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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 14ème jour de séance, 35ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 21 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 - deuxième partie - (suite) 1

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite) 1

    QUESTIONS 7

    ÉDUCATION NATIONALE, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE 19

    état B 19

    état C 20

    APRÈS L'ART. 79 20

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 - deuxième partie - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite)

M. Jean-Paul Bret - Notre médecine scolaire connaît une situation extrêmement difficile, comme vous le souligniez vous-même, Madame la ministre, en février dernier devant la commission d'enquête parlementaire sur l'état des droits de l'enfant en France. Dès 1998, un important effort budgétaire a été consenti, qui se poursuivra en 1999 avec la création de 30 emplois de médecins, 185 d'infirmières et 185 également d'assistantes sociales. Cela étant, le secteur demeure sinistré. Le souhait, exprimé par les enfants eux-mêmes dans une proposition de loi adoptée par le Parlement des enfants en 1997, de la présence d'une infirmière au moins par école est encore loin d'être satisfait. Mais au-delà des moyens, il convient de revoir le fonctionnement même de la médecine scolaire. En effet, le cloisonnement institutionnel entre les services départementaux de la PMI qui assurent le suivi médical des enfants de 0 à 6 ans et le service de promotion de la santé en faveur des élèves qui s'occupe des enfants plus âgés, est dépassé. Il ne fait que reproduire une partition par tranches d'âge qui méconnaît la dynamique dont relève la santé, l'enfance et l'adolescence étant des périodes primordiales pour l'acquisition progressive d'un capital santé. L'absence de suivi des dossiers entre les deux institutions réduit la portée des bilans effectués par les deux. Ce manque de coordination est d'autant moins acceptable qu'il suffirait que les services en aient la volonté pour y pourvoir. Les faire travailler ensemble est donc une nécessité.

Il conviendrait également de revoir le statut même de la médecine scolaire. Accorder aux médecins scolaires l'autorisation de prescrire serait de nature à revaloriser leur image, souvent dégradée. La création de passerelles entre médecine scolaire et médecine de ville y contribuerait également. La commission d'enquête parlementaire sur l'état des droits de l'enfant, dont j'étais rapporteur, a formulé des propositions en ce sens, je souhaiterais qu'elles soient examinées.

Deuxième sujet, les exclus du système scolaire. Bien que le problème des enfants non scolarisés ait fait l'objet de deux propositions de loi et d'un rapport au Sénat, il reste méconnu. Si en France, l'instruction est obligatoire, l'enseignement est libre et l'école facultative. L'actualité récente a mis en lumière le problème des enfants éduqués dans les sectes, mais sont aussi concernés les enfants instruits dans leur famille et ceux livrés à eux-mêmes, que leurs parents soient clandestins ou totalement exclus du système social. Le phénomène, marginal sur le plan relatif, n'est pas négligeable en valeur absolue.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Paul Bret - Dans l'état actuel de notre droit, seule l'obligation d'instruction est soumise à un contrôle, d'ailleurs très limité puisqu'à chaque rentrée, les maires sont simplement tenus de dresser la liste de tous les enfants résidant dans leur commune et soumis à l'obligation scolaire. Il conviendrait d'évaluer plus complètement la situation des enfants non scolarisés.

Un dispositif législatif serait nécessaire à cet effet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Martine David - Face à la crise lycéenne, le Gouvernement a adopté une attitude constructive, fondée sur l'écoute et le dialogue, et qui a abouti à des décisions à court et à plus long terme.

Le malaise est réel dans les établissements où le problème récurrent du remplacement des professeurs absents n'a toujours pas été résolu. C'est un élément de perturbation pour tous : élèves, équipes pédagogiques, parents d'élèves, chefs d'établissement. Je connais bien le problème qui, dans la circonscription de l'Est lyonnais, déjà marqué par des difficultés économiques et sociales considérables, a des conséquences plus fâcheuses encore. L'école joue en effet un rôle encore plus important en matière d'insertion sociale et d'égalité des chances dans les quartiers défavorisés. Je sais, Monsieur le ministre, que vous partagez cet avis, tout comme je sais que vous ne pouvez être tenu pour responsable de la situation. Il n'en reste pas moins difficile d'expliquer aux parents qu'en dépit du nombre de jeunes en attente d'un poste, on ne puisse trouver de remplaçants. L'exaspération qui en résulte est d'ailleurs l'une des causes principales du mouvement lycéen des dernières semaines. Nous nous félicitons donc de la décision que vous avez prise de déconcentrer le mouvement des enseignants. Il est en effet impératif de rapprocher les centres de décision du terrain. Encore faudra-t-il doter les rectorats des moyens nécessaires et assurer la formation de leurs personnels administratifs pour qu'ils remplissent efficacement leurs nouvelles missions. Il est tout particulièrement regrettable que l'on ne puisse ni évaluer le volant de titulaires académiques prévu pour chaque matière ni savoir comment les effectifs sont ajustés chaque année. La déconcentration devrait toutefois permettre une amélioration sensible.

Cependant, le seul traitement des mouvements annuels ne suffira pas. En effet, le remplacement rapide des enseignants absents exige de la souplesse. Il faudra donc prévoir, dans chaque académie et pour chaque matière, un nombre précis de remplaçants. Ces effectifs devront bien entendu être gérés au plus près des besoins, c'est-à-dire par les académies elles-mêmes.

Les dispositions nouvelles que vous avez annoncées aujourd'hui, Monsieur le ministre, et qui s'ajoutent aux crédits de votre ministère, représentent un effort substantiel. Cet effort devra être poursuivi. Les élèves et leurs parents, mais aussi les enseignants, les chefs d'établissement et les élus locaux attendent des engagements de la part du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Duron - Le budget de l'enseignement scolaire pour 1999 ne réglera bien sûr pas tous les problèmes que connaît l'éducation nationale et qu'a mis en lumière le récent mouvement lycéen. C'est néanmoins un bon budget, en progression significative, dans lequel on a résolument fait le choix de l'emploi.

Je limiterai mon propos à la création des postes d'aides-éducateurs.

En ce qui concerne les emplois-jeunes, vous avez, Monsieur le ministre, anticipé sur le vote de la loi du 16 octobre 1997 ; vous avez ainsi contribué largement au succès du dispositif. Les jeunes ont massivement répondu à l'appel de l'éducation nationale, qui a reçu près de 180 000 candidatures. Dès la fin de l'année 1997, 20 000 aides-éducateurs étaient recrutés ; aujourd'hui, ils sont près de 40 000. Il est prévu dans le projet de budget d'en recruter 20 000 de plus, auxquels s'ajouteront les 10 000 annoncés cet après-midi pour les lycées, ce qui fera au total 70 000.

La consolidation des 40 000 postes actuels est pour l'essentiel autofinancée par votre ministère : vous anticipez ainsi sur la pérennisation des emplois-jeunes.

Les aides-éducateurs travaillent en majorité dans les écoles ; les établissements situés en zone sensible et en zone rurale ont été dotés en priorité. Dans les établissements du second degré, les fonctions exercées sont notamment l'aide à la surveillance et l'aide au travail personnel. Toutes les académies ont mis sur pied un dispositif de suivi et d'évaluation.

Un an après, le bilan est positif.

D'abord, du fait de leur âge, les aides-éducateurs servent de médiateurs entre les enseignants et les élèves. Leur présence a amélioré le climat qui régnait dans certains collèges. Ensuite, ce système donne une grande souplesse au fonctionnement de l'école : des progrès notables sont faits dans le sens de l'individualisation de la pédagogie et du suivi des élèves ; des dédoublements de classe deviennent possibles. Aujourd'hui, les aides-éducateurs sont considérés comme indispensables.

Pour l'avenir, je ferai quelques suggestions.

Beaucoup de candidats à un emploi-jeune se sont dirigés vers l'éducation nationale parce qu'elle a été la première à recruter. Mais les possibilités de suivre des formations débouchant sur des emplois stables sont insuffisantes. Afin de ne pas laisser se développer des frustrations, il serait peut-être souhaitable de mettre en place des passerelles permettant aux aides-éducateurs de passer dans d'autres secteurs, dans des collectivités territoriales ou des associations.

M. René Couanau - Ben voyons...

M. Philippe Duron - Par ailleurs, ces 40 000 et bientôt 70 000 salariés n'ont pas encore d'élus du personnel : c'est un vide à combler.

Enfin, des difficultés apparaissent quant à la règle de non-substitution aux emplois existants, en particulier dans les collèges, où la fonction des aides-éducateurs ne se distingue pas toujours de celle exercée par les surveillants. Une évolution vers des emplois subalternes de surveillants améliorés serait contraire à l'esprit de la loi du 16 octobre 1997, dont l'idée maîtresse est "nouveaux emplois, nouveaux services". Pour l'éviter, il serait bon que les tâches des aides-éducateurs soient définies et évaluées après cette première année.

Reste que les aides-éducateurs constituent une innovation majeure. Pour cette raison parmi beaucoup d'autres, avec mes collègues du groupe socialiste, je voterai ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je voudrais d'abord, bien que ce ne soit pas à l'ordre du jour, mais en tant que ministre chargé de l'espace, me féliciter du succès d'Ariane V (Applaudissements sur tous les bancs). C'est une étape supplémentaire dans l'indépendance spatiale française.

Ce budget est en augmentation de 4,1 %, après avoir progressé de 3,15 % l'an passé, contre 2,3 % les années précédentes. On me dit que cela résulte notamment de l'augmentation des fonctionnaires : certes, mais c'est de l'argent qui va dans la poche des enseignants, et qui doit donc être inscrit au budget ! Je précise d'ailleurs que, dans la plupart des cas, les suppressions de MISA ne se verront pas sur le bulletin de salaire, car elles seront compensées par l'augmentation des points.

L'éducation nationale est une grande priorité, mais ce n'est pas le tonneau des Danaïdes.... La France y consacre près de 500 milliards ; aux dépenses de l'Etat s'ajoutent celles des collectivités territoriales -que M. Guy Hermier a omis dans son calcul...

Nous créons 3 916 emplois budgétaires, 4 000 postes non budgétaires, 25 000 emplois-jeunes ; le Gouvernement précédent, lui, supprimait des emplois... Pourtant, les enseignants ne protestaient pas ! Peut-être est-ce parce qu'ils étaient particulièrement bien traités par le ministre de l'éducation nationale... Aujourd'hui, ils sont bien traités aussi, mais de manière républicaine.

M. Bruno Bourg-Broc - Ils vont être contents de vos déclarations...

M. le Ministre - Mais venons-en à des considérations non plus quantitatives, mais qualitatives.

L'Education nationale n'a pas besoin du ministère de la jeunesse et des sports pour adapter les rythmes scolaires. Nous comptons lancer un vaste mouvement dans 2 000 écoles, et nous avons déjà plus de 10 000 candidatures. Les syndicats d'enseignants sont associés à l'aventure.

La réforme des lycées se met en place, après une consultation des enseignants et des élèves et une discussion dans les deux assemblées sur les principes ; devant l'impatience manifestée par les lycéens, nous avons décidé de hâter le pas. Quant à la réforme des collèges, Mme Royal vous en parlera.

En ce qui concerne les nouvelles technologies, nous sommes passés, Monsieur Bourg-Broc, de 38 millions de crédits en 1997 à 108 millions en 1998 -soit une augmentation de 184 %- et 215 millions en 1999, plus 500 millions de prêts à taux zéro pour les collectivités territoriales. Reste à mettre en place un dispositif de maintenance et de réparation des appareils.

Au sujet des absences, une mise au point me semble nécessaire : oui, mon objectif est le "zéro défaut", mais je n'ai jamais dit que j'y parviendrais tout de suite... Un fait cependant : le taux d'absence a diminué de moitié.

A propos de la déconcentration, je voudrais citer un ancien ministre de l'éducation nationale qui, contredisant son Premier ministre, a déclaré "la déconcentration, je l'avais faite, puisqu'une partie des enseignants était affectée par les recteurs. En réalité, il y avait deux types d'enseignants, les nobles et les roturiers". Les nobles -la majorité-, c'étaient les enseignants titulaires, soumis au mouvement national, et les roturiers, c'étaient les maîtres-auxiliaires, taillables et corvéables à merci, recrutés et licenciés en fonction des besoins ! Lorsque je suis arrivé, j'en ai repris 28 000 et désormais, cette maison est républicaine. Tous les emplois sont remplis par des titulaires et les auxiliaires, s'ils ne sont pas automatiquement titularisés, bénéficient d'une garantie de réemploi et peuvent passer les concours. Il n'y a plus de précarité dans l'éducation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR) Quant aux emplois-jeunes, ils n'ont rien à voir avec l'auxiliariat -ce n'est pour les intéressés qu'une position momentanée.

Pendant des mois, nous avons préparé un décret au Conseil d'Etat, qui est aujourd'hui publié, et la déconcentration est maintenant acquise, de façon irréversible. Je n'ai donc rien improvisé et je vois d'ailleurs mal comment j'aurais pu le faire, connaissant le Conseil d'Etat et malgré tous les appuis que je peux y avoir...

J'avais annoncé que je me préoccuperai d'une question dont jamais personne ne s'était beaucoup soucié, à l'exception de la CFDT : des conditions de travail des enseignants. Désormais, grâce à la réforme, ceux-ci auront moins d'élèves par classe et moins de classes ; en outre, leurs horaires seront modulés : la part des cours magistraux sera réduite, au profit de l'aide aux élèves. En bénéficieront les enfants de familles modestes : actuellement, tous ceux qui décrochent une mention au baccalauréat, soit sont des enfants d'enseignants, soit ont suivi des cours particuliers (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Bruno Bourg-Broc - Caricature !

Mme Marie-Josèphe Zimmermann - Grotesque !

M. le Ministre - Ces cours donnent lieu à une véritable industrie. Ce n'est pas grotesque, c'est de la statistique. Je comprends votre attitude, car vous ne représentez pas les mêmes classes que moi. Pour ma part, je ne veux pas maintenir ces privilèges ! (Mêmes mouvements)

Le fait d'ailleurs qu'il n'y ait eu que 8 % de grévistes chez les enseignants démontre qu'ils ont compris...

Je veux enfin m'attaquer au problème des enseignants débutants, qui ne sont pas accueillis ni aidés, et au problème des moyens de travail dans les lycées, dépourvus pour la plupart de bureaux et d'équipement informatique... Cela, personne avant nous ne l'a fait.

M. Bruno Bourg-Broc - Vous ne pouvez dire cela !

M. le Ministre - Nous en sommes déjà à 18 à 0 : il ne nous sera pas difficile de faire mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire - Je remercie la commission et tous les orateurs, mais plus particulièrement les rapporteurs dont les exposés, fort complets, me permettront de me concentrer sur les sujets qui me tiennent le plus à coeur. Mais je veux aussi vous rendre compte de la façon dont j'ai tenu les engagements pris devant vous l'an passé et vous montrer comment ce budget consolidera l'action déjà menée.

L'éducation nationale a su donner le meilleur d'elle-même dans les zones d'éducation prioritaire, brisant le dogme faussement rassurant de l'uniformité, innovant par le travail en équipes et par les projets collectifs, résistant au scepticisme pour tenir le cap de la réussite scolaire. Elle a affirmé le rôle de l'école là où se concentrent les difficultés de toutes sortes. De la sorte, elle a produit là des idées et des savoir-faire qui ont pu être appliqués ailleurs : je pense au travail en équipes, à la préscolarisation et aux projets d'établissement.

Mais ces méthodes ont exigé des efforts considérables car, dans les ZEP, plus que partout ailleurs, tout est toujours à recommencer, en raison de la paupérisation, du chômage, de la violence. Il nous faut donc plus que jamais rassembler nos énergies pour donner plus à ceux qui ont le moins en faisant preuve à leur égard d'ambition et d'exigence. Ce budget le permettra.

Dans une société menacée de l'intérieur par l'ignorance, l'intolérance, la violence, la pauvreté et la solitude, ce sont les enseignants, et d'abord ceux des ZEP, qui gardent les nouvelles frontières. Sans eux, tout pourrait basculer car tout se joue là. Les ZEP ont permis de résister et de progresser, sauvegardant l'essentiel. Cependant, nous sommes à un tournant : il faut accélérer le mouvement pour empêcher les ruptures. La souffrance scolaire existe pour les élèves, dont 80 000 sortent sans diplôme du système, et les inégalités comme la violence s'enracinent dans l'illettrisme ou dans l'insuffisante maîtrise de la langue. Une société qui a soif de justice ne peut donc accepter que tout soit joué avant l'âge de dix ans. Il nous faut mobiliser toutes nos forces dans cette bataille.

Les ZEP ont quinze ans. L'an dernier, je m'étais engagée à relancer cette politique. Des forums académiques ont effectivement été organisés, rassemblant plus de 10 000 participants, et des assises nationales se sont tenues à Rouen, en présence du Premier ministre. Quant à notre action, qui n'est certes pas très spectaculaire au départ, elle relève d'une logique simple. S'inscrivant dans la durée de la législature, elle consiste d'abord à diffuser les modèles et les initiatives pédagogiques qui ont fait leurs preuves et, ensuite, à élaborer une stratégie nouvelle tenant compte de cette inventivité. Les ZEP et les réseaux qui les soutiennent préfigureront à ce prix les mutations de l'école.

Ce travail utilise deux outils : le contrat de réussite et le réseau d'éducation prioritaire. Il s'agit d'abord de réaffirmer les exigences communes pour assurer l'égal accès de tous au savoir -il ne saurait y avoir de programmes spécifiques aux ZEP. En second lieu, le contrat de réussite doit viser à une meilleure maîtrise de la langue ; il doit former à l'image pour permettre aux enfants de dominer l'information. Nous voulons aussi encourager la scolarisation précoce, atténuer les ruptures éducatives -en particulier entre l'école et le collège-, éduquer l'enfant à la citoyenneté en généralisant les chartes des droits et devoirs, resserrer les liens entre l'école et les parents, ouvrir les établissements sur les quartiers pour coordonner politique scolaire et politique de la ville et, enfin, accompagner les enseignants pour créer les conditions d'un pilotage plus efficace.

J'ai entrepris un tour de France pour expliquer ce que sont les contrats de réussite dans chaque académie, pour voir où on en est, pour mesurer la qualité des réseaux d'éducation prioritaire. J'ai pu constater que le message avait été fort bien compris : les contrats sont souvent de grande qualité et les réseaux permettent de faire émerger des pôles d'excellence, ce que je tiens à encourager grâce à des crédits pédagogiques.

Ce projet tend à soutenir cette action à la fois ambitieuse et précise.

Cependant, grâce aux simulations faites dans les académies, nous avons pu mesurer les besoins. Nous nous sommes aussi aperçus du danger qu'il y avait à retirer brutalement un établissement d'une zone d'éducation prioritaire. Le Gouvernement présentera donc tout à l'heure un amendement pour ajouter aux 3 000 primes actuellement prévues dans ce projet.

Ce complément, qui répond aux préoccupations exprimées par les deux rapporteurs, correspond aux demandes émanant de l'ensemble du territoire. Au total, plus de 130 collèges supplémentaires seront ainsi classés en ZEP. D'autres en sortiront, mais moins nombreux, la sortie étant en outre étalée sur trois ans. Les indemnités attribuées aux personnels de direction exerçant un ZEP seront revalorisées, tant ils remplissent une fonction majeure. Le nombre des bourses de collège, dont l'attribution est confiée aux établissements, augmente de façon significative, et nous créons un troisième taux de bourse, fixé à 800 F. Au total, les crédits de bourse seront passés en deux ans de 800 millions à 1,1 milliard, soit une hausse de 35 %. Les crédits consacrés aux écoles ouvertes augmentent également.

Le plan de santé scolaire est un puissant moyen de réduire les inégalités. Nous créerons l'an prochain 400 emplois de médecins, d'infirmières et d'assistantes sociales, après les 600 emplois ouverts en 1998. En deux ans, l'effort accompli représente deux fois plus que tout ce qui a été fait durant les cinq années précédentes. Il nous faut maintenant redéfinir le rôle des infirmières et des assistantes sociales en milieu scolaire. Ce sera l'objet d'une assemblée générale des infirmières en cours d'année. De leur côté, les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté se mettent en place. Les actions de prévention se développent, un module spécial de 20 heures leur étant consacré dans les collèges. En outre, le fonds social des cantines est reconduit à hauteur de 250 millions.

Lutter contre l'illettrisme est également une priorité pour nous. L'effort de prévention doit commencer dès la maternelle, où il nous faut repérer les cas difficiles, si nous voulons parvenir un jour à ce que tous les enfants entrant en sixième maîtrisent correctement les savoirs de base. L'expérience des écoles ouvertes sera poursuivie et simplifiée, pour le plus grand profit des élèves en difficulté.

Nous nous apprêtons à développer les internats de collèges, qui peuvent constituer une bonne solution pour les situations d'exclusion et de rupture. De nombreuses familles du quart-monde le demandent, et en particulier les jeunes filles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Outre les internats de collèges ruraux, nous créerons des internats de proximité, par exemple sous la forme de foyers ou de logements sociaux réaménagés, en liaison avec le collectivités locales.

J'en viens à la prévention de la violence et à la généralisation de l'éducation civique. Comme le soulignait déjà Jaurès, l'école a pour mission de former des citoyens. Nous avons élaboré un plan gouvernemental anti-violence qui concerne quelque 900 000 élèves. Les résultats sont encourageants, et font apparaître que la présence d'adultes est un moyen efficace de faire reculer la violence. En outre, les 400 emplois médico-sociaux seront affectés en priorité dans les académies sensibles. Pour accroître l'efficacité de la prévention et de la lutte contre la violence, nous renforçons la coopération interministérielle. Ainsi les contrats locaux de sécurité sont multipliés autour des établissements sensibles. S'y ajoutent la généralisation de l'éducation civique, l'extension des classes relais -250 de plus en 1999- l'aide opérationnelle avec en particulier un guide pratique disponible dans les établissements depuis le 15 octobre.

Nous développons les actions spécifiques de lutte contre la maltraitance, en particulier les violences sexuelles, et contre le racket, dans le prolongement de la loi contre le bizutage. Il existe désormais au ministère un numéro de téléphone vert : il reçoit plus de 200 appels quotidiens, qui font tous l'objet d'un suivi.

De nouveaux chantiers seront ouverts l'an prochain : lutte contre la toxicomanie et contre les absences répétées, formation des personnels aux procédures de médiation. Pour les collèges, un nouveau projet est à l'étude, dans le respect de l'action passée. Nous avons dressé un bilan de la réforme Bayrou, des audits ont eu lieu dans certains collèges, nous avons rassemblé les rapports des inspections générales, et cet été une consultation avec les syndicats a fait apparaître une forte demande de redéfinition des objectifs du collège. Le travail est en cours, et porte sur tous les aspects de la vie et du fonctionnement du collège. Ensuite, nous organiserons un débat dans les établissements pour établir un consensus sur certaines priorités. Le Parlement y sera naturellement associé.

L'aménagement du temps de l'enfant est inscrit dans les contrats éducatifs locaux, qui font leur apparition. Il ne s'agit pas de transférer aux collectivités locales la charge de cet aménagement, mais de lancer un appel à projets sur l'ensemble du territoire.

Ensuite, il faut bien caler les interventions de l'Etat sur les écoles qui en ont le plus besoin. Il faut rendre cohérentes les interventions des différents ministères -éducation nationale, culture, jeunesse et sports, ville- pour que les équipes de terrain parlent toutes le même langage et se mettent d'accord sur un contrat d'éducation local.

Enfin, je sais que le renouveau de l'école rurale tient à coeur à beaucoup d'entre vous. Un rapport a été rédigé et plusieurs mesures sont en préparation pour améliorer la préscolarisation, réduire l'isolement, mieux coordonner le collège et l'école.

Certains ont prétendu que rien n'était prévu dans ce budget pour les enseignants. C'est inexact. Dans le premier degré, la constitution du corps de professeurs des écoles est accélérée -elle concernera 24 000 instituteurs au 1er septembre 1999. Plusieurs mesures de revalorisation ont été prises par le second degré, et les ATOS n'ont pas été oubliés. Au total, 520 millions seront disponibles cette année.

Condorcet écrivait dans son premier mémoire sur l'instruction publique que celle-ci était un devoir de justice pour la puissance publique : telle est bien l'ambition qui a guidé ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. le Ministre - Un mot encore sur un point que j'ai oublié tout à l'heure. Il n'a pas échappé aux regards aigus et convergents de M. Hermier et de M. Goasguen que nous n'avons pas indiqué dans ce budget comment nous financerions les mesures annoncées aujourd'hui. Le Gouvernement présentera un amendement en seconde lecture pour tenir compte de ces mesures.

M. Guy Hermier - Et le hors-classe ?

M. le Président - Vous pourrez poser vos questions tout à l'heure.

QUESTIONS

M. René Couanau - C'est une erreur, Monsieur le ministre, de proclamer que la réforme n'est pas une affaire de moyens financiers. Je connais assez assez la pesanteur du système pour savoir que tout mouvement demande un peu d'aisance. Mais je voudrais encore, au risque de susciter encore un mouvement d'humeur, oser quelques questions.

Quels crédits pensez-vous nécessaires pour abaisser à 35 au maximum le nombre d'élèves par classe dans les lycées ? Estimez-vous que cet objectif soit satisfaisant ?

Tous, élèves, professeurs, parents ont souligné que, pour certaines matières, il fallait travailler en petits groupes -en particulier pour les langues vivantes, les nouvelles technologies. De combien d'heures, de combien de postes auriez-vous besoin pour dédoubler assez de classes ?

Par ailleurs, vous avez parlé de déconcentration, et nous n'allons certes pas cracher dans la soupe, nous avons assez réclamé cette évolution. Mais pourriez-vous nous donner des précisions ? Selon quel calendrier s'effectuera le double mouvement national et académique ? Allez-vous déconcentrer les moyens administratifs correspondants ?

Enfin, les emplois-jeunes. Les collectivités locales et les maires en ont créé. Mais que fera l'Education nationale pour pérenniser ces emplois au bout de cinq ans ? Ne risque-ton pas de recréer des maîtres-auxiliaires au rabais ? Il y a là un problème réel.

M. le Ministre - En ce qui concerne les emplois-jeunes, leur intégration pédagogique est très bonne dans le primaire et elle aide à combattre la violence dans les collèges. Je note que le turn over est satisfaisant, puisque 22 % de ces jeunes sont partis au bout d'un an pour occuper d'autres emplois. Ce qui reste à améliorer, c'est la formation, dont la qualité varie beaucoup selon les académies -tout dépend en effet de la manière dont les universités locales s'engagent. Je veillerai particulièrement à ce chantier.

Quant à la pérennisation de ces emplois-jeunes -mais non des employés-, le ministre de l'éducation nationale la souhaite vivement, justement parce que ces emplois sont utiles. Leur vertu principale est d'être occupés par des jeunes, ce qui permet de surmonter certaines barrières psychologiques entre enseignants et élèves.

La déconcentration, à présent. Le calendrier est lumineux, à tel point que l'on se demande pourquoi la réforme que je réalise n'a pas été faite il y a vingt ou trente ans. Aujourd'hui tout passe par Paris. Pour aller de Villeurbanne à Vénisseux, il faut passer par Paris. Aller de Paris en Seine-Saint-Denis, c'est toute une affaire.

Mme Véronique Neiertz - Il est rare qu'on veuille aller en Seine-Saint-Denis !

M. le Ministre - Cela existe.

Mme Véronique Neiertz - Il faut nous les envoyer vite !

M. le Ministre - Justement, cela ne se fait pas si aisément. Mais je reviens au calendrier. Jusqu'ici les enseignants, où qu'ils veuillent aller, faisaient leur demande de mutation avant le 6 janvier, et connaissaient la réponse entre la mi-juillet et le début septembre. C'est ainsi que le 4 septembre dernier, l'académie de Créteil a reçu comme paquet cadeau la nouvelle que 200 enseignants ne prenaient pas leur poste pour telle ou telle raison. Quant aux concours de recrutement, ils se déroulent avant que le mouvement soit terminé -et de plus, si on est reçu, on est affecté pour son stage en responsabilité dans l'académie où l'on a préparé le concours, ce qui signifie par exemple que 80 % des agrégés de philosophie sont affectés à Paris !

Un député socialiste - A la mairie ? (Rires)

M. le Ministre - L'an prochain, les enseignants souhaitant changer d'académie -c'est-à-dire un tiers du total- feront leurs demandes en février, en avril même pour ceux qui voudront bouger dans la même académie. L'ensemble du mouvement sera achevé le 20 juin.

Mais la déconcentration, ce n'est pas uniquement le mouvement : des directions des ressources humaines seront créées dans les rectorats, les inspections d'académie, les groupements d'établissements, voire dans les gros lycées, afin de recevoir les enseignants, de faire avec eux leur plan de carrière. Pour les informer sur les nouvelles règles du mouvement, une ligne téléphonique et un site internet seront ouverts. Le formulaire qui faisait 60 pages sera désormais compréhensible et aussi simple qu'une déclaration d'impôts (Rires). Peut-être cette déclaration n'est-elle pas sympathique, encore qu'il s'agisse d'un acte républicain, mais au moins elle est très simple.

Vous me demandez si les moyens centraux seront déconcentrés. Bien sûr ! Quant au personnel, il se rend déjà dans les rectorats pour mettre en place le nouveau dispositif. Mais il ne suffit pas de déconcentrer la rue de Grenelle vers les rectorats, il faut que les rectorats aillent vers le terrain. Un rectorat comme celui de Lille emploie 1 100 personnes, soit plus sans doute que le ministère de l'environnement. Il faudra que ces personnels aillent plus près des acteurs, du terrain, des décisions.

Je dis que l'on revient ainsi à l'esprit de la création de l'école. Quand Jules Ferry et Ferdinand Buisson ont accompli cette oeuvre, il y avait autant d'instituteurs que de professeurs agrégés aujourd'hui. On leur a dit alors, au nom de l'égalité, "faites un concours national". Ils s'y sont refusé, préférant créer une école normale d'instituteurs par département, mettant ainsi l'école au plus près des gens et assurant son enracinement. S'ils ne l'ont pas fait pour le secondaire, c'est qu'il n'y avait alors que quelques dizaines de lycées -un seul à Bordeaux et à Lyon. Aujourd'hui, il y a 40 000 lycées et 400 000 enseignants.

Donc la déconcentration on y va, et il faut que tout le monde s'y mette, notamment les élus locaux.

M. René Couanau - Et les effectifs ?

M. le Ministre - J'y viens. Je n'esquiverai aucune question.

M. le Président - Il y a quand même une règle : cinq minutes pour la question et la réponse.

Plusieurs députés socialistes - Il ne fallait pas laisser M. Couanau parler aussi longtemps ?

M. le Ministre - M. Couanau a posé quatre questions, n'ai-je pas droit à quatre fois cinq minutes ? (Sourires)

L'école de la République est confrontée à une vraie concurrence, celle de l'école privée, et force est de constater que la première n'est pas sur une vague montante... Ainsi, à Paris cette année, 600 élèves sont passés du public au privé. Mais quand je m'intéresse à la gestion, je suis bien obligé de m'interroger. En effet, le nombre d'élèves par professeur est de 1 pour 11 dans l'école de la République contre 1 pour 13 dans l'école privée. Mais le nombre d'élèves par classe est en moyenne de 24 dans le privé contre 29,5 dans l'école de la République. Un ministre de la République a la responsabilité de se demander pourquoi, aussi désagréable que cela soit (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste). Mon objectif est donc de faire descendre le nombre d'élèves là où il le faut.

Certaines disciplines s'enseignent comme des cours magistraux et certains lycéens qui jugent les effectifs surchargés accepteront sans rechigner un an plus tard, les enquêtes le montrent, d'être 500 dans un amphithéâtre. Pour les TP de physique et de sciences naturelles, pour les exercices de langue -vous avez vu à ce propos que notre politique consiste à injecter des locuteurs natifs pour faire parler les langues aux élèves-, nous nous préoccupons de l'encadrement. Mais il faudra aussi que certains lycées des grandes villes acceptent de ne pas maintenir des options pour 2, 3 ou 4 élèves, ce qui ne vaut nullement critique des options, créées par Lionel Jospin et qui sont une excellente chose, si elles sont gérées rigoureusement.

Un dernier point, pour répondre aussi à MM. Hermier et Goasguen. Avec l'accord des jurys, nous rouvrirons les listes complémentaires des concours de recrutement pour certaines disciplines en déficit. Mais je ne peux dire aujourd'hui combien d'enseignants seront ainsi pris, c'est pourquoi l'amendement du Gouvernement ne sera déposé qu'en deuxième lecture, quand nous aurons pu mettre les enseignants dans toutes les classes qui en ont besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Françoise de Panafieu - J'ai été choquée par vos propos ! Pour moi, il y a un seul service public de l'éducation en France, qui comprend les écoles laïques, d'une part, les écoles privées sous contrat d'association d'autre part. Toutes sont des écoles de la République ("Non !" sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Vous êtes le ministre de toutes ces écoles (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Il faut agir dans l'intérêt des lycéens, dites-vous régulièrement. Mais voici qu'au nom de cette exigence vous allez immédiatement modifier les programmes... L'enseignement des matières scolaires n'est pas une feuille de papier que l'on plie et replie pour la faire entrer de force dans une enveloppe ! La décision a été annoncée aujourd'hui même, en cours d'année scolaire, et elle devrait être appliquée dès la rentrée des vacances de la Toussaint...

M. Bruno Bourg-Broc - Quelle improvisation !

Mme Françoise de Panafieu - Comment les enseignants pourraient-ils adapter leurs cours dans un délai aussi bref ? Voilà qui va, une fois de plus, les destabiliser (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Selon quelle méthode seront décidées les coupes dans les programmes ? Pourquoi la représentation nationale est-elle tenue à l'écart d'une réforme menée sans concertation préalable ? Vous devez vous expliquer à nouveau à ce propos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre - Madame la députée, plusieurs points ont échappé à votre attention. Je ne vous en tiendrai pas grief, car vous n'êtes pas spécialiste du sujet...

Mme Françoise de Panafieu - 500 000 personnes ont tout récemment dit que vous ne l'étiez pas non plus !

M. le Ministre - Le Conseil national des programmes, des spécialistes -de tous bords politiques-, des associations d'enseignants de toutes matières travaillent depuis longtemps à l'allégement des programmes et j'ai annoncé depuis longtemps que celui-ci serait entrepris après les vacances de Toussaint. Il n'y a donc aucune précipitation.

Par ailleurs, il ne s'agit nullement, comme vous le dites, de modifier les horaires d'enseignement, ce qui ne pourrait d'ailleurs être fait que dans le respect des procédures prévues... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Françoise de Panafieu - Expliquez-nous vos projets. Je ne suis pas la seule à n'y rien comprendre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Lequiller - Un ministre se doit d'être correct avec les députés.

M. le Ministre - Et ces derniers de ne pas l'interrompre ! Les ministres savent aussi se défendre. Pour ma part, si vous me cherchez, vous me trouvez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Les programmes, notamment scientifiques, se sont alourdis de manière considérable. Il faut revenir à l'essentiel. Voilà notre projet, préparé de longue date... (Protestations de Mme de Panafieu) Je l'ai annoncé ici même quatre fois lors de séances de questions d'actualité. Le RPR gagnerait, Madame la députée, à avoir un service de presse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Françoise de Panafieu - C'est incroyable. Il n'a pas répondu !

Mme Martine Aurillac - La qualité de notre enseignement repose aussi sur la parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste). Les établissements d'enseignement privé sous contrat participent pleinement à la politique éducative. Or la contribution de l'Etat à leur fonctionnement diminuera de 85,6 millions en 1999.

L'un des principaux dossiers en souffrance reste l'harmonisation du statut des enseignants du privé avec celui de leurs homologues du public. Il relève maintenant de l'urgence absolue. Le gouvernement précédent avait décidé d'un plan de financement échelonné sur plusieurs années. En effet, le problème de l'harmonisation des retraites et du régime de prévoyance reste entier. M. Bourg-Broc vous avait interrogé à ce sujet, sans obtenir de réponse. Il faudrait notamment prévoir les modalités de remboursement par l'Etat des sommes versées par les organismes de gestion ainsi que le mode de financement des retraites et des indemnités de départ. Quelles dispositions compte mettre en oeuvre le Gouvernement pour établir enfin la parité entre enseignants du public et du privé ?

Mme la Ministre déléguée - Ma réponse sera simple. La loi du 31 décembre 1959 prévoit que les dispositions applicables à l'enseignement public sont transposées à l'enseignement privé. Les enseignants ont notamment les mêmes possibilités de promotion dans les deux secteurs. C'est dans le même esprit que le Gouvernement a veillé à ce que les élèves du privé puisent bénéficier des mêmes bourses que ceux du public ou d'un dispositif comme le fonds social des cantines. J'ai de même demandé aux établissements de nous faire savoir s'ils souhaitaient intégrer le dispositif des ZEP. Le Gouvernement a choisi de lutter contre les inégalités entre tous les élèves. C'est conformément à la loi, et avec la plus grande courtoisie, qu'il traitera les établissements privés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) .

M. Bruno Bourg-Broc - La question portait sur les retraites !

M. Nicolas Dupont-Aignan - Les créations d'emplois prévues au budget 1999 ne suffiront pas à combler les retards accumulés en matière de postes de personnels non enseignants. Comptez-vous sur les emplois-jeunes ?

Dans un collège de ma circonscription, après que la moitié des postes de surveillants a été supprimée d'un coup, le rectorat a finalement décidé de les remplacer par des emplois-jeunes. Admirable tour de passe-passe quand ces derniers étaient censés répondre à des besoins nouveaux !

Ma question est simple. Comptez-vous poursuivre dans cette voie, d'autant que M. Allègre a annoncé qu'il allait recréer 3 000 postes de surveillants -sans préciser d'ailleurs s'il s'agirait de postes à plein temps ou seulement à mi-temps ? Comment financerez-vous ces postes ? Comment financerez-vous les 10 000 emplois-jeunes supplémentaires dont il est question ? En amputant de nouveau la rémunération des heures supplémentaires des enseignants ? Le ministre est-il sérieux quand il envisage de faire appel à mille appelés du contingent, dont nous savons tous qu'ils disparaîtront prochainement ? En un mot, le Gouvernement a-t-il vraiment l'intention d'accroître les effectifs des personnels non enseignants dans les établissements ? Des milliers de créations de postes seraient nécessaires. Autrement, il ne peut s'agir que de bricolage (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre déléguée - Le nombre de MI-SE était de 37 287 en 1998. Le projet de budget pour 1999 prévoit la suppression de 3 300 emplois budgétaires et le transfert des crédits correspondants sur le chapitre 31-97. Sur le terrain, il y aura toujours le même nombre de surveillants. Simplement, ils seront payés sur une ligne budgétaire différente.

Par ailleurs, un projet de décret est en préparation qui définira les nouvelles conditions de recrutement et les obligations de service des MI-SE. Il convient en effet d'assurer une meilleure compatibilité entre l'exercice des fonctions de surveillant et la poursuite d'études. Aux termes de ce décret, les MI-SE participeraient à la surveillance, apporteraient un soutien pédagogique aux élèves et animeraient des activités socio-éducatives.

Trois mille MI-SE supplémentaires seront recrutés dans les lycées pour contribuer à l'animation des lieux de vie, existants ou à créer, dans les établissements.

MI-SE et aides-éducateurs n'auronnt pas le même rôle et les seconds ne se substitueront pas aux premiers. La meilleure preuve en est que nous créons cette année à la foi des postes d'aides-éducateurs et de MI-SE (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Birsinger - La santé scolaire a été un secteur trop longtemps délaissé. Certes, 300 postes d'infirmières ont été créés dès 1998, soit davantage qu'entre 1995 et 1997, et des mesures ont été prises en faveur de la restauration scolaire. Mais il faut aller plus loin encore.

Le Haut Comité de la santé publique a dressé, dans un rapport adressé au Parlement en 1997, un tableau préoccupant de la situation. C'est pourtant durant l'enfance et l'adolescence que les futurs adultes constituent leur capital santé. Le mal-être psychologique et les comportements à risque à cet âge-là ne sont pas sans risque pour la santé future. La France est en tête de tous les pays pour la consommation d'anxiolytiques et d'antidépresseurs, y compris chez les enfants. Elle a aussi, hélas, le plus fort taux de suicides chez les mineurs. Une véritable politique sanitaire préventive serait donc indispensable. Un service sanitaire et social de l'éducation nationale devrait être créé, comptant des médecins, des infirmières et des psychologues en nombre suffisant. A cet égard, il faudrait créer beaucoup plus de postes d'infirmières qu'il est prévu en 1999. Elles ont en effet un rôle essentiel dans ce dispositif.

En 1997, le quatrième Parlement des enfants a voté une proposition de loi imposant la présence d'une infirmière dans chaque groupe scolaire. Il faut montrer aux jeunes que nous prenons en considération un tel exercice de citoyenneté : c'est le sens de la campagne de pétitions dont j'ai pris l'initiative, qui reprend très exactement cette proposition du Parlement des enfants. Je demande que soit examinée la proposition de créer 12 287 postes d'infirmières, dans le cadre d'un plan pluriannuel. Notre rapporteur disait tout à l'heure que c'était impossible ; mais le syndicat national des infirmières a fait son calcul en comptant deux infirmières par collège, qui travailleraient en même temps sur les écoles avoisinantes.

M. le Président - Posez votre question. Vous parlez depuis quatre minutes.

M. Bernard Birsinger - Je termine. A la commission d'enquête sur les droits de l'enfant, tous les groupes ont insisté sur la santé à l'école. Or on peut trouver du personnel tout de suite : dans l'académie de Lille, pour 50 postes à pourvoir, il y avait 400 candidates.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement partage vos préoccupations et a fait de la prévention sanitaire l'une de ses priorités. 600 postes médico-sociaux ont été créés l'année dernière, 400 le sont cette année. C'est beaucoup plus que les années précédentes, mais je reconnais que c'est encore insuffisant. L'effort doit être planifié sur plusieurs années.

La santé est une condition fondamentale de la réussite scolaire. Cette année, je vais m'atteler à la redéfinition des missions des infirmières et des assistantes sociales ; il faut notamment réfléchir à l'articulation de ces deux métiers et à la place de ces personnels dans les collèges -en se demandant, en particulier, s'ils doivent ou non dépendre de l'équipe de direction. Une assemblée générale des infirmières sera réunie et les parlementaires qui le souhaitent pourront y venir ; j'espère que nous pourrons prendre des décisions l'année prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Ernest Moutoussamy - Il avait été annoncé que le redéploiement des ZEP permettrait à la Guadeloupe de rattraper son important retard, notre département ne comptant que 8,42 % des élèves en ZEP, contre 23,91 % en Martinique. Certes, il faut se féliciter de la mise en place de réseaux d'éducation prioritaire ; mais quelles sont vos intentions dans ce domaine ?

Mme la Ministre déléguée - La Guadeloupe bénéficie pour la période 1998-2001 d'un plan pluriannuel. Dans ce cadre, il a été demandé au recteur de conduire les consultations préalables nécessaires pour définir un schéma pluriannuel de développement académique. Il n'est pas certain que la meilleure solution soit de modifier la carte des ZEP, mais je suis prête à examiner cette possibilité.

Mme Nicole Bricq - Le plan que vous avez annoncé correspond, je crois, aux attentes des lycéens : vous avez visé juste. Mais il reste le problème du non-renouvellement des CES à la fin de l'année. On comprend que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ait souhaité un recentrage sur les publics en difficulté, mais beaucoup de chefs d'établissement attendent de savoir ce qui va se passer là où -c'est particulièrement vrai dans les lycées professionnels- on a fait appel aux CES pour compenser le manque de personnels administratifs.

M. le Ministre - Je ne botterai pas en touche en vous disant que les CES sont gérés par le ministère de la solidarité... Je demanderai à celui-ci d'éviter de vous retirer brutalement des CES, tant que nous n'avons pas de solution de remplacement.

Nous n'avons pas fait pour les ATOS ce que nous avions fait pour les maîtres-auxiliaires, et l'éducation nationale fonctionne encore avec trop d'emplois précaires. Nous avons donc la volonté d'apurer cette situation. D'une façon plus générale, nous devons mener une réflexion sur l'entretien des lycées, au sujet duquel les lois de décentralisation ne sont pas claires. C'est l'un des sujets que nous aborderons la semaine prochaine avec les présidents de région.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de s'attaquer au problème de l'emploi précaire dans la fonction publique. Le ministère de la fonction publique y travaille.

En ce qui concerne les CES, il faudra repérer ceux qui pourraient être de véritables emplois.

M. Stéphane Alaize - Pardon de revenir sur la question posée par Mme Bricq, mais ne serait-il pas possible de transformer les CES correspondant à une fonction véritable en CEC ? Cela permettrait de prolonger le contrat des intéressés en préparant leur intégration dans des conditions financièrement acceptables.

D'autre part, les problèmes d'entretien ne se posent pas qu'aux régions : les départements aussi rencontrent des difficultés aiguës dans ce domaine, d'autant qu'on construit de plus en plus de cités scolaires mixtes, regroupant un lycée et un collège : ces bâtiments sont souvent très vastes et le manque d'ouvriers de services se fait cruellement sentir. Vous préoccupez-vous du sujet ?

D'autre part, la création de 216 postes d'ATOS permettra-t-elle d'en finir dès cette année avec les disparités constatées par exemple au détriment de l'académie de Grenoble -pour ne pas parler de la nouvelle académie de Guyane ?

Pour terminer, je voudrais décerner un satisfecit à Mme la ministre déléguée pour l'attention qu'elle porte au milieu rural.

M. le Ministre - Pour le dire franchement, le Gouvernement a décidé de maintenir les emplois publics à un certain niveau (Exclamations sur les bancs du groupe communiste). La France consacre en effet 51 % de son PIB aux dépenses publiques et le budget de l'éducation nationale, qui représente le quart du budget de l'Etat, est pour plus de 90 % destiné à la rémunération des personnels. Je serai certes le dernier à me plaindre que la priorité des priorités soit accordée à mon département, mais le manque d'ATOS est tel dans les lycées qu'on ne peut espérer le combler dans le contexte actuel.

Il n'en faudra pas moins créer des postes et c'est pourquoi j'insiste tant sur le dialogue qui doit se nouer entre l'Etat et les collectivités territoriales. Les communes, qu'elles se reposent pour cela sur leur personnel ou qu'elles fassent appel à des sociétés privées, sont responsables de l'entretien des écoles et des cantines, mais les lois de décentralisation n'ont rien prévu de tel, s'agissant des collèges et des lycées, pour les départements et régions. Elles sont en tout cas ambiguës sur ce point et c'est pourquoi il faut que nous en discutions.

Socialiste, je ne puis accepter que mon ministère recoure massivement aux emplois précaires. Cela ne s'est peut-être guère vu, mais une puissante confédération syndicale proche d'un groupe de la majorité l'a, elle, remarqué et m'en a remercié (Exclamations sur plusieurs bancs) : j'ai mis fin à l'injustice qui faisait que les ouvriers du CROUS étaient payés en dessous du SMIC. Nous nous attaquons donc au problème point par point et, si nous réalisons les économies de gestion auxquelles nous aspirons -et sur lesquelles je préfère pudiquement ne pas m'étendre-, je pense que nous serons en mesure de créer un certain nombre de postes, d'ATOS en particulier.

S'agissant des infirmières et des assistantes sociales, la situation française n'est pas unique mais les pays où cela va le mieux sont ceux où ces personnels se partagent entre les écoles et les collectivités territoriales. Raison de plus de nouer le dialogue avec celles-ci, par exemple dans le cadre des contrats locaux d'éducation lancés par Mme Royal (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Fousseret - Je me réjouis que ce budget comporte un crédit de 10 millions pour la revalorisation de l'indemnité de sujétion servie aux directeurs d'école, au profit d'abord de ceux qui exercent dans les ZEP. Cet effort devrait cependant être conforté, car les charges de ces directeurs ne cessent de s'alourdir : ils jouent un rôle décisif dans le fonctionnement des établissements, dans l'organisation du travail en équipes, dans les relations avec les communes et avec les familles, dans l'accueil des emplois-jeunes, dans la mise en oeuvre des contrats éducatifs locaux... Or la fonction souffre aujourd'hui d'une désaffection croissante de la part des enseignants expérimentés. Allez-vous étendre les décharges de service pour y remédier ?

D'autre part, dans l'ensemble du premier degré, les professeurs hors classe ne représentent que 1 % de l'effectif, bien loin des 15 % statutaires, et, pour le deuxième degré, si ce budget prévoit la création de 1 287 emplois hors classe, nous resterons là aussi loin des mêmes 15 %. Je sais que la situation est ancienne, mais ne pourriez-vous organiser un rattrapage sur plusieurs années ?

Mme la Ministre déléguée - Les 55 000 directeurs d'école jouent en effet un rôle crucial et c'est pourquoi nous nous sommes employés à revaloriser la fonction. Dans le relevé de conclusions du 10 juillet, relatif à l'enseignement primaire, figure ainsi une accélération du rythme d'intégration par liste d'aptitudes, ce qui devrait permettre aux instituteurs chargés d'une direction d'accéder plus vite au corps des professeurs d'école. En second lieu, 10 millions seront en effet consacrés à une revalorisation de l'indemnité de sujétion spéciale, au bénéfice prioritaire des directeurs travaillant en ZEP. Les décharges de service prévues pour les écoles de cinq classes seront étendues : elles pourront aller jusqu'à 30 jours par an, mobilisables surtout en début et fin d'année scolaire, périodes particulièrement chargées.

Pour le premier degré, la priorité a donc été donnée à l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs d'école : le flux devrait être double de ce qui avait été prévu en 1989 et le processus devrait être achevé en 2007. Il nous faudra par conséquent examiner à l'avenir la question de la hors-classe en tenant compte du nombre d'enseignants qui remplissent les conditions exigées pour y accéder, non en raisonnant en fonction de pourcentages statutaires.

Pour le second degré, le plan de revalorisation de la fonction enseignante a expressément prévu que la hors-classe des certifiés, des professeurs d'EPS et des conseillers principaux d'éducation devait représenter 15 % de l'effectif des classes normales au 1er septembre 1993. Les plans Jospin et Lang ont fixé le même objectif pour le corps des agrégés. Or, depuis 1994, le pyramidage s'est dégradé, en raison normalement de nombreuses transformations d'emplois liées à la promotion des personnels appartenant à des corps mis en extinction. La proportion de hors-classe varie ainsi de 9,5 % pour les PL-P2 à 12,5 % pour les certifiés. Par la loi de finances pour 1998, nous avons donc entamé un repyramidage, et près de 400 emplois de classe normale ont alors été transformés en hors-classe. Cet effort sera amplifié en 1999 : 1 287 emplois de plus seront transformés. En outre, des négociations sont ouvertes avec les organisations syndicales pour étudier les modalités d'un rattrapage intégral (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je rappelle que chacun ne dispose que de deux minutes et ne peut poser qu'une question !

M. Bernard Perrut - Dans le domaine de la santé et de l'action sociale, vous ne répondez pas vraiment aux besoins et aux attentes. Sachons éviter deux écueils : accuser vos prédécesseurs de n'avoir rien fait, car c'est inexact, tomber dans l'irréalisme en voulant affecter un médecin ou une infirmière à chaque établissement, car il faudrait 40 ans pour y parvenir.

Quels sont vos objectifs précis et votre échéancier ? Selon quels critères affecterez-vous médecins et infirmières ? Etes-vous disposée à signer des conventions avec les professionnels de santé sur le terrain ? Etes-vous favorable au renforcement du rôle des médecins et des infirmières ? Où en est la création de bons de consultation gratuite pour les personnes en situation de détresse, que j'avais demandée au cours de l'examen de la loi relative à l'exclusion ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes - Cela fait cinq questions !

M. Bernard Perrut - Comptez-vous augmenter les postes d'aides-éducateurs destinés à aider les enfants handicapés dans leur vie scolaire ?

Mme la Ministre déléguée - J'ai déjà répondu pour l'essentiel à votre première question. Le personnel médico-social sera affecté en fonction des besoins prioritaires des élèves, donc principalement en ZEP, mais pas seulement. Des expérimentations sont en cours pour coordonner la médecine de ville et la médecine scolaire, en nous inspirant de la pratique en cours dans les centres de PMI.

Pour aider les enfants handicapés à s'intégrer dans l'école, nous mobilisons un bon nombre des 10 000 nouveaux aides-éducateurs. Aujourd'hui, quand une école accueille un enfant handicapé, elle considère cela comme un exploit. Je souhaite doubler le nombre d'enfants handicapés intégrés dans les écoles qui, avec un taux d'accueil inférieur à 4 %, font moins d'efforts que les entreprises. Je voudrais que demain chaque école qui n'accueille pas un enfant différent s'interroge, et que l'exception devienne ainsi la règle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Lequiller - Je vous pose, Monsieur le ministre, une question de méthode. Vous avez déclaré vouloir "dégraisser le mammouth" et faire disparaître les situations archaïques. De telles déclarations pouvaient présager de grandes réformes. Au lieu de cela, vous créez plusieurs milliers d'emplois-jeunes, qui sont mal préparés à leurs tâches ; curieuse façon de dégraisser ! Vous venez de signer le décret tendant à déconcentrer le mouvement des enseignants du second degré, ce qui est appréciable mais assez limité. Voilà tout pour la révolution annoncée. M. Blair, M. Aznar, d'autres encore, ont engagé, eux, de profondes réformes en faveur de la déconcentration, de l'autonomie, de la responsabilité et de l'évaluation des établissements. Voilà des pistes qui mériteraient d'être explorées chez nous.

M. le Président - Posez votre question !

M. Pierre Lequiller - Quel est votre projet d'ensemble ? Nous ne le distinguons pas bien. Etes-vous disposé à organiser ici un débat sur la réforme d'ensemble du système scolaire ? En France, on ne parle guère d'éducation, sauf dans les périodes de crise.

M. le Ministre - Pour discuter en toute clarté, il faut se mettre d'accord sur le vocabulaire. Vous avez utilisé un qualificatif analogique relatif à un animal préhistorique que j'aime bien, mais auquel j'identifiais non pas l'Education nationale, mais son administration centrale.

Il existait dans cette administration 19 directions, je les ai réduites à 11. Aucune femme n'occupait un poste de directeur, elles sont cinq aujourd'hui, et je les aperçois là-haut (Applaudissements). Cette administration centrale opère sa propre déconcentration en allant plus près des gens, en s'occupant de questions plus concrètes, et de façon de moins en moins bureaucratique.

Cette administration centrale a permis au ministère de l'éducation nationale d'être le plus rapide à créer des emplois-jeunes, dont vous affirmez qu'ils ne répondent pas aux attentes. Pourtant, des journaux qui ne nous sont généralement pas favorables, des organisations d'abord hostiles, bref tout le monde reconnaît que les emplois-jeunes ont changé l'état d'esprit dans les écoles. Leur efficacité n'est pas douteuse. Les Anglais, que vous citiez, viennent chercher chez nous comment progresser, car chez eux les réformes, en dépit des déclarations, sont au point zéro (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Schneider - Monsieur le ministre, vous avez souvent parlé ce soir de dignité. Or les propos que vous avez tenus à la tribune à notre égard m'ont profondément choqué. En matière d'origines sociales humbles, je suis en mesure de relever n'importe quel défi. De plus, il n'y a pas que de bons enseignants à gauche, et de mauvais à droite.

La colère des lycéens et des enseignants montre à quel point les personnels de direction des établissements ont une tâche difficile. De fait, des centaines de postes ne sont pas occupés. Pourtant les équipes de direction ont un rôle fondamental à jouer dans le changement que vous voulez construire. Leurs responsabilités écrasantes ne sont pas compensées comme il conviendrait. Quelles mesures d'urgence envisagez-vous en faveur de ces personnels ? Votre projet de budget est bien silencieux sur ce point.

M. le Ministre - Je vous présente mes excuses si je vous ai blessé. Mettre en cause l'origine sociale de quelqu'un, ce n'est pas bien. Chacun a droit au respect.

De leur propre aveu, les personnels de direction jugent que l'essentiel de leurs problèmes n'est pas de nature budgétaire. Ils ont été revalorisés cinq fois en quelques années et m'ont dit eux-mêmes que le problème n'était pas budgétaire. Le fait est que, lorsqu'un établissement marche bien, c'est d'abord grâce aux personnels de direction -et quand il ne marche pas, c'est parfois dû à ces personnels. Mais il faut bien reconnaître que leur situation est difficile. Il y a d'abord un problème de responsabilité civile, qui fera peut-être l'objet d'un projet de loi, pour que, si un panneau de basket tombe sur la tête d'un élève, le proviseur ne soit pas forcément condamné -ce qui conduit ce dernier à se prémunir en interdisant de jouer au basket lorsque le terrain n'est pas impeccable.

Et puis, est-il normal que le proviseur n'ait pas le droit de choisir au moins quelques collaborateurs, comme n'importe quel homme politique ? Les chefs d'établissement n'ont pratiquement personne pour les aider, alors que la paperasserie ne cesse de s'alourdir et que l'informatique complique encore parfois les choses, avec l'arrivée régulière de nombreux logiciels.

Soumis systématiquement à la critique, ils se voient refuser en droit tout leadership pédagogique, dans cette organisation où les strates s'empilent, mais où l'on refuse toute hiérarchie. Il faudrait que le chef d'établissement soit mieux organisé, mieux considéré, et dispose des moyens d'exercer sa tâche. Pour qu'il soit moins isolé par rapport à une inspection académique lointaine, on pourrait créer des inspections de zones.

Mme Royal et moi-même sommes très conscients de ce problème, nous avons rencontré les associations de chefs d'établissement -qui sont particulièrement représentatives puisqu'ils sont syndiqués à 82 %- et des textes seront élaborés. Cela n'est en rien contradictoire avec l'émergence d'une démocratie lycéenne qui ne signifie ni la chienlit ni la démagogie, mais la reconnaissance du fait que les jeunes d'aujourd'hui ne sont plus exactement ceux de 1950 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Robert Poujade - Le 9 septembre dernier, les professeurs de classes préparatoires ont fait grève, ce qui est à peu près sans précédent -et leurs élèves ont compris et soutenu ce mouvement. Au-delà d'un mécontentement légitime suscité par le décret du 30 juillet dernier sur les heures supplémentaires, ce mouvement exprimait un profond malaise, dû au sentiment qu'une offensive démagogique était engagée contre les classes préparatoires, alors qu'une réforme en profondeur a permis de les adapter aux exigences nouvelles.

Les classes préparatoires n'ont cessé d'être un creuset pour la promotion par le mérite, grâce à des maîtres qui, pour citer Péguy, "ne font pas des cours, mais des classes" -et quelles classes ! Entendez-vous mettre un terme à ces attaques insidieuses contre des classes qui ont tant apporté à la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre - Vous ne trouverez jamais dans ma bouche des propos agressifs à l'endroit des professeurs de classes préparatoires...

M. Robert Poujade - Je n'ai pas dit cela.

M. le Ministre - Je connais personnellement de près la vie de ces professeurs. Mais comme l'a écrit Alain Etchegoyen, l'éducation nationale est dévorée par la maladie du mensonge, de faux bruits s'y propagent, y compris sur internet -et je ne peux entretenir toute une escouade de nettoyeurs d'internet (Rires).

M. Robert Poujade - Je n'ai pas regardé internet !

M. le Ministre - Les professeurs de classes préparatoires travaillent beaucoup, et leurs programmes ont beaucoup évolué naguère sous l'impulsion d'un certain Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale. Il y a quelque mois, ils ont été atteints par une mesure générale de solidarité qui a permis, en révisant le calcul de l'HSA pour tenir compte de la réalité des heures faites, de financer 40 000 emplois-jeunes. Cette mesure a été comprise de la grande majorité des enseignants, qui n'ont pas suivi la grève -et je suis fier que l'éducation nationale ait donné l'exemple. Les professeurs de prépas, qui sont de loin les mieux payés de l'éducation nationale, beaucoup plus que les professeurs d'université, n'ont pas cru, pour certains, devoir s'associer à ce geste de solidarité. J'en ai pris acte, mais cela n'a pas changé ma détermination. Ces enseignements font un travail bien difficile -et souvent, ils meurent jeunes-, mais les attaques contre les classes préparatoires sont un fantasme. La seule question qui se pose est celle-ci : faut-il maintenir des classes où il n'y a que quinze élèves et qui envoient un élève à Polytechnique tous les cinquante ans ?

Mme Marie-Jo Zimmermann - Je vous prie de m'excuser, Monsieur le ministre, si le mot "grotesque" vous a blessé. Jusqu'en janvier dernier, j'étais enseignante de terminale dans l'académie de Nancy-Metz et je vous assure qu'il n'y a pas que des élèves de milieux privilégiés à obtenir les mentions Bien et Très bien. L'ambition de tous les enseignants est de faire réussir tous leurs élèves, de quelque milieu qu'ils soient issus.

Mais j'en arrive à ma question. La langue française est menacée par l'hégémonie mondiale de l'anglais. Afin de réagir, les pouvoirs publics devraient essayer de diversifier le choix de la première langue apprise par les élèves. En quelques décennies, la part de l'anglais comme première langue est devenue en effet écrasante.

Il faudrait des mesures incitatives en faveur des autres langues. Si on traite toutes les langues sur un pied d'égalité, la dynamique de l'anglais étouffe les autres langues. Des actions volontaristes seraient nécessaires, telles que le relèvement des subventions pour les échanges linguistiques non anglophones, des effectifs allégés ou des bonifications de points au baccalauréat. Une telle politique recueille-elle votre assentiment et, si oui, que comptez-vous faire ?

La moindre des choses serait en tout cas de supprimer tout ce qui avantage anormalement le choix de la langue anglaise. Certains BTS techniques comportent obligatoirement une épreuve d'anglais. Est-ce normal ?

Enfin, alors que l'Alsace-Lorraine affecte des moyens importants à la promotion du bilinguisme franco-allemand, comment ne pas s'étonner que le rectorat ait affecté aux écoles primaires 25 assistants exclusivement spécialisés en anglais ? Qu'envisagez-vous de faire pour mettre fin à cette discrimination à l'encontre des autres langues et pour que l'anglais soit moins favorisé ?

M. le Ministre - Je suis attaché à la défense de la langue française. Je suis d'ailleurs intervenu ce matin en conseil des ministres, dans un débat sur un problème de naturalisation pour souligner que le ministre de l'éducation nationale ne saurait admettre que l'on naturalise des gens qui ne parlent pas français.

M. Pierre Lequiller - Très bien !

M. le Ministre - Le Premier ministre avait dit jadis que dans quelques années les enfants parleraient tous anglais, ou plus exactement un sabir dérivé de l'anglais. Pour ma part, j'ai dit que l'anglais n'était plus une langue étrangère, ce qui m'a valu bien des protestations, dont une seule était justifiée, celle des professeurs d'anglais qui se sont émus que le ministre se satisfasse de l'introduction d'un pseudo-anglais comme moyen de communication. Aujourd'hui, la guerre contre l'anglais n'a pas plus de sens que celle contre le latin au Moyen Âge, car si Newton avait écrit en anglais et non en latin, il n'aurait pas été compris de Leibniz.

Je suis néanmoins aussi attaché à la défense des autres langues, y compris du français en Grande-Bretagne. Nous allons renforcer l'enseignement en France de l'allemand, du russe, de l'italien, de l'arabe et du chinois. La seule langue qui résiste à l'anglais est à l'heure actuelle l'espagnol, ce qui pose des problèmes de recrutement dans cette discipline.

Je veux donc rééquilibrer les choses, mais en faisant aussi porter l'effort sur la façon d'enseigner. Ce dont nous manquons par rapport à des pays plus polyglottes comme les Pays-Bas, c'est de locuteurs natifs qui viennent aider les professeurs de langue en faisant de la conversation. C'est pourquoi, dans les mesures d'urgence en faveur des lycées, j'ai décidé de créer 1 000 postes de locuteurs (Mme Zimmermann fait un geste exprimant son scepticisme).

Si l'anglais était appris davantage dans le primaire, cela laisserait plus de place dans le secondaire pour les autres langues (Mme Zimmermann acquiesce).

La crise lycéenne m'a conduit à examiner l'état des bourses Erasmus ainsi que le nombre de futurs professeurs de français venant se former ici et il m'est apparu qu'ils accepteraient sans doute un complément de bourse pour aider nos professeurs de langue. C'est là dessus que nous travaillons actuellement.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Le nombre des questions relatives à la santé scolaire montre à quel point ce secteur crucial pour notre système éducatif a été laissé à l'abandon depuis des années. La faiblesse des effectifs de médecins, d'infirmières, d'assistantes sociales vous a conduit à ouvrir un nombre de postes important et à mobiliser les comités d'éducation à la santé.

Toutefois, le choix semble être fait de faire appel à la médecine de ville, alors que la médecine scolaire accomplit, en raison de son rôle de prévention, un important travail spécifique de santé publique. Ne pourrait-on lui donner toute la place qu'elle mérite.

Dans le Doubs, en dehors des problèmes d'effectifs, des centres médico-sociaux manquent de moyens de fonctionnement, à tel point qu'ils ne peuvent affranchir leur courrier. Ne pourrait-on, dans le cadre des contrats locaux d'éducation, inciter les communes à faire davantage en leur faveur ?

Mme la Ministre déléguée - Dans le cadre d'une démarche globale, je soutiens les actions relatives à l'éducation à la santé, pour laquelle un module de 20 heures est prévu dans les collèges, et les actions de prévention des conduites à risques.

En ce qui concerne l'accès aux soins, nous recherchons une articulation entre la PMI et l'école maternelle, car c'est très tôt que l'on prend de bonnes habitudes. Nous encourageons aussi des liens expérimentaux entre médecine scolaire et médecine de ville même si, comme vous l'avez souligné à juste titre, la première doit être préservée. Mais comment ne pas voir que, d'un côté, il y a trop de prescripteurs, qui ne gagnent pas toujours bien leur vie et qui ne demandent qu'à se mettre au service de l'école et, de l'autre, des médecins qui n'ont pas le droit de soigner afin de ne pas faire de concurrence au secteur libéral ? Il faut avoir le courage de remettre à plat le dispositif.

J'ai donc demandé à une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de l'inspection générale des affaires sociales d'étudier les problèmes statutaires, autour de l'idée essentielle de protection de la santé des enfants. Je vous ferai bien sûr part de leurs conclusions.

M. Eric Besson - Le Gouvernement a-t-il l'intention de renforcer l'accueil des enfants de deux ans, outil essentiel de socialisation et d'intégration, surtout dans les zones sensibles, qui ne se limitent pas aux ZEP ?

Par ailleurs, ne pourrait-on, par la concertation, parvenir à une règle communément acceptée sur la fréquentation maximale ? Actuellement, les effectifs maxima sont fixés à 30 élèves par les inspecteurs d'académie qui établissent la carte scolaire alors que les syndicats appellent les enseignants à s'en tenir à 25.

Enfin, j'appelle votre attention sur les difficultés des classes uniques en zone rurale, où les enseignants doivent gérer des effectifs importants d'élèves d'un niveau très hétérogène.

Mme la Ministre déléguée - La scolarisation des enfants de moins de 3 ans est une préoccupation importante, qui correspond à une demande sociale des familles. Aujourd'hui, 35 % des plus de 2 ans sont scolarisés et 99 % des plus de 3 ans, bien avant l'âge légal de la scolarité obligatoire. C'est une spécificité française dont il y a tout lieu d'être fier.

Il y a toutefois de grandes disparités puisque la scolarisation des moins de 3 ans varie de 15 % dans certains départements à 70 % dans d'autres. Je veille donc, dans l'établissement de la carte scolaire, à rétablir une certaine égalité, tout en accordant une priorité à la préscolarisation dans les ZEP où elle est très utile pour lutter contre les inégalités socioculturelles.

En ce qui concerne les effectifs, 25 élèves par classe est un objectif, d'ailleurs souvent atteint en maternelle, surtout si on tient compte de la scolarisation partielle des enfants.

Nous entendons aussi améliorer la qualité d'accueil, en insistant sur le fait que la maternelle n'est pas une garderie. Vouloir scolariser des moins de deux ans ou accepter en cours d'année des enfants qui n'avaient pas deux ans à la date de la rentrée, n'est pas bon. Il faut avoir le courage de le dire car cela peut avoir des effets négatifs sur le processus d'acquisition du langage chez les autres enfants déjà scolarisés. Etendre la scolarisation est un vrai projet de société, autour de la notion d'acquis scolaires.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Madame la ministre, vous avez annoncé diverses mesures en faveur des ZEP lors du colloque de Rouen en juin dernier : scolarisation des enfants à partir de deux ans, accompagnement spécifique des enseignants, suivi pédagogique des élèves, établissement de relations avec les familles. Beaucoup reste néanmoins à faire.

Il faut notamment veiller à ce que le niveau exigé dans les établissements classés en ZEP ne soit pas abaissé. Ces derniers ne doivent pas devenir des ghettos mais bien des lieux d'apprentissage innovants, organisés en réseau avec des établissements traditionnels. Cela exige la présence d'un personnel stable, formé et, pourquoi pas, volontaire, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

L'éducation nationale doit aussi s'efforcer de tisser des liens avec les familles dans ces zones et en prendre l'initiative : il est en effet difficile à des parents au chômage, vivant dans la précarité, de nouer spontanément des relations avec l'école où ils ont souvent eux-mêmes connu l'échec scolaire.

Il ne s'agit pas de donner toujours plus, mais de faire en sorte que l'argent soit mieux utilisé. Quels moyens humains, matériels et financiers nouveaux comptez-vous consacrer aux ZEP et aux futures REP ? Il conviendrait, à cet égard, de ne pas oublier les ZEP rurales. Y affecterez-vous des moyens plus ciblés, à la hauteur des besoins ?

Mme la Ministre déléguée - La relance de l'éducation prioritaire a commencé. J'en veux pour preuve les nombreux contrats de réussite qui me sont d'ores et déjà adressés de toutes les académies. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai demandé de porter de 3 000 à 13 000 le nombre d'indemnités de sujétion spéciale dans le budget 1999 -ce sera l'objet d'un amendement du Gouvernement. D'autres mesures compléteront ce dispositif : revalorisation des indemnités de sujétion spéciale en faveur des directeurs d'école en ZEP, classement des collèges de ZEP dans une catégorie supérieure à laquelle ils peuvent prétendre -cela permettra d'y attirer des chefs d'établissement chevronnés dont la carrière pourra continuer de progresser même si le collège compte moins d'élèves-, adaptation du barème afin d'améliorer la carrière des personnels et faciliter leur mutation. Enfin, pour la première fois à la dernière rentrée, les nominations de chefs d'établissement en ZEP et en zone sensible se sont faites sur profil, après entretien personnalisé avec les recteurs.

Les emplois-jeunes seront aussi en priorité, sans exclusive, toutefois, affectés aux ZEP. Il en ira de même pour les emplois médicaux et sociaux. Le mouvement amorcé en 1998 sera poursuivi.

Le dispositif des ZEP n'exclut pas a priori le secteur rural même si la réalité du travail quotidien y est fort différente. J'annoncerai prochainement dans le cadre du plan de relance de l'école rurale une série de mesures spécifiques à ce secteur, destinées notamment à remédier à l'isolement dont y souffrent les enseignants.

La mise en place des réseaux d'éducation prioritaire permettra, quant à elle, de mettre en commun des ressources pédagogiques, d'échanges des savoir-faire entre établissements confrontés aux mêmes difficultés, qu'ils soient ou non classés en ZEP. Certaines grandes écoles acceptent ainsi de parrainer des collèges de ZEP, contribuant à la constitution de pôles d'excellence auxquels ces établissements n'auraient jamais pensé pouvoir accéder.

J'espère que l'ensemble des parlementaires saura relayer notre action sur le terrain ("Vous pouvez compter sur nous !" sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Jacqueline Lazard - De ce budget, je retiens surtout la volonté du Gouvernement de lutter contre l'exclusion scolaire. Les crédits de l'action sociale, en augmentation de 30 %, permettront d'accorder davantage de bourses au bénéfice des familles modestes. Les fonds sociaux des collèges et lycées, le fonds social des cantines, quant à eux, viennent en aide très rapidement aux difficultés ponctuelles rencontrées par certaines familles.

Deux observations cependant. D'une part, la multiplication des guichets rend peu lisible l'ensemble des aides potentielles ; une plus grande homogénéité serait donc nécessaire. D'autre part, tous les collèges devraient offrir la possibilité d'un versement mensuel des bourses.

Mme la Ministre déléguée - Je ne reviens pas sur les dispositifs mis en place pour lutter contre l'exclusion scolaire. Vous en avez cité quelques-uns. L'ensemble des aides existantes, lorsqu'elles sont bien gérées, fait l'objet d'un dossier unique. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Nous étudions, en concertation avec les syndicats, les moyens à la fois d'épargner aux familles les tracasseries administratives et d'alléger les tâches des personnels d'administration et d'intendance. Les assistantes sociales ne doivent pas non plus passer tout leur temps à remplir des dossiers !

M. Julien Dray - Ma première question concerne le racket scolaire qui sort enfin du silence. Un numéro vert a été mis en place, dont les premiers résultats sont, semble-t-il, tout à fait positifs. Avez-vous l'intention d'étendre et de pérenniser ce dispositif ? Envisagez-vous des partenariats avec les départements et les régions ?

Ma seconde question a trait à l'organisation de la restauration dans les établissements. Les emplois du temps, notamment dans les collèges, laissent de moins en moins de temps pour les repas. On m'a rapporté que des élèves de sixième devaient parfois manger en moins de sept minutes ! Or le repas est un temps essentiel de la journée scolaire qui devrait aussi être le moment privilégié pour une éducation à l'alimentation.

Mme la Ministre déléguée - La distribution de quatre milliers de dépliants sur la violence à l'école a porté ses fruits. Le standard de SOS violence, mis en place à l'origine pour le bizutage, a vu le nombre de ses appels exploser, passant de 30 à plus de 200 par jour. Or lever la loi du silence est déjà commencer de traiter la violence. Le dispositif était initialement prévu pour trois mois, mais votre idée d'un partenariat avec les régions me paraît tout à fait judicieuse et je reste à votre disposition.

Pour ce qui est des cantines, je partage votre souci : ce temps essentiel de la journée scolaire doit en effet être respecté. Je redonnerai des instructions très fermes en ce sens en recommandant notamment aux établissements de prévoir des créneaux horaires différents selon les classes.

Mme Danielle Bousquet - Ma question concerne les jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Au bout de trois ans, près de 50 % d'entre eux sont au chômage. Il est donc indispensable qu'ils réintègrent le système de formation. A cet égard, les missions locales et les MIJEN effectuent un important travail. Or les MIJEN sont rebaptisées "Missions nouvelle chance" ; ce changement de nom recouvre-t-il un changement d'orientation ? Ces organismes auront-ils en 1999 les moyens de poursuivre l'action qui a été menée jusqu'à présent ?

M. le Ministre - 50 000 à 60 000 élèves sortent chaque année du système scolaire sans qualification. Nous avons donc confié à Mme Moisan, inspecteur général, une mission d'étude sur "les nouvelles chances". Il faut faire en sorte de repérer ces jeunes suffisamment tôt, afin d'apporter des solutions en amont. On constate que les situations sont très variées et que certains enfants ont de grandes qualités intellectuelles ; nous ne voulons donc pas d'un aiguillage systématique vers un cursus professionnel. Pour le moment, notre analyse n'est pas suffisamment avancée pour passer à l'action. cependant, nous avons décidé de bénéficier de la mécanique européenne "Ecoles de la nouvelle chance".

Soyez sûre que nous sommes mobilisés sur ce sujet ; quand Mme Moisan aura avancé dans ses travaux, je souhaite qu'elle puisse venir dialoguer avec vous en commission. En tout cas, je constate que ceux qu'on appelle les "enfants perdus" deviennent parfois des vedettes de télévision ou de cinéma, des chefs d'entreprise... C'est la confirmation qu'il ne doit pas y avoir d'orientation définitive. Je crois profondément que l'acquis est supérieur à l'inné ; c'est la base de mon engagement de socialiste. C'est pourquoi nous avons là un défi à relever (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Trupin - Monsieur le ministre, le 13 novembre 1997, j'avais appelé votre attention sur la formation des adultes, mission fondamentale du système éducatif reconnue par la loi d'orientation du 10 juillet 1989. Vous avez vous-même montré votre détermination pour que votre ministère ne soit plus seulement celui de l'enfance et de l'adolescence.

A l'heure où la Communauté européenne s'oriente résolument vers l'éducation des citoyens tout au long de la vie, je m'interroge sur la place de l'éducation nationale dans ce projet : faudrait-il abandonner au secteur privé et associatif la formation permanente des adultes ? Vous qui, depuis votre arrivée, avez manifesté votre volonté de rénover le système éducatif, pouvez-vous me rassurer ?

M. le Ministre - La formation continue est au coeur de notre projet universitaire. J'ai été à l'origine d'un texte législatif qui a été soumis au Parlement par Jack Lang, concernant la validation diplômante des acquis professionnels, et qui se heurte d'ailleurs à des résistances puissantes. Cette année, nous avons organisé un concours entre les universités ; treize ont été sélectionnées et sont restées ouvertes tout l'été, ce qui a permis notamment de former des informaticiens.

Le recteur de Gaudemar m'a remis le premier rapport de la table ronde sur la formation continue. En m'en inspirant, je voudrais distinguer trois concepts. L'éducation continue : elle consiste par exemple, pour un professeur, à se tenir au courant des découvertes scientifiques. La formation continue qualifiante : elle permet d'acquérir une nouvelle qualification, mais dans le cadre dans lequel on se trouve déjà. La formation continue validante : elle est validée par un diplôme. Les négociations sur ce sujet avec le patronat sont difficiles ; avec la fonction publique aussi... En effet, celui qui obtient une qualification demande un changement dans la grille...

Nous mettons ce sujet au rang de nos priorités ; mais les choses ne sont pas simples. Ce sera un combat difficile si l'on en juge par les oppositions qu'a suscitées l'agrégation "interne" organisée en droit et en économie -il faut pourtant savoir que, dans cette dernière discipline, le nombre de candidats a été deux fois et demie supérieur au nombre des candidats à l'agrégation externe ! Reste que, les résistances étant ce qu'elles sont, nous étudions actuellement le modèle danois. Dans ce pays, le premier d'Europe pour la formation continue, on a, pour surmonter la même difficulté, distingué deux "trames" de diplômes, l'une pour la formation initiale, l'autre pour la formation continue, en remettant le soin aux partenaires sociaux de reconnaître des équivalences. Ce dispositif est peut-être transposable à la France...

Les GRETA ont été un outil efficace, mais qui n'est plus guère utilisé depuis que la formation professionnelle a été transférée aux régions. D'autre part, ces groupements obéissent à des règles de fonctionnement étrange, qui relèvent d'une sorte de libéralisme d'Etat : ils vendaient leurs prestations, y compris aux enseignants, géraient du personnel et bénéficiaient de ristournes sous forme de primes. Maintenant qu'ils se trouvent en difficulté, ils se retournent vers l'Etat, qui devrait assurer le financement et reprendre le personnel ! Je ne dis pas non, mais pas à n'importe quelles conditions. Il faudra en particulier que l'Etat soit associé aux bénéfices !

Voilà le panorama. Cependant, comme le sujet mérite d'être développé, je suis tout prêt à en débattre en commission. La formation continue pose en effet un problème fondamental : celui de la prééminence de l'inné ou de l'acquis. Pour moi, socialiste, il est clair que le second l'emporte sur le premier.

M. Robert Poujade - Mais pour nous aussi !

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

ÉDUCATION NATIONALE, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne "Education nationale, recherche et technologie" : "I. - Enseignement scolaire".

M. Guy Hermier - Le groupe communiste s'abstiendra.

état B

Les crédits des titres III et IV, successivement mis aux voix, sont adoptés.

état C

Les crédits des titres V et VI, successivement mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 79

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 79.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances - L'amendement 35 vise à intégrer au service public de l'éducation nationale l'École nationale des métiers du bâtiment, établissement historique installé à Felletin, dans la Creuse -et, plus précisément, d'intégrer les personnels, sur les emplois budgétaires créés à cet effet.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable.

M. Michel Vergnier - L'affaire mérite tout de même quelques mots car elle est exemplaire, s'agissant de la collaboration qui peut se nouer entre Etat et régions.

Cet amendement permettra d'intégrer à la fonction publique 25 contractuels du lycée des métiers du bâtiment. La mesure, impatiemment attendue, est amplement méritée. Depuis que cette ancienne école privée a été transformée en établissement public local d'enseignement grâce à un effort conjoint de l'Etat et de la région, le 1er juin 1997, les personnels administratif, technique et ouvrier, licenciés, ont été repris à titre précaire. Ils ont pu s'adapter à la situation et, avec la direction et les enseignants, ils ont contribué au succès de ce lycée, qui est le leur. Ils ont mis à son service toute leur énergie et toute leur conscience professionnelle. Ils sont cependant légitimement désireux de bénéficier d'un statut moins précaire. Les postes étant prévus dans le budget, il apparaît normal de leur donner satisfaction, mais ils vous en remercient par avance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie concernant l'enseignement scolaire.

Prochaine séance : ce jeudi 22 octobre, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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