ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de
lADMINISTRATION GÉNÉRALE de la RÉPUBLIQUE
COMPTE RENDU N° 11
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 4 novembre 1998
(Séance de 9 heures 30)
Présidence de Mme Catherine Tasca, présidente
M. Gérard Gouzes, vice-président
et Mme Christine Lazerges, vice-présidente
SOMMAIRE
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Projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes (n° 1079) (auditions)
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Projet de loi relatif au mode délection des conseillers régionaux et des conseillers à lAssemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 1142) (nouvelle lecture)
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La Commission a procédé à laudition de M. Noël Copin, journaliste au Journal La Croix, président de Reporters sans frontières ; Mme Anne dHauteville, professeur à la Faculté de droit dAvignon ; M. Jean-Louis Pelletier, président de lAssociation des avocats pénalistes ; M. Serge Portelli et Mme Sophie Clément-Mazetier, juges dinstruction au Tribunal de grande instance de Créteil et de M. Daniel Soulez-Larivière, avocat, sur le projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes (n° 1079) (Mme Christine Lazerges, rapporteur).
Mme Christine Lazerges, rapporteur : Avant que nous ne donnions la parole à nos invités, je voudrais rappeler les grands axes du projet de loi renforçant la présomption dinnocence et les droits des victimes.
Le point de départ réside dans larticle 9-1 du code civil selon lequel : « Chacun a droit au respect de la présomption dinnocence » ; or, ce respect ne nous paraît pas suffisamment préservé. Il est indispensable que le code de procédure pénale comporte la liste des principes généraux qui fondent la présomption dinnocence, et nous comptons procéder à un énoncé précis et pédagogique. Je note dailleurs quil est relativement curieux que cet énoncé se trouve actuellement dans le code civil et non dans le code pénal.
Il est également nécessaire quen amont du déclenchement des poursuites, la garde à vue soit revue. La situation de la législation française nest pas, à cet égard, satisfaisante au regard des exigences de la Convention européenne des droits de lhomme.
Par ailleurs, il convient de revoir la situation du témoin assisté, qui nest ni un témoin ni un mis en examen, mais appartient à une nouvelle catégorie dacteurs sur la scène pénale, qui doivent pouvoir échapper, au moins provisoirement, à linfamie de la mise en examen. Dans cette perspective, la communication sur le procès pénal doit être mieux encadrée, ce qui se traduit par la définition dinfractions nouvelles en la matière.
Enfin, bien entendu, la place de la victime dans le procès pénal est confortée.
Je nai pas encore évoqué linstitution dun juge de la détention qui est souvent présenté comme laspect le plus novateur du projet de loi. Bien sûr, la question de la détention provisoire doit susciter un débat, mais je crois que cest loin dêtre le seul problème que soulève le projet de loi soumis à notre examen.
Je remercie nos invités de sêtre déplacés, souvent de loin, pour venir nous faire partager leurs réflexions et leurs questions. Nous avons le souci de consulter tous ceux qui peuvent éclairer nos travaux. Jai déjà procédé à de très nombreuses auditions, mais au-delà de ce travail personnel du rapporteur, il me semblait nécessaire que la commission des Lois procède à une large audition publique.
M. Noël Copin : Cest un redoutable honneur que dêtre le premier à intervenir. Je précise dabord que, si je ne pense pas être très original, je mexprime, en tout cas, en mon nom personnel. Je suis ancien directeur de la rédaction de La Croix, président de Reporters sans frontières, mais notre association ne soccupe pas directement de questions de cette nature. Jinterviens donc surtout en tant quancien membre de la Commission de réflexion sur la justice, couramment désignée du nom prestigieux de son président, M. Pierre Truche.
Dabord, je voudrais dire que je suis très fortement attaché au principe de la présomption dinnocence et je ne pense pas, en cela, être original au sein de ma profession. Je le précise parce que, lorsquil est question de présomption dinnocence, on a peut-être un peu trop tendance à présumer tout journaliste coupable de vouloir y porter atteinte.
Jobserve que cest lorsque quelquun commence à être présumé coupable, que lon déclare quil a droit à la présomption dinnocence. Je sais que le terme « présomption » se trouve dans les grands textes sacrés, qui remontent à 1789, mais il vaudrait peut-être mieux dire que lon traite comme innocent celui qui est présumé coupable, aussi longtemps que cette culpabilité na pas été reconnue et sanctionnée.
Je suis satisfait de constater que, dans le même esprit que les travaux de la Commission Truche, le projet de loi ne donne pas la priorité au débat présomption dinnocence-liberté dexpression. La Commission Truche avait souhaité, en effet, commencer par aborder les atteintes à la présomption dinnocence qui découlent de la procédure pénale et de sa mise en uvre, affirmant quelle était dabord laffaire du magistrat.
Sur cet aspect-là, jinterviendrai rapidement car je ne suis pas juriste de formation. Je donnerai mon accord aux travaux de la Commission Truche et au contenu de ce projet de loi, notamment en ce qui concerne les droits de la défense ; je suis favorable à la présence de lavocat dès la première heure de la garde à vue. Jai un petit regret qui tient au fait que lidée de lobligation denregistrement de linterrogatoire nait pas été conservée. Si je me réjouis que le lien soit coupé entre lenquête et la décision de mise en détention, je regrette également que le principe de la collégialité nait pas été retenu, pour des questions essentiellement budgétaires.
Jen arrive à laspect qui me concerne le plus en tant que journaliste, cest-à-dire les rapports entre présomption dinnocence et liberté dexpression. Il me semble quil ne faut pas en faire une querelle de principe, encore moins un affrontement entre des personnes qui appartiennent aux professions judiciaires et à celle de journaliste. Me permettrai-je de critiquer ici les travaux dune Commission parlementaire sénatoriale qui sest penchée sur le sujet il y a quelques années ; affirmant légale importance des principes de la présomption dinnocence et de la liberté dexpression, elle suggérait néanmoins quil soit prévu que « la liberté dexpression sexerce dans le respect de la présomption dinnocence », ce qui serait une manière de reconnaître que lun de ces principes est plus égal que lautre, si je peux me permettre cette plaisanterie.
En fait, il me semble que ces deux principes, que lon oppose parfois, relèvent lun et lautre des droits de la personne, le premier définissant le droit dêtre respecté dans sa vie privée et son honneur, le second le droit de tout citoyen de disposer des informations qui doivent lui permettre dagir en tant que tel. Je nai pas de solution toute faite pour déterminer où il convient de tracer la ligne jaune. La question centrale est de savoir sil est possible de distinguer, dans lintention du journaliste de divulguer une nouvelle, non le désir de réaliser un scoop, ce qui est légitime, mais la volonté de provoquer un scandale ou de nuire à quelquun, du souhait dinformer le citoyen, ce qui est conforme à son rôle dans une société démocratique.
A ce sujet, même si globalement mon appréciation est très positive, je voudrais formuler une critique sur une des dispositions du projet de loi. Jétais de ceux qui, au sein de la Commission Truche, souhaitaient que lon interdise la diffusion de documents filmés ou photographiés de personnes menottées ou entravées, car je considère que cest contraire à la dignité de la personne et que cela constitue donc une atteinte aux droits de lhomme. Mais, en choisissant de condamner les journaux ou les organes médiatiques qui vont diffuser de tels documents, on prend le fait pour la cause.
La Commission Truche avait surtout insisté sur la nécessité de faire une application stricte de larticle 803 du code de procédure pénale, qui prévoit que nul ne peut être menotté ou entravé que sil présente un danger pour autrui ou pour lui-même ou sil est susceptible de tenter de prendre la fuite. Ce nest que subsidiairement quelle évoquait la question de la diffusion des images. Or lexposé des motifs du projet de loi mentionne dabord le rôle des médias et nenvisage que deux pages et demie plus loin un aménagement de larticle 803 du code de procédure pénale incitant à prendre toutes mesures utiles pour éviter quune personne menottée ou entravée ne soit photographiée ou filmée.
Je comprends, bien sûr, la raison de ce choix ; jai entendu de nombreuses personnes sexprimer sur ce sujet et, assez récemment, dans un colloque, Mme Elisabeth Guigou : il est vrai quactuellement la responsabilité de tout incident retombe sur ceux qui sont chargés descorter le présumé innocent ou coupable, cest-à-dire sur les policiers ou les gendarmes. Je crois cependant que lon devrait être beaucoup plus strict et dire une fois pour toutes quil nest pas permis de montrer en public une personne menottée ou entravée. Ce nest quensuite que lon pourrait se prononcer sur la responsabilité des journaux et des organes de presse ou des médias qui publient de tels documents. A cet égard, japprouve le choix qui est fait de ne pas mettre en cause le photographe ou le cameraman qui prendrait de telles images - parce quil ne peut dans linstant vérifier quune personne est ou non menottée - mais de faire assumer la responsabilité au rédacteur en chef ou au directeur du journal qui prendrait la décision de diffuser ces images.
M. Serge Portelli : Mme Sophie Clément-Mazetier et moi-même sommes juges dinstruction à Créteil, donc des praticiens depuis respectivement cinq et vingt-cinq ans. Nous souhaitons mettre notre expérience à votre disposition, en ayant pour objectif le service des libertés. Cest lesprit qui nous a guidés dans la rédaction dun certain nombre darticles que nous avons publiés et envoyés aux membres de la Commission.
Notre point de départ est la Convention européenne des droits de lhomme. Nous pensons que le code de procédure pénale français est très en retard par rapport aux principes posés par ce texte, quil viole même sur certains points. Il serait temps dappliquer ce texte fondamental, de même que dautres aussi fondamentaux que la déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789.
Nous pensons quil est difficile de faire confiance actuellement aux magistrats et dattendre de la pratique que les grands principes soient réellement respectés. Nous sommes de farouches partisans de la loi, dune loi beaucoup plus impérative, stricte, contraignante que celle qui existe actuellement, aussi bien en matière de garde à vue que de détention provisoire ou de mise en examen, voire de statut de la victime. Nous souhaitons que la justice, que nous vivons au quotidien, soit beaucoup plus humaine et cest aussi à la loi quil appartient de lhumaniser.
Pour autant, nous ne sommes pas de doux utopistes et si nous sommes partisans des libertés, nous considérons que la première dentre elle est la sûreté. Chaque citoyen a le droit de vivre en sécurité, à labri des atteintes de la criminalité, mais il doit aussi être protégé dune répression excessive.
Nous souhaiterions vous présenter nos propositions, que nous avons déjà formulées par voie de presse et que nous vous avons transmises sous forme damendements.
Le problème de la garde à vue nous paraît essentiel, parce cest celui qui concerne le plus grand nombre de citoyens : 380.000 personnes environ ont été placées en garde à vue en 1997, dont 70.000 pour plus de 24 heures. Notre souci est de la rejudiciariser. Elle doit être effectuée par des officiers de police judiciaire. Lorsque cette procédure, déjà développée dans la pratique, a été créée en 1958, le code de procédure pénale en a subordonné lexercice à une stricte condition déquilibre. Si lavocat était absent à ce moment capital quest larrestation, le juge, en revanche, devait être présent pour contrôler très étroitement la garde à vue. Cest ainsi quau bout de 24 heures, la personne gardée à vue doit, sauf circonstances exceptionnelles, être présentée au magistrat.
Déjà en 1958, ces dispositions étaient en retrait sur la Convention européenne des droits de lhomme, qui venait dêtre adoptée, et qui prévoit que toute personne arrêtée, privée de sa liberté, doit être aussitôt présentée au magistrat. Il serait donc au moins nécessaire que la loi soit appliquée et quau bout de 24 heures, 99 % des personnes soient présentées à un magistrat, pour quil contrôle les conditions de la garde à vue et, en même temps, dirige lenquête. Or, en réalité, le gardé à vue nest presque jamais présenté au magistrat qui est seulement consulté par téléphone. Il nous semble donc souhaitable que des dispositions plus contraignantes soient adoptées, qui auront inévitablement pour effet de faire diminuer le nombre de gardes à vue. Lorsque, en 1993, une loi a introduit lavocat à la vingtième heure, le nombre de gardes à vue se prolongeant au-delà de ce délai a chuté en une année de 15.000.
La sécurité ne souffrira en rien dune baisse du nombre de gardés à vue. Il faut se garder de considérer la garde à vue comme une mesure ordinaire, alors que cest une mesure terrible, particulièrement attentatoire à la liberté. Cest pourquoi il faut absolument éviter que les officiers de police judiciaire soient notés, comme ils le sont aujourdhui, en fonction du nombre de gardes à vue quils réalisent au cours dune année. Sil est indispensable que lavocat soit présent, notre idée aussi est de rejudiciariser la garde à vue en revenant à ce qui a été prévu par le législateur en 1958 et qui a été trahi par la pratique.
Sagissant de la mise en examen, nous souhaitons quelle fasse lobjet dune ordonnance motivée et susceptible de recours. Nous pensons quactuellement, la violation la plus grave du principe de la présomption dinnocence tient à la procédure de mise en examen, qui est lune des mesures les plus attentatoires à la liberté et à lhonneur des personnes. Elle est, en effet, vécue, aussi bien par les personnes qui en font lobjet que par lopinion publique, comme une véritable condamnation.
Actuellement, si le juge dinstruction décide de mettre en examen nimporte qui, voire le président de la République, son seul souci est de prendre une date dans son agenda et denvoyer une convocation. Cela ne nous semble pas compatible avec le niveau de protection des libertés que lon peut attendre dun pays comme la France. Obliger le juge à dire pourquoi il met en examen, cest respecter la présomption dinnocence, qui suppose que celui qui accuse fasse le premier pas et non que la personne mise en examen ait à chercher désespérément pendant des mois et des années ce que le juge dinstruction a bien pu avoir en tête quand il la convoquée. Nous avons des exemples assez frappants de ce type de dérives dans lactualité très récente.
Actuellement, le juge dinstruction nexplicite ses motivations quau moment de lordonnance de non-lieu il y a 7.000 à 8.000 non-lieux par an qui font suite à une mise en examen ou de lordonnance de renvoi, qui intervient en moyenne dix-sept mois après la mise en examen. Or la loi interdit de faire appel de cette ordonnance de renvoi.
Nous pensons également, et cest indissociable, quil faut complètement revoir le statut du témoin assisté, non comme le fait le projet du gouvernement, mais dune manière suffisamment attractive pour que le juge dinstruction change ses priorités et choisisse de recourir à cette procédure plutôt quà celle de la mise en examen. Il faudrait parvenir à changer les flux, de telle sorte quau lieu de 60.000 mises en examen par an, il ny en ait plus que 30.000, tandis que les 30.000 personnes seraient placées en position de témoins assistés, ce qui protégerait réellement leur présomption dinnocence.
Jen viens à la détention provisoire et, là aussi, je voudrais dire que nous navons confiance ni en nous-mêmes, ni dans nos collègues. Cest pourquoi nous souhaitons que la loi soit très contraignante.
Le projet de loi prévoit dinstituer un juge des libertés qui répondrait à lappellation peu gratifiante de juge de la détention. Je crains que ce ne soit pas en changeant de salle daudience que lon change de pratique. Il y a actuellement dans les prisons 15.000 personnes placés en détention provisoire sur ordre du juge dinstruction et 30.000 mises en détention provisoire sont décidées chaque année. Nous souhaitons nous aligner sur nos partenaires européens en faisant baisser sensiblement ces chiffres, qui devraient pouvoir être respectivement ramenés à 10.000 et 20.000, sans que la sécurité nen souffre.
Pour cela, il convient délever les seuils de détention encourus pour que les infractions les moins graves échappent à la détention provisoire. Cest la seule mesure efficace, alors que celle qui nous est proposée sinspire de la loi de 1993, dont vous savez parfaitement quelle na rien changé. Jajoute que, dun point de vue budgétaire, il est dommage de mobiliser 70 postes de magistrats pour exercer les fonctions de juge de la détention, alors quils seraient plus utiles ailleurs, pour sauvegarder les libertés.
Outre lélévation des seuils de détention encourus, il nous semble indispensable de limiter la durée de la détention provisoire à un an en matière en matière correctionnelle et deux ans en matière criminelle. On ne peut, en effet, au-delà parler de délai raisonnable.
Il faut enfin que le projet de loi apporte une réelle amélioration au statut de la victime, point sur lequel il nous a le plus déçus parce quil ne comporte pratiquement aucune disposition significative. Nous souhaitons dabord que la victime soit réellement informée afin quelle puisse faire valoir ses droits.
Ainsi, lorsquune information est ouverte, le juge dinstruction doit prévenir la victime pour quelle puisse se constituer partie civile. Il faut aussi, quand un tribunal correctionnel ou une cour dassises alloue des dommages et intérêts à une victime, que celle-ci sache quelle peut immédiatement en demander le versement à la commission dindemnisation des victimes dinfractions. Beaucoup davocats ignorent cette procédure et même certains magistrats.
Il importe aussi de faire savoir que la procédure de lenquête de personnalité, qui existe déjà pour les personnes mises en examen et nest dailleurs pas assez souvent mise en uvre, peut également concerner les victimes. Il est anormal que, devant une cour dassises, une personne décédée ne soit connue quau travers dune photographie dautopsie, alors quil sagit dune personne qui a eu une histoire, un passé.
Jai présenté lessentiel des améliorations que nous souhaiterions voir apporter au projet de loi. Avec Mme Sophie Clément-Mazetier, nous pourrons aller au-delà lors de la discussion.
Mme Anne dHauteville : Mon intervention se relie au dernier point évoqué par M. Serge Portelli. Je ne mexprimerai pas tant, en effet, en qualité de professeur de droit pénal, quen tant que militante du mouvement associatif daide aux victimes. Je représente une association départementale et jai été présidente de lInstitution nationale daide aux victimes, dont je suis encore vice-présidente. Jai évidemment consulté mes collègues pour pouvoir aussi mexprimer en leur nom.
Il est vrai que lexigence dinformation est essentielle, mais jaimerais replacer la victime dans un cadre plus général et vous donner mon sentiment sur le projet de réforme, dabord en me félicitant quà nouveau le législateur se penche sur la place de la victime dans le procès pénal.
Lorsque celle-ci choisit de se constituer partie civile, cest-à-dire dêtre partie au procès pénal, elle le fait avec une double motivation. Si elle choisit la procédure pénale, alors quelle pourrait demander des dommages et intérêts dans le cadre dune procédure civile, cest dabord parce quelle souhaite être présente au procès. Ensuite, elle le fait, bien sûr, pour demander réparation des dommages quelle a subis du fait de linfraction. Jévoquerai successivement ces deux points en vous indiquant les modifications ou ajouts quil me semblerait souhaitable dapporter au projet.
Sagissant de la présence au procès pénal, elle ne sert pas à grand-chose si la victime nest pas au courant de ses droits. Lobjectif essentiel est donc quelle soit informée de lexistence des associations daide aux victimes, que le projet reconnaît comme partenaires de la justice, et des droits quelle peut exercer à tous les stades de la procédure judiciaire et même, en amont, de la procédure policière.
Ce projet de loi je men félicite prévoit la possibilité pour la victime de présenter une demande de réparation aux services de police ou de gendarmerie lors dune enquête de police. Cest une très bonne chose. Mais il est impératif je suis favorable à une loi contraignante que les services de police ou de gendarmerie informent les victimes, non seulement de leur droit de se constituer partie civile, mais aussi de lexistence de la commission dindemnisation et dassociations daide aux victimes conventionnées par la justice, dont elles sont vraiment les partenaires.
Il faut donc que les officiers de police judiciaire soient formés à cet effet. Nous y participons, mais laisser cela à des initiatives individuelles me paraît dommageable. Il serait nécessaire quil y ait une obligation dinformation, qui pourrait peut-être revêtir la forme dune lettre dexplications préparée par la Chancellerie, dont la remise à la victime serait mentionnée dans le procès-verbal de police.
Il importe également et le projet de loi devrait être précisé sur ce point que, pour toute procédure, et non pas seulement dans le cadre de la troisième voie, le procureur de la République puisse sappuyer sur les associations daide aux victimes et informer celles-ci quelles sont à leur disposition. Le service quelles rendent est totalement gratuit et reconnu par linstitution judiciaire.
Il faut en outre que linformation des victimes se fasse à tous les stades de la procédure. Cette obligation incombe au juge dinstruction lorsquil reçoit une plainte avec constitution de partie civile, mais aussi lorsquil rencontre dautres victimes qui nont pas déclenché linstruction par constitution de parties civiles. Linformation doit également avoir lieu au stade du jugement, et de plus en plus compte tenu de laccélération des procédures, de la multiplication des comparutions immédiates, qui pose dailleurs des problèmes dont le projet fait état.
Sans doute la prise en compte du droit des victimes ne doit-elle pas paralyser le cours de la justice pénale pour laction publique, mais il est nécessaire que les victimes soient avisées du choix dune procédure rapide. Sil nest pas possible que laction civile soit examinée en même temps que laction publique, il faut prévoir un renvoi pour les intérêts civils, afin de donner à la victime la possibilité de présenter un dossier sérieux.
Je voudrais aussi mettre laccent sur la nécessité dun accompagnement et dun soutien psychologique. Une infraction pénale peut causer un traumatisme extrêmement fort, lourd pour la victime, tout comme le fait de se trouver confrontée à linstitution judiciaire. Bien sûr, les victimes sont soutenues par leurs avocats, mais nos services daide aux victimes proposent un accompagnement plus global, qui prend du temps, exige des explications, un soutien psychologique. A tous les stades de la procédure, il faut que cet accompagnement soit organisé.
Enfin, toujours dans lidée de donner toute sa portée à la présence de la victime dans le procès pénal, je crois quil faut insister sur le respect du principe de légalité des armes, issu de larticle 6 de la Convention européenne des droits de lhomme. Deux arrêts récents de la Cour de cassation rendus en 1997 ont affirmé ce principe à propos de larticle 546 du code de procédure pénale relatif aux voies de recours en matière de contraventions. La Cour a annulé lensemble dune procédure, parce que seul le procureur général avait le droit de former un recours, ce droit nétant reconnu ni à lauteur de linfraction, ni à la partie civile.
Je pense que cette jurisprudence va sétendre à dautres textes du code de procédure pénale. Le principe de légalité des armes a été retenu par la Commission et par la Cour européenne. A mon avis, il va simposer à nos juridictions et au législateur. Il importe donc de revoir les dispositions du code de procédure pénale, tout au long de la procédure, à la lumière de ce principe.
Je prendrai lexemple de la réouverture dune information sur charge nouvelle, sachant que cest une question difficile et controversée. Actuellement, seul le procureur de la République dispose de ce droit, que la victime na pas. Je sais que de nombreuses constitutions de partie civile sont dilatoires et que les juges, au contact avec la réalité, ont du mal à contenir les actions vindicatives et dilatoires des victimes. Cependant, lorsquil y a véritablement des charges nouvelles, je ne vois pas pourquoi on ne reconnaîtrait pas à la victime le droit de demander au juge dinstruction de rouvrir linformation, de reprendre le dossier, quitte à consigner les frais du procès, comme pour la constitution de partie civile initiale devant le juge dinstruction, et à prévoir des sanctions en cas dabus.
Jen viens à la seconde raison qui conduit la victime à choisir la voie pénale, cest-à-dire la volonté dobtenir réparation. La Commission Delmas-Marty avait déjà affirmé comme principe fondamental, le droit dobtenir effectivement réparation.
Bien sûr, la réparation doit être recherchée dabord auprès de lauteur des dommages. La politique pénale, telle quelle est définie par la législation et mise en uvre par les tribunaux depuis ces dernières années, noppose pas la réinsertion de lauteur et la réparation demandée. Au contraire, dès lors quelle est supportable pour lauteur, la réparation apportée à la victime peut participer à lindividualisation de la sanction et à la réinsertion du délinquant. Donc je pense que cest une bonne chose et le projet de loi va dans ce sens.
Lautorité compétente en la matière est évidemment le juge dapplication des peines. La circulaire du ministère de la Justice de juillet 98 comprend un volet très intéressant sur ce point, qui insiste sur le développement des relations avec ladministration pénitentiaire, linformation du délinquant sur lexistence dune victime, celle de la victime sur la situation du détenu, tout cela sous lautorité du juge dapplication des peines.
Lorsque lauteur nest pas détenu, sil bénéficie dun sursis avec mise à lépreuve, le juge dapplication des peines se sent bien sûr encore compétent, mais ce nest plus le cas lorsquil ny a pas de mise à lépreuve, parce quil ne souhaite pas être un agent de recouvrement des dommages et intérêts. Je le regrette parce que cela reste de sa compétence puisquil sagit de lapplication dune peine. Si la victime est obligée de faire exécuter la décision de justice par elle-même, compte tenu du monopole, elle doit sadresser à un huissier pour lexécution forcée de la décision. Cela me semble une injustice fondamentale quil faut absolument réparer. Certes, les frais dexécution des décisions de justice sont à la charge du condamné, mais la victime doit en faire lavance, ce qui est insupportable, puisque la plupart du temps elle risque de les perdre, lauteur étant insolvable. Jobserve que la victime na pas à faire lavance des expertises lorsquelle choisit la voie pénale. Il faudrait quil en aille de même pour les frais dhuissier, qui sont normalement à la charge de lauteur et devraient entrer dans les dépens de justice si celui-ci est insolvable.
Enfin, je voudrais évoquer la Commission dindemnisation des victimes sur laquelle une réflexion est conduite par un groupe de travail institué au ministère de Justice. Je pense que lorsquune victime a tout fait pour faire exécuter les décisions de justice lui octroyant réparation, mais a laissé passer le délai de prescription dun an prévu pour saisir la Commission, il faudrait reconnaître que cest un motif légitime pour présenter sa requête.
M. Daniel Soulez-Larivière : Je vais être très direct : je pense que ce texte est complètement sous-dimensionné ; cest un cautère sur une jambe de bois, il court après lévénement. Il était déjà sous-dimensionné dans sa version première ; or il a réduit sa voile du fait de certaines vicissitudes, notamment des journées daction dassociations et de syndicats de magistrats, dont la nature de lactivité me semble dailleurs mal définie du point de vue déontologique. En effet, autant on peut être satisfait, intéressé, passionné ce qui est mon cas par les travaux de M. Serge Portelli et de Mme Sophie Clément-Mazetier, autant on peut être surpris par les pressions exercées, qui ont abouti, au terme de discussions qui nont pas été menées au grand jour, au document insuffisant qui est proposé à lexamen du Parlement.
Le projet de loi nest pas satisfaisant parce que, dune part, il ne tient pas compte dune caractéristique essentielle de notre procédure, qui est la confusion des tâches juridictionnelles et de celles dinvestigation et daccusation, et dautre part, il témoigne dune méconnaissance de ce quest la défense.
En ce qui concerne la confusion des tâches, elle sillustre dabord par la situation même du juge dinstruction, qui est à la fois investigateur et juge, comme le disait Robert Badinter, à la fois Maigret et Salomon. Cest le vice rédhibitoire de notre justice qui manifeste également son archaïsme par la confusion des tâches de laccusation. En effet, le juge dinstruction est un accusateur, de même que le juge du siège qui, au cours du procès, passe son temps à exercer une contrainte psychique et verbale sur la personne quil interroge, alors quil va se retirer ensuite pour la juger. Cest une situation complètement aberrante et archaïque ; toute personne qui na jamais eu affaire à la justice et assiste à une audience, qui voit le résultat dune instruction pénale, en ressort généralement épouvantée.
Or, ce problème nest pas traité par le projet de loi, qui se contente de redonner vie à lersatz de réforme résultant de la loi de janvier 1993, qui reprenait, sous forme homéopathique, certaines conclusions de la Commission Delmas-Marty, et avait suscité des menaces de grève du zèle des juges dinstruction. Jai conservé quelques tracts qui, en substance, suggéraient aux magistrats de mettre en détention leurs « patients » pour montrer que le système ne marchait pas et bloquer linstitution du juge délégué. Je rappelle que ces réactions ont été efficaces, puisque la nouvelle majorité qui a succédé au gouvernement socialiste a abrogé la loi de janvier 1993, qui napportait pourtant quune réforme limitée par rapport à lobjectif qui aurait dû être atteint.
Il serait donc nécessaire de remettre en cause la confusion des tâches entre laccusation, linvestigation et le juridictionnel, et de reconstruire notre procédure pénale dune manière plus fondamentale pour éviter lécueil mis en lumière par la Commission Delmas-Marty dans ses conclusions : « Les membres de la Commission ont la conviction que le malaise actuel de la justice pénale tient moins à lindifférence du législateur quà laccumulation de réformes ponctuelles, partielles, ajoutant toujours de nouvelles formalités, de nouvelles règles techniques qui ne saccompagnent ni des moyens matériels adéquats, ni dune réflexion densemble sur la cohérence du système pénal. »
Le projet de loi méconnaît, par ailleurs, les réalités de la défense. Dans notre culture, le policier, le juge lui-même, bénéficient dune certaine image de fonctionnaire public impartial. Dans ce système la défense na pas grand-chose à faire et constitue une espèce de pièce rapportée. Sous lAncien Régime, dailleurs, il ny avait pas davocats, mais seulement des personnes qui développaient des mémoires écrits. La défense nexistait, ni à linstruction, ni pratiquement à laudience. Nous sommes encore dans cette logique. Lorsque lon envisage la présence de lavocat au cours de la garde à vue, on entend les mêmes critiques que celles qui étaient formulées en 1897 lorsquil a été introduit dans le cabinet du juge dinstruction : il sagirait de désarmer lEtat, dassurer aux riches une défense dont les pauvres ne pourraient bénéficier, toute une série de sornettes répétées au cours des siècles. La réalité, cest que le concept de défense individuelle nest pas dans notre culture. Il en résulte une confusion dont je voudrais donner un exemple : le projet de loi prévoit que le procureur de la République est chargé de préparer les droits de réponse pour les personnes mises en cause. Pourquoi ne pas le commettre doffice pour les défendre ? Cela na aucun sens !
Sagissant de la garde à vue, sans doute est-il bon de faire venir un avocat dès la première heure. Mais il est tout aussi important de dire à la personne interrogée de quoi il sagit. Car la garde à vue aujourdhui est un jeu du chat et de la souris. La personne entendue ne sait pas vraiment ce quon lui veut. Il faudrait que les questions posées soient inscrites explicitement au procès-verbal et que celui-ci ne sorte pas, après 24 heures de garde à vue, sous la forme de deux pages complètement malaxées, qui ne restituent aucunement la vérité de ce qui sest passé pendant un interrogatoire destiné à secouer le suspect et à lui extraire des aveux. Plutôt que de rassembler des preuves permettant de mettre en cause un suspect, il est hélas dans notre culture judiciaire de lui extorquer la vérité quon souhaite lui entendre dire.
Au stade de linstruction, je pense quil faut effectivement que lordonnance de mise en examen soit motivée. Cela me semble un scandale permanent que le juge dinstruction puisse garder pour lui les faits qui justifient la mise en examen jusquà ce quil prenne une ordonnance de renvoi. Il marrive encore aujourdhui de faire des demandes de non-lieu, en minterrogeant sur ce que le juge reproche vraiment à la personne que je défends.
Je suis, par ailleurs, très perplexe sur larticle 116 du code de procédure pénale, qui permet à la personne mise en examen de faire des déclarations spontanées. Je sais ce que cela veut dire trop souvent. Quoi quil en soit, je pense quil faut renforcer le rôle de la défense dans linstruction pénale et obliger le magistrat instructeur à faire mention dans les procès-verbaux des incidents et des déclarations de lavocat au cours des interrogatoires. Je pense quil faudrait également que la défense puisse exiger des audiences spéciales pour poser ses questions indépendamment de celles de linstruction, plus de dix minutes avant le départ du greffier.
Sagissant du juge délégué, il a été transformé en « croupion » dans le projet de loi qui vous est soumis. Au départ, il devait être un juge des libertés dont les pouvoirs se rapprochaient de ceux envisagés dans le rapport Delmas-Marty. Si politiquement il paraît impossible je ne sais dailleurs pas pourquoi de mettre en uvre ce rapport, qui est le plus complet et le plus remarquable établi depuis 1988 sur le sujet, il faut au moins redimensionner le juge des libertés et le charger de tout ce qui est juridictionnel, cest-à-dire de la mise en détention, des perquisitions
Cest également à lui quil appartiendrait de décider, en cas de divergence, sil convient de mettre une personne en examen ou de la placer en position de témoin assisté.
Je voudrais aussi évoquer, même si cest un petit détail, larticle 802 du code de procédure pénal, qui dispose que toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie dune demande dannulation ou qui relève doffice une telle irrégularité, ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie quelle concerne. Une telle disposition fait appel à la subjectivité du juge. Il devient inutile dinvoquer une nullité parce que, dans la plupart du temps, les magistrats considéreront quelle na pas porté atteinte à la défense. Les décisions relatives à la garde à vue lont montré après lintroduction de ce texte.
En ce qui concerne laudience, je pense quil est indispensable de distribuer les rôles différemment. Il nest pas possible de maintenir cette procédure de linterrogatoire par le président, qui le transforme en acteur. Vous ne pouvez pas être juge et partie, accusateur et juge, interroger une personne dans le box des accusés pendant une journée ou deux et, ensuite, prétendre vous retirer pour délibérer. Cest au procureur quil appartient daccuser, de poser ses questions, de traquer la personne prévenue ou accusée, dexiger delle des réponses. Les juges doivent se taire ou, éventuellement, pour ne pas tomber dans les absurdités des systèmes accusatoires trop rigides, poser des questions. Il arrive quaux assises, les avocats généraux et les présidents décident de se répartir ainsi les rôles ; la justice a alors une autre allure.
En France, elle ne souffre pas seulement de rendre des décisions injustes, comme dans toutes les sociétés, mais aussi de ce vice supplémentaire, qui est de rendre parfois des décisions justes qui paraissent injustes. Cest latteinte la plus catastrophique à la fonction judiciaire. Il nest pas une seule affaire criminelle qui ne pose de problème aujourdhui, qui ne suscite une sorte de mini ou de gros scandale, parce que les personnes qui assistent aux audiences ne comprennent pas que la justice se rende dans de telles conditions.
Dans le cadre de la protection des victimes, il faut mettre fin à certains abus. Je voudrais évoquer celui qui permet aux parties civiles de citer directement à laudience des personnes qui, soit ont été mises hors de cause pendant linstruction, soit même nont pas été entendues. Je me réfère, par exemple, à laffaire de Furiani dans laquelle le préfet de Haute-Corse, mis expressément hors de cause par la chambre daccusation, a été cité directement devant le tribunal et sest trouvé dans une situation tellement ambiguë sur le plan juridique que le président a précisé quil sagissait dun prévenu sous conditions suspensives, ce qui fera sourire les juristes.
La jurisprudence de la Cour de cassation est totalement insuffisante. Lorsque le juge termine son instruction, il doit demander aux parties civiles si elles souhaitent dautres mises en examen et, en cas de divergences, la chambre daccusation doit pouvoir trancher définitivement. Sinon, ce nest même pas la peine de maintenir une instruction. Au prochain accident de chemin de fer, toute la hiérarchie de la S.N.C.F. sera dans le box des accusés et la justice ne pourra pas être rendue. Si linstruction ne sert à rien, il faut le dire et procéder par voie de citations directes à laudience.
Sagissant des droits des victimes, je crois mais cette question nest pas traitée par le projet de loi quil faut revenir sur la confusion résultant de la jurisprudence de lentre-deux guerres entre faute civile et faute pénale. La loi du 13 mai 1996 a tenté daborder ce sujet par un détour en précisant que pour être constituées, les infractions non intentionnelles doivent être le fait de personnes répondant à certains critères de pouvoir, de compétence, etc. Or la première décision rendue sur la base de cette loi par le tribunal de Rennes a montré que ce texte ne servait à rien. Dailleurs, le président de la commission des Lois avait souligné, lors de sa discussion, que cétait une loi pédagogique, dinterprétation. Dans la deuxième affaire, celle des thermes Barbotan, le tribunal a considéré que le maire, qui avait le profil exact de ceux pour lesquels le Parlement avait souhaité écarter toute condamnation, à défaut de pouvoir agir, aurait dû démissionner. Cette loi est donc inefficace et il faut reprendre la définition de la faute civile et de la faute pénale.
Si lon souhaite éviter une inflation des procédures pénales, il convient doffrir aux victimes une procédure qui puisse leur donner, au civil, les mêmes satisfactions légitimes. Un procès civil aujourdhui, ce nest rien pour une victime ; cest essentiellement une procédure écrite, les avocats plaidant une demi-heure sans témoins. Or, pour lapplication de la loi du 29 juillet 1881, la Cour de cassation a transposé les règles de la procédure pénale au civil. Dans le cadre dun procès en diffamation au civil, il faut respecter toutes les règles de signification de preuves, de citation de témoins, etc ... Cette pratique semble parfaitement transposable dans les affaires dinfractions non intentionnelles redéfinies.
Je termine en vous disant le bonheur que jai dêtre entendu ici, entre un journaliste, dont japprouve les propos et la conception quil exprime de la liberté dexpression, exercée conformément à larticle 10 de la Convention européenne des droits de lhomme, cest-à-dire dans le respect des nécessités propres à une société démocratique, et des juges dinstruction qui, même sils ne partagent pas le même avis que moi sur la nécessité de séparer les tâches dinvestigation et daccusation des tâches juridictionnelles, développent néanmoins des arguments intéressants et proposent des textes absolument remarquables. Si vous ne pouviez ou ne vouliez pas prendre la direction proposée par la commission Delmas-Marty, je crois quil ny a rien à rejeter dans ce quils suggèrent, sauf le fait quils souhaitent le maintien du juge dinstruction.
M. Jean-Louis Pelletier : Mon propos ne sera pas aussi tranché que celui de mon confrère Me Soulez-Larivière. En fait, je ne parle pas en mon nom personnel, mais en celui dune association, celle des avocats pénalistes, laquelle est constituée de praticiens du droit pénal. Ce projet a fait de notre part lobjet dune réflexion collective. Nous nous sommes voulus avant tout pragmatiques et nous considérons quil constitue une avancée remarquable, parce quil va dans le sens dune plus grande protection des droits des prévenus et des présumés innocents, mais également dune garantie renforcée des droits des victimes.
Cela étant, après ce satisfecit nuancé, je me dois dexprimer quelques réserves. La première tient au fait que nous trouvons ce projet un peu frileux. Nous aurions souhaité quil sinscrive dans une réflexion plus générale et quil conduise à une refonte totale du code de procédure pénale. Par référence aux travaux remarquables de la Commission Delmas-Marty, nous aurions aimé quune plus grande place soit faite au contradictoire, au niveau policier bien sûr, mais aussi et surtout au niveau judiciaire. Nous nous rapprocherions ainsi beaucoup plus dun régime accusatoire ou para-accusatoire. Ce nest pas que nous voulions nécessairement instaurer une justice de type anglo-saxon, mais nous souhaiterions que la présence de lavocat, du défenseur, soit davantage confirmée.
Par ailleurs, un problème crucial est laissé de côté, celui de linstitution dune juridiction dappel pour les décisions des cours dassises. Il est regrettable que cette question, qui a suscité des débats sous plusieurs législatures, ne soit pas réglée, alors quelle se pose de manière aiguë à tous les praticiens du droit pénal.
Quelques problèmes ont été éludés ou ne sont pas évoqués, notamment celui, qui pourrait faire bondir les juges dinstruction, de la responsabilité des magistrats, qui doit évidemment être de nature civile. Lorsque nous, qui sommes praticiens du droit pénal, nous oublions un délai, nous sommes considérés comme responsables et nous pouvons légitimement être attaqués et amenés, par compagnies dassurances interposées, à supporter les conséquences pécuniaires de nos erreurs ou de nos fautes. Il nous paraît donc anormal que certains juges qui commettent des fautes naient, en fait de sanctions, quà subir un retard davancement.
Une autre question nest pas abordée, celle de la redéfinition du rôle exact de la chambre daccusation. Sil est théoriquement très important, nous savons quen pratique elle ne le joue pas, faute de moyens peut-être et dun excès de travail. Quoi quil en soit, il est constant que les juges ne sont pas censurés, bien au contraire, notamment en matière de détention. Des statistiques privées réalisées sur les décisions rendues par la chambre daccusation de la cour dappel de Paris, toutes sections confondues, montrent que sur 100 recours en matière de détention, il ny a, chaque année, que 10 % des décisions des juges dinstruction qui sont réformées. Il serait essentiel pour la défense de la liberté de se pencher sur la composition des chambres daccusation et sur leur rôle exact.
Il existe un autre problème qui nest pas traité par le projet de loi, cest celui du filtre théorique qui nexiste quen matière criminelle. Lorsque linstruction est terminée, le dossier fait lobjet dune transmission au procureur général, qui le remet à la chambre daccusation. Celle-ci met du temps à se réunir et rend finalement un arrêt de renvoi, dont nous savons tous que, sil a remplacé lacte daccusation, il revêt exactement la même nature. Cet arrêt de renvoi peut être frappé de pourvoi. Cest ainsi quà Paris, lorsque le dossier dinstruction est terminé, des personnes en état dêtre jugées attendent parfois 18 ou 24 mois avant de comparaître effectivement devant la cour dassises. Ces délais nous semblent anormaux et devraient pouvoir être supprimés. Sil est légitime que la chambre daccusation joue le rôle dun filtre éventuel par rapport aux juges dinstruction, elle ne devrait pas être appelée à statuer quand on soulève des nullités de procédure ; ce nest pas théoriquement son rôle.
Voilà les quelques regrets que nous exprimons sur les points qui nont pas été abordés. Jen viens maintenant au projet lui-même. Dans sa globalité, il nous donne satisfaction. Nous navons notamment pas de réserve particulière sur lappellation de juge de la détention. Cest une question de terminologie subsidiaire et, en tout état de cause, nous préférons que les avocats soient compétents en matière de liberté. Nous regrettons en revanche que le juge de la détention soit seul. Nous aurions préféré quil sinscrive dans une collégialité, dont très naturellement le juge dinstruction actuel aurait été radicalement exclu.
Sagissant de la présence de lavocat dès le début de la garde à vue, il est probable que, dans le cours de vos travaux, vous serez amenés à affiner les dispositions du projet de loi, éventuellement à les clarifier. Il convient, en effet, de préciser comment, sur un plan matériel, cette mesure sera conciliée avec les nécessités immédiates de lenquête. Il faut savoir que les policiers ont fait contre mauvaise fortune bon cur en nous voyant arriver dans les locaux de la garde à vue à la vingtième heure. Mais tout se passe très bien désormais ; notre présence est entrée dans les murs, nous sommes normalement prévenus et nous ne sommes pas mal accueillis.
Mais comment concilier la nécessité de prévenir lavocat quil doit se déplacer avec le fait quil doit intervenir à la première heure ? Il faudrait quun délai lui soit accordé pour quil se présente effectivement. Nous savons que le placement en garde à vue comporte un certain nombre de formalités : la fouille réglementaire, les relevés anthropométriques, la notification des droits. Le temps nécessaire à laccomplissement de ces formalités pourrait être mis à profit pour prévenir lavocat désigné ou commis et lui permettre darriver. Je livre cette réflexion à votre appréciation.
Dans le cadre de la garde à vue elle-même, il est regrettable que nous nayons pas accès au dossier, et que nous soyons, surtout à la première heure, confrontés à un client qui ignore ce qui lui est reproché.
De ce regret, jen viens à une véritable critique : il nest pas normal que soit instaurée une sorte de justice à deux vitesses, quil y ait, au départ, deux catégories de délinquants potentiels. Pourquoi réserverait-on lassistance de lavocat à ceux qui en ont peut-être le moins besoin, tout en lécartant pour les trafiquants de stupéfiants et les criminels en bande organisée. Les avocats connaissent parfaitement leurs droits, mais aussi leurs devoirs. Dailleurs, dans le cadre de notre association, nous mettons en garde contre les dangers quil peut y avoir à outrepasser ses droits, contre les risques quil peut y avoir à donner, dans le cadre de la garde à vue, des renseignements qui ne devraient pas être évoqués.
Par ailleurs, nous déplorons une autre forme de justice à deux vitesses et cest peut-être encore plus important au sujet du sacro-saint principe du secret de linstruction. Le projet de loi prévoit que le débat sur la détention pourra être rendu public, ce qui est une très bonne chose, mais apporte immédiatement un correctif en spécifiant que la décision appartient à la juridiction saisie. Or depuis quune première brèche a été ouverte sur le secret de linstruction par la loi de 1993, qui permet que le débat sur la détention devant la chambre daccusation soit également public, je ne connais quun seul cas où une telle décision a été prise : cétait à Lyon, à la demande du prévenu, dans une affaire concernant un parlementaire depuis déchu de son mandat et cette mesure ne la pas servi. Chaque fois que jai sollicité de la chambre daccusation que le débat soit public, elle ma opposé un refus catégorique.
Cest regrettable, car tout prévenu a le droit à la publicité, sous réserve que soient respectés les droits des autres personnes mises en examen. Ce nest pas, en effet, parce quun prévenu souhaite que la presse assiste au débat le concernant quil faut nécessairement violer le secret de linstruction pour les autres prévenus impliqués dans laffaire, ou alors ce serait consternant.
Toujours pour regretter lexistence dune forme de justice à deux vitesses
mais je veux rester nuancé , je voudrais évoquer une catégorie de justiciables qui nous paraît avoir des droits restreints, celle du témoin assisté. Je suis favorable à ce nouveau statut et je serais très heureux si son institution se traduisait par une diminution du nombre des mises en examen, même si je ne suis pas aussi optimiste que Monsieur Serge Portelli et Madame Sophie Clément-Mazetier. Mais pourquoi empêcher ce témoin assisté de prêter serment ? Pourquoi en faire une espèce de sous-témoin ? Ou bien il est témoin assisté dans les conditions que prévoit la loi et il prête serment, ou bien il est dores et déjà mis en examen et il ne prête pas serment.
Voilà les quelques réserves que nous souhaitons émettre. Vous allez débattre maintenant de certaines propositions ou amendements. Dici à ce que le projet soit effectivement discuté devant le Parlement, sil y a dautres concertations, nous souhaiterions y participer, si vous le jugez possible.
En résumé, ce projet de loi paraît constituer une avancée notable que nous approuvons dans son principe, comme tous les textes qui vont dans le sens dun renforcement des garanties données aux justiciables. Notre regret majeur tient à labsence de procédure dappel en matière criminelle. Il nous semble quil serait possible de beaucoup simplifier le projet présenté par M. Jacques Toubon. Pourquoi restreindre le nombre des jurés au premier échelon ? Il suffirait, selon nous, que la voie de lappel fonctionne, comme cest trop rarement le cas, au travers de la cassation, quune nouvelle cour dassises soit saisie, à condition, bien entendu, que celle-ci ne siège pas dans le ressort de la même cour dappel que la première, pour éviter que les mêmes conseillers ne soient désignés.
M. Jacques Floch : Ce nest pas la première fois que je participe à un débat sur la présomption dinnocence, la réforme du code de procédure pénale ou du code pénal.
Jen suis toujours sorti avec un sentiment dinsatisfaction et une certaine amertume. Nous sommes, chaque fois, soumis à dénormes pressions venant de toute part, de nos organisations politiques, de tous les professionnels du droit, avocats, magistrats eux-mêmes, policiers, et très rarement, il faut le dire, des victimes. En outre, il y a évidemment tous les organes de presse. A chaque fois, nous avons essayé de résister à ces pressions.
Toutes les propositions faites, susceptibles de conférer de nouveaux droits à ceux qui sont accusés, ne doivent pas leur en donner trop, pour ne pas paraître laxistes aux yeux de lopinion publique. En même temps, il ne faut pas porter atteinte à certaines prérogatives, notamment à celles des policiers qui ont dans la garde à vue une responsabilité majeure. Sagissant des pouvoirs du juge, toute volonté de les modifier pour les rendre plus conformes au droit sest heurtée aux juges eux-mêmes, aux professionnels du droit, à lopinion publique, qui nous mettaient en garde sur le fait que le juge risquait dêtre « désarmé » face aux personnes mises en accusation.
Aujourdhui, ces mêmes pressions sexercent, mais je crois que le moment est venu de faire de la résistance. Si nous ne parvenons pas à adopter un texte qui marque quelques progrès, rien ne pourra plus être fait pendant un grand nombre dannées.
Je pense que nous pourrions apporter au projet de loi une première modification en inversant son titre pour mentionner les droits des victimes avant le renforcement de la protection de la présomption dinnocence. Sans doute pourrions-nous également améliorer le contenu du texte qui, sorti de la Chancellerie, a une conception mineure des droits des victimes.
En ce qui concerne la présomption dinnocence, il est nécessaire de conduire sur un sujet aussi grave une réflexion sérieuse. Cette semaine, dans un hebdomadaire, LEvénement du Jeudi, un éditorialiste écrit au sujet de laffaire Elf-Dumas : « heureusement que la présomption dinnocence et le secret de linstruction ont été bafoués, sinon on naurait eu aucune information sur le sujet. » Le public accepte cela puisque LEvénement du Jeudi se vend et a des lecteurs. Dautres journaux se sont, au contraire, fixé des règles déontologiques sagissant de la présomption dinnocence et du secret de linstruction. Cest le cas, dans ma région, dun grand quotidien, Ouest France.
Sans doute la question de la présomption dinnocence ne se résume-t-elle pas aux rapports avec les médias. Mais je crois nécessaire de préciser les rapports entre la justice et le droit à linformation. Dans le rapport de la Commission de réforme de la justice, présidée par M. Pierre Truche, et dans les autres travaux préparatoires au projet qui nous est soumis, on retrouve des propositions intéressantes à ce sujet.
Jai entendu avec beaucoup dintérêt tous les intervenants. Le concours quils apportent à ce débat nous sera très utile. Ce nest pas en exerçant des pressions corporatistes, sans doute honorables, mais éloignées des préoccupations de défense des droits de lhomme, de la sécurité, de la sûreté de nos concitoyens, que lon peut aider le législateur à faire son travail.
Je ne voudrais pas, une nouvelle fois, être obligé de constater que nous ne parvenons pas à réaliser une réforme qui renforce la protection de la présomption dinnocence. Cest un sujet sur lequel nous devons pouvoir trouver une solution. Cela nous conduira certainement à bousculer certaines règles en matière, non seulement de garde à vue, mais aussi de mise en détention provisoire. Il suffirait pour changer totalement les choses de prévoir quune personne ne peut être placée en détention provisoire si les conditions prévues par le code de procédure pénale ne sont pas respectées. Avec un taux doccupation de 120 % dans les prisons, il est impossible dassurer aux prévenus une cellule individuelle et déviter de les mélanger avec des détenus qui subissent une peine. Pour avoir été rapporteur du budget des services pénitentiaires pendant quatre ans, jai visité de nombreuses prisons et je suis obligé de constater que la place y manque et que le droit ny est pas respecté. Je crois que cest une contrainte que les magistrats devraient prendre en compte avant de décider dun placement en détention provisoire.
Je conclurai en affirmant quil est temps de réaliser une réforme suffisamment profonde pour que notre pays puisse encore être considéré comme celui des droits de lhomme.
M. Michel Hunault : Je voudrais dabord préciser que nous sommes un certain nombre de parlementaires dans les rangs de lopposition à approuver la philosophie de ce texte qui renforce les libertés essentielles, notamment la présomption dinnocence.
Je reviens sur une disposition importante, celle de la création du juge de la détention provisoire. Je me souviens dun article récent de mon confrère Pelletier dans le Figaro, assez injurieux dailleurs pour les juges dinstruction. Nous savons tous aujourdhui que la détention provisoire est un moyen de pression. Le projet de loi qui nous est soumis ne va pas aussi loin que la proposition de loi présentée par Alain Tourret, adoptée en première lecture par lAssemblée, qui tendait à réserver le recours à la détention provisoire aux poursuites engagées pour les crimes ou les délits les plus graves. Je souhaiterais savoir si nos invités ont le sentiment et la conviction que le juge de la détention nutilisera plus la détention provisoire comme un moyen de pression. La solution proposée leur semble-t-elle préserver les libertés essentielles de tout individu ?
Me Daniel Soulez-Larivière : Comme vous avez pu le constater, lobjection faite par lAssociation des juges dinstruction à linstitution du juge délégué tient au fait quil ne connaît pas le dossier. Cest toute une philosophie, car connaître le dossier et manier la détention provisoire signifie quon ne traite pas le problème sur le terrain de la représentation du justiciable, mais sur celui de la liaison avec linformation elle-même. Dans ces conditions, je pense que retirer le pouvoir de mise en détention des mains du juge dinstruction, qui fait les investigations, marque déjà un petit progrès.
Mais on ne peut pas indéfiniment empiler les juges les uns sur les autres. Cest pourquoi les propositions du rapport Delmas-Marty présentaient un intérêt, parce quelles tendaient à une redistribution des tâches entre le Parquet, chargé des investigations, et les juges du siège, chargés de linstruction véritable. La solution apportée par le projet de loi nest donc quune demi-mesure. Une véritable réforme de fond impliquerait une redistribution des tâches entre le parquet, la défense et les juges du siège.
Mme Sophie Clément-Mazetier : Nous navons pas le sentiment que le juge de la détention aura une optique différente de celle du juge dinstruction. Nous craignons que sa mise en place ne soit insuffisante pour limiter vraiment le recours à la détention provisoire, dont le caractère excessif constitue un problème très grave et spécifiquement français. Nous considérons quun juge dinstruction ne doit pas statuer sur la détention provisoire, lorsque cest lui qui, en fait, a mené lenquête, par lintermédiaire des policiers agissant sur commission rogatoire. Lorsquil découvre laffaire parce que la personne lui est présentée par le procureur de la République, nous ne voyons pas pourquoi son appréciation différerait de celle de son collègue, qui a la même sensibilité, la même formation, a peut-être été un jour juge dinstruction ou le sera plus tard. Pendant les quelques mois au cours desquels linstitution du juge délégué a été en place, en 1993, la politique en matière de détention provisoire na pas varié.
Nous proposons donc des mesures très différentes. Sans doute faut-il instituer un juge délégué ou juge de la détention lorsque lenquête a été menée par le juge dinstruction et non pas par le Parquet, mais surtout la loi doit interdire le placement en détention provisoire pour motif dordre public en matière correctionnelle, fixer des délais butoirs infranchissables dun an en matière correctionnelle et de deux ans en matière criminelle et élever les seuils de peines encourues à partir desquels le placement en détention provisoire est possible.
En réponse aux propos de M. Jacques Floch, je voudrais souligner quil est paradoxal, lorsque le débat porte sur la détention provisoire, dentendre parler de laxisme, comme si la détention provisoire était une peine. Il faut bien distinguer la détention provisoire, qui est une mise à lécart rendue nécessaire pour les besoins de linformation, de la peine qui sera, le cas échéant, prononcée.
Il est tristement vrai que la détention provisoire est actuellement un moyen de pression, mais il ne sert à rien de dénoncer cette réalité si lon ne fait pas ce quil faut pour y mettre fin. Bien sûr, en matière criminelle notamment, il peut y avoir dautres motifs de placement en détention provisoire que les nécessités de linformation, la dangerosité par exemple. Il est certain que, si lon a vraiment des indices graves et concordants laissant supposer quune personne a commis des crimes en série, elle ne doit pas être relâchée avant dêtre jugée. Mais il faut éviter le discours démagogique qui consiste à faire croire que toute personne qui a volé un uf a troublé lordre public.
M. Pierre Albertini : Je voudrais dabord formuler une remarque de caractère général. Je crois que ce texte est dinspiration cosmétique. Nous sommes très loin de lambition des propositions de la Commission Delmas-Marty, nous restons au milieu du gué, et linsatisfaction que suscitent généralement les textes « mi-chèvre mi-chou » risque dêtre dautant plus aiguë quil y aura une addition de mécontentements. Il serait peut-être plus sage de renoncer à un texte qui napporte pas grand-chose, même sil présente quelques aspects positifs, et de poursuivre une réflexion de plus grande ampleur, dautant plus quil sinscrit dans le cadre dune réforme de la justice, annoncée et attendue, mais dont il reste difficile dapprécier la cohérence densemble parce quelle est tronçonnée.
Je suis extrêmement sceptique sur lefficacité probable du dispositif envisagé, même sil témoigne de bonnes intentions. Jobserve dailleurs deux lacunes essentielles. La première tient à labsence de toute référence à la responsabilité disciplinaire des magistrats, quil faudra pourtant, un jour ou lautre, évoquer en toute sérénité. La seconde repose sur le défaut de supervision de la police judiciaire par les magistrats. La France nest pas une terre de libertés concrètes, mais de libertés abstraites, je lai souvent dit, et je crains que ce projet de loi ne mapporte pas de démenti, parce quil ne me semble pas de nature à faire progresser la mécanique judiciaire.
Jen viens à ma première question qui sadresse à M. Noël Copin. Jai limpression quil y a dans ce texte une tentative inconsciente de créer un antagonisme entre la liberté dinformation et la présomption dinnocence. Or je persiste à penser que la liberté dinformation est aussi une garantie contre larbitraire, le fruit dune conquête très lente de nos sociétés qui sont parvenues à donner un statut à linformation. Personnellement, je verrais assez volontiers disparaître les dispositions du projet de loi relatives aux médias parce que, à mon avis, elles ne constituent pas le meilleur moyen de forger une déontologie, quil appartient davantage aux hommes dinformation quau législateur lui-même de définir.
Ma deuxième question sadresse plutôt aux avocats. Elle concerne les correctifs introduits à dose homéopathique dans notre procédure inquisitoire. Sans en être un partisan farouche, je ne crois pas que nous ayons les moyens de réaliser brutalement une révolution judiciaire. Ny aurait-il pas cependant des techniques qui permettraient daméliorer sensiblement la procédure actuelle, assez largement archaïque et qui me paraît assez mal préserver les droits de la défense ?
M. Alain Tourret : Le projet de loi soumis à lAssemblée nationale marque incontestablement une avancée importante, qui me semble pourtant insuffisante. Je me demande sil est réellement à la hauteur des problèmes que soulève le nécessaire respect de la présomption dinnocence.
Compte tenu de la situation actuelle, il est indispensable, je crois, dadresser à lopinion publique autant quau monde judiciaire des messages forts. Or je ne suis pas sûr que la disposition centrale du projet de loi la création dun juge de la détention qui, par ailleurs, semble utile soit, à cet égard, tout à fait convaincante. Il me semble que les dispositions votées par lAssemblée nationale le 4 avril dernier réservant la détention provisoire aux crimes et délits les plus importants représentaient un message fort. Je regrette quelles soient gommées par le projet de loi.
Je souhaiterais savoir ce que pensent nos invités de la suggestion que javais faite décarter la détention provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à trois ans pour les délits contre les personnes et cinq ans pour les délits contre les biens et des contre-propositions de la Chancellerie qui abaissent respectivement les seuils à deux et trois ans. Jobserve que labsence de statistiques sérieuses permet difficilement dapprécier leffet quaurait cette baisse des seuils. Labaissement des seuils par rapport au texte voté par lAssemblée nationale, qui est proposé par la Chancellerie, est-il réellement nécessaire pour faciliter la manifestation de la vérité, pour préserver lordre public, pour protéger la société ?
Je voudrais également aborder un problème plus technique, celui de légalité des différentes parties au procès. Je constate que la situation stratégique du parquet dans la salle daudience marque limagination des personnes qui assistent au procès. En la modifiant, nous pourrions donner un signal fort au prix de simples travaux de menuiserie.
Jobserve également que, dans les grands procès, la multiplication des parties civiles fausse légalité. Dans le procès Papon, par exemple, 200 avocats des parties civiles se sont succédés, alors que laccusé nen avait quun ou deux. Cela ne me semble pas totalement satisfaisant, dès lors que les avocats des parties civiles jouent le rôle de procureurs bis. Le Président Truche, auquel je me suis ouvert de cette question, ma dit quil ne voyait pas de solution à ce problème et que jencourrai de violentes critiques en le soulevant. Avez-vous une autre réponse à mapporter ? Pourrait-on envisager de regrouper certaines plaidoiries dans ces grands procès qui sont les plus médiatiques, sur lesquels lopinion publique forge son appréciation de la justice ?
Je souhaiterais savoir, par ailleurs, sil vous semble possible de fixer un délai raisonnable pour la détention provisoire, au-delà duquel la remise en liberté serait obligatoire. Est-ce envisageable en matière criminelle ? On me dit quactuellement à Paris, il sécoule, en moyenne, dix-huit mois entre la clôture de linstruction et le passage devant la Cour dassises. Ne faudrait-il pas fixer le délai maximum à six ou douze mois ?
Dans les procès complexes, lorsquil y a quinze personnes mises en examen, les pourvois formés par les uns, les incidents de procédure soulevés par dautres, retardent linstruction et la difficulté de disjoindre les instances font quil est impossible dobtenir un non-lieu avant la fin du procès. Cela me semble une grave atteinte au droit des personnes et à la présomption dinnocence.
M. Robert Pandraud : En matière de justice, la réflexion doit être objective et dépasser les clivages politiques. Même si le texte qui nous est soumis ne règle pas tous les problèmes, il constitue quand même une légère avancée, et nous ne pouvons aller que de légère avancée en légère avancée ; jy suis donc favorable.
Nous nous plaignons toujours de linsuffisance des droits et des prérogatives du Parlement. Je vous lance donc un appel, Madame le Rapporteur. Nêtes-vous pas la mieux placée pour modifier et compléter ce projet en tenant compte de toutes les objections qui sont soulevées ? La Chancellerie sefforce de synthétiser les suggestions des divers lobbies, les propositions de telle ou telle catégorie de fonctionnaires, ou de ce que lon appelle les professionnels du droit. Elle ne veut mécontenter personne. Mais vous disposez, à tous égards, dune plus grande indépendance. Je souhaiterais que le reste de la législature soit mis à profit pour élaborer un projet à labri des pressions des lobbies.
Pensez-vous, réellement, que le juge délégué sera utile ? Soit, il accédera aux requêtes du juge dinstruction, parce que ce sera son ami ou quil sera sensible au corporatisme que lon rencontre dans toutes les professions, soit, au contraire, il les rejettera parce quil aura des difficultés personnelles, professionnelles, dinscription au tableau davancement ou pour le simple plaisir dennuyer son collègue. Ne serait-il pas préférable que la chambre daccusation soit obligatoirement saisie, même si cela implique quelle soit modifiée ? Une autorité collégiale offre toujours plus de garantie quun juge unique.
Sagissant de la présence de lavocat au début de la garde à vue, M. Jean-Louis Pelletier a souligné les difficultés quelle soulèvera. En province, les locaux de garde de vue peuvent se trouver dans une brigade de gendarmerie à 80 km du premier avocat. Il me semble cependant que quelquun peut être mis en garde à vue dans son bureau ou à son domicile. Avant la première heure, pendant que saccomplissent les formalités substantielles à la garde à vue, il peut se poser des problèmes de traduction, pour un étranger qui ne parle pas le français ou qui feint de ne pas le parler. Ne pourrait-il pas y avoir une certaine période de neutralisation pendant laquelle la police effectuerait les formalités, laissant ainsi un délai raisonnable pour quun défenseur puisse arriver ? Il me semble nécessaire denvisager une solution si lon souhaite éviter que toutes les procédures soient annulées pour défaut davocat dès la première heure.
Ce sont ces problèmes concrets quil convient de régler plutôt que de multiplier des réformes qui ne sont ni appliquées, ni applicables. Chaque garde des Sceaux, dailleurs, se croit dans lobligation de déposer son propre projet. Et, comme nous vivons dans une période dinstabilité ministérielle plus grande que sous nimporte quel régime, linstabilité législative, et donc lincertitude juridique, na jamais été plus grande quaujourdhui. Cela donne à la magistrature une marge de manuvre considérable, doù il résulte un équilibre difficile à tenir avec les médias. Bien sûr, on ne peut supprimer la liberté de la presse, mais il est quand même regrettable que les journaux soient quelquefois transformés en auxiliaires de justice, et que des articles inspirés puissent être, pour certains magistrats instructeurs, plus importants que des auditions ou des enquêtes menées normalement.
Quant au problème qui nest pas abordé par le projet de loi, celui de lautorité des magistrats sur la police judiciaire là aussi on est confronté aux pressions de lobbies divers il ne pourra jamais être réglé, puisquen France, tous les policiers et les gendarmes font de la police judiciaire. Je ne suis pas sûr quun gouvernement ait un jour lautorité nécessaire pour mener une réforme en la matière.
Mme Frédérique Bredin : Chacun saccorde à reconnaître que les intentions du texte sont bonnes. Les réserves exprimées concernent les mesures concrètes. Est-il possible daller plus loin ? Le texte nest-il pas trop timide ou trop frileux sur certains points ? Je voudrais rapidement revenir sur quelques sujets précis.
Sagissant de la détention provisoire, je voudrais savoir ce que vous pensez très concrètement des limitations prévues par le texte : trois ans pour les délits contre les biens, deux ans pour les délits contre les personnes. Que suggérez-vous, que proposez-vous en la matière ? Par ailleurs, le maintien du motif de lordre public pour le placement en détention vous paraît-il opportun ? Enfin, les délais butoirs proposés dans le texte pour limiter la durée de la détention vous semblent-ils cohérents ou faut-il les modifier ?
En ce qui concerne linstruction, la notion de délai raisonnable est retenue par le texte. Est-ce que linstitution dun calendrier prévisionnel, qui serait notifié au début de la procédure par le juge dinstruction, vous paraît répondre aux problèmes qui se posent ?
Il me semble, enfin, que lon ne peut parler de la légitimité des juges sans évoquer leur responsabilité. Cest la condition de lindépendance de la justice et de la magistrature et cela lui donne toute sa valeur. Pourrait-on connaître les mesures concrètes que vous proposez en la matière ?
Mme le rapporteur : Jajouterai deux ou trois questions à celles nombreuses qui viennent dêtre posées.
Sur la garde à vue, plusieurs idées ont été émises. Ne serait-il pas finalement plus protecteur que lavocat intervienne avant la dixième heure, pour tenir compte des difficultés pratiques que soulève sa présence dans la première heure, puis à nouveau après la vingtième heure ? Lobjectif est, dune part, que les droits du gardé à vue soient énoncés très rapidement et, dautre part, que la garde à vue soit aussi courte que possible. On a pu constater quavec lintervention de lavocat à partir de la vingtième heure, beaucoup de gardes à vue ne duraient plus que 19 heures.
Que pensez-vous de lenregistrement des interrogatoires au cours de la garde à vue, qui est déjà pratiqué en Grande-Bretagne et auquel le syndicat des commissaires de police nous a dit être favorable ? Nous souhaitons, par ailleurs, renforcer le contrôle des gardes à vue par le parquet, mais, en la matière, il est difficile de le faire autrement que par une incitation car, en instituant une obligation sanctionnée, nous entrerions dans le champ de la responsabilité disciplinaire des magistrats.
Concernant le témoin assisté, M. Jean-Louis Pelletier a estimé quil était tout à fait contradictoire et je le pense aussi quil ne prête pas serment. Que perdrait-il à le faire ? Linstitution de ce nouveau statut est lun des points forts du projet que nous souhaitons conforter. Ferions-nous perdre au statut de témoin assisté une partie de son intérêt en lui demandant de prêter serment ?
Je reviens peu sur la détention provisoire, parce que les questions essentielles ont déjà été posées. Vous paraît-il possible denserrer linstruction elle-même dans des délais butoirs, quil y ait ou non détention provisoire ? La proposition qui pourrait être faite serait de deux ans en matière correctionnelle et de trois ans en matière criminelle, avec la possibilité dune prolongation demandée par une ordonnance motivée bien sûr et octroyée uniquement par la chambre daccusation.
Sagissant des relations avec la presse, vous semble-t-il opportun de conférer au procureur de la République la possibilité dexercer le droit de réponse à la place de quelquun dautre ? Je nen suis pas tout à fait persuadée personnellement.
Concernant les victimes, Mme Anne dHauteville a évoqué les obligations du juge de lapplication des peines. Pouvons-nous prévoir dans la loi quil se doit de veiller à lexécution de la réparation, en liaison avec la victime et le directeur de la maison darrêt si le délinquant est détenu, et dorganiser les modalités de lindemnisation ?
Comment pourrions-nous mieux articuler lobligation de réparation qui simpose au délinquant lui-même à la suite de sa condamnation à des dommages et intérêts avec le rôle des commissions dindemnisation des victimes dinfractions pénales. Il existe une sorte de confusion, dans lesprit à la fois du délinquant et de la victime, sur ce double système dindemnisation.
M. Jean-Louis Pelletier : Comment améliorer les droits de la défense et assurer légalité entre les parties ? Il faut dabord que les mentalités changent. Il nest pas possible de généraliser. Au cours de linstruction, dans la tenue des débats, en correctionnelle ou en cour dassises, la situation est tout à fait différente selon la personnalité de celui qui dirige les débats. Devant une égalité apparente il y a, en fait, une inégalité totale. Cest pourquoi il faudrait affirmer très solennellement que celui qui dirige les débats, le juge dinstruction, le président du tribunal, doit être totalement impartial et instruire à charge et à décharge, sinon rien ne changera, malgré toutes les lois.
Après 1993, des tentatives de changement se sont manifestées, sans que le code de procédure de pénale ne soit modifié. On a vu, notamment à Paris, dans la chambre compétente en matière de saisine directe, quune approche accusatoire pouvait être mise en uvre. Le substitut présentait les moyens de laccusation, le président restait un véritable arbitre, tout en remplissant ses fonctions, et la défense se comportait dune façon tout à fait normale. Je nai pas constaté ce type de fonctionnement dans les tribunaux correctionnels, mais dans certains procès dassises où, sans que ce soit le régime anglo-saxon, il y avait une avancée par rapport à la pratique habituelle.
Ce que nous critiquons, en effet, cest lomnipotence du président. Tout le monde sait il serait hypocrite de ne pas laffirmer quaux assises, un président peut arriver pratiquement à ce quil veut, que laccusé soit coupable ou innocent et malgré la multiplication du nombre des jurés. Si lon nexige pas que le président ne soit quun arbitre, non seulement à laudience, mais surtout dans le cadre du délibéré, rien ne pourra changer, quelles que soient les lois promulguées.
Les présidents de cour dassises sont désignés par les premiers présidents de cour dappel. Dans certaines dentre elles, rompant catégoriquement avec des usages plus anciens, les premiers présidents ont choisi de désigner une nouvelle génération de présidents, pas nécessairement jeunes, qui ont eu à cur cest encore le cas à Paris, mais aussi en province de mener les débats de façon équilibrée. La justice sen porte beaucoup mieux, aussi bien pour les accusés que pour les victimes.
Me Daniel Soulez-Larivière : Je voudrais proposer une modification majeure : il faut que notre pays achève sa révolution judiciaire et finisse enfin par séparer les tâches qui concourent à lexercice de la justice : investigation, accusation, défense, jugement. Il existe actuellement une trop grande confusion, à la fois dans les procédures et dans les corps.
La première décision qui me semble simposer est la séparation des fonctions de parquetier et de juge, pour quil ny ait plus de confusion, dans le corps même des magistrats, entre les avocats de la République et les juges. Le Président de la République a évoqué cette solution devant la Cour de cassation ; les premiers présidents de cour dappel se sont prononcés en sa faveur, à lunanimité ; dautres lont fait également, et je mhonore den faire partie. Il faut confier les tâches dinvestigation au parquet, tandis que les fonctions juridictionnelles appartiendraient aux juges ; il faut créer un juge de linstruction qui en soit vraiment un. Cest ce que suggérait lexcellent rapport de Mme Delmas-Marty, le plus complet rédigé depuis dix ans sur ce sujet.
Enfin, il faut réhabiliter la notion de défense, qui passe par des expressions concrètes comme lintervention de lavocat en garde à vue. Celui-ci nest pas un ennemi de lordre public. Au contraire, en facilitant ladhésion de la collectivité à la décision judiciaire, il participe dun processus nécessaire à lordre public. Même si lappellation d« auxiliaire de justice » est imparfaite, elle témoigne du fait que lavocat fait partie du processus judiciaire, quil est une pièce du moteur, quil doit intervenir à tous les stades de la procédure, à commencer naturellement par sa phase policière.
Ce sont, pour moi, les points essentiels qui ne sont malheureusement pas abordés dans le projet de loi, qui semblent exclus de la réflexion. On tourne autour depuis cinquante ans et rien ne change réellement.
Mme Anne dHauteville : Je voudrais dire, dabord, que je suis très favorable à la suggestion de M. Jacques Floch dinverser lordre de la présentation du projet pour mettre en tête les droits des victimes. Cela ne signifie pas, bien sûr, que je ne suis pas sensible à la protection des droits de la défense. Des progrès ont été réalisés en ce domaine, mais il est possible daller beaucoup plus loin.
Sagissant des grands procès qui se tiennent en matière de catastrophes collectives, de crimes contre lhumanité, que M. Alain Tourret a évoqués, jadmets que la réponse judiciaire nest peut-être pas totalement satisfaisante. Sans doute, le principe dégalité des armes nest-il pas parfaitement respecté dans ce type de situation et il faut certainement conduire sur ce point une réflexion. Mais je ne crois pas que lon puisse en tirer des conséquences sur le droit des victimes de participer au procès. Quelles que soient les circonstances, elles restent seules face à lauteur de linfraction et à la justice.
Une question a été posée sur le rôle du juge dapplication des peines dans le processus de réparation. De plus en plus et cest positif pour les petits dommages, la réparation fait partie de laménagement des peines. Cest un outil de responsabilisation du délinquant qui peut contribuer à sa réinsertion. Dans ce cas de figure, cela doit être une obligation pour le juge dapplication des peines de concilier les objectifs de sanction et de réparation, dans un sens qui soit favorable à la société et acceptable pour la victime. Quand la réparation est indépendante de la sanction, notamment lorsque des dommages et intérêts importants doivent être versés à la victime, ce qui implique que des procédures civiles dexécution soient mises en uvre, je répète que la gratuité devrait être accordée à la victime, qui ne devrait pas avoir à faire lavance des frais.
La mise en place depuis 1983 et surtout 1990, dun système parallèle dindemnisation des victimes, qui passe par le recours à la commission dindemnisation et le paiement par le Fonds de garantie, nest pas toujours bien compris et peut même être ressenti par les auteurs dinfractions comme une sorte de « dédouanement » de lobligation de verser des dommages et intérêts à la victime.
Ce système est bien sûr favorable aux victimes, qui nont pas à supporter les nécessités de la réinsertion du délinquant et peuvent être indemnisées correctement dans un délai raisonnable, notamment en cas de dommages corporels graves. Il faut néanmoins tenter de concilier ce système avec lobligation qui doit être faite à lauteur de linfraction de supporter le paiement des dommages et intérêts. Je crois quil faudrait favoriser les recours du Fonds de garantie qui sont aujourdhui peu nombreux. Il me semble que ladministration pénitentiaire, le Fonds de garantie et les services judiciaires doivent travailler à une meilleure coordination. Il peut, en effet, y avoir un intérêt pédagogique à associer lauteur à la réparation, même sil ne peut pas tout rembourser ; une part peut être prélevée sur son pécule ou sur ses biens pour le paiement des dommages et intérêts.
M. Robert Pandraud : Ne pensez-vous pas quil faudrait prévoir, dans un souci déquilibre, une indemnisation des victimes derreurs judiciaires, qui serait du ressort des juridictions administratives, le système judiciaire étant un peu autoprotecteur ?
Mme Anne dHauteville : La victime dune erreur judiciaire nest pas une victime dinfraction pénale. Cest donc un autre sujet. Mais je vous rejoins, il faudrait mener sur ce point une réflexion qui devrait déboucher sur une réforme.
Mme le rapporteur : Le projet prévoit une meilleure indemnisation des personnes mises en examen, ayant fait lobjet dun placement en détention provisoire et qui bénéficient ensuite dun non-lieu. Jajoute que le système judiciaire, sil reste encore autoprotecteur, lest de moins en moins.
M. Alain Tourret : En 1989, il y a eu 2.000 cas dindemnisations de personnes qui avaient été placées à tort en détention provisoire.
Me Daniel Soulez-Larivière : Les indemnisations versées actuellement sont dérisoires.
Mme le rapporteur : Mais le projet de loi et les amendements éventuels permettront daller plus loin. Aujourdhui, les décisions de la commission dindemnisation ne sont pas motivées ; elles le seront désormais, ce qui constitue un progrès considérable.
Mme Sophie Clément-Mazetier : M. Serge Portelli et moi-même vous avons adressé des propositions damendements qui reprennent lessentiel de ce que je vais vous dire.
Sagissant de la détention provisoire, en réponse à Mme Frédérique Bredin, je crains que les seuils proposés par le Gouvernement, de deux et trois ans, ne changent rien à la situation actuelle. Nous souhaitons donc quils soient fixés à trois ans pour les délits contre les personnes et cinq ans pour les infractions contre les biens, ce qui inclurait les infractions financières, contrairement aux craintes exprimées par certains parlementaires lors du débat qui sest tenu à lAssemblée nationale lannée dernière. La détention ne serait pas possible si la peine encourue était inférieure à ces seuils.
Nous considérons, par ailleurs, que lordre public ne doit pas pouvoir être invoqué en matière correctionnelle et quune durée maximum de détention provisoire dun an en matière correctionnelle et de deux ans en matière criminelle est tout à fait suffisante, dautant que rien ninterdit, dans les affaires complexes, de juger une personne en cour dassises pour un fait et de poursuivre linstruction sur les autres aspects de laffaire, alors que la personne est détenue, non plus à titre provisoire, mais en qualité de condamnée, ce qui est totalement différent.
Nous pensons également quil est dommage que ce projet de loi, qui a pour objet de renforcer « la protection de la présomption dinnocence », ne traite que de linstruction. Je rappelle, en effet, que les affaires donnant lieu à instruction ne représentent que 7 % de la totalité. Toutes les autres personnes sont jugées directement devant le tribunal correctionnel. Il est sans doute bon de prévoir de nombreuses garanties devant le juge dinstruction, mais ne pas les étendre à limmense majorité des procédures nous semble très regrettable.
Nous proposons que les seuils retenus soient étendus à la comparution immédiate, puisque cest souvent dans cette formation que sont prononcés les mandats de dépôt. Il ny a pas de raison que le choix procédural dun procureur de renvoyer une personne devant un juge dinstruction ou un tribunal correctionnel emporte des conséquences différentes quant à la possibilité de la placer ou non en détention provisoire.
La durée de la détention provisoire résultant dune ordonnance de prise de corps, dans le cadre dun renvoi devant la cour dassises, devrait également être limitée. Il serait inutile de lencadrer lors de linstruction, si une personne doit ensuite attendre 18 mois au fond dune prison avant dêtre jugée. Je rappelle dailleurs que, pour des délits, la détention préalable au jugement nest possible que pendant deux mois. En matière criminelle M. Alain Tourret proposait de la limiter à 12 mois. Il nous semble que lon pourrait sen tenir à 6 mois, mais sans doute faut-il poursuivre la discussion pour parvenir à un délai raisonnable et réaliste. En tout cas, faire limpasse sur une réflexion relative à ce délai reviendrait à sen tenir à des effets dannonce sur la détention provisoire sans sattaquer à sa réalité.
Sagissant de lintervention du procureur de la République dans les médias pour rectifier des informations sur une personne mise en examen, on voit mal comment celui qui la poursuivie pourra faire une mise au point à la presse sur la réalité de cette poursuite. Cela nous paraît un peu malsain. Par ailleurs, institutionnaliser des relations entre le procureur de la République et les journalistes nous semble dangereux. Il faut rappeler que la liberté de la presse est un principe essentiel, que la presse constitue un contre-pouvoir. Il serait périlleux que le procureur puisse apparaître exercer sur elle une pression.
Pour garantir le respect de la présomption dinnocence par la presse, cest à la procédure quil faut réfléchir. Car la presse ne fait que refléter ce qui se passe. Cest en ce sens que la motivation de la mise en examen nous paraît une réforme tout à fait fondamentale. Il est évident quune personne placée en situation de témoin assisté néveillera pas autant la curiosité des lecteurs, puisque son statut montrera que le juge na pas estimé quil y avait des indices graves et concordants permettant de prendre à son encontre une ordonnance motivée. On peut espérer que la presse attendra la mise en examen avant de mettre en cause la réputation dune personne, comme elle peut le faire actuellement.
La question de savoir si le témoin assisté doit prêter serment nous semble secondaire. Concrètement, il est évident que sa situation est préférable à celle du mis en examen, puisquil ne peut pas être soumis à un contrôle judiciaire ou placé en détention provisoire, quaucune ordonnance na établi quil existait contre lui des indices graves et concordants.
Mme le rapporteur : Quel serait linconvénient de lui faire prêter serment ?
Me Daniel Soulez-Larivière : Il naurait pas le droit de mentir.
Mme Sophie Clément-Mazetier : Si un témoin assisté est ensuite mis en examen, ne risque-t-il pas dêtre poursuivi pour faux témoignage sil a menti ?
M. Jean-Louis Pelletier : Le faux témoignage nest constitué quà laudience.
Mme Sophie Clément-Mazetier : En ce qui concerne la garde à vue, la présence de lavocat à la première heure, puis son absence, nous paraissent dangereuses. Son intervention initiale pourrait nêtre quun alibi pour prétendre que les droits de la défense sont garantis. Il importe donc quil puisse revenir ensuite.
Son rôle est différent de celui du juge dinstruction ou du procureur de la République, auquel il est indispensable que le gardé à vue soit, par ailleurs, présenté. Même si lavocat est présent, ce nest pas lui qui pourra ordonner aux policiers de procéder à des investigations à décharge ; seul un magistrat pourra sen préoccuper et diriger lenquête en ce sens.
Enfin, nous pensons que lavocat nest pas suffisamment présent à linstruction. Actuellement, nous sommes dans une procédure inquisitoire. Lavocat, très légitimement, attend que le juge dinstruction ait fini ses investigations pour sinterroger sur la nécessité de demander des actes. Selon nous, il devrait être associé, dès le départ, à linstruction, pour éviter les retards ultérieurs de la procédure. Nous souhaiterions quil y ait un débat dorientation de linformation en début de procédure, qui responsabilise les avocats. Ce serait une mesure technique incitative, qui nempêcherait pas les avocats de demander ultérieurement tout acte qui leur paraîtrait nécessaire. Elle permettrait cependant de leur faire prendre conscience que leurs demandes peuvent être formulées rapidement sils souhaitent accélérer la procédure.
M. Noël Copin : Je me réjouis, peut-être de façon un peu paradoxale, du fait quil a été assez peu question ce matin des médias. En même temps, je pense quil y aurait beaucoup de choses à dire. Je men réjouis, parce que cela montre que maintenant on dépasse cet antagonisme, évoqué tout à lheure, entre justice et médias, au sujet de la présomption dinnocence. Il y a beaucoup dautres questions à régler avant de « sattaquer » aux médias. Je ferai, cependant, une petite parenthèse. Je me méfie dun autre danger, celui de la connivence qui peut parfois apparaître, de linstrumentalisation éventuelle des médias par des hommes de la justice.
Si jai exprimé tout à lheure une certaine satisfaction sur le contenu du texte qui vous est soumis, cétait par référence à dautres débats. Je pense, par exemple, aux dangers qui semblaient peser sur les médias au travers dinitiatives comme lamendement présenté par M. Alain Marsaud, il y a quelques années. Tant quil y aura des personnes arrêtées, quil sagisse de garde à vue ou de détention provisoire, on ne fera pas croire à lopinion publique, et difficilement aux médias, même aux journalistes qui ont fait du droit, quelles sont innocentes.
On a dit que le projet était frileux. On avait formulé la même critique à légard du rapport Truche. On sest référé, en revanche, au rapport extrêmement important de Mme Delmas-Marty. Tout ce qui va dans le sens de la limitation de la détention provisoire, dune réglementation plus rigoureuse de la garde à vue, me semble positif.
Sagissant des médias et ce nest pas une réaction corporatiste je dirai que moins on légifère, moins on réglemente, mieux les choses vont. On responsabilise ainsi davantage les journalistes, qui prennent conscience de leur responsabilité et lexercent au travers des chartes, des codes de déontologie, etc. Limportant, pour nous, journalistes, et pour ceux qui nous regardent et nous jugent, cest de nous demander si nous agissons vraiment conformément à notre mission qui est dinformer les citoyens. Si un journaliste ne respecte pas la loi je pense que dans un pays démocratique, il doit savoir quil nest, pas plus quun autre citoyen, au-dessus des lois si, en conscience, il estime nécessaire de donner une information, il prend ses risques. Cest ce quavait fait Zola avec le fameux « Jaccuse » ...
Je terminerai sur laffaire des menottes. Elle est concrète et très symbolique aussi. Même si je suis contre la publication dans les médias, sous quelque forme que ce soit, de documents montrant des personnes menottées, je souhaite cependant que les dispositions qui prévoient des peines damendes à lencontre des médias soient supprimées. Il me semble préférable de donner la priorité au paragraphe VII de larticle 25, qui modifie larticle 803 du Code de procédure pénale pour limiter plus rigoureusement la présentation de personnes menottées. Je crois que cest en amont et non pas en aval quil faut tenter de mettre fin à la publication de documents montrant des personnes menottées.
Mme le rapporteur : Telle est bien mon intention, en effet. Je remercie tous nos invités pour lensemble des propositions quils ont formulées. En conclusion, je dirai quil est vrai que le gouvernement na pas fait le choix de la révolution, mais de la réforme. Il appartient maintenant de lui donner toute sa portée.
Je ne crois pas quil faille laisser entendre ce serait une erreur majeure que le texte ne porte que sur linstruction. Il va bien au-delà, puisquil a pour objet, comme le montre son intitulé, de renforcer « la protection de la présomption dinnocence ». Il commence par lénoncé des principes fondamentaux du procès pénal ce qui navait jamais été fait qui figureront enfin dans le code de procédure pénale. Il traite également de la garde à vue. En outre cest tout à fait significatif et presque révolutionnaire ce même texte se préoccupe aussi des droits des victimes, alors que, jusquà présent, en droit pénal fondamental comme en procédure pénale, on a toujours traité séparément le délinquant et la victime.
A cet égard, ce projet me paraît être un texte de politique criminelle au sens plein, parce quil essaie de conjuguer des dispositifs qui doivent protéger le délinquant, dune part, et protéger la victime, dautre part.
La commission des Lois sefforcera den faire, sinon une réforme définitive il serait ridicule de lenvisager du moins une grande réforme. Nous y serons aidés par lensemble des observations et des propositions formulées par nos invités, qui sont toutes extrêmement intéressantes. Nous ne souhaitons pas seulement modifier les textes, mais aussi les pratiques et lorganisation de la justice. A cet égard, il est une question qui na pas été évoquée ce matin, celle de la révision de la carte des juridictions dinstruction. Cest pourtant une des clés de la réussite de la réforme, notamment de linstitution du juge de la détention. Jestime quil est indispensable de modifier la carte des juridictions dinstruction, pour quavec 70 magistrats, nous puissions véritablement donner au juge de la détention tout le poids quil doit avoir et permettre quil ait cet autre regard distancié par rapport à celui du juge dinstruction, qui reste investigateur et juge. Ce sera peut-être lobjet dune réforme ultérieure.
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* *
La Commission a examiné, en nouvelle lecture, sur le rapport de M. René Dosière, le projet de loi relatif au mode délection des conseillers régionaux et des conseillers à lAssemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 1142).
Déplorant la charge de travail de la Commission et le faible temps imparti pour lexamen en nouvelle lecture du projet relatif aux conseils régionaux, M. Michel Hunault a demandé son report à une date ultérieure. Considérant que le débat ne devait pas être bâclé, il a précisé quil était prêt à demander une suspension de séance pour éviter que la discussion ne sengage en cette fin de matinée.
Après avoir rappelé que lordre du jour de la Commission avait été fixé de longue date, M. René Dosière, rapporteur, a indiqué que les contraintes du calendrier effectivement chargé de la Commission ne permettaient pas le report de lexamen du projet de loi.
En réponse à la demande de plusieurs commissaires de lopposition, Mme Christine Lazerges, présidente, a accepté de suspendre la séance de la Commission jusquà 16 heures.
A la reprise de la séance, M. René Dosière, rapporteur, a rappelé que, le Sénat ayant adopté sur le projet de loi une question préalable, la commission mixte paritaire réunie le 28 octobre dernier navait pu parvenir à ladoption dun texte, de sorte que lAssemblée nationale était appelée à se prononcer en nouvelle lecture sur la base du texte quelle avait adopté en première lecture. Il a précisé que le texte devrait entrer en vigueur au début de lannée prochaine. Concernant le mode délection des conseillers régionaux, il a indiqué que deux amendements identiques présentés par MM. Christian Paul et Jacques Brunhes tendaient à abaisser, de 5 à 3 % des suffrages exprimés, le seuil requis pour quune liste soit admise à la répartition des sièges, deux amendements des mêmes auteurs ayant, par ailleurs, pour objet de réduire de 10 à 5 % des suffrages exprimés, le seuil requis pour quune liste puisse se représenter au second tour. Concernant le fonctionnement des conseils régionaux, le rapporteur a fait savoir quil présenterait plusieurs amendements tendant à distinguer lemploi de la procédure du vote bloqué selon que le conseil régional examine le budget primitif ou le budget modificatif et à préciser que cette procédure peut, au cours dun exercice, sappliquer une fois pour lexamen du budget primitif et deux fois pour celui des budgets modificatifs, que le nom du candidat à la présidence est accompagné dune déclaration écrite présentant ses grandes orientations politiques, ladoption de la motion de renvoi emportant lélection dun nouveau président, et que le vote sur cette motion a lieu au scrutin secret. Par ailleurs, il a indiqué quil présenterait un amendement visant à rendre obligatoire la constitution dun bureau dans les assemblées régionales dont seraient membres de droit les vice-présidents, même sils ne sont pas détenteurs dune délégation et, le cas échéant, les membres de la commission permanente bénéficiant dune délégation. Enfin, le rapporteur a souligné que les dispositions relatives à ladoption du budget cesseraient dêtre applicables à compter du renouvellement de lensemble des conseils régionaux selon les nouvelles règles électorales.
M. Robert Pandraud a considéré que les dispositions du projet de loi présentaient un caractère contradictoire puisque, dans sa première partie, il organise un régime électoral définitif tandis que, dans un second temps, il met en place une procédure qui doit permettre aux actuels conseils régionaux de continuer de fonctionner. Il a jugé quil serait plus simple que ces conseils soient dissous et que le Parlement nait à se prononcer que sur la première partie du projet de loi. Il a mis en avant les difficultés qui naîtraient de lapplication du projet, notamment dans le cadre des discussions sur les prochains contrats de plan. Par ailleurs, pour ce qui concerne le point particulier du vote du budget, il a rappelé que le Conseil dEtat avait jugé à la fin des années 40 que le vote de chaque article dun budget municipal valait approbation de lensemble de ce budget.
M. Renaud Donnedieu de Vabres sest opposé très solennellement à la disposition visant à abaisser à 5 % des suffrages exprimés le seuil permettant laccès au second tour. Il a jugé quil sagissait là dune institutionnalisation déguisée des triangulaires. Il en a pris acte mais a enjoint à la majorité de tirer les conséquences dune telle mesure, en cessant dinterpeller lopposition sur ses relations avec le Front national. Soulignant que le système mis en place aurait pour effet dancrer, dans toutes les régions, le problème de la présence du Front national, il a estimé que la majorité, à lorigine dune telle situation, naurait pas de leçons de morale à donner à lopposition. Il a fait part de sa préférence pour un système calqué sur celui de lélection présidentielle ne permettant pas, au second tour, le maintien de plus de deux listes et garantissant ainsi un débat bipolaire, clair et démocratique. Concédant que labsence de réforme du mode de scrutin par les gouvernements précédents avait été effectivement une erreur, il a souligné que cest la question du rôle respectif des départements et des régions qui avait conduit à retarder cette réforme. Il a, en effet, observé quà travers le débat sur le mode de scrutin régional, cest la future architecture des collectivités locales qui était en cause, rappelant que le précédent président de la République était plutôt de tradition départementaliste comme de nombreux autres hommes politiques français. Evoquant le cas de la région Centre, il a souligné les difficultés de la mise en uvre de ladoption sans vote dans lhypothèse où chacun des chapitres était voté sans que le budget nait fait lobjet dun vote densemble.
Après avoir exprimé le regret que le Sénat nait pas souhaité débattre de ce projet de loi, prenant ainsi la responsabilité de créer un vide démocratique, M. Christian Paul a considéré que la nécessité de légiférer apparaissait mieux encore que lors de la première lecture, compte tenu des difficultés de fonctionnement de quatre conseils régionaux dépourvus de majorité. Il a fait valoir que, pendant quatre ans, lopposition actuelle, alors au pouvoir, avait cherché en vain un consensus sur le mode de scrutin régional, son échec ayant eu sa part dans la montée récente de forces politiques extrêmes au sein des conseils régionaux. Il a estimé que le texte proposé, très attendu, représentait un bon compromis entre deux exigences : mettre en place un dispositif transitoire de nature à assurer ladoption des budgets des régions et élaborer un dispositif durable de stabilisation des majorités. Observant quune lecture malveillante était toujours possible en matière de lois électorales, il a fait valoir que les amendements du groupe socialiste tentaient en fait daméliorer encore les conditions dune réelle expression démocratique. Il a conclu en estimant que le texte proposé constituait, à défaut dun régime idéal, un progrès sur la voie de la stabilisation du fonctionnement des conseils régionaux.
Intervenant en application de larticle 38 du Règlement, M. Christian Estrosi a estimé que les membres de la majorité jouaient aux apprentis sorciers, en soumettant au Parlement un projet de loi qui risquait de supprimer tout débat démocratique dans les conseils régionaux. Il a rappelé le contexte, marqué par la récente décision du tribunal administratif dOrléans relative à la procédure dadoption du budget de la région Centre et par la décision attendue sur ladoption du budget de la région Ile-de-France, quil a considérées révélatrices de limpasse actuelle. Il a mis en cause la démarche consistant, afin daccorder des facilités à six présidents de conseil régional amis, à instaurer une procédure de vote bloqué qui apportera les moyens de se maintenir à trois présidents de région à qui la majorité parlementaire reproche pourtant leur accession à la présidence grâce au soutien des élus du Front national. Il a enfin demandé au rapporteur des précisions sur les modalités de mise en uvre par le président du vote bloqué dans le cas où tous les chapitres et les articles seraient votés moyennant des modifications non conformes à léquilibre global voulu par lexécutif régional.
M. Pascal Clément a considéré que le présent projet de loi présentait le vice fondamental de reposer sur un mode de scrutin, la proportionnelle à deux tours, constituant un piège à la fois électoral et moral qui ne pouvait mener quà léchec ou à la compromission. Il a souligné que la tradition française nadmettait que deux modes de scrutin, le scrutin majoritaire à deux tours ou la représentation proportionnelle, le scrutin municipal étant dinstitution trop récente pour être pris en compte, sa justification étant en outre, à léchelon local, de permettre de saffranchir de la gestion majoritaire. Il a témoigné de la vivacité des passions politiques dans la région Rhône-Alpes, évoquant les manifestations de haine qui sétaient exprimées lors de la visite de M. Charles Millon, président du conseil régional, à loccasion de la signature dun simple contrat dobjectif de son département avec la région. Il a considéré que le mode de scrutin proposé par le projet de loi était incendiaire, alors que lurgence était de rendre la vie publique plus sereine et a jugé le comportement de la majorité dun cynisme sans précédent. Ayant interrogé le rapporteur sur les vraies raisons du choix dun mode de scrutin proportionnel à deux tours, alors quapparemment la représentation proportionnelle à un tour recueillait le consensus le plus large, il a conclu en insistant sur le fait que lévolution de la vie politique française était le véritable enjeu du texte.
M. André Vallini a considéré que lon ne pouvait plus soutenir quil nexistait dautre alternative que le scrutin majoritaire à deux tours et la représentation proportionnelle, le mode de scrutin municipal donnant très largement satisfaction.
M. Jérôme Lambert a observé que lopposition nétait pas en mesure de proposer une alternative cohérente et unifiée pour le mode de scrutin régional. Considérant que la majorité pouvait légitimement changer un mode de scrutin, dès lors quelle respectait le cadre démocratique, il a souligné que tel était le cas de la réforme proposée.
Mme Nicole Catala a déploré que les conseils régionaux soient le siège de manifestations de violence et de haine quelle a jugé fort éloignées de la tradition républicaine. Faisant part de son adhésion totale aux propos tenus par ses collègues de lopposition, elle a considéré que le projet de loi naurait dautre effet que de susciter de nouveaux affrontements dans les assemblées régionales. Elle a enfin exprimé la crainte que ce texte ne conduise à des situations inextricables.
Mme la Présidente Catherine Tasca a souhaité que les débats de la commission puissent se dérouler dans un climat de sérénité en dehors de toute polémique inutile. Elle a rappelé les contraintes dorganisation qui simposaient à la commission du fait dun ordre du jour chargé. Elle a souhaité que le débat de fond puisse se poursuivre de manière pleine et entière dans un esprit démocratique.
En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.
Le Gouvernement précédent na pas mis en uvre de réforme du mode de scrutin régional et aucun accord na pu être trouvé par le Gouvernement actuel dans lannée précédant les élections. En conséquence, il est urgent de mettre un terme à la paralysie des conseils régionaux ce que le nouveau régime électoral doit permettre, grâce au système de la prime majoritaire et de concilier la représentation de sensibilités politiques diversifiées avec lexistence dune majorité stable.
Les dispositions relatives au fonctionnement des conseils régionaux sappliqueront à toutes les régions, quelle que soit la couleur politique de leur président, et seront abrogées à compter de leur renouvellement qui seffectuera selon le nouveau mode de scrutin.
Linstitution dun vote bloqué doit permettre de répondre aux insuffisances de la loi du 7 mars 1998 relative au fonctionnement des conseils régionaux. Celles-ci ont été mises en lumière par la jurisprudence du tribunal administratif dOrléans qui a conduit à lannulation du budget de la région Centre. Cette nouvelle procédure permettra, en effet, déviter que le projet de budget soit adopté en étant dénaturé par des majorités de circonstance et donne au président du conseil régional la possibilité de faire adopter sans vote ce projet en mettant en uvre le « 49-3 régional ».
Linstauration dun scrutin à deux tours permet aux formations politiques de se compter au premier tour et de se regrouper au second. Elle sinscrit dailleurs dans logique du droit applicable aux élections municipales.
La nécessité de réformer linstitution régionale ne passe pas par lélection du président au suffrage universel direct qui aboutirait à la multiplication des centres de pouvoir. La réforme proposée, pour limitée quelle soit, est équilibrée et constitue un préalable à lamélioration du fonctionnement des conseils régionaux.
La Commission a ensuite procédé à lexamen des articles.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU MODE DÉLECTION DES CONSEILLERS RÉGIONAUX
ET DES CONSEILLERS À LASSEMBLÉE DE CORSE
Article premier (art. L. 336 du code électoral) : Durée du mandat des conseillers régionaux :
La Commission a rejeté un amendement de M. Pascal Clément tendant à la suppression de cet article quelle a adopté sans modification.
Article 2 (art. L. 337 du code électoral) : Effectif des conseils régionaux :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de larticle présenté par M. Pascal Clément. Puis, elle a adopté cet article sans modification.
Article 3 (art. L. 338 du code électoral) : Mode de scrutin des conseillers régionaux :
La Commission a été saisie dun amendement de M. Pascal Clément tendant à instituer un scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le cadre de circonscriptions découpées à lintérieur des circonscriptions législatives. Il a fait part à la Commission de son souhait de rapprocher les conseillers régionaux de leurs électeurs. Constatant quaujourdhui, à la différence des membres du conseil général, les membres du conseil régional souffrent dun déficit de notoriété, il a estimé quil fallait éviter lexistence de représentants « éthérés ». M. Robert Pandraud a suggéré que les suppléants des députés deviennent membres de droit des conseils régionaux. La Commission a rejeté cet amendement ainsi quun amendement de M. Claude Goasguen tendant à instituer un scrutin de liste à un tour avec prime majoritaire dans le cadre dune unique circonscription régionale. Elle a ensuite examiné un amendement de M. Pascal Clément tendant à relever à un tiers la prime majoritaire attribuée à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour ou la majorité relative au deuxième tour. Soulignant que cet amendement reprenait une disposition adoptée par la Commission et rejetée en séance publique au cours de la première lecture, le rapporteur a indiqué quil restait ouvert sur cette question. M. Renaud Donnedieu de Vabres a considéré quil était peu probable que la majorité adopte un tel amendement, alors même que les négociations conduites avec le groupe communiste ont abaissé à 5 % le seuil requis pour quune liste puisse se présenter au second tour. La Commission a rejeté cet amendement. Puis, elle a été saisie de deux amendements identiques de M. Christian Paul et de M. Jacques Brunhes tendant à abaisser de 5 à 3 % le seuil requis pour quune liste soit admise à la répartition des sièges. M. Christian Paul a fait observer que labaissement de ce seuil devrait permettre de renforcer la diversité de la représentation politique au sein des conseils régionaux, alors même que la prime majoritaire suffirait à garantir leur stabilité politique. Le rapporteur a annoncé que cette disposition était le résultat de négociations internes à la majorité et devrait permettre ladoption du projet de loi dans son ensemble. Louant la franchise du rapporteur, M. Pascal Clément a remarqué que ce seuil était contraire aux traditions du droit électoral, quil nuirait à léquilibre politique des conseils régionaux et quil conduirait à paralyser les assemblées régionales élues selon ce nouveau mode de scrutin. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté ces amendements.
Puis elle a adopté larticle ainsi modifié.
Article 4 (art. L. 346 du code électoral) : Obligation deffectuer une déclaration de candidature :
La Commission a été saisie de deux amendements identiques de M. Christian Paul et de M. Jacques Brunhes tendant à abaisser de 10 à 5 % des suffrages exprimés le seuil requis pour quune liste puisse se représenter au deuxième tour. M. Christian Paul a déclaré que cet amendement, complétant labaissement du seuil requis pour quune liste soit admise à la répartition des sièges, visait à permettre aux formations politiques de définir avec plus de souplesse leur stratégie dalliance pour le second tour. M. Renaud Donnedieu de Vabres, ayant exprimé son attachement à la notion de démocratie directe fondée sur lexistence dun programme précis et dun temps suffisant pour le mettre en uvre, a jugé que le système des alliances induit par le scrutin à deux tours impliquait une parcellisation de la responsabilité politique et conduisait au détournement du choix de lélecteur. Sopposant à ce propos, le rapporteur a considéré que le système de scrutin à deux tours permettait aux alliances de se conclure dans la clarté et sous le regard des électeurs. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté ces amendements. Puis elle a été saisie dun amendement de M. Pascal Clément tendant à porter de 3 à 5 % des suffrages exprimés, le seuil requis pour quune liste puisse fusionner avec une autre liste au deuxième tour, son auteur ayant indiqué que cette disposition devrait empêcher la multiplication des listes fantaisistes et lélection de candidats atypiques. La Commission a rejeté cet amendement.
Elle a adopté larticle 4 ainsi modifié.
Articles 5 (art. L. 347 du code électoral) : Modalité de la déclaration de candidature et 6 (art. L. 350 du code électoral) : Dépôt de la déclaration de candidature :
La Commission a adopté ces articles sans modification.
Après larticle 6 :
La Commission a été saisie dun amendement de M. Michel Hunault tendant à instituer une inéligibilité pour les personnes ne pouvant présenter un casier judiciaire vierge. Soulignant que cet amendement visait à éviter que des personnes condamnées ne briguent des mandats électifs, M. Michel Hunault a souhaité un assainissement du monde politique. Le rapporteur a observé quil nétait pas logique de faire porter une nouvelle condition dinéligibilité sur les seuls conseillers régionaux. Considérant que cet amendement était trop extensif puisque les contraventions de cinquième catégorie figurent au casier judiciaire, il a jugé quil serait en outre préférable de lexaminer dans le cadre des projets de loi relatifs au cumul des mandats. Prenant acte des remarques du rapporteur, M. Michel Hunault a retiré son amendement.
Articles 7 (art. L. 351 du code électoral) : Contentieux de refus denregistrement dune déclaration de candidature, 8 (art. L. 352 du code électoral) : Retrait de candidat ou de liste, 9 (art. L. 353 du code électoral) : Campagne électorale, 10 (art. L. 359 du code électoral) : Recensement des votes, 11 (art. L. 360 du code électoral) : Remplacement des conseillers régionaux, 12 (art. L.361 du code électoral) : Contentieux des élections au conseil régional, 13 (art. L.363 du code électoral) : Annulation des opérations électorales et 14 : Abrogation :
La Commission a adopté ces articles sans modification.
Article 15 (art. L.364 du code électoral) : Durée du mandat des conseillers à lAssemblée de Corse :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de M. Pascal Clément, puis a adopté cet article sans modification.
Articles 16 (art. L. 366 du code électoral) : Mode de scrutin pour lélection de lAssemblée de Corse, 16 bis : Parité des listes pour lélection de lAssemblée de Corse, 17 : Abrogation et 18 (art. L. 380 du code électoral) : Remplacement des conseillers à lAssemblée de Corse :
La Commission a adopté ces articles sans modification.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPOSITION DU COLLÈGE ÉLECTORAL ÉLISANT LES SÉNATEURS
Articles 19 (art. L.280 du code électoral) : Détermination du collège électoral des sénateurs et 20 (art. L. 293-1 à L.293-3 [nouveaux] du code électoral) : Désignation des délégués des conseils régionaux et des délégués de lAssemblée de Corse :
La Commission a adopté ces articles sans modification.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES CONSEILS RÉGIONAUX
Article 21 (art. 4311-1 du code général des collectivités territoriales) : Modalités de vote du budget de la région :
La Commission a rejeté un amendement de M. Pascal Clément tendant à la suppression de cet article. Elle a ensuite adopté quatre amendements du rapporteur visant à préciser les conditions de mise en uvre de la procédure dite du « vote bloqué ». Puis, elle a adopté cet article ainsi modifié.
Article 22 (art. L. 4311-11-1 du code général des collectivités territoriales) : Procédure particulière dadoption des budgets régionaux :
La Commission a été saisie dun amendement présenté par le rapporteur tendant à conditionner le recours à la procédure dadoption sans vote du projet de budget au rejet de ce projet par lassemblée régionale. Le rapporteur a indiqué quil entendait ainsi éviter que le président du conseil régional nutilise la procédure du « 49-3 régional » sans avoir au préalable déposé de projet de budget, ou sans lavoir soumis dans les délais impartis à un vote densemble. La Commission a adopté cet amendement ainsi que deux amendements de précision rédactionnelle du même auteur. Elle a également adopté un amendement du rapporteur visant à assortir la motion de renvoi dune déclaration de politique générale écrite présentée par le candidat aux fonctions de président. Elle a ensuite été saisie dun amendement du rapporteur précisant que ladoption de la motion de renvoi doit avoir lieu au scrutin secret. M. Pascal Clément a regretté que ladoption de cette motion ne donne pas lieu à débat, empêchant ainsi toute discussion sur les nouvelles orientations budgétaires défendues par les opposants de lexécutif régional. En réponse à cette intervention, le rapporteur a rejeté largument des carences démocratiques de la nouvelle procédure, en soulignant quelle entendait limiter les cas de règlement doffice du budget régional par le préfet. Faisant observer que ladoption de la motion de renvoi avait pour conséquence la désignation dun nouveau président de région, il a par ailleurs rappelé lusage constant au Parlement comme dans les assemblées locales décarter tout débat au moment de lélection du président. La Commission a ensuite adopté trois amendements de coordination du rapporteur. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié
Article 22 bis : Publicité des réunions de la commission permanente :
Sinterrogeant sur labsence dobligation de publicité des réunions de la commission permanente pour les conseils généraux, M. Pascal Clément a soutenu un amendement de suppression de cet article. M. Robert Pandraud a indiqué quune jurisprudence du tribunal administratif dOrléans, infirmée par un arrêt du Conseil dEtat, avait conclu à lobligation de publicité pour les réunions de la commission permanente du conseil régional. Considérant que cette règle de publicité était un facteur de démocratie, il a souhaité que cette disposition précédemment rejetée par lAssemblée nationale soit adoptée. Ayant rappelé quune majorité de circonstance avait écarté ce dispositif lors de lexamen du précédent projet de loi sur le fonctionnement des conseils régionaux, le rapporteur a considéré quil constituait un gage de transparence pour linstitution régionale et souligné quil faudrait létendre aux conseils généraux dès que possible. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté lamendement de M. Pascal Clément et adopté cet article sans modification.
Article 22 ter : Composition du bureau :
La Commission a rejeté un amendement de M. Pascal Clément tendant à la suppression de cet article, puis elle a adopté un amendement du rapporteur rendant obligatoire la constitution dun bureau dans les assemblées régionales. Le rapporteur a expliqué que la rédaction retenue en première lecture par lAssemblée nationale réservait la qualité de membre du bureau aux seuls détenteurs dune délégation du président du conseil régional. Il a considéré quil était préférable, compte tenu du caractère discrétionnaire de la délégation, de conférer à tous les vice-présidents, quils soient ou non détenteurs dune délégation, la qualité de membre du bureau. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté larticle ainsi rédigé.
Article 22 quater : Délégation des fonctions du président du conseil régional :
La Commission a été saisie de deux amendements identiques du rapporteur et de M. Pascal Clément tendant à la suppression de cet article. Le rapporteur a considéré que le président du conseil régional étant maître du contenu et de la durée de la délégation de fonctions, lobligation qui lui avait été faite de procéder à ces délégations navait pas de portée contraignante véritable. La Commission a adopté ces amendements.
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 23 (tableau n° 7 annexé au code électoral) : Coordination :
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 24 : Entrée en vigueur de la loi :
La Commission a été saisie dun amendement du rapporteur précisant les conditions dentrée en vigueur de la loi ainsi que la durée dapplication des dispositions relatives au fonctionnement des conseils régionaux. M. Robert Pandraud a indiqué quil souhaitait la dissolution des conseils régionaux dès lentrée en vigueur du nouveau régime électoral et quil défendait lidée de la diminution de moitié du nombre des conseillers régionaux. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement et a, en conséquence, adopté larticle ainsi rédigé.
La Commission a ensuite adopté lensemble du projet de loi ainsi modifié.
fpfp
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