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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 27 novembre 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Bernard Roman, président

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la Corse (n° 3399) (M. Bruno LE ROUX, rapporteur) (amendements)

- Proposition de loi de M. Jean Antoine Leonetti et plusieurs de ses collègues, relative au renforcement de la lutte contre l'impunité des auteurs de certaines infractions (n° 3369) (M. Jean Antoine LEONETTI, rapporteur) (rapport)


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Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Bruno Le Roux, les amendements au projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la Corse (n° 3399).

Article additionnel après l'article 1er A  :

La Commission a été saisie l'amendement n° 116 de M. Michel Vaxès permettant de consulter les électeurs de Corse sur les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration, ainsi que sur les décisions prises par l'Assemblée de Corse pour régler les affaires de sa compétence, concernant notamment le développement économique, social et culturel de la Corse. M. Michel Vaxès a indiqué que cet amendement tenait compte des objections précédemment formulées par le rapporteur, puisqu'il n'instituait pas de référendum régional et n'opposait pas l'avis des électeurs de Corse aux décisions du législateur. Le rapporteur a fait observer que le nouveau dispositif proposé n'était pas davantage conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui interdit toute consultation à l'échelon supra-communal sur le territoire métropolitain, ajoutant qu'il remettait en cause la légitimité détenue par les élus de la collectivité territoriale de Corse. La Commission a repoussé cet amendement.

Article 1er : Attributions de l'Assemblée de Corse :

La Commission a repoussé le sous-amendement n° 119 de M. Michel Vaxès à l'amendement n° 45 de la Commission, tendant à affirmer que l'Assemblée de Corse règle, par ses délibérations, les affaires de la collectivité territoriale de Corse. Elle a ensuite été saisie du sous-amendement n° 118 de M. Michel Vaxès, toujours à l'amendement n° 45 de la Commission, prévoyant que les expérimentations législatives donnent lieu à une évaluation continue, confiée à une commission parlementaire, composée à parité de députés et de sénateurs, et permettant à l'Assemblée de Corse ainsi qu'à une fraction du corps électoral de l'île de saisir cette commission aux fins d'évaluation. Le rapporteur a indiqué que le texte adopté par la Commission disposait que les modalités d'évaluation seraient fixées par le législateur, au cas par cas, dans chaque loi habilitant la collectivité territoriale de Corse à procéder à des expérimentations et a jugé, en conséquence, que la préoccupation manifestée par l'auteur du sous-amendement était déjà satisfaite. La Commission a repoussé ce sous-amendement.

Article 9 : Compétences en matière culturelle :

La Commission a accepté l'amendement n° 115 du Gouvernement visant à clarifier les relations entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse dans le domaine des politiques culturelles.

Article 12 : Plan d'aménagement et de développement durable (PADDU) :

La Commission a été saisie de deux sous-amendements de M. Michel Vaxès à l'amendement n° 61 de la Commission : le premier, n° 120, restreignant les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière de définition des espaces, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du littoral, le second, n° 121, supprimant la possibilité de déroger aux dispositions de la loi littoral, interdisant l'urbanisation en dehors des zones situées en continuité d'une urbanisation existante ou constituant des hameaux nouveaux. Le rapporteur ayant considéré que le texte adopté par la Commission présentait des garanties de transparence suffisantes, elle a repoussé les deux sous-amendements.

Article 16 : Logement :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Article 29 : Codification 

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Article 31 : Mise à disposition provisoire des agents des services transférés :

La Commission a adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur.

Article 32 : Droit d'option des fonctionnaires des services transférés 

La Commission a adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur.

Article 33 : Droit d'option des agents non titulaires des services transférés :

La Commission a été saisie de deux amendements relatifs au régime indemnitaire des personnels de la collectivité territoriale de Corse : le premier, n° 106, de M. Paul Patriarche, habilitant cette collectivité à fixer le régime indemnitaire de ses agents, le second du rapporteur permettant à ces personnels de conserver le bénéfice de leur régime indemnitaire actuel. M. Paul Patriarche a déclaré que son amendement visait à donner une nouvelle compétence à la collectivité territoriale de Corse, afin de lui permettre d'instituer un régime indemnitaire qui tienne compte des nouvelles prérogatives transférées à cette collectivité par le présent projet de loi. Après avoir indiqué qu'il avait reçu les représentants des personnels lors de son dernier déplacement en Corse, le rapporteur a rappelé qu'il était opposé au transfert de cette compétence parce qu'elle instituerait une exception dans le statut de la fonction publique territoriale. Il a, en revanche, considéré que son amendement permettrait de maintenir le régime indemnitaire des personnels en place après une nouvelle délibération en ce sens de la collectivité territoriale. M. José Rossi a estimé que la rédaction proposée par le rapporteur serait inopérante, puisque les personnels ont perdu le bénéfice de leur régime indemnitaire depuis un jugement du tribunal administratif en date du 22 novembre. M. Bernard Roman, président, a jugé que l'amendement proposé par le rapporteur s'inscrivait dans la même logique que celui proposé pour le personnel des offices, en permettant le maintien des droits acquis pour les personnels en place. Il a, en outre, déclaré qu'il revenait à la collectivité territoriale de délibérer le plus rapidement possible, afin que le dispositif proposé par le rapporteur permette de pérenniser le régime indemnitaire en vigueur. La Commission a repoussé l'amendement n° 106 et a adopté celui du rapporteur.

Article 38 : Ressources fiscales de la collectivité territoriale de Corse :

La Commission a repoussé l'amendement n° 109 de M. Paul Patriarche portant à 25 % la fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers affectée au financement du plan exceptionnel d'investissement.

Article 43 : Aide fiscale à l'investissement :

La Commission a repoussé l'amendement n° 110 de M. Paul Patriarche étendant le bénéfice du crédit d'impôts aux filiales des grands groupes industriels implantés en Corse, le rapporteur ayant souligné qu'un tel dispositif pourrait créer des effets d'aubaine préjudiciables aux petites entreprises insulaires. Elle a, en revanche, adopté un amendement de précision du rapporteur relatif à l'éligibilité des travaux de rénovation d'hôtels au crédit d'impôt. Elle a ensuite accepté les amendements nos 112 et 113 du Gouvernement supprimant les gages financiers introduits par le Sénat.

Après l'article 44 :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 122 de M. José Rossi prolongeant au-delà du 1er janvier 2004 le régime spécifique de taxation du tabac en Corse. Son auteur ayant souligné que cet amendement devrait permettre de peser dans les négociations en cours avec la Commission européenne, le rapporteur a exprimé un avis défavorable et a souhaité qu'il soit retiré en séance au vu des explications fournies par le Gouvernement sur ce dossier. La Commission a repoussé cet amendement.

Article 44 bis : Pérennisation du différentiel de charges sociales conféré dans le cadre de la zone franche de Corse :

La Commission a accepté l'amendement n° 114 du Gouvernement, précisant que la nouvelle exonération de charges sociales mise en place par cet article ne pourrait être cumulée avec les autres exonérations instituées dans la perspective d'une réduction à 35 heures du temps de travail hebdomadaire, après que M. José Rossi eut évoqué l'opposition des organismes consulaires corses à cette disposition.

Article 46 : Programme d'investissements :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 117 de M. Michel Vaxès prévoyant qu'un rapport fixant le montant global et la répartition des crédits du programme exceptionnel d'investissement serait remis au Parlement avant le 1er mars 2002. Le rapporteur ayant souscrit à l'objectif de cet amendement, mais souligné que la date retenue pour le dépôt du rapport était prématurée, compte tenu du calendrier prévu pour la mise en _uvre du programme exceptionnel d'investissement, dont le montant devrait être compris entre 12 et 13 milliards de francs, la Commission a repoussé cet amendement.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Antoine Leonetti, la proposition de loi de M. Jean Antoine Leonetti et plusieurs de ses collègues, relative au renforcement de la lutte contre l'impunité des auteurs de certaines infractions (n° 3369).

M. Jean Antoine Leonetti, rapporteur, a souligné que l'insécurité était aujourd'hui, à juste titre, une préoccupation majeure pour les Français, qui ont le sentiment que les délinquants bénéficient d'une véritable impunité. Il a jugé que ce sentiment, qui repose à la fois sur la faiblesse du taux d'élucidation des infractions et sur le nombre important d'affaires « classées sans suite », était de nature à fragiliser le pacte républicain, en incitant les délinquants à récidiver et en décourageant les victimes de porter plainte.

Dans ce contexte, le rapporteur a expliqué que sa proposition de loi était destinée, précisément, à lutter contre l'impunité des auteurs de ces petites et moyennes infractions, souvent désignées sous le vocable d'« incivilités », à travers des mesures pragmatiques, structurées autour de deux grandes orientations. Il a indiqué qu'il était proposé, en premier lieu, d'instituer, au sein des maisons et antennes de justice et du droit, rendues obligatoires dans les villes de plus de 50 000 habitants, un « conseil de la réparation pénale », présidé par un délégué du procureur de la République, chargé de mettre en place, en l'absence de décision de la part de ce dernier dans un délai maximum de 30 jours, des mesures alternatives aux poursuites susceptibles d'être proposées aux personnes qui reconnaissent s'être rendues coupables de certaines infractions limitativement énumérées. Il a ainsi défendu le principe d'une réponse systématique aux actes de délinquance, dans un cadre réunissant l'ensemble des acteurs locaux de la sécurité, tout en insistant sur le fait que, dans tous les cas, la décision de la sanction appartiendrait au seul délégué du procureur.

Puis il a présenté la seconde orientation de sa proposition de loi, relative aux compétences des maires en matière de sécurité, expliquant qu'il était proposé de leur reconnaître une simple capacité à coordonner les actions entreprises, ce qui ne ferait nullement d'eux des « shérifs », comme certains le prétendent. A cet effet, il a proposé que soient mis en place des « conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité », qui serviraient de cadre à cette nouvelle répartition des rôles, tout en regroupant les compétences et les missions des conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD) et des contrats locaux de sécurité (CLS). A cet égard, il a défendu le principe d'une forte articulation entre la prévention et la répression, ces deux volets étant inséparables pour qu'une politique d'insertion soit réellement efficace, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il a également proposé que des « observatoires de la délinquance » soient institués au sein de ces conseils locaux, afin de garantir la bonne information des acteurs de la sécurité, et notamment des maires, en ce qui concerne les infractions commises sur le territoire communal ou intercommunal.

En conclusion, le rapporteur a invité la Commission à ne pas occulter le débat sur la sanction, qui doit retrouver sa double dimension éducative et préventive, ce qui suppose qu'elle soit à la fois systématique et rapidement exécutée. Il a considéré que, la vocation d'une démocratie étant de faire de ses enfants de véritables citoyens, il était important de réaffirmer la limite qui sépare le bien et le mal et de rétablir une échelle des peines réaliste. De ce point de vue, il a jugé qu'il n'était plus possible que des actes de délinquance successifs puissent rester sans réponse jusqu'à ce que la prison devienne la seule alternative offerte au juge. Il a insisté sur le fait que sa proposition de loi était à la fois mesurée, notamment parce qu'elle ne touche pas à l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ou aux pouvoirs des maires en matière de police, et ambitieuse, car elle tend à traiter « à la racine » le problème de la petite et de la moyenne délinquance. Il a souligné la souplesse du dispositif mis en place, qui repose en partie sur une convention entre les parties, et s'est déclaré ouvert aux améliorations ou aux précisions qui pourraient être suggérées par des membres de la Commission.

M. Claude Goasguen a tout d'abord observé que la proposition de loi ne réformait pas substantiellement le code de procédure pénale, mais tendait seulement à lutter contre le sentiment, croissant dans l'opinion publique, de l'impunité des auteurs de certaines infractions, en s'appuyant sur des dispositions existantes, comme le recours aux mesures de composition pénale, tout en les complétant utilement. Il a considéré que, ce faisant, le dispositif proposé apportait au problème de la délinquance une réponse de nature plus politique que juridique.

Puis, évoquant la nomination de M. Julien Dray en tant que parlementaire en mission sur l'évaluation des conséquences de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, il s'est félicité que la nécessité de répondre rapidement et de façon concrète aux difficultés rencontrées dans l'application de la loi soit désormais unanimement admise. A cet égard, relevant le nombre particulièrement élevé de décisions du parquet tendant au classement sans suites d'affaires qui auraient pourtant pu donner lieu à des poursuites, il a expliqué cette situation par l'incapacité du ministère public à faire face au nombre croissant de missions qui lui sont confiées par le législateur, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000. Il a poursuivi son propos en indiquant qu'il était personnellement favorable à une réforme profonde du code de procédure pénale qui limiterait l'intervention des magistrats du parquet aux crimes et aux délits particulièrement graves, tandis que le reste des affaires relèverait de la compétence de « juges de paix ».

S'agissant du dispositif de la proposition de loi, M. Claude Goasguen a considéré qu'elle tendait à instaurer une justice de proximité plus collective et à associer davantage les élus locaux aux actions conduites en matière de lutte contre la délinquance. Considérant que ces dispositions étaient raisonnables et équilibrées, il a indiqué que son groupe politique les soutiendrait et a conclu son propos en regrettant que les propositions de l'opposition soient trop souvent caricaturées dans les médias par certains responsables de la majorité.

Convenant que la proposition de loi traitait d'un sujet préoccupant et relevait, à juste titre, le faible taux d'élucidation des affaires ainsi que la lenteur de l'exécution des mesures alternatives aux poursuites, Mme Christine Lazerges a, cependant, jugé que les mesures proposées relevaient davantage de la compétence du pouvoir réglementaire que de celle du législateur.

Puis, évoquant les différents articles de la proposition de loi, elle a, tout d'abord, considéré que la création obligatoire d'un conseil de la réparation pénale dans les communes ou communautés de communes de plus de 50 000 habitants n'était pas une mesure satisfaisante ; jugeant que ce seuil ne correspondait à aucune réalité concrète, elle a observé que certaines communes dont la population était inférieure pouvaient connaître des problèmes de délinquance plus importants que d'autres villes pourtant plus peuplées.

Elle a ensuite regretté que la proposition de loi tende à la création d'une nouvelle structure, sans prendre en compte les instruments existant, comme les conseils communaux de prévention de la délinquance ou les contrats locaux de sécurité, insistant sur la nécessité de renforcer la coordination entre ces deux éléments de la politique de sécurité. Après avoir souligné que certaines communes avaient déjà pris en compte cette exigence, en désignant un seul élu en charge de ces deux instruments, elle a indiqué que le Gouvernement préparait deux décrets respectivement relatifs à l'articulation des compétences des conseils communaux de prévention de la délinquance avec les actions conduites dans le cadre des contrats locaux de sécurité et à l'instauration d'un réseau national d'associations chargées de la mise en place et du suivi de l'exécution des mesures de réparation en matière pénale, à l'image du système existant aux Pays-Bas. Observant que le conseil de la réparation pénale dont la création est proposée n'aurait pas, en revanche, de telles compétences, elle a jugé qu'il n'apporterait donc aucune amélioration par rapport au droit en vigueur.

Faisant ensuite référence aux dispositions de la proposition de loi qui permettraient de dessaisir le procureur de la République, au profit du conseil de la réparation pénale, des affaires pour lesquelles il n'a pas pris de décision dans les trente jours suivant la réception d'une plainte ou d'une dénonciation, Mme Christine Lazerges a considéré qu'elles étaient contraires à la Constitution et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés. Elle a souligné, en effet, qu'il n'était pas acceptable, dans un Etat de droit, que des justiciables soient privés de la protection des règles du code de procédure pénale et de l'intervention de ministère public au seul motif que celui-ci n'aurait pas respecté un délai par ailleurs arbitraire, donc contestable. Tout en indiquant qu'elle partageait l'objectif de la proposition de loi, elle a conclu son propos en jugeant que le dispositif préconisé n'était pas satisfaisant et indiqué que, en conséquence, le groupe socialiste s'opposerait à son adoption.

M. Louis Guédon a, en préambule, évoqué les différents dispositifs existants en matière de prévention de la délinquance, pour déplorer leur manque de contenu et de cohérence : il a ainsi estimé que les contrats locaux de sécurité, dénués de réelle portée, étaient d'abord des mesures d'affichage destinées à répondre à la pression de l'opinion publique, puis a décrit les conseils intercommunaux de prévention de la délinquance comme des instances de débat et de communication sans réelle efficacité pratique ; il a enfin jugé que les commissions d'aide aux victimes ne constituaient qu'une institution factice, au sein de laquelle policiers et magistrats se renvoyaient la responsabilité de l'échec des procédures de médiation pénale.

Face au mécontentement croissant de l'opinion devant l'inaction des pouvoirs publics en matière de délinquance, il a déclaré souscrire pleinement aux objectifs de la proposition de loi, qui permet de renforcer la place des maires dans le dispositif de lutte contre l'insécurité. Il a ainsi jugé indispensable que ceux-ci, conformément aux souhaits d'une grande majorité d'entre eux, soient davantage impliqués, notamment dans le suivi des travaux d'utilité publique confiés aux jeunes mineurs délinquants. Il a plaidé, à travers la réhabilitation de ces travaux, pour une répression appropriée des faits de petite et moyenne délinquance, seule à même de faire comprendre aux jeunes que leur liberté a des limites, définies par le respect de la liberté d'autrui.

Tout en insistant sur le rôle primordial du maire, il a approuvé le choix de M. Jean Antoine Leonetti de maintenir les magistrats comme présidents des maisons de justice et du droit ; il a également déclaré souscrire à sa suggestion d'associer les présidents des EPCI, pour permettre le développement d'une politique de sécurité commune dans les bassins urbains comprenant des communes de dimension modeste. Rejoignant néanmoins les propos de Mme Christine Lazerges, il a contesté le seuil retenu de 50 000 habitants pour l'instauration des conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, considérant que cette limite revêtait un aspect arbitraire, difficilement conciliable avec la réalité de la délinquance sur le terrain.

M. Jean-Yves Caullet a souhaité, en premier lieu, saluer la présentation pragmatique et apaisée qu'avait faite le rapporteur de sa proposition, très éloignée des discours caricaturaux sur la délinquance, trop souvent entendus ces derniers temps. Constatant que sa proposition de loi était modeste et ciblée, il a déclaré approuver la démarche qui consiste à traiter la question de la sécurité et de la délinquance, non comme un thème du débat politique, mais comme un sujet d'action concret.

S'agissant du diagnostic et du sentiment d'insécurité qui lui est lié, il a considéré que le traitement actuel de la délinquance ne mettait pas suffisamment l'accent sur les incivilités et la récidive, ce qui était de plus en plus mal supporté par les Français. Il a néanmoins contesté les propositions faites par M. Jean Antoine Leonetti, estimant notamment que le seuil de 50 000 habitants retenu pour la création de conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité ne correspondait à aucune réalité concrète ; rappelant, en outre, que les structures intercommunales n'exerçaient aucune compétence en matière de police, il s'est également interrogé sur les pouvoirs qui seraient confiés aux présidents des établissements publics de coopération intercommunaux.

M. Dominique Raimbourg s'est déclaré en accord avec l'essentiel du diagnostic dressé par M. Jean Antoine Leonetti, estimant, à son tour, que la faiblesse du taux d'élucidation des affaires, l'ampleur de la récidive et la lenteur d'exécution des peines suscitaient une incompréhension et un sentiment d'injustice au sein de la population française. S'agissant des solutions préconisées par la proposition de loi, il a contesté l'instauration d'un délai de 30 jours à partir duquel le procureur de la République serait dessaisi au profit du conseil de la réparation pénale ; il s'est notamment interrogé sur le mode de computation de ce délai, et, plus particulièrement, sur son point de départ.

Il a également évoqué la mise en place des conseils locaux de prévention de la délinquance, qui, comme les contrats locaux de sécurité actuellement, risqueraient de se heurter à la question récurrente de l'absence de moyens. Il a fait état du manque de statistiques locales fiables, qui rend difficile la définition d'objectifs à atteindre dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Evoquant l'expérience menée actuellement dans la région nantaise, où près de 1 000 à 1 200 affaires, soit 25 % des affaires du tribunal correctionnel, sont résolues par le biais de la médiation pénale, il a insisté, en conclusion, sur l'importance qui s'attachait à développer les dispositifs de réparation pénale.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  Les solutions préconisées par la proposition de loi sont effectivement mesurées, ce qui explique qu'elles soient considérées comme insuffisantes par certains. Toutefois, même s'il ne s'agit que d'un premier pas, ce texte a le mérite de s'attaquer au défi majeur que représente l'impunité des auteurs de certaines infractions et, dans cette perspective, d'apporter des réponses concrètes à une population inquiète, une police trop souvent impuissante et des élus locaux privés de moyens d'action.

-  Le caractère prétendument réglementaire des mesures proposées est contestable. Il est significatif, à cet égard, que la majorité ait jugé utile et possible de légiférer sur les contrats locaux de sécurité dans le cadre de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, ce qui montre que l'appréciation des limites du domaine législatif est aussi une question d'opportunité. De plus, le caractère obligatoire de certaines mesures prévues par la proposition de loi rend nécessaire le recours à la loi.

-  Le seuil de 50 000 habitants à partir duquel la création des maisons et antennes de justice et du droit et des conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité deviendrait obligatoire peut être discuté. Le cas échéant, une autre limite pourrait être retenue. Cela étant, la proposition de loi n'empêche pas des villes ou des structures de coopération intercommunale de moindre importance de mettre en place de telles instances si elles le jugent nécessaire.

-  Le rôle qui serait confié, en matière de sécurité, aux présidents de certains établissements publics de coopération intercommunale, est légitime, dès lors que la politique de la ville fait partie des compétences obligatoires de ces groupements. Leur reconnaître des prérogatives en matière de lutte contre la délinquance apparaît comme la conséquence logique des transferts de compétences opérés au cours de la période récente.

-  Le fait de prévoir un délai au terme duquel, en l'absence de décision de la part du procureur de la République, le conseil de la réparation pénale serait saisi de certains actes de délinquance n'a rien de choquant. Des délais butoirs ont déjà été institués dans d'autres cadres et avec des conséquences beaucoup plus graves, en particulier par la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui prévoit la libération quasi automatique de criminels potentiels lorsque la durée de leur détention provisoire devient excessive. Les mesures préconisées par la proposition de loi tendent à accélérer les procédures dans le respect des principes constitutionnels qui s'imposent au législateur, l'autorité judiciaire n'étant pas dessaisie, le délégué du procureur de la République devenant compétent au terme du délai de trente jours précité.

-  Prévoir la mise en place, par décret, d'un vaste tissu associatif pour le suivi des mesures alternatives aux poursuites, n'apparaît pas comme une solution suffisante et pourrait même appeler des objections, la démocratie n'étant jamais gagnante lorsque l'Etat se défausse de ses responsabilités sur des acteurs privés.

-  L'exemple des Pays-Bas témoigne du caractère mesuré des solutions préconisées par la proposition de loi, les mesures alternatives aux poursuites pouvant même être décidées, dans ce pays, par un officier de police judiciaire. Cette faculté est excessive au regard du principe de la séparation des pouvoirs et il paraît préférable que le prononcé d'une sanction reste de la compétence d'une personnalité extérieure et impartiale. Il est néanmoins indispensable que l'ensemble des acteurs de la sécurité soient associés à la mise en _uvre des programmes alternatifs aux poursuites, afin qu'ils bénéficient d'une nouvelle dynamique, ce qui permettrait d'éviter, comme cela s'est produit récemment, qu'un jeune délinquant, coupable d'actes de violence à l'encontre d'un représentant des forces de l'ordre, ne se voit infliger qu'une simple rédaction à titre de sanction.

-  La proposition de loi permettrait donc de mettre fin à cet enchaînement catastrophique qui, d'infractions non élucidées en classements sans suite ou en sanctions non exécutées, confère aux petits et moyens délinquants une quasi-impunité. Le dispositif proposé est à la fois souple et pragmatique ; il permet aux acteurs locaux de la sécurité de l'adapter aux réalités du terrain, y compris en ce qui concerne la nature des infractions transmises au conseil de la réparation pénale et les modalités de sa saisine.

Saluant l'état d'esprit constructif dans lequel s'était déroulé la discussion de cette proposition de loi, M. Bernard Roman, Président, a jugé que, au-delà des désaccords, un consensus avait pu émerger sur le diagnostic actuel de la délinquance. Il a exprimé sa satisfaction que ce constat ait pu être fait loin des discours caricaturaux sur la délinquance.

A l'issue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à l'examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusions.

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