Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 mars 2000
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Christine Lazerges, vice-présidente

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, organisant une consultation de la population de Mayotte (n° 2276)


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- Projet de loi organisant une consultation de la population de Mayotte (n° 2276) (rapport)

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La Commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, organisant une consultation de la population de Mayotte (n° 2276).

Après avoir rappelé que la commission des Lois de l'Assemblée nationale avait effectué une mission à Mayotte, en septembre dernier, pour préparer l'examen de ce projet adopté à une très large majorité par le Sénat, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que l'île de Mayotte comptait 131 000 habitants, tandis que 15 000 Mahorais vivaient à la Réunion ou en métropole. Soulignant que Mayotte avait de tout temps cultivé un réel particularisme au sein de l'archipel des Comores, qui s'était notamment traduit par son maintien dans la République française, il a précisé que la loi du 24 décembre 1976, qui a érigé Mayotte en collectivité territoriale dotée d'un statut propre, prévoyait la consultation des Mahorais dans un délai de trois ans sur le futur statut de leur île, délai prorogé pour une nouvelle durée de cinq ans en 1979. Observant que cette consultation n'avait jamais été organisée et que les tentatives de modification du statut de Mayotte, notamment en 1984, n'avaient pu aboutir, il a souligné que cette situation précaire avait entraîné une réelle incertitude sur le droit applicable dans divers domaines. Evoquant les nombreux textes soumis au Parlement, souvent sous la forme d'ordonnances, afin d'étendre en les adaptant des pans entiers de la législation métropolitaine, il a rappelé que la dernière loi d'habilitation, en date du 26 octobre 1999, avait autorisé le Gouvernement à établir par ordonnances des règles en matière d'état des personnes, d'état civil, d'entrée et de séjour des étrangers.

Faisant référence aux engagements qu'il avait pris, lors d'un déplacement à Mayotte en novembre 1997, d'ouvrir des discussions avec l'ensemble des forces politiques mahoraises pour organiser la consultation attendue et doter l'île d'un statut qui ne soit plus provisoire, le ministre a indiqué que cette démarche s'était notamment appuyée sur les travaux de deux commissions, animées à Paris par le préfet Bonnelle et à Mayotte par le préfet Boisadam, qui avaient permis de rapprocher les points de vue, tant des représentants des forces politiques et de la société mahoraises, que des administrations de l'Etat. Après avoir rappelé que ces négociations avaient abouti à un accord, conclu le 4 août 1999 à Paris, avec les représentants des principales formations politiques de Mayotte, il a souligné que ce texte avait été approuvé par quatorze conseillers généraux sur dix-neuf et par seize communes sur dix-sept. Il a précisé que cet accord, signé le 27 janvier dernier à Paris, constituerait le texte sur lequel les Mahorais seraient appelés à se prononcer avant le 31 juillet 2000, conformément au v_u émis le 3 décembre dernier par le Président de la République lors du sommet de la commission de l'océan Indien. Il a, toutefois, regretté que cet accord n'ait pas été signé par les parlementaires de Mayotte, alors même qu'il était la consécration de leur action inlassable, depuis plus de vingt-cinq ans, pour affirmer l'enracinement de Mayotte dans la République. Il a observé que, si ce texte était approuvé par les Mahorais, ses orientations serviraient de base au futur projet de loi organisant le statut de Mayotte, qui sera déposé au Parlement avant la fin de l'année 2000 et donnera à Mayotte le statut de « collectivité départementale », l'île continuant ainsi à constituer une collectivité sui generis en application de l'article 72 de la Constitution. Il a souligné que, comme cela avait été clairement formulé tout au long des négociations avec les représentants des forces politiques mahoraises, l'accord ne prévoyait pas la transformation immédiate de Mayotte en département d'outre-mer, l'écart des niveaux de vie et des conditions économiques et sociales et le fait que près de 95 % de la population soit régie par un statut personnel obéissant au droit coranique y faisant obstacle. Après avoir relevé que le point 4 de l'accord tirait les conséquences de ce choix, en maintenant l'application du principe de spécialité législative à Mayotte, il a néanmoins indiqué que le futur statut esquissé par le document d'orientation ouvrait une phase de transition au cours de laquelle le régime statutaire de l'île serait rapproché du droit commun départemental, tout en respectant les spécificités de la société mahoraise, l'identité législative étant ainsi progressivement instaurée. Il a précisé, à titre d'exemple, que l'organisation et les compétences des communes seraient alignées sur le régime de droit commun, afin que les principes de la décentralisation, mis en _uvre en métropole à partir de 1982, s'appliquent pleinement à Mayotte et que les communes de l'île puissent, notamment, disposer d'une fiscalité propre.

Puis le ministre a souligné que, dans le cadre du contrat de plan pour la période 2000-2004, l'ensemble des concours de l'Etat serait de l'ordre de 4 milliards de francs, soit plus qu'un doublement des moyens consacrés au cours de la période précédente au développement de l'île. Après avoir rappelé que ce contrat de plan avait pour objectif d'asseoir les bases du développement économique, de former les Mahorais et de poursuivre en les amplifiant les programmes d'équipement et de développement social, il indiqué que l'Etat était prêt à prendre en charge entre 80 et 90 % du financement de ce contrat, disposition unique en France et justifiée par le potentiel financier plus faible de la collectivité territoriale de Mayotte. Conformément au souhait exprimé par la Commission lors de son déplacement à Mayotte, il a jugé nécessaire que la rénovation de l'état civil et la clarification du statut personnel permettent une application plus complète des principes républicains, faisant état, à cet égard, de deux ordonnances du 8 mars 2000 relatives aux règles de détermination du nom des personnes et à l'état civil qui ont pour objet de doter les Mahorais d'un état civil fiable. Par ailleurs, il a rappelé que l'accord prévoyait une clause de rendez-vous fixé en 2010, le Gouvernement et les principales forces représentatives de Mayotte devant faire, à cette date, le bilan d'application du statut de collectivité départementale et se prononcer en vue de doter l'île d'un statut définitif. Il a souligné que toutes les options étaient ainsi laissées ouvertes par l'accord, y compris la transformation en département d'outre-mer, étant entendu que les caractéristiques des collectivités aujourd'hui régies par l'article 73 de la Constitution pourraient avoir évolué d'ici là, comme le laisse supposer le débat actuel sur l'outre-mer.

Le ministre a ensuite évoqué les deux principales questions juridiques posées par le projet. Concernant la constitutionnalité de la consultation prévue, il a souligné qu'elle ne se situait, ni dans le cadre de l'article 11 de la Constitution, car l'ensemble de la population de la République n'était pas appelée à y participer et son objet n'était pas l'adoption d'un projet de loi, ni dans le cadre de l'article 53 puisque la question posée ne portait, en aucun cas, sur une éventuelle accession à l'indépendance. Il a précisé qu'une telle consultation avait déjà été organisée à Mayotte le 11 avril 1976, à propos du maintien ou non du statut de territoire d'outre-mer, le Conseil constitutionnel n'ayant rien trouvé à y redire dans sa décision du 30 décembre 1975, de même qu'il avait admis, dans sa décision du 2 juin 1987, que les Néo-calédoniens puissent se prononcer sur le futur statut qui leur serait appliqué. Par ailleurs, s'agissant d'interroger les populations intéressées, il a estimé que le projet de loi devait nécessairement répondre aux obligations de clarté et de loyauté de la question posée, comme le Conseil constitutionnel l'avait rappelé dans sa décision du 2 juin 1987. A cet égard, il a considéré qu'il n'y avait pas d'ambiguïté entre le statut de collectivité départementale et celui de département d'outre-mer, l'accord précisant clairement que le principe de spécialité législative continuerait de s'appliquer. Il a d'ailleurs indiqué qu'une partie du débat, ayant eu lieu à Mayotte dans les six derniers mois, avait justement porté sur le fait que le document d'orientation différait la transformation immédiate de l'île en département d'outre-mer. Après avoir rappelé que les Mahorais avaient refusé, il y a vingt-cinq ans, le statut de territoire d'outre-mer, qui leur apparaissait comme une régression juridique porteuse d'une menace d'évolution vers un retour dans la république islamique des Comores, le ministre a estimé, en conclusion, que ce projet de loi marquait une nouvelle étape de l'histoire de Mayotte dans la République, l'accord signé le 27 janvier dernier mettant fin à un quart de siècle d'incertitudes et engageant Mayotte sur la voie de la modernisation dans le respect de l'identité locale.

Après avoir fait état de sa satisfaction d'être rapporteur sur le projet de loi organisant une consultation de la population de Mayotte, M. Jacques Floch, rapporteur du projet de loi, a souhaité se faire l'écho des observations de la mission de la commission des Lois qui, conduite par Mme Catherine Tasca, présidente, et composée de Mme Nicole Catala, MM. Jacques Brunhes, Dominique Bussereau, Didier Quentin, Alain Tourret et lui-même, s'était rendue à Mayotte en septembre dernier. Soulignant l'impression très forte qu'avait laissée cet archipel à chacun d'entre eux, il a précisé que cette mission avait été l'occasion de rencontres fructueuses avec leur collègue M. Henry Jean-Baptiste, ainsi qu'avec tous les responsables locaux et les acteurs du monde culturel, social et associatif. Après avoir évoqué l'histoire de Mayotte, il a rappelé que la France avait respecté les spécificités de l'archipel, traduites dans son statut, qui laisse aux coutumes locales et au droit islamique une place importante, attestée notamment par la reconnaissance de la polygamie. Faisant état du sous-développement patent de cet archipel, M. Jacques Floch a insisté sur sa croissance démographique impressionnante, alimentée par la venue d'immigrants des Comores, ainsi que sur l'extrême jeunesse de sa population ; il a souligné ses attentes à l'égard de la République française, notamment en matière d'enseignement, et jugé qu'il était essentiel d'y répondre.

Observant que l'archipel disposait de nombreux appuis, tant dans l'océan Indien qu'en métropole, M. Jacques Floch a considéré que la levée de l'hypothèque statutaire permettrait aux Mahorais de se concentrer sur les perspectives d'avenir, avant de constater que la population et les acteurs locaux aspiraient par dessus tout à sortir du statu quo institutionnel, fragile et peu rassurant. Il a estimé que la période de stabilité de dix ans qui allait désormais s'ouvrir à Mayotte permettrait de mettre en place les instruments du développement et d'entamer une réflexion sur l'avenir de l'archipel, dans laquelle les Mahorais devraient, à l'évidence, prendre une place éminente. Rappelant que la solution pacifique et équilibrée apportée à la situation de la Nouvelle-Calédonie contrastait avec d'autres expériences douloureuses de décolonisation, il a estimé que la solution qui se dessinait pour Mayotte témoignait d'un souci humaniste comme d'un savoir-faire politique et constituait un « pari sur l'intelligence ». Convaincu que le projet de loi organisant une consultation de la population de Mayotte était une chance nouvelle pour l'archipel, M. Jacques Floch a fait part de son souhait de parvenir sur ce texte à un accord avec le Sénat, qui l'a adopté à une très large majorité.

Il a ensuite souhaité savoir dans quel domaine serait prioritairement instaurée l'identité législative dans l'archipel. Notant que l'accord prévoit également la mise en _uvre d'un fonds de développement et d'une agence de développement, il a interrogé le ministre sur les modalités de mise en place de ces outils, soulignant qu'ils sont indispensables au développement de l'archipel. Après avoir demandé des précisions sur les montants qui pourraient être allouées dès l'année prochaine à la dotation de rattrapage et de premier équipement destinée aux communes mahoraises, il a insisté sur les importants besoins administratifs de l'archipel ; puis il a interrogé le ministre sur la création de nouveaux services déconcentrés et sur l'implantation d'entreprises publiques de l'Etat, telles qu'EDF. Enfin, faisant état des dispositions de l'accord sur le renforcement des droits des femmes mahoraises, il a souhaité connaître les actions concrètes qui seraient menées dans ce but, avant de faire observer la très grande détermination des associations de Mahoraises que la mission de la commission des Lois a eu l'occasion de rencontrer.

Evoquant en préambule son long combat pour que la consultation de la population mahoraise ait enfin lieu, M. Henry Jean-Baptiste a fait part de l'immense déception que représentait, pour le sénateur Marcel Henry et lui-même, le projet de loi présenté par le Gouvernement ; il a ainsi regretté que la proposition faite par le Gouvernement ne permette pas de manière claire de doter Mayotte d'un véritable statut. Rappelant que les projets de loi de 1976 et 1979, qui prévoyaient une consultation basée sur trois options s'articulant autour du maintien du statu quo, de l'octroi du statut de département d'outre-mer ou du choix d'un statut spécifique, ne s'étaient jamais concrétisés, il a observé que l'archipel de Mayotte connaissait actuellement un vide juridique puisqu'il n'était ni territoire d'outre-mer, ni département d'outre-mer. Il a estimé que la formulation vague et pour le moins technocratique des termes de la consultation retenus par le Gouvernement ne permettrait pas de sortir de ce flou juridique, ajoutant qu'elle était de plus particulièrement mal adaptée aux spécificités de la population mahoraise, encore très traditionnelle et rurale. Il a également émis de vives critiques sur la procédure employée, qui a fait intervenir une consultation de conseils municipaux, alors même que ces municipalités se trouvent financièrement très dépendantes des dotations de l'Etat.

Il a reconnu que le choix du statut de département d'outre-mer, pourtant vivement souhaité par les Mahorais, paraissait en l'état actuel irréaliste. Conscient de cette difficulté, il a jugé souhaitable que soit proposé, dans un premier temps, un statut de collectivité départementale, permettant éventuellement, dans un délai de dix ans, d'opter pour le statut de département. Il a observé que cette proposition, prenant en compte l'évolution de la société mahoraise, aurait eu une signification politique forte, à défaut d'avoir une réelle portée juridique, permettant d'ancrer définitivement Mayotte dans la République. Rappelant que les revendications territoriales des Comores sur Mayotte étaient toujours d'actualité, il a contesté les termes de l'accord du 27 janvier 2000, qui fait de l'insertion de Mayotte dans son contexte régional une priorité. Il a réaffirmé, au contraire, l'aspect primordial du statut, en observant que cette question devait s'appuyer sur une volonté forte de l'Etat de favoriser les conditions d'un rattrapage économique. Evoquant le voyage récent du Président de la République dans les Antilles, M. Henry Jean-Baptiste a observé que les propos du Président plaidant pour une évolution spécifique et différenciée de chaque département auraient éventuellement permis, ultérieurement, de convaincre les Mahorais de garder le statut de collectivité départementale. S'agissant de la question de la légitimité de la consultation évoquée par le ministre, M. Henry Jean-Baptiste a estimé qu'il fallait davantage s'interroger sur sa légalité, ou plutôt sur sa constitutionnalité, soulignant que, en l'occurrence, ni l'article 11 de la Constitution concernant le référendum, ni l'article 53 qui concerne les cessions de territoire, ni même le précédent de la consultation de 1976, qui s'était caractérisée par un nombre très important de bulletins falsifiés, ne permettaient de trouver de réponses pertinentes à cette question.

Après avoir rappelé que Mayotte avait une histoire très singulière qui expliquait bon nombre des problèmes auxquels est confronté l'archipel aujourd'hui, M. Jérôme Lambert a souligné que la population de ce territoire attendait d'être consultée sur les évolutions statutaires. Faisant observer que depuis le statut de 1976 la situation institutionnelle de l'archipel n'avait pas évolué, il a jugé que le projet de loi organisant une consultation de la population de Mayotte était un préalable à toute évolution vers la départementalisation. Il a, par ailleurs, indiqué qu'à titre personnel il était favorable à l'accession de Mayotte au statut de département d'outre-mer, jugeant cependant qu'il était prématuré d'engager cette réforme sans délai. Tout en comprenant l'amertume des partisans d'une départementalisation immédiate, il a estimé que le délai de dix ans prévu par le texte avant toute nouvelle évolution statutaire était indispensable pour conforter le développement de l'archipel et répondre pleinement aux attentes de sa population.

En réponse aux divers intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- Les conditions politiques n'étaient pas réunies jusqu'à maintenant pour organiser une consultation sur l'avenir institutionnel de Mayotte. La République fédérale islamique des Comores s'est pendant longtemps opposée très vivement à toute évolution statutaire de l'archipel. L'intervention récente du président de la République à la Réunion dans laquelle il a abordé publiquement la question de la consultation à Mayotte, n'a pas suscité de réactions officielles de la part des pays de la zone, ce qui montre que la pression diplomatique s'est considérablement atténuée.

- Le rôle de M. Henry Jean-Baptiste dans les progrès accomplis en faveur d'une évolution statutaire de Mayotte doit être souligné, le député de l'archipel étant, par ailleurs, l'inventeur de l'expression « collectivité départementale ».

- Le Conseil d'Etat a confirmé que la consultation de la population de Mayotte devait être prévue par un projet de loi et non par un règlement. On ne peut opposer à une telle démarche aucun principe constitutionnel puisque ce type de consultation est conforme aux principes démocratiques, le Président de la République s'étant, par ailleurs, exprimé très clairement pour le recours à de telles procédures lors de modifications substantielles apportées au statut des collectivités d'outre-mer.

- La période transitoire qui s'ouvrira après l'approbation de l'accord du 27 janvier 2000 permettra de progresser dans la voie de l'identité législative dans plusieurs domaines : l'organisation du conseil général et des communes, le droit commercial, le droit pénal et la procédure pénale. Une telle avancée éviterait notamment un travail d'actualisation du droit applicable à Mayotte, qui serait particulièrement lourd à mener.

- La situation du statut personnel à Mayotte ne saurait être comparée à celle qui a pu exister en Guyane, puisque 95 % de la population mahoraise est soumise à ce statut coutumier alors que seulement 6 000 Guyanais sur 150 000 relèvent du statut personnel. Le statut départemental est incompatible avec le fait qu'une très grande majorité de la population relève d'un statut de droit personnel.

- Le passage d'une tradition profondément ancrée à Mayotte à une forme de modernité doit s'opérer avec souplesse et par étapes. Des efforts ont déjà été accomplis puisqu'une ordonnance récente, relative au droit civil applicable à Mayotte, a fixé l'âge minimal au-delà duquel les jeunes filles peuvent se marier à 15 ans, la présence de cette dernière étant désormais requise lors de la cérémonie ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant.

- A travers l'accord du 27 janvier 2000, l'objectif est que, dans dix ans, le dossier mahorais ne soit plus dans l'état où il se trouvait lorsque le ministre a pris ses fonctions au secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Le contexte actuel est totalement différent de celui qui prévalait en 1976. Si, à l'époque, les Mahorais pouvaient craindre d'être rattachés à la nouvelle république des Comores, tel n'est plus objectivement le cas aujourd'hui.

- Dans le cadre du nouveau statut de Mayotte, des moyens nouveaux seront confiés aux administrations de l'Etat, par exemple pour faire face aux dépenses engendrées par la mise à niveau de l'état-civil. La loi de finances rectificative pour 1999 a, d'ailleurs, augmenté de vingt millions de francs les dotations des services de l'Etat à Mayotte, pour permettre la prise en charge financière d'actions relevant de ses services dont le coût était jusqu'à maintenant supporté par la collectivité territoriale.

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Après le départ du ministre, la Commission a procédé à l'examen du projet de loi organisant une consultation de la population de Mayotte (n° 2276).

Soulignant qu'après l'audition du ministre, la présentation des dispositions du projet de loi était inutile, le rapporteur a indiqué qu'il en proposait l'adoption dans le texte du Sénat.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier : Le principe de la consultation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 : Le corps électoral :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 : La question posée aux électeurs et la majorité requise :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Henry Jean-Baptiste prévoyant qu'à l'issue de la mise en _uvre de l'accord en 2010 la population de Mayotte serait consultée sur le maintien du statut de collectivité départementale ou la transformation de Mayotte en département. Son auteur a indiqué que cet amendement entendait reconnaître à la population mahoraise le droit d'être consultée sur l'avenir institutionnel de Mayotte, non seulement en 2000 mais aussi en 2010. Il a jugé que, sur ce point, l'accord signé le 27 janvier dernier ne respectait, ni dans sa lettre, ni dans son esprit le double engagement pris par le Parlement en 1976 et 1979, vis-à-vis de la population de Mayotte. Il a rappelé que, tant la loi du 24 décembre 1976 que celle du 22 décembre 1979, avaient prévu que la population de Mayotte serait consultée sur le maintien du statut en place, la transformation en département ou, le cas échéant, l'adoption d'un autre type de statut. Il a souligné que, sur ce sujet, il avait déposé plusieurs propositions de loi, cosignées par de nombreux parlementaires, et non des moindres, en 1986 et en 1999. Il a insisté sur le fait qu'il fallait reconnaître aux Mahorais le droit de choisir leur destin et d'exprimer leur commune vision de l'avenir, au sein de la République française. Il a jugé également que revenir sur les engagements pris en 1976 et en 1979 serait un véritable déni de démocratie.

M. Jacques Floch, rapporteur, a salué la constance de l'engagement du député de Mayotte qui, avec courage, a toujours défendu la même position tout en restant ouvert à la négociation. Il a néanmoins jugé que l'amendement présenté par M. Henry Jean-Baptiste était contraire à l'accord du 27 janvier, ajoutant que son adoption risquait de remettre en cause le processus engagé, de telle sorte qu'il ne serait plus possible de répondre à la demande pressante des Mahorais. M. Jérome Lambert a estimé que ce qui compterait dans dix ans seraient les progrès accomplis en matière économique et sociale. Il a considéré que, même si l'on était certain que, dans dix ans, une étape nouvelle s'engagerait, il était aujourd'hui difficile de dire quel statut serait alors le mieux adapté. Il a noté que les engagements de 1976 et 1979 avaient montré qu'inscrire dans la loi des objectifs aussi précis n'était pas nécessairement la meilleure garantie pour les atteindre. Il a appelé de ses v_ux la mise en _uvre d'une politique qui permette d'améliorer la vie à Mayotte, de telle sorte qu'en 2010 une évolution statutaire soit possible. A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement de M. Henry Jean-Baptiste. Puis elle a adopté cet article sans modification.

Article 4 : L'application du code électoral :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 : Institution et composition de la commission de contrôle de la consultation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 : Missions de la commission de contrôle :

La Commission a examiné deux amendements de M. Henry Jean-Baptiste tendant à étendre la compétence de la commission de contrôle à la vérification de la régularité de l'établissement des listes électorales. M. Henry Jean-Baptiste a souhaité attirer l'attention de la commission des Lois sur les conditions dans lesquelles la consultation allait être organisée. Il a fait part de ses inquiétudes à ce sujet, s'appuyant sur la diffusion de documents appelant à ratifier l'accord avant même qu'il ne soit signé. Il a jugé que la consultation des communes organisée par la représentation du Gouvernement était également sujette à caution. Il a enfin exprimé la crainte qu'en suscitant des pressions sur les différents protagonistes de la campagne, l'archipel de Mayotte ne soit conduit à des confrontations violentes.

Le rapporteur a constaté que le Sénat avait déjà renforcé les pouvoirs de contrôle de la commission. Observant que l'amendement de M. Henry Jean-Baptiste étendait les missions de celle-ci à la révision des listes électorales, il a considéré que la réouverture des listes électorales aussi près de la date d'une consultation était contraire à l'usage. Soulignant l'importance du poids des fonctionnaires dans les collectivités d'outre-mer, compte tenu de la sous-administration locale, il a estimé que ces territoires avaient besoin de fonctionnaires de grande qualité et jugé qu'il ne fallait pas, par un amendement, jeter la suspicion sur leur travail, notamment pour ce qui concerne la révision des listes électorales. Il a considéré qu'une telle suspicion risquait d'être reprise par la presse internationale, qui pourrait en prendre prétexte pour mener campagne contre la consultation. Il a, néanmoins, souhaité que le ministre prenne l'engagement, en séance publique, de mettre en _uvre toutes les mesures nécessaires pour éviter la fraude et permettre une organisation sincère de la consultation. A l'issue de cette discussion la Commission a rejeté les deux amendements de M. Henry Jean-Baptiste. Elle a ensuite adopté cet article sans modification.

Article 7 : Organisation de la campagne radiotélévisée et règles relatives aux sondages :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Henry Jean-Baptiste tendant à réserver aux partis appelant à répondre « non » et à ceux qui se prononceraient pour le « oui » le même temps d'antenne à la radio et à la télévision. Son auteur a souligné, en effet, que toutes les formations politiques existant à Mayotte n'avaient pas été consultées, seuls les partis représentés au conseil général ou au Parlement l'ayant été. Puis, M. Henry Jean-Baptiste, se rangeant aux arguments du rapporteur, a retiré son amendement à l'invitation de celui-ci qui a estimé que le dispositif ainsi proposé ne correspondait pas à la pratique habituelle et ne respectait pas strictement la représentativité démocratique de chacune des formations politiques.

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8 : Contentieux du résultat de la consultation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 : Financement de la consultation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 10 : Décret d'application :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Puis la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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