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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 21 octobre 1999
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Jean-Jack QUEYRANNE, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les crédits de son département pour 2000.


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- Examen pour avis des crédits pour 2000 : outre-mer (M. Claude HOARAU, rapporteur pour avis)

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La commission a entendu M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les crédits de son département pour 2000.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2000 s'élevait à 6,36 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, correspondant à une progression de 13,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999 et à une hausse de 2 % à structure constante (en tenant compte des dotations concernant les emplois-consolidés et des conséquences des réformes institutionnelles relatives à la Nouvelle-Calédonie).

Il a rappelé que l'emploi demeurait la principale priorité de l'action du secrétariat d'Etat. De fait, les crédits qui y sont consacrés s'élèvent à près de 2,5 milliards de francs et représentent près de 40 % du budget total. Sur cette somme, 2,1 milliards de francs sont affectés au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM). Grâce à cette augmentation de 16,2 %, le FEDOM pourra financer 35 000 contrats emploi-solidarité, 15 000 contrats d'insertion par l'activité, 7 500 contrats d'accès à l'emploi et 500 primes à la création d'emplois. 7 000 contrats emplois-consolidés, prolongement des contrats emploi-solidarité, sont également financés par le budget de l'outre-mer. Ils représentent une dotation nouvelle de 292 millions de francs. Le FEDOM permettra aussi de financer 3 000 emplois-jeunes supplémentaires, ce qui portera le nombre d'emplois-jeunes outre-mer à environ 11 000 à la fin de l'année 2000. S'y ajoutent les emplois d'adjoints de sécurité (134 postes) et d'aides éducateurs (2 600 postes) créés respectivement par les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale.

Les crédits pour l'emploi et la formation professionnelle à Mayotte représentent une dotation nouvelle de 55,25 millions de francs, permettant d'améliorer la gestion des contrats emploi-solidarité, des contrats emplois-consolidés, des chantiers de développement local et des actions de formation professionnelle. 2,5 millions de francs seront affectés à la création du centre de formation professionnelle des adultes de Sada.

Les crédits du service militaire adapté (SMA) s'élèvent à 440 millions de francs (auxquels s'ajoutent 67 millions de francs de dotations provenant de l'Union européenne). Le service militaire adapté poursuit sa professionnalisation commencée en 1999. Aux 500 emplois de volontaires créés cette année, s'ajouteront 600 emplois nouveaux en 2000, représentant un coût de 43 millions de francs, répartis entre 65 % de stagiaires et 35 % de techniciens. En contrepartie, 1 000 postes d'appelés sont supprimés ainsi que 80 postes d'encadrement. Sur deux ans, le budget de l'outre-mer financera ainsi 1 100 emplois de volontaires.

Quant aux crédits consacrés à la culture et à l'action sociale, ils augmentent de près de 30 %, passant de 145 millions de francs à 185,6 millions de francs. S'agissant de l'action culturelle proprement dite, l'objectif est de favoriser les échanges entre l'outre-mer et la métropole. C'est dans ce sens que le Fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer, financé à parité avec le ministère de la culture (à hauteur de 9 millions de francs pour chacun des départements ministériels), a été créé. Un système analogue pourrait être prochainement mis en place avec le ministère de la jeunesse et des sports, afin d'encourager les échanges de clubs sportifs.

Le logement constitue le deuxième poste de dépenses du budget. 1,1 milliard de francs sont inscrits en autorisations de programme et 918 millions de francs en crédits de paiement. Ces crédits seront complétés par ceux de la créance de proratisation, qui est elle-même en progression de 5,7 %. Le total des moyens consacrés au logement social sera ainsi en hausse de 3,7 %. La ligne d'aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, permettra de soutenir la réhabilitation de 2 400 logements et la construction de 11 000 logements neufs. La résorption de l'habitat insalubre sera financée à hauteur de 96 millions de francs sur le budget de l'outre-mer, permettant ainsi d'aider 2 000 familles.

A ces mesures, il convient d'ajouter deux dispositions importantes qui figurent dans le projet de loi de finances : la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien à partir du 15 septembre 1999 dans les départements d'outre-mer qui passe de 9,5 % à 2,1 %, au lieu de 5,5 % en métropole et la mise en place du mécanisme financier qui permettra d'appliquer le dispositif d'aide exceptionnelle aux ménages pour l'acquisition de terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques.

La part des départements d'outre-mer dans la première enveloppe des contrats de plan Etat-régions s'élève à 4,527 milliards de francs sur un total de 95 milliards de francs. Les quatre régions d'outre-mer sont parmi les mieux pourvues du pays, comme le montre le volume de crédits alloués par habitant. La Guyane, avec un ratio de 5 607 francs par habitant, est la première région française, la Guadeloupe (2 687 francs par habitant) vient au troisième rang, la Martinique (2 545 francs par habitant) au quatrième et La Réunion occupe la sixième place avec 2 185 francs par habitant. La seconde répartition des crédits inscrits dans le cadre des contrats de plan Etat-régions est actuellement en cours de discussion. Pour les territoires d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, le contenu des contrats de développement n'a pas encore été arrêté ; ces contrats porteront sur la période 2000-2004 (sauf pour la Polynésie française dont le contrat de développement couvrira la période 2000-2003).

Le budget de l'outre-mer traduit le respect des engagements pris par le Gouvernement vis-à-vis des partenaires calédoniens, formalisés dans la loi organique du 19 mars 1999, et la volonté politique du Gouvernement de donner à la Nouvelle-Calédonie les moyens de son développement. Les compétences nouvelles sont considérables et les transferts, en application de la loi organique, se réaliseront par étapes. Le budget a été élaboré afin que soient dégagés les moyens nécessaires aux transferts prévus à compter du 1er janvier 2000.

A cette fin, un nouveau chapitre budgétaire a été créé, comprenant une dotation globale de fonctionnement et une dotation globale de compensation.

La dotation globale de fonctionnement, destinée aux provinces, est dotée de 394 millions de francs. Elle donnera à celles-ci les moyens de leur action dans le domaine sanitaire et social (aide médicale gratuite, aide aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux enfants secourus) et dans le domaine de l'enseignement (enseignement primaire, fonctionnement des collèges).

La dotation globale de compensation accompagnant le transfert des compétences de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie est dotée en 2000 de 11,7 millions de francs qui permettront à la Nouvelle-Calédonie d'exercer ses compétences nouvelles en matière de commerce extérieur, de droit du travail, d'enseignement scolaire, de jeunesse et sports, de mines et d'énergie.

Enfin, l'administration du secrétariat d'Etat à l'outre-mer se réforme. Le projet de budget pour 2000 doit permettre la poursuite de l'amélioration des carrières des agents et accompagner la restructuration des services de l'Etat en Nouvelle-Calédonie, qui se traduira par un important transfert de personnels (87 créations d'emplois de fonctionnaires et suppression de 66 emplois d'agents contractuels).

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis des crédits de l'outre-mer, s'est déclaré satisfait de l'augmentation du budget de l'outre-mer. Il a toutefois regretté que ces efforts soient insuffisants vu la gravité de la situation que connaissent les départements d'outre-mer, notamment à cause du chômage.

Actuellement, les efforts portent sur le traitement social du chômage alors que des mesures susceptibles de générer un développement économique important, seul susceptible de faire reculer ce fléau, n'ont pas été trouvées.

M. Claude Hoarau s'est félicité que le budget de l'outre-mer traduise également le respect des engagements pris par le Gouvernement en Nouvelle-Calédonie et que les crédits du service militaire adapté viennent renforcer l'effort pour l'emploi et la formation professionnelle.

Il n'y aura malheureusement pas plus de logements construits en 2000 qu'en 1999, les crédits correspondants n'augmentant que très faiblement (moins de 1 %). Or, il s'agit d'un poste essentiel pour des raisons démographiques, trop de logements sont surpeuplés, et parce que ce secteur est créateur d'emplois. On annonce, par exemple pour la Réunion, 4300 logements réalisés en 1999, alors qu'il en faudrait le double. Les difficultés qu'éprouvent les collectivités à aménager les terrains, l'insuffisance de la dotation du Fonds d'aménagement foncier urbain et le retard pris pour pérenniser la créance de privatisation sont autant de freins à la construction de logements.

M. Claude Hoarau a insisté sur le fait qu'un logement construit, c'est 1,5 ouvrier au travail ; relancer la politique du logement serait donc un moyen efficace de réduire le niveau du chômage d'une population qui veut travailler.

Il a également posé le problème des conditions d'attribution de l'allocation logement.

Enfin, M. Claude Hoarau a fait part de son désappointement face aux retards pris pour l'élaboration du projet de loi d'orientation. Dans ce cadre, des rapports politiques et techniques ont été effectués. Parmi ceux-ci, le rapport Fragonard a suscité beaucoup d'espoir, en proposant d'encourager l'emploi dans les PME et en préconisant des mesures pour réduire le nombre de RMistes. Il semblerait très important que la loi d'orientation tienne compte de ces études.

M. Philippe Chaulet a exprimé son accord avec l'analyse présentée par le rapporteur pour avis. Il a demandé que le contenu du rapport « Fragonard » soit rapidement rendu public, puis il a fait remarquer que Saint Martin connaissait une situation financière particulièrement difficile, notamment après le passage de l'ouragan « Luis » et du cyclone « Marylin ». M. Philippe Chaulet a également indiqué que les habitants de Saint Martin et de Saint Barthélémy étaient depuis juillet en attente des suites données au rapport Seners consacré à ce problème. Il a insisté sur l'importance du logement social, tout particulièrement pour les chômeurs. Les familles se heurtent, par ailleurs, à un problème précis : comptant beaucoup d'enfants, elles devraient habiter des logements plus grands, mais ne peuvent le faire, par manque de moyens et le nombre d'enfants les prive précisément, compte tenu de l'exiguïté de leurs habitations, du droit à l'allocation logement.

M. Michel Tamaya a estimé positives les orientations contenues dans le budget des départements et territoires d'outre-mer pour 2000. Rappelant que les collectivités locales des départements d'outre-mer avaient été déclarées en 1998 éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) et que le Premier ministre avait récemment annoncé l'abondement de la DSU à hauteur de 500 millions de francs, il a souhaité savoir si les départements d'outre-mer pourraient continuer à bénéficier effectivement de cette dotation et de l'abondement annoncé par le Premier ministre.

En réponse aux intervenants, le ministre a tout d'abord indiqué son accord avec les analyses qui ont été présentées sur la situation économique et sociale de l'outre-mer. Deux facteurs expliquent le paradoxe d'une activité globale en croissance et d'une progression concomitante du nombre de demandeurs d'emplois. D'une part, certains secteurs économiques apparaissent fragiles : par exemple, celui de la banane connaît une décroissance significative des prix rendus en Europe, en dépit du mécanisme de l'aide compensatrice. Le Premier ministre devrait d'ailleurs annoncer prochainement une série de mesures en faveur des petits planteurs. D'autre part, l'outre-mer se singularise par la vigueur de sa démographie puisque 35 % de la population y a aujourd'hui moins de 20 ans, contre 25 % en métropole. Dès lors, les mesures d'insertion trouvent rapidement leurs limites face à l'étendue des besoins.

Le ministre a ensuite apporté les éléments d'information suivants :

- s'agissant du projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer, le Gouvernement espère pouvoir transmettre un avant-projet aux assemblées délibérantes d'ici au 15 novembre, afin que des discussions approfondies puissent être entamées au premier semestre de l'année prochaine. Ce texte ne se bornera pas à présenter des réformes institutionnelles, mais doit également permettre la mise en place de politiques volontaristes en faveur du développement économique et social de l'outre-mer : aide au retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI, soutien aux PME, aménagement de la fiscalité en faveur de l'investissement etc. ;

- le dispositif sectoriel d'exonération de charges sociales introduit par la loi Perben, dont l'échéance est prévue en mars 2000, sera prolongé d'une année. Le Gouvernement dresse actuellement son bilan : s'il est vrai que les secteurs aidés ont connu entre 1995 et 1997 une croissance de l'emploi quatre fois supérieure à celle des secteurs non exonérés, il est probable que cette progression s'explique en partie par un effet de légalisation d'activités auparavant non déclarées. Par ailleurs, 30 % des entreprises des secteurs exonérés (couvrant 20 % des salariés) ne peuvent bénéficier de ces avantages car ceux-ci supposent au préalable la présentation d'un plan d'apurement des dettes. Le dispositif est appelé à être révisé dans le cadre de la future loi d'orientation. A cette occasion, les questions du maintien des exonérations sectorielles et du renforcement de l'aide spécifique aux entreprises exportatrices seront posées ;

- les crédits de paiement en faveur du logement progressent de 3,7 %. En regard de besoins dont chacun reconnaît l'importance, il faut rappeler que d'autres mesures d'aide ont été présentées : baisse du taux des prêts aidés, allongement de leur durée à 50 ans, réduction de la TVA sur les travaux d'entretien et généralisation du cadre d'intervention du FRAFU. Des discussions interministérielles sont en cours sur l'harmonisation des barèmes des aides personnelles au logement, qui devraient permettre une extension du nombre de leurs bénéficiaires ;

- la situation économique difficile de Saint-Barthélémy a fait l'objet du rapport Seners présenté en juillet 1999. Elle s'explique par l'action destructrice du cyclone mais également par le surinvestissement touristique qui y a été effectué dans le cadre de la loi Pons.

Le ministre a conclu son intervention en présentant les dernières informations en sa possession sur l'impact du cyclone « José ». Il a indiqué que seuls des dégâts matériels sont actuellement à déplorer et que des moyens d'intervention de la protection civile sont en cours de déploiement pour aider à la restauration rapide d'une situation normale.

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Conformément aux conclusions de M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre-mer pour 2000.

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