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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 51

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 7 juin 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de résolution de M. Camille Darsières sur les régions ultrapériphériques et sur les propositions de règlement du Conseil (COM [2000] 774 final/E 1631, COM [2000] 791 final/E 1647) (n° 3035)



2

- Proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault relative à l'autorité parentale (n° 3074)

3

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Camille Darsières, la proposition de résolution sur les régions ultrapériphériques et sur les propositions de règlement du Conseil (COM [2000] 774 final/E 1631, COM [2000] 791 final/E 1647) (n° 3035).

Présentant les deux propositions de règlement ayant fait l'objet d'une proposition de résolution de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union Européenne, le rapporteur a exprimé sa satisfaction de voir aboutir une réforme qui se traduira concrètement, dans le cadre des politiques structurelles, par un accroissement de la participation maximale des financements européens, et, dans le cadre des programmes d'orientations spécifiques liées à l'éloignement et à l'isolement des régions ultrapériphériques, par davantage de transparence et de précision dans le régime d'attribution des subventions agricoles.

Considérant, cependant, que ces avancées ne devaient pas occulter les inquiétudes récurrentes des régions ultrapériphériques sur la place que leur réserve l'Union européenne, le rapporteur a indiqué que la résolution qu'il avait présentée devant la délégation avait précisément pour objet de rappeler les enjeux des relations entre l'Union européenne et ces régions isolées géographiquement, qui subissent des handicaps structurels permanents ; il a rappelé également la tardive reconnaissance de la spécificité de ces régions par les instances européennes. Soulignant que l'article 227 § 2 du Traité de Rome prévoyait, à l'origine, une distinction entre les domaines communautaires applicables directement aux départements français d'outre-mer et ceux d'application différée, il a indiqué que la jurisprudence qui s'était construite autour de cette distinction avait pu varier dans le temps, allant d'une reconnaissance sans conditions de la spécificité de ces départements à une application plus restreinte, concernant uniquement les dispositions d'application différée.

Il a constaté que, en dépit de cette jurisprudence très défavorable aux départements d'outre-mer, puisqu'elle impliquait qu'il ne pouvait y avoir d'adaptations pour des domaines aussi essentiels que la libre circulation des marchandises ou les règles de concurrence, la communauté européenne avait dans le même temps pris conscience des difficultés des régions ultrapériphériques, comme en témoignent notamment le rapport Ligios adopté à l'unanimité par le Parlement européen en 1987, la décision d'accroître les dotations structurelles destinées à ces régions, ou, plus tard, la déclaration annexée au Traité de Maastricht en 1992, reconnaissant le principe de dérogations pour soutenir les économies des régions ultrapériphériques. Notant cependant que la véritable reconnaissance des difficultés des régions ultrapériphériques n'avait eu lieu qu'en 1997, le Traité d'Amsterdam y consacrant un article spécifique, il a précisé que l'article 299 § 2 en question n'opérait plus de distinction entre les domaines directement applicables et ceux d'application différée. Tout en exprimant sa satisfaction de voir enfin reconnus les handicaps permanents de ces régions, le rapporteur a fait état des nouvelles inquiétudes pesant sur l'interprétation de cet article et indiqué, à ce sujet, que certaines analyses de la communauté européenne laissaient penser que cet article n'aurait qu'une application supplétive, les régions ultrapériphériques devant faire la preuve que telle ou telle directive européenne ne peut leur être appliquée telle quelle sans nuire à leur développement.

Le rapporteur a rappelé les enjeux qui pesaient sur cette interprétation dans un contexte international de plus en plus difficile pour les régions ultrapériphériques. Evoquant ainsi la création de la Zone de libre échange des Amériques, qui réunit 34 Etats, dont 13 Antilles et 2 Guyane, il a émis la crainte que les départements français d'Amérique ne se trouvent isolés face à ce nouvel ensemble, qui, lui, a déjà reconnu, dans une déclaration commune à Buenos-Aires, les spécificités et les disparités de développement des économies de petites tailles.

Précisant en conclusion que la résolution adoptée par la Délégation avait ainsi pour objectif d'interpeller l'Union européenne sur le principe de la reconnaissance des spécificités des régions ultrapériphériques, le rapporteur a invité les membres de la Commission à adopter, à leur tour, la proposition de résolution.

La Commission a adopté la proposition de résolution n° 3035 sans modification.

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* *

Puis, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Dolez, la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault relative à l'autorité parentale (n° 3074).

Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi soumise à la Commission avait pour principaux objectifs de renforcer le principe de coparentalité, selon lequel il est dans l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents, même lorsque ceux-ci sont séparés, et d'harmoniser les conditions d'exercice de l'autorité parentale, quelle que soit la situation juridique des parents. Il a souligné, à titre préliminaire, que cette proposition devait être analysée, non comme un bouleversement du droit de l'autorité parentale, mais plutôt comme l'achèvement d'une réforme amorcée dans les années 70, ajoutant qu'elle s'inspirait largement des différents travaux menés récemment sur le thème de l'autorité parentale et de la filiation, en particulier du rapport de Mme Irène Théry sur Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée et de celui de la commission présidée par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez regroupant des Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps. Il a enfin observé que les modifications proposées permettraient d'appliquer pleinement la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, répondant, en outre, à l'évolution des modes de vie familiaux, marquée par l'augmentation des naissances hors mariage, qui concernent environ quatre enfants sur dix, et par la hausse du nombre de divorces, qui est de 120 000 par an pour environ 280 000 mariages.

Il a ensuite expliqué que les dispositions de la proposition de loi, qui donnent une nouvelle définition de l'autorité parentale, s'articulaient autour de deux axes principaux : le renforcement du caractère conjoint de l'exercice de l'autorité parentale et l'affirmation du principe de permanence du couple parental. Il a d'abord indiqué que la nouvelle définition de l'autorité parentale reprenait la définition actuelle en la complétant, afin de faire ressortir plus clairement que celle-ci doit être exercée dans l'intérêt de l'enfant, en soulignant, que si la doctrine avait fait de l'intérêt de l'enfant la pierre angulaire du droit de l'autorité parentale, cette notion ne figurait pas dans les textes. Puis il a observé que la proposition de loi modifiait les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale, afin d'en généraliser l'exercice conjoint, quelle que soit la situation matrimoniale des parents au moment de la naissance de leur enfant. Il a ainsi précisé que, dès lors que la filiation de l'enfant serait juridiquement établie, les deux parents exerceraient en commun l'autorité parentale, la condition de vie commune étant supprimée, sauf lorsque le lien de filiation est établi plus d'un an après la naissance ou résulte d'une décision judiciaire, ces deux cas traduisant de la part du parent concerné un certain désintérêt vis à vis de l'enfant.

Il a rappelé, par ailleurs, que le renforcement du caractère conjoint de l'exercice de l'autorité parentale passait également par la réaffirmation du principe selon lequel chaque parent est tenu de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants et se traduisait par la recherche et la valorisation des accords entre les parents, les accords parentaux homologués devenant le principal mode de règlement des conflits. A ce titre, il a relevé que le recours à la médiation familiale était encouragé, le groupe de travail mis en place par le Gouvernement sur cette question devant rendre prochainement ses conclusions. S'agissant de l'affirmation du principe de permanence du couple parental, qui implique que la séparation des parents ne doit pas avoir d'effet sur l'exercice en commun de l'autorité parentale, il a indiqué que la proposition de loi donnait une traduction concrète à la règle selon laquelle chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de ce dernier avec l'autre parent, en obligeant les parents à s'informer mutuellement de leur changement de résidence, dès lors que ce déménagement modifie les conditions d'exercice de l'autorité parentale. Il a souligné, par ailleurs, qu'en cas de conflit sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge devrait prendre en compte un nouveau critère, inspiré de la législation californienne et reposant sur l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et surtout à respecter les droits de l'autre. Enfin, il a observé que la résidence alternée faisait son entrée dans le code civil. Prenant différentes formes, il a indiqué qu'elle pourrait désormais figurer dans les accords parentaux homologués ou être imposée par le juge.

Le rapporteur a conclu son propos en soulignant que les autres modifications apportées par la proposition de loi étaient pour la majeure partie d'entre elles, liées à l'affirmation des principes d'exercice conjoint de l'autorité parentale et de coparentalité et consistaient, notamment, à unifier formellement le droit de l'autorité parentale, à modifier les conditions et les effets de sa délégation afin de permettre aux parents de continuer à élever leur enfant, tout en déléguant ou en partageant avec un tiers l'exercice de l'autorité parentale et à achever l'harmonisation des droits des enfants légitimes, naturels et aldutérins.

Intervenant au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, Mme Chantal Robin-Rodrigo s'est félicitée des avancées juridiques importantes, pour les enfants et leurs parents, mises en _uvre par cette proposition de loi. Elle a indiqué, toutefois, que la Délégation, au terme de ses travaux, avait jugé nécessaire de formuler des recommandations, regroupées en six chapitres, tendant à : mieux affirmer les droits de l'enfant, à travers une prise en compte renforcée de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant en droit interne et l'inscription, dans le code civil, de l'« honneur » et du « respect » que se doivent mutuellement parents et enfants ; renforcer et préciser la médiation familiale, en incitant les parents à conclure des conventions et en améliorant la formation des personnels concernés, ainsi que la médiation judiciaire, en mettant en place les structures nécessaires auprès de tous les tribunaux ; mieux prendre en compte l'intérêt de l'enfant, en permettant au juge de se faire assister par un pédopsychiatre et d'ordonner, après qu'il ait statué sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, qu'une enquête sociale soit diligentée pour s'assurer du bien fondé de sa décision sur le développement de l'enfant ; affirmer la coparentalité, en recherchant la plus grande souplesse dans les modalités d'hébergement de l'enfant, en invitant le juge à prendre en considération l'aptitude des parents et à rappeler à ces derniers leurs devoirs vis-à-vis de l'enfant, ainsi qu'en favorisant l'information des parents à la naissance de l'enfant sur les implications de l'autorité parentale et de la filiation ; valoriser la place des tiers, à travers une meilleure reconnaissance de celui qui prend l'enfant en charge lorsque l'autorité parentale fait l'objet d'une délégation totale ou partielle, et l'affirmation du droit de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents ainsi qu'avec ses frères et s_urs ; mieux soutenir la nouvelle autorité parentale en réfléchissant à des mesures d'accompagnement sur les plans psychologiques et financiers, compte tenu des conséquences économiques et sociales de l'autorité partagée pour les personnes à revenus modestes, en affinant le calcul de la répartition des charges entre les parents et en prévoyant des actions d'éducation de l'enfant et de formation des parents.

Rappelant que le législateur était passé, depuis trente ans, d'une logique de puissance paternelle à une logique d'autorité parentale, Mme Christine Lazerges a estimé qu'il convenait désormais de prendre en compte l'évolution des formes de conjugalité afin de les concilier avec l'intérêt de l'enfant. Elle a indiqué que, dans cette perspective, la présente proposition de loi avait pour objet de placer l'enfant au centre de la famille, en redéfinissant les règles relatives à l'autorité parentale. Après avoir souligné que la majorité avait entendu améliorer le droit de la filiation, tant en matière d'autorité parentale que de succession, elle a observé que la mission des parents ne s'arrêtait pas à la majorité de l'enfant, mais se prolongeait, tout au long de la vie, au travers des devoirs réciproques entre parents et enfants. Elle a également fait part de son souhait de voir les pères et les mères s'occuper à temps égal de leurs enfants, remarquant que les progrès en terme de « coparentalité » restaient très insuffisants.

En réponse aux propositions formulées par la Délégation aux droits des femmes en matière de développement de la médiation, elle a tout d'abord précisé qu'un décret du 22 juillet 1996 donnait aux structures de médiation un cadre juridique satisfaisant. Elle a ensuite indiqué que le développement de la médiation dans les conflits familiaux constituait une réponse adaptée. Considérant qu'il était nécessaire de laisser au juge le choix de la structure de médiation, elle a estimé qu'il était indispensable d'accroître les moyens en la matière. Elle a, en outre, regretté que les communes n'appliquent pas les dispositions de l'article 57-1 du code civil qui leur font obligation d'informer par courrier la mère de la reconnaissance de son enfant par le père. Enfin, elle a déclaré qu'elle souscrivait à la proposition de la délégation relative à la formation des parents et a rappelé qu'elle avait préconisé son développement dans le rapport sur la délinquance des mineurs qu'elle avait remis au Premier ministre. Elle a indiqué que cette voie constituait l'une des priorités définie par la conférence de la famille, qui entend promouvoir la mise en place de structures d'information et d'écoute des parents.

Le rapporteur a rappelé que la procédure de médiation faisait actuellement l'objet d'une évaluation complète au sein du groupe de travail présidé par Mme Monique Sassier, directrice de l'UNAF, qui devrait prochainement faire des propositions sur cette question.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Section I - L'autorité parentale

Article premier : Mise en place d'un droit commun de l'autorité parentale :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rectifier des erreurs matérielles, puis l'article 1er ainsi modifié.

Après l'article premier :

La Commission a été saisie d'un amendement de Mme Christine Lazerges tendant à donner une nouvelle rédaction à l'article 371 du code civil, afin de préciser que, à tout âge, parents et enfants se doivent mutuellement honneur et respect. L'auteur de l'amendement a indiqué qu'elle retirait son amendement, le jugeant satisfait par l'article 2 de la proposition de loi, qui mentionne le respect dû par les parents à la personne de l'enfant.

Article 2 (art.371-1 du code civil) : Définition de l'autorité parentale :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Henri Plagnol tendant à préciser que l'autorité parentale confère aux parents des droits et des devoirs à l'égard de l'enfant, non seulement pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, assurer son éducation et permettre son développement, mais aussi pour assurer sa garde et sa surveillance. Tout en approuvant le principe de « coparentalité paritaire », mis en _uvre par la proposition de loi, Mme Véronique Neiertz a considéré que ce texte pouvait, à certains égards, être considéré comme « élitiste » et jugé nécessaire que le partage des droits entre les parents soit clairement assorti d'un partage des devoirs, observant que tel n'était pas toujours le cas dans la réalité. Elle a donc souligné l'intérêt de l'amendement sur ce point, estimant par ailleurs utile qu'il mentionne la garde des enfants, qui constitue la première préoccupation des familles. Après avoir relevé que seules les dispositions relatives à la résidence alternée des enfants pouvaient être qualifiées d'élitistes, parce qu'elle suppose une entente minimale, une proximité géographique entre les parents ainsi que des moyens financiers suffisants, le rapporteur a indiqué que l'exercice conjoint de l'autorité parentale impliquait un partage des droits et des devoirs à l'égard de l'enfant et exprimé des réserves sur le fait de faire figurer, dans le code civil, les notions de garde et de surveillance. Il a estimé que les préoccupations de Mme Véronique Neiertz étaient satisfaites par la référence faite, dans l'article 2, au devoir qui incombe aux parents de protéger la santé et à la sécurité de l'enfant. Soulignant l'intérêt de mentionner explicitement, en les liant, les droits et les devoirs des parents, Mme Christine Lazerges a proposé un amendement tendant à compléter le premier alinéa de l'article 371-1, pour préciser que l'autorité parentale est constituée de droits et de devoirs. Mme Véronique Neiertz a considéré que cette proposition ne prenait pas en compte l'ensemble de ses préoccupations. Le rapporteur s'est, en revanche, déclaré favorable à cet amendement que la Commission a adopté, après avoir rejeté celui de M. Henri Plagnol.

Puis elle a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 2 (art.371-4 du code civil) : Relations de l'enfant avec les membres de ses lignées et avec des tiers :

La Commission a été saisie d'un amendement de Mme Christine Lazerges tendant, dans son premier alinéa, à préciser que l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec les membres de chacune de ses lignées, ce droit ne pouvant être exclu à l'égard des grand-parents que pour des motifs particulièrement graves, et, dans son second alinéa, à permettre au juge, dans l'intérêt de l'enfant, de fixer les modalités de ses relations avec un tiers. Rappelant que l'article 371-4 du code civil, dans sa rédaction actuelle, tend principalement à permettre aux grands-parents de conserver des relations personnelles avec l'enfant, Mme Christine Lazerges a souligné que son amendement avait pour objet de replacer l'enfant au centre du dispositif et d'assouplir les possibilités de relations avec les tiers ; elle a précisé que cette dernière disposition était inspirée des travaux du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez et tendait notamment à permettre aux « beaux-parents » de conserver des relations avec des enfants qu'ils ont souvent élevés. Le rapporteur s'est déclaré favorable au premier alinéa de l'amendement, tout en s'interrogeant sur l'opportunité de préciser que seuls des motifs « particulièrement » graves peuvent justifier l'interdiction des relations entre l'enfant et ses grands-parents. En revanche, il a exprimé des réserves sur le second alinéa de l'amendement : après avoir rappelé que le rapport du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez avait relevé le paradoxe qu'il y aurait à renforcer l'exercice conjoint de l'autorité parentale tout en institutionnalisant le rôle des « beaux-parents », il a estimé que cette disposition sortait du champ de la proposition de loi et pourrait avoir pour effet d'atténuer les droits et les devoirs qu'ont les parents à l'égard de leurs enfants lorsqu'ils se séparent, alors que le texte tend précisément à les renforcer. Exprimant la crainte que l'amendement ne supprime la possibilité pour les grand-parents de se prévaloir de l'article 371-4 pour assurer le maintien de leurs relations avec l'enfant, M. Camille Darsières a insisté sur la nécessité de permettre à un enfant de conserver des liens avec le compagnon de sa mère, qui l'aura souvent élevé, notamment si celle-ci décède. M. Bernard Roman, président, a considéré que l'amendement n'avait pas pour effet de priver les grands-parents des droits que leur confère l'article 371-4. Mme Christine Lazerges a, cependant, proposé d'en modifier le premier alinéa afin de lever toute ambiguïté sur ce point. S'agissant du second alinéa de son amendement, elle a jugé qu'il serait peu compréhensible de ne pas organiser les relations avec un tiers et de priver l'enfant de la possibilité d'avoir un référent adulte, alors que celui-ci fait parfois défaut, avant de souligner que son amendement ne portait pas sur l'exercice de l'autorité parentale, mais sur les relations personnelles d'un enfant avec un tiers.

La Commission a donc adopté cet amendement, compte tenu des rectifications proposées par son auteur.

Article 3 (art. 372, 372-1, 372-3 à 372-5 [nouveaux] du code civil) : Modalités d'exercice de l'autorité parentale :

La Commission a adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur.

Article 372 du code civil : Dévolution de l'exercice de l'autorité parentale :

La Commission a adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur. Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Henri Plagnol subordonnant le droit de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant au respect de l'obligation d'y contribuer. Mme Véronique Neiertz a soutenu cet amendement, estimant qu'il s'inscrivait dans la logique de la proposition de loi qui tend à instaurer une égalité des droits, mais aussi des devoirs, à l'égard de l'enfant. Avec l'accord du rapporteur, la Commission a adopté cet amendement.

Article 372-1 du code civil : Contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant :

La Commission a adopté un amendement de Mme Christine Lazerges transcrivant dans le code civil la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui prolonge le versement de la pension alimentaire pour subvenir aux besoins de l'enfant majeur, en particulier lorsque celui-ci poursuit des études.

Article 372-2-1 du code civil : Mission du juge aux affaires familiales :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rappelant que la mission du juge aux affaires familiales est de veiller à la sauvegarde des intérêts de l'enfant.

Article 372-3 du code civil : Accords parentaux homologués et résidence alternée :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier d'ordre rédactionnel, le second supprimant la référence superflue au refus d'homologation du juge pour protéger les intérêts de l'enfant, la nouvelle rédaction de l'article 372-2-1 du code civil précisant que le rôle du juge est de veiller à la sauvegarde de ces intérêts.

Article 372-4 du code civil : Médiation familiale :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l'un rappelant qu'avant même de recourir à une mesure de médiation, le juge doit s'efforcer de concilier les parties et l'autre supprimant une disposition inutile, source d'ambiguïté.

Article 372-5 du code civil : Saisine du juge aux affaires familiales :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur inversant les références à la résidence chez l'un des parents et à la résidence alternée, afin de privilégier cette dernière formule, lorsque les parents ne sont pas d'accord sur la résidence de l'enfant. Son auteur a fait valoir que la formule de résidence alternée, qui peut prendre d'autres formes qu'un strict partage paritaire du temps de résidence de l'enfant, était plus conforme au principe d'exercice en commun de l'autorité parentale.

Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. Henri Plagnol faisant figurer l'âge de l'enfant parmi les critères que le juge doit prendre en considération, lorsqu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Mme Véronique Neiertz a considéré que, s'il était évident que le juge doit prendre en compte ce critère, il était néanmoins préférable de l'inscrire dans la loi, surtout si le législateur donne la priorité à la garde alternée en cas de désaccord des parents. Mme Christine Lazerges a souhaité que ce critère ne figure pas en dernier dans l'énumération des éléments que le juge doit prendre en compte, mais soit placé avant les résultats de l'enquête sociale. M. Camille Darsières a souligné l'intérêt d'un tel amendement dès lors que le juge est invité à privilégier la garde alternée. Tout en soulignant que les critères énumérés à l'article 372-5 n'étaient pas exhaustifs, le juge pouvant prendre en compte d'autres éléments, comme par exemple la proximité géographique des parents en cas de résidence alternée et que la décision du juge pouvait porter sur des modalités d'exercice de l'autorité parentale autres que la résidence alternée, le rapporteur a estimé qu'il pouvait être utile de faire figurer expressément le critère de l'âge, puisque la Commission a souhaité privilégier la garde alternée. La Commission a alors adopté l'amendement de M. Henri Plagnol, modifié par la proposition de Mme Christine Lazerges.

Elle a également adopté un amendement, présenté par le rapporteur, corrigeant une erreur matérielle, puis l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. 373 du code civil) : Affirmation du principe de coparentalité :

La Commission a adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur. Puis elle a été saisie d'un amendement de Mme Christine Lazerges prévoyant la convocation par le juge du parent qui n'exerce pas les prérogatives liées à l'exercice de l'autorité parentale. Après avoir précisé que le juge devait avoir été saisi au préalable par l'autre parent, son auteur a souligné que cette convocation permettrait le respect du devoir de relations personnelles avec l'enfant, mentionné à l'article 373, et aiderait les parents dans l'exercice conjoint de leur autorité parentale. Tout en reconnaissant que la rédaction proposée n'était sans doute pas pleinement satisfaisante, Mme Véronique Neiertz a considéré que l'amendement allait dans le sens d'une véritable coparentalité, parce qu'il prévoyait une sanction en cas de non respect des devoirs de l'autorité parentale. M. Bernard Roman, président, a observé que cet amendement permettrait de transposer, en matière civile, ce qui existe déjà en matière pénale, le juge pouvant procéder, devant le parent convoqué, à une forme de rappel à la loi. Répondant à M. Camille Darsières, le rapporteur a indiqué que le juge pouvait déjà, en cas de difficultés d'exercice de l'autorité parentale et sur saisine de l'un des parents, modifier les conditions de cet exercice. Il a donc proposé de modifier l'amendement, afin de préciser que la convocation du juge, à la demande de l'autre parent, aura pour objet de rappeler ses obligations au parent qui n'exerce pas les prérogatives liées à l'exercice de l'autorité parentale. La Commission a alors adopté l'amendement de Mme Christine Lazerges ainsi modifié.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle, ainsi que l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. 377 et 377-1 du code civil) : Délégation de l'autorité parentale :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant peut demander au juge une délégation forcée de l'autorité parentale, avant de rejeter un amendement de M. Henri Plagnol insérant une référence à l'intérêt de l'enfant dans la procédure de délégation forcée, le rapporteur ayant souligné le caractère superfétatoire d'une telle précision.

Elle a ensuite adopté trois amendements du rapporteur corrigeant des erreurs matérielles ou déplaçant des alinéas, ainsi que l'article 5 ainsi modifié.

Article 6  : Coordination :

La Commission a adopté six amendements du rapporteur procédant à des déplacements d'alinéas, corrigeant une erreur d'ordre matériel et procédant à une amélioration rédactionnelle, avant d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Section II - Filiation

Article 7  : Harmonisation des droits des enfants légitimes, naturels et adultérins :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, ainsi que l'article 7 ainsi modifié.

Article 8  : Abrogations :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l'un supprimant une abrogation inutile, et l'autre procédant à une coordination.

Article additionnel après l'article 9  : Dispositions transitoires :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant l'application des dispositions de la loi aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, ainsi que l'application des nouvelles règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi, dès lors qu'ils ont été reconnus par leurs deux parents avant l'âge d'un an.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.


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