Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 décembre 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Christine Lazerges, vice-présidente

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi, adopté par le Sénat, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 1919) (rapport)


2

- Projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 1682) (rapport)


6

- Projet de loi, modifié par le Sénat, portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 1968) (rapport)






13

- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête chargée de déterminer les circonstances qui ont permis à Maurice Papon de ne pas être mis sous contrôle judiciaire et de se soustraire à l'obligation de se constituer prisonnier (n° 1883) (rapport)



14

- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête visant à recueillir des éléments d'information sur la manifestation du 7 mars 1994 au Port à la Réunion, en liaison avec la réforme des activités portuaires, et pour déterminer la responsabilité des autorités des services de l'Etat dans les violences commises (n° 1880) (rapport)




15

- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire dans le département de la Réunion (n° 1841) (rapport)



16

- Informations relatives à la Commission

17

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacky Darne, le projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 1919).

Tout en rappelant que la corruption n'était pas un phénomène nouveau, le code pénal de 1810 sanctionnant déjà cette infraction, le rapporteur a observé que la mondialisation de l'économie et l'importance croissante des sommes en jeu dans les contrats internationaux avaient contribué à développer de manière considérable ce phénomène. Après avoir évoqué les actions menées par les organisations internationales afin de renforcer la lutte contre la corruption, il a expliqué que le projet de loi avait pour objectif de transposer en droit interne une convention et un protocole signés dans le cadre de l'Union européenne et une convention élaborée au sein de l'OCDE. Il a indiqué que les accords européens exigeaient l'incrimination de la corruption passive et active des fonctionnaires communautaires, alors que la convention de l'OCDE ne concerne que la corruption active d'agents publics étrangers en vue d'obtenir un avantage indu dans le cadre du commerce international. Soulignant que le champ d'application de cette dernière convention était relativement restreint, il a jugé souhaitable que ce sujet soit examiné dans le cadre de l'organisation internationale du commerce. Après avoir rappelé que la France n'était pas le premier pays à transposer la convention de l'OCDE, alors même qu'elle est à l'origine de cette convention, il a observé que cette dernière s'appliquait depuis le 1er février 1999. Il a noté que la situation était différente pour les accords européens, lesquels n'ont été ratifiés que par très peu d'Etats membres. Evoquant les modifications apportées par le Sénat au texte du Gouvernement, il a considéré qu'il convenait de les examiner en ayant à l'esprit le souci d'aboutir à un texte efficace contre la corruption, tout en ne pénalisant pas les entreprises françaises par l'adoption de dispositions en décalage par rapport à celles en vigueur dans les autres Etats parties à la convention.

En conclusion, le rapporteur a mis l'accent sur le fait que le projet de loi était loin de répondre à toutes les attentes en matière de lutte contre la corruption, en raison notamment de l'absence de dispositions sanctionnant la corruption privée ; il a cependant jugé qu'il constituait un premier pas essentiel et devait donc être soutenu.

Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus dans la discussion générale.

Tout en approuvant l'objectif général du projet de loi, M. Michel Hunault a tenu à rappeler que la rémunération d'intermédiaires dans le cadre de contrats internationaux était jusqu'à présent légale, et même fiscalement déductible et intégrée dans les procédures de la COFACE, et souligné que le projet de loi modifierait profondément les pratiques actuelles du commerce international. Il a ensuite évoqué l'âpreté de la concurrence internationale, notamment américaine, qui n'hésite pas à contourner les législations nationales restrictives en utilisant les paradis fiscaux. Après avoir regretté que le Gouvernement n'inscrive pas à l'ordre du jour la ratification de la convention internationale élaborée au sein du Conseil de l'Europe et rappelé que la convention de l'OCDE n'était qu'un accord parmi d'autres relatifs à la lutte contre la corruption, il s'est inquiété des différences existant dans ces différentes conventions concernant la définition de l'infraction de corruption de fonctionnaires étrangers. Il a enfin évoqué la question des juridictions compétentes pour instruire et juger cette infraction, indiquant qu'il avait déposé un amendement afin de confier cette compétence au pôle économique et financier.

Observant que la corruption était de plus en plus répandue, en raison notamment de l'internationalisation du commerce et du développement des relations économiques avec l'Europe de l'Est, M. Alain Tourret a estimé que le projet de loi était essentiel pour lutter contre ce phénomène. Il a néanmoins considéré que le texte proposé ne résolvait pas le problème de la définition de l'infraction de corruption, ni celui de son délai de prescription. A cet égard, il a souligné que le délai de prescription actuel de trois ans, qui concerne tous les délits économiques et financiers, était insuffisant pour permettre une répression efficace de cette infraction, rappelant que le service central de prévention de la corruption avait proposé de le porter à six ans.

Après avoir observé que le projet de loi s'inscrivait dans une logique de désarmement multilatéral en matière commerciale, M. Arnaud Montebourg a estimé qu'il était essentiel de disposer d'éléments de comparaison avec les autres Etats parties à la convention de l'OCDE, faisant valoir que la France ne devait pas adopter une législation répressive de manière unilatérale. Evoquant le droit interne américain, il a indiqué que les Etats-Unis réprimaient, depuis 1977 au travers du Foreign Corrupt Practices Act, la corruption d'agents publics étrangers et observé que, depuis cette date, près de vingt-cinq procédures avaient été engagées. Il a néanmoins tenu à souligner que, à la différence du droit français qui prévoit, grâce aux réformes en cours, un engagement des poursuites dans une totale transparence, le droit américain confiait le monopole des poursuites au seul Attorney General, sur autorisation du Grand Jury, et qu'il existait dans ce pays une procédure de transaction pénale, le Plea bargaining, qui permet aux entreprises d'éviter un procès public. Il a conclu en insistant sur la nécessité d'avoir une approche comparative de ce projet de loi.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  Même s'il existe un consensus sur les objectifs à atteindre, le vote au Sénat n'a pas été unanime en raison des modifications apportées au texte initial du Gouvernement, jugé par beaucoup incompatible avec la convention de l'OCDE ;

-  La déductibilité fiscale des pots-de-vin était impossible jusqu'en 1983, date à laquelle le Conseil d'Etat a modifié sa jurisprudence en acceptant ces commissions lorsqu'elles sont versées dans l'intérêt de l'entreprise ; la loi de finances rectificative pour 1997 a remis en cause cette déductibilité en la supprimant pour les contrats conclus au cours d'exercices ouverts à compter de l'entrée en vigueur de la convention de l'OCDE ;

-  Prenant en compte les intérêts des entreprises, le projet de loi transpose strictement la convention de l'OCDE en n'incriminant que la corruption d'agents publics étrangers en cas d'obtention d'un avantage indu dans le cadre du commerce international ;

-  Ce n'est pas tant la définition de la corruption qui pose des problèmes que l'application qui en est faite par la jurisprudence ; la difficulté réside plutôt dans la brièveté du délai de prescription, qui oblige les juges à poursuivre les faits de corruption sous la qualification d'abus de biens sociaux et de recel ; il convient toutefois de souligner que le point de départ de la prescription de l'infraction de corruption court à compter du dernier fait répréhensible, ce qui permet, pour les contrats prévoyant le versement de commissions sur plusieurs années, de disposer d'un délai de prescription assez long ; en outre, il est difficile de modifier le délai de prescription pour la seule corruption en laissant de côté les autres infractions économiques et financières ; il serait préférable d'examiner cette question de manière globale lors de la réforme du droit des sociétés.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Avant l'article premier : Définition des infractions de corruption active et passive de fonctionnaires et de magistrats nationaux :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant la définition des infractions de corruption active et passive de fonctionnaires et de magistrats nationaux, afin de supprimer l'expression « sans droit », inutile, et de préciser que les infractions sont constituées quel que soit le moment où le corrupteur a proposé son offre ou son don. Son auteur a fait valoir que la jurisprudence actuelle de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui exige que le pacte de corruption unissant le corrupteur et le corrompu soit antérieur à l'acte demandé, rendait difficile la répression de ces infractions.

Article premier (art. 435-1 à 435-4 [nouveaux] du code pénal) : Incrimination de la corruption, de fonctionnaires communautaires ou appartenant aux autres Etats membres de l'Union européenne et d'agents publics étrangers :

-  Article 435-1 [nouveau] du code pénal : Corruption passive commise par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire d'un autre État membre de l'Union européenne et article 435-2 [nouveau] du code pénal : Corruption active d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union européenne :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur modifiant, par coordination avec l'amendement adopté avant l'article premier, la définition de la corruption passive et active d'un fonctionnaire communautaire.

-  Article 435-3 [nouveau] du code pénal : Corruption active d'un agent public étranger ou appartenant à une organisation internationale autre que les Communautés européennes :

Après que son auteur eut fait valoir qu'il était difficile de justifier le fait que l'on punisse plus sévèrement la corruption d'un fonctionnaire français que celle d'un agent public étranger, la Commission a adopté un amendement du rapporteur portant de cinq à dix ans la peine d'emprisonnement encourue dans ce dernier cas. Elle a ensuite adopté un amendement de coordination rédactionnelle du même auteur.

-  Article 435-4 du code pénal : Corruption d'un magistrat d'un Etat étranger ou d'une organisation internationale publique :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur portant de cinq à dix ans la peine d'emprisonnement encourue en cas de corruption d'un magistrat étranger, ainsi qu'un amendement de coordination rédactionnelle du même auteur.

-  Article 435-6 du code pénal : Responsabilité pénale des personnes morales :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant l'article 435-6 afin d'appliquer aux personnes morales reconnues coupables de corruption de fonctionnaires communautaires ou d'agents publics étrangers les mêmes peines que celles prévues pour la corruption d'un fonctionnaire national. Tout en soulignant que certains Etats étrangers ignoraient le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, M. Jacky Darne a jugé nécessaire de prévoir de telles peines pour certains cas extrêmes.

La Commission a ensuite adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2 : Entrée en vigueur des nouvelles infractions

La Commission a été saisie de deux amendements du rapporteur liant la non-application de la loi aux commissions afférentes à des contrats signés avant l'entrée en vigueur des conventions à leur déclaration auprès de l'administration fiscale. Son auteur a fait valoir que, s'il était nécessaire, pour des raisons de sécurité juridique, de légaliser les commissions liées à des contrats anciens, cette possibilité ne devait pas être utilisée par les entreprises pour verser en toute impunité des commissions dans le cadre de nouveaux contrats. Tout en considérant que les dispositions de l'article 2 étaient moralement contestables, M. Jacques Floch a estimé qu'elles étaient économiquement justifiées. M. Michel Hunault a jugé préférable de préciser que les nouvelles incriminations ne s'appliqueraient qu'aux contrats signés postérieurement à l'entrée en vigueur des conventions. M. Jean-Yves Caullet a exprimé la crainte que les entreprises ne profitent du délai de deux ans prévu par l'amendement pour la déclaration auprès de l'administration fiscale pour conclure des contrats fictifs qui leur permettraient de continuer à verser des pots-de-vin. Après avoir souligné que son amendement avait pour seul but d'éviter un détournement du dispositif proposé par le Gouvernement, M. Jacky Darne a reconnu que le délai proposé pour la déclaration des commissions était sans doute un peu trop long, ajoutant qu'il serait toujours possible de le modifier d'ici la séance publique. La Commission a alors adopté ses amendements, ainsi que l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. 689-8 [nouveau] du code de procédure pénale) : Compétence des juridictions françaises pour la répression de la corruption et de la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis : Compétence du procureur et des juridictions de Paris pour la corruption active d'agents publics étrangers :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur supprimant cet article, son auteur ayant fait valoir que la spécificité du délit de corruption d'agents publics étrangers n'était pas suffisante pour écarter la compétence des trente-cinq juridictions spécialisées en matière économique et financière. M. Michel Hunault a, pour sa part, estimé préférable de confier l'instruction et le jugement de ce nouveau délit aux pôles économiques et financiers. M. Jacky Darne a alors rappelé que ces pôles n'avaient pas d'existence juridique, mais consistait en un renforcement des moyens matériels, notamment informatiques, et humains de certaines juridictions spécialisées en matière économique et financière ; il a, par ailleurs, jugé souhaitable que ces juridictions privilégiées fassent profiter les autres tribunaux de leur expérience. La Commission a alors adopté l'amendement de suppression de l'article du rapporteur, l'amendement de M. Michel Hunault donnant compétence aux pôles économiques et financiers pour juger cette infraction devenant ainsi sans objet.

Article 4 : Compétence des tribunaux correctionnels en matière économique et financière :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant la compétence concurrente des juridictions spécialisées en matière économique et financière en cas de corruption active d'agents publics étrangers, par coordination avec la suppression de la centralisation de ces affaires au profit de la juridiction parisienne. Puis la Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Après l'article 4 : Entrée en vigueur de l'article 39-2 bis du code général des impôts :

Après que le rapporteur eut fait valoir que la rédaction actuelle de l'article 39-2 bis du code général des impôts et l'interprétation qui semble en être donnée par le ministère des finances autoriseraient les entreprises à déduire fiscalement jusqu'en 2001 les commissions versées après l'entrée en vigueur de la convention, alors même que celles-ci sont illégales, la Commission a adopté son amendement qui fait coïncider la fin de la déductibilité fiscale avec l'entrée en vigueur de la convention de l'OCDE.

Article 5 : Applicabilité en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte :

La Commission a adopté cet article sans modification.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

* *

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. François Colcombet, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 1682).

M. François Colcombet, rapporteur, a rappelé qu'il existait déjà de nombreuses procédures d'urgence devant les juridictions administratives, dont certaines fonctionnaient très bien dans des délais pourtant très brefs comme, par exemple, dans le domaine du contentieux de la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. Il a néanmoins souligné que le sursis à exécution, principal instrument de traitement de l'urgence par le juge administratif, ne permettait pas de répondre à toutes les situations d'urgence de manière satisfaisante, les conditions d'octroi du sursis ayant été interprétées de manière restrictive par le juge. Il a ainsi indiqué que le requérant devait faire état d'un préjudice difficilement réparable, ce qui revenait à exclure les préjudices pouvant faire l'objet d'une indemnisation pécuniaire pourtant de loin les plus nombreux, et ajouté que le juge procédait, en fait, à un examen approfondi de la légalité de l'acte, ce qui allongeait sensiblement les délais de réponse. Par ailleurs, il a souligné que le référé civil avait fait la preuve de son efficacité et avait pris une grande ampleur, au point que de nombreux justiciables abandonnaient la voie contentieuse au profit d'une transaction une fois la décision du juge des référés connue. Puis, il a indiqué que le projet s'inspirait des conclusions d'un groupe de travail mis en place par le Conseil d'Etat et tendait à conférer au juge administratif statuant en urgence une efficacité comparable à celle du juge civil des référés, tout en tenant compte des spécificités du contentieux administratif. Jugeant indispensable que les compétences des deux ordres de juridiction soient clairement établies, il a précisé que le projet organisait trois procédures de référé en urgence : une procédure se substituant à l'actuel sursis à exécution et conférant au juge des référés la possibilité d'ordonner la suspension d'une décision administrative, une procédure de référé-injonction permettant au juge d'ordonner des mesures de sauvegarde lorsqu'un acte, un agissement ou une carence de l'administration porte une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale, une procédure de référé conservatoire assouplie pour permettre au juge des référés de surmonter l'obstacle que constitue l'impératif de ne pas faire préjudice au principal. Il a précisé que, dans ces trois référés, le juge se prononcerait aux termes d'une procédure soit écrite soit orale et pour les deux premiers statuerait en audiences publiques se déroulant sans conclusion du commissaire du Gouvernement. Il a ajouté que les requêtes présentées dans le cadre de ces nouvelles procédures seraient dispensées du droit de timbre et que le juge pourrait, sans procédure contradictoire ni audience publique, rejeter les requêtes ne relevant pas de sa compétence ou manifestement mal fondées, irrecevables ou dépourvues de caractère d'urgence.

Mme Christine Lazerges, présidente, a souligné que, sous ses aspects techniques, cette réforme était très importante pour les justiciables.

M. Claude Goasguen a tenu à préciser qu'il ne partageait pas l'enthousiasme de Mme Christine Lazerges sur le projet de loi et demeurait sceptique sur les conséquences concrètes d'un texte qui, fondamentalement, ne modifiera pas l'état du contentieux administratif. Il a rappelé que la jurisprudence du Conseil constitutionnel obligeait le législateur à intervenir dans une matière qui relèverait plutôt du domaine réglementaire. Constatant l'échec des procédures d'urgence en droit administratif français, il a souhaité que le Parlement puisse réfléchir en profondeur sur la nature même de ce droit qui déroge aux règles communes. Sur ce sujet, il a appelé l'attention de la Commission sur les expériences menées à l'étranger, en particulier en Allemagne, où désormais le principe est le sursis à exécution, alors qu'en France il demeure l'exception. Il a estimé que ce type de dispositions constituait un progrès vers une démocratie moderne. Il a également souhaité que l'on se soucie de l'intérêt des citoyens et non plus, comme le fait le projet de loi, uniquement de celui de l'Etat. Il a observé qu'à cet égard la question des provisions témoignait de la négligence dont souffre la prise en compte des intérêts des requérants. Il a exprimé le v_u que ce débat puisse échapper aux questions partisanes, soulignant que le Parlement devrait savoir passer outre les réticences et les frilosités du Conseil d'Etat sur certains sujets. Il a conclu en se déclarant très réservé sur l'utilité de ce texte insistant sur le fait que, dans la réforme de l'Etat, celle du contentieux administratif devrait figurer au premier rang.

Après avoir appelé de ses v_ux la suppression des juridictions administratives et l'unification du contentieux, M. Alain Tourret a estimé que ce projet de loi, en améliorant le dispositif actuel, ne faisait que conforter un système critiquable. Il a également considéré que vouloir établir une réelle procédure contradictoire et orale devant les juridictions administratives relevait de l'utopie, tant ces notions sont éloignées de la culture des juges administratifs. Il a ajouté que peu d'avocats se risqueraient à intervenir ainsi dans les audiences, malgré le texte de loi, dans la mesure où les juges administratifs éprouvent beaucoup de difficultés à accepter ces pratiques pourtant essentielles pour le bon déroulement de la justice. Revenant sur la suggestion de M. Claude Goasguen, il a estimé qu'implanter en France le principe du sursis à exécution automatique, sauf exception légale, susciterait de véritables difficultés de mise en _uvre. Il a considéré, par ailleurs, que la question de la provision constituait un problème essentiel notamment pour ce qui concerne le plein contentieux en matière de responsabilité médicale, pour lequel il est difficile d'obtenir réparation dans des délais acceptables.

Insistant sur les avancées proposées par ce texte, M. Arnaud Montebourg a observé que celui-ci s'inspirait d'un esprit différent de celui qui prévaut traditionnellement dans la juridiction administrative. Il a jugé que le Conseil d'Etat, jusqu'à aujourd'hui, faisait régner un certain autisme dans cet ordre de juridiction, de telle sorte que la Cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion de condamner le juge administratif, incapable de juger dans les délais raisonnables des affaires de première importance, comme celle du sang contaminé. Il s'est déclaré sensible aux propos tenus par MM. Alain Tourret et Claude Goasguen sur la nécessaire modernisation de nos juridictions et du droit applicable aux rapports entre les personnes privées et l'administration. Néanmoins, il a considéré que ce projet de loi, parce qu'il renforçait la pratique du contradictoire, constituait un premier pas décisif pour mettre un terme aux dénis de justice et au mépris dont est parfois victime le justiciable. En conclusion, il a estimé que l'ouverture de la juridiction administrative pourrait permettre d'éviter la pénalisation de certains dossiers, les particuliers préférant aujourd'hui recourir au pilori de la juridiction pénale, faute de pouvoir obtenir réparation auprès des juges administratifs.

Se déclarant en accord avec les propos tenus par M. Alain Tourret concernant la pratique française des juridictions d'exception, qu'il faut dénoncer, M. Roger Franzoni a indiqué qu'en Corse les avocats plaidaient régulièrement devant les juridictions administratives. Observant qu'un amendement proposé par le rapporteur faisait référence à la notion de « jugement dans les meilleurs délais », il s'est interrogé sur la signification de cette expression. Enfin, à propos de l'instauration d'un juge unique en matière d'appel, il a exprimé sa méfiance à l'égard de cette disposition, souhaitant que l'on ouvre la possibilité pour les parties de demander la réunion d'une formation collégiale en appel, comme c'est le cas actuellement devant les juridictions civiles.

M. Emile Blessig a insisté sur la nécessité de prendre en compte les intérêts des justiciables. Il s'est inquiété de deux dispositions du projet de loi qui semblent porter atteinte, d'une part, au double degré de juridictions, notamment en matière de référé-injonction et, d'autre part, au respect du contradictoire par la possibilité offerte aux juridictions de trier préalablement les requêtes. Précisant qu'il accepterait le principe du tri en ce qui concerne l'irrecevabilité des recours, il a, en revanche, critiqué le fait que le projet de loi permette également aux juridictions de procéder à un filtrage préalable portant non seulement sur le caractère urgent ou non de la requête, mais aussi sur le fond de celle-ci.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  L'intérêt de tous les justiciables doit être défendu qu'il s'agisse de personnes privées, de petites collectivités ou d'établissements publics.

-  S'agissant du double degré de juridiction, il est vrai que la réforme proposée ne prévoit pas l'appel pour les procédures d'urgence prévues dans le titre II du projet de loi, compte tenu de l'encombrement actuel des cours administratives d'appel. En revanche, on pourrait envisager d'inscrire dans le texte que le pourvoi en cassation doit être jugé dans les meilleurs délais.

-  Parmi les juridictions administratives, celle de Nouméa doit d'être distinguée parce qu'elle effectue un véritable contrôle des actes du gouvernement local. Elle joue ainsi un rôle éminent en matière de paix publique et fonctionne donc avec un débat contradictoire. En règle générale, les juridictions administratives ont su s'adapter à de nouvelles tâches ; le contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière en offre une illustration.

-  Transférer l'ensemble du contentieux à l'ordre judiciaire n'est pas d'actualité, même si cette solution n'est pas inenvisageable à terme.

-  La procédure orale est un élément essentiel du dispositif du projet de loi. A cet effet, il importera que le gouvernement augmente les moyens disponibles et notamment le nombre et la formation des greffiers.

-  La matière abordée par le projet est sans conteste de nature réglementaire mais, dès lors qu'il s'agit des garanties fondamentales accordées aux justiciables, il est logique et l'on ne peut que se réjouir du fait que le Parlement soit saisi d'une telle réforme.

-  Le référé provision devrait rapidement conduire à l'augmentation des transactions et donc à la diminution du nombre des procédures engagées au fond.

-  Il y a un intérêt incontestable à ce que le mécanisme du référé fonctionne correctement. En effet, celui-ci devrait diminuer d'autant les procédures plus lourdes engagées devant les deux ordres de juridictions.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

TITRE PREMIER

DU JUGE DES RÉFÉRÉS

Article premier : Compétence du juge des référés :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que le juge des référés statue dans les meilleurs délais, après que M. Arnaud Montebourg eut souligné l'importance de préciser dans le décret d'application de la loi les délais applicables aux procédures d'urgence.

La Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2 : Magistrats ayant la qualité de juges des référés :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant les conditions d'ancienneté et de grade que doivent remplir les magistrats susceptibles d'être désignés comme juges des référés par les présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le rapporteur ayant indiqué que la rédaction laissait cependant place à une certaine souplesse dans l'appréciation de ces conditions, notamment pour tenir compte de la situation particulière des tribunaux administratifs comptant peu de magistrats. Après avoir également adopté un amendement du rapporteur d'ordre rédactionnel, la Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

TITRE II

DU JUGE DES RÉFÉRÉS STATUANT EN URGENCE

Article 3 : « Référé-suspension » :

La Commission a adopté un amendement présenté par Mme Christine Lazerges spécifiant que le juge administratif peut prononcer la suspension de décisions administratives de rejet, son auteur ayant indiqué que, si rien dans les textes n'interdisaient aujourd'hui au juge de prononcer le sursis à exécution d'une décision négative de l'administration, comme le refus de se présenter à un concours, la jurisprudence ne l'avait cependant jusqu'à présent jamais admis.

Puis, la Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier disposant que le juge administratif peut également suspendre les décisions administratives faisant l'objet d'une requête en réformation et le second précisant que la suspension prend fin lorsqu'il est statué au fond, le rapporteur ayant expliqué qu'il s'agissait de revenir, pour l'essentiel, à la rédaction initiale du projet de loi, le texte adopté par le Sénat étant de nature à favoriser les actions dilatoires et susceptible d'être à l'origine d'une insécurité juridique.

La Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 : « Référé-injonction » :

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par le rapporteur proposant une nouvelle rédaction de cet article pour écarter toute confusion entre la procédure de référé-injonction et la compétence du juge judiciaire en matière de voie de fait. M. Emile Blessig s'est interrogé sur la nature des actes administratifs susceptibles de faire l'objet de cette nouvelle procédure. Reconnaissant le bien fondé de l'amendement du rapporteur pour éviter un chevauchement de compétences, M. Arnaud Montebourg a cependant regretté qu'il ait pour effet de supprimer la consécration législative de la notion de voie de fait, dont l'origine est exclusivement jurisprudentielle. Après avoir précisé que le référé-injonction concernait toutes les décisions de l'administration, mais aussi ses agissements matériels, le rapporteur a souligné que, dans le cadre de cette procédure, le juge pourrait ordonner « toutes mesures nécessaires », donc la mesure qu'il jugerait la plus pertinente pour le cas d'espèce, et a estimé que ce référé serait certainement un moyen de développer la concertation dans le contentieux administratif. Insistant sur le fait que de nombreux requérants invoquaient abusivement la voie de fait afin de faire statuer le juge judiciaire dans un litige avec l'administration, il a souligné que l'article 4 du projet de loi ouvrait à ces justiciables une nouvelle procédure.

La Commission a adopté l'amendement du rapporteur et l'article 4 ainsi modifié.

Articles 5 : Référé conservatoire et 6 : Modification des mesures ordonnées par le juge des référés :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 7 : Procédure applicable lorsque le juge des référés statue en urgence :

Après avoir adopté un amendement d'ordre rédactionnel présenté par le rapporteur, la Commission a été saisi d'un amendement du rapporteur tendant à préciser que les décisions prises dans le cadre du référé-injonction sont rendues en premier et dernier ressort. Son auteur a estimé que la faculté, introduite par le Sénat, de présenter contre les décisions prises en application de l'article 4 du projet de loi, un appel devant le Conseil d'Etat, sur lequel le président de la section du contentieux statuerait dans un délai de quarante-huit heures, présentait l'inconvénient de compliquer le régime procédural des référés prévus au titre II du projet de loi et a donc jugé préférable de revenir au texte initial du projet de loi. Rappelant que le référé prévu par l'article 4 du projet de loi, dérogeait à un principe traditionnel du droit administratif en permettant au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration, M. Emile Blessig a estimé préférable que cette procédure puisse faire l'objet d'un appel, soulignant, notamment, que les mesures ordonnées pourraient concerner des collectivités locales et jugeant, dès lors, que l'appel serait de nature à garantir le principe de leur libre administration. Il a précisé qu'il souhaitait que cet appel soit porté devant les cours administratives d'appel, ne serait-ce que pour des raisons de proximité avec les justiciables. M. Bernard Derosier a également fait part de son attachement au maintien de l'appel. Insistant sur la nécessité d'équilibrer les pouvoirs nouveaux que le texte confie au juge administratif et rappelant que l'appel était conforme à la tendance générale de notre droit, M. Arnaud Montebourg a, en outre, exprimé la crainte qu'en absence d'appel, le juge de premier ressort n'hésite à exercer les nouvelles prérogatives que lui confie le texte. La Commission a rejeté l'amendement du rapporteur. Elle a, en revanche, adopté un amendement présenté par M. Emile Blessig précisant que l'appel des décisions rendues dans le cadre du référé-injonction sont portées devant les cours administratives d'appel, le président de cette juridiction statuant dans un délai de quarante-huit heures au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale.

La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 8 : Dispense du droit de timbre :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 : Tri des requêtes présentées au juge des référés statuant en urgence :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction de l'article, aux termes de laquelle le juge des référés pourrait rejeter par une ordonnance motivée les demandes ne présentant pas un caractère d'urgence ou qui, manifestement, ne relèveraient pas de la compétence de la juridiction administrative, seraient irrecevables ou mal fondées. Tout en assurant qu'il comprenait le souci du rapporteur d'éviter un engorgement des juridictions, M. Arnaud Montebourg a fait part de ses réticences sur cette procédure de tri, exprimant la crainte qu'elle ne permette au juge d'écarter trop facilement certaines demandes, estimant qu'elle devrait au moins respecter le principe du contradictoire et soulignant que certains motifs de refus étaient excessivement larges. Après avoir rappelé que la Cour de cassation avait dû dégager une jurisprudence permettant d'atténuer la rigueur du filtrage établi par le législateur pour les demandes d'actes présentées devant la chambre d'accusation, il a souhaité que la procédure de tri prévue à l'article 9 reçoive un champ d'application moins large. M. Emile Blessig a également insisté pour que soit trouvée une solution permettant de régler les problèmes soulevés par les contentieux de masse sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux garanties apportées aux justiciables. Le rapporteur a précisé que cet article instituait une procédure de tri afin d'éviter le risque d'engorgement lié notamment à la présentation de requêtes en série. Il a souligné que l'obligation pour le juge de motiver son ordonnance de rejet le prémunirait contre la tentation d'utiliser la procédure de tri pour évacuer les demandes et a fait observer, s'agissant du principe de la procédure contradictoire, qu'il n'avait pas lieu de s'exercer lorsque le juge rejette une demande puisqu'il n'est pas fait préjudice au défendeur. Il a donc estimé préférable de mettre l'auteur de la demande en mesure de présenter ses observations au juge des référés et suggéré qu'une réflexion en ce sens soit conduite avant l'examen du texte en séance publique.

La Commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur donnant à l'article 9 une nouvelle rédaction.

TITRE III

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À CERTAINS CONTENTIEUX

Articles 10 (art. L. 22 et L. 23 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel) : Modification du régime des référés précontractuels, 11 (art. L. 421-9 du code de l'urbanisme) : Suspension de l'exécution d'une décision relative à un permis de construire et 12 (art. L. 2131-6, L. 3132-1, L. 4142-1, L. 1111-7 et L. 2511-23 du code des collectivités territoriales) : Suspension de l'exécution des actes des collectivités territoriales dans le cadre du contrôle de légalité :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 13 (art. L. 26 et L. 27 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel) : Dispositions particulières aux collectivités locales et à leurs établissements publics - Suspension des actes des communes :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier tendant à modifier la rédaction de l'article L. 24 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pour tenir compte de la substitution de la procédure de suspension à celle de sursis à exécution et le second étendant la procédure de suspension ouverte au préfet contre les actes des communes qui seraient de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle aux actes des départements et des régions.

Elle a adopté l'article 13 ainsi adopté.

Article 14 (art. L. 714-10 du code de la santé publique) : Suspension de l'exécution des marchés des établissements publics de santé :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à la suppression de cet article, la procédure de suspension qu'il organise dérogeant peu au droit commun.

Article 15 (art. 15-12 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983) : Suspension des décisions relatives aux marchés et conventions des établissements scolaires :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 16 (art. 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1983 et art. 6 de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983) : Suspension de décisions en vue d'assurer la protection de l'environnement :

La Commission a adopté un amendement présenté par Mme Christine Lazerges tendant à préciser, dans l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976, que l'insuffisance d'étude d'impact constitue, autant que son absence, un motif de suspension d'une décision administrative, le rapporteur ayant rappelé que certaines études d'impact se limitent à des documents standardisés.

La Commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17 (art. 17-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984) : Suspension de l'exécution des actes des fédérations sportives sur l'initiative du ministre chargé des sports :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à la suppression de cet article, la procédure de suspension qu'il organise dérogeant peu au droit commun.

Après l'article 17 :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à l'insertion d'un article additionnel qui précise que les appels formés contre les décisions prises en référé par le juge de premier ressort seront examinés par les présidents des cours administratives d'appel. Elle a également adopté un amendement présenté par M. Arnaud Montebourg visant à introduire un article additionnel qui prévoit que, sauf en matière de recrutement et d'exercice du pouvoir disciplinaire, les recours contentieux formés par les fonctionnaires doivent être précédés d'un recours administratif préalable, M. Arnaud Montebourg ayant rappelé le grand nombre de désistements qui interviennent après que le recours ait été introduit.

TITRE IV

DISPOSITIONS FINALES

Article 18 : Abrogations :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant, par coordination avec les amendements adoptés sur les articles 14 et 17, à abroger les procédures de sursis ouvertes au ministre chargé des sports et au directeur de l'agence régionale d'hospitalisation à l'encontre des marchés des établissements publics de santé. et adopté l'article 18 ainsi modifié.

Articles 19, 19 bis, 19 ter et 19 quater : Application en outre-mer, 20 : Décret en Conseil d'Etat et 21 : Entrée en vigueur de la loi :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jérôme Lambert, le projet de loi, modifié par le Sénat, portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 1968).

M. Jérôme Lambert, rapporteur, a rappelé que ce projet de loi avait été examiné en première lecture en même temps qu'un nouveau projet de loi d'habilitation autorisant le gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adaptation et l'actualisation à l'outre-mer d'une série de mesures législatives. Après avoir précisé que ce projet de loi d'habilitation avait été adopté sans modification par le Sénat et était dès lors devenu définitif, le rapporteur a constaté, à propos du projet de loi de ratification, que, bien que le Sénat ait adopté un nombre important d'amendements, aucun d'entre eux ne remettait fondamentalement en cause le dispositif des ordonnances ; il a dès lors émis le souhait que la commission des Lois adopte sans modification le texte du Sénat afin de pouvoir parvenir rapidement à un texte définitif.

Il a ensuite présenté les amendements adoptés par le Sénat, en précisant que, parmi les vingt-deux nouveaux articles additionnels que comptait désormais le projet, dix-huit provenaient d'amendements présentés par M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des Lois au Sénat, trois étaient d'initiative gouvernementale et un avait été adopté sur proposition de M. Gaston Flosse. Il a constaté que les amendements présentés par la commission des Lois, modifiant quatre des sept ordonnances soumises à ratification avaient principalement pour objet de rétablir l'alignement du régime applicable outre-mer sur le régime de droit commun lorsqu'aucune spécificité locale ne justifie des divergences ou, au contraire, de mieux prendre en compte les spécificités locales, d'étendre des dispositions législatives intervenues depuis la publication des ordonnances, de supprimer des dispositions qui ont pu déjà faire l'objet de ratification par des lois ultérieures, de mieux respecter le partage entre loi organique et loi ordinaire, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et, enfin, de corriger une série d'erreurs matérielles, d'oublis ou de rédactions imprécises.

Il a ajouté que les amendements présentés par le Gouvernement ne modifiaient pas le dispositif des ordonnances mais complétaient le projet de loi de ratification par trois dispositions dont une seule s'insère dans le texte des ordonnances ; il a également présenté l'amendement de M. Gaston Flosse en précisant qu'il permettrait de créer des groupements d'intérêt public en Polynésie française dans des domaines divers. Concernant les dispositions adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale, le rapporteur a observé que le Sénat n'était revenu que sur une seule d'entre elles.

En conclusion, le rapporteur a constaté qu'après une lecture dans chaque assemblée, seules deux ordonnances restaient inchangées. Précisant que l'ensemble des modifications présentées par le Sénat avait recueilli l'avis favorable du Gouvernement, il a proposé à la Commission d'adopter sans modification le texte du Sénat.

La Commission a adopté les articles 1er bis à 8 ainsi que l'ensemble du projet de loi sans modification.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête chargée de déterminer les circonstances qui ont permis à Maurice Papon de ne pas être mis sous contrôle judiciaire et de se soustraire à l'obligation de se constituer prisonnier (n° 1883).

M. Raymond Forni, rapporteur, a observé que les faits évoqués par M. Georges Sarre dans sa proposition de résolution mettaient en évidence un problème de droit tenant à l'impossibilité, en matière criminelle, de délivrer un mandat de dépôt en cours d'audience. Considérant qu'une modification du code de procédure pénale serait plus appropriée que la création d'une commission d'enquête pour résoudre cette difficulté révélée par la fuite de Maurice Papon, il a estimé que cette proposition de résolution constituait avant tout une démarche politicienne. S'agissant de la recevabilité, il a indiqué que la Garde des Sceaux avait fait état de poursuites judiciaires « pour déterminer notamment si, lors de la fuite, le condamné Maurice Papon a pu bénéficier de complicités susceptibles de constituer le délit de recel de malfaiteur prévu et réprimé par l'article 434-6 du code pénal », tout en admettant que le champ d'investigation défini par la proposition de résolution pouvait concerner d'autres faits. Rappelant que des amendements adoptés au Sénat sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence apportaient une solution à la carence du code de procédure pénale qui avait permis à Maurice Papon de se soustraire à l'obligation de se constituer prisonnier, il a jugé que la création d'une commission d'enquête était dès lors inopportune et a, en conséquence proposé à la Commission, qui l'a suivi, le rejet de la proposition de résolution n° 1883.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête visant à recueillir des éléments d'information sur la manifestation du 7 mars 1994 au Port à la Réunion, en liaison avec la réforme des activités portuaires, et pour déterminer la responsabilité des autorités des services de l'Etat dans les violences commises (n° 1880).

M. Raymond Forni, rapporteur, a indiqué que la procédure judiciaire en cours sur cette affaire s'était récemment accélérée, les principaux protagonistes de l'affaire Hilarion étant aujourd'hui mis en cause devant la justice. Comprenant l'émotion suscitée par cette affaire dans l'Ile de la Réunion, il a toutefois mis en doute la recevabilité de la proposition de résolution. Admettant que la précision des faits mentionnés par les auteurs de la proposition satisfaisait aux exigences réglementaires, il a fait observer, en revanche, que le champ d'investigation de la commission d'enquête qui serait créée en cas d'adoption de cette proposition recouvrait très exactement l'information judiciaire en cours au tribunal de grande instance de Saint-Denis-de-la-Réunion. Après avoir rappelé l'attachement des magistrats au principe de la séparation des pouvoirs, il a invité les membres de la Commission à déclarer la proposition de résolution irrecevable.

M. Jacques Floch a indiqué qu'au cours de son déplacement dans l'Ile de la Réunion, la délégation de la commission des Lois avait pris conscience de l'importance de l'affaire Hilarion pour la population réunionnaise. Il a, en outre, fait remarquer que des éléments nouveaux étaient récemment apparus, mettant en cause la responsabilité des autorités de l'Etat dans l'île. Jugeant que la démarche de M. Jacques Brunhes et de ses collègues du groupe communiste traduisait avant tout le souci manifesté par la population de l'île de ne pas voir cette affaire sensible enterrée, il a estimé qu'il était nécessaire de laisser la justice travailler normalement sur ce dossier. Considérant que la tournure prise par la procédure du fait des récentes mises en examen ordonnées par le juge d'instruction devait contribuer à rassurer les auteurs de la proposition de résolution, il a souhaité que celle-ci soit rejetée.

La Commission a rejeté la proposition de résolution n° 1880.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Raymond Forni, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire dans le département de la Réunion (n° 1841).

M. Raymond Forni, rapporteur, a souligné que la situation de l'administration pénitentiaire dans l'Ile de la Réunion était dramatique. Il a, dans le même temps, jugé que ce problème n'était malheureusement pas spécifique à ce département et qu'il se posait tout autant en métropole que dans l'ensemble de l'outre-mer. Il a ainsi mentionné une visite de la prison de Papeete qui lui avait révélé de graves dysfonctionnements en termes de sécurité. Pour ces raisons, il a estimé légitimes les démarches tendant à mettre un terme à la déshérence du système pénitentiaire dont souffrent les personnes détenues comme les personnels. Cependant, estimant que le problème soulevé relevait davantage du contrôle exercé par les commissions permanentes compétentes sur l'emploi des crédits votés par le Parlement que de la création d'une commission d'enquête, il a jugé qu'elle ne serait pas, en l'espèce, opportune, une telle démarche devant rester une modalité exceptionnelle de la fonction de contrôle parlementaire. Il a d'ailleurs fait observer que la commission des Lois avait pleinement joué son rôle à la suite de la visite effectuée par certains de ses membres sur place en alertant la garde des sceaux et en obtenant rapidement une réponse du Gouvernement par l'inscription de crédits supplémentaires dans la loi de finances rectificative. Le rapporteur a, en outre, insisté sur la nécessité de développer des solutions alternatives à la détention afin de remédier au problème de la surpopulation carcérale. Indiquant que la recevabilité de la proposition ne faisait pas de doute, tant par la désignation précise du service public concerné que par l'absence de poursuites judiciaires en cours sur cette question, il a toutefois invité la Commission à rejeter cette proposition en raison de son inopportunité.

Mme Christine Lazerges, présidente, a pour sa part estimé que la création d'une commission d'enquête sur la seule question du service public pénitentiaire dans l'Ile de la Réunion conduirait à éluder la question du fonctionnement de cette administration sur le reste du territoire national. Déclarant qu'elle avait pu constater, au cours de la mission sur la délinquance des mineurs, qui lui avait été confiée par le Premier ministre, le caractère déplorable des conditions de détention offertes aux mineurs par des établissements pénitentiaires tels que Fleury-Mérogis, elle a estimé qu'il serait dommageable de créer une commission d'enquête limitée au seul département de La Réunion.

M. Jérôme Lambert a relevé que la garde des sceaux avait d'ores et déjà apporté des réponses précises aux demandes des parlementaires sur la situation des prisons dans l'Ile de la Réunion au cours des séances de questions au Gouvernement. Pour cette raison, il a considéré qu'il n'était pas nécessaire d'adopter la proposition de résolution.

M. Jean-Yves Caullet a pour sa part jugé qu'il n'était pas pertinent de créer une commission d'enquête sur la situation des prisons dans un seul département.

M. Jacques Floch a fait état de l'émotion ressentie par la délégation de la commission des Lois au cours de sa visite de l'établissement pénitentiaire de Saint-Denis-de-la-Réunion. Relevant que le dépôt de cette proposition de résolution avait été effectué par des membres de la Commission au retour de leur mission, il a souligné que des solutions avaient été trouvées depuis cette date à la suite des recommandations de la commission des Lois. Il a, en outre, indiqué que l'annonce par le Gouvernement du financement de la construction d'un établissement pénitentiaire nouveau dans l'île avait d'ores et déjà reçu un accueil favorable des personnes concernées.

Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 1841.

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Informations relatives à la Commission

1. La Commission a procédé à la désignation de candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Ont été désignés :

· Membres titulaires :

Mme Catherine TASCA, MM. René Dosière, Jean-Yves Caullet, Gilles Carrez, Jean-Antoine Léonetti, Alain Clary et Jean-Pierre Michel.

· Membres suppléants :

MM. André Vallini, Bernard Roman, Raymond Forni, Jérôme Lambert, Jacques Floch, Jean-Luc Warsmann et Franck DHERSIN.

2. La Commission a désigné :

- M. Bernard Roman, rapporteur pour le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (n° 2012) et pour le projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna (n° 2013).

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