehors des accords de partage de codes, demeurait dramatiquement absente de tout grand système de réseau mondial. Il sest demandé si le statut public de la compagnie nétait pas un obstacle à son développement et à la signature de telles alliances. Il a ensuite fait remarquer que les contrôleurs aériens semblaient échapper à lautorité de lÉtat, pratiquant une quasi-autogestion de leurs heures de présence, et a appelé en conséquence à un renforcement du contrôle de lÉtat sur la navigation aérienne, service public indispensable à la sécurité.
Le Rapporteur spécial a pris acte de la réforme de la fiscalité du transport aérien et des infrastructures aéroportuaires et a souhaité que le rendement des taxes créées par la future réforme natteigne pas un niveau supérieur au produit de la redevance actuelle. Il a ensuite dénoncé lapplication sans discernement des normes techniques routières, qui aboutit à des situations concrètes aberrantes comme il a pu en observer dans son propre département.
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial des crédits du tourisme, a relevé la progression satisfaisante du budget du tourisme, qui mettait un terme à un délaissement critiqué par des parlementaires de toutes tendances. Il a regretté que le projet de loi de finances ne contienne aucune mesure en faveur de la réhabilitation du parc immobilier de loisirs, et quà la différence du dispositif Périssol, il ne comporte aucune incitation fiscale à limmobilier de loisirs, alors que les besoins du secteur sont criants et quil est tout particulièrement nécessaire de rééquilibrer la fréquentation touristique sur le territoire français. Il a ensuite appelé lattention sur les possibles effets pervers de laugmentation de la fiscalité du gazole sur les coûts de fonctionnement des réseaux de transports urbains en province. Soulignant que ces réseaux ne bénéficiaient pas automatiquement de subventions de lÉtat à hauteur de leurs déficits, à la différence de lIle-de-France, il a constaté que leurs capacités de financement se trouvaient dès lors amputées par lévolution de la TIPP. Il a enfin demandé des précisions sur létat des négociations entre la Commission européenne et le Gouvernement français à propos de la mise en conformité au droit européen du système français de concession autoroutière.
Répondant aux rapporteurs, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de lÉquipement, des Transports et du Logement, a notamment apporté les précisions suivantes :
les contrats de plan seront exécutés à la fin de 1999 à hauteur de 81 % pour les routes et 55 % pour les ports. Il existe indéniablement un décalage entre la programmation et les résultats malgré la prolongation dun an de ces contrats et leffort des régions. Il faudra veiller à une meilleure adéquation entre les objectifs et les financements pour les prochains contrats de plan ;
toutes les promesses faites par le Gouvernement à loccasion du conflit des routiers ont été tenues à légard des transporteurs routiers. Certains points ne dépendent pas du Gouvernement mais des résultats des négociations paritaires : il nest pas question dadministrer le transport routier. Le mémorandum européen de décembre 1997 a prévu lharmonisation des lois sociales applicables aux transports routiers, pour éviter le dumping économique et social. Des négociations entre patronat et syndicats à léchelle européenne sont en cours sur la durée du travail, lintégration du temps de conduite et des temps de service, attente et repos. Une réunion des ministres des transports européens, le 17 octobre prochain, examinera les modalités de modification des règles européennes, élargissant la problématique aux transporteurs indépendants ;
le crédit consacré, dans le projet de budget pour 1999, à lamélioration de loffre de transport se ventile ainsi : 20 millions de francs pour la formation initiale et continue denviron 20.000 conducteurs ; 25 millions de francs pour le regroupement des entreprises de transport ; 5,5 millions de francs pour les fonds régionaux daides au conseil (FRAC) ; 180 millions de francs en faveur des congés de fin dactivité ; 16,3 millions de francs pour le contrôle routier ;
larticle 18 du projet de loi de finances prévoit le remboursement, au profit des entreprises de transport, de 3,5 centimes par litre au titre de la TIPP pour les véhicules supérieurs à 12 tonnes ; cette mesure ne concerne pas les transports publics urbains parce quils ne sont pas soumis à la concurrence. Il est prévu que le rattrapage du différentiel de la fiscalité sur le gazole avec les pays de la Communauté européenne sétale sur sept années, les transporteurs routiers ne paraissant pas mécontents, pour leur part, du dispositif de remboursement ;
dans le cadre des opérations de contrôle des infractions à la réglementation routière, qui ont porté sur 160.000 véhicules, ladministration a procédé à limmobilisation de 20.000 véhicules et constaté en particulier de nombreuses infractions à la législation sociale. Vingt-trois nouveaux postes de contrôleurs, sajoutant aux 405 emplois existants, sont créés par le projet de loi de finances ;
les décrets dapplication de la loi du 4 février 1998 sur les transports routiers sont presque tous parus ; seul reste en instance le décret relatif aux conditions dinscription sur le registre des transports des véhicules de plus de 3,5 tonnes quexamine le conseil de la concurrence ;
la réduction très importante quont connue depuis cinq ans les crédits de politique fluviale est regrettable, car le réseau fluvial est énorme (8.000 km) et un effort très important est nécessaire pour le remettre en état et permettre ainsi le développement du transport intermodal. Plusieurs projets sont à lexamen pour compléter ce réseau ; les résultats de lenquête publique sur le canal Seine-Nord sont actuellement étudiés par les services du ministère. Le soutien aux jeunes professionnels et à la constitution de groupements dartisans coexistant avec les armateurs fluviaux sera développé ;
une réforme des sociétés dautoroutes est nécessaire au regard de leur situation financière et de lenvironnement juridique : leur endettement atteint 150 milliards de francs, dont 140 milliards de francs pour les cinq concessionnaires publics ; linstauration depuis 1991 dobligations communautaires en matière de concessions autoroutières oblige à une négociation complexe avec la Commission européenne. Mais il nest pas possible dapprouver les évolutions réglementaires tout en imaginant pouvoir les contourner : le blocage des travaux sur lA86, avec un enjeu financier de 11 milliards de francs, suite à la récente décision du Conseil dÉtat jugeant que la procédure suivie navait pas été conforme à la réglementation communautaire, le montre bien. Lobjectif de la réforme envisagée, qui intégrera les travaux menés par la commission des Finances du Sénat, est de conforter les concessionnaires publics.
Le Ministre a tenu ensuite à préciser sa position sur les relations entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) et la réforme du système ferroviaire :
il convient dengager la « réforme de la réforme », car lapplication de la réforme initiée par le gouvernement précédent conduisait à un endettement intenable pour RFF (cet endettement aurait pu atteindre 200 milliards de francs) et menaçait lunicité du système ferroviaire. Pour autant, il ne sagit pas de revenir à la situation antérieure, car une certaine séparation entre maître duvre et maître douvrage doit être préservée ; la « réforme de la réforme » portera sur la dette, le renforcement de lunicité du système ferroviaire et les rapports sociaux à la SNCF et fera, dici trois ans, lobjet dun bilan sur ces trois points ;
sagissant de la dette, les contraintes budgétaires et européennes interdisent une reprise intégrale de celle-ci par lÉtat, comme dautres pays ont pu le faire ; toutefois, il convient de noter que la dette de la SNCF aura été réduite de 28 milliards de francs depuis lentrée en fonction du Gouvernement et quil est prévu une dotation de 13 milliards de francs pour RFF en 1999 (37 milliards de francs en trois ans), contre 8 milliards de francs dans le schéma initial. Quant aux péages, leur niveau doit être ajusté pour garantir à RFF des ressources suffisantes sans pénaliser outre mesure la SNCF ;
lunicité du système ferroviaire est menacée par certaines propositions « ultra libérales », au point que le gouvernement précédent lui-même sétait opposé au « livre blanc » de la Commission européenne. Dans sa résistance, la France nest pas dépourvue dalliés en Europe ; à léchelon national, il sera proposé de créer un Conseil supérieur du service public ferroviaire, qui sera une instance de proposition et dévaluation ;
enfin, le troisième volet de la réforme sattachera à améliorer les rapports sociaux à la SNCF ; il sagit notamment de sortir de la logique qui consiste à supprimer chaque année de 5.000 à 6.000 emplois de cheminots pour retourner à léquilibre financier, et dont lexpérience a montré quelle était une fausse solution.
Sagissant de lapplication des schémas directeurs (autoroutes, TGV...), le Ministre a indiqué dans quelles conditions certains éléments étaient remis en cause :
dune part, sont remis à plat les projets manifestement mal étudiés, avec une concertation insuffisante comme le segment autoroutier Grenoble-Sisteron. Compte tenu des risques dannulation contentieuse quaurait provoqué une déclaration dutilité publique prise sans tenir compte des variantes proposées, cette décision nentraîne, en fait, aucun retard dans la réalisation concrète de léquipement ;
dautre part, les ambitions affichées sont parfois disproportionnées aux financements disponibles : il faudrait ainsi quatre siècles pour financer les 2.300 km de TGV prévus au schéma directeur du gouvernement précédent.
M. Pierre Méhaignerie, reprochant au Ministre une présentation quelque peu caricaturale des choses, a alors fait observer que lon pouvait recourir à des financements autre que budgétaires.
M. Jean-Claude Gayssot a déclaré que cétait vers lÉtat que lon se tournait en dernier ressort ; il a précisé quil avait ainsi dû trouver les moyens nécessaires à la construction du TGV Méditerranée, qui nétaient pas disponibles à son entrée en fonction, et porter de 3,7 à 8 milliards de francs la participation de lÉtat à lédification du TGV Est.
A M. Gilbert Mitterrand, qui déplorait que le seul argument invoqué pour ne pas entreprendre détudes de faisabilité de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux fût quelle ne sinscrivait pas dans le schéma directeur national, M. Jean-Claude Gayssot, concédant que la concertation et les études de variantes devaient être prioritaires lors de la présentation des grands investissements, a rappelé que les schémas des services de transport établissaient une planification à lhorizon de vingt ans. Prenant lexemple du TGV Ouest, pour lequel les régions ne sont pas encore parvenues à un accord, il a déclaré quil convenait de laisser du temps à la concertation afin que des positions initialement divergentes deviennent compatibles.
M. Pierre Méhaignerie a alors rappelé quon avait fait état, pour le TGV Ouest, dune rentabilité économique telle que la réalisation de cet équipement sans recours à largent public paraissait envisageable. Il a demandé au Ministre ce quil conseillait de répondre aux responsables qui croient possible de faire la ligne TGV Le Mans-Rennes dans les cinq ans qui viennent.
M. Jean-Claude Gayssot a estimé que la conclusion dun accord entre les collectivités intéressées était une condition préalable nécessaire.
M. Pierre Méhaignerie layant jugée possible, le Ministre a précisé que le financement de lopération pouvait être dès lors envisagé à léchéance de deux contrats de plan.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite apporté de nouvelles précisions :
il est, de fait, nécessaire dintégrer les variantes dans les études préliminaires. Toutefois, il est notoire que, pour le TGV, tout le monde veut la gare et proscrit la ligne. Cest dailleurs pourquoi il faut resserrer les choix, sous peine de blocages qui, touchant un nombre important de personnes, font grandir dautant lopposition au projet ;
léventualité dune modification des critères de réalisation doit être également prise en considération ; il faut ainsi sinterroger sur lopportunité de construire des gares TGV à une trentaine de kilomètres des gares traditionnelles, tout en prenant en compte la saturation des réseaux, qui affecte notamment le transport de marchandises.
Revenant par ailleurs sur les suppressions demplois dans le secteur « entretien et exploitation » des services de lÉquipement, le Ministre a considéré quelle avaient atteint la limite au-delà de laquelle les missions ne pourraient plus être convenablement assurées ; il a ajouté que, dès lors, il avait insisté pour que les réductions deffectifs de ces personnels soient quatre fois moins importantes en 1999 quau cours des années passées, et relevé le contraste entre les demandes adressées individuellement au ministère par les parlementaires de lopposition et lhostilité systématique effectuée par celle-ci envers les dépenses de fonctionnement.
M. Jean-Claude Gayssot a ensuite répondu aux questions portant sur les transports aériens :
laccord franco-américain conclu, après une négociation de deux ans, au premier semestre de cette année, était une condition nécessaire pour que les compagnies américaines changent dattitude à légard des alliances. Mutuellement avantageux, il a permis daugmenter de 13 % le trafic entre la France et les États-Unis. Cet accord nest pas un accord de « ciel ouvert », et il noffre pas aux compagnies américaines lusage de la « cinquième liberté ». Des alliances allant jusquau partage de codes ont bien été conclues par Air France avec Delta et Continental ;
Air France a, par ailleurs, passé récemment avec la Chine des accords prévoyant le développement des liaisons vers ce pays ;
si, comme il faut lespérer, un accord est conclu avec les pilotes, louverture du capital dAir France deviendra possible, et permettra de renforcer lentreprise tout en la laissant dans le secteur public. Lappartenance dAir France au secteur public lui donne des capacités de rayonnement et dembauche précieuses à une époque où les opérations de fonds dinvestissement américains mettent en péril de grandes entreprises privées ;
un protocole daccord a été signé pour trois ans avec lensemble des syndicats des contrôleurs aériens ; on peut en mesurer toute la portée si lon veut bien se souvenir de la manière dont ont été gérés les conflits antérieurs, avec les conséquences funestes que lon sait. Par ailleurs, le ministère a récemment conclu avec le ministre de la Défense un accord visant à améliorer la gestion de lespace aérien. Mettre en cause la conscience professionnelle des personnels et de ladministration nest pas une attitude constructive ;
le rendement de la nouvelle taxe, dont la création sera prochainement proposée au Parlement, sera équivalent à celui de la redevance actuelle ;
la décision de faire tomber le couperet sur lamortissement Périssol à la fin de 1999 est de la responsabilité du gouvernement précédent. Le Gouvernement actuel a décidé, au contraire, de pérenniser ce dispositif en le modifiant par lintroduction de critères de garantie pour les locataires. Il est clair quen létat ce dispositif nouveau ne sapplique pas à limmobilier de loisirs ;
Mme Michèle Demessine, secrétaire dÉtat au Tourisme, a présenté le matin même un bilan du tourisme ainsi que ses choix pour lavenir ; lattention portée au budget du Tourisme, dont les crédits, certes en forte augmentation, demeurent dun montant limité, se justifie si lon veut bien se rappeler que la France est actuellement le premier pays touristique du monde et quil convient donc de soutenir le développement dun secteur fortement créateur demplois.
M. Yves Deniaud a plaidé pour une diminution de la TVA sur les transports urbains indispensable à leur développement. A propos du fret ferroviaire, il sest interrogé sur les perspectives de création de couloirs nord-sud et est-ouest permettant déviter lIle-de-France et le couloir rhodanien. Enfin, évoquant les inquiétudes des élus et des populations, il a souhaité obtenir des précisions sur le sort des programmes dautoroutes actuellement en suspens, notamment lA 28 entre Rouen et dAlençon.
Relativisant la progression du budget, M. Francis Delattre a fait observer que celle-ci résultait davantage de recettes extrabudgétaires, notamment des recettes de privatisation et le produit de la taxe sur les bureaux affectée au Fonds daménagement de la région Ile-de-France (FARIF), les dotations budgétaires proprement dites ne progressant que de 0,6 %. Se demandant si la progression des dépenses de fonctionnement nétait pas due pour une large part à la création demplois destinés à lentretien des routes, il sest interrogé sur les risques de double emplois avec les services décentralisés et a estimé souhaitable une définition claire des responsabilités respectives de lÉtat et des départements.
Il a rappelé que, depuis vingt ans, la loi attribuait à la région Ile-de-France la compétence en matière de transports, mais quelle nétait pas appliquée faute de moyens financiers, contre le voeu des élus franciliens de toutes tendances. Il sest ensuite déclaré déçu par lattitude prudente du ministre qui, en tant quélu révolutionnaire, aurait pu faire preuve daudace, et lui a demandé son avis sur la création dune ressource financière nouvelle telle quune taxe additionnelle à la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Se déclarant favorable à la création de dessertes tangentielles en Ile-de-France, il a regretté que la politique du ministère dans ce domaine se limite à la modernisation du réseau existant de la grande ceinture et a souhaité que le contrat de plan comporte en particulier la création dune desserte Cergy-Roissy essentielle au rééquilibrage de la région parisienne.
A propos de la construction de deux pistes supplémentaires à Roissy, dont tout le monde savait quelle était inévitable, M. Francis Delattre sest inquiété des retards pris dans la définition des modalités de répartition du produit de la taxe sur le bruit. Il a également invité le Ministre à prendre ses responsabilités et à se prononcer sur la localisation du futur troisième aéroport de la région parisienne, qui devient inéluctable, alors que le transport croît de plus de 6 % par an et que de plus en plus de compagnies expriment le souhait de sinstaller à Roissy ; il a mis en garde le Ministre contre le risque de réactions exaspérées que pourrait susciter une attitude attentiste chez les populations intéressées.
Enfin, il a souhaité des précisions sur lorigine exacte du blocage juridique résultant, pour le bouclage de lA 86 à louest de Paris, des contraintes communautaires, et sur le débouché final de lA 16.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Claude Gayssot a apporté les précisions suivantes :
la réflexion sur le financement des grands équipements est indispensable et il importe de faire des propositions de nature à dégager les moyens financiers nécessaires ; lutilisation de la TVA, mais il existe des contraintes communautaires, ou de la TIPP, est envisageable comme lest lallongement de la durée des emprunts, actuellement de vingt ans, pour la rapprocher de la durée de vie réelle des équipements ;
la création de couloirs de fret ferroviaire est indispensable et des corridors ont déjà été créés avec nos voisins, tels que le Luxembourg, la Belgique, lItalie et lEspagne ; cependant, il existe des goulots détranglement, notamment Lyon et la région parisienne, qui résultent de la cohabitation du transport de voyageurs et de marchandises sur les mêmes voies ;
lactuel Gouvernement na pas fait le choix du tout TGV, mais entend développer le réseau classique ; il ne privilégiera pas le trafic voyageurs, et se préoccupera tout autant du fret. Au demeurant, pour la première fois depuis une quinzaine dannées, le rail a repris des parts de marché en matière de transport de marchandises ;
il ny a pas de risque de doubles emplois entre les services de lÉtat et ceux du département puisque ceux-ci confient lentretien de la voirie départementale soit par convention aux directions départementales de léquipement, soit en utilisant une fraction spécifique des moyens de ces directions ; cette seconde solution entraîne un surcoût denviron 3 millions de francs par an ;
pour les autoroutes aucun engagement de travaux en cours 1.000 kilomètres dautoroutes concédées et 300 non concédées na été arrêté par le Gouvernement. Là où les travaux nétaient pas engagés, où des contestations se faisaient jour et où des variantes sont suggérées, le Gouvernement a décidé de poursuivre les discussions. Plus particulièrement, ladossement de lA 28 entre Rouen et Alençon à la société dautoroute Paris-Normandie a été écarté en raison de lendettement de cette société. Dans tous les cas en suspens, les procédures seront reprises en conformité stricte aux règles communautaires ;
pour annuler les décrets autorisant les travaux de lA 86, le Conseil dÉtat ne sest pas fondé sur la contestation du tracé projeté, mais sur le non-respect de la procédure dattribution des marchés de travaux telle quelle est fixée par les directives communautaires. Il ny avait pas dautre solution que darrêter complètement le chantier, avec des répercussions très importantes sur lemploi, sous réserve de la réalisation de quelques travaux de sécurité indispensables.
fpfp
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