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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 32

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 février 2000
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jean-Pierre Defontaine, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 1734), portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse

 

(M. Charles de COURSON, rapporteur).

2

- Informations relatives à la commission

10

   

La commission a examiné, sur le rapport de M. Charles de Courson, la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 1734), portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.

M. Charles de Courson, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la proposition de loi prévoyait trois dispositions visant à tirer les conséquences de deux décisions juridictionnelles d'avril 1999, l'une du Conseil d'Etat et l'autre de la Cour européenne des droits de l'homme. Il a rappelé que, déposée à l'initiative de sénateurs appartenant à tous les groupes de la Haute Assemblée, la proposition avait été adoptée par celle-ci à l'unanimité.

Il a en outre estimé qu'il s'agissait d'un texte d'équilibre proposant d'ailleurs des solutions très voisines de celles recommandées par M. François Patriat dans son rapport.

Il a ensuite indiqué que les deux premières dispositions de la proposition de loi étaient relatives à la chasse du gibier d'eau, pour la première, à la passée c'est-à-dire aux heures crépusculaires et, pour la seconde, de nuit.

M. Charles de Courson a rappelé qu'il s'agissait de pratiques largement répandues sur notre territoire. En ce qui concerne la chasse de nuit, une enquête conduite cet été par le ministère de l'environnement sur 71 départements a ainsi révélé qu'elle était pratiquée dans 33 d'entre eux. L'Office national de la chasse estime quant à lui que l'utilisation des « huttes, tonnes et gabions », installations à partir desquelles la chasse de nuit est pratiquée, « est constante et fait partie des usages locaux » dans 42 départements.

Il a ensuite précisé que ces pratiques n'étaient pas propres à notre pays. Ainsi, la chasse à la passée est possible chez la plupart de nos voisins. En effet, aucun des 10 autres Etats membres sur les législations desquels la Fédération des associations de chasseurs de l'Union européenne a conduit une enquête n'interdit systématiquement la chasse dès le coucher du soleil ou avant son lever, sa pratique étant en général autorisée entre trente minutes et deux heures après le coucher du soleil et avant son lever. La chasse de nuit est pour sa part possible sous certaines conditions dans six de ces Etats.

Il s'agit le plus souvent d'une pratique populaire, les prix de location exorbitants évoqués dans la presse ne correspondant qu'à une infime minorité d'installations.

En outre, M. Charles de Courson a estimé que la chasse au gibier d'eau contribuait à la défense de l'environnement puisque les chasseurs, premiers intéressés par la préservation de la faune, luttaient contre la disparition des zones humides, habitats dont le recul expliquait la fragilité de certaines espèces et notamment de la bécassine sourde. Le prélèvement cynégétique ne constitue pas en revanche une menace comme l'illustre l'exemple de la sarcelle d'hiver, qui est l'une des espèces les plus chassées après le coucher du soleil, et dont la population hivernant en France s'accroît année après année.

M. Charles de Courson a précisé que le risque de confusion entre oiseaux aboutissant à tirer sur des individus appartenant à des espèces protégées, souvent invoqué pour remettre en cause la pratique de la chasse de nuit, lui semblait en réalité très faible. En effet, la plupart des oiseaux présents sur les territoires de chasse appartiennent à des espèces chassables notamment parce que les appelants n'attirent évidemment pas les espèces protégées. Une éventuelle confusion resterait donc sans conséquences pour celles-ci. En outre, lorsque l'on chasse de nuit, le tir s'effectue en général posé ce qui laisse le temps d'identifier la cible.

La chasse de nuit est également contestée en raison du dérangement des oiseaux qu'elle entraîne mais celui-ci est inhérent à la chasse, qu'elle soit pratiquée de nuit ou de jour. La question du niveau de prélèvement paraît plus importante.

Historiquement, la chasse aux heures crépusculaires a toujours été autorisée au moins depuis la Révolution. La loi du 3 mai 1844 relative à la police de la chasse, dont les dispositions relatives à cette question sont à l'origine des articles du code rural en vigueur, interdisait en effet la pratique de la chasse de nuit mais en entendant la nuit au sens de la nuit noire et donc d'une obscurité liée aux circonstances de fait que, par définition, on ne constate pas aux heures crépusculaires. Tant les débats législatifs qu'une jurisprudence ultérieure abondante sont sans ambiguïté sur ce point.

Or définir ainsi la nuit est certes pertinent du point de vue de la pratique de la chasse mais crée une certaine incertitude juridique puisqu'il est, dans ces conditions, toujours possible de contester qu'un fait ait eu lieu de nuit. L'administration a donc défini une règle selon laquelle il convenait de ne verbaliser pour pratique de la chasse la nuit qu'à partir de deux heures après le coucher du soleil et jusqu'à deux heures avant son lever (heure légale). Le 7 avril dernier, le Conseil d'Etat a annulé pour excès de pouvoir l'instruction du directeur de l'Office national de la chasse rappelant cette règle.

M. Charles de Courson a estimé que, s'il ne revenait pas à l'administration de la définir, l'adoption d'une telle règle était néanmoins nécessaire et était d'ailleurs préconisée par le rapport de M. François Patriat. Il a indiqué que Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, s'y était en revanche initialement déclarée hostile avant de se rallier à la définition d'une période d'une heure après le coucher du soleil et d'une heure avant son lever.

En ce qui concerne la chasse de nuit, M. Charles de Courson a tout d'abord rappelé que sa pratique était autorisée de manière claire sur le domaine public maritime au moins jusqu'à la loi du 24 octobre 1968, l'interprétation de celle-ci sur ce point étant ambiguë. Elle était en revanche interdite depuis la loi du 3 mai 1844 ailleurs, malgré les possibilités de dérogations initialement envisagées, en raison de la volonté du législateur de l'époque de lutter contre le brigandage et contre le braconnage. Toutefois, malgré cette prohibition de principe, sa pratique coutumière s'est poursuivie sur une large partie de notre territoire.

M. Charles de Courson a ensuite estimé que les arguments justifiant en 1844 son interdiction n'avaient plus la même force et qu'il convenait de trouver aujourd'hui une solution d'apaisement équilibrée permettant de mettre fin au décalage entre la loi et les pratiques.

Il a précisé qu'à l'heure actuelle, aucune disposition de droit communautaire ne s'opposait à l'autorisation de la chasse de nuit malgré les extrapolations de certains. La


proposition de loi adoptée par le Sénat vise donc à reconnaître explicitement la légalité de la pratique de la chasse de nuit là où elle est coutumière.

La prise en compte du critère de la tradition est d'ailleurs recommandée par le rapport de M. François Patriat et proposée par l'avant-projet du Gouvernement. La liste des départements à retenir est en revanche contestée. Le rapport de M. François Patriat en retenait 19 alors que l'ONC identifiait pour sa part 42 départements où l'utilisation des postes fixes est traditionnelle. L'enquête récente réalisée depuis par M. Vincent Schricke pour le ministère de l'environnement conclue pour sa part que la chasse de nuit est pratiquée dans 33 des 71 départements pour lesquels des réponses sont disponibles, certains de ceux où elle est très pratiquée comme la Charente-Maritime ne figurant pas parmi ceux dont les préfets ont répondu.

M. Charles de Courson a, en conséquence, insisté sur la nécessité d'énumérer les départements concernés dans la loi. Un contentieux long et complexe risque en effet d'apparaître s'il appartient au pouvoir réglementaire de définir les départements répondant au critère de tradition fixé par la loi. Le décret concerné risque en effet d'être attaqué parce qu'incomplet, son annulation, dans cette hypothèse, privant la pratique de la chasse de nuit de base juridique tant que ne lui aura pas succédé un nouveau décret, incontestable. C'est pourquoi la proposition de loi énumère la liste des départements concernés en reprenant celle établi par l'ONC.

M. Charles de Courson a précisé qu'elle prévoyait en outre un inventaire des installations, sur la nécessité duquel tout le monde s'accorde, par le biais de déclarations en mairie. A la différence de l'avant-projet de loi, la proposition de loi n'interdit pas la mise en place de nouveaux postes fixes dont il va de soi qu'elle peut être nécessaire, en particulier sur le domaine public maritime, en raison de l'évolution au fil du temps des terrains concernés.

En outre, la proposition de loi impose la tenue d'un carnet de prélèvement annuel pour chaque installation, nécessaire pour disposer d'une meilleure information et, à terme, pour évoluer vers une régulation par quotas de prélèvement.

M. Charles de Courson a ensuite évoqué l'article 2 de la proposition de loi qui modifie les articles L. 222-10 et L. 222-19 du code rural issus de la loi du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées dite « loi Verdeille ». Après avoir rappelé que ces modifications, tirant les conséquences de la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme du 29 avril 1999, ne s'imposaient pas d'un point de vue juridique, il a indiqué qu'un accord large existait aujourd'hui sur la nécessité de reconnaître le droit de non-chasse. Des nuances importantes existent toutefois quant aux modalités de cette reconnaissance.

La proposition de loi apporte à cet égard une précision importante en disposant que l'opposition des propriétaires concernés se fera sans préjudice des conséquences liées à leur responsabilité notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de leur fonds. M. Charles de Courson a en effet estimé que la reconnaissance du droit du propriétaire doit être équilibré par le rappel des devoirs du propriétaire, en particulier, dans ce cas, en matière de gestion de la faune.

Une jurisprudence constante considère que le propriétaire négligent car ayant laissé proliférer le gibier sur son fonds est responsable des dégâts qui en résultent pour les récoltes mais aussi par exemple, aux véhicules par suite de collisions. Certains estiment donc l'incise de l'article 2 de la proposition de loi relative à cette question inutile. M. Charles de Courson a toutefois estimé que des difficultés peuvent apparaître et qu'il convenait de réaffirmer explicitement cette responsabilité.

Il a en outre précisé que la proposition de loi prévoyait la déclaration de l'opposition en mairie, solution plus simple que la notification au préfet envisagée par l'avant-projet de loi.

M. Charles de Courson a conclu en soulignant l'urgence qui existe à adopter la proposition de loi. Il n'est pas acceptable plus longtemps que des pratiques légitimes s'exercent dans une totale illégalité et que l'Etat républicain devienne un état de non-droit. Il a en outre souligné que la clôture de la chasse ne sera totale qu'à la fin de février, que la proposition de loi pourrait donc, si elle était adoptée, être promulguée avant la fin de la saison et permettre de rétablir la légalité républicaine et d'apaiser les esprits.

Reconnaissant le caractère beaucoup plus vaste du projet de loi annoncé, qui abordera de nombreuses questions dont certaines, comme la définition des périodes d'ouverture de la chasse, feront sans doute l'objet d'un examen passionné, M. Charles de Courson a souhaité qu'avant l'examen de celui-ci la proposition de loi adoptée par le Sénat soit adoptée par l'Assemblée nationale et a espéré qu'elle puisse l'être, comme au Sénat, à l'unanimité.

La commission a ensuite examiné l'exception d'irrecevabilité présentée par Mme Marie-Hélène Aubert.

M. Charles de Courson, rapporteur, s'est déclaré surpris par le dépôt de cette exception d'irrecevabilité et a précisé qu'il ne comprenait pas quelle disposition de la proposition de loi pourrait être considérée comme contraire à des dispositions constitutionnelles. En ce qui concerne la compatibilité des dispositions de la proposition de loi avec le droit communautaire, il a rappelé que la question ne pouvait se poser que pour ce qui concerne la chasse de nuit. Or aucune disposition d'origine communautaire n'interdit explicitement cette pratique sur laquelle la Cour de justice des communautés européennes ne s'est, à ce jour, pas prononcée malgré l'interprétation extrêmement restrictive que celle-ci a donné des dispositions de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

La commission a ensuite rejeté l'exception d'irrecevabilité puis elle a rejeté la question préalable présentée par M. Guy Hascoët.

Dans la discussion générale, deux commissaires sont intervenus.

M. Léonce Deprez a salué l'expertise de M. Charles de Courson et son bon sens. Il a fait valoir que la commission s'honorerait en dépassant les conflits vécus sur le terrain car le sujet recueille la quasi-unanimité des députés, le clivage entre la droite et la gauche étant dépassé. Le rapport de M. François Patriat a cherché à dépassionner le débat, mais dans l'attente de la discussion du projet de loi sur la chasse, M. Léonce Deprez a insisté sur l'utilité de voter la proposition de loi pour calmer les esprits et sur la nécessité de cesser de médiatiser les conflits.

Il a jugé que la proposition de loi adoptée par le Sénat était modeste et offrait une solution aux litiges tout en se contentant de légaliser les traditions de chasse reconnues. Il s'est déclaré favorable à son adoption.

M. André Godin a fait observer que la chasse à la passée était une tradition séculaire dans les Dombes et s'est étonné que le département de l'Ain ne figurât pas dans la liste des 42 départements où la chasse de nuit était autorisée. C'est pourquoi, il a indiqué son opposition à la proposition de loi.

M. Charles de Courson, rapporteur, a répondu que l'article 1er de la loi reprenait la liste de départements établie par l'ONC et reprise dans la circulaire du 31 juillet 1996 ayant fait l'objet d'une annulation. Le département de l'Ain figure parmi ceux n'ayant pas répondu à l'enquête du ministère de l'environnement. La possibilité d'amender la proposition de loi est bien évidemment ouverte.

En outre, le rapporteur a précisé que l'article 1er de la proposition de loi correspondait aux articles 10 et 11 de l'avant-projet de loi préparé par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Si cet article 1er est adopté, l'examen des articles 10 et 11 de l'avant-projet de loi serait alors facilité puisque ces dispositions auront donné lieu à une discussion préalable et approfondie.

La commission a ensuite été saisie de deux motions de renvoi en commission présentées, d'une part, par M. Guy Hascoët et, d'autre part, par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Défendant la motion de renvoi en commission déposée par les députés socialistes, M. François Patriat a expliqué que la motion de procédure ne visait qu'à remettre en cause le calendrier d'examen de la proposition de loi. Les questions que ce texte aborde doivent être traitées dans la sérénité. Sans doute faut-il des mesures d'urgence, mais en matière de chasse de nuit, a-t-il estimé, le Parlement dispose de six mois pour légiférer car aujourd'hui, et a fortiori le 22 février, jour de discussion en séance publique de la proposition de loi, la chasse au gibier d'eau est interdite par la directive européenne de 1979 et par le code rural dans la plupart des départements français.

Il a donc fait valoir que le groupe socialiste contestait la procédure d'examen du texte de loi et non le fond de ses dispositions. Il a fait remarquer que celles-ci pouvaient être débattues dans le cadre du prochain projet de loi sur la chasse, annoncé dès septembre 1999 par le Premier ministre, et qui sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 février prochain.

Il a ensuite estimé que la proposition de loi ne réglerait rien car les problèmes auxquels est confrontée la chasse ne sont pas des problèmes de date d'ouverture ou de légalisation de la chasse à la passée ou de nuit, mais un problème plus global de partage de temps, de rapports entre populations urbaine et rurale et entre ruraux eux-mêmes, de maintien de territoires de chasse, d'entretien des forêts et des zones humides, d'exercice en toute sécurité d'activités sportives ou de promenade en pleine nature. Il a fait valoir que toutes les chasses pratiquées étaient défendables si des règles d'éthique, de sécurité et de respect des espèces étaient respectées. Il a donné raison à M. Charles de Courson lorsqu'il a indiqué que ce n'était pas la chasse qui était la cause de la disparition d'espèces de gibier d'eau ; les causes essentielles doivent être recherchées dans l'extension des terres cultivées et les méthodes de culture. Sans les chasseurs, la plupart des zones humides auraient disparues.

M. François Patriat a insisté sur les problèmes de sécurité nés de la libre circulation de personnes avec des armes à feu. La plupart de nos concitoyens ne supportent plus le sentiment d'insécurité qu'elle fait naître.

Il a ensuite abordé les problèmes d'organisation de la chasse sur le territoire. Il s'est tout d'abord demandé si les fédérations de chasseurs ne devaient pas désormais avoir un rôle reconnu pas la loi de formation, d'aménagement du territoire, de défense des intérêts de la chasse, d'organisation plus large de celle-ci. La proposition de loi n'aborde pas cette question. Or il faut montrer que le chasseur peut rendre à la nature ce qu'il lui prélève.

La proposition de loi ne traite pas non plus du statut de l'Office national de la chasse et des garderies, ni des autorités (fédérations de chasseurs, communes, Office national de la chasse) qui devraient être compétentes en matière de police de la chasse. Pour sa part, il a jugé qu'elle devait relever d'un pouvoir régalien.

Concernant la révision de la loi Verdeille, il a estimé que l'institution d'un droit de non-chasse ne voudrait rien dire ; il faut mettre en place un régime d'acceptation ou de refus de la chasse sur sa propriété. La loi Verdeille doit être modifiée ; la proposition de loi est peu éloignée des propositions figurant dans le rapport remis au Premier ministre qui reprend les travaux de M. Henri Savoie, maître des requêtes au Conseil d'Etat. M. François Patriat a attiré l'attention sur le fait que l'objection de conscience cynégétique impose un devoir de gestion à l'objecteur et engage sa responsabilité pour réparer les dégâts que causerait le gibier qu'il laisse proliférer sur ses terres.

En matière de dates d'ouverture de la chasse, il a fait valoir que la fixation de ces dates ne relevait pas de la loi. Il appartient, en revanche, au Parlement de transposer complètement la directive européenne du 2 avril 1979. Pendant douze ans, on a fait croire aux chasseurs qu'elle n'existait pas et depuis 1994 ou leur fait croire qu'on allait la changer. Il a indiqué qu'il venait, une nouvelle fois, de consulter des députés français siégeant au Parlement européen et qu'ils lui avaient indiqué que, compte tenu des délibérations de la commission de l'environnement, ils ne seraient pas en mesure d'obtenir, en l'état, une modification de la directive européenne. M. François Patriat a donc demandé qu'un texte de loi règle globalement le problème de compatibilité et permette à la France de demander les dérogations nécessaires prévues par la directive.

Après avoir évoqué le problème de la disparition progressive du petit gibier, il a fait observer que la chasse crépusculaire était pratiquée dans tous les départements français. Celle-ci doit être légalisée mais elle doit respecter deux principes : la non-perturbation des animaux ; l'identification préalable du gibier. La chasse à la passée doit rassurer tout le monde car ses méthodes garantissent l'identification du gibier. Autoriser la chasse deux heures avant le coucher du soleil et deux avant son lever (heure légale) est en outre raisonnable car la limitation à une heure n'a pas de sens du fait qu'en été il fait encore jour durant ce laps de temps et qu'en hiver la nuit est devenue noire, rendant impossible la chasse. L'autorisation en fonction de l'heure légale rend la loi très lisible pour tous et est adaptée à toutes les régions françaises.

Quant à la chasse de nuit, il a indiqué qu'il avait découvert l'exercice de cette chasse au cours de sa mission. Elle correspond à une véritable réalité sociologique et constitue un patrimoine culturel formant l'identité de plusieurs régions françaises. Cependant, la tradition voulait qu'elle se pratiquât dans des postes fixes sans chauffage ni réfrigérateur ou plaque de cuisson. Le chasseur était souvent posté dans des barques. Avant 1953, elle était certes traditionnelle mais rare. Or les relevés photographiques depuis dix ans ont montré que le nombre d'installations s'est multiplié.

Les critiques des écologistes viennent du fait que la nuit les animaux sortent pour s'alimenter. La chasse perturbe les oiseaux qui ne peuvent reconstituer leurs réserves pour la migration. En outre, les oiseaux migrateurs sont chassés en permanence sur tout leur trajet de migration ; ils ne sont jamais en état de quiétude. Cependant, M. François Patriat a fait valoir que cette chasse était peu prédatrice. Les principaux dégâts proviennent du braconnage car les contrôles sur le terrain sont difficiles bien qu'ils soient appelés de leurs v_ux par les chasseurs (notamment, de nombreux appeaux interdits sont utilisés).

Il a indiqué que le choix des 19 départements, figurant dans son rapport, dans lesquels la chasse de nuit est avérée résultait des observations et propositions des directions départementales de l'agriculture. Il s'est interrogé sur la réalité de la chasse de nuit dans plusieurs départements figurant dans la proposition de loi : dans l'Ariège seules 7 ou 8 huttes sont recensées, dans le Rhône la chasse de nuit est quasiment inexistante, dans l'Aveyron personne ne la pratique.

En conclusion, il a indiqué que le projet de loi sur la chasse serait examiné par l'Assemblée du Conseil d'Etat demain jeudi 10 février. L'adoption de la motion de renvoi en commission ne signifie pas que la proposition de loi est rejetée ; il s'agit en fait d'attendre l'examen en commission le 21 mars prochain du projet de loi et sa discussion en séance publique les 28 et 29 mars pour débattre des questions traitées par la proposition de loi.

En réponse, M. Charles de Courson, rapporteur, a souligné que les problèmes actuels n'étaient pas dus, contrairement à ce qui avait été dit, à la position adoptée par l'Union européenne, mais à l'interprétation que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a donnée de la directive n° 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ainsi que de la directive n° 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Une interprétation trop large de la notion de perturbation risque de conduire à une disparition progressive de la chasse puisqu'on ne peut chasser sans perturber les oiseaux. S'agissant du problème de la confusion entre espèces, on ne peut pas garantir un risque zéro ; même si le risque est faible et d'ailleurs bien plus faible qu'on ne le dit, il ne peut pas être nul. Des interprétations juridictionnelles conduisent donc à transformer le sens de ces deux directives par rapport à leur intention initiale. C'est pourquoi elles doivent être précisées afin de restreindre d'autant le champ d'appréciation laissé aux juges européens, comme l'a lui-même souligné le directeur général chargé de l'environnement au sein de la Commission européenne. Il faudrait en outre préciser que l'Union européenne a vocation à traiter la seule question des oiseaux migrateurs, notamment en instituant des mécanismes de prélèvement et de comptage, l'échelle nationale étant pertinente pour les autres espèces.

S'agissant de l'articulation entre la proposition de loi adoptée par le Sénat et l'avant-projet de loi, le rapporteur a attiré l'attention sur le fait que le Gouvernement a prévu d'engager l'examen du projet de loi vers la fin du mois de mars ; pour autant, même si l'urgence est déclarée, il n'est pas sûr que ce texte sera définitivement adopté avant la fin de la session parlementaire. C'est pourquoi le rapporteur a souhaité que les points traités par la proposition de loi donnent lieu à un vote dans les plus brefs délais. Cela permettrait de sortir de l'état actuel de non-droit, lié notamment à l'annulation d'arrêtés relatifs aux dates d'ouverture de la chasse dans onze départements. En outre, il a souligné que la proposition de loi ne traitait pas la question des dates d'ouverture et que l'avant-projet de loi se contentait, sur ce point, de reprendre les dispositions de la directive du 2 avril 1979.

M. Charles de Courson, rapporteur, a déclaré qu'il n'était pas convaincu par les arguments présentés par M. François Patriat et a rappelé que celui-ci avait exprimé son accord sur l'article 1er de la proposition de loi et donc son désaccord concernant la position gouvernementale sur la chasse de nuit.

Il a constaté que l'article 1er emportait l'accord d'une majorité de députés en insistant sur le fait que la liste des départements concernés par cette disposition ne devait pas être définie par le pouvoir réglementaire. Concernant l'article 2 qui modifie la loi dite « Verdeille », il est prévu que son application soit limitée dans le temps puisqu'il s'agit de mesures d'urgence. Son adoption ne porterait donc pas atteinte à l'application ultérieure des dispositions du projet de loi. Il a donc déclaré qu'il voterait contre la motion de renvoi en commission.

Pour M. Félix Leyzour, la chasse et sa pratique posent des problèmes auxquels il est temps d'apporter des solutions afin de dépassionner le débat. Une des questions importantes aujourd'hui soulevées porte sur les dates de chasse des gibiers d'eau et des oiseaux migrateurs. Or il faut rappeler que c'est la directive « oiseaux » de 1979, approuvée par le gouvernement de M. Raymond Barre et en particulier par son ministre M. Jean François-Poncet, qui est à l'origine des problèmes actuels. Il est regrettable qu'on ait tant tardé côté français à sortir de l'impasse dans laquelle nous nous sommes fourvoyés depuis quelques années. Plusieurs éléments sont à prendre en considération en matière de chasse : le nécessaire respect des grands équilibres écologiques auxquels les chasseurs sont très sensibles, le phénomène d'urbanisation de notre société et la réappropriation par les urbains des espaces naturels, et l'origine démocratique de notre droit de la chasse, acquis populaire de la Révolution de 1789.

La proposition de loi aujourd'hui débattue reprend certes un texte voté à l'unanimité par le Sénat. Mais dans tout débat, au delà du texte il y a le contexte. Or, le contexte actuel est marqué non seulement par la situation conflictuelle précédemment évoquée mais aussi par l'inscription prochaine à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale d'un projet de loi. Ce texte qui couvre un champ plus large que la proposition de loi permettra de débattre de l'ensemble des problèmes de la chasse. La question qu'il faut donc se poser est la suivante : l'adoption conforme de la proposition de loi du Sénat faciliterait-elle ou non le débat global sur la chasse ?

Pour M. Félix Leyzour, le calendrier d'adoption et de promulgation de la proposition de loi risque en outre de compliquer la situation actuelle. C'est pourquoi il a estimé qu'il était préférable de verser la proposition de loi au débat général qui s'instaurera lors de la présentation du projet de loi, débat au cours duquel le groupe communiste sera amené à défendre plusieurs des dispositions prévues par la proposition de loi qu'il a déposée sur cette question. Pour ces raisons, il s'est, au nom de son groupe, déclaré favorable à la motion de renvoi en commission.

M. Jean-Claude Lemoine a indiqué que dans ce débat, l'urgence était l'élément déterminant à prendre en compte puisque certains départements se trouvaient dans une situation de non-droit. Dans ces conditions, il n'est pas souhaitable d'attendre l'examen d'un projet de loi qui sera long et risque en outre de générer des recours devant le Conseil constitutionnel. En conséquence, il a indiqué qu'au nom du groupe R.P.R., il s'opposait à la motion de renvoi en commission.

Après avoir relevé qu'il y avait plusieurs points de convergence dans les exposés du rapporteur et de M. François Patriat, M. Jean Proriol a indiqué que le mérite de la proposition de loi était d'apporter une solution rapide à des problèmes certes ponctuels et que dans ces conditions le groupe démocratie libérale ne voterait pas la motion de renvoi en commission.

M. Hubert Grimault a insisté sur la nécessité d'apaiser la situation. Le meilleur moyen de revenir au calme et à la pondération sur ces questions est d'adopter la proposition de loi très modérée du Sénat. Pour ces raisons il a indiqué que le groupe UDF ne voterait pas la motion de renvoi en commission.

Puis la commission a adopté les motions de renvoi en commission présentées, d'une part, par M. Guy Hascoët et, d'autre part, par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Informations relatives à la Commission

La commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Ont été nommés :

- M. Patrick Rimbert pour le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 2131) ;

- Mme Odile Saugues pour le projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (n° 2124) ;

- M. François Dosé pour la proposition de résolution de M. Dominique Bussereau (n° 2068) tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'organisation et le fonctionnement des grands services publics ;

- M. Christian Bataille pour la proposition de résolution de M. Noël Mamère (n° 2077) visant à la création d'une commission d'enquête relative à l'incident intervenu le 27 décembre 1999 à la centrale nucléaire du Blayais en Gironde.

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