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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 29ème jour de séance, 76ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 10 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à neuf heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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EMPLOI ET SOLIDARITÉ

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail et l'emploi - Le taux de chômage est passé en France, au sens du BIT, de 12 % en septembre 1997 à 11,7 % en septembre 1998. Cela s'explique, bien sûr, par le retour de la croissance mais aussi par la réforme en profondeur de la politique publique de l'emploi.

Sur le plan européen, des engagements ont été pris, à partir des mesures positives expérimentées avec succès par certains Etats. Des plans nationaux pour l'emploi ont permis, à ce titre, à chaque pays de l'Union, de fixer des stratégies claires. C'est notamment le cas pour la France, sous votre impulsion, Madame la ministre, autour de trois objectifs : "une croissance plus forte, plus riche en emplois, qui profite à tous".

Ce changement est encore plus net sur le plan national où s'engagent désormais les négociations après le vote de la loi sur les 35 heures. Des accords ont déjà été conclus dans le textile et l'artisanat du bâtiment.

La lutte renforcée contre l'exclusion que permettra la loi du 29 juillet 1998 favorisera également le retour à l'emploi des personnes qui en sont aujourd'hui les plus éloignées.

D'autres réformes suivront, notamment avec l'allégement du coût du travail pour les emplois faiblement qualifiés.

Les crédits du travail et de l'emploi pour 1999 s'élèvent à 161,8 milliards, en augmentation de 4 % par rapport à 1998 contre seulement 2,3 % pour l'ensemble des dépenses civiles de l'Etat, ce qui traduit bien la priorité accordée à l'emploi. Ce montant comprend désormais les compensations par l'Etat des exonérations de charges sur les bas salaires et de cotisations d'allocations familiales, ainsi que les aides accordées au titre de la réduction du temps de travail.

Cette progression globale ne rend pas compte de tous les moyens nouveaux affectés aux trois priorités du Gouvernement : emplois-jeunes, réduction du temps de travail et allégement des charges sociales. Il faut compter aussi avec des redéploiements. Les dispositifs d'aide à l'emploi -contrats emploi consolidé, contrats emploi-solidarité et contrats initiative-emploi seront recentrés en faveur des demandeurs d'emploi prioritaires et les moyens du service public de l'emploi renforcés.

13,9 milliards seront consacrés au financement des emplois-jeunes. L'objectif est de parvenir à 250 000 emplois fin 1999, tous ministères de rattachement confondus. Le montant de l'aide spécifique versée par poste a été revalorisé proportionnellement à l'évolution du SMIC au 1er juillet et porté à 93 840 F par an. Les crédits inscrits tiennent compte du délai s'écoulant nécessairement entre la date de la signature de la convention conclue entre l'employeur et l'Etat et celle du recrutement effectif. Au 1er octobre 1998, le nombre des recrutements s'élevait à près de 89 000 et le nombre de conventions conclues à 138 250. L'objectif intermédiaire de 150 000 conventions signées à la fin de cette année sera donc atteint. Mais c'est sa traduction en emplois effectifs qui est prise en compte sur le plan budgétaire. Au 1er juin 1998, 50 000 conventions avaient été signées avec les associations et les collectivités locales.

3,7 milliards sont prévus pour financer l'aménagement et la réduction du temps de travail, soit 25 % de plus que les crédits qui figuraient au budget des charges communes en 1998. Cela devrait suffire à financer l'abattement forfaitaire de cotisations en année pleine, des crédits non consommés ayant pu être reportés et les créations et sauvegardes d'emplois permises par le passage anticipé aux 35 heures ayant été favorables aux ressources des organismes sociaux. A ce sujet, quel sera le niveau de la compensation de l'Etat au profit des organismes de sécurité sociale ? 200 millions sont prévus pour aider les entreprises de moins de 500 salariés à négocier et mettre en oeuvre l'aménagement et la réduction du temps de travail. Plus de 3 milliards permettront d'honorer en 1999 les conventions conclues au titre de la loi de Robien.

L'allégement des charges sociales concernera les bas salaires et les emplois situés dans les zones défavorisées du territoire.

La ristourne dégressive concerne les salaires inférieurs à 1,3 SMIC depuis le 1er janvier 1998. Ses crédits s'élèvent à 43 milliards contre 38,7 milliards en 1998.

Les exonérations de charges sociales dans les départements d'outre-mer seront financés à hauteur d'un milliard contre 705 millions en 1998. Elles doivent favoriser l'emploi dans l'industrie, la pêche, l'hôtellerie-restauration, l'agriculture.

Aucun crédit n'est inscrit pour l'exonération des cotisations d'allocations familiales. L'article 81 du projet de loi de finances prévoit, en effet, la suppression de "l'abattement-famille" : nous y reviendrons lors de la discussion d'un amendement de la commission des finances.

Enfin, les exonérations de charges sociales liées à l'aménagement du territoire concernent les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine pour 500 millions et les zones franches urbaines pour 600 millions, alors que les deux montants n'étaient que de 350 millions en 1998.

Enfin, la dépense fiscale au titre du crédit d'impôt de 10 000 F par emploi net créé par les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés a été estimée à 3 milliards, sur la base de 60 000 emplois créés.

L'aide au bénéfice des publics les plus en difficulté constitue le second pilier de ce budget.

Si le nombre de CES, CEC et CIE passera de 700 000 à 650 000, grâce au retour de la croissance qui permet une création nette d'emplois, le nombre des contrats aidés destinés à ces publics passera de 460 000 à 510 000. La dotation des CEC augmente de 3,1 milliards en 1998, à 5,25 milliards en 1999. Le nombre de ces contrats atteindra 60 000. 70 % d'entre eux pris en charge à 80 % pendant cinq ans sans dégressivité, seront réservés aux personnes ayant de très sérieuses difficultés d'accès à l'emploi.

La dotation des CES diminue de 11,6 milliards en 1998 à 9,9 milliards en 1999, pour le financement de 425 000 contrats. Un recentrage vers les publics les plus en difficulté avait déjà eu lieu en 1995, accentué en 1997. Il le sera à nouveau en 1999 : 80 % des contrats seront réservés aux publics prioritaires, contre 50 % en 1997, et bénéficieront du taux maximal d'aide de 95 %.

De même, les CIE seront recentrés vers les chômeurs de longue durée, les titulaires de minima sociaux, les handicapés, les personnes de plus de 50 ans, les jeunes faiblement qualifiés. Six milliards sont inscrits en 1999, contre treize en 1998.

Les crédits destinés aux ateliers protégés pour handicapés passent de 144 à 155 millions, permettant la création de 500 places nouvelles.

Les crédits consacrés à l'insertion par l'économique s'élèvent à 363 millions, en hausse de 4 %, auxquels s'ajoutent 176 millions du fonds social européen, et 338 millions pour compenser l'exonération totale des cotisations patronales sur les salaires des personnels des entreprises d'insertion et de travail temporaire d'insertion.

La loi de lutte contre les exclusions a par ailleurs prévu deux mesures d'incitation à la reprise d'un emploi par ceux qui sont les plus désavantagés par la sélectivité du marché du travail. Tout d'abord, le programme TRACE, accompagnement personnalisé vers l'emploi d'une durée de 18 mois au maximum, en faveur des jeunes en grande difficulté, sortis du système éducatif au niveau VI et VI bis. Les crédits pour 1999 s'élèvent à 60 millions pour le recours à des opérateurs extérieurs et 30 millions pour la couverture sociale. En second lieu, 200 millions sont prévus pour des avances remboursables assorties d'un suivi-conseil au bénéfice des titulaires de minima sociaux créant leur propre entreprise.

Les dotations des dispositifs de retrait d'activité -aide au chômage partiel, FNE, restructurations, allocations temporaires dégressives, conventions de conversion- diminuent pour tenir compte de l'amélioration de la situation économique.

Les crédits consacrés aux allocations spéciales du FNE tombent de 8,3 à 4,85 milliards. Ceux des préretraites progressives suivent la même évolution. Cela traduit bien la volonté du Gouvernement de contrôler les réductions d'emplois lorsqu'elles sont financées sur fonds publics.

Une mesure ne donne pas lieu à inscription budgétaire : l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, dispositif mis en place par les partenaires sociaux pour les salariés âgés de 57 ans et demi au moins, ayant cotisé pendant 40 ans, qui partent de manière anticipée à la retraite et que l'entreprise s'est engagée à remplacer. Il est financé par l'UNEDIC, mais le Gouvernement s'est engagé à participer à hauteur de 40 000 F par contrat si l'ARPE est étendue aux salariés ayant commencé à travailler à 14 ans.

Au titre de la participation de l'Etat au financement de l'indemnisation du chômage, la subvention au fonds de solidarité s'élève à 8,389 milliards en 1999, soit une augmentation de 3,37 %, auxquels il faut ajouter 6,5 milliards au titre de la contribution de solidarité des fonctionnaires.

Ces crédits prennent en compte les allocations de solidarité et leur indexation sur les prix par la loi de lutte contre les exclusions, l'allocation spécifique d'attente et celle destinée aux chômeurs créateurs d'entreprises créées par la même loi.

Enfin, ce budget est marqué par un renforcement des moyens du service public de l'emploi : l'effort de titularisation et de création d'emplois engagé en 1998 se poursuit et surtout l'ANPE bénéficie d'une augmentation de 10,8 % de sa dotation de fonctionnement, ce qui lui permettra de créer 500 emplois et de bien assumer sa mission d'accompagnement des demandeurs d'emploi.

La commission des finances a approuvé les crédits du budget "travail et emploi", en appréciant son volontarisme et son adéquation aux priorités gouvernementales. Elle a toutefois adopté un amendement à l'article 81 -nous y reviendrons.

Je voudrais terminer sur une question qui me paraît essentielle : comment réformer les cotisations sociales patronales dans un sens favorable à l'emploi ?

Toutes les pistes doivent être explorées, y compris celle -qui semble pour le moment un peu abandonnée mais que rien, à mon sens, ne permet d'exclure- d'un transfert de tout ou partie desdites cotisations sur une assiette constituée par la valeur ajoutée par l'entreprise. Chargé par l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques d'un rapport sur l'efficacité des aides à l'entreprise en matière de création d'emplois, à rendre en mars prochain, je compte bien en tout cas nourrir ce débat sur lequel je vous sais, Madame la ministre, particulièrement mobilisée.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le travail et l'emploi - L'exercice qui consiste à présenter un bon budget, très bon même, n'est pas trop redoutable. Encore faut-il ne pas se contenter d'affirmer qu'il s'agit d'un bon budget mais le démontrer. J'en veux pour preuve la hausse des crédits de 4,2 %, soit le double de la progression de l'ensemble des crédits d'Etat,...

M. Jean-Pierre Delalande - C'est a priori plutôt mauvais signe.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis - ...et le fait que le chômage ait baissé de 5 % par rapport à septembre 1997.

C'est un bon budget, car il finance bien les quatre piliers de la politique de l'emploi, à savoir l'accompagnement de la croissance, la réduction de la durée du travail, le développement de nouveaux services à travers les emplois-jeunes et la production de l'insertion par l'activité.

L'accompagnement de la croissance, d'abord. Sans croissance, en effet, il n'y a pas de redressement durable de l'emploi. Je citerai à ce propos M. Seillière du Medef...

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Joli nom (Sourires).

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis - ...qui a bien voulu reconnaître que le Gouvernement avait eu raison de préserver la demande intérieure et de maintenir le pouvoir d'achat -de fait, le transfert des cotisations salariales vers la CSG a permis un gain de pouvoir d'achat d'un point. Il a également reconnu que les emplois-jeunes étaient une bonne idée dans la mesure où, lorsqu'un jeune trouve un emploi, c'est l'ensemble de sa famille qui reprend confiance et modifie sa manière de consommer. Si M. Seillière du Medef dit tout cela, vous pouvez le croire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). J'en profite pour dire à l'opposition qu'il faut se méfier des discours trop pessimistes, car dans le monde de communication où nous vivons, le discours sur le doute crée le doute lui-même, tandis que la confiance appelle la confiance.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Vous êtes partisan de la méthode Coué.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis - Outil essentiel de cet accompagnement de la croissance : les allégements de charges. 80 milliards y sont consacrés, soit plus de 50 % du budget de l'emploi. Le problème n'est donc pas tant le niveau desdits allégements que leur assiette, sujet sur lequel une réforme est annoncée, qui à mon avis ne doit pas s'interdire de regarder du côté du revenu du capital.

La réduction de la durée du travail, ensuite. Je lis dans la presse, à propos des 35 heures : "La marmite bouillonne". De fait, une entreprise sur cinq a conclu ou négocie un accord et 3 millions de salariés sont déjà concernés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - La soupe est indigeste.

Mme la Ministre - Non, les 35 heures sont un plat raffiné.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis - Il faut dire que tout le monde gagne à de tels accords : les salariés, les entreprises et les chômeurs. 3 milliards de crédits sont prévus pour accompagner le mouvement, auxquels s'ajoutent ceux non utilisés l'an passé.

Troisième pilier : les nouveaux services. Le budget pour 1999 prévoit 14 milliards en vue de l'objectif de 250 000 emplois-jeunes à la fin de 1999. A ce jour, 88 000 ont déjà été créés et 138 000 autorisés par convention. Notons donc que dans cette affaire l'administration va parfois plus vite que les emplois eux-mêmes...

Quoi qu'il en soit, le dispositif est d'ores et déjà un succès, malgré les prédictions pessimistes entendues il y a quelques mois. Les jeunes l'apprécient, les associations aussi, de même que sur le terrain les élus de tous bords.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Nous ne sommes pas sectaires.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis - Quatrième pilier : l'insertion par l'activité. Les contrats emploi-solidarité se sont recentrés sur les chômeurs de longue durée qui constituent désormais deux tiers des bénéficiaires. Il faut maintenant veiller à ce que la durée de ces contrats ne soit pas trop raccourcie mais coïncide bien avec celle d'un chantier d'insertion. Quant aux contrats emploi consolidé, ils se situent au coeur du dispositif, le but étant qu'il n'y ait plus de "licenciés de l'insertion", je veux parler de ces gens qui doivent retourner au chômage pour reconstituer leurs droits à l'insertion. Tout ce qui consolide l'insertion évite une telle absurdité. Le nombre de CEC passe de 30 000 à 60 000. Reste à espérer que les décrets sortent vite.

Les CEI ont été un peu réorientés de façon à éviter les effets d'aubaine.

Dans le programme TRACE, l'entrée de 40 000 jeunes est prévue. Concernant, enfin, la création d'activités, il est souhaitable que paraissent les décrets concernant la création d'emplois par les jeunes, prévue par la loi sur l'insertion. Sortir du chômage en créant la richesse, c'est là en effet une donnée essentielle de la politique de l'emploi ; celle-ci ne peut se réduire au partage de l'emploi, mais elle est indissociable des politiques de développement et de croissance, qui sont la condition de son financement.

Je conclurai en me réjouissant, paradoxalement, d'une réduction de crédits : ceux consacrés aux dépenses de chômage et de retrait d'activité régressent de 21 %, et c'est un signe très positif. Qu'est-ce en effet qu'un bon budget ? C'est un budget où diminuent les crédits de gestion passive d'une situation, cependant qu'augmentent ceux d'une politique active d'emploi et de développement.

Tel est le budget de l'emploi pour 1999, et c'est pourquoi la commission des affaires sociales est favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances pour la formation professionnelle - L'examen de ces crédits s'inscrit dans un contexte qui lui donne une particulière importance. D'une part, nous voyons s'affirmer dans certains secteurs des besoins non satisfaits de main-d'oeuvre qualifiée, -on a cité des informaticiens, mais il n'est pas unique- alors que la lutte contre le chômage, en particulier de longue durée, malgré les progrès récents, demeure laborieuse. D'autre part, le Gouvernement semble avoir voulu faire de 1999 une année de réformes. Le livre blanc annoncé sur la formation professionnelle devrait nous apporter un bilan clair du système.

La masse des crédits consacrés à la politique de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle est de l'ordre de 162 milliards. Les crédits consacrés à la formation professionnelle, regroupés au sein d'un nouvel agrégat "Participation de l'Etat à la formation professionnelle", atteignent 26 milliards 419 millions, en progression très sensible de 5,3 %. L'essentiel va au financement des formations en alternance. Ces 26 milliards doivent bien sûr être rapportés à l'effort total de la nation en faveur de la formation professionnelle, qui atteint près de 140 milliards d'après les dernières données disponibles ; le livre blanc permettra peut-être de préciser ce chiffre.

Les formations en alternance, coeur de notre système de formation professionnelle, représentent 12,5 milliards au budget de 1999, en hausse de plus de 5 %. Longtemps cantonnées au secteur de l'artisanat et du commerce, elles ont pris un véritable essor depuis cinq ans puisque les entrées en alternance ont progressé de 23 %. L'apprentissage a pris dans cette progression une place prédominante avec 211 000 nouveaux contrats. Les autres contrats -qualification, orientation, adaptation- ont également progressé avec quelque 170 000 nouveaux contrats signés en 1997.

Le présent projet comporte à cet égard des points positifs, avec notamment l'augmentation sensible des contrats de qualification qui vont passer de 100 000 à 130 000, et l'extension du contrat de qualification aux adultes avec 10 000 contrats prévus. On peut en revanche -c'est une première question- s'interroger sur la baisse des effectifs prévus en contrat d'apprentissage, qui régresserait de 240 000 à 230 000. Peut-on savoir comment le Gouvernement explique cette minoration des prévisions ? Faut-il y voir des raisons d'ordre démographique, la crainte de voir les entreprises insuffisamment intéressées à accueillir des apprentis, les réticences des jeunes à s'engager dans cette voie ?

Les contrats d'orientation devraient progresser, et c'est bien, car ils constituent souvent une excellente liaison entre une sortie difficile du système scolaire et l'entrée dans un contrat d'alternance. Nous souhaitons savoir ce que le Gouvernement envisage pour le contrat d'adaptation : ne serait-il pas opportun de relancer la négociation sociale pour lui donner un caractère plus attractif ?

A ces interrogations sur le nombre des contrats prévus s'ajoute une inquiétude concernant la restriction des primes versées aux entrepreneurs pour l'embauche des apprentis dépassant un certain niveau de qualification. Vous avez déjà, malheureusement, supprimé les primes aux employeurs qui offrent des contrats de qualification à des jeunes ayant dépassé le niveau IV, alors que le contrat de qualification est un excellent moyen d'insertion pour les jeunes de niveau bac et au-delà. On entend dire que le contrat de qualification est essentiellement destiné à un public dont le niveau de formation est relativement faible. En réalité, il sert souvent de transition entre une scolarité trop éloignée de la réalité économique et l'entreprise. Les contrats concernant ce public ont progressé de quatre points en deux ans, et il est un peu dommage d'arrêter cet élan. Recentrer sur les publics en difficulté est bien, mais pourquoi le faire au détriment des contrats d'alternance destinés aux jeunes plus qualifiés ? Il faut poursuivre à la fois les deux politiques. D'autant plus qu'on voit aujourd'hui des jeunes qui enchaînent les contrats d'apprentissage et parviennent ainsi à une vraie promotion sociale. C'est pourquoi je regrette votre disposition. En outre, les employeurs ne sont pas toujours très disposés à prendre des apprentis de bon niveau : la suppression de cette prime leur donnera un signal négatif.

Un mot sur les inégalités de moyens entre les centres de formation d'apprentis suivant les régions. J'ai moi-même essayé de faire quelques efforts avec la création d'un fonds de péréquation. Je souhaite savoir si le Gouvernement entend poursuivre cette harmonisation nécessaire.

Les actions de formation, hors alternance, à la charge de l'Etat, enregistrent une hausse de 1,3 %. Dans cet ensemble, je souligne l'effort de lutte contre l'illettrisme, dont je me réjouis : c'est là un prolongement de la lutte contre les exclusions, qui doit être mené avec une ambition nationale prononcée. Je réaffirme, d'autre part, notre souhait que certains contrats comme le contrat emploi-solidarité, le contrat initiative-emploi, le contrat d'emploi consolidé, ne devraient pas être accompagnés dans tous les cas d'une formation plus systématique et mieux ciblée. Il faut saisir toutes les occasions pour renforcer les formations des personnes les plus en difficulté.

Et n'oublions pas le problème de l'évaluation des actions conduites par les régions. Il ne s'agit pas pour l'Etat de s'immiscer dans une compétence désormais régionalisée, mais d'en mesurer l'impact exact afin de le compléter plus utilement.

L'Etat dispose, avec l'agence pour la formation professionnelle des adultes, d'un outil de formation très important. L'AFPA, qui compte près de 12 000 employés, a incontestablement progressé. Les conclusions du comité d'évaluation du contrat de progrès 1994-1998 ont constaté des avancées. Mais il faut continuer, en accroissant la déconcentration interne, et en améliorant la répartition régionale des moyens. C'est à cette condition que l'augmentation des dépenses de fonctionnement aura tout l'impact recherché.

La volonté de recentrer l'AFPA sur sa mission de service public est justifiée. Elle peut faire beaucoup contre le chômage de longue durée. Pour autant, elle ne doit pas perdre son ouverture sur le marché de la formation, mais conserver des clients privés pour garder le contact avec tout ce qui se fait en formation professionnelle, domaine où les nouvelles technologies vont induire de profondes évolutions. Il ne faudrait pas que l'AFPA, qui a été très souvent à l'avant-garde, perde pied avec les besoins d'une société moderne.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - C'est juste.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - Deux exigences s'imposent à l'AFPA. D'abord, une rationalisation accrue de sa gestion, impliquant le respect des procédures administratives et de contrôle interne par l'ensemble des centres de responsabilité et un inventaire comptable détaillé. Il faut notamment se demander si l'agence ne pourrait pas utiliser ses fonds de réserve pour certains investissements. Elle doit d'autre part accepter la dimension régionale désormais acquise par la formation professionnelle. Il ne s'agit pas de réclamer une régionalisation totale qui affaiblirait l'AFPA, dont le réseau national permet des économies d'échelles. Mais pourquoi ne serait-elle pas partie prenante de stratégies régionales ? Elle y gagnerait en reconnaissance par tous les partenaires. Cette perspective implique un partenariat étroit entre les services régionaux de l'AFPA, le conseil régional et le préfet de région.

Ma quatrième remarque concernera la parution prochaine du livre blanc. Les systèmes de collecte restent très complexes et parfois trop loin du terrain. Trop souvent, c'est l'offre de formation qui oriente le choix des objectifs, alors que ce sont les entreprises et leurs salariés qui devraient être à l'origine des orientations choisies. J'ai en mémoire les collectes organisées par certaines toutes petites branches, dotées d'un état-major parisien installé dans une soupente, et qui drainent vers elles un argent dont on se demande si, collecté plus près du terrain, il ne permettrait pas une utilisation plus efficace (Rires sur divers bancs). Je le dis de manière diplomatique, mais je pense que les intéressés se reconnaîtront... A l'inverse, il faut que les qualités des organismes de formation soient un peu plus éprouvées.

Nous devons nous orienter vers une réforme fondamentale consistant à créer une formation tout au long de la vie, pour pouvoir faire bénéficier le plus grand nombre d'une véritable deuxième chance ; il faut passer de l'obligation de former à l'obligation de qualifier. Notre système de formation professionnelle, né en 1971, doit aujourd'hui s'adapter pour garantir les salariés contre les aléas technologiques et économiques.

Cette grande réforme aura pour première condition la fongibilité des financements, pour dépasser une logique statutaire qui laisse aujourd'hui de côté de nombreuses personnes. Un financement souple permettra de répondre à des situations diverses. Il faudra sans doute combiner les logiques de capitalisation individuelle et de mutualisation. Il conviendra de doter les salariés d'un véritable capital temps-formation et de tenir compte tant de l'intérêt de l'entreprise que de celui des salariés qui souhaitent acquérir des compétences plus larges pour faciliter leur mobilité.

La deuxième exigence est la mise au point d'un système de validation des compétences et des acquis professionnels, dont il n'existe que des embryons. Une concertation va-t-elle s'ouvrir à ce sujet ? Quel sort le Gouvernement réservera-t-il aux propositions faites à Deauville par le Medef ?

M. Maxime Gremetz - Elles ne sont pas bonnes !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - Ces observations n'empêchent pas votre rapporteur de donner un avis favorable à ce budget. Sa progression doit être suivie d'une rénovation en profondeur de notre système de formation et de la mise sur orbite d'un dispositif de formation tout au cours de la vie, indispensable à notre compétitivité, à la promotion des travailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la formation professionnelle - Depuis plusieurs années, on parle de réformer la formation professionnelle continue.

Les chefs d'entreprise avancent une "logique de compétences" qui s'inscrit dans une démarche de compétition et de déréglementation. Illustration de cet état d'esprit, cette déclaration lue dans une publication économique de ma région : "Nous sommes différents des Anglo-saxons, en grande partie à cause de l'enseignement égalitaire dans lequel nous baignons depuis l'enfance alors que nous avons besoin de guerriers. Dans ce nouveau contexte de compétition, c'est eux ou nous et il faut être un tueur".

Je ne diabolise pas les entreprises et je ne perds pas de vue que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne accordent plus de moyens que nous à la formation professionnelle ; mais les chefs d'entreprise veulent sortir la formation professionnelle du temps de travail et en faire payer une partie par les salariés : il me semble nécessaire de repousser cette perspective.

La politique de formation professionnelle conduite depuis seize mois rompt avec celle du gouvernement précédent. Elle est redevenue une priorité de l'action publique, qui se traduit, outre la création d'un secrétariat d'Etat à la formation professionnelle, par l'augmentation significative des crédits et l'engagement d'une démarche concertée de rénovation.

Les crédits s'établissent pour 1999 à 34 milliards, soit une augmentation de 3,65 % par rapport à 1998, nettement supérieure à celle du budget de l'Etat ; mais on note des évolutions contrastées.

Dans le cadre du programme "nouveaux services-nouveaux emplois", le recrutement continue avec pour objectif 150 000 contrats fin 1998 et 250 000 fin 1999. 25 % des jeunes embauchés n'ont pas de qualification ou au plus un CAP, 50 % ont une formation de niveau bac. Des plates-formes régionales de professionnalisation ont été mises en place.

En ce qui concerne la formation professionnelle des jeunes, on peut noter la poursuite du développement de l'apprentissage, avec 230 000 nouvelles entrées, la forte relance du contrat de qualification, avec 130 000 entrées contre 100 000 en 1998, le recentrage des aides à l'embauche sur les jeunes les moins qualifiés et le renforcement du réseau d'accueil des jeunes, notamment pour assurer la mise en oeuvre du programme TRACE.

Concernant les adultes demandeurs d'emploi, on observe une réduction du nombre d'entrées prévues en stages de formation professionnelle, partiellement compensée par l'extension, à titre expérimental, du contrat de qualification.

Pour les actifs occupés, on note une diminution sensible des crédits affectés à la politique contractuelle, ramenés de 399 à 335 millions, et la reconduction pour trois ans du crédit d'impôt formation.

Les crédits du programme national de formation professionnelle augmentent sensiblement, en particulier pour le financement des actions de formation en faveur des handicapés, des jeunes détenus et pour lutter contre l'illettrisme.

Les dotations décentralisées vers les régions, destinées notamment à financer les actions de formation professionnelle en faveur des jeunes, augmentent de près de 3 %.

Les crédits affectés aux actions conduites par l'AFPA, qui est recentrée sur ses missions de service public et la formation des demandeurs d'emploi, augmentent de 3,6 %.

Enfin, s'agissant des dispositifs associés d'insertion et de réinsertion dans l'emploi, on observe une forte augmentation des financements destinés aux emplois-jeunes, dont la professionnalisation est fortement encouragée, une diminution sensible des CES et le doublement des entrées en CEC. La diminution du nombre de CES s'explique par un recentrage sur les personnes les plus en difficulté, compte tenu de l'amélioration de l'emploi, le nombre d'entrées en convention de conversion et en CIE est en diminution.

Je me félicite que de nombreuses propositions présentées par le rapporteur pour avis sur les crédits de la formation professionnelle pour 1998 aient d'ores et déjà été reprises par le Gouvernement, soit dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, soit dans le projet de loi de finances.

Dans l'attente de la réforme annoncée du système de formation professionnelle, ce budget marque une nouvelle étape positive. Le système mis en place il y a près de trente ans montrant aujourd'hui ses limites, il faudra procéder à une véritable refondation, avec notamment pour objectif de corriger les graves inégalités d'accès à la formation professionnelle ; en même temps, il faudra accroître la part des richesses nationales consacrée à la formation initiale et continue. Dans cette attente, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Comme il est agréable de débattre dans un climat apaisé...

Après la présentation de grande qualité faite par les rapporteurs, je me contenterai de quelques remarques.

La grande loi de 1971 sur la formation professionnelle, inspirée par Jacques Delors, a besoin d'être modifiée par une deuxième loi. Il y a eu transfert d'une grande partie des responsabilités sur les régions ; il faut mettre l'ensemble du dispositif à plat, imaginer des systèmes d'évaluation des formations et être capable de s'adapter aux besoins. L'enjeu est énorme.

Quelques remarques sur les lois votées cette année sur les emplois-jeunes, les 35 heures et la lutte contre les exclusions.

Je me félicite de la qualité des débats sur ces trois grandes lois, aussi bien en commission qu'en séance plénière, mais quand les choses se passent bien, on n'en parle pas !

Chaque fois, la commission a désigné un rapporteur pour suivi, qui fera le bilan de l'application de la loi, et elle a rédigé une brochure d'explication largement diffusée sur le terrain.

Pour les emplois-jeunes, Jean-Claude Boulard va ainsi nous soumettre son rapport dans les prochaines semaines.

Pour les 35 heures, le rapport de M. Gaëtan Gorce est attendu au 2ème trimestre 1999.

Enfin, Mme Hélène Mignon évaluera l'application de la loi contre les exclusions. Les brochures pédagogiques sont un élément important : celle sur la loi contre les exclusions a déjà été tirée à 13 800 exemplaires. La commission a donc le souci d'adapter ses méthodes de travail aux réalités.

En ce qui concerne les emplois-jeunes, nous entrons dans une deuxième phase où les collectivités locales et les associations vont jouer un rôle croissant, ce qui permettra d'aller vers les 350 000 emplois. Nous devons veiller à un certain équilibre des qualifications exigées. Au départ, elles étaient plutôt élevées, mais le dispositif doit aussi contribuer à la lutte contre les exclusions. Il convient aussi de respecter l'égalité dans les conditions de recrutement, de manière à ne pas créer de sentiment de rejet chez certains jeunes. Enfin, il faut réfléchir aux moyens d'aider les petites associations à s'engager dans cette démarche.

En ce qui concerne la lutte contre l'exclusion, nous sommes dans une phase d'élaboration et application des décrets, de mobilisation et coordination des acteurs, de mise en route des parcours TRACE. Hier, la région Nord-Pas-de-Calais a adopté un dispositif permettant l'action en la matière.

On a dit beaucoup de choses sur les 35 heures qui se révèleront erronées. Une véritable révolution culturelle est en train de s'opérer dans les entreprises. Alors qu'il est de bon ton de parler de l'insuffisance du dialogue social, il y a là quelque chose qui s'amorce. Je suis attentif à l'évolution des comportements syndicaux : si la CFDT s'est engagée dès le départ, j'observe des mutations dans les grandes organisations syndicales, même si certaines restent réticentes, qui vont changer complètement le rythme et les méthodes du dialogue social. De plus en plus, il y a dans les entreprises une volonté de mettre les choses à plat et de trouver des solutions où tout le monde est gagnant. Le Medef ne s'y est pas trompé !

Je suis frappé de voir que la réflexion s'engage aussi sur le travail des cadres. Je suis persuadé que le dispositif va servir non seulement l'emploi, mais aussi le dialogue social ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

Madame la ministre, vous avez parlé d'amplifier le dispositif dit Delalande, dont l'auteur passera ainsi à la postérité (Sourires).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Pas que pour cela ! (Sourires)

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Je ne peux que vous approuver. Il faudra cesser un jour cette démarche totalement schizophrénique des entreprises qui font sortir du monde du travail des salariés encore jeunes, en laissant à la société le soin d'en payer les conséquences. Bien entendu, je ne parle pas du dispositif AVRE, qui concerne des salariés ayant travaillé 40 ans sur des postes souvent pénibles. Non, je parle des sorties précoces ; c'est inacceptable et absurde, quand on pense à l'avenir du système des retraites. Nous devons condamner fermement ces pratiques.

Le chômage de longue durée reste préoccupant, même s'il y a une légère amélioration. Vous avez recentré les dispositifs, et c'est une bonne chose. Ne faudrait-il pas engager une nouvelle campagne à ce sujet en 1999 ?

Sur la création d'entreprises, nous avons quelques désaccords, c'est normal en démocratie !

En ce qui concerne les cotisations patronales, l'Assemblée a voté un amendement à la loi de financement de la Sécurité sociale indiquant qu'au cours du premier semestre 1999, il faudra élaborer une assiette moins sensible aux variations de la masse salariale des entreprises. Nous allons travailler ensemble à une nouvelle architecture des cotisations, incluant éventuellement les revenus du capital dans l'assiette. Une telle réforme devrait donner un coup d'accélérateur au mouvement en cours, et vous aurez l'appui de votre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marie-Thérèse Boisseau - "Nous voulons bien créer des emplois avec les 35 heures, encore faut-il-trouver des gens capables de remplir ces fonctions ! Nous refusons des commandes et hésitons à investir faute de personnel compétent". Voilà les propos que j'entends tous les jours ! Selon une enquête récente de l'union patronale de Bretagne, un tiers seulement des recruteurs trouvent la main-d'oeuvre souhaitée en moins d'un mois ! Sans parler des entreprises qui ne frappent même plus à la porte de l'ANPE parce qu'elles savent qu'elles n'auront pas la réponse souhaitée.

Selon la même enquête, les causes principales de cette difficulté sont le manque de qualification et la faible motivation des personnes -les conditions de travail arrivent loin derrière.

L'inadéquation entre les besoins des entreprises et la main-d'oeuvre disponible est un des freins majeurs à la croissance.

Le bassin d'emploi de Fougères manque de personnel qualifié en mécanique, électronique, agroalimentaire, couverture, plomberie, maçonnerie, tôlerie-carrosserie et même de porchers.

Sur un plan global, des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur des technologies de l'information ne sont pas pourvus par manque de qualifiés. On parle même de 1,6 million d'emplois sur quatre ans, ce qui entraînera reports de projets et délocalisations.

L'école et l'entreprise ne coopèrent pas suffisamment, ce qui nuit à l'emploi. Comment comprendre qu'un bachelier ne sache pas remplir un CV, qu'on laisse des jeunes faire des études dans la bureautique ou le médico-social, alors que ce sont des secteurs aujourd'hui sans débouchés ? Quand intégrera-t-on à tous les niveaux du système éducatif le savoir-faire technologique ? Il faut favoriser les alternances entre formation et emploi, y compris l'intérim. Beaucoup de jeunes sont tentés par l'intérim et abandonnent brutalement leur formation sans possibilité de la reprendre par la suite. Pourquoi ne pas envisager un pool formation à la carte utilisable entre deux périodes d'intérim ?

Un autre frein puissant à l'emploi est le manque de motivation. De nombreux entrepreneurs ne cherchent même plus des qualifiés, mais simplement des gens qui ont envie de travailler. Tel responsable d'une entreprise agricole en est ainsi venu à recruter deux boulangers, dont il est très content.

Loin de moi l'idée de contester le principe et le montant des minima sociaux, filet de sécurité indispensable... Mais j'insiste sur leur caractère transitoire et sur la nécessité de contrôles rigoureux. Certains s'en contentent et s'installent dans le chômage. D'autres en jouent et travaillent au noir. Il est dur pour le personnel d'une agence pour l'emploi de voir passer sous ses fenêtres, parfois deux fois par jour, des chômeurs indemnisés tout à fait aptes au travail qui vont louer des cassettes vidéo dans le magasin voisin.

Il est encore plus révoltant pour les entreprises de savoir que les fichiers des ASSEDIC renferment parfois les noms d'ouvriers qualifiés qu'elles recherchent en vain ! Aurez-vous un jour le courage de faire radier des ASSEDIC ceux qui, sans motif valable, ont refusé des offres d'emploi ?

A court terme, malgré les trois millions de chômeurs, l'économie française manque de bras, à moyen terme elle peut créer des centaines de milliers d'emplois si vous-même créez les conditions favorables.

D'abord le coût du travail reste trop élevé particulièrement pour les petits salaires. Il faut baisser les charges sociales. Cet hiver, vous avez repoussé notre proposition de loi RPR-UDF, mais elle est plus que jamais d'actualité !

Selon l'INSEE, l'exonération des cotisations sociales est la mesure la plus incitative à l'embauche, notamment pour les entreprises de moins de 10 salariés. La Commission européenne se prononce dans le même sens. Alors, qu'attendez-vous pour prendre des mesures simples et pérennes qui mettent les chefs d'entreprise en confiance ? Cela atténuerait l'effet néfaste des 35 heures. Il y a d'énormes possibilités non exploitées dans l'artisanat et les services qui ne sont pas confrontés à la concurrence mondiale. Par exemple, si on employait dans le domaine de l'hôtellerie-restauration-commerce autant de personnel qu'aux Etats-Unis, on pourrait créer près de 3 millions d'emplois, dont une bonne partie peu qualifiés.

En second lieu, le Gouvernement doit, d'urgence, encourager l'innovation en particulier chez les PME-PMI qui ne disposent pas d'un autofinancement suffisant.

Enfin, la création d'entreprises est très porteuse d'emplois. Or on est passé en dix ans de 210 000 à 100 000 créations par an. C'est dommage car 20 % d'entre elles comptent deux ou trois salairiés et 5 % accroîtront leurs effectifs jusqu'à une cinquantaine.

Voici quelques-uns des problèmes que pose l'emploi, vus du terrain. La croissance est nécessaire, elle est au rendez-vous -pour l'instant. Mais il est aussi nécessaire que le Gouvernement se donne des priorités. Or vous ne traitez aucun problème de fond et ne remettez en cause aucune des politiques anciennes qui n'ont pas fait leurs preuves. Certaines aides aux entreprises sont inutiles, d'autres trop ponctuelles. Je suis favorable au programme TRACE, mais 40 000 au niveau national, cela fait 400 par département alors qu'à la seule mission locale de Fougères 500 jeunes pourraient être concernés. A quoi servent les 800 à 900 personnes de l'AFPA qui travaillent à Rueil-Malmaison ? Où en sont les projets de déconcentration ? D'autres mesures sont trop complexes et dispersées.

Concrètement de quoi avons-nous besoin ? Pour les jeunes en grande difficulté, seul le travail est la voie d'une réinsertion. Ils ne veulent plus de formation, ils veulent du boulot. Les autres ont besoin d'un contrat de qualification. Tout le reste est littérature !

Enfin, je m'inquiète des effets des 35 heures obligatoires. Beaucoup d'entreprises cherchent une nouvelle organisation. C'est une bonne chose pour le dialogue social. Mais que de temps et d'énergie qui pourraient être mieux utilisés... De toute façon, le coût du travail augmentera.

L'important n'est pas que votre budget augmente de 4,2 %, mais que vous donniez à notre économie l'oxygène dont elle a besoin pour prospérer et créer des emplois. Je crains qu'il n'en soit pas ainsi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Claude Hoarau - Au coeur de ce budget, comme de la politique gouvernementale se trouve l'emploi, conformément à l'engagement du Premier ministre.

La logique, le pari du Gouvernement est de créer les conditions d'une croissance soutenue et solidaire pour relancer l'emploi. Cette demande a commencé à donner des résultats, mais ils sont limités, voire nuls, dans les DOM et en particulier à la Réunion.

En effet, par leur ampleur, chômage et exclusion y sont sans commune mesure avec ce qu'ils sont dans l'hexagone. Pendant les dix ans à venir la création d'emplois sera certes plus forte qu'en métropole. Mais la population active augmentera plus encore. Aussi, de 42 % de chômeurs on passera certainement à 50 %. Avenir inacceptable pour la jeunesse !

Pour éviter ce scénario catastrophe, il faut mener une démarche volontariste à court terme et long terme, favoriser le secteur de l'économie solidaire comme le développement.

Dans le secteur productif, il est indispensable de tirer parti des atouts de la Réunion. Depuis la fin de la guerre froide, l'Océan indien connaît une intensification de ses échanges internes, comme en atteste d'ailleurs l'organisation de blocs régionaux qui constituent autant d'immenses marchés solvables. La Réunion dispose des infrastructures, des équipements et des compétences humaines nécessaires pour y accéder et ainsi valoriser les investissements, souvent très lourds, qui ont été réalisés. Cela exige toutefois de se libérer de certaines entraves et une volonté politique est pour cela nécessaire.

C'est en débordant le marché local, désormais couvert en partie, que l'économie réunionnaise pourra créer des emplois en nombre significatif. Il faut donc favoriser les exportations de biens et de services dans les pays voisins. Une entreprise d'informatique locale, qui a remporté, face à des concurrents mondialement réputés, un important marché chinois, montre la voie.

Il faut également alléger le coût du travail pour attirer des entreprises exportatrices et des investissements étrangers. Le concept d'entreprise franche, appliquée à la production de biens et de services, serait le plus adapté.

Les futures zones prioritaires ultra-périphériques qui bénéficieront d'une fiscalité incitative et dérogatoire devraient également bénéficier à la création d'emplois. Elles seront notamment un cadre propice au développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. En ce domaine, en effet insularité et éloignement ne sont plus des handicaps. Les premiers pas sont encourageants. Une entreprise de dessins animés, première entreprise européenne du secteur, a déjà créé un nombre d'emplois significatifs à la Réunion. Si l'Assemblée accepte l'amendement que nous avons déposé sur ce sujet, plus d'un millier d'emplois pourraient être créés en quatre ans. Nous comptons, Madame la ministre, sur votre ferme appui.

Parallèlement au développement du secteur productif, il est indispensable, pour juguler l'exclusion, de développer le secteur de l'économie solidaire. Les emplois-jeunes connaissent un grand succès à la Réunion. Un an après la création du dispositif, plus de 3 000 jeunes en bénéficient, dont près de la moitié ont été embauchés par des collectivités locales ou des associations. Cet engouement révèle à la fois l'immense désir qu'ont les jeunes de travailler et l'importance des besoins de services de proximité. Ces chiffres, qui confirment les prévisions que nous avions faites lors de l'examen du projet de loi, incitent à se mobiliser encore davantage.

Notre objectif est d'atteindre 10 000 emplois-jeunes d'ici à trois ans. Deux tiers des Réunionnais de moins de 25 ans, rappelons-le, sont au chômage.

Mais ce dispositif n'a pas été conçu pour une société où l'exclusion est en passe de devenir la norme. Il convient donc de l'adapter aux conditions locales. En effet, les collectivités locales comme les associations ont beaucoup de mal à financer ces emplois. Pour surmonter cette difficulté, l'idée a été formulée d'une participation aux quatre quarts, où la partie non prise en charge par l'Etat serait assurée, à parts égales, par la région, le département, les communes et un fonds de solidarité. Ce fonds, dont l'Etat devrait décider la création, pourrait être alimenté par une taxe sur le produit des jeux ou par le redéploiement des primes d'éloignement.

La pérennisation de ces emplois passe nécessairement par la formation. Le financement des formations préqualifiantes indispensables pour les jeunes non diplômés, qui sont les plus nombreux, devrait être assumé à parts égales par l'Etat et la région.

Il faudrait également accorder des aides à l'encadrement et à l'équipement.

La mise en place d'un fonds de roulement par l'Etat et les acteurs locaux permettrait aussi de remédier aux difficultés momentanées que rencontrent les jeunes, souvent payés avec un certain retard après la signature d'un contrat.

Les emplois-jeunes sont devenus un enjeu de société à la Réunion. Ils peuvent y assurer à la fois la solidarité à l'égard des chômeurs, comme des familles insolvables, et un développement durable, respectueux de l'environnement et du cadre de vie. Madame la ministre, nous comptons sur votre détermination afin que les espoirs des jeunes et les efforts des acteurs locaux pour structurer une économie alternative ne soient pas déçus (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin -  L'examen du budget du travail et de l'emploi est l'occasion de s'interroger sur le rôle que l'on souhaite donner à l'Etat en ce domaine. Nous lui fixons, pour notre part, trois missions essentielles.

Tout d'abord, dire le droit, fixer un cadre normatif qui protège les salariés, et se donner les moyens de faire observer la législation et la réglementation.

En deuxième lieu, créer les mécanismes et les structures nécessaires pour que nos concitoyens les plus en difficulté retrouvent le chemin de l'emploi. C'est l'objectif des emplois aidés ou d'insertion.

Enfin, et c'est là un rôle nouveau, explorer des pistes innovantes d'emplois peu rentables, dans un premier temps, dont le relais puisse être pris à terme par le secteur concurrentiel.

L'Etat n'a pas mission de créer des emplois -il n'en a d'ailleurs pas la capacité. L'embellie actuelle de l'emploi tient au retour de la croissance, qui a permis de créer 280 000 emplois, dans le secteur tertiaire essentiellement. L'évolution favorable de l'emploi est générale en Europe et en Amérique du Nord et, sauf à se comporter comme le Chantecler de Rostand qui pensait que son chant faisait lever le soleil, il serait bien présomptueux pour le Gouvernement de s'en considérer le responsable.

Avoir fait croire que les 35 heures et les emplois-jeunes permettraient de faire reculer le chômage relève donc au mieux de l'utopie, au pire du slogan électoral...

M. le Président de la commission - Vous me faites de la peine.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin -  J'en suis désolée. La réduction du temps de travail nous a été "vendue" comme devant créer à terme de 250 000 à un million d'emplois. Or tout au plus améliorera-t-elle la situation des salariés en place si la rigueur salariale et la flexibilité ne leur font pas payer trop cher cet acquis empoisonné.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Absolument.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Les difficultés sont multiples sur le terrain et bien que vous vous soyez transformée en VRP des 35 heures, Madame la ministre, cinq mois après la promulgation de la loi, le dispositif n'a permis de créer ou de sauvegarder que 3 000 emplois. Nous sommes donc loin des 40 000 promis ! Pour atteindre vos objectifs, il faudrait que 300 000 salariés par mois soient concernés !

Certes, des accords ont été signés mais les plus importants, ceux de la métallurgie et du textile, ne contiennent aucun engagement en matière de création d'emplois et certains ont même incité leurs adhérents à refuser les aides publiques, dont l'effet pervers à terme est avéré.

On comprend d'ailleurs mal, Madame la ministre, pourquoi vous avez désapprouvé l'accord de la métallurgie, le traitant d'accord "virtuel", et vanté l'accord du textile qui n'en diffère pas radicalement : pas d'engagement sur les créations d'emplois, augmentation des heures supplémentaires et annualisation du temps de travail.

Toutes les questions que nous avions posées lors de l'examen du projet de loi restent sans réponse, notamment sur le décompte du temps de travail, les heures supplémentaires, la révision des conventions collectives, la validité des contrats de travail, l'extension du dispositif au secteur public.

Vos déclarations contradictoires rendent encore plus opaque tout le dispositif. On doit donc tout particulièrement saluer la volonté et l'esprit de responsabilité d'un grand nombre de chefs d'entreprise et de syndicats qui font tout pour limiter les dégâts et ont accepté de négocier. Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir notre président se féliciter que le Medef ait mis au pas la CGT !

Quant à votre campagne publicitaire, je ne lui reprocherais pas son coût de 25 millions, qui représente peu de chose par rapport à tous les gaspillages de l'Etat (Exclamations indignées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Mais, comme l'a relevé le sociologue Daniel Mothé, pourquoi avoir choisi une affiche où une femme qui n'est pas au chômage se félicite d'avoir plus de temps libre ? C'est bien l'aveu que le dispositif servira les salariés les mieux lotis dans les entreprises les plus performantes, qui n'avaient pas besoin de l'argent des contribuables. Quant aux chômeurs, eux aussi continueront d'avoir du temps libre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Destot - C'est de mauvais goût.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Pour ce qui est des emplois-jeunes financés sur fonds publics, ils ne créeront pas non plus d'emplois. Il est pourtant du rôle de l'Etat d'aider les publics les plus en difficulté. Vous promettiez la création de 700 000 emplois pour moitié dans le secteur public et pour moitié dans le secteur privé. Les seconds sont déjà à jamais enterrés au cimetière des illusions perdues. Pour les premiers, les collectivités et les associations font beaucoup d'efforts. Elles ne vous ont pas barguigné leur aide, hors de tout esprit partisan. Les collectivités y étaient d'ailleurs incitées par une aide de l'Etat d'un montant inégalé et comme l'a dit Alain Madelin, "on ne tire pas sur le Père Noël".

Mme la Ministre - Vous avez de drôles de références.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Tout le monde ne peut pas citer M. Seillière comme l'un de nos rapporteurs (Sourires)...

Malgré cette mobilisation des acteurs de terrain, des difficultés et des incertitudes demeurent. Par exemple, que deviendront les jeunes embauchés dans le cadre des emplois dits "Allègre", le ministre de l'éducation nationale ayant indiqué qu'il souhaitait pérenniser non les jeunes mais les postes afin d'entretenir une "perturbation positive" ? Pour la perturbation, voilà un homme qui sait de quoi il parle (Sourires), mais que deviendront ces jeunes qui, parfois, ont arrêté leurs études dans l'espoir que ces postes soient un marche-pied pour rentrer à l'Éducation nationale ? A quoi pourront-ils prétendre après plusieurs années passées dans de vagues emplois d'animateurs de récréations ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

De plus, le dispositif produit des effets d'aubaine. Je l'ai moi-même constaté dans des associations que je préside : vos services m'ont accordé sans aucune difficulté des aides pour des embauches qui étaient à l'évidence inévitables.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis - Faute avouée...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Autres dérives : la surqualification des jeunes embauchés, notamment par les collectivités territoriales, le remplacement par les emplois-jeunes d'autres contrats aidés tels les CES -carrément supprimés dans beaucoup d'établissements scolaires alors qu'ils constituent une bonne possibilité d'insertion pour des personnes en grande difficulté. Mais les emplois-jeunes trouvent particulièrement leur limite sur le concept d'emploi émergent qui constituait pourtant le socle philosophique de votre démarche, Madame la ministre. On reste ébahi devant les ambassadeurs, agents d'ambiance et autres cavaliers verts, toutes appellations qui recouvrent des réalités plus triviales. L'Etat n'a pas joué son rôle de laboratoire de l'innovation sociale. Autre occasion manquée...

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Je suis sensible, Madame la ministre, à l'affirmation selon laquelle le développement de l'emploi passe par une meilleure formation des femmes et des hommes ainsi que par la réduction du temps de travail. Les actions en faveur des publics en difficulté sont un autre élément important de la politique que vous menez. Le développement du service public de l'emploi, aussi. Je souligne à cet égard la création de 10 postes d'inspecteurs du travail et de 135 postes de contrôleurs ; cet effort doit cependant être poursuivi afin de rattraper le retard accumulé dans le passé.

S'agissant de la réduction du temps de travail, j'observe que les crédits consacrés aux exonérations de cotisations sociales patronales augmentent de 10 % et représentent près d'un tiers du budget. J'observe aussi que la plupart des accords concernent les PME-PMI alors que ce sont a priori plutôt les grandes entreprises qui ont les moyens de mettre en oeuvre la réduction du temps de travail. Peu d'accords ont porté sur des actions de formation et, quand cela arrive, celle-ci est considérée comme ne devant plus faire partie du temps de travail.

Notre groupe se félicite que, contrairement à la logique d'affrontement que prône le CNPF ou Medef, des négociations soient engagées dans de nombreux secteurs. Mais nous déplorons que beaucoup de ces accords programment un gel des rémunérations et une modulation du temps de travail qui impose heures supplémentaires et travail du dimanche.

Le Gouvernement ne doit pas rester silencieux -et d'ailleurs ne le reste pas- face aux tentatives de dénaturer une loi qui unit étroitement réduction du temps de travail et créations d'emplois.

Plus de 100 000 emplois-jeunes ont été créés, beaucoup de leurs bénéficiaires ne peuvent avoir accès à des actions de formation leur permettant de pérenniser ces emplois. C'est notamment le cas dans l'Education nationale.

Par ailleurs, les licenciements économiques se poursuivent massivement et le grand patronat, s'il a changé de sigle, n'a pas changé de politique. C'est pourquoi les députés communistes demandent l'institution d'un moratoire des licenciements. Vous aviez d'ailleurs annoncé, Madame la ministre, le dépôt d'un projet de loi sur les licenciements. Porter à douze mois de salaire l'indemnité versée en cas de licenciement d'un salarié de plus de 50 ans nous paraît d'ores et déjà une bonne mesure et nous partageons votre souci que l'Etat ne supporte pas l'essentiel de la charge des plans sociaux décidés par les grandes entreprises. Mais nous désapprouvons la réduction des crédits consacrés aux préretraites, car cette mesure décevra beaucoup tous les salariés qui, effectuant un travail pénible, attendent avec impatience cette préretraite. Je demande donc au Gouvernement de bien y réfléchir. Nous croyons souhaitable d'abonder les crédits destinés à l'ARPE, dispositif qui, contrairement au FNE, maintient le niveau d'emplois.

Nous nous félicitons de la création d'un secrétariat d'Etat à la formation professionnelle, car celle-ci n'est pas un supplément d'âme mais bien un atout pour la croissance, et pour la création d'emplois. Mais permettre aux salariés de se former tout au long de leur vie implique une augmentation conséquente des crédits publics et privés. Contrairement aux exigences du CNPF, qui prône une reconnaissance exclusive des compétences du chef d'entreprise, il faut affirmer la place de la formation professionnelle continue dans le domaine de la négociation collective.

La formation professionnelle continue ne concerne qu'une vingtaine de milliers de salariés, surtout parmi les plus qualifiés. Chaque salarié du secteur privé peut espérer, en moyenne, 15 heures de formation par an. Chaque année, 50 000 à 80 000 jeunes sortent sans diplôme ni qualification professionnelle du système éducatif, et parmi les sorties post-bac, 200 000 à 300 000 n'ont pas de réelle formation professionnelle. Ces quelques chiffres témoignent de la nécessité de réactualiser la loi de 1971. Bien que l'ordre du jour de notre assemblée soit chargé, nous souhaiterions que cela se fasse rapidement. La réforme pourrait mettre en oeuvre quelques grandes orientations comme le droit pour tous à la qualification, ce qui implique un droit permanent à se qualifier. Il pourrait être financé à partir des actuels crédits de formation, des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, ainsi que par une mutualisation des financements. Un tel dispositif aurait l'avantage d'ouvrir les actions de formation aux salariés des petites entreprises. Autres axes souhaitables de la réforme : une obligation de formation de 10 % du temps travaillé, négociée avec les organisations syndicales ; la formation considérée comme temps de travail effectif ; la mise en place d'un système de validation des acquis professionnels et de certification des compétences. Un rôle important doit être conféré au service public d'éducation -l'AFPA, les GRETA, le CNAM, l'Université-, afin de contrer les dérives patronales vers la "marchandisation" de la formation.

Telles sont les remarques que je voulais formuler, Madame la ministre, afin que ce projet de budget réponde encore mieux aux aspirations des salariés, des privés d'emplois et des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Lindeperg - Force est de constater que le système actuel de formation professionnelle ne contribue pas à la réduction des inégalités. Selon que l'on habite dans une région du nord ou du sud, que l'on travaille dans une petite ou une grande entreprise, que l'on a une formation de niveau V ou II, que l'on dépend de l'agroalimentaire ou de l'énergie, que l'on est homme ou femme, les chances d'accéder à une formation professionnelle continue varient de 1 à 10, voire de 1 à 20 dans certains cas extrêmes. Sans trop grossir le trait, on peut dire que la formation va à la formation et que souvent, comme le disait un syndicaliste de mes amis : "on arrose là où c'est déjà mouillé".

S'agissant de l'emploi, trois moteurs ont été allumés : la croissance, les 35 heures, les emplois-jeunes. Reste à en allumer un quatrième, je veux parler de la formation professionnelle à laquelle il faut donner une nouvelle dimension. Faute de quoi, l'absence de main-d'oeuvre qualifiée risque de freiner la croissance. Alors que nous connaissons des mutations technologiques sans précédent, 40 % de la population active de notre pays a une formation initiale inférieure au CAP, contre 18 % en Allemagne. C'est dire l'importance de notre retard.

La loi de 1971 fut une grande loi qui plaça la France en tête des pays développés. Mais, vingt-sept ans plus tard, elle répond mal aux besoins de l'économie comme des salariés. Au fil du temps, notre système est devenu complexe et opaque. Le labyrinthe des dispositifs accumulés, le maquis des procédures et des financements, l'éparpillement des responsabilités, la jungle des sigles ont découragé les meilleurs volontés et la formation professionnelle est devenue l'affaire de quelques spécialistes. Il est urgent de faire une effort de simplification, de transparence, de préciser et d'actualiser les enjeux. Pour mieux répondre à l'attente des salariés, nous devons améliorer l'information et l'orientation, et prévoir une validation des acquis mieux adaptée.

La question centrale peut être formulée ainsi : comment mettre en oeuvre aujourd'hui les conditions de l'égalité d'accès des individus à la formation tout au long de leur vie ? Pour y répondre, nous devrons clarifier les compétences entre l'Etat, les conseils régionaux et les partenaires sociaux, améliorer la coordination entre les différents acteurs de la formation continue. De même, nous devrons mieux situer le rôle du service public -AFPA, GRETA, etc- par rapport au marché de la formation. Enfin, si les salariés, au fil du temps, ont imposé des systèmes de protection face aux accidents du travail, à la maladie, au vieillissement, il reste à construire un système d'assurance formation qui permette de faire face aux nouvelles formes d'organisation du travail, à l'obsolescence technologique et aux mutations professionnelles : on sait qu'un travailleur sur trois change de profession tous les cinq ans.

Ne confondons pas remise à plat et remise en cause : il appartient à l'entreprise d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, et tout ce qui relève de son plan de formation doit être comptabilisé sur le temps de travail. La réduction du temps de travail et le compte épargne temps ne doivent pas conduire à une régression, mais permettre au contraire d'avancer vers le droit à la formation pour tous.

Le budget de la formation professionnelle augmente en 1999 de 3,6 %. Cette augmentation, supérieure à celle du budget de l'Etat, traduit une volonté du Gouvernement en faveur de la qualification et de l'emploi. Je me félicite notamment de la redynamisation des services de l'emploi, des nouveaux moyens accordés à l'AFPA, de la création de trente nouvelles missions locales, de la forte augmentation des moyens de la lutte contre l'illettrisme et du doublement des crédits de l'insertion par l'activité économique. Notons deux innovations intéressantes : les programmes TRACE et l'ouverture des contrats de qualification aux adultes. Après un an d'expérimentation, il faudra faire un bilan. Je souhaite qu'on crée alors une ligne budgétaire spécifique, plutôt que de financer la formation des adultes sur le fonds de l'alternance jeunes.

L'Etat continue à s'investir fortement pour les formations en alternance avec 3 milliards pour les contrats de qualification et 9,3 milliards pour l'apprentissage. Cet effort doit être orienté vers ceux qui en ont le plus besoin. L'objet du contrat de qualification est de donner une qualification à ceux qui n'en ont pas ; or 43 % des contrats de qualification seulement sont égaux ou inférieurs au niveau V. La majorité concerne donc des jeunes qui ont un niveau supérieur au CAP-BEP. Les statistiques le montre : ces six dernières années, la part des niveaux IV et supérieurs, c'est-à-dire au-dessus du bac, a augmenté de 21 % ; à l'inverse, les niveaux V bis et VI ne représentent plus que 8,4 % des contrats de qualification en 1997. Le ratio est certes différent pour l'apprentissage, mais celui-ci n'est pas un mode d'insertion sociale : c'est un mode de formation initiale, et il doit le rester.

Le principe des formations en alternance est de moins en moins contesté. Depuis quinze ans, l'éducation nationale elle-même s'est beaucoup rapprochée des entreprises. Mais l'apprentissage est loin de répondre à l'attente de beaucoup de jeunes. Un quart des contrats sont rompus avant leur terme et près d'un tiers des contrats achevés ne débouchent pas sur un emploi. Des avancées qualitatives sont donc nécessaires. Il faut structurer mieux le tutorat et mieux articuler le CFA et l'entreprise.

Nous sommes favorables à l'alternance comme pratique pédagogique adaptée à une qualification professionnelle. Mais elle n'est pas nécessairement la mieux adaptée à tous les jeunes et à tous les métiers. L'apprentissage n'est pas "la" réponse à l'emploi des jeunes, mais une réponse parmi d'autres : c'est l'ensemble des formations en alternance que nous devons conforter, en recentrant les aides financières au bénéfice des jeunes qui se situent au-dessous du baccalauréat.

Les jeunes nés en France, de parents eux-mêmes de plus en plus souvent nés sur notre sol, ont les plus grandes difficultés à trouver une entreprise d'accueil et un maître d'apprentissage, au seul motif qu'ils ont un nom à consonance étrangère ou qu'ils sont issus d'un quartier à problèmes. Actuellement, le nombre de jeunes accueillis dans l'enseignement technique du CAP au baccalauréat professionnel, soit 40 %, est équivalent au total de jeunes apprentis, 23 %, et de stages de qualification, 17 %. Mais cet équilibre apparent recouvre des différences de recrutement qui n'ont rien à voir avec les compétences des jeunes. Nous devons regarder cette réalité en face, pour éliminer toute discrimination et donner à chacun sa chance.

Un mot à propos des prélèvements successifs sur l'AGEFAL. Cette démarche initiée par M. Juppé et poursuivie, j'allais dire malheureusement, par l'actuel Gouvernement...

M. Germain Gengenwin - Vous avez raison !

M. Gérard Lindeperg - Cette démarche met en cause la marge d'autonomie des partenaires sociaux et la finalité de ces fonds, qui est la formation des jeunes en alternance et non l'ajustement du budget de l'Etat.

Aujourd'hui, avec l'évolution technologique, le niveau des connaissances devient un facteur essentiel du développement. En outre, la progression du temps libéré va ouvrir de nouveaux espaces : l'éducation et la formation doivent favoriser une citoyenneté mieux assumée. La formation permanente doit donc enfin trouver sa pleine signification, et la formation initiale doit être repensée dans cette perspective. Il faut remettre en cause le découpage du temps de la vie en séquences trop étanches : formation, travail, retraites. Je souhaite donc qu'une collaboration étroite entre le Gouvernement et notre assemblée nous permette, au cours de l'année qui vient, d'apporter des réponses à la hauteur de ces enjeux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Ollier remplace M. Cochet au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

M. François Goulard - Je ne commenterai pas la progression globale de ce budget, qui est de 4 %, ni la régression de telle ou telle ligne : ces exercices obligés du débat budgétaire n'ont pas vraiment d'intérêt. La discussion budgétaire aura un sens le jour où nous pourrons soumettre les politiques publiques dont nous votons les crédits à une analyse coût-efficacité.

Concernant la formation professionnelle, et particulièrement l'apprentissage, je veux évoquer le déjà fameux article 80 du projet de loi de finances. Il tend, nous dit l'exposé des motifs, à recentrer le financement de l'apprentissage en faveur des publics prioritaires de la politique de l'emploi. En clair, il s'agit d'exclure du soutien les maîtres d'apprentissage qui embauchent des apprentis de niveaux IV et supérieurs. Un amendement de Jacques Barrot devrait nous épargner l'application de cet article. Mais celui-ci traduit une orientation inquiétante de la part du Gouvernement, à l'heure où celui-ci annonce une réforme de la formation professionnelle. Inquiétude accrue par le fait que cette décision n'a été précédée d'aucune concertation avec les milieux professionnels, contrairement au credo gouvernemental ; les chambres de métiers, acteurs déterminants de l'apprentissage, n'ont pas été consultées.

Sur le fond, l'apprentissage est une voie qu'il faut promouvoir y compris pour les qualifications élevées. Le fait qu'il intervienne pour des formations supérieures est réjouissant et ne peut que tirer vers le haut l'ensemble des formations.

Dans le même sens, nous déplorons qu'un décret du 12 octobre ait supprimé la prime à l'embauche pour les contrats de qualification conclus à des niveaux supérieur au CAP. C'est la même idée de ciblage, marque d'une approche bureaucratique. Elle répond à un souci budgétaire, car une mesure est d'autant moins coûteuse qu'elle est plus ciblée. Mais elle traduit surtout la volonté de puissance de l'administration, qui veut régir les réalités économiques et sociales, en négligeant dans sa myopie les effets de seuil, d'éviction et autres effets pervers qui en résultent et en se concentrant sur ce qu'elle veut bien voir...

J'en viens aux crédits qui accompagnent la loi du 13 juin 1998 sur la durée du travail. A ce titre sont inscrits 3,7 milliards, pour un objectif théorique de 40 000 emplois. On sait que le résultat actuel est de 3 000 à 4 000 emplois créés ou sauvegardés. A noter qu'en 1998 la croissance aura créé 260 000 emplois. A ces 3,7 milliards s'en ajoutent 3 autres au titre de la loi Robien. On ne peut s'empêcher ici de penser à l'incident regrettable qui a marqué l'application de cette loi par l'entreprise VVF, dont le dirigeant, ancien responsable de la CFDT, a annoncé, après avoir encaissé les subventions, qu'il allait procéder à des licenciements massifs.

Nous avions reproché à la loi du 13 juin 1998 de laisser trop peu de champ à la négociation collective, à laquelle elle appelle dans son article 2. Les négociations qui se sont engagées entre les partenaires sociaux portent sur l'annualisation -c'est une très bonne chose- et sur le contingent d'heures supplémentaires -comment s'en étonner ? Mais, spectacle peu digne, nous voyons des accords soumis, Madame la ministre, à votre censure morale : pour vous, il y a les bons accords et les mauvais, qualifiés de "virtuels". Or les commentateurs spécialisés constatent qu'il y a en réalité fort peu de différences de contenu.

Mme la Ministre - Il suffit de lire !

M. François Goulard - Quant les représentants patronaux font des concessions verbales à la politique du Gouvernement, ils sont cités au tableau d'honneur ministériel ; quand ils ont le tort d'exprimer publiquement des critiques, vous les vouez aux gémonies. Il est vrai, comme le disait Camus, mon auteur préféré, qu'"être libre de ses humeurs est le privilège des grands fauves".

Mme Dominique Gillot - Oh !

Mme la Ministre - La loi est la loi !

M. François Goulard - Ce ne sont pas vos communiqués de victoire qui me convaincront de la validité des chiffrages sur les emplois créés ou sauvegardés. L'idée de sauvegarde des emplois relève de la déclaration : c'est le chef d'entreprise qui affirme pouvoir sauver tant d'emplois en réduisant le temps de travail ; en outre, la sauvegarde peut être toute théorique, comme le montre l'exemple de VVF. Quant aux emplois créés, ne l'auraient-ils pas été en tout état de cause ? Les chefs d'entreprise ne font alors que bénéficier d'effets d'aubaine.

Cette notion floue d'emplois créées ou sauvegardés risque d'être utilisée, de manière comptable, pour faire payer la Sécurité sociale et d'autres organismes ; ainsi l'UNEDIC a exprimé récemment ses craintes d'avoir à contribuer à la politique des 35 heures. Ajoutons qu'un emploi dit "créé" n'équivaut pas forcément à un chômeur de moins.

Les créations d'emplois sont bien le sujet dont on parle le moins à propos de ces accords. La baisse du chômage tient à la conjoncture ; à cet égard, nous sommes très en dessous de la moyenne européenne : nos voisins bénéficient plus que nous de l'amélioration de la situation.

Mme la Ministre - Ce n'est pas vrai.

M. François Goulard - Je voudrais évoquer en terminant le dispositif Delalande, consistant à pénaliser les licenciements de salariés âgés de plus de 50 ans dans les entreprises de plus de vingt salariés. L'idée est apparemment généreuse, mais le renforcement de ce dispositif aura des effets pervers : il va pénaliser les salariés de plus de quarante ans, que les entreprises craindront d'embaucher.

Je conclurai en disant que seul un marché de l'emploi plus libre permettrait de ne pas vicier le comportement des entreprises et d'offrir à chacun sa chance de trouver un emploi. Mais à cet égard, Madame la ministre, je ne m'attends pas de votre part à la moindre compréhension ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme la Ministre - Sur ce point, vous avez raison !

M. Germain Gengenwin - La progression des crédits de l'emploi et de la formation professionnelle, que personne ne nie, n'est pas forcément une raison suffisante pour approuver le budget. Au-delà de ces chiffres, j'ai de nombreuses inquiétudes et interrogations.

Première inquiétude : la remise en cause de la prime d'embauche pour les contrats d'apprentissage et de qualification. Vous voulez en fait favoriser d'autres dispositifs de formation, comme le prouvent l'article 80 de la loi de finances et le décret du 12 octobre dernier.

L'article 80 vise à recentrer la prime à l'embauche des apprentis sur les niveaux V, V bis et VI, c'est-à-dire les plus bas ; les entreprises ne sont plus incitées à former des apprentis de haut niveau de qualification.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - C'est bien dommage.

M. Germain Gengenwin - On redonne ainsi à l'apprentissage l'image contre laquelle nous avions voulu lutter en votant la loi de 1987.

M. François Goulard - Grave erreur !

M. Germain Gengenwin - Depuis, nous avions réussi à redonner à cette filière ses lettres de noblesse. Vous allez anéantir tous les efforts entrepris depuis des années, y compris par votre majorité du temps de Mme Cresson. Ayant été rapporteur de la loi de 1987, qui a ouvert l'apprentissage aux métiers à haute qualification, je ne peux vous suivre dans cette voie. J'ai donc déposé un amendement à l'article 80.

Par le décret du 12 octobre, vous avez procédé à la même opération de recentrage sur les basses qualifications pour le contrat de qualification ; la prime à l'embauche est supprimée pour les contrats débouchant sur un diplôme supérieur au CAP. Je vois, là aussi, la volonté délibérée de casser un dispositif qui marche bien.

Ces deux mesures inquiètent beaucoup les entreprises et les élus. Elles ont été prises sans aucune concertation et sans réflexion globale sur la formation en alternance des jeunes. Je ne comprends pas votre précipitation à modifier les dispositifs concernant la formation en alternance, alors qu'une réforme globale de notre système de formation est annoncée.

Deuxième motif d'inquiétude : les contrats de qualification des adultes. En mai dernier, je vous avais interrogée sur le financement du dispositif et sur la participation de l'AGEFAL. Vous m'avez répondu que les partenaires sociaux étaient d'accord, mais je n'ai pas ce sentiment. Ainsi la CFTC affirme que "le financement de la mesure sur les fonds de l'alternance obère l'avenir du contrat de qualification pour les moins de 26 ans, car il représente une ponction supplémentaire sur des financements qui ne sont pas extensibles".

L'UPA est tout aussi sceptique et affirme que "les OPCA de l'artisanat n'ont pas la capacité financière d'accompagner une telle démarche".

Le Medef est également réservé et craint un désengagement de l'Etat.

J'en viens à mes interrogations.

La réforme de la loi de 1971, est, semble-t-il, prévue pour juin 1999. Quel en sera le contenu ? Les résultats de la réflexion du Gouvernement devaient être présentés au Parlement début novembre. Qu'en est-il ? Il semblerait que le Gouvernement envisage à cette occasion de réformer la collecte de la taxe d'apprentissage ? Est-ce le cas ? Que comptez-vous proposer ? Dans le budget pour 1999, vous avez prévu 20 millions pour financer des actions expérimentales en vue d'engager la réforme de la formation professionnelle. De quoi s'agit-il ?

La réforme des charges patronales de sécurité sociale doit intervenir avant le 1er septembre 1999. Qu'en est-il ? Qu'adviendra-t-il de la ristourne dégressive sur les bas salaires ?

Quel est l'état d'avancement des consultations entreprises par le Gouvernement sur ce sujet ?

Allez-vous reconduire l'ARPE, qui arrive à expiration au 31 décembre ?

La création d'un SMIC bis a été annoncé il y a quelques mois. Quel est l'état d'avancement de la concertation ? Dans quels délais comptez-vous instaurer cette rémunération minimale ?

Vous avez prévu 3,5 milliards pour indemniser la Sécurité sociale de la perte de ressources due aux 35 heures. Je crains que cela ne suffise pas, car la réduction du temps de travail ne suscite guère d'emplois dans nos régions !

Je souhaiterais par ailleurs savoir comment vous justifiez l'amputation de 206,4 millions des crédits destinés à l'allocation spécifique pour privation partielle d'emploi et la réduction de 39 % de la participation de l'Etat au financement des préretraites.

Quelle est la mission exacte de l'ANACT et son devenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Muguette Jacquaint - La loi sur la réduction du temps de travail à 35 heures est un espoir pour des milliers de femmes : celles qui travaillent aspirent à plus de temps pour leurs familles et celles, nombreuses, qui sont touchées par le chômage, sont intéressées par les créations d'emplois.

La précarité du travail est le corollaire du chômage. Tout démontre que l'un alimente l'autre. Les politiques des pays anglo-saxons, souvent montrées en exemple, ont imposé la précarité et créé une nouvelle appellation, "le travailleur pauvre". Ce n'est pas le chemin à suivre.

Avec la reprise de la croissance, le nombre des emplois précaires tend à s'accroître très fortement.

Alors que l'emploi salarié progressait de 9 %, de 1983 à 1988, le nombre d'emplois précaires a quadruplé. Plus d'un salarié sur dix occupe aujourd'hui un emploi précaire. D'autre part, le travail à temps partiel s'est très fortement développé et concerne aujourd'hui 18 % des salariés, principalement des femmes : 29 % d'entre elles travaillent à temps partiel, contre seulement 5 % des hommes.

Leurs salaires sont souvent très bas ; 80 % des salariés qui gagnent moins de 4 800 F sont des femmes. Les conditions de travail sont pénibles. La grande distribution s'est engouffrée dans ce dispositif. Les conditions de travail, qui font de la salariée une marchandise, sont dénoncées avec véhémence par les intéressées et leurs organisations syndicales.

L'explosion du temps partiel est due aussi à la mise en place d'aides financières, notamment les exonérations de cotisations sociales patronales. L'année 1997 a vu les entreprises cumuler l'abattement de 30 % pour l'embauche à temps partiel et les exonérations sur les salaires inférieurs à 1,33 SMIC. La réduction peut atteindre près de 20 % du coût du travail.

Au début de cette année, ce dispositif a été modifié et la loi sur la réduction du temps de travail a relevé de 16 à 18 le nombre d'heures ouvrant droit aux exonérations. Ces aménagements ont freiné, sans l'arrêter, la hausse du temps partiel.

Pour la moitié des salariés, il s'agit d'un temps partiel imposé. Souvent, les horaires de travail sont éclatés et incompatibles avec la vie familiale.

D'autre part, l'intérim croît fortement et ce n'est pas, comme certains peuvent le penser, une étape vers un emploi stable.

Alors qu'en 1991 35 % des salariés en CDD, contrat d'intérim ou contrat aidé, trouvaient un emploi stable l'année suivante, ils ne sont plus que 29 % en 1997.

M. Jean Ueberschlag - C'est un véritable réquisitoire !

Mme Muguette Jacquaint - Les aides gouvernementales à l'emploi ne peuvent avoir pour seul but la baisse du coût du travail. Elles doivent viser non seulement à la création d'emplois, mais aussi à la transformation des emplois précaires en emplois stables.

Je ferai trois propositions en ce sens. Les aides et réductions de cotisations sociales ne devraient-elles pas s'appliquer uniquement aux emplois qui sont transformés, au bout d'un certain temps, en emplois stables ? Pour le travail à temps partiel, ne faudrait-il pas réglementer la notion d'heures complémentaires ? Enfin, ne devrait-on pas obliger les employeurs à modifier les contrats en fonction des heures réellement effectuées ?

J'ai voulu me faire l'écho de ces préoccupations concernant le travail précaire et partiel, car c'est l'un des enjeux de la réussite de l'action contre le chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Gaëtan Gorce - L'emploi est, avec la sécurité, la première préoccupation des Français.

Depuis dix-huit mois, sous votre impulsion, Madame la ministre, notre assemblée n'a pas ménagé sa peine : emplois-jeunes, réduction négociée du temps de travail, loi contre l'exclusion ont été débattus, votés et mis en oeuvre avec détermination. Ce budget respecte scrupuleusement les engagements financiers que vous avez pris : il y a donc continuité entre vos paroles et vos actes et cela mérite d'être souligné.

Les premiers résultats sont là, les derniers chiffres du chômage en attestent. La mise en oeuvre de la loi sur l'exclusion se fait par ailleurs en parfait accord et en concertation avec nos principaux interlocuteurs. Celle de la loi sur la réduction du temps de travail se traduit aujourd'hui par une signature régulière d'accords de branche et d'accords d'entreprise. A ce sujet, M. Goulard ayant cité Camus, je lui rappelle que, dans son discours de Stockholm, son auteur préféré a dit : "L'artiste chemine entre deux abîmes, l'emphase et la futilité".

Après s'être ainsi dotée des instruments d'une politique active de création d'emplois, notre majorité devra aussi s'attacher à mieux protéger les droits de ceux qui occupent ou retrouvent un emploi. La reprise s'accompagne en effet de dérives préoccupantes.

Si l'on peut admettre que les emplois précaires soient le premier sas vers l'embauche, il n'est pas acceptable qu'ils deviennent un moyen usuel de gestion des effectifs sur de longues périodes.

Le nombre de salariés intérimaires a augmenté de 15 % d'octobre 1997 à octobre 1998 et de 25 % sur les dix derniers mois. A tout le moins, il faudrait renchérir le coût du recours à l'intérim ou au CDD lorsqu'il est utilisé de manière permanente et améliorer la couverture chômage de ces salariés.

La reprise de l'activité s'est accompagnée, et nous nous en réjouissons, d'une diminution spectaculaire du nombre des licenciements économiques qui tendent désormais à se concentrer sur quelques grands secteurs industriels ou géographiques. Vous avez annoncé un alourdissement de la contribution Delalande et nous nous en félicitons. Vous avez également resserré les conditions de recours aux conventions FNE et donc aux préretraites : de fait, les exemples cités par nos collègues doivent inciter à la vigilance.

Mais une modernisation de notre législation sur les licenciements économiques est également indispensable. Il est inacceptable que des entreprises en bonne santé licencient brutalement et sinistrent ainsi un bassin d'emploi sans avoir à en payer les conséquences. Cette législation devrait encourager la gestion prévisionnelle des effectifs et l'association des salariés à toutes les négociations.

Enfin, votre ministère peut contribuer au développement des territoires. Il est nécessaire de déconcentrer les moyens et de les adapter aux bassins d'emploi. La mise en plan des PLIE, la globalisation des crédits vont dans ce sens. Mais ne faut-il pas voir aussi l'organisation des services publics de l'emploi, dans le cadre du pays par exemple ? Les contrats de plan pourraient servir à introduire de telles améliorations.

A travers l'emploi, c'est l'avenir de chacun qui est en jeu. Le droit du travail, sans être rigide, doit répondre aux aspirations à la sécurité. Si l'on demande aux salariés de faire un effort de qualification et de productivité, il faut assurer en contrepartie le dialogue social et corriger les abus par le droit. En travaillant pour l'emploi, ne perdons pas de vue l'avenir du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Perrut - Ni la croissance ni les mesures pour l'emploi n'ont encore fait reculer la misère. 800 000 foyers ont déposé une demande auprès des fonds d'urgence sociale. Au-delà de la conjoncture, les mesures gouvernementales ont pu avoir un effet sur la baisse du chômage, mais de façon artificielle, non du fait d'une politique économique.

Les emplois-jeunes représentent à terme une dépense de 35 milliards. Ce n'est pas la mesure la plus adaptée. Le bilan de 128 000 emplois ne correspond pas aux attentes, et 35 000 sont dans l'Education nationale. Mais s'agit-il vraiment de nouveaux emplois, en dépit de noms pittoresques ? Et que deviendront ces jeunes dans cinq ans ? Certes, tout n'est pas négatif et les postes d'agent d'ambiance dans les bus, par exemple, sont intéressants. Par ailleurs, ces emplois sont offerts aux plus qualifiés, sans compter que la formation et l'encadrement ne sont pas toujours à la hauteur.

S'agissant du dispositif TRACE, pourquoi accorder 12 000 F par jeune aux opérateurs externes contre 528 F aux missions locales ? Ces responsables se plaignent de la lourdeur du dispositif et du caractère trop administratif des critères. Beaucoup de jeunes ne sont pas inscrits à l'ANPE. Ils ont le droit d'être suivis, mais comment entreront-ils dans les dispositifs prévus ? Beaucoup sont déçus et ne croient plus en rien.

D'autre part, les chômeurs de longue durée représentent toujours un chômeur sur trois, et l'ensemble néglige les quinquagénaires. Quel gaspillage de compétences !

Il n'y a pas de solution miracle contre le chômage, mais des milliers de solutions grâce aux initiatitives sur le terrain. L'emploi dépend de l'entreprise. Aidez plus ceux qui veulent entreprendre. Sur 2,5 millions de Français qui souhaitent créer leur entreprise, 500 000 développent un projet chaque année et 180 000 seulement passent à l'acte. Il faut aider la création, développer le capital-risque, ouvrir les entreprises aux jeunes. Beaucoup ont des difficultés pour obtenir un stage dans une formation en alternance. Qu'envisagez-vous pour améliorer l'accueil dans les entreprises ?

M. Gérard Lindeperg - Il faudrait d'abord que les chefs d'entreprise soient plus accueillants !

M. Bernard Perrut - Quant à l'apprentissage, il n'est pas souhaitable de modifier son financement alors qu'on projette de réformer l'ensemble de la formation professionnelle. Pourquoi décourager l'apprentissage en n'attribuant pas la prime à l'embauche ? Ces jeunes sont les futurs repreneurs des entreprises artisanales...

Je voudrais, enfin, évoquer la situation des handicapés, qui me tient à coeur. Le 14 novembre commence la semaine pour l'emploi des personnes handicapées. Celles qui cherchent un emploi restent deux fois plus longtemps au chômage que les valides. Leur taux d'occupation plafonne à 4 % des effectifs. Il faut une politique dynamique pour relancer l'effort. Je souhaiterais un engagement de votre part sur ce point.

M. Yves Cochet - Développer l'emploi, lutter contre le chômage, assurer plus de justice sociale et fiscale sans augmenter l'endettement, les députés verts sont d'accord avec ces objectifs du Gouvernement à moyen terme. Ils se félicitent des moyens que vous obtenez et voteront votre budget.

Mais je souhaite faire quelques remarques et développer quelques perspectives parfois différentes des vôtres.

Nous sommes très favorables aux emplois-jeunes. Les crédits augmentent de 5,9 milliards en 1999. Très bien. Mais les créations sont surtout le fait des ministères, peu des collectivités locales et des associations. Or c'est avant tout de ces dernières, les PME du social, que dépend l'avenir des emplois-jeunes, et plus généralement des emplois d'utilité économique et sociale. D'autre part, pour la pérennisation de ces emplois, nous ne sommes pas des fétichistes de la fonction publique. Il faut organiser un nouveau type d'emplois, mi-publics mi-privés, les emplois de l'économie solidaire...

Nous sommes extrêmement favorables à la loi sur la réduction du temps de travail. C'est à nos yeux la loi la plus importante de la législature et l'instrument principal pour faire reculer le chômage... On dit que c'est avant tout la croissance qui va procurer de l'emploi. Mais la croissance peut se ralentir et, dans tous les cas, la réduction du temps de travail sera l'outil le plus efficace. Je me félicite moi aussi du nombre d'accords déjà signés. Mais il faut aussi en apprécier la qualité. Ainsi les accords dans la métallurgie et le BTP sont mauvais. Les grands syndicats ont eu raison de ne pas les signer. Ils visent à démolir le code du travail. L'habileté de l'UIMM, c'est de vider la loi de son contenu pour aboutir à une négociation de gré à gré chère au libéralisme et qui renforce l'exploitation. Nous aurions souhaité une loi plus normative. La seconde loi devra mieux cadrer la représentation du personnel et les heures supplémentaires -c'est là le point sensible qui déterminera le succès ou l'échec de la loi sur la réduction du temps de travail. Nous y serons très attentifs.

S'agissant des minima sociaux, nous sommes favorables à une attribution sans conditions, à leur relèvement et à une unification dans un revenu de citoyenneté étendu aux moins de 25 ans. On nous répond que c'est créer une société d'assistance. Non. Le jeune qui pourra ainsi prendre son autonomie au lieu de rester chez ses parents deviendra socialement adulte et certainement plus actif pour chercher une formation. On se lamente sur la faible efficacité de l'insertion des RMistes. Il faut responsabiliser les jeunes. En outre, l'Etat y gagnerait sur le plan fiscal si ces jeunes faisaient une déclaration séparée.

La moitié de votre budget -80 milliards- est consacrée à l'allégement des charges sociales. Est-ce vraiment efficace ? Mieux vaudrait transférer progressivement leur assiette de la masse salariale vers la valeur ajoutée.

Un montant minimal de 5 000 F par mois doit être garanti à tout bénéficiaire de l'ASA -allocation spécifique d'attente. Ce dispositif devrait par ailleurs être étendu à tous les salariés ayant cotisé durant quarante ans.

Enfin, alors que vous proposez de créer 500 postes pour l'ANPE, nous préférerions que l'on en crée seulement 400 à son bénéfice et que l'on en réserve 100 aux associations de défense des chômeurs afin d'améliorer leur participation aux comités de liaison départementaux.

Le président de la commission a exhibé tout à l'heure les rapports parlementaires, d'excellente qualité, sur les emplois-jeunes et les 35 heures. Permettez-moi de vous conseiller, mes chers collègues, un excellent ouvrage qui vient de sortir aux éditions de l'Atelier Négocier la réduction du temps de travail. Il contient d'excellentes propositions pour négocier de bons accords -ils ne le sont pas tous actuellement- et élaborer la seconde loi. Nous sommes prêts à y travailler (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président de la commission - Offrez-moi cet ouvrage, Monsieur Cochet.

M. Yves Cochet - Je le ferais volontiers, mais son auteur, Michel Minet, me l'a dédicacé (Sourires)...

M. Michel Destot - Pour lutter contre le chômage, notre majorité a créé les emplois-jeunes, institué les 35 heures et adopté diverses mesures qui contribuent au soutien de la croissance et les premiers résultats de cette politique se font sentir. Pour lutter contre l'exclusion, la loi du 29 juillet dernier prévoit un dispositif global qui vise à enrayer la spirale qui conduit du chômage à l'exclusion, d'autant plus choquante qu'elle touche beaucoup de jeunes.

Le programme TRACE prévoit un accompagnement personnalisé vers l'emploi, avec couverture sociale, d'une durée maximale de 18 mois, destiné aux jeunes confrontés à de graves difficultés sociales, familiales ou sortis du système éducatif sans diplôme ni qualification. L'objectif est ainsi de prendre en charge 40 000 jeunes, reprenant donc cette idée originale formulée initialement par Bertrand Schwartz.

Pour lutter efficacement contre l'exclusion, il convient, nous le savons d'expérience, de dépasser la logique de guichet ainsi que les clivages traditionnels entre emploi et formation, insertion professionnelle et insertion sociale. Tous les acteurs de terrain doivent se mobiliser vers un seul objectif : trouver aux jeunes un emploi durable qui, partant, ne saurait se situer dans la seule sphère sociale ni encore moins dans l'administration. Ils y seront d'ailleurs poussés par les jeunes eux-mêmes qui aspirent tous à une synthèse entre l'économique, le social et l'écologique comme entre le public et le privé.

Le réseau des missions locales et des PAIO aura la responsabilité du pilotage du programme TRACE. C'est une chance, car avec près de 700 structures et plus de 6 000 salariés, ses antennes reçoivent annuellement plus d'un million de jeunes, dont 400 000 nouveaux chaque année. Les missions locales constituent un outil original dans le champ de l'insertion, un niveau de subsidiarité propre inspiré par un double souci de complémentarité et de partenariat.

Leur réseau doit cependant être réaménagé et développé. Je m'y emploierai en tant que président du Conseil national des missions locales. Le champ d'intervention des missions locales doit désormais être celui du bassin de vie ou d'emploi. Nous y travaillons en partenariat avec la délégation interministérielle à l'emploi des jeunes. Le réseau doit également être réparti de manière plus homogène sur le territoire. Trente nouvelles antennes pourront être créées grâce à l'augmentation de 13,5 % des crédits affectés au réseau d'accueil.

90 millions de francs sont consacrés en 1999 au programme TRACE. 230 postes ont d'ores et déjà été créés en 1998, cofinancés par l'Etat et les collectivités locales. L'objectif est de 700 postes à terme. Leur financement pose toutefois deux problèmes. D'une part, toutes les régions feront-elles l'effort nécessaire ? Je proposerai pour ma part, pour pallier toute difficulté, d'inscrire cette obligation dans les contrats de plan Etat-régions afin que certains conseils régionaux ne se défaussent pas de leurs responsabilités en matière de formation professionnelle et de politique de la ville. D'autre part, l'effort de l'Etat, substantiel, sera-t-il pérenne ? Je le souhaite.

60 millions sont également prévus en 1999 pour le financement des opérateurs externes du programme TRACE. A cet égard, je tiens à vous faire part des réserves du Conseil national des missions locales sur le recours généralisé à ces opérateurs. Pourriez-vous nous apporter des éclaircissements sur leur rôle ?

Nous pourrons en reparler à l'occasion de la conférence nationale des présidents de missions locales et de PAIO début 1999.

Outre le programme TRACE, les crédits de l'emploi affectés aux publics prioritaires permettront de financer 10 000 contrats de qualification et le renforcement des actions d'insertion par l'économique.

La lutte pour l'emploi et contre les exclusions est au coeur du contrat que nous avons passé avec les Français. Sans prétention et sans relâcher notre vigilance, nous pouvons affirmer qu'avec ce gouvernement, nous sommes sur la bonne voie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Dominique Gillot - Développer l'emploi grâce aux emplois-jeunes et aux 35 heures, concentrer les aides publiques sur les publics qui rencontrent le plus de difficultés, renforcer les moyens de la formation professionnelle et du service public de l'emploi : telles sont les priorités de ce budget qui rompt avec l'approche traditionnelle du traitement social du chômage.

Les handicapés, qui rencontrent des difficultés particulières pour accéder au marché du travail, ne bénéficient pourtant pas d'une attention suffisante. L'amendement du Gouvernement instaurant une exonération totale des cotisations patronales pour les prestataires à but non lucratif qui salarient les aides à domicile s'occupant de personnes handicapées dépendantes permettra de solvabiliser et de développer ces activités.

En fixant à 20 % au moins le nombre de titulaires d'un emploi-jeune, résidant dans des quartiers en difficulté, le Gouvernement a marqué sa volonté de lutter contre les principales sources de l'exclusion. Mais les jeunes handicapés n'entrent pas dans ces priorités. Ils ont pourtant encore plus de difficultés que d'autres à accéder à un premier emploi, même si la loi de 87 prévoit que l'embauche d'un jeune de moins de 25 ans compte pour une demi-unité supplémentaire.

Il conviendrait aussi, pour les handicapés plus âgés, de revoir l'article 83 du projet de loi de finances aux termes duquel les bénéficiaires de l'AAH de plus de 60 ans sont déclarés inaptes au travail. Cette mesure relève en effet davantage d'une logique d'assistance que d'insertion.

Concentrer l'aide publique sur les publics les plus en difficulté exige de dépasser la logique de guichet qui conduit à un saupoudrage des crédits. Les CEC, les CES et le programme TRACE ne concerne que les personnes handicapées bénéficiaires de l'AAH, excluant les handicapés "autonomes".

Alors qu'à peine plus de 631 000 personnes reçoivent l'AAH, près de 3,5 millions souffrent d'un handicap grave, et plus de 5 millions sont touchés par un handicap qui constitue pour elles une gêne au quotidien. On ne retrouve pas ces proportions dans le dispositif des CES et des CIE où on ne compte que 11 % et 10,3 % de handicapés.

La mise en place de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par les COTOREP a permis l'embauche de nombreux jeunes handicapés et constitue une réponse ponctuelle au problème d'insertion professionnelle d'un public pourtant trop restreint. On ne peut se contenter de ces quotas mal respectés, même si l'extension des programmes départementaux d'insertion des travailleurs handicapés conduira à une augmentation des orientations en milieu ordinaire.

L'insertion des handicapés plus lourds ne peut se résumer à la création de places en établissements spécialisés. Beaucoup aspirent légitimement à une autonomie de vie citoyenne. Qu'ils soient exclus du dispositif des CEC et CES y fait obstacle. Il n'est pas rare que des personnes, alors même qu'elles ont dépassé leur handicap et acquis une expérience professionnelle, se voient refuser un emploi au motif qu'elles sont reconnues comme handicapées et ne peuvent bénéficier d'emplois aidés.

La création de 500 places en ateliers protégés est bienvenue, mais elle n'est que l'un des volets d'une politique globale en faveur des personnes handicapées dont nous devons respecter les aptitudes à la vie en société et les compétences acquises au-delà du milieu familial et protégé. La logique de ce budget participe d'une volonté de traiter en amont les exclusions liées aux handicaps pour faciliter l'accès à la vie professionnelle par l'intégration scolaire, l'amélioration de l'enseignement dans les établissements spécialisés et le renforcement de la formation professionnelle.

S'agissant des handicaps sensoriels, l'essentiel des dépenses est toujours supporté par l'assurance maladie, d'une part, d'autre part, par les fonds privés, collectés et redistribués par l'AGEFIPH.

20 000 enfants, souvent autistes ou polyhandicapés, vivent encore la totalité du temps dans leur famille. Il conviendrait de créer les services d'éducation spéciale et de soins à domicile ainsi que les services de suite nécessaires.

Les moyens supplémentaires mis à la disposition du service public de l'emploi doivent rendre lisible la volonté gouvernementale de lutte contre les exclusions liées au handicapé. Il faut recruter des handicapés dans les équipes d'accueil et de conseil des ANPE, mais aussi des missions locales et des PAIO.

Quel n'est pas le désarroi des sourds et des déficients auditifs de n'avoir pas accès au service public de l'emploi faute d'interlocuteurs sensibilisés, compétents, ou de dispositifs permettant de surmonter le déficit de communication. Le public handicapé exige une attention, un suivi dans tous les services publics.

La volonté affichée d'une mise en réseau dans le cadre du plan national pour l'emploi devrait être étendue aux organismes chargés du handicap, encore trop dispersés et sans cohérence.

En conclusion, je crois nécessaire de renforcer la formation initiale pour permettre l'insertion en milieu ordinaire, de lutter contre les discriminations à l'emploi, de créer des structures capables de répondre aux attentes et aux aptitudes d'un public, souvent exclu de l'information et cantonné dans une logique d'assistance.

Prendre conscience que les difficultés rencontrées, pour accéder au marché du travail, par les jeunes, les chômeurs de longue durée et les personnes sans qualification sont amplifiées par un handicap physique ou sensoriel doit nous conduire à accentuer le soutien de la puissance publique aux personnes handicapées, de façon à leur garantir dans la société, la place qu'elles revendiquent à juste titre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle - Le noyau dur du budget de la formation professionnelle s'élève en 1999 à 26,4 milliards, ce qui représente une hausse de 5,3 % par rapport à 1998.

L'essentiel de cette hausse porte sur le financement des formations en alternance. Le Gouvernement est en effet déterminé à augmenter le nombre de contrats d'apprentissage et de qualification, car ces dispositifs offrent de véritables chances de qualification et d'insertion professionnelle aux jeunes qui en bénéficient. Qu'on en juge : au terme de leur contrat de qualification, près de 62 % des jeunes ont obtenu un diplôme ou une validation de leur formation, et près de 70 % d'entre eux occupent un emploi. De janvier à septembre 1998, les contrats d'apprentissage ont crû déjà de 3,5 %, les contrats d'adaptation de 9 %, ceux de qualification de 12 % et ceux d'orientation de 68 %. Porter à 130 000 le nombre de contrats de qualification constitue donc une prévision réaliste et représente un montant d'intervention de 2,95 milliards. Par ailleurs, contrairement à la pratique des années précédentes, les primes à l'embauche seront dûment inscrites en loi de finances, ce qui évitera les retards observés dans leur versement.

Quant aux contrats d'apprentissage, leur nombre devrait atteindre 220 000 fin 1998 et sera porté à 230 000 en 1999, ce qui représente un effort de 9,25 milliards. Il va de soi, Monsieur Barrot, que si les réalisations étaient supérieures à cette évaluation, l'Etat majorerait son intervention en conséquence.

Je rappelle qu'en 1997, l'Etat a pris en charge 52 % des dépenses liées à l'apprentissage, les régions quant à elles en assumant un peu plus de 25 %.

Cela étant, le Gouvernement entend limiter la sélectivité croissante exercée par les employeurs en réservant les aides forfaitaires à l'embauche aux jeunes les moins qualifiés. Désormais elles seront réservées aux jeunes titulaires d'un BEP ou d'un CAP, ainsi qu'aux jeunes sans diplôme. Seront ainsi concernés, notamment, les jeunes sortant du système scolaire sans le baccalauréat. Cette mesure a déjà été mise en oeuvre pour les contrats de qualification avec l'assentiment de la plupart des partenaires sociaux, notamment les syndicats des salariés. Un décret du 12 et une circulaire du 14 octobre 1998 en précisent les modalités.

Je rappelle que les contrats de qualification ont été mis en place par les partenaires sociaux en 1983 dans le but de favoriser l'accès à la qualification professionnelle des jeunes sortant du système scolaire sans qualification -ils sont environ 53 000 dans cette situation chaque année. Or la part des jeunes de niveaux V et inférieurs dans lesdits contrats est passée entre 1990 et 1997 de 67 % à 43 %. C'est cette dérive que nous voulons corriger en recentrant sur les jeunes sans qualification les aides à l'embauche du contrat de qualification.

Afin de ne pas créer de disparités entre les deux grandes formations en alternance que sont les contrats de qualification et les contrats d'apprentissage, le projet de loi de finances comporte une mesure identique pour les aides à l'embauche des contrats d'apprentissage, quoique la sélectivité dont je viens de parler soit de moindre ampleur pour ces derniers qui, en 1997, ont été conclus à plus de 84 % avec des jeunes de niveaux V et inférieurs. Reste qu'entre 1994 et 1997, la part des jeunes de ce niveau avait baissé de 6 points. Cela dit, le recentrage des primes ne devrait pas concerner de façon significative le développement de l'apprentissage dans le secteur des métiers, auquel je suis particulièrement attachée.

En tout état de cause, je tiens à assurer l'Assemblée de ma conviction que la filière de l'apprentissage peut répondre aux attentes des jeunes qui veulent aller plus loin dans leur qualification professionnelle. Le dispositif demeure très incitatif, y compris dans l'enseignement supérieur. D'ailleurs, beaucoup d'entreprises accueillant des jeunes de niveau IV, III ou II ne demandent pas le versement de la prime.

Le financement de l'apprentissage obéit à des règles complexes et plus de 600 organismes collectent et répartissent la taxe d'apprentissage. Ce système perpétue des inégalités entre les CFA, les coûts unitaires variant très fortement. Je partage donc l'avis des rapporteurs quant à la nécessité d'une répartition plus équitable de la taxe d'apprentissage entre les régions et, au sein d'une même région, entre les CFA. Le fonds national de péréquation s'y emploiera.

Les dispositifs de formation en alternance doivent être gérés et développés de façon complémentaire et non en concurrence, ce qui est trop souvent le cas aujourd'hui, au détriment des entreprises et des jeunes ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste). Ils doivent répondre à un objectif de transparence et d'égalité dans les moyens et d'efficacité dans un partenariat de proximité. Celui-ci devra impliquer plus fortement l'entreprise, qu'il s'agisse des contrats de qualification et l'apprentissage ou des stages qui accueillent les jeunes de l'enseignement technologique et professionnel.

J'en viens aux mesures relatives à la formation des adultes.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a prévu, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2000, un élargissement aux demandeurs d'emploi adultes des contrats de qualification. Cette mesure attendue s'explique par la nécessité de prévenir l'exclusion à laquelle sont exposés les chômeurs de longue durée et par l'absence, en dehors de l'AFPA, de dispositifs d'accès à la qualification pour les demandeurs d'emploi adultes. En outre, la pédagogie de l'alternance semble bien adaptée à ceux que rebutent les pédagogies classiques.

L'Etat apportera à l'employeur une aide de 10 000 F s'il embauche un demandeur d'emploi de longue durée. Un doublement de la prime en fin de contrat est prévu sous deux conditions : les personnes recrutées doivent être des chômeurs de très longue durée -plus de 24 mois ; elles doivent être embauchées en contrat à durée indéterminée. Les exonérations de charges sociales seront semblables à celles des contrats de qualification pour les jeunes. Ce dispositif a pour but de favoriser l'accès à la qualification et à un emploi durable des chômeurs les plus éloignés de l'emploi. Le projet prévoit 248,68 millions pour financer les exonérations et 100 millions pour les primes, ce qui correspond à un volume de 10 000 contrats. Sa conception a associé l'Etat et les partenaires sociaux dans un groupe de travail tripartite, qui a contribué à l'élaboration du projet de décret et assurera un suivi de l'expérimentation. Déjà la branche du bâtiment et des travaux publics, qui vient de signer un accord à l'unanimité des organisations patronales et syndicales, s'engage à recruter mille demandeurs d'emploi dans ce dispositif. D'autres secteurs comme les métiers de bouche, les pompes funèbres, l'agroalimentaire se sont manifestés. Ce dispositif devrait servir de modèle à nos réflexions sur la formation des demandeurs d'emploi.

La lutte contre l'illettrisme est une priorité nationale affirmée dans la loi de lutte contre les exclusions. Le Gouvernement a décidé de donner une impulsion nouvelle à cette politique, assurée actuellement par le groupe permanent de lutte contre l'illettrisme, le GPLI. Dans le cadre du programme de prévention et de lutte contre les exclusions présenté en conseil des ministres le 4 mars dernier, l'Etat triplera les moyens consacrés à cette lutte, qui passeront de 25 millions en 1996 à 74 millions d'ici l'an 2000. Dès cette année, ces moyens ont été portés à 54 millions, inscrits au fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Parallèlement à l'augmentation des moyens, il faut une meilleure organisation de l'action publique. Une mission, dont on attend les conclusions dans les jours qui viennent, a donc été confiée à Mme Marie-Thérèse Geffroy pour évaluer l'efficacité des actions menées, face à un fait de société qui concerne, selon l'INSEE, 2,3 millions de personnes en France.

J'aurais voulu évoquer les stagiaires de l'AFPA, mais je suis consciente de l'heure. J'en viens donc directement au projet de réforme de l'agence, sur lequel beaucoup d'orateurs ont formulé leurs réflexions et leurs préoccupations. Le Premier ministre et Martine Aubry m'ont demandé de préparer, en étroite concertation avec les principaux acteurs de la formation professionnelle, une évaluation du système actuel et une remise en mouvement de cette politique relevant les défis de l'évolution économique et sociale. Il importe en effet d'évaluer objectivement l'efficacité globale du système et de son financement. Ce travail d'écoute s'achève et je publierai avant la fin de l'année un livre blanc, dont je débattrai avec les partenaires sociaux, les régions et vous-mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Certains m'ont interrogée sur l'affectation des 20 millions consacrés aux expérimentations. J'ai déjà plus de candidatures que de fonds disponibles ! C'est dans le même esprit de concertation que je poursuivrai le choix de ces expérimentations, portant et sur la validation des acquis et sur des expériences de terrain menées avec les régions.

L'un de vous l'a rappelé, l'effort total de la nation pour la formation professionnelle s'élève à 138 milliards. Mais je veux rappeler la contribution des différents acteurs : celle de l'Etat représente 56 milliards, celle des entreprises 55 milliards, celle des régions 13 milliards ; 14 milliards, enfin, sont apportés par différents partenaires, dont le principal est l'UNEDIC. Et pourtant le sentiment prévaut que l'utilisation des fonds de la formation professionnelle n'est pas optimale.

M. Maxime Gremetz - C'est une réalité.

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous devons traiter ce problème. Mais il ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel : la nécessité de redéfinir ensemble une politique de la formation professionnelle qui ait du sens, tant les besoins sont importants aujourd'hui et à moyen terme.

Beaucoup de choses ont été faites depuis 1971. Nous parlons beaucoup de l'insertion des jeunes et de l'accès au premier emploi. Mais autre chose me préoccupe : c'est l'état actuel de la population active. Elle a pour 40 % -comme l'a rappelé M. Lindeperg- un niveau de formation initiale inférieur au CAP, avec des disparités croissantes entre les jeunes et les adultes déjà engagés dans la vie active. Le système de formation génère de fortes inégalités d'accès. Les femmes, les salariés des petites entreprises et ceux dont la qualification est faible accèdent difficilement à la formation professionnelle. Ainsi 80 % des salariés non qualifiés n'y accèdent pas, contre 50 % des ingénieurs et cadres ; 91 % des salariés des entreprises de moins de 20 personnes n'y accèdent pas, contre 46 % dans celles de plus de 2 000 salariés. Nous devrons lutter contre ces inégalités. Nous devrons aussi prendre en compte le fait que la mobilité s'est considérablement accrue ces dernières années. Depuis cinq ans, un salarié sur quatre a changé d'entreprise et un actif sur trois a changé de catégorie socio-professionnelle ou de métier.

De plus, la France connaît, à la différence de ses partenaires européens, une séparation nette entre le temps de la formation initiale et celui de la formation continue, qu'aggrave la difficulté à valider et à reconnaître socialement l'expérience professionnelle. On ne compte pas plus de 25 000 congés individuels de formation par an et pas plus de 5 000 validations d'acquis professionnels au sens de la loi de 1992. Le formation n'est pas suffisamment comprise par les demandeurs d'emploi comme une période d'activité mise à profit pour acquérir une qualification ou développer des compétences.

Face à ces constats, nous devons trouver comment ménager des passerelles entre les situations d'activité et d'inactivité, et produire un droit effectif à la formation, individuel, transférable d'une situation à une autre. Le système de formation doit être mis résolument au service des salariés, des demandeurs d'emploi et des entreprises. Il doit se saisir des nouvelles technologies, offrir plus d'égalité, reconnaître les expériences professionnelles et les acquis. Ces propositions feront l'objet d'un large débat dans les mois qui viennent.

La réduction du temps de travail peut offrir des opportunités, mais la formation professionnelle, et notamment les actions d'adaptation des plans de formation décidées par l'employeur, ne peuvent basculer en dehors du temps de travail.

Les mutations en cours et à venir risquent de laisser beaucoup de gens sur le bord de la route. Le système de formation doit s'attacher à réduire ces risques, et réfléchir aussi à leur mutualisation. Les experts parlent d'une formidable accélération des changements ; dans vingt ans, disent-ils, une majorité de métiers seront nouveaux. L'enjeu essentiel demeure la capacité d'adaptation de chacun aux mutations, liée à une formation tout au long de la vie, passeport de protection et de promotion sociales.

Pour conduire ces changements je m'inscrirai dans le respect de la culture originale du système, fondée sur la négociation des partenaires sociaux, la concertation avec les régions, et leur articulation avec la loi. En même temps, au-delà des acteurs institutionnels, je souhaite ouvrir un large débat avec nos concitoyens. Vous en serez, je n'en doute pas, les relais privilégiés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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