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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 61ème jour de séance, 155ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 9 FÉVRIER 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    VIOLENCES URBAINES 1

    CHARGES SOCIALES DANS L'INDUSTRIE 2

    PRIVATISATION DU CRÉDIT LYONNAIS 3

    VIOLENCES D'AGRICULTEURS 4

    CRISE DU PORC 5

    FISCALITÉ DES ASSOCIATIONS 5

    STATUT DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE 6

    VIOLENCES À L'ÉGARD DES VERTS 6

    POLITIQUE DE L'ÉDUCATION 7

    PROFESSIONS LIBÉRALES 8

    DÉCRETS D'APPLICATION DE LA LOI SUR LES CHIENS DANGEREUX 8

    RÉFORME DES LYCÉES 9

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 9

    EXPLICATIONS DE VOTE 14

COOPÉRATION INTERCOMMUNALE (suite) 18

    APRÈS L'ARTICLE PREMIER 18

    APRÈS L'ART. 2 19

    ART. 3 19

    ART. 4 23

    APRÈS L'ART. 4 25

    ART. 5 26

La séance est ouverte à quinze heures.


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HOMMAGE FUNÈBRE AU ROI HUSSEIN DE JORDANIE

M. le Président - "Le petit roi Hussein", comme l'appelait affectueusement son peuple, est mort. La communauté internationale a perdu un acteur déterminant du règlement des conflits du Proche-Orient. C'est un soldat de la paix qui disparaît. Face à la douleur du peuple jordanien, je veux exprimer l'émotion de la représentation nationale. J'adresse les condoléances de notre assemblée à la famille du disparu et au peuple jordanien. Je vous invite, en méditant sur le rôle que chacun d'entre nous doit jouer en faveur de la paix, à vous recueillir en hommage à sa mémoire et à l'action déterminante qui fut la sienne (Mmes et MM. les députés et membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence).


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

VIOLENCES URBAINES

M. André Gerin - Monsieur le ministre de l'Intérieur, les pompiers du Rhône lancent un appel national et interpellent directement notre assemblée. L'incendie criminel du 31 janvier, où six pompiers ont été blessés, l'un d'eux ayant eu une jambe arrachée, a créé un choc. Pompiers, policiers, habitants sont consternés ; c'est l'émotion, l'exaspération, la colère. Ils demandent aux élus d'être solidaires, toutes étiquettes confondues. Ils en ont assez des belles paroles ; ils demandent des actes, et une justice ferme. Je veux rendre hommage aux pompiers, et je demande : va-t-on reconnaître enfin, à leur métier, le caractère de métier dangereux et insalubre ?

Je veux aussi rendre hommage aux policiers. En quarante-huit heures d'investigation, les auteurs du crime ont été arrêtés. Il ne faut pas en rester là. L'agglomération lyonnaise aujourd'hui pose deux questions : verra-t-on augmenter les effectifs de police, et quand ? Cinq cents policiers dans l'agglomération effectuent des tâches de gardiennage. Quand les emploiera-t-on au maintien de l'ordre ?

Je rends enfin hommage à la population pour sa solidarité avec les pompiers, et pour avoir commencé à briser la loi du silence. Des milliers de messages d'enfants ont été adressés aux pompiers blessés. Les habitants exigent que les décisions de justice soient justes et exemplaires, et que la prise en charge obligatoire des délinquants récidivistes soit assurée dans les plus brefs délais.

M. Pierre Lellouche - Très bien !

M. André Gerin - J'ai envie de hurler devant ces actes de barbarie qui portent des germes de guerre civile. J'affirme le courage de la loi, de l'Etat républicain, de la loi pour tous ! Il faut criminaliser l'incendie de voiture en milieu urbain (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je veux prévenir l'irréparable : l'autodéfense de citoyens honnêtes dont l'insécurité rend la vie invivable. En répondant à l'appel national des pompiers, la représentation nationale, les maires, les élus doivent s'engager dans un front républicain pour renforcer et développer les services publics, pour le droit de vivre en sécurité.

Il s'agit pour moi d'un sursaut national. Les pompiers, en demandant à rencontrer le Président de la République et le Premier ministre, nous appellent à dépasser les clivages partisans. Ils nous appellent tous à une grande bataille pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe RCV, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Je comprends votre émotion. Ce qui s'est produit le 31 janvier à Vénissieux est inacceptable. L'explosion d'un véhicule GPL a blessé six pompiers ; la jambe de l'un d'eux a été arrachée, et retrouvée très loin... Ces scènes insoutenables ont pourtant été vues par la population du quartier. Une enquête très rapide a permis, après un grand nombre d'interrogatoires, d'identifier d'abord les auteurs du vol de ce véhicule, puis de son incendie. Les faits ne sont pas acceptables. Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'un tel événement serait exceptionnel, et pourrait être négligé. Je sais que dans beaucoup de quartiers sévit une situation qui a dépassé les limites du tolérable.

Je comprends donc votre émotion. Je m'associe à votre hommage aux pompiers, qui subissent dans leur chair les conséquences d'actes irresponsables, commis par des mineurs -dont je veux croire qu'ils ne savent pas ce qu'ils font. Précisons que cinq d'entre eux ont été incarcérés pour destruction de biens ayant entraîné mutilation en bande organisée : c'est dire que leur acte a été qualifié comme acte criminel, justiciable de la prison, bien que la plupart n'aient pas seize ans. Une réaction rapide a donc été apportée. Quant à la catégorie des métiers dangereux et insalubres, elle est réservée à ceux qui travaillent dans les égouts, ou à l'institut médico-légal. La prise en compte de la dangerosité du métier de pompier devra donc s'opérer dans un autre cadre légal, mais la question mérite d'être étudiée. Au total, et vous le savez, les réactions des pouvoirs publics ont été à la hauteur de l'événement.

Le Rhône est d'autre part prioritaire pour ce qui est des effectifs. Les personnels de police s'y élevaient à 115 en 1997, et seront 116 en 1999, à quoi s'ajoutent 24 adjoints de sécurité qui n'existaient pas. Tous les efforts seront faits pour renforcer ces effectifs, qui ne sont pas négligeables ; mais cela pose un autre problème, celui d'une répartition plus adéquate des forces de police sur le territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

CHARGES SOCIALES DANS L'INDUSTRIE

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. L'allégement des charges sociales décidé par le précédent gouvernement pour les industries du textile, du cuir et de l'habillement a été très bénéfique. Elle a permis de consolider les emplois existants et d'embaucher des milliers de jeunes. Or la négociation en vue d'étendre ces mesures à toutes les industries de main-d'oeuvre a été interrompue par votre gouvernement. Par ailleurs Mme Aubry a rejeté la proposition UDF-RPR tendant à réduire les charges sur tous les bas salaires industriels. Aujourd'hui ces entreprises sont étranglées, particulièrement celles du textile, du cuir et de l'habillement, qui doivent rembourser les allégements de charges. Votre refus idéologique d'abaisser les charges sur les bas salaires (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste) conduit à court terme à sacrifier des dizaines de milliers d'emplois. Monsieur le Premier ministre, vous êtes dans une impasse : comment comptez-vous en sortir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je rappelle que, si nous avons dû modifier le régime d'allégement des charges décidé par le précédent gouvernement, c'est qu'il était contraire à nos engagements communautaires -ce que ce gouvernement savait avant même de faire voter sa loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) J'ai rendu publiques les lettres qu'il avait reçues à ce sujet de la Commission de Bruxelles (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), et dont M. Barrot a reconnu l'existence au cours d'un de nos débats. C'est donc en toute connaissance de cause que nos prédécesseurs ont fait voter une loi contraire à nos engagements européens. Nous, nous souhaitons aider les entreprises de main-d'oeuvre, mais en respectant nos engagements.

Que dirions-nous si l'Allemagne baissait les charges dans le secteur automobile, en nous faisant concurrence ? Si l'Italie en faisait autant dans le secteur des cuirs ? Nous ferions comme ils ont fait, nous élèverions des contestations à Bruxelles.

En tant qu'industrie de main-d'oeuvre, le textile peut obtenir, s'il réduit à 35 heures la durée du travail (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), un allégement de charges allant jusqu'à 14 000 F par an et par salarié, ce qui équivaut largement aux aides que vous avez accordées illégalement.

De plus, le Gouvernement s'est engagé dans une réforme des cotisations patronales à la Sécurité sociale, en liaison avec les allégements structurels qui figureront dans la seconde loi relative à la réduction de la durée du travail. Contrairement à vous, nous ne ferons pas payer la baisse des charges aux ménages, mais aux entreprises capitalistiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Nous supprimerons également le système de la ristourne dégressive, qui est une trappe à bas salaires.

Telles sont les bases de la réforme sur laquelle nous travaillons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

PRIVATISATION DU CRÉDIT LYONNAIS

M. Jean-Jacques Jegou - Je constate, Madame, que vous n'avez pas répondu. Les salariés du textile apprécieront ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Monsieur le ministre de l'économie, au plus tard avant l'été aura lieu la privatisation du Crédit lyonnais, ce qui nous conduit à vous poser certaines questions, surtout après la fusion surprise entre la Société générale et Paribas.

En effet, nous entendons le président du Crédit lyonnais prononcer des oukases à l'encontre d'un noyau dont il ne voudrait pas.

Le Gouvernement a-t-il délégué ses pouvoirs au président du Crédit lyonnais ?

S'engage-t-il à ce que la privatisation ait lieu dans la plus grande transparence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - S'agissant de la question précédente, les salariés du textile apprécieront d'avoir été trompés par le gouvernement précédent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Avant l'arrivée de l'actuel gouvernement, la France a conclu avec Bruxelles un accord comportant la privatisation du Crédit lyonnais. Naturellement, nous respectons l'engagement pris et la privatisation aura donc lieu. Conformément aux accords que nous avons négociés, elle sera transparente, ouverte et non-discriminatoire.

J'espère que nous trouverons une solution satisfaisante pour les contribuables, qui pourront récupérer une partie de l'argent perdu, pour les salariés et pour l'entreprise. Cette solution sera connue début mars. Le débat relatif à notre système financier, organisé à la demande du groupe communiste, sera l'occasion de vous fournir davantage de détails.

S'agissant de la transparence, soyez rassuré, nous avons changé d'époque. Le temps n'est plus où vous créiez un CDR opaque, et perdant des milliards ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

VIOLENCES D'AGRICULTEURS

M. Joseph Parrenin - Hier, l'agression intolérable commise par quelques responsables, ou plutôt irresponsables agricoles, suivis d'une bonne centaine d'agriculteurs, a donné à l'opinion une image très négative du monde agricole. Alors que nos concitoyens souhaitent davantage de rigueur envers les violences et les dégradations, l'agriculteur que j'ai été ressent de la honte et de la tristesse. On peut traire les vaches et ne pas se comporter comme des boeufs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Alors que depuis plusieurs années nos agriculteurs ont accompli des efforts considérables pour mieux communiquer avec le reste de la population, il a suffi du comportement inadmissible de quelques agriculteurs plus ou moins manipulés pour ternir cette image.

Monsieur le Premier ministre, quels messages souhaitez-vous adresser à l'ensemble de la population, et en particulier aux agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Hier des actions graves et inadmissibles ont été commises...

M. Thierry Mariani - ...dans les banlieues !

M. le Premier ministre - J'y viendrai. Ces actions ont été commises à l'encontre d'un ministère et d'une grande école, donc contre des symboles de l'Etat, garant du respect de la loi commune (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

De nombreuses interpellations ont été opérées, des plaintes ont été déposées, des poursuites seront engagées (Mêmes mouvements).

Ces actes intolérables et qui ne seront pas tolérés sont d'autant moins admissibles que la voie du dialogue est toujours ouverte aux représentants légitimes du monde agricole, que j'ai reçus ce matin encore à Matignon dans le cadre du Conseil de l'agriculture française.

En outre, ces actes sont le fait d'agriculteurs qui ne sont pas parmi les plus malheureux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je n'aurai pas devant vous l'indiscrétion de révéler le nombre de centaines d'hectares que possèdent certains des agriculteurs interpellés, ni le montant des aides qu'ils perçoivent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Ces actes ne doivent en aucun cas ternir l'image de l'ensemble du monde agricole, d'autant moins qu'ils ont été fermement désavoués et condamnés par lui. Je me réjouis, à cet égard, des propos tenus hier et surtout ce matin par M. Guyau.

L'opinion publique n'est pas prête à accepter de tels comportements. Si le Gouvernement exprime ici sa réprobation et sa condamnation, je souhaite aussi, à l'aube de la difficile négociation d'Agenda 2000, que nous menons en commun avec le Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe DL) et dans l'unité de la délégation française, affirmer la confiance du Gouvernement dans l'avenir du monde agricole, qui joue un rôle déterminant dans le domaine de la production comme dans l'animation des espaces ruraux.

Nous avons parlé ici souvent des problèmes d'insécurité et de violence urbaines. Or un exemple déplorable a été donné hier à des jeunes que l'on incite par ailleurs à respecter la loi commune (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Je tiens à dire que la démarche du Gouvernement est la même quels que soient ses interlocuteurs : le respect des opinions et des personnes, un dialogue attentif et constant, le refus des pressions et des violences, incompatibles avec une société démocratique (vVfs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

CRISE DU PORC

Mme Monique Denise - Monsieur le ministre de l'agriculture, depuis le printemps dernier la crise du porc frappe les naisseurs et les éleveurs. Certes, les aides ont été augmentées, le stockage privé a été porté à 70 000 tonnes, les restitutions à l'exportation ont été accrues, et l'Union européenne a débloqué 100 000 tonnes supplémentaires, destinées à l'aide alimentaire à la Russie. Enfin, vous avez décidé une enveloppe supplémentaire de 150 millions.

La situation reste cependant dramatique pour les jeunes récemment installés, pour les agriculteurs dont le porc est le revenu principal, pour les petits éleveurs respectueux de l'environnement.

A quelle date les aides matérielles seront-elles débloquées ?

Surtout, quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter le renouvellement d'une telle crise, qui se produit environ tous les trois ans ? Les solutions se trouvent à la fois dans l'organisation du marché, une entente au niveau européen et la maîtrise de la production. La production nationale représente en France 98 % de la consommation contre 500 % au Danemark et entre 130 et 140 % en Belgique ; les producteurs français sont représentés à Bruxelles, mais eux seuls, alors que pour les autres pays c'est la filière tout entière, des producteurs à la grande distribution, qui défend ses intérêts. Comment comptez-vous, dans la renégociation de la PAC, défendre nos producteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La décision prise au niveau européen d'accorder une aide alimentaire à la Russie a déjà légèrement amélioré la situation du marché du porc : vous avez pu constater le frémissement du cours.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche - Mon prédécesseur, Louis Le Pensec, et moi-même, avons accordé deux paquets d'aides, qui ont été déléguées dans les départements et distribuées à plus de 60 %, et qui sont ciblées sur les petits producteurs. Je vous annonce que ce dispositif va être complété par le report ou la prise en charge des cotisations sociales qui seront appelées à la mi-février (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Bien sûr, pour sortir définitivement de la crise, il faut avoir le courage de maîtriser la production. Cela suppose, pour commencer, que les lois et réglements soient respectés ; or les contrôles auxquels ma collègue Dominique Voynet et moi-même avons fait procéder la semaine dernière montrent que ce n'est pas toujours le cas. Par ailleurs, il faut agir au niveau européen. La France avait réclamé la réunion d'un comité de gestion ; il se réunit demain. Nous y arrivons avec des propositions concrètes, élaborées avec les professionnels ; j'espère que nous saurons entraîner nos partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

FISCALITÉ DES ASSOCIATIONS

M. Jean-Louis Fousseret - Le monde associatif, formidable école de démocratie et de citoyenneté, est très actif dans notre pays. Beaucoup sur nos bancs en sont d'ailleurs issus.

Or l'instruction publiée le 15 septembre sur la fiscalité des associations suscite beaucoup d'inquiétude. Son intention est louable, puisqu'il s'agit de clarifier le champ d'impositions et de mettre fin aux utilisation abusives de la loi de 1901 ; mais appliquer aux associations une imposition de type commercial, c'est faire fi de leur caractère non lucratif, de leur gestion globale et de l'engagement de leurs bénévoles au service de tous. A quelques jours des assises nationales de la vie associative, qui vont se tenir les 20 et 21 février, pouvez-vous, Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, nous dire comment vous comptez modifier cette instruction fiscale, qui en l'état actuel risque de mettre en difficulté l'ensemble du tissu associatif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le Gouvernement souhaite que le régime fiscal des associations soit clair et sûr. C'est pourquoi, à la demande du Premier ministre, une large concertation a été organisée par M. Goulard, maître des requêtes au Conseil d'Etat ; elle a abouti à l'instruction fiscale dont vous avez parlé et qui pose des principes clairs : les associations ont un but non lucratif ; les rappels fiscaux passés sont effacés si les associations étaient de bonne foi ; l'imposition prévue suppose que les associations aient des activités équivalentes à celles d'entreprises.

Certains problèmes demeurent ; ils sont examinés par un groupe de suivi, qui se réunit une nouvelle fois cet après-midi. Pour ma part, je suis évidemment disposé à recevoir les parlementaires qui voudraient me faire part de leurs observations ; nous devons parvenir à ce double objectif de sécurité et de clarté, j'en prends l'engagement personnel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

STATUT DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. Jean-Jacques Filleul - Il n'y a pas de culture sans créateurs, pas de créateurs sans un statut adapté.

L'intense activité artistique de notre pays est reconnue bien au-delà de nos frontières, et nous en sommes fiers. Elle doit beaucoup aux quelque 55 000 intermittents du spectacle, qui aujourd'hui craignent pour leur avenir. Madame la ministre de la culture, quel engagement pouvez-vous prendre au sujet de leur statut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Le Gouvernement a la volonté de pérenniser le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) qui ont en effet besoin d'avoir certaines garanties. Mme Aubry et moi-même avons décidé d'appliquer les conclusions du rapport Cabannes, s'agissant du contrat à durée déterminée dit d'usage, et de mettre en oeuvre le guichet unique, permettant de simplifier les démarches tout en faisant connaître leurs obligations aux entrepreneurs de spectacles.

Par ailleurs, sont examinées cet après-midi au Sénat en deuxième lecture les nouvelles conditions d'exercice des entrepreneurs de spectacles, tendant notamment à lutter contre le travail clandestin et à faire respecter les mesures de protection sociale. Nous serons vigilants quant à l'aboutissement des négociations entre les partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

VIOLENCES À L'ÉGARD DES VERTS

M. Guy Hascoët - Hier, 150 céréaliers ont fait irruption au ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Ils ont dévasté des bureaux, proféré des insultes racistes et des menaces de violences sexuelles. Ces événements sont graves et illustrent sans doute l'effet produit par ceux qui se sont cru avisés d'instrumentaliser de vieilles haines enfouies et des poujadismes de tous ordres. J'espère qu'ils auront à coeur de dénoncer de tels agissements... En démocratie, il n'est jamais sain de désigner des boucs émissaires, fussent-ils les Verts. Lorsque l'incendie se déclare, il faut être pompier, surtout si l'on a été incendiaire !

Voilà quelques semaines que les injures racistes, xénophobes, homophobes, sexistes, parfois même les coups accompagnent les déplacements des responsables Verts. Heureusement, des responsables associatifs et syndicaux ont donné des consignes afin que nos rencontres avec nos détracteurs autorisent maintenant le dialogue.

Les personnes qui ont sévi hier ne sont pas des producteurs en difficulté, mais les représentants de 20 % des agriculteurs, qui touchent 80 % des aides publiques... Leur comportement donne une image que le monde agricole ne mérite pas. Si certains responsables sont irresponsables, ils doivent être désavoués et changés ! Si nous en sommes là, c'est parce que l'impunité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) prévaut depuis des années : ceux qui ont ici saccagé une sous-préfecture, là détruit le mobilier urbain, n'ont jamais fait l'objet de poursuites. Y a-t-il pour notre République l'incivilité condamnable des jeunes et l'impunité des moins jeunes ? Quelles mesures comptez-vous prendre,  Monsieur le ministre de l'intérieur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Ce qui s'est passé hier au ministère de l'environnement et à l'ENA est inacceptable. Pour autant, je n'opposerai pas les jeunes aux agriculteurs, mais les citoyens honnêtes, qui sont une immense majorité, à un certain nombre de gens qui bafouent ouvertement les lois, qui oublient que nous sommes dans une République où il y a place pour le débat, non pour les voies de fait (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe RCV).

L'occupation a eu lieu hier à 11 heures, les forces de police sont intervenues à 11 heures 19 au ministère de l'environnement et à 11 h 41 à l'ENA. Il semble que la préfecture de police n'avait pas connaissance de cette manifestation et une enquête interne aura lieu pour savoir dans quelles conditions elle a pu se faire, mais la réaction a été extrêmement rapide et à la hauteur des événements puisque 318 personnes ont été interpellées, dont 15 restent en garde à vue, après que cette dernière a été prolongée ce matin. Au vu des charges qui pèseront contre elles, le parquet de Paris déterminera celles qui devront être déférées, en particulier pour dégradations et destruction de biens publics, infractions punies par l'article 322-2 du code pénal.

Les premières investigations montrent que la plupart des manifestants étaient syndiqués à la FDSEA et au CDJA des départements de la région parisienne et de la région centre. Le président de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles d'Ile-de-France est allé, devant les caméras de LCI, jusqu'à menacer d'une reprise des violences si les manifestants interpellés n'étaient pas libérés. C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Les intérêts de l'agriculture française sont défendus par le Gouvernement et le sujet sera débattu ici même.

Il ne faut pas chercher de boucs émissaires, j'en suis -ô combien !- d'accord avec vous. Vous ne sauriez vous-même que fustiger des campagnes qui ne reposent sur rien et souhaiter avec moi qu'il y ait un débat argumenté et non des violences, physiques ou verbales, tout aussi inqualifiables les unes que les autres (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

L'enquête sera poursuivie et, le cas échéant, les responsabilités seront clairement pointées pour que l'on sache qui est à l'origine de ces faits, d'autant moins admissibles qu'ils n'émanent pas de jeunes mais de personnes, voire de personnalités qui exercent des responsabilités et des fonctions électives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

POLITIQUE DE L'ÉDUCATION

Mme Nicole Ameline - La politique ne saurait se résumer à l'art de gérer les crises à coups d'annonces et de discours. Elle doit être, avant tout, l'expression d'un projet de société, fondé sur une volonté et assorti de moyens adaptés.

Or dans le domaine de l'éducation, il existe un formidable décalage entre les intentions et les faits. C'est ce que ressentent les enseignants et les élèves, mais aussi les parents. Leur désarroi s'exprime, chaque jour, dans les établissements en grève, les manifestations d'enseignants, la violence et la délinquance (Bruits sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Veuillez respecter...

M. Jean-Louis Debré - L'horaire !

M. le Président - ...l'orateur, c'est bien le moins.

Mme Nicole Ameline - Plus grave, le sentiment est désormais largement partagé que le système éducatif n'est plus du tout géré. Ainsi, le Premier ministre a annoncé en novembre dernier un plan d'urgence de plusieurs milliards et intimé aux régions l'ordre de faire des propositions -ce qu'elles ont fait immédiatement, la Basse-Normandie allant jusqu'à anticiper ce plan par d'importantes autorisations de programme. Or depuis quatre mois, plus rien.

Existe-t-il donc une réelle volonté du Gouvernement de répondre aux difficultés actuelles ? Où sont les mesures et les moyens ? Tout cela ne relève-t-il pas exclusivement de l'affichage et ne masque-t-il pas l'absence de solidarité gouvernementale ? Assez de double discours, au risque d'une perte de confiance totale dans votre politique ! Monsieur le Premier ministre, quel est le degré réel d'implication de votre Gouvernement dans ce dossier essentiel ? Qu'en est-il de la solidarité gouvernementale, alors qu'une partie de la majorité remet en cause la confiance que vous avez toujours témoignée à votre ministre de l'éducation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Nous menons une politique de réformes pour amener notre système éducatif...

M. Maurice Leroy - Dans la rue !

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - ...dans le XXIème siècle.

Toute réforme rencontre des oppositions, qui se manifestent démocratiquement. Il arrive que les manifestations arrêtent les réformes ; aujourd'hui, le dialogue se noue, la discussion a lieu, les réformes se poursuivent et les moyens nécessaires sont déployés.

Ainsi 40 000 emplois-jeunes (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) sont venus assister les enseignants du primaire dans le cadre de la préparation de l'école du XXIème siècle. Pour le plan anti-violence et l'accompagnement du plan lycées, 10 000 autres emplois-jeunes ont été mobilisés.

Aider plus ceux qui ont moins, tel est notre seul slogan. Faire en sorte que ce ne soit plus uniquement les enfants des familles aisées qui puissent réussir justifie que nous fassions de l'aide à l'école une priorité.

M. Yves Nicolin - Bavardage !

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Que ceux qui ne sont pas pour l'égalité des chances s'opposent à ces réformes, rien de plus normal, chacun dans son camp !

Le Gouvernement continuera à faire de l'éducation nationale l'une de ses grandes priorités, à la réformer, à faire ce qui n'a pas été fait pendant quatre ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Il reste à entendre le groupe RPR, avec dix minutes pour trois questions. Je souhaite qu'elles soient brèves, tout autant que les réponses (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

PROFESSIONS LIBÉRALES

M. Jean-Claude Lemoine - Les 600 000 professionnels libéraux emploient 2 millions de personnes, c'est dire leur importance pour notre économie et pour l'aménagement du territoire.

Leur XVème congrès a été l'occasion d'appeler l'attention sur leurs difficultés : problèmes d'installation faute d'une aide similaire à celle qui est accordée aux jeunes agriculteurs ou aux créateurs d'entreprise ; succession laborieuse du fait des coûts de transmission des cabinets ; gestion de leur retraite plus délicate, en raison d'un régime fiscal pénalisant la vente de clientèle, d'une grande disparité entre les 55 caisses, de l'absence de possibilité de capitalisation.

Regrettant d'être les oubliés de la réforme de la taxe professionnelle, ces professionnels veulent savoir si le Gouvernement a l'intention, à l'heure de l'ouverture européenne, de leur donner les moyens de poursuivre leur activité. Quand sera déposé un projet de loi en ce sens ?

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - Au cours de ce congrès, où j'étais présente, nous avons décidé avec l'ensemble des professions libérales de faire porter nos efforts sur les statuts des conjoints, des collaborateurs et des associés -afin de permettre une succession en douceur- sur le bail professionnel, sur une aide à la transmission et à la création.

En revanche, ce n'est pas à l'Etat d'arbitrer entre des régimes qui ne relèvent pas directement de sa responsabilité. L'UNAPL a donc constitué un groupe de travail dont nous examinerons les propositions.

Le grand souci de ces professionnels, c'est l'interprofessionnalité. Mme la Garde des Sceaux a confié à ce propos une mission à M. Nallet. Nous attendons ses conclusions pour proposer une réforme d'ensemble. Au vu des problèmes liés à l'ouverture européenne, le Premier ministre les recevra le 10 mars. Il a décidé de mettre la politique des services au coeur de notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

DÉCRETS D'APPLICATION DE LA LOI SUR LES CHIENS DANGEREUX

M. Jacques Pélissard - Nos HLM, nos quartiers sont envahis de pitbulls et d'american terriers. Nous avons voté, le 9 décembre dernier, la proposition de loi pertinente déposée par l'un de vos amis, Monsieur le ministre de l'intérieur. Pourtant, les chiots continuent à grandir, leurs maîtres les forment au combat, maîtres et chiens terrorisent les habitants, les chiens contribuent à l'insécurité et concourent à l'impunité des maîtres.

En effet, les décrets d'application n'ont toujours pas été publiés. Il y a pourtant urgence. A quelle date seront-ils signés ? Et les services de police seront-ils dotés en temps utile des moyens nécessaires pour faire appliquer la loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La loi dont vous venez de souligner l'intérêt vient d'être promulguée. J'ai pris l'engagement que tous les textes d'application seraient publiés dans les six prochains mois, c'est-à-dire avant l'été. Certains d'entre eux sont déjà dans les circuits interministériels. Je confirme mon engagement devant la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

RÉFORME DES LYCÉES

Mme Marie-Jo Zimmermann - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, le 20 octobre 1988, en réponse à une question relative aux lycées, vous avez déclaré : "J'ai entrepris une réforme en profondeur de l'éducation nationale et des lycées. Elle sera conduite sans démagogie. Il y a trop longtemps qu'on ne s'est pas interrogé sur les défauts de notre système éducatif. Ce que l'opposition n'a pas fait en quatre ans, nous allons le faire".

Effectivement, nous n'aurions jamais osé procéder comme vous le faites. Un an après la consultation nationale des lycéens et la publication du rapport Meyrieu, vous annoncez deux heures par semaine d'aide individuelle en français et en mathématiques pour les élèves de seconde. Il fallait bien une année de réflexion pour cela ! Est-ce là votre remède ? Qu'est devenue votre réforme, annoncée de manière si médiatique ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Vous connaissez trop bien les questions scolaires pour ignorer que toute réforme des lycées s'applique d'abord aux classes de seconde, puis aux premières et enfin aux terminales. En outre, il faut quatorze mois pour élaborer de nouveaux manuels scolaires.

La réforme aura lieu comme prévu. Les élèves bénéficieront partout de deux heures d'aide individuelle, dans tous les lycées. En outre, cette aide sera renforcée dans les quartiers en difficulté.

Par ailleurs, certains enseignements vont être rénovés. Nous allons créer une filière littéraire dans laquelle la sélection ne se fera pas par les mathématiques (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Quant à l'enseignement scientifique, il doit reposer sur la méthode expérimentale plutôt que sur une axiomatique exclusive.

La réforme, qui sera menée dans la concertation, ira dans le sens indiqué (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Nous arrivons au terme d'un débat qui a été long, sérieux et approfondi.

Vos travaux, en commission puis en séance, auront été d'une grande utilité. Je remercie tous les parlementaires qui ont contribué à enrichir ce projet, comme le veut l'exercice normal du travail parlementaire. Je remercie tout particulièrement Philippe Duron votre rapporteur, et André Lajoinie, président de la commission de la production.

Avec ce projet, le Gouvernement a l'ambition de renouveler les dispositions de la loi du 4 février 1995. Relancer notre politique d'aménagement du territoire, cela implique certaines ruptures mais aussi une certaine continuité. Sur les quatre-vingt-huit articles de la loi de 1995, vingt-trois seulement ont été modifiés. Tout ce qui était positif et novateur a été conservé. Quant aux changements apportés, ils visent à rapprocher la politique d'aménagement du territoire des attentes de nos concitoyens. Le Gouvernement a ainsi défini une stratégie et un calendrier en se fondant sur des rapports et des travaux d'évaluation ainsi que sur les leçons tirées de différentes expérimentations, dont certaines avaient été autorisées par la loi de 1995.

Nous avons trop tendance à sacraliser certains textes. En outre, les batailles politiques nationales, les connivences anciennes, les oppositions entre partis poussent aux amendements de forme et aux effets de tribune. Notre débat n'a que partiellement échappé à la règle. J'aurais souhaité qu'au sein de l'opposition les authentiques partisans de la décentralisation n'aient pu s'exprimer plus ouvertement...

Mme Michèle Alliot-Marie - Il aurait fallu que vous ayez une autre attitude et ne suiviez pas systématiquement l'avis des fonctionnaires !

Mme la Ministre - Répéter dix fois la même chose, ce n'est pas faire avancer le débat démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). L'obstruction ente 3 et 5 heures du matin, ce n'est pas mon genre, voyez-vous !

M. le Président - La discussion générale est close depuis longtemps.

Mme la Ministre - Ce projet met l'accent sur le développement durable. Il ne s'agit pas simplement d'une formule. Le développement durable ne consiste pas à prévoir des espaces verts le long des grandes infrastructures. C'est une méthode de travail consistant à prendre en compte conjointement l'intérêt économique d'un investissement en même temps que son impact social et ses effets à long terme sur l'environnement. Pour passer des mots et des idées à leur concrétisation, il faudra plus qu'une loi : nous devrons revoir les méthodes de travail des administrations de l'Etat, mais aussi de leurs interlocuteurs. Ce projet a donc pour perspective l'extension du débat démocratique.

A l'heure où l'urgence des urgences est de réduire la fracture sociale, faut-il sacrifier des milliards à certaines options lourdes, au risque de laisser des factures impayées aux générations futures ? Maintenir l'équilibre national, c'est d'abord éviter le conflit entre générations que je sens poindre dans notre pays, en ville comme à la campagne.

Par ailleurs, l'aménagement du territoire ne peut être conçu et mis en oeuvre de façon centralisée. Certaines questions sont d'ordre national ; d'autres sont régionales ou locales. Toutes ne peuvent pas être traitées de la même façon, par les mêmes instances. A l'Etat, au Gouvernement et au Parlement, il revient d'assurer la cohérence des politiques concourant à l'aménagement du territoire. Il revient au Gouvernement de prendre les décisions relatives aux grandes infrastructures à caractère national, qui doivent être cohérentes avec les grandes décisions européennes.

La région, dont le rôle pivot a été réaffirmé, doit assumer ses responsabilités et définir ses grands axes de développement.

En outre, la construction d'infrastructures n'a pas de sens si elle n'est pas au service de projets de développement territorial. Le pays et l'agglomération serviront justement de cadre à ces projets. Je me félicite d'ailleurs que nous ayons pu fixer ensemble leurs contours, de manière pragmatique, sans esprit de système.

En faisant des agglomérations et des pays des acteurs des prochains contrats de plan Etat-régions, nous avons fixé un cadre dans lequel l'aménagement du territoire ne se réduit pas à la compensation du handicap. Nous permettons enfin aux citoyens de prendre en charge le développement de leur territoire.

La loi de 1995 reconnaît le concept de pays, mais de manière trop floue. Il fallait aller plus loin et généraliser cette formule, déjà largement expérimentée.

L'article 19 du projet permet de passer du stade de l'expérimentation à la vitesse de croisière. Il lève l'ambiguïté de la loi de 1995 en précisant que le pays sera un territoire de projet, organisé autour d'une charte, et non une nouvelle circonscription administrative. Cette clarification permettra de créer des pays interdépartementaux et interrégionaux. Les conseils de développement donneront corps au partenariat entre collectivités locales et acteurs socio-professionnels : il en existe déjà dans les nombreux pays déjà constitués -pays ségréen, pays basque, centre-ouest Bretagne, etc.

La loi consacre le principe que le projet est la raison d'être du pays : de là découle son périmètre, et non l'inverse. Ainsi défini, le pays sera l'un des interlocuteurs du processus de contractualisation entre l'Etat et les régions.

Les communautés d'agglomération seront créées par la loi Chevènement, dont vous avez commencé l'examen.

Cette loi d'orientation n'est pas une loi pour la ville contre la campagne. C'est une loi pour tout le territoire. Le débat entre monde rural et monde urbain me paraît totalement dépassé car il y a une dépendance croissante entre les deux. La majorité de la population rurale est composée d'employés, d'ouvriers, de cadres ayant des préoccupations identiques à celles de leurs collègues citadins. Mais si les communes rurales ont été nombreuses à s'engager dans les structures intercommunales, il n'en est pas de même des communes urbaines. Pourtant les problèmes de la ville ne peuvent être traités qu'en mettant en commun les principales ressources de la zone urbaine, la taxe professionnelle notamment, de façon à conforter la solidarité locale.

Vous avez souhaité que le Parlement soit plus étroitement associé à la définition et au suivi des politiques de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement vous a entendus. De nombreux amendements ont été adoptés avec son accord. Ils permettront au Parlement, au travers des deux délégations à l'aménagement du territoire qui seront constituées, de contrôler l'action de l'exécutif dans ce domaine. En effet, l'adoption d'un texte de loi ne suffit pas à régler les problèmes ; le suivi de son exécution est, à mes yeux, au moins aussi important ; je me réjouis donc qu'une telle délégation parlementaire soit constituée.

Vous aurez défini avec cette loi d'orientation les grands objectifs des schémas de services collectifs, qui seront élaborés dans le courant de cette année.

Vous aurez à vous prononcer, deux ans avant l'échéance des prochains contrats de plan Etat-régions, sur une éventuelle redéfinition des objectifs de la politique d'aménagement du territoire, à la lumière des résultats obtenus.

Une part importante de nos travaux a porté sur la définition des principes qui doivent guider l'évolution de l'implantation des services publics. C'est une question essentielle. La répartition des services publics sur le territoire ne saurait être fixée pour l'éternité. Pour autant leur adaptation ne saurait être guidée par le critère de la rentabilité économique, mais doit obéir au souci de fournir en permanence un égal accès des citoyens à un service public de qualité.

Je crois avoir pu rassurer ceux qui s'en inquiétaient sur le fait que cette loi ne vise pas à modifier l'organisation actuelle des collectivités locales et la répartition des compétences telles qu'elles ont été fixées par les lois de décentralisation.

Le débat a permis de réfuter le procès d'intention qu'on nous avait fait de vouloir instaurer en catimini un nouvel échelon territorial. Ni les pays ni les agglomérations ne menacent l'existence des cadres stables et démocratiques que sont les communes et les départements. Quant au débat sur les modes de représentation ou d'élection de ces instances, il n'a pas sa place dans cette loi.

Le rôle des départements est reconnu, ils sont des partenaires des contrats de plan, même si les régions sont chefs de file.

Quant aux départements d'outre-mer, leur caractère spécifique est consacré par cette loi. Les mesures particulières en faveur de leur développement économique et social feront l'objet d'un projet de loi qui sera déposé au plus tard six mois après la promulgation de cette loi-ci.

Un député a dit de cette loi qu'elle fournirait à tous les acteurs la boîte à outils dont ils ont besoin. Je partage cette appréciation. On n'en mesurera les apports innovants que dans le moyen terme.

Reste maintenant à tous les acteurs, Etat, collectivités locales, associations, citoyens, à se saisir de ces outils pour bâtir la politique d'aménagement du territoire dont nous avons besoin. Il n'y a pas de fatalité de l'évolution territoriale de notre pays, pas plus qu'il n'y a de fatalité économique.

Vous avez été nombreux à souligner les difficultés de certains territoires, en particulier les zones de montagne. Les politiques multiples doivent permettre de compenser ces handicaps, mais elles doivent aussi valoriser les atouts et les projets de ces zones.

L'avenir des territoires sera ce que nous en faisons. A vous de conduire les politiques qui valoriseront notre façade atlantique et méditerranéenne, en même temps que sera préservée la prospérité des régions de la zone de croissance qui descend des Pays-Bas à la vallée du Rhône.

Un travail considérable nous attend dans les mois à venir pour y parvenir : élaboration des schémas de services collectifs, contrats de plan, réforme des fonds structurels, seront autant de rendez-vous qui nous permettront de traduire dans les faits les orientations que je soumets à votre approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production - Au terme des trois semaines d'examen de ce projet, qui furent parfois dures, toujours intenses, nous avons pu constater que vous aviez raison, Madame la ministre, de déclarer que la venue devant notre Assemblée d'un projet de loi consacré à l'aménagement du territoire n'était jamais un moment ordinaire. La discussion fut plus longue que prévu et peut-être parfois inutilement ralentie. Au total, au cours des 56 heures de discussion, notre Assemblée a examiné 1 251 amendements et en a adopté 233.

Cette discussion a témoigné de l'intérêt, voire de la passion, que suscite ce sujet qui, loin d'être un domaine réservé à quelques spécialistes, touche à de nombreux secteurs de l'action de l'Etat.

Madame la ministre, vous nous avez présenté un projet de loi novateur. Nos concitoyens seront mieux associés qu'auparavant aux décisions concernant leur cadre de vie et de travail. Vous avez pris en considération, et, même, pour la plupart, fait vôtres les modifications souhaitées par la commission de la production et je souhaite ici vous en remercier.

Mes remerciements s'adressent aussi au président André Lajoinie, sous l'autorité attentive et bienveillante duquel se sont déroulés, avec beaucoup de sérieux, les débats en commission.

Enfin, je tiens ici à rendre hommage à nos collègues qui ont participé de manière constructive au débat, et tout particulièrement aux députés de la majorité plurielle, qui ont su se rassembler autour de ce projet.

L'opposition a répété à maintes reprises qu'avec ce nouveau texte de loi, le Gouvernement ne cherchait "qu'à imprimer sa marque". Celui-ci serait en conséquence superflu et il eût été plus judicieux de s'en tenir à la loi Pasqua.

Je ne partage pas du tout ce point de vue. En effet, ce projet rompt avec la logique qui animait la loi du 4 février 1995, fondée sur une vision centralisatrice, voire jacobine, de l'aménagement du territoire. L'attention portée au monde rural, qui occupe 80 % du territoire, était certes légitime. Mais la part faite à l'agglomération, où vivent 80 % de nos concitoyens, n'était pas à la hauteur des enjeux des territoires urbains.

Ce texte a le grand mérite de poser les principes nouveaux qui permettent d'adapter l'aménagement du territoire aux réalités d'aujourd'hui et de construire un développement durable. Du pays au pôle de taille européenne, c'est un nouvel ensemble de territoires d'action que cette loi va mettre en place. En effet, la recomposition de notre espace national autour de territoires pertinents est une nécessité à l'heure de l'ouverture des frontières. C'est autour de la région, dont le rôle se trouve aujourd'hui renforcé, que s'organisent les nouvelles mailles territoriales.

Le pays, espace de projet, est aujourd'hui mieux défini. Son fonctionnement est précisé. Les relations avec les espaces voisins, qu'il s'agisse des PNR ou des agglomérations, ne sont plus pensées en termes de concurrence, mais de complémentarité et de coopération.

Les agglomérations rassemblent aujourd'hui 80 % de la population française. Elles se voient reconnaître un rôle structurant et permettent l'expression des synergies et des solidarités.

Les pôles de taille européenne constituent une autre nouveauté de ce texte. Capables de s'insérer dans le tissu des métropoles européennes, ces pôles ont également l'ambition de constituer de vraies alternatives à la région parisienne.

Enfin, parce que le rééquilibrage constitue une des fonctions premières de l'aménagement du territoire, le texte réserve une place importante aux territoires en difficulté, qu'il s'agisse des zones rurales en difficulté, des territoires urbains destructurés, de certains territoires de montagne, ou encore des départements d'outre-mer, auxquels une loi spécifique sera consacrée.

C'est une vraie modernisation territoriale de la France que dessine ce texte.

En outre, les instruments que vous avez proposés, Madame la ministre, témoignent d'une approche nouvelle, différente. Dans une France décentralisée, le rôle et l'action de l'Etat en matière d'aménagement du territoire prendront mieux en compte les aspirations de nos concitoyens. Les huit schémas de services collectifs partiront des besoins et non de l'offre, comme c'était le cas jusqu'à présent.

Enfin, le texte introduit la notion de développement durable, affirmée, dès l'article premier, comme l'élément nouveau et moteur de la politique d'aménagement du territoire. Il répond ainsi à de vraies attentes.

J'évoquerai rapidement les principaux points débattus en séance publique, en premier lieu l'égal accès des citoyens aux services publics.

Nous sommes ici, toutes tendances confondues, très attachés aux services publics à la française. Le projet de loi présentait sur ce point quelques insuffisances. La commission a donc proposé une nouvelle rédaction de l'article premier, en vue de réaffirmer le rôle de l'Etat en ce qui concerne l'égal accès de tous aux services publics. Cette modification a été adoptée à l'unanimité.

En outre, le texte, dans ce domaine, après avoir été amélioré par la commission, a été enrichi par deux amendements du Gouvernement.

Le premier, défendu par le secrétaire d'Etat à l'industrie, transpose en droit français la directive européenne du 15 décembre 1997 sur la Poste. Cette transposition s'inscrit dans le présent projet, non seulement pour respecter les délais fixés par l'Union européenne, mais parce qu'elle y a toute sa place. L'amendement donne une définition ambitieuse du service public universel. Celui-ci, composante principale du service public postal, doit contribuer à la cohésion sociale en garantissant des prestations de qualité, accessibles à tous, tous les jours ouvrables et sur l'ensemble du territoire. Le second amendement, présenté par le ministre de la fonction publique, à l'article 22 du projet, dispose que l'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes chargés d'une mission de service public peuvent, par convention, mettre des moyens en commun pour assurer l'accessibilité et la qualité des services publics sur le territoire et les rapprocher des citoyens. Ainsi pourront être créées des maisons de services publics offrant aux usagers un accès simple, en un lieu unique, à plusieurs services publics.

Ces deux amendements le montrent bien : le Gouvernement a su prendre en compte la volonté des parlementaires de conforter par la loi les garanties à offrir à nos concitoyens en matière d'accès aux services publics. Ceux-ci constituent en effet un des éléments structurants du territoire.

Notre deuxième grand débat a porté sur le rôle du Parlement dans la politique d'aménagement du territoire. Ce débat a été suscité par la disposition du projet de loi qui prévoyait l'adoption par décret des schémas de services collectifs. La commission avait jugé inenvisageable que le Parlement soit ainsi privé, et pour vingt ans, de tout pouvoir d'appréciation et de contrôle sur la politique d'aménagement du territoire. Elle avait donc adopté un amendement prévoyant l'adoption des schémas de services collectifs par la loi, afin de donner un signe fort au Gouvernement. Celui-ci a parfaitement compris le légitime souci de notre Assemblée. Aussi un amendement gouvernemental réintroduit-il la possibilité pour le Parlement de légiférer sur les orientations de la politique d'aménagement du territoire, deux ans avant l'expiration des contrats de plan. Je ne reviens pas sur les délégations parlementaires pour l'aménagement du territoire, qu'a évoquées Mme la ministre.

Ce projet constitue une nouvelle chance pour la politique d'aménagement du territoire. En élargissant ses principes, en rénovant ses instruments, il lui redonne de la pertinence, pour préparer nos territoires aux enjeux de l'avenir. Son efficacité dépendra beaucoup de la capacité et de la volonté des acteurs locaux à utiliser pleinement les possibilités qu'il leur offre. Je suis convaincu que la majorité plurielle saura encourager son application sur le terrain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

M. André Lajoinie, président de la commission de la production - En introduction à l'examen de ce projet, Madame la ministre, j'avais souhaité que vous preniez en considération les propositions d'amélioration faites par la majorité de notre commission. Je me félicite donc que le Gouvernement ait accepté d'enrichir le texte en affirmant l'indispensable cohérence nationale de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire, en y impliquant davantage le Parlement et les collectivités territoriales.

La volonté légitime de favoriser la mobilisation des acteurs locaux doit être l'occasion de réduire les inégalités entre régions, et de pousser plus avant la décentralisation en définissant les besoins et les projets de développement au plus près des populations. La mobilisation des territoires peut faire passer d'une logique de concurrence à la recherche de coopérations et de synergies. Cette orientation participe d'une véritable maîtrise nationale et démocratique de la façon dont les territoires se façonnent, si dans le même temps la cohérence nationale des actions locales est assurée. Alors que même à Davos souffle le vent d'une certaine repentance dans les propos des tenants du libéralisme, l'Etat ne doit pas s'exonérer de ses responsabilités dans ce domaine. La politique européenne est marquée par la menace d'une baisse des moyens consacrés à l'aménagement du territoire : la réduction des inégalités territoriales reste donc un objectif primordial de l'action de l'Etat. Il peut dans ce but établir des mécanismes de péréquation, développer les services publics, intervenir de façon différenciée selon les situations locales. C'est grâce à ces actions visant à la cohésion nationale que peut s'épanouir une politique de projet, favorisant un développement fondé sur les ressources et les potentiels locaux.

La maîtrise démocratique du développement du territoire imposait de renforcer le rôle du Parlement. L'action de l'Etat, comme des autres acteurs de l'aménagement, doit être guidée par des principes définis au Parlement. C'est une condition, non suffisante, mais nécessaire, pour satisfaire les attentes de nos concitoyens. La préoccupation de notre commission, que vous avez prise en compte, d'associer la représentation nationale à la détermination des orientations des schémas de service, est cohérente avec votre souhait de renforcer la participation des citoyens aux décisions qui les concernent.

Dans le même esprit, des propositions vous ont été faites pour redonner aux départements, aux communes et à leurs groupements la place qui leur revient dans ces politiques, en liaison avec les régions. Ces institutions, issues du suffrage universel, participent donc à l'expression des besoins et à l'intervention citoyenne. Ils demeurent des pôles structurants de l'action collective et seront le socle des agglomérations et des pays. La discussion a confirmé que ces derniers doivent rester des structures souples qui favorisent l'initiative et permettent de mettre en réseau les collectivités locales. Notre volonté commune d'impliquer davantage les populations doit nous inciter à ne négliger aucun échelon démocratique de notre pays et à ne pas opposer villes et campagnes.

Votre projet définit des outils d'intervention mis à la disposition des acteurs publics de l'aménagement du territoire. Les moyens humains et financiers devront être à la hauteur. La perspective d'une baisse durable des dépenses publiques, dans le cadre du pacte de stabilité, fait craindre que les objectifs affichés ne puissent être atteints. Sans un effort soutenu de l'Etat, notamment dans les contrats de plan, sans un service public rénové et renforcé, sans dotations suffisantes aux collectivités locales, votre loi perdrait en efficacité.

Par ailleurs, la réalité territoriale n'est pas seulement façonnée par les politiques publiques d'aménagement, mais largement par les stratégies des entreprises, notamment des grands groupes. Nos territoires sont systématiquement mis en concurrence pour attirer les investissements, sans aucune garantie quant aux retours attendus. La surenchère entraîne des effets d'aubaines. En rupture avec ces pratiques, il faut solidariser les acteurs économiques avec leur environnement. Une réforme des systèmes d'aides publiques devrait inciter les grandes entreprises au partenariat avec les PME-PMI locales, dans la formation et le transfert de technologie. De même, la mobilisation de l'épargne de proximité permettrait, grâce à une politique de crédit novatrice, de valoriser au mieux les potentiels territoriaux, sans s'engager dans une concurrence dévastatrice. Je me félicite que vous ayez accepté la création de fonds régionaux pour l'emploi et le développement ; souhaitons que le Gouvernement leur donne rapidement existence et efficacité.

Je remercie tous ceux qui ont participé à ce débat, et tout d'abord notre rapporteur Philippe Duron, ainsi que les services de l'Assemblée et particulièrement de notre commission. Celle-ci a approuvé ce projet, amendé, et invite l'Assemblée à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Roland Carraz - Je tiens tout d'abord, Madame la ministre, au nom du groupe RCV unanime, à condamner de façon nette et catégorique l'agression sans précédent et d'une extrême gravité dont votre ministère, comme l'Ecole nationale d'administration, vient d'être victime. Nous vous adressons, comme à l'ensemble du Gouvernement, l'expression de notre solidarité sans faille (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et quelques bancs du groupe socialiste). Nous souhaitons que les auteurs de ces actes soient justement sanctionnés et que la démocratie retrouve ses droits.

Quant à votre projet, je veux souligner d'abord les points qui reçoivent le soutien unanime du groupe RCV : votre volonté de concertation, la cohérence de l'action gouvernementale, la construction des pays et votre volonté de développer la coopération intercommunale sont ainsi des points particulièrement positifs. Ce dernier aspect permettra aux zones rurales de mieux s'organiser sur de vrais projets de développement durable, intégrant une meilleure préservation de notre environnement. Il permettra aussi aux secteurs urbains de travailler dans de meilleures conditions. Cet ensemble de points est donc jugé très positif, l'approbation des députés Verts -dont je me fais volontiers l'écho- étant ici particulièrement vive.

Mais je dois en venir aux inquiétudes de certains d'entre nous, pour l'essentiel les députés membres du Mouvement des citoyens. Je ferai ici trois observations très amicales. Tout d'abord nous sommes très attachés à l'Etat, au département et à la commune. Nous sommes évidemment ouverts à leur modernisation, mais nous croyons à la pertinence de ce cadre administratif issu du formidable travail mené en 1790 par l'Assemblée constituante. Attachés à cet édifice, nous craignons qu'un autre axe pays-agglomération-région-Europe vienne affaiblir cet équilibre ancré dans notre histoire.

Nous sommes très attachés, d'autre part, à l'aménagement du territoire conçu, non comme simple addition de projets territoriaux, mais comme outil d'une politique nationale. Celle-ci est plus nécessaire que jamais, notamment pour compenser le déplacement vers l'Est de l'axe de la construction européenne. L'agenda 2000 est en cours, Berlin sera bientôt la capitale de l'Allemagne, et le risque existe d'une marginalisation de la façade atlantique et de la zone méditerranéenne. Une politique d'aménagement du territoire doit permettre, selon les régions, d'accompagner ou de compenser ce mouvement. C'est pourquoi je regrette qu'on renonce à un schéma national d'aménagement du territoire, que même la mise en cohérence des huit schémas de services collectifs ne saurait remplacer.

Les députés MDC sont, enfin, très attachés au service public à la française, un service public républicain, et non pas sa caricature européiste qu'est le service universel, alibi du démantèlement. Après Georges Sarre, même si c'est avec moins de véhémence, je réitère notre opposition à la transposition de la directive européenne relative à la Poste.

En conclusion, les députés du groupe RCV vous adressent l'expression de leur sympathie. Ils auront en commun de voter tous selon leurs convictions, et avec la volonté de faciliter l'action du Gouvernement. Vous l'avez compris, le uns voteront davantage avec leur coeur, les autres davantage avec la raison. C'est ainsi que les députés radicaux et Verts voteront le projet, et que les députés MDC s'abstiendront (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV).

M. Jean Proriol - Est-ce à une course de fond ou à un parcours du combattant qu'il faut comparer la discussion du projet ?

M. Jean-Pierre Brard - A une partie de golf !

M. Jean Proriol - En tout cas, il a fallu du souffle : 1 200 amendements, trois semaines de débat, plusieurs nuits blanches, pour arriver au vote d'aujourd'hui, quasiment à l'arraché. Pour 36 articles d'une loi à examiner en urgence, c'est un comble ! D'autant que la rédaction des articles est loin d'être un bon cru législatif. Et puis, Madame, on vous a laissée un peu seule au banc des ministres, comme si pour le Gouvernement priorité ne signifiait pas toujours solidarité... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Présenté comme un texte visionnaire censé organiser le troisième millénaire, votre projet, très hétérogène, enrobe dans le filon du développement durable un bric-à-brac de projets à la traîne : une directive européenne sur la Poste transposée à la hâte, comme aurait aussi bien pu l'être celle sur l'électricité, des articles réformant la célèbre LOTI de Charles Fiterman, que son ex-camarade Gayssot n'a même pas défendus ; un statut des agences d'urbanisme, une mise à disposition des personnels communaux au profit de la Poste et des services de l'Etat ; enfin l'acte de décès du canal Rhin-Rhône, inscrit au Journal officiel.

Sur le fond, votre texte est frappé de vices rédhibitoires. Comme l'a souligné l'orateur précédent, il ne fait sa place ni à l'Etat, ni au Parlement.

Même pour des libéraux, l'Etat est le garant de l'unité nationale et de la solidarité territoriale. Comment le peut-il sans le schéma national d'aménagement du territoire, passé à la trappe sous prétexte qu'il était difficile à élaborer ? La vérité, c'est que la majorité plurielle n'aurait pas pu faire taire ses dissonances sur le sujet.

M. François Patriat - Vous dites n'importe quoi !

M. Jean Proriol - La commission, avec l'accord de son président et de son rapporteur, avait fait place à l'article 9 au Parlement, auquel auraient été soumis les huit schémas de services collectifs. Cet amendement, présenté par votre ami Jean-Michel Marchand, fut voté à l'unanimité. Or le Gouvernement a parachuté un autre texte, en enjoignant à la gauche plurielle de jeter le sien à la rivière ! La délégation parlementaire, accouchée prématurément au cours d'une suspension de séance, n'est qu'une échappatoire consentie du bout des lèvres, et destinée à refuser au Parlement le droit de débattre de l'aménagement du territoire.

Enfin, j'ai cherché quel était le centre de gravité de votre projet. Les articles 19 et 20 ? En fait l'article 19 se borne à confirmer les pays créés par la loi de février 1995 ; l'article 20, instaurant les communautés d'agglomération, qui est la meilleure disposition du texte, est emprunté au projet Chevènement. En revanche le monde rural, la montagne, demeurent les parents pauvres de la loi. Même la dimension européenne n'est pas prise en compte.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean Proriol - L'opposition, comme la majorité, a cherché à améliorer un texte réécrit plusieurs fois. Ce fut en vain !

"Faire de l'avenir", disait Paul Valéry, ce n'était ni l'ambition de votre projet, étriqué, ni celle de votre majorité, résignée.

Comment voter un texte où le Gouvernement se défile derrière son administration, où l'Assemblée se faufile derrière une délégation ? Le groupe DL ne le pourra pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Balligand - Nous avons passé plus de 55 heures à examiner le projet. Pour traiter de l'aménagement du territoire, deux méthodes s'offrent à nous.

La première consiste à procéder par grands effets d'annonce, à faire ainsi rêver la France, en particulier le monde rural, au risque de s'apercevoir, au lendemain du vote, que la moitié des crédits de l'aménagement du territoire est annulée, et avec elle une grande partie de la loi Pasqua ; elle consiste aussi à légiférer pour partie à crédit, puisque la loi Pasqua annonçait d'autres textes, sur la décentralisation par exemple, qui ne sont jamais venus.

La deuxième approche est celle que vous avez retenue, et qui tend à faire disparaître tous les blocages. Ainsi du schéma national d'aménagement du territoire, qui ne figurait qu'en annexe du projet Pasqua. Ce sont les parlementaires, non pas le Gouvernement d'alors, qui ont décidé d'en débattre. Or les députés qui l'ont étudié de près ont constaté qu'il était impossible de le présenter.

Cependant, l'Etat devait indiquer la politique qu'il entendait suivre : c'est à quoi tendent les articles 9 et 17 de votre projet, créant les schémas nationaux de services collectifs.

En revanche l'Etat n'est plus en mesure de concevoir et de réaliser seul l'aménagement du territoire. Ce qui était vrai d'un Etat centralisé ne l'est plus depuis les lois de 1982-1983. L'Etat doit désormais apprendre à travailler avec les collectivités territoriales.

Quel est le bon niveau d'organisation territoriale infra-régionale ? Les articles 19 et 20 répondent : pour le monde rural, les pays, dont nous ne voulons pas qu'il devienne un échelon administratif supplémentaire, mais qu'il soit le lien d'élaboration d'un projet ; pour le monde urbain, l'agglomération. Pays, agglomération, voilà deux bons outils d'aménagement du territoire.

Depuis la loi du 6 février 1992 créant les communautés de communes, le monde rural, appuyé sur les petites villes et les villes moyennes, a bougé : 1 680 structures à fiscalité propre, regroupant 34 millions d'habitants, ont été constituées.

Le secteur grand urbain, lui, se caractérise par le télescopage entre grande richesse et grande pauvreté au sein d'un même agglomération. C'est pourquoi a été conçu le projet Chevènement, qui donne son caractère normatif à la loi Voynet. Ainsi la France sera efficacement maillée. Le groupe socialiste souhaite que, une fois les pays et les agglomérations constitués, l'Etat organise la contractualisation sous la forme d'un partenariat plaçant à égalité communautés de communes, régions et Etat. Nous devons, dans les contrats de plan Etat-région, parvenir à une bonne contractualisation, en particulier pour les 20 % concernant les contrats infra-régionaux.

Le groupe socialiste, satisfait du travail réalisé, appelle bien sûr à voter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Serge Poignant - La discussion de ce texte aura été vive. Bien que des amendements de bon sens aient été acceptés par la commission de la production et par vous-même, Madame la ministre, nous nous sommes beaucoup opposés sur le fond ; sur les 36 articles, plus de 1 200 amendements ont été déposés : votre texte était bien mal ficelé...

Vous avez déclaré l'urgence parce que de grands rendez-vous nous attendent : réforme des fonds structurels européens, définition des contrats Etat-région, harmonisation des politiques européennes ; mais qu'avez-vous fait depuis un an et demi ?

Ce texte nous laisse un goût d'inachevé, renvoyant sur certains sujets à celui de M. Chevènement, dont nous avons commencé la discussion, ou à celui que nous présentera M. Zuccarelli, et nous montre l'incohérence du Gouvernement. Vous renvoyez également à des dispositions ultérieures tout ce qui touche à la fiscalité, à la péréquation, aux zonages... Pourquoi ne pas avoir, comme nous le demandions, poursuivi l'application de la loi Pasqua ?

Vous nous présentez les pays comme l'une des innovations de ce projet, mais cette notion figurait déjà dans la loi Pasqua... Nous nous réjouissons qu'à ce sujet, des amendements allant dans le sens de la souplesse aient été adoptés, mais nous sommes toujours inquiets de votre conception de l'organisation territoriale, opposant une zone urbaine créatrice de richesses à une zone rurale perçue comme un espace à protéger, en dépit de vos assurances verbales. Vous risquez de provoquer de graves fractures territoriales.

En ce qui concerne le monde rural, vous avez déposé des amendements concernant La Poste qui n'ont pas pu être discutés en commission ; nous considérons qu'il ne revient pas aux communes de financer le maintien des services publics sur le territoire : comment, en effet, parler d'égal accès aux services publics si les contribuables locaux des communes les moins favorisées doivent payer ?

Vous avez refusé le principe d'un schéma national, préférant renvoyer à huit schémas de services collectifs, d'ailleurs non exhaustifs. Nous avions demandé qu'ils soient discutés devant le Parlement ; vous avez seulement accepté qu'une délégation les examine, privant ainsi les élus de la nation, de leur pouvoir de décision. L'abandon du schéma national est d'autant plus regrettable qu'il constituait un instrument de référence pour l'élaboration du schéma de développement de l'espace européen.

La loi Pasqua demandait seulement à être complétée, comme elle le prévoyait d'ailleurs elle-même ; en juin 1997, vous avez interrompu son application, qui avait été déjà bien engagée, et maintenant vous la déstructurez. Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre votre projet inopportun, mal structuré et qui manque d'ambition pour la France dans l'Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Félix Leyzour - Dans le débat d'ouverture, j'avais souligné à la fois les mérites de ce projet par rapport au texte précédent et ses points faibles. Nous avons abordé la discussion dans un esprit constructif ; nos collègues de l'opposition, eux, ont surtout présenté des amendements de suppression et de renvoi au schéma national de la loi de 1995 -qui n'a jamais vu le jour.

Nous avons contribué à améliorer le projet sur des points essentiels : la cohérence nationale de la politique d'aménagement du territoire, en liaison avec les politiques européennes est affirmée ; les schémas de services collectifs seront, dans les deux ans précédant l'échéance des contrats de plan, soumis au Parlement, lequel assurera le suivi de leur application ; la place des services publics est renforcée. S'agissant de la Poste, nous avons émis des réserves sur la transposition de la directive européenne ; l'un de nos amendements, recoupant une proposition du rapporteur, a permis de garantir aux postiers qu'ils ne seront pas privés du droit de grève.

En ce qui concerne le schéma collectif sanitaire, le texte a été amendé, en laissant le débat ouvert sur les conditions d'équilibre de la sécurité sociale. S'agissant de l'énergie, des amendements ont été adoptés propres à assurer l'indépendance énergétique de la France et les conditions d'une bonne distribution sur l'ensemble du territoire, tout en luttant contre l'effet de serre.

Personne n'a mis en cause le rôle-pivot de la région ; le département, qui était l'oublié du projet, a vu son rôle reconnu, même si l'on n'est pas allé aussi loin que nous l'aurions souhaité. En ce qui concerne les pays, notre point de vue a prévalu : le pays ne sera pas un échelon institutionnel, mais un espace du projet.

Cette loi ne vaudra que par l'application qui en sera faite ; l'aménagement du territoire dépend de l'ensemble des politiques menées au niveau national, européen et mondial. Il nécessite d'opposer au libéralisme, qui creuse les inégalités, une politique de développement durable. Ce projet ouvre un vaste champ à des initiatives en ce sens ; c'est pourquoi le groupe communiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Coussain - Ce projet rompt les ambitions affichées par la loi du 4 février 1995 et rétrécit la notion même d'aménagement du territoire, limitée à des schémas de services juxtaposés. En privant certaines régions du droit à des voies rapides et sûres de communication, aux systèmes modernes de télécommunications, vous leur refusez l'égalité de chances.

Nous avons au moins six bonnes raisons de dire non à votre projet.

Nous attendions une clarification des compétences, rendue indispensable 17 ans après les grandes loi de décentralisation, par les maquis des textes qui se sont superposés. La confusion actuelle, les croisements et conflits de compétences empoisonnent la vie des responsables sociaux et économiques. Hélas, votre projet est muet sur ce point.

Nos compatriotes espéraient aussi une simplification des procédures car ils ne se retrouvent plus dans les empilements d'organismes de décision et de contrôle. Or, même amélioré grâce à nos propositions, votre projet complique et ajoute une structure, au risque de décourager les initiatives qui devraient venir des pays conçus dans la loi de 1995, comme des espaces de projets et d'animation.

Par ailleurs, il ne saurait y avoir d'aménagement du territoire sans une péréquation destinée à corriger les énormes écarts de ressources entre les territoires, qui jouent toujours en défaveur des collectivités confrontées aux plus grandes difficultés et où l'investissement est plus nécessaire encore. Sur ce point, la loi de 1995 fixait des objectifs ambitieux et la politique solidaire d'aménagement fait cruellement défaut à votre texte.

Nos régions et nos collectivité sont diverses, leurs atouts sont différents et les niveaux de coopération sont variables. Pour en tenir compte et laisser des marges à l'initiative, il eût fallu ouvrir le droit à l'expérimentation. Nos propositions en ce sens ont été rejetées au nom de l'uniformité et de la fausse égalité.

Cinquième raison de notre opposition : l'aménagement et le développement du territoire concernent tous les Français, leur vie quotidienne, leur accès à la promotion, à la culture, à la formation. C'est un sujet politique, qui exige des choix, des priorités, une volonté politique. Or vous l'abandonnez aux pouvoirs administratifs déconcentrés et vous en dessaisissez la représentation nationale. Tout au long de l'examen des 36 articles, nous avons refusé ce recul de la démocratie. Vous ne nous avez pas répondu.

Enfin, pour corriger un prétendu excès ruraliste de la loi de 1995, ce projet porte en germe une opposition entre la ville et la campagne et une concurrence sur un même territoire entre la communauté d'agglomération et le pays environnant.

Telles sont les principales raisons de notre opposition à un texte qui nous a été soumis en urgence, au mépris de la concertation indispensable.

Votre loi d'orientation, Madame la ministre, désorientera plus qu'elle n'orientera. Elle désorientera les responsables économiques et sociaux de nos régions, départements et communes, que vous privez de référence sur les objectifs et moyens ; elle n'orientera ni ne facilitera leurs décisions parce qu'elle accroît la confusion et l'empilement administratif. Il est certain en outre, Monsieur Balligand, qu'elle ne fera pas rêver.

Le groupe UDF votera donc contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

A la majorité de 304 voix contre 246 sur 559 votants et 550 suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures 20, est reprise à 17 heures 35 sous la présidence de M. d'Aubert.

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président


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COOPÉRATION INTERCOMMUNALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des lois - Je demande la réserve de l'amendement 69 deuxième rectification jusque après l'article 16.

M. le Président - La réserve est de droit. A la demande de la commission, l'article 2 est également réservé jusque après l'article 16.

M. le Rapporteur - En effet. Cette réserve est demandée pour des raisons techniques uniquement.

APRÈS L'ART. 2

M. Gilles Carrez - L'amendement 54 de M. Ueberschlag vise à combler une lacune du code général des collectivités territoriales, qui autorise la transformation des commissions syndicales en syndicats de communes mais exclut cette possibilité pour les commissions d'Alsace et de Moselle, ce qui leur pose de plus en plus de difficultés. Il faut lever cette interdiction, posée à l'article L.5 222-3 du code.

Cette proposition a déjà reçu un accord de principe dans un précédent débat.

M. le Rapporteur - Cet amendement vise en effet à autoriser les communes d'Alsace et de Moselle à se constituer en syndicats de communes pour gérer des biens indivis.

La transformation de commissions syndicales en syndicats de communes a été autorisée par la loi montagne de 1985. L'Alsace et la Moselle ont été exclues de ce dispositif au motif qu'une loi spéciale devait leur être consacrée. Aucun projet n'ayant été déposé, cette interdiction ne se justifie plus.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Avis favorable.

L'amendement 54, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Yves Bur - Encourager et simplifier l'intercommunalité, c'est nécessaire. Les problèmes ne peuvent plus être traités au niveau communal. Je regrette toutefois que le Gouvernement aligne des textes sur l'aménagement du territoire et l'organisation urbaine sans avoir la volonté d'approfondir la décentralisation ni de clarifier les compétences des différents acteurs.

Elu de Strasbourg, je trouve positif le bilan de la communauté urbaine, même si la grande ville joue nécessairement un rôle décisif, au détriment, parfois, de ses voisines. La structure communautaire tend à élargir ses compétences, surtout lorsque cela arrange la grande ville.

L'élection au suffrage universel direct du président de la communauté urbaine remettra en cause, à terme, l'existence même de la commune, alors que le besoin d'une administration de proximité se fait de plus en plus sentir dans les agglomérations. La fusion des communes dans un vaste ensemble ne constituerait donc pas, à mes yeux, un progrès.

Par ailleurs, votre projet encouragera-t-il les élus à créer de nouvelles communautés urbaines ? Je n'en suis pas sûr, connaissant la réticence des petites communes à partager les charges de la grande ville.

Enfin, si les communautés urbaines sont bien de taille à assurer certaines missions jusqu'alors dévolues au conseil général, en matière sociale tout particulièrement, un tel transfert ne me paraît guère opportun. Ce n'est pas ainsi qu'on clarifiera les compétences. En outre si l'intercommunalité devient la règle, ce qui est souhaitable, le département n'aura plus la charge que de quelques espaces non intégrés, ce qui pose un problème d'égalité de traitement.

Certes, l'utilisation du contingent communal d'aide sociale n'est pas assez transparente. On pourrait envisager pendant l'examen du projet relatif à la couverture maladie universelle, la suppression de ce contingent, de manière à confier au département l'entière responsabilité de l'action sociale.

Au moment où le Gouvernement invite les départements à devenir des partenaires actifs de la politique de la ville, il est au moins paradoxal de vouloirs transférer certaines de leurs compétences aux agglomérations.

Art. L. 5215-1 du code général des collectivités territoriales

M. Hervé Morin - Notre amendement 502 vise à éviter les regroupements de circonstance, en exigeant qu'au moins trois communes s'associent pour former une communauté urbaine. Nous avons déposé des amendements identiques à propos des communautés de communes et des communautés d'agglomération, estimant que, contrairement au Pacs, de telles communautés ne peuvent être constituées à deux seulement.

M. le Rapporteur - Nous avons rejeté un amendement du même genre pour les communautés d'agglomération et le rejet se justifie encore plus dans le cas de la communauté urbaine car le seuil est ici de 500 000 habitants !

M. le Ministre - Même avis.

M. Hervé Morin - Nous légiférons pour l'avenir et il se peut que certaines grandes villes arrivent à ce chiffre. Déjà, la ville de Marseille atteindrait, avec une seule autre commune, les 500 000 habitants.

L'amendement 502, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 71 est purement rédactionnel.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 71, mis aux voix, est adopté.

M. Eric Doligé - Nous sommes tous pour l'intercommunalité, mais aussi pour la liberté. Il existe une logique de partenariat entre les structures intercommunales d'une part, le département et la région d'autre part. L'amendement 41 tend à leur donner le pouvoir d'organiser ce partenariat par des conventions.

M. Gilles Carrez - L'amendement 266 est défendu.

M. Thierry Carcenac - Je ne doute nullement de la volonté du Gouvernement de respecter les principes des lois de décentralisation. Mon amendement 552 vise simplement à inscrire une évidence dans la loi en confirmant le rôle positif qu'entendent jouer départements et régions en contractualisant leur partenariat autour d'une intercommunalité de projet.

M. Francis Delattre - L'amendement 367 a le même objet. J'ai déjà défendu cet amendement de bon sens à plusieurs reprises, mais je ne me fais aucune illusion sur son sort car le Gouvernement l'a refusé.

M. le Rapporteur - Les communautés urbaines et les communautés d'agglomération ne sont pas faites contre les départements. La commission a refusé ces amendements parce qu'ils enfermeraient ces communautés dans tel ou tel mode de coopération. Mais rien ne leur interdit de signer ce genre de conventions si elles le souhaitent.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 41, 266 et 552, identiques, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - En conséquence, l'amendement 367 tombe.

Art. L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales

M. Michel Vaxès - L'amendement 415 est le premier d'une série analogue à celle que nous avons déjà défendue pour les communautés d'agglomération, à savoir le principe d'une démarche libre et volontaire d'adhésion des communes.

M. le Rapporteur - La nécessité d'un avis conforme des conseils municipaux risque d'aboutir à des blocages et de freiner l'intercommunalité. La commission a rejeté l'amendement.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 415, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 416, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 72 rectifié, proposé par M. Bernard Roman, tend à étendre la compétence de la communauté urbaine aux réseaux d'équipements.

M. le Ministre - Le Gouvernement est réservé sur cet amendement. La notion de réseau d'équipements n'est pas claire et risque de provoquer des conflits de compétences entre la communauté urbaine et les communes membres. Il faudrait une rédaction plus précise.

M. Bernard Roman - L'article précise que la communauté urbaine peut assumer un certain nombre de compétences en ce qui concerne les équipements structurants d'animation culturelle, sportive, etc. Or il se peut qu'il y ait plusieurs équipements de même nature, par exemple plusieurs piscines, sur son territoire. Il faut que la communauté puisse les prendre en charge de manière coordonnée.

M. le Ministre - Il me semble que le texte du projet est suffisant. C'est le critère de l'intérêt communautaire qui est déterminant. Je ne vois pas l'intérêt de cette adjonction.

L'amendement 72 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 73 précise le contenu des actions en faveur de l'environnement.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 73, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 75 tend à rendre les communautés urbaines compétentes pour la maîtrise des consommations d'énergie.

M. le Ministre - La maîtrise des consommations d'énergie est le fait de tous les utilisateurs d'énergie. Une acceptation extensive de cet amendement rendrait la communauté compétente pour quiconque craque une allumette... Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Rapporteur - J'aurais souhaité que MM. Aschieri, Cochet, Hascoët, Mamère, Marchand ou Mme Aubert soient présents pour préciser le sens de leur amendement 146. Les arguments du ministre étant pertinents, je m'en remets aussi à la sagesse de l'Assemblée.

Les amendements 75 et 146, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 74 prévoit que la communauté urbaine participe à l'élaboration, à la signature et à l'exécution du contrat de plan, pour une meilleure articulation avec la loi Voynet.

M. Marc Philippe Daubresse - Mon amendement 470 est de même inspiration, et je le retire au profit du 74. On a vu des cas où les communautés urbaines étaient laissées à l'écart de la contractualisation du plan.

M. le Ministre - S'il s'agit d'admettre les communautés urbaines à la contractualisation en matière d'aménagement du territoire, je suis d'accord. S'il s'agit de leur donner une compétence, que possèdent les régions, mais que les communes n'ont pas, cela mérite plus de réflexion. L'amendement gagnerait à être rectifié, en qualifiant d'"éventuelle" la "participation" qu'il mentionne.

M. le Rapporteur - Il me semble que cette rectification s'inscrit dans ce que j'ai dit sur la cohérence avec la loi Voynet.

M. Bernard Roman - Si la compétence n'est qu'"éventuelle", est-il utile de la mentionner ?

M. Marc Philippe Daubresse - Je me le demande aussi. Dans certains cas on a volontairement écarté les communautés urbaines de la préparation des contrats de plan.

M. Alain Cacheux - Je suis un peu surpris : la loi Voynet dispose explicitement que les structures d'agglomérations, notamment les communautés urbaines, seront associées à l'élaboration, à la signature et à l'exécution des contrats de plan. C'est déjà dans la loi ! Il a simplement paru utile de le redire ici pour éviter toute ambiguïté. Il est effectivement arrivé dans le passé que des communautés urbaines ne soient pas associées, et il avait fallu la volonté de M. Balladur pour qu'elles le soient un peu quand même.

M. le Rapporteur - A la réflexion, je pense comme M. Cacheux que le terme "éventuellement" n'ajoute rien, et qu'il s'agit simplement de redire ce que nous avons déjà voté.

M. le Ministre - Nous sommes devant une question de compétences. Les communes n'ont pas compétence pour l'aménagement du territoire. La loi Voynet dispose simplement que les communes et établissements publics peuvent passer avec l'Etat ou la région un contrat particulier en application du contrat de plan Etat-région, non plus qu'ils peuvent participer à l'élaboration de ce dernier. Ils peuvent passer un contrat particulier qui est une déclinaison du contrat de plan.

M. Bernard Roman - C'est bien l'objectif de notre amendement.

M. le Rapporteur - Quand l'amendement 74 évoque une "participation" de la communauté urbaine, cela ne signifie pas qu'elle signe, mais qu'elle est associée, d'une manière classique, conformément à ce qu'a dit le ministre. En adoptant cet amendement, nous n'ajoutons rien.

M. Francis Delattre - Dans ce cas, autant le retirer...

M. le Ministre - Si M. le rapporteur ne propose pas une autre rédaction, au moins ses explications pourront-elles éclairer le texte. J'aurais préféré qu'on parle d'une "association". Mais, au bénéfice des explications de M. Gouzes, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 74, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Vaxès - L'intérêt communautaire d'une compétence transférée à la communauté urbaine doit être déterminé par l'autorité qui la transfère, à savoir les conseils municipaux des communes membres. Nous proposons donc par l'amendement 417 de prévoir, non un vote à la majorité qualifiée du conseil de la communauté, mais un vote à la majorité simple après avis conforme des communes.

M. le Rapporteur - Nous avons déjà rejeté un amendement semblable à propos des communautés d'agglomération. La définition de l'intérêt communautaire à la majorité des deux tiers du conseil de la communauté est une innovation intéressante du projet, qui fera progresser l'intercommunalité. Exiger l'avis conforme des communes serait créer des risques de blocage. Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 417, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Lemoine - L'amendement 267 tend à supprimer le II de l'article.

M. Francis Delattre - Le 324 également.

M. Marc-Philippe Daubresse - Le 460 également. Le groupe UDF estime qu'ici on s'arrête au milieu du gué. Si l'on veut supprimer les départements, il faut le dire ; et le débat que nous aurons à l'article 7 sur l'application du suffrage universel aux communautés posera le même problème. Si on ne veut pas les supprimer, il faut prévoir des conditions partenariales pour le transfert de l'aide sociale.

M. le Rapporteur - Nous avons rejeté des amendements identiques à propos des communautés d'agglomération. Il n'est nullement question dans ce projet d'opposer entre elles des collectivités, et notamment de les opposer au département, qui conserve un rôle très important.

M. le Ministre - Même avis.

M. Bernard Roman - La possibilité pour les départements de conventionner avec les communes la mise en oeuvre de l'action sociale existe depuis la loi de 1983 ! On n'a pas entendu depuis lors dans les départements où cela se pratique -à la satisfaction des conseils généraux comme des communes- cette sorte de procès en sorcellerie sur l'inutilité de tel ou tel niveau de compétence. Ces amendements sont donc inutiles.

Les amendements 267, 324 et 460, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Francis Delattre - Nous souhaitons que l'initiative de la convention appartienne à la collectivité compétente au fond : en matière sociale, c'est le département qui doit prendre l'initiative de conventionner ou non. C'est l'objet de l'amendement 368.

On peut toujours proclamer qu'on ne veut aucun mal au département, mais, si on permet aux communautés de prendre l'initiative, on créera à terme une confusion des compétences. D'accord pour un partenariat, mais que ce soit la collectivité compétente en droit commun qui décide de déléguer.

M. Marc-Philippe Daubresse - L'amendement 461 est identique.

M. le Rapporteur - De tels amendements ont déjà été rejetés pour les agglomérations. Si le département veut prendre l'initiative, il le peut. Si la communauté urbaine le souhaite et que le département le refuse, il ne pourra y avoir de convention. Où est donc le débat ? J'ai l'impression qu'on veut laisser croire que tout ce mécanisme est dirigé contre le département. Mais non, ces conventions, M. Roman l'a dit, peuvent déjà avoir lieu aujourd'hui : quelle que soit la collectivité qui en a l'initiative, il faut l'accord des deux.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Bernard Roman - C'est comme en amour : l'important n'est pas de savoir qui demande la main de l'autre, mais qui a le pouvoir de décider... (Sourires) Même si l'initiative vient de la communauté urbaine, si le département refuse, rien ne se fera.

Les amendements 368 et 461, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Eric Doligé - Notre amendement 42 est très proche des précédents. Lorsque nous parlons du département, M. Roman nous accuse de procès en sorcellerie. Pourquoi cet anathème ? Il nous paraît normal que ceux qui disposent d'une compétence soient libres de la déléguer ou non. Libre à ceux qui peuvent la recevoir de l'accepter ou pas. Certains départements qui vous sont proches ont connu des batailles entre telle grande ville et le conseil général. Tout n'est pas rose dans les départements. La loi doit donc être claire.

Par ailleurs, j'entends dire que la loi Voynet est adoptée et qu'en conséquence tout est réglé. Ou je connais mal le fonctionnement du Parlement, ou je crois que le Sénat aura son mot à dire.

J'ai défendu aussi l'amendement 268.

M. Thierry Carcenac - L'amendement 571 est défendu.

M. le Rapporteur - Toutes ces craintes ne sont pas fondées. Avis défavorable.

M. le Ministre - Rejet également.

Les amendements 42, 571 et 268, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Roman - La compétence d'aide sociale étant ouverte aux communes par la loi de 1983, l'amendement 76, adopté par la commission, tend à éviter tout croisement de compétences sur un même territoire.

M. le Rapporteur - Un amendement analogue, relatif aux communautés d'agglomération, avait reçu un accueil plus que réservé de la part du ministre, qui a fait valoir l'impossibilité d'empêcher les collectivités de contracter, si bien que l'amendement avait été retiré.

M. le Ministre - Je suis même franchement hostile à un amendement de ce type. Il n'est pas concevable de limiter la liberté de contracter. De plus, l'aide sociale n'est pas un bloc monolithe. Un département peut vouloir contracter, sur un point particulier, avec une communauté de communes, avec une commune sur un autre,... Sachons rester souples.

M. le Rapporteur - Je crois que, avec l'accord de M. Roman, je peux retirer l'amendement.

L'amendement 76 est retiré.

M. Edouard Landrain - Notre amendement 537 porte sur les relations entre les départements ou les régions et les communautés d'agglomération. Comme à l'amendement 76, que nous aurions voté, nous souhaitons préciser que la possibilité de conventions est ouverte pour les parties qui souhaitent s'engager dans des actions communes.

M. le Rapporteur - Toutes les collectivités peuvent passer des conventions. Elles le font déjà. Des amendements comme celui-ci risquent d'être perçus comme recelant la volonté, de la part des conseils régionaux ou généraux, d'exercer une tutelle sur les communautés d'agglomération ou sur les communautés urbaines. Avis défavorable.

M. Eric Doligé - L'amendement 43 est identique au précédent. La tutelle à laquelle vous faites allusion n'existe pas. Un contrat Etat-région implique-t-il une tutelle de l'Etat sur la région ? Absolument pas.

M. le Rapporteur - Puisqu'il est entendu que les collectivités peuvent contracter librement, toute précision supplémentaire est inutile.

M. Eric Doligé - Je ne vois pas l'inconvénient d'une précision de ce genre.

M. Jean-Claude Lemoine - La loi de décentralisation exclut toute tutelle d'une collectivité sur une autre. Nos amendements, y compris le 269, ne comportent donc pas ce risque.

M. Jean-Jacques Weber - Je voterai cet amendement, mais il n'est pas bien rédigé. En effet, ce n'est pas la communauté d'agglomération, mais la communauté urbaine dont traite l'article 4.

M. Thierry Carcenac - L'amendement 553 est identique aux deux précédents.

M. le Rapporteur - Nos collègues enfoncent des portes ouvertes. Il n'est nul besoin de texte législatif pour conclure des conventions. La disposition proposée cacherait-elle autre chose ? Pour éviter toute suspicion, la commission a rejeté ces amendements.

M. le Ministre - Même avis que la commission. Les amendements sont inutiles.

L'amendement 537, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 43, 269 et 553, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Alain Cacheux - Monsieur le ministre, votre projet se conforme naturellement aux dispositions de l'article 72 de la Constitution, qui consacrent le principe de la libre administration des communes, mais vous introduisez une dose de volontarisme qui manquerait dans la loi ATR de 1992. A preuve la taxe professionnelle d'agglomération, dont l'adoption conditionne la création des communautés d'agglomération ou des nouvelles communautés urbaines. Vous l'avez dit, et le rapporteur l'a confirmé, il n'est pas de solidarité territoriale réelle sans mutualisation des ressources.

La taxe professionnelle d'agglomération a des avantages multiples : elle permet de mettre fin à la concurrence des communes vis-à-vis des entreprises, de mieux maîtriser l'aménagement du territoire -en évitant par exemple la prolifération des centres commerciaux-, de mutualiser les risques liés aux défaillances d'entreprises. Or les communautés urbaines existantes peuvent adopter ce régime à la majorité qualifiée, mais elle n'y sont pas incitées. Mon amendement 311 corrigé a donc pour objet d'opérer un renversement, en rendant la taxe professionnelle d'agglomération de règle, une majorité qualifiée étant nécessaire pour s'y opposer. Il s'agit de faire en sorte que les communautés urbaines existantes continuent de progresser dans la voie de la solidarité : il ne faudrait pas, en effet, qu'après avoir joué un rôle précurseur dans l'organisation urbaine, elles se retrouvent à la traîne, devancées par les nouvelles communautés urbaines et les communautés d'agglomération -pour lesquelles la taxe professionnelle d'agglomération est obligatoire.

Mon amendement respecte l'autonomie des collectivités locales, puisqu'elles garderont la possibilité de refuser le système. Dans le débat général, Monsieur le ministre, vous vous êtes dit ouvert à de nouvelles avancées pour les communautés urbaines existantes ; j'espère que vous accepterez celle-ci.

M. le Rapporteur - Nous avons décidé d'instituer des communautés d'agglomération, avec une taxe professionnelle unique obligatoire ; les communautés urbaines, qui ont des compétences encore plus intégrées, auront ce régime à partir de 500 000 habitants. Il nous paraît donc logique, pour aller dans le sens du texte, de renverser les conditions de majorité pour les communautés urbaines existantes, la taxe professionnelle unique étant à nos yeux la condition indispensable d'une intégration renforcée réussie. C'est pourquoi la commission a adopté l'amendement 77, identique au 311 corrigé.

M. le Ministre - Je comprends bien l'esprit de ces amendements, mais il faut prendre garde de ne pas obérer les capacités financières des communautés urbaines, qui se sont constituées progressivement depuis 1966, par une extension trop brutale de leurs compétences. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. Gilles Carrez - La mise en commun de la taxe professionnelle est une idée-force du texte et je m'en félicite ; mais dans les communautés urbaines existantes, qui pour certains ont plus de trente ans, les simulations montrent qu'elle poserait de grandes difficultés pratiques, car elle provoquerait un véritable bouleversement des flux financiers entre la communauté et les communes et entre les communes elles-mêmes. Je suis donc très réservé, pour ne pas dire opposé.

M. Francis Delattre - Je suis opposé à ces amendements, qui constituent une novation juridique importante par rapport au droit public traditionnel... Les avancées, en matière de coopération intercommunale, supposent le volontariat.

M. Marc-Philippe Daubresse - M. Cacheux a une curieuse définition du volontarisme politique : si les deux tiers des communes ne s'opposent pas au système, on le leur impose...

La loi de 1966 a imposé à certaines communes de faire partie de communautés urbaines ; ne leur imposons pas encore d'autres dispositions à la hussarde... Elles sont prêtes à progresser, mais de manière volontaire.

M. Alain Cacheux - Monsieur le ministre, il est vrai qu'il faut être prudent en matière d'élargissement des compétences ; mais les compétences rendues obligatoires dans le nouveau régime étaient souvent déjà assumées par les communautés existantes.

Par ailleurs, si l'harmonisation fiscale est si difficile que le disent certains de nos collègues, comment croire que les communautés d'agglomération et les nouvelles communautés urbaines vont se créer ? Le problème est à peu près le même pour les anciennes et pour les nouvelles structures...

De toute façon, l'harmonisation ne devra être réalisée que dans un délai de douze ans. A l'évidence, les communautés urbaines n'accepteront pas la charge de certains équipements s'il n'y a pas partage des recettes.

Monsieur Daubresse, je suis sûr que dans l'ensemble des communautés existantes, la population pense qu'elles sont une bonne chose.

M. Marc-Philippe Daubresse - Cela n'a rien à voir !

M. Alain Cacheux - Certains pensent que la bonne volonté suffit ; d'autres pensent qu'il faut une dose de volontarisme.

Méditons l'échec de la loi de 1992 qui, en milieu urbain, s'en remettait exclusivement à la bonne volonté des élus.

M. Eric Doligé - Le ministre a dit qu'il ne fallait pas forcer les communes, mais c'est bien ce qu'on est en train de faire : celles qui sont entrées il y a quelques années dans les SIVOM qui ont été ensuite transformés en communauté de communes vont dès la loi votée être entraînées de force dans les communautés urbaines ou d'agglomération. Dans mon département, sont concernées les deuxième, troisième et quatrième communes en importance.

On voudrait en outre qu'elles n'aient aucune possibilité de discuter, de se défendre. On procède bien à la hussarde ! C'est la tutelle de fait quand il faudrait laisser un peu de liberté aux communes.

Peut-être une bonne partie des compétences sont-elles déjà exercées en commun, mais les communes ne sont peut-être pas d'accord pour perdre les autres sans discuter.

Enfin, venez donc faire un référendum dans mon secteur, les résultats ne seront sans doute pas ceux que vous escomptez...

M. le Rapporteur - Nous ne parlons pas des communautés de communes,...

M. Eric Doligé - Mais on va les transformer !

M. le Rapporteur - ...mais des communautés urbaines.

On ne peut se plaindre sans cesse que les journalistes relèvent les écarts de TP et refuser de faire le pas quand on nous propose d'avancer. Mais si ceux qui disent non atteignent les deux tiers, il n'y aura pas de TPU. Une telle frilosité me surprend. Encourageons plutôt ceux qui hésitent encore !

M. Alain Cacheux - Très bien !

M. Marc Philippe Daubresse - En supprimant la référence à la règle des deux tiers, je propose par un sous-amendement de revenir sur ce qui ressemble fort à une obligation.

M. le Rapporteur - Ce sous-amendement est contraire à l'amendement de la commission. Rejet.

M. le Ministre - J'ai déjà donné mon avis.

M. Alain Cacheux - Contre ce sous-amendement astucieux qui nous ferait revenir à la situation actuelle...

Le sous-amendement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 77 et 311 corrigé, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 78 est rédactionnel.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 78, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Roman - Dans le même esprit que précédemment, l'amendement 79 intègre les contrats de plan et les schémas de services dans les compétences des communautés urbaines.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement.

M. le Ministre - Même avis que tout à l'heure.

L'amendement 79, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Cacheux - L'amendement 312 rectifié prévoit que les communautés existantes ayant rejeté le nouveau statut continueront d'exercer leurs compétences acquises par transfert.

M. le Rapporteur - L'amendement 80 de la commission est identique.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 80 et 312 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - Les amendements 81 et 314 sont de coordination avec l'amendement 77.

M. le Ministre - Favorable.

Les amendements 81 et 314, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. Pierre Ducout - L'amendement 82 de la commission vise à étendre de manière dérogatoire le périmètre des communautés urbaines existantes.

Le consensus est sans doute assez large sur ses objectifs : assurer la cohérence du développement au sein d'une aire urbaine, favoriser les solidarités sociale et financière, dynamiser les pôles de développement économique d'importance européenne.

Il me semble toutefois que des structures moins contraignantes permettraient d'atteindre ces buts, en particulier les syndicats mixtes qui associent communauté urbaine et communes de certaines aires métropolitaines, et qui ont vocation à réviser le schéma directeur pour assurer la cohérence du développement, à coordonner les programmes locaux de l'habitat, à mettre en place des systèmes de péréquation. Enfin, pas plus que Nantes - Saint-Nazaire, la métropole Bordeaux-Arcachon-Libourne ne saurait être englobée dans une communauté urbaine, une structure associant syndicat mixte et communauté de communes ou d'agglomération étant mieux à même de promouvoir le pôle européen.

Il me semblerait donc préférable, comme je le propose par mon sous-amendement 605, de s'orienter vers une solution de ce type, plus respectueuse des communautés urbaines existantes, pour certaines, depuis fort longtemps.

Je souhaiterais que le rapporteur comme le ministre insistent sur le caractère dérogatoire et exceptionnel de la procédure visée par l'amendement de la commission, qui ne s'appliquerait pas dans les cas que je viens de citer.

M. le Rapporteur - Il arrive que les communautés urbaines ne puissent s'étendre en raison de l'opposition déterminée d'une commune qui bénéficie de tous les avantages sans participer aux charges qui y sont liées et qui pratiquent même parfois une politique fiscale concurrentielle.

Ce sont de tels cas que vise l'amendement 82 de la commission, en créant les conditions d'une remise en ordre des périmètres des communautés urbaines.

Il s'agit d'une dérogation exceptionnelle, qui ne pourra d'ailleurs être renouvelée que tous les douze ans.

Une communauté urbaine n'étendra pas son périmètre à un syndicat mixte déjà organisé. Je suis donc défavorable au sous-amendement. L'amendement de la commission est suffisamment restrictif.

M. le Ministre - Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement 605.

M. Michel Vaxès - L'adoption de l'amendement de la commission va autoriser, à l'initiative du préfet, l'annexion d'une commune à une communauté urbaine, sans que la municipalité concernée puisse même rendre un avis.

Je veux bien soutenir le sous-amendement, qui réduira les effets de ce dispositif ; quant à l'amendement 82, il porte atteinte à la liberté des communes.

M. Pierre Ducout - Avec la taxe professionnelle unique, les différentiels de taux dans le périmètre des agglomérations vont disparaître.

Je retire mon sous-amendement 605.

L'amendement 82, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. le Rapporteur - Les amendements 83, 84 et 85 de la commission sont rédactionnels.

L'amendement 83, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 84 et 85.

M. le Rapporteur - L'amendement 86 rectifié de la commission est aussi rédactionnel, mais il faut lui apporter une deuxième rectification, car la référence est erronée : il s'agit non du I A de l'article 4 de la loi précitée", mais du "I de l'article L. 5215-20 bis du code général des collectivités territoriales".

M. le Ministre - Avis défavorable. Si cet amendement était adopté, il y aurait deux régimes pour une même catégorie, celle des communautés urbaines à taxe professionnelle unique.

M. le Rapporteur - L'amendement de la commission est purement rédactionnel. Il vise à préciser que le mécanisme de représentation substitution reste applicable aux communautés urbaines existantes ayant choisi le régime juridique proposé aux nouvelles communautés urbaines à l'article 3 du projet.

M. Francis Delattre - Compte tenu de ce qui a été adopté tout à l'heure, il y aura bien deux systèmes de représentation substitution.

M. le Ministre - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 heurs 5, est reprise à 19 heures 15.

M. le Rapporteur - Dans un esprit de conciliation, je propose de rédiger l'amendement 86 rectifié comme suit :

"Dans la première phrase de cet article, après les mots : "coopération intercommunale", insérer les mots : "ayant élargi ou non leurs compétences dans les conditions prévues au I de l'article L. 5215-20 bis du code général des collectivités territoriales" ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 86 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A la demande de la commission, l'article 6 est réservé jusqu'après l'article 51 et les articles 7 et 8 jusqu'après l'article 22.

M. Marc-Philippe Daubresse - Rappel au Règlement. Evidemment il est toujours possible de réserver des articles, mais à ce stade du débat, après toutes les déclarations de bonne foi et de bonnes intentions que nous avons entendues, il faudrait quand même que l'on sache quelles sont les positions des uns et des autres sur cet article 7 ! Nous avons entendu M. Chevènement, puis M. le rapporteur exprimer chacun un point de vue, puis M. Roman a lancé des bombes sur le sujet, mais nous avons ensuite lu dans la presse que M. Mauroy, président de la communauté urbaine de Lille, avait désavoué son vice-président sur ce point. Il y a beaucoup d'élus locaux, dans toutes les communautés urbaines de France, qui aimeraient être fixés sur vos intentions respectives.

M. le Rapporteur - La réserve n'a rien d'idéologique. Elle vise simplement à reporter le débat à l'article 22 car les autres articles sont accessoires par rapport à ce dernier. Il paraît plus logique de discuter d'abord sur l'essentiel.

M. le Ministre - Je voudrais tout de même que nous nous expliquions. J'ai dit que le principe du suffrage universel impliquait la constitution d'une entité dans laquelle les citoyens puisent se reconnaître. On peut donc faire un pas dans ce sens pour les communautés urbaines, qui sont anciennes, mais pour les autres il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs : c'est particulièrement vrai pour les communautés d'agglomération, qui n'existent pas encore !

Si l'on reporte le débat après l'article 22, le Gouvernement ne pourra pas faire le moindre geste, c'est clair !

M. le Président - Est-ce que la commission maintient sa réserve ?

M. le Rapporteur - Encore une fois, cette réserve est purement technique, elle n'a rien de politique, tous les points de vue pourront s'exprimer.

Quant à moi, je crois qu'il est impensable actuellement de faire élire les délégués communautaires au suffrage universel, pour plusieurs raisons. D'une part, cela dissuaderait les élus municipaux de créer des structures intercommunales par crainte qu'elles ne leur échappent. D'autre part, quand une commune délègue ses compétences, elle ne le fait pas à vie : elle peut très bien se retirer de l'établissement public intercommunal. Mais si celui-ci est l'émanation du suffrage universel direct, il pourrait être considéré comme une nouvelle collectivité territoriale.

M. le Président - Maintenez-vous la réserve ?

M. le Rapporteur - Je la maintiens.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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