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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 74ème jour de séance, 189ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 17 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA

vice-présidente

          SOMMAIRE :

PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :  RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE FONDS STRUCTURELS NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES (discussion générale commune) 1

La séance est ouverte à neuf heures trente.


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  PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION : 
RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
FONDS STRUCTURELS
NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES
(discussion générale commune)

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Béatrice Marre sur le projet de réforme de la politique agricole commune, de la proposition de résolution de M. Alain Barrau sur la réforme des fonds structurels, et de la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 et sur le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.

La Conférence des Présidents a décidé que ces trois textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

M. Joseph Parrenin, rapporteur de la commission de la production pour la proposition de résolution sur le projet de réforme de la politique agricole commune - Je tiens à préciser que les membres de la commission se sont largement appuyés sur le remarquable travail réalisé, en application de l'article 151-1 de notre règlement, par la délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne et par son rapporteur, Mme Béatrice Marre. Quand la commission s'est réunie, le 10 février, le contexte de la négociation communautaire était sensiblement différent de celui que nous connaissons aujourd'hui. Elle a, ce jour-là, défini des positions qui visent à aider la délégation française dans les discussions sur la réforme de "l'Europe verte", avec l'objectif premier de soutenir notre agriculture et tous ceux qui en vivent.

Le compromis présenté le 11 mars par la présidence allemande du Conseil de l'Union marque certes des avancées avec le renoncement au cofinancement ou les mesures pour l'élevage allaitant. Mais, Monsieur le ministre, vous avez eu raison d'indiquer que le travail demeure inachevé. Il n'a donné lieu à aucun vote au Conseil des ministres et il n'a pas été soumis au Parlement européen ; il ne peut donc être considéré comme un accord véritable sur la réforme de la PAC. D'ailleurs, le Conseil européen de Vienne avait estimé qu'un tel accord devait trouver sa place dans le cadre plus large de la négociation sur "l'Agenda 2000".

En outre, le compromis du 11 mars comprend des mesures critiquables puisqu'il méconnaît la nécessité de stabiliser les dépenses agricoles. Il prévoit en effet un budget de 314 milliards d'euros pour la période 2000-2006, dépassant ainsi de près de 7 milliards d'euros le plafond retenu au sommet informel des chefs d'Etat et de gouvernement de Petersberg.

Or, la pérennité de la politique agricole commune, à laquelle nous tenons tous, impose d'éviter toute dérive des dépenses budgétaires et de prendre en considération le développement rural. Elle suppose aussi de reprendre la proposition de la Commission européenne sur le plafonnement des aides, de revoir le niveau de la baisse des prix des céréales et celui de la compensation aux oléagineux, de repousser, enfin, à l'après 2006, la réforme de l'organisation commune du marché laitier.

Au cours de sa réunion du 10 février, la commission, comme la délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne s'est livrée à une analyse de la politique agricole commune. Elle a considéré, comme la délégation, que c'est l'affirmation progressive d'une politique agricole commune qui a permis la modernisation de nos agricultures, rendu possible l'autosuffisance alimentaire de l'Europe puis fait de celle-ci une véritable puissance agro-alimentaire. Mais nous sommes tous conscients que la politique agricole commune doit être réformée, les décisions prises en 1992 n'ayant pas empêché des dysfonctionnements flagrants.

J'en donnerai pour premier exemple la répartition inégale des aides, qui favorise la disparition des exploitations et la concentration excessive des terres qui rend difficile l'installation des jeunes. D'autre part, la politique agricole commune rénovée devrait mieux répondre aux exigences de "la bataille pour l'emploi", de l'aménagement du territoire, de la préservation de l'environnement et aux exigences des consommateurs en matière de qualité. Elle devrait être plus compréhensible et, donc, plus légitime aux yeux de l'opinion publique. Enfin, la commission, et votre rapporteur le premier, ont estimé que cette réforme était certes inéluctable, mais que l'Union européenne ne devait pas pour autant anticiper les éventuelles concessions qu'il lui faudrait peut-être accepter de faire lors des négociations de l'Organisation mondiale du commerce.

La commission a enfin dit son profond scepticisme à l'égard de l'approche retenue par la Commission européenne, qui suggère pour l'essentiel la baisse généralisée des prix, ce qui risque tout simplement d'accélérer l'agrandissement des exploitations et d'aggraver encore la situation des régions en difficulté. La commission, comme la délégation pour l'Union européenne l'avait fait avant elle, a également estimé que les contraintes financières, aussi importantes soient-elles ne devaient pas prendre le dessus. Ce serait faire de la PAC la variable d'ajustement financier des négociations de "l'Agenda 2000".

Quelles mesures la commission de la production propose-t-elle ?

En ce qui concerne les propositions de réforme de l'organisation de marché des grandes cultures, nous "contestons" le principe d'une baisse des prix, qui ne peut que porter préjudice aux agriculteurs, et nous rappelons la nécessité de maintenir le principe de la préférence communautaire. La commission s'est ensuite préoccupée du déficit que connaissent plusieurs secteurs. L'alignement, sans délai, du niveau des aides accordées pour les oléagineux sur celui des aides versées pour les céréales nous a semblé tout à fait discutable, car cela peut entraîner à la fois une baisse sensible du revenu des exploitants, une diminution de la production européenne d'oléagineux et un transfert des productions au profit du blé.

Nous avons, d'autre part, souhaité un effort spécifique pour la prime aux protéagineux -effort indispensable à l'indépendance protéique de l'Europe, objectif constant de la politique de la Communauté depuis les années 1970-, le maintien de la base spécifique pour le maïs et la création d'un dispositif de soutien à l'agriculture biologique et au développement des cultures agricoles non alimentaires, qui pourraient pâtir de la fixation, prévue à taux zéro, de la jachère obligatoire.

Votre commission s'est aussi penchée sur les problèmes du marché bovin, et elle demande que soit préservé notre élevage extensif allaitant, qui joue un rôle majeur dans l'occupation du territoire et le maintien des exploitations. Les membres de la commission ont donc souhaité une forte revalorisation de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes. Ne croyant pas, dans ce cas non plus, aux vertus de la baisse des prix, ils ont par ailleurs demandé une simple stabilisation ainsi que le maintien du régime existant de l'intervention publique pour faire face aux situations de crise.

Pour le marché laitier, la commission a estimé qu'une réforme du règlement communautaire ne semblait pas s'imposer, et que les propositions de la Commission européenne étaient aussi coûteuses qu'inutiles. En revanche, la prorogation, au-delà du 1er janvier 2000, du mécanisme des quotas nous est apparu indispensable car ils jouent un rôle irremplaçable, j'y insiste, tant pour le contrôle de l'offre que pour la maîtrise des dépenses et parce qu'ils jouent un rôle déterminant dans le maintien de la production dans les zones difficiles comme le sont les régions de montagne et de piémont.

La commission s'est enfin opposée au cofinancement des aides de marché, mais elle a manifesté son grand intérêt pour le transfert de la politique de développement rural dans le "FEOGA garantie" qui renforcerait la cohérence de la politique communautaire. Une telle politique est importante pour l'avenir des territoires ruraux, en France en particulier, qu'il s'agisse de l'installation des jeunes, de la modernisation des exploitations agricoles, mais également des indemnités pour la compensation des handicaps naturels et pour les prairies. Ce sont les seules politiques "territoriales" de la PAC et l'on a pu mesurer leurs effets bénéfiques.

La commission a enfin approuvé le dispositif de plafonnement, d'éco-conditionnalité et de modulation des aides préconisé par la Commission européenne. On le voit : les suggestions de la délégation pour l'Union européenne et celles de la commission de la production se sont très largement recoupées.

Je conclurai en évoquant à nouveau le compromis du 11 mars, pour dire que des améliorations doivent encore être obtenues et que la dégressivité des aides proposée par la France doit continuer d'être défendue au sommet de Berlin, les 24 et 25 mars.

Plusieurs points positifs semblent acquis : baisse limitée à 20 % des prix de la viande bovine, mesures prévues pour l'élevage extensif, organisation commune du marché du vin et sauvegarde de la prime spécifique au maïs.

Un autre point positif est la confirmation de la constitution d'un deuxième pilier de la PAC, intégrant le développement rural.

Pour conclure, je voudrais m'adresser à vous, Messieurs les ministres, et à la délégation française, pour vous demander que soit maintenue la fermeté qui a été la règle jusqu'à ce jour pour ces négociations.

La délégation pourra largement s'appuyer sur la proposition de résolution qui traduit l'attente de l'agriculture française. Le texte demande que la politique de développement rural soit davantage prise en compte, que la réforme de l'organisation du marché laitier soit repoussée, que le plafonnement des aides soit défendu, par souci de justice et pour favoriser une meilleure acceptation de la politique agricole commune par l'opinion publique.

La proposition de résolution demande encore une baisse du prix des céréales limitée, pour permettre la réalisation d'économies budgétaires ; le maintien de l'aide spécifique aux oléagineux, la réévaluation des prix de la viande bovine à l'intervention.

Il s'agit avant tout de défendre une agriculture dynamique qui préserve l'occupation du territoire, l'avenir du plus grand nombre d'exploitations agricoles et une production de qualité, tout en restant compétitive.

Tel est le sens de la proposition de résolution que la commission de la production m'a chargé de vous soumettre, et qui devrait aider la délégation de négociation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

Mme la Présidente - J'invite les orateurs à respecter leur temps de parole.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la réforme de la politique agricole commune - Le paysage communautaire actuel est bien différent de celui de mai 1998, moment où la délégation pour l'Union européenne m'a confié son rapport sur la réforme de la PAC. La Commission possédait alors la plénitude de ses prérogatives, l'alternance qui se profilait en Allemagne ne laissait pas présager un point de fixation sur les soldes nets, non plus qu'une présidence de l'Union un peu chaotique ; les contentieux agricoles avec les Etats-Unis n'atteignaient pas le paroxysme d'aujourd'hui et les élections européennes étaient encore loin. L'accumulation des difficultés rendront donc le sommet de Berlin des 24 et 25 mars très difficile.

Avant d'en venir aux négociations en cours, je voudrais évoquer le contenu du rapport.

Il convenait tout d'abord de rappeler l'importance de la PAC pour l'Union européenne. C'est autour d'elle que s'est bâtie la méthode communautaire, c'est elle qui a donné naissance au budget communautaire, dont elle représente près de la moitié. Bénéfique pour l'Europe, elle a été également déterminante pour le développement d'une agriculture française moderne et performante. Nous réaffirmons donc avec force notre attachement à cette politique et à ses quatre principes fondateurs -l'unicité des prix, préférence communautaire, solidarité financière, intervention commune sur les marchés.

On ne saurait cependant se cacher que, malgré les réformes de 1984 et de 1992, de graves dysfonctionnements sont apparus : baisse constante du nombre d'exploitations et d'emplois, disparités dans la répartition des aides, insuffisante prise en compte des exigences environnementales, déséquilibres sur certains marchés.

Votre rapporteur a estimé qu'une nouvelle réforme de la PAC était nécessaire pour trois raisons de fond : les déséquilibres prévisibles des marchés des céréales et de la viande bovine ; la perspective de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale ; la nécessité d'améliorer la lisibilité et la légitimité des aides à l'agriculture aux yeux des citoyens européens.

A ces raisons objectives s'ajoute la perspective de la reprise du cycle de négociations de l'OMC, au 1er janvier 2000. Il ne s'agit en aucun cas d'anticiper des concessions que l'Union européenne s'apprêterait à faire, bien au contraire, il s'agit de permettre à l'Europe de se présenter unie pour défendre un modèle agricole européen adossé à une PAC réformée.

L'axe central des mesures proposées par le commissaire Fischler dans le paquet Santer II, la baisse généralisée des prix intérieurs, destinée selon lui à favoriser l'exportation extra-communautaire, n'est pas acceptable. La vocation de l'agriculture européenne est d'exporter, non pas des matières premières à bas prix, mais des produits à forte valeur ajoutée et si des baisses de prix doivent être consenties dans certains cas, elles doivent être strictement limitées et différenciées selon les produits.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur avait proposé de ne pas accepter la réforme de l'OCM lait, inutile et coûteuse, ainsi que de limiter la baisse des prix, dans le secteur céréalier, à un niveau compatible avec le maintien de la préférence communautaire et, dans le secteur de la viande bovine, à ce qui est strictement nécessaire pour maintenir la compétitivité des viandes rouges par rapport aux viandes blanches.

Le second axe du paquet Santer paraît beaucoup plus positif. Il s'agit de la réorientation de la PAC proposée dans les règlements "horizontaux" : développement rural et modulation des aides. Je crois profondément que si la PAC reste consacrée aux seules activités agricoles de production, sa pérennité ne sera pas assurée.

J'en arrive aux négociations en cours.

Je voudrais, tout d'abord, vous féliciter, Monsieur le ministre de l'agriculture, pour la fermeté dont vous avez fait preuve, avec le soutien du Président de la République. Le risque était grand, en effet, de voir la PAC devenir la variable d'ajustement financier de l'Agenda 2000. En ce qui concerne le "paquet" du 11 mars dernier, vous avez fait preuve d'un grand courage politique.

Cependant il ne faut pas sous-estimer les acquis de la négociation.

L'une des grandes craintes exprimées ici concernait le sort de notre troupeau allaitant. La consistante revalorisation de la PMTVA est un motif de satisfaction et le niveau de compensation atteint est acceptable. Votre rapporteur avait souligné l'intérêt des enveloppes nationales de flexibilité, mais souhaité que leur volume global soit diminué : tel est bien le cas.

Vous avez, Monsieur le ministre, évité de justesse la suppression des quotas laitiers en 2001 et l'application immédiate des propositions de réforme de l'OCM lait. En matière de grandes cultures, le rétablissement de la base maïs ne pourra que satisfaire nos producteurs. Enfin, sur l'OCM vin, rattaché à la réforme de la PAC, les quatre principales revendications françaises ont été acceptées.

Il reste que, tant sur le coeur de votre dernière proposition -stabilisation des dépenses et réorientations des aides- que sur les OCM, de nombreux problèmes demeurent. Même s'il faut se féliciter de l'acceptation par tous du développement rural comme second pilier de la PAC, ce n'est qu'une reconnaissance de principe puisque les propositions de financement n'ont pas été retenues. Je souhaite qu'à Berlin, avec l'appui du Président de la République, la délégation française obtienne le moyen de financer le développement rural.

S'agissant des OCM, pour les céréales, retenir une baisse des prix de 20 %, avec compensation à 50 %, mettrait en grande difficulté nombre de producteurs. Une baisse de 15 % permettrait une économie de près de 5 milliards d'euros sur la période ; cela devrait constituer un argument fort de négociation. Le traitement des productions d'oléagineux et de protéagineux est incompatible avec le maintien de l'indépendance européenne et constitue un risque d'aggravation du déséquilibre du marché des céréales. En ce qui concerne l'OCM lait, la France devrait demander le report de toute réforme jusqu'au premier élargissement. Enfin, sur la viande bovine, nous devons au moins obtenir le maintien d'un réel niveau d'intervention.

En conclusion, le sommet de Berlin doit se conclure par de réelles possibilités de réorientation des aides en vue du développement rural, ainsi que par une moindre baisse des prix d'intervention, notamment pour les céréales ; par le maintien de la spécificité des oléo-protéagineux et le report de la réforme du lait. Faute de quoi, cette réforme aurait échoué (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

Mme la Présidente - Je réitère mon appel au respect des temps de parole.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur de la commission de la production pour la proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels - Après s'être prononcée sur le projet de réforme de la PAC, la commission de la production a voté la semaine dernière en faveur de la proposition de résolution présentée par notre collègue Alain Barrau au nom de la délégation pour l'Union européenne. La qualité du rapport de notre collègue nous a dispensé d'un travail d'instruction approfondi. Si la politique commune a permis de réduire les écarts entre les Etats membres, elle a échoué à combler les disparités entre régions. Ce constat, auquel s'ajoute celui d'une sous-consommation chronique des crédits, suffirait en lui-même à justifier une réforme des fonds structurels. Les perspectives d'élargissement de l'Union ne font que confirmer cette analyse. Les fonds structurels, expression même de la solidarité européenne, doivent s'inscrire dans une perspective réaffirmée de cohésion économique et sociale.

C'est pourquoi la commission de la production, approuvant l'analyse de la délégation pour l'Union européenne, s'est déclarée favorable au principe d'une réforme de la politique structurelle, à la concentration des aides sur les territoires les plus en difficulté, à la simplification de la gestion ainsi qu'au renforcement de l'évaluation et du contrôle.

Elle a souscrit à la réduction du nombre des objectifs prioritaires et des initiatives communautaires, tout en souhaitant que soit maintenue l'initiative communautaire en faveur de la politique urbaine.

La commission de la production a pris acte des propositions de la Commission européenne visant à consacrer chaque année 0,46 % du PNB de l'Union aux actions structurelles et de la volonté des Etats membres de ne pas dépasser, pour la période de programmation budgétaire à venir et pour les politiques existantes, un plafond des ressources propres égal à 1,27 % du PNB communautaire.

Tout en approuvant cette volonté de maîtrise budgétaire, notre commission, sur proposition de notre collègue Patrick Rimbert, a ajouté un considérant visant à conditionner l'éligibilité aux fonds structurels au respect de la législation sociale et fiscale des Etats membres.

S'agissant de la répartition des fonds disponibles entre objectifs, la commission de la production a soutenu la demande d'une répartition plus équitable des moyens entre les différents fonds, par un redéploiement d'une partie des crédits de l'objectif 1 vers les objectifs 2 et 3. Ce redéploiement n'aurait pas pour effet de diminuer la dotation affectée aux DOM. Les régions concernées par l'objectif 1 seraient celles dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, les régions ultrapériphériques et les régions de l'actuel objectif 6.

A cet égard, notre commission s'est prononcée en faveur d'une dégressivité de l'aide en fonction du PIB, mesure équitable qui profiterait aux DOM.

A propos de la définition de l'objectif 2, nous avons noté que la délégation ne s'était pas prononcée sur le critère de population éligible, mais avait souhaité que le chiffre de la population communautaire concernée soit relevé en proportion de l'augmentation de la population éligible à l'objectif 1 observée par Eurostat.

La délégation a eu raison de demander que la plus grande latitude soit laissée aux Etats membres dans la définition des zonages et de rejeter l'obligation de cohérence entre ces zonages et ceux des aides nationales. A cet égard, nous avons pris acte avec satisfaction de l'accord qui s'est dessiné au conseil des affaires générales du 25 janvier, au cours duquel l'accent a été mis sur "la nécessité d'améliorer la cohérence" et non plus sur une obligation de cohérence qui aurait hypothéqué toute politique nationale d'aménagement du territoire.

La délégation s'est déclarée défavorable au mécanisme du "filet de sécurité", qui vise à empêcher que des Etats membres perdent plus du tiers de leur population éligible à cause du passage des anciens objectifs 2 et 5b au nouvel objectif 2. Notre commission est d'accord, sous réserve que les régions sortant des objectifs 2 et 5b mais devenant bénéficiaires de l'objectif 1 ne soient pas prises en compte. L'intégration de la dimension urbaine dans l'objectif 2 a été approuvée, dès lors qu'elle ne préjuge pas de la nécessité de préserver des actions significatives de développement en zone rurale telles qu'elles étaient menées dans le cadre de l'ancien objectif 5b.

Il est en outre nécessaire de prévoir une période transitoire de six ans pour toutes les régions qui cesseront d'être éligibles.

L'objectif 3 doit être transversal. En exclure les régions éligibles à l'objectif 2 conduirait en effet à une parcellisation des stratégies européenne et nationale pour l'emploi. Aussi convient-il de se féliciter qu'un accord sur ce point soit intervenu entre les Etats membres, accord qui va dans le sens de la préoccupation constamment affirmée du Premier ministre et du ministre des affaires européennes pour qui l'emploi doit être un des axes majeurs de la construction européenne.

Alors que la délégation s'était prononcée contre la création d'une réserve de performance, les assurances négociées par notre Gouvernement nous ont conduits à en accepter le principe. La proposition initiale de la Commission européenne était de créer une réserve de 10 % de la dotation des fonds structurels, celle-ci devant être attribuée ultérieurement aux programmes jugés à mi-parcours les plus performants.

La délégation avait à juste titre souligné qu'un tel système laissait une trop grande marge de manoeuvre à la Commission européenne et que cette disposition risquait de susciter une concurrence peu souhaitable entre les Etats membres. De surcroît, il obéit à une logique purement comptable.

Aux termes de l'accord survenu au conseil des affaires générales du 25 janvier, l'utilisation de cette réserve s'effectuera au sein de chaque Etat membre, objectif par objectif. Les critères d'appréciation seront définis par les Etats membres, en partenariat avec la Commission, mais bien par les Etats.

Ce système devrait permettre d'aiguiller les fonds communautaires, dans la seconde moitié de la période, vers les régions qui les consomment rapidement et efficacement, sans pour autant réduire l'allocation initiale des programmes les moins performants. Il s'agit là d'un acquis non négligeable des négociations.

La commission de la production a par ailleurs souhaité l'instauration d'un dégagement d'office des crédits non utilisés dans les deux années suivant leur engagement, afin d'éviter que des crédits qui pourraient être utiles ailleurs ne soient bloqués.

La création d'un fonds unique, proposée par notre collègue Alain Barrau, a été totalement soutenue : un des reproches récurrents fait à la politique structurelle est sa lourdeur et son manque de lisibilité.

Enfin, la délégation a eu raison d'approuver les deux propositions de règlement spécifique relatives au FEDER et au FSE, mais aussi de rejeter la proposition relative aux actions structurelles dans le domaine de la pêche, ce texte, trop complexe, risquant d'avoir des conséquences néfastes.

La réforme de la PAC, celle des fonds structurels et les nouvelles perspectives financières sont les trois volets d'une politique commune. Ces trois débats sont donc complémentaires.

Les négociations en cours sont certes délicates, mais nous savons pouvoir compter sur notre Gouvernement pour que l'Union soit dotée d'outils appropriés à la construction de cette Europe de la solidarité que nous appelons de nos voeux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la réforme des fonds structurels - Depuis plusieurs mois, nous tâchons de faire en sorte que notre assemblée puisse se prononcer à la veille de chaque Conseil européen d'importance. Nous y parvenons de nouveau aujourd'hui, grâce au président de l'Assemblée nationale, à la Conférence des présidents et au Gouvernement.

M. Christian Jacob - Grâce au groupe RPR, surtout !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne - Nous allons même pouvoir nous exprimer sur l'ensemble des points de l'Agenda 2000.

Préparé par la délégation pour l'Union européenne, ce débat a aussi eu lieu au sein des commissions permanentes, qui ont su améliorer notre rapport. Il s'agit là d'une méthode exemplaire.

Certains redoutent que l'ajustement financier se fasse au détriment des fonds structurels. Dans notre pays cependant, il y a consensus sur la nécessité de maintenir la PAC au même niveau d'engagements. Comme la majorité des Etats membres souhaite conserver un budget alimenté par un prélèvement proportionnel au PNB, nous avons demandé que les fonds structurels continuent à représenter 0,46 % de la richesse communautaire, ce qui ne sera pas facile à négocier.

S'il est bon que, dans un souci de rationalisation, le nombre des objectifs soit ramené de sept à trois, encore faut-il que chacun s'y retrouve.

A propos de l'objectif 1, il faut que vous confirmiez, Monsieur le ministre, que les DOM continueront d'être éligibles. Nous avons approuvé un amendement en ce sens, déposé par plusieurs députés d'outre-mer. N'entretenons pas l'ambiguïté sur ce point.

L'objectif 3 doit être bien doté, afin d'accélérer la réorientation de la construction européenne, qui doit renforcer la lutte contre le chômage.

Le plus difficile sera de définir le contenu du nouvel objectif 2, qui regroupera les moyens de l'ancien objectif 5b destiné au monde rural et de l'ancien objectif 2, qui vise à favoriser la reconversion industrielle. En outre, les gouvernements souhaitent pouvoir faire appel aux fonds structurels pour financer leur politique urbaine.

Troisième grande question : comment aller plus loin dans la simplification du fonctionnement des fonds structurels ? D'abord en précisant mieux le cheminement des projets au plan national et en adressant des instructions claires aux préfets de région dès le lendemain du Conseil européen de Berlin. Ensuite, en oeuvrant à l'évolution vers un fonds unique, lisible par les élus et par l'opinion, et mieux à même, donc, d'intervenir dans la lutte pour l'emploi et la croissance.

C'est ainsi que nous pourrons, tout en restant dans le cadre financier actuel tant que l'Union ne se sera pas dotée d'autres politiques communes, faire en sorte que la réforme des fonds structurels rapproche l'Europe des citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Didier Migaud, rapporteur de la commission des finances pour les nouvelles perspectives financières - Il n'est pas si fréquent que viennent en discussion des propositions de résolution au titre de l'article 88-4 de la Constitution. C'est de cette façon que nous avions été amenés à nous prononcer, voici un peu moins d'un an, sur le passage à l'euro. Les dossiers d'aujourd'hui n'ont sans doute pas la même portée historique, mais ils engagent les politiques et les finances communautaires pour sept années.

La commission des finances a suivi la Délégation et n'a pas voulu intégrer au sein de la proposition sur les nouvelles perspectives financières, dont elle est saisie, des éléments qui relèvent de celles présentées par Mme Marre et M. Barrau, que je complimente au passage pour la qualité de leur travail.

L'excellente proposition de M. Fuchs est susceptible, me semble-t-il, de rallier une très large majorité des suffrages, car elle a le mérite de réaffirmer des orientations auxquelles nous adhérons tous, comme le rejet de toute revendication budgétaire qui remettrait en cause le principe de solidarité entre Etats membres et le refus de tout cofinancement des dépenses agricoles par les budgets nationaux. Elle aborde, en outre, trois sujets essentiels : l'élaboration d'une procédure budgétaire privilégiant une gestion sérieuse des crédits, l'impératif d'une programmation budgétaire raisonnable et le caractère prioritaire de la préparation de l'élargissement.

En ce qui concerne l'accord interinstitutionnel, je me réjouis, tout d'abord, qu'il ait été transmis aux assemblées, et vous conviendrez, monsieur le ministre, que cela n'a pas été chose facile et qu'il nous a fallu le demander instamment dans une précédente résolution. Sur le fond, je note avec satisfaction qu'il est prévu de revenir sur la rebudgétisation automatique des crédits non consommés. Dans notre résolution sur l'avant-projet de budget communautaire pour 1999, nous avions marqué notre désaccord avec la progression déraisonnable des crédits en faveur des actions structurelles et insisté pour que soient soldés les engagements précédents. La remise en cause de l'aspect "machine infernale" du précédent accord interinstitutionnel est donc plus que louable. Compte tenu des difficultés rencontrées par les Etats membres pour absorber les crédits, il convient d'inscrire à l'avenir des dotations raisonnables. La commission des finances a donc émis des réserves sur l'inscription systématique de plafonds de crédits.

Toutes les propositions de la Commission européenne ne sont pas acceptables, surtout celle consistant, sous couvert de flexibilité, à permettre le report de 500 millions d'euros d'un exercice à l'autre. S'agissant de la programmation des dépenses, la volonté de rigueur affichée par cette institution est aisément démentie par une étude attentive : si l'on prend pour base les perspectives financières pour 1999, très élevées, le taux de progression, à l'horizon 2006, n'est que de 1,8 %, mais il est de 8,5 % si l'on retient le budget voté et même de 22 % si l'on retient les crédits pour paiement. Les conséquences d'une telle évolution ont été mises en évidence par le rapport de M. Fuchs : la contribution brute de la France augmenterait de 23 % en sept ans, et le montant cumulé de cette augmentation s'élèverait à près de 150 milliards de francs. C'est d'autant moins acceptable que la Commission européenne ne se prive pas de donner des leçons de rigueur aux Etats membres : "faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais"...

M. Jean-Claude Lefort - On voit ce que ça donne...

M. le Rapporteur général - Face à ces propositions, la France a émis l'idée d'une stabilisation des dépenses, sans préjudice de sa suggestion de lancer un grand emprunt pour financer des dépenses d'équipement et d'investissement. Des économies sont possibles et souhaitables, ainsi que l'a montré le rapport présenté au Conseil européen de Vienne en décembre dernier. Sans entrer dans les détails, il est frappant de constater que près des deux tiers des dépenses supplémentaires proposées par la Commission européenne bénéficieraient aux Quinze, et seulement un tiers aux candidats à l'adhésion. Il serait plus satisfaisant, politiquement et techniquement, de regrouper les dépenses relatives à la préadhésion sous une nouvelle rubrique. Si le volume des crédits prévus pour l'élargissement n'est pas négligeable - on estime qu'ils sont, relativement au PIB, de 75 % plus généreux que le plan Marshall -, il n'est pas exclu que les besoins réels soient plus importants, d'où la nécessité de nous donner une marge de manoeuvre en stabilisant les dépenses destinées aux Quinze.

Enfin, nous devons réaffirmer notre volonté de mieux contrôler l'emploi des crédits communautaires en général, et de ceux de la coopération avec l'Europe centrale et orientale en particulier. Cela suppose que soient redéfinies les modalités de l'intervention communautaire : le recours systématique à des intervenants extérieurs a été source de dérives dangereuses, que l'actualité a mises en lumière. La Communauté paie aujourd'hui pour n'avoir pas tenu compte des avertissements des parlements nationaux.

M. Jean-Claude Lefort - Tout à fait !

M. le Rapporteur général - Je suis donc convaincu que nos travaux auront toute la portée qu'ils méritent et que vous saurez, monsieur le ministre, vous en faire l'écho fidèle dans les négociations en cours et dans le travail communautaire des prochaines années (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Gérard Fuchs, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne sur les nouvelles perspectives financières - Beaucoup ayant déjà été dit par les précédents rapporteurs, je m'en tiendrai à six réflexions.

Premièrement, les perspectives financières pour 2000-2006 représentent à la fois beaucoup et peu d'argent. Beaucoup, car il s'agit tout de même, sur sept ans, de 800 milliards d'euros, dont 80 pour l'élargissement. Peu, car cela reste inférieur au plafond de 1,27 % du PNB. Cela montre à la fois l'ampleur du budget communautaire actuel et les limites de la capacité d'action qu'il offre, en dehors de la politique agricole et de la politique d'aménagement du territoire.

En second lieu, si la Commission soutient que les perspectives financières qu'elle a définies pour les Quinze témoignent d'un effort de rigueur, l'analyse du rapporteur général a prouvé que cette présentation ne correspondait guère à la réalité. En effet, si l'on prend pour point de départ, non pas la dernière année du "paquet Delors II" mais le budget réellement voté pour 1999, et si l'on prend en compte la non-consommation des crédits structurels au cours des exercices précédents, on s'aperçoit que les taux d'augmentation annoncés par la Commission sont en contradiction avec ce qu'elle-même nous avait recommandé. Il était donc naturel que notre Gouvernement en tienne compte pour la ligne qu'il défend dans la négociation sur l'Agenda 2000.

Troisièmement, les perspectives retenues pour les pays candidats reposent sur des hypothèses qui ne m'apparaissent pas déraisonnables : la limitation des aides agricoles se justifie par le fait que leurs prix, inférieurs aux nôtres, n'évolueront pas à la baisse et que des compensations ne seront donc pas nécessaires. Sur ce point, nous devons, je crois, suivre la Commission : tout autre choix conduirait à une explosion financière. S'agissant des hypothèses de croissance, fixées à 1,5 % pour les Quinze et à 4 % pour les pays candidats, je m'en rapporterai à notre Commissariat au plan : même si, par aventure, notre croissance était en-deçà de 1,5 %, le financement prévu suffirait pour réaliser l'adhésion dans de bonnes conditions. Par contre, si la croissance des pays candidats était plus forte que prévu, il pourrait en aller autrement... L'expérience de la réunification allemande nous a mis en garde contre les sous-estimations et nous devons avoir conscience qu'en cette occurrence aussi, certaines dépenses d'investissement ont été évaluées au plus juste. Cependant, tous ces pays n'adhéreront peut-être pas ensemble, au début de 2002, de sorte que les prévisions pourront peut-être être tenues.

Quatrièmement, un problème qui n'était pas évoqué au début a fini par dominer les négociations : celui du solde net de certains pays, notamment de la République fédérale. A bien des égards, ce problème est un faux problème et l'évolution de ces soldes s'apparente à un exercice absurde mais, outre-Rhin, la question a pris une importance politique qui nous interdit de l'éluder. Notre voisin a d'abord proposé un écrêtement des soldes, c'est-à-dire une espèce de généralisation du système à la britannique auquel nous avons consenti à Fontainebleau il y a une quinzaine d'années. Lorsque tous les pays bénéficient d'un tel système, on arrive à une usine à gaz qui pourrait paradoxalement conduire à faire financer l'adhésion par les "pays de la cohésion", c'est-à-dire les moins favorisés de l'Union ! On ne saurait évidemment l'accepter.

On ne saurait non plus admettre le co-financement agricole, M. Parrenin et Mme Marre l'ont démontré. En outre, si ce co-financement se montait à 25 % comme le propose la Commission, ce seraient encore les pays de la cohésion qui supporteraient l'essentiel de la facture !

Il faut donc nous tourner vers des solutions plus réalistes : tout en acceptant de traiter le problème politique posé, nous devons défendre -comme le fait notre Gouvernement- une composition mixte de solutions : rigueur pour les dépenses, dégressivité de certaines aides compensatrices des baisses de prix agricoles, révision de l'assiette des ressources propres -la ressource TVA étant remplacée par la ressource PNB- et affirmation de la solidarité. C'est aussi sur cette base que l'on pourrait sans doute parvenir à un compromis raisonnable en ce qui concerne la réforme des fonds structurels.

En cinquième lieu, comme je l'ai déjà dit, la substitution de la ressource assise sur le PNB à la ressource TVA s'impose mais je tiens aussi à affirmer mon attachement au maintien des ressources propres dites traditionnelles, qui sont des ressources véritablement collectives.

Pour terminer, je me livrerai à quelques considérations sur ce qui n'est pas pris en compte dans les négociations actuelles. J'ai le sentiment, comme la Délégation et la commission des finances, que ces perspectives financières sont marquées du sceau de la reconduction plus que de celui de l'imagination. Pour l'essentiel, ce chiffrage prospectif n'ouvre de perspectives que pour la fin du XXème siècle, mais non pour le suivant !

Pour être concret, j'ouvrirai donc deux pistes de réflexion que le Conseil de Berlin serait bien avisé d'examiner. Tout d'abord, je souhaite qu'en matière d'emploi, l'Union mène une politique macro-économique anticyclique. Le rapporteur général se félicitait de ce que certaines dispositions ne soient plus reconduites automatiquement : certes, mais, dans certains cas, lorsque la croissance tend à se ralentir, des crédits non consommés pourraient être utilement réinjectés pour obtenir un effet contracyclique utile.

Enfin, nous avons besoin d'une grande politique spatiale pour le XXIème siècle. Pour le positionnement des navires, pour la prise d'images par satellites et pour les télécommunications, nous dépendons à l'excès des Américains et l'Union devrait donc se montrer ambitieuse dans ce domaine, quitte à emprunter ou à mettre les Etats à contribution.

Après l'accord qui interviendra, souhaitons-le, en mars, il ne faut pas qu'on cesse de discuter des perspectives financières.

Si nous voulons une Union capable de faire ce que notre pays ne peut plus faire seul, je crois qu'il faut prendre en considération ces réflexions, sous réserve des quelques retouches apportées par M. Migaud. Je sais que le Gouvernement le fait et j'entends dire que le Président de la République témoigne également de son intérêt pour ces propositions. La France est engagée aujourd'hui dans des négociations difficiles et l'Assemblée s'honorera en présentant des positions qui ne peuvent que conforter celle des autorités politiques de notre pays. J'invite donc l'Assemblée à soutenir la résolution que j'ai défendue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Je félicite la Délégation et les deux commissions, ainsi que leurs rapporteurs, pour le remarquable travail d'analyse et de proposition qui vient de nous être soumis. Quant à ce débat, il était nécessaire : il importe que la représentation nationale soit pleinement associée à la préparation des conseils européens, notamment des conseils extraordinaires car ils engagent tout particulièrement l'avenir de l'Union : ainsi en fut-il l'année dernière, du conseil de Bruxelles qui a préparé le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire. Ainsi en sera-t-il la semaine prochaine du conseil européen de Berlin qui prendra les décisions relatives à l'Agenda 2000.

Ce débat est en outre utile, car nous sommes dans une phase cruciale de la négociation. Le conseil agriculture s'est préparé le 11 mars, non sur un accord, mais sur une proposition de compromis élaborée par la présidence allemande. Le Chancelier Schröder, en dépit de quelques dérivatifs récents, consacrera l'essentiel de son temps, cette semaine, à une tournée des capitales européennes qui s'achèvera vendredi à Paris. Enfin, dimanche et lundi prochain, M. Védrine et moi serons à Bruxelles en conclave avec mes collègues des Quinze pour tenter de bâtir un projet de compromis d'ensemble, les chefs d'Etat et de gouvernement tranchant à Berlin, les 24 et 25 mars, entre les options éventuellement ouvertes.

Dans cette conjoncture, il est normal, il est bon que le Gouvernement puisse connaître le sentiment de la représentation nationale avant la phase finale des négociations, dont la responsabilité incombera au Président de la République et au Premier ministre ensemble.

Considérons d'abord la réforme du cadre financier pour les années 2000-2006. Elle doit répondre à trois exigences. Il faut d'abord préparer l'élargissement tout en assurant à l'Union à Quinze des ressources suffisantes pour la poursuite des politiques communes. Nous avons décidé dans ce but dès le conseil de Luxembourg en décembre 1997 le principe de la double programmation des dépenses à Quinze et des dépenses d'élargissement.

Deuxième exigence : contribuer au succès de l'euro, en évitant d'alourdir les dépenses publiques européennes à Quinze, ce qui mettrait en cause, à travers l'évolution du prélèvement européen, notre propre programme de maîtrise des finances publiques. Nous devons pouvoir financer les réformes indispensables à l'intérieur du plafond de 1,27 %, tout en préservant une marge substantielle sous ce plafond. L'objectif de la France est la stabilisation en volume des dépenses sur toutes les rubriques du budget communautaire. Cette approche est partagée aujourd'hui par un groupe très majoritaire de pays. Troisième exigence enfin : répartir plus équitablement les charges et les bénéfices du budget communautaire entre les Etats membres, pour répondre aux préoccupations exprimées par l'Allemagne.

Quelques mots sur cette demande allemande. On a pu dire qu'elle mettait à l'épreuve la relation franco-allemande. Il faut ramener cette question à ses justes proportions : en réalité, les analyses française et allemande sont assez largement convergentes. L'Allemagne admet qu'elle restera le principal pays financeur de l'Union, quel que soit le résultat des discussions en cours, pour une raison très simple : elle est de loin, et restera, la principale puissance économique et démographique de l'Europe des Quinze. Toutefois, le souhait légitime des Allemands est de mettre un terme à la dérive de leur solde net, qui a atteint 11 milliards d'euros en 1997. Il s'agit donc pour eux de corriger une tendance défavorable, et non de transférer une partie de la charge de l'Allemagne vers d'autres pays. Ce point est essentiel, et il a permis un dialogue plus serein entre nos deux pays.

De notre côté, nous avons indiqué aux Allemands que la maîtrise de leur solde net passait par celle de la dépense communautaire. C'est pourquoi la stabilisation budgétaire sur toutes les rubriques, la PAC comme les fonds structurels, s'impose à nous dès lors que nous souhaitons aller à la rencontre des inquiétudes allemandes. Tout euro supplémentaire sur le budget de l'Union, que ce soit sur la PAC ou sur les fonds structurels, viendrait en effet dégrader le solde net allemand, mais aussi sans doute le nôtre, et nous éloignerait donc d'un compromis d'ensemble sur l'Agenda 2000.

Le Gouvernement français s'est en outre déclaré ouvert à une approche combinant une certaine réorientation géographique de la dépense et des réformes limitées du système des ressources propres pour en corriger les imperfections. Nous avons fait des propositions en ce sens au Gouvernement allemand : sur le volet dépenses, un programme spécial en direction des Länder de l'Est ; sur le volet ressources, un passage plus rapide à la ressource PNB, plus juste que la ressource TVA, étant entendu qu'il faut conserver les ressources propres traditionnelles, prélèvements agricoles et droits de douane, qui appartiennent en propre à l'Union.

En revanche, nous refusons, et nous continuerons à repousser catégoriquement le cofinancement des aides directes de la PAC, et toute proposition d'écrêtement généralisé des soldes nets. Ces deux propositions sont foncièrement mauvaises, car elles marqueraient une régression de l'Union européenne. Le cofinancement des aides directes serait en fait une renationalisation de la politique agricole, la plus ancienne politique commune. Il est absurde de prétendre préparer l'avenir en remettant si profondément en question les acquis de plus de quarante années de construction européenne. Nous avons obtenu de haute lutte que la présidence allemande renonce à ce cofinancement. Quant à l'écrêtement généralisé des soldes nets, il consacrerait une logique de juste retour, qui était celle de Mme Thatcher à Fontainebleau en 1984, mais qui ne peut pas être la nôtre tant elle est manifestement contraire à l'esprit communautaire. Celui-ci commande de travailler à la disparition, sans doute partielle et progressive, d'un avantage britannique qui n'est plus justifié, plutôt que de le généraliser.

J'en viens à la réforme de la politique agricole commune. Le compromis présenté, le 11 mars, par la présidence du conseil agriculture, ne constitue pas un accord sur la réforme de la politique agricole commune, je le répète après le Premier ministre et le Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe DL). Ne vous élevez pas ainsi contre le Président de la République ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

En effet, le conseil européen de Vienne a confirmé que l'Agenda 2000 forme un tout. L'ensemble de ses éléments, la réforme de la PAC, la réforme des fonds structurels et la définition du cadre financier, sera donc approuvé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Berlin pour autant qu'ils estimeront cet ensemble équilibré et satisfaisant.

Je souligne néanmoins que déjà, des points positifs ont été obtenus par Jean Glavany la semaine dernière. C'est la confirmation de la constitution d'un deuxième pilier de la PAC avec l'intégration du développement rural, outil de réorientation vers l'emploi, l'aménagement du territoire et l'environnement. Pour la viande bovine, c'est une baisse de prix limitée à 20 % alors que la Commission proposait 30 %, et une bonne compensation pour le troupeau allaitant extensif. Pour le lait, les quotas, menacés de suppression dès mars 2000, sont sauvegardés, au moins jusqu'en 2006.

MM. René André et Christian Jacob - C'est faux !

M. le Ministre délégué - Quant à la baisse des prix que la Commission souhaitait instaurer dès 2000, elle n'aurait lieu qu'en 2003. Pour les céréales, le soutien spécifique au maïs, essentiel pour l'équilibre de régions fragiles, est sauvegardé. Pour les oléagineux, même si nous ne sommes pas totalement satisfaits, le passage à une aide identique à celle des céréales ne sera pas immédiat, comme le voulait la Commission, mais étalé sur trois ans. Une clause de rendez-vous est prévue dans deux ans pour évaluer la situation du secteur. Enfin, sur le vin, c'est une réforme positive avec une possibilité d'extension du vignoble à travers des droits de plantation, à un niveau satisfaisant, avec un soutien sur fonds communautaires à la restructuration du vignoble, y compris pour les jeunes.

M. François Guillaume - Insuffisant.

M. le Ministre délégué - Il reste que cette proposition de compromis devra être remise sur le métier, car elle dépasse de près de 7 milliards d'euros sur la période le mandat budgétaire reçu des chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet informel de Petersberg le 26 février. Le Chancelier Schröder s'était engagé à Petersberg sur une dépense annuelle de 40,5 milliards d'euros, hors développement rural. Il a répété avant-hier à Copenhague que le respect de cette enveloppe s'impose : il faudra donc revenir, à Berlin, sur la proposition de compromis agricole.

A mes yeux, la présidence allemande doit tenir compte des quatre réserves inscrites à la demande de la France au procès verbal des débats du conseil agriculture. Je ne doute pas que le Président de la République et le Premier ministre auront à ce sujet un échange de vues approfondi avec le Chancelier Schröder, lorsqu'il le recevront ensemble à Paris vendredi. La première réserve est liée à la globalité des négociations, qui ne permettent pas un accord partiel sur la réforme de la PAC, conformément aux conclusions du conseil de Vienne. La deuxième est une réserve, ad referendum, dans l'attente d'une décision du Président de la République et du chef du Gouvernement français. La troisième réserve est liée à la nécessité d'atteindre un accord qui stabilise la dépense agricole. Vient enfin une réserve liée à la nécessité de réorienter les dépenses agricoles dans le cadre du deuxième pilier de développement rural de la PAC.

Soyons clairs : la négociation agricole n'est pas achevée. Des améliorations substantielles sont nécessaires pour réorienter et maîtriser la politique agricole. Tout d'abord nous poursuivrons un objectif majeur : réorienter la PAC vers l'emploi, l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement. Il s'agit de soutenir les petites et moyennes exploitations, l'installation des jeunes, les zones de montagne. Nous voulons d'autre part soutenir les marchés, et donc lutter contre la baisse générale des prix. La France est un grand pays agricole (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Ses demandes sont donc nombreuses et sérieuses, et nous avons besoin du soutien de tous. La fermeté qui a prévalu est celle de toutes les autorités françaises, autour du Président de la République, et elle restera de mise jusqu'à Berlin. La dépense agricole doit être maîtrisée pour que puisse être confirmé l'abandon du co-financement. Nous devons obtenir satisfaction sur nos demandes sans mettre en difficulté la construction européenne à un moment difficile de son histoire.

Sur la réforme des fonds structurels, nous avons enregistré au conseil européen de Vienne du 12 décembre certains accords techniques, portant notamment sur les améliorations indispensables des procédures de gestion des fonds structurels. La nouvelle programmation fera ainsi l'objet d'un document unique de programmation par zone, ce qui assurera une lisibilité de l'action européenne dans le domaine du développement local et régional. Par ailleurs, dans les zones d'objectif 2, zones rurales fragiles et zones en reconversion industrielle, les DOCUP devront désigner le fonds européen responsable du programme, ce qui évitera les interventions croisées du FSE, du FEDER et du FEOGA-Orientation, sources de lourdeurs administratives inutiles. Le partenariat local sera amélioré en renforçant les comités de suivi. Enfin, au récent conseil affaires générales du 25 janvier, nous nous sommes mis d'accord sur une "réserve de performance", à hauteur de 4 % de l'enveloppe des fonds structurels, idée que soutient la commission de la production, à condition de rester vigilants sur les modalités de sa gestion.

Actuellement, nous avons deux débats essentiels, qui touchent à la concentration géographique des futurs objectifs 1 et 2 et à l'enveloppe financière globale, et deux débats plus résiduels, -j'entends par là qu'ils sont en voie d'être tranchés. Quelques mots d'abord sur ces deux dernières questions. La première concerne le phasing out des régions qui sortent des objectifs 1 et 2. Nous souhaitons obtenir un dispositif assez généreux de sortie sur quatre ans à partir de l'an 2000, et qui soit identique pour les régions d'objectif 1 et les régions d'objectif 2 et ex-5 b. Par ailleurs, il est pratiquement acquis sur les régions d'objectif 1 basculeront automatiquement dans l'objectif 2 au terme de leur phasing out dès lors qu'elles satisferont aux critères d'éligibilité de l'objectif 2. Ce devrait être le cas de nos deux régions métropolitaines concernées : la Corse et le Hainaut. Le second débat concerne le FSE et le futur objectif 3. Il est acquis que ce dernier sera consacré exclusivement à l'emploi et à la cohésion sociale, et qu'il ne sera pas zoné, comme nous le souhaitons. Le Fonds social européen interviendra entièrement dans le cadre de cet objectif 3, et sera réformé en conséquence. Les régions d'objectif 1 devraient normalement être exclues du bénéfice du FSE, puisqu'elles bénéficient de programmes de développement intégré. En revanche, nous avons obtenu que les régions d'objectif 2 puissent continuer à bénéficier d'un accompagnement par le FSE, de leurs actions de reconversion. Dans toutes les autres régions, le FSE pourra intervenir dans toutes les actions à contenu social, menées dans les zones urbaines notamment.

J'en viens aux deux débats principaux qui alimentent actuellement les discussions des Quinze. Le premier porte sur la concentration géographique des fonds structurels.

L'orientation initiale de la Commission était de réduire la couverture géographique des fonds structurels, l'objectif étant de revenir d'un taux de 51 % à un taux de 35 % à 40 % de la population communautaire couverte par les différents zonages. Nous avons toujours indiqué que nous souscrivions à cette orientation. Mais nous avons toujours dit, aussi, que nous souhaitions que la concentration s'applique de manière équitable entre objectif 1 et objectif 2, sans préjudice pour les futurs zonages d'objectif 2, et nous défendrons naturellement cette position à Berlin.

Le deuxième débat porte sur l'enveloppe budgétaire globale. Nous souhaitons le maintien de l'effort budgétaire consenti au titre de la période précédente du paquet Delors II, soit 200 milliards d'euros, conformément à notre approche générale qui est de parvenir à la stabilisation budgétaire de l'ensemble du budget communautaire.

A ce sujet, je voudrais faire deux observations pour éviter toute méprise. La première c'est que cette position est aujourd'hui celle d'une large majorité de pays. Seuls les pays de la cohésion, fortement bénéficiaires nets du budget communautaire ainsi que l'Italie et la Belgique, y demeurent opposés pour le moment. La France n'est donc pas isolée !

La seconde observation, c'est que cette stabilisation est absolument impérative pour ne pas aggraver l'ampleur du solde net allemand.

Je souhaite, en conclusion, insister sur l'essentiel : l'Agenda 2000 est un tout, et il ne peut être question de tronçonner la négociation. La présidence allemande travaille dans cet esprit tout en s'attachant, difficilement, à faire converger les approches. Elle progresse sur la voie d'un compromis d'ensemble, et nous verrons, vendredi, autour du Président de la République et du Premier ministre, les propositions qu'elle entend faire pour parvenir à un accord satisfaisant et équilibré à Berlin.

Le Gouvernement et le Parlement français doivent contribuer à l'élaboration du compromis final, et continuer de refuser avec force toute tentation de bouclage financier par l'écrêtement des soldes ou par le cofinancement, tout en sachant se prêter au compromis s'il ne remet pas en cause nos intérêts essentiels. Le Président de la République et le Premier ministre ne signeront pas n'importe quel accord à Berlin, soyez-en assurés. Mais chacun saura aussi mesurer le coût d'un non-accord qui ajouterait un blocage financier aux autres difficultés que traverse actuellement l'Union européenne. C'est pourquoi nous devons nous exprimer, à Berlin, de manière résolue, et trouver une solution. Je suis certain que vos travaux contribueront à sa formulation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Christian Jacob - En premier lieu, je m'inscris en faux contre les propos de M. Barrau : si ce débat a lieu, c'est que le président du groupe RPR l'a demandé avec insistance, se heurtant d'ailleurs aux présidents des autres groupes, qui témoignaient ainsi de l'intérêt qu'il porte à cette question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

L'état actuel des négociations sur la PAC traduit un quadruple échec : échec personnel du ministre de l'agriculture (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ; échec du Gouvernement, puisque le cofinancement avait été demandé par M. Le Pensec, qui a ensuite fait machine arrière -et que dire d'un changement de ministre en pleine négociation, et des tergiversations du ministre actuel ?- ; échec, aussi, de la majorité plurielle, dont aucune des propositions n'a été retenue par le Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ; beaucoup plus grave, enfin, c'est un échec pour notre agriculture.

Je m'en voudrais de ne pas rappeler la valse stupéfiante des communiqués auxquels nous avons eu droit. Des "points positifs" de M. Glavany, nous sommes passés, d'après M. Strauss-Kahnn à "un compromis qui ouvre la porte à un accord global sur "Agenda 2000". Après quoi, le bureau du parti socialiste s'est avisé que demeuraient "de graves insuffisances" dont M. Glavany s'est alors empressé de rejeter la responsabilité sur les chefs d'Etat et de gouvernement, témoignant par là même de son inefficacité... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Et je passe sous silence les déclarations de votre syndicat maison, qui crie à la trahison gouvernementale ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Tels sont les faits, chers collègues, et je me limite à un constat : le communiqué du ministre de l'agriculture fait bel et bien état, en toutes lettres, de son accord. Si réserves il y a, elles portent sur la place de la PAC dans Agenda 2000, sur le cadre budgétaire...

Mme Marie-François Perol-Dumont - Excusez du peu !

M. Christian Jacob - Ou encore sur la réorientation des dépenses, qu'il estime insuffisante pour le volet "politique rurale" du projet, ce qui revient à dire, puisqu'il est favorable à la stabilisation budgétaire, qu'il juge les autres excessives.

Mme Béatrice Marre - Quelle caricature !

M. Christian Jacob - Où le ministre indique-t-il son désaccord dans son communiqué ? Nulle part. Il n'exprime aucune réserve sur le sort fait aux différents secteurs de production. Ainsi, après avoir, dans un premier temps, exprimé sa satisfaction, il s'est rendu compte qu'il avait été piégé.

Que nous dites-vous ? Que le résultat obtenu pour la production laitière est un franc succès, car les quotas sont préservés jusqu'à la fin de 2006. Mais on sait que c'est complètement faux !

M. le Rapporteur pour le projet de la réforme de la politique agricole commune - Monsieur Jacob, vous étiez contre les quotas laitiers, il y a quinze ans !

M. Christian Jacob - Monsieur le rapporteur, il y a 15 ans, j'étais en culottes courtes ! Pour l'heure, je m'en tiens aux déclarations de la Confédération paysanne, qui parle bien de trahison gouvernementale ! Et pour cause, puisque chacun sait que la politique des quotas laitiers va imploser dès l'an 2000, avec une production, notamment irlandaise, en augmentation constante, et que les prix vont donc s'effondrer, parce que le ministre n'a pas fait ce qu'il aurait dû. Quelle avancée !

Pour les céréales, la situation n'est pas plus brillante et les calculs que j'ai faits en prenant pour base une exploitation moyenne dans le lauragais permettent de prévoir une baisse de quelque 30 % des revenus, sinon davantage dans le cas de systèmes irrigués. En ce qui concerne les oléoprotéagineux, il est bel et bon de nous dire que l'essentiel est d'avoir préservé l'accord sur le maïs, mais comment se satisfaire d'une telle affirmation, quand ce qui guette n'est rien d'autre que la suppression de l'assolement ? Le ministre aurait-il oublié que notre seuil d'autosuffisance n'est que de 40 % pour ces cultures ?

Je terminerai par la viande bovine pour constater que l'accord qui, une fois encore, a semblé convenir au ministre aura pour effet de réduire de 20 à 25 % le revenu d'une exploitation moyenne. Tels sont donc les résultats obtenus avec l'assentiment d'un ministre qui a démontré, de la sorte, son inefficacité (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR).

Mme Béatrice Marre - Et l'on ne connaît toujours pas vos propositions !

M. Félix Leyzour - Les votes qui vont intervenir au terme de cette discussion n'auront pas un caractère contraignant pour le Gouvernement ; leur signification politique sera néanmoins importante, surtout dans le contexte actuel. La Commission a dû démissionner pour cause de "fraude, mauvaise gestion et népotisme". L'accusation est grave et renforce l'image négative d'une technocratie européenne agissant hors de tout contrôle politique. On discute du paquet Santer et M. Santer est par terre -pardonnez-moi le jeu de mots...

La résolution sur la PAC doit constituer pour la délégation française une ferme invitation à continuer de défendre votre agriculture. Le Gouvernement a considéré qu'il n'y avait pas eu de véritable accord le 11 mars ; notre débat n'en prend que plus de relief.

La baisse des cours, objectif central du projet présenté par la présidence allemande, aboutirait à déconnecter les prix agricoles des coûts réels de production. Les baisses de prix seraient partiellement compensées par des aides, ce qui donnerait lieu à des campagnes démagogiques contre les "assistés" du monde agricole. La course aux hectares reprendrait de plus belle, au détriment de l'installation des jeunes et de l'emploi, la loi d'orientation devenant ainsi pratiquement inopérante.

La baisse du prix de la viande bovine et la fin progressive des quotas laitiers auraient des conséquences redoutables dans nos campagnes. L'agriculture doit demeurer un secteur de production aidé. Une bonne réforme de la PAC passe par des prix rémunérateurs à la production, une modulation et un plafonnement des aides.

Il nous faut également défendre les politiques structurelles. Sur les 1 100 milliards qu'elles auront mobilisés sur la période 1994-1999, 100 milliards auront été engagés en France. Ce n'est pas rien, mais les inégalités de développement n'ont pas été effacées. La sous-utilisation récurrente des crédits d'engagement est regrettable ; elle n'est pas seulement due aux lenteurs administratives : au cours des années passées, le Gouvernement a trouvé quelques avantages budgétaires à freiner la mise en place des crédits d'Etat qui doivent accompagner les crédits européens.

Il est prévu de redéployer les moyens, avec deux objectifs : la simplification et la concentration des interventions. Notre pays, qui perçoit actuellement environ 10 % des fonds structurels, risque d'être l'un des principaux perdants. Avec la réforme conçue par Bruxelles, la Corse et le Hainaut sortiraient de l'objectif 1, où ne subsisteraient que les DOM. La part de notre territoire éligible à l'objectif 2 passerait de 41 à 33 %, la nouvelle formule ne couvrant plus que 18 % de la population communautaire, contre 25 % actuellement. Si j'ai bien compris, la France espère que l'on ne tombera pas en-dessous de 20 %, ce qui ferait passer le taux de couverture de notre territoire à 37 %. Mais dans tous les cas, même si des dispositifs transitoires sont prévus, nombre de régions vont pâtir du nouveau système.

La logique qui sous-tend les propositions de la Commission est la stabilisation de la dépense communautaire, la PAC et les fonds structurels étant considérés comme des vases communicants ; cependant, avec la perspective de l'élargissement à l'Europe à l'Est, des moyens financiers nouveaux peuvent être nécessaires si l'on veut éviter une compétition redoutable entre les régions. Nous aurions souhaité que mandat soit donné au Gouvernement d'engager la réflexion sur ce sujet.

La discussion ne fait que commencer ; nous verrons, au moment du vote, où nous en sommes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. François Sauvadet - Je me réjouis du retour de M. Glavany au banc du Gouvernement.

Ce débat, que nous souhaitions, intervient dans le contexte de la démission de la Commission européenne, événement majeur et inédit qui ne sera sans doute pas sans conséquences sur la suite des négociations. On parlait jusqu'à présent du paquet Santer, il faudra s'en tenir désormais à l'agenda 2000, avec tous ses volets.

S'agissant des fonds structurels européens, nous sommes très inquiets pour l'avenir des territoires ruraux qui ne seront plus reconnus éligibles, d'autant que cette perspective se combine avec le rééquilibrage en faveur des villes souhaité par le Gouvernement dans la loi sur l'aménagement du territoire.

En ce qui concerne les perspectives financières, Monsieur le ministre, il ne faut pas parler d'ambition mais de contrainte, puisqu'il convient de tenir compte des enveloppes budgétaires.

Sur la réforme de la PAC, les négociations ont donné un sentiment de confusion. La discussion que nous avons aujourd'hui, si elle est importante, aura une portée très limitée puisqu'il y a une semaine, des contours ont déjà été tracés. Certains membre du Gouvernement ont parlé de compromis ; certains de nos partenaires de "pré-accord" et M. Védrine de "phase de préparation".

Quand nous avons examiné le projet de loi d'orientation agricole, le groupe UDF a relevé que c'était le ministre français de l'agriculture qui, le premier, avait lancé l'idée d'un co-financement et d'une renationalisation de la PAC. Interrogé à plusieurs reprises sur ce thème, M. Louis Le Pensec a admis le principe d'une modulation et d'un plafonnement des aides. En insistant sur l'inégalité des aides agricoles, en désignant certaines régions et certaines catégories d'agriculteurs, le Gouvernement a aussi ouvert le débat sur l'inégalité des retours, que souhaitent entamer certains de nos partenaires.

Monsieur Parrenin, nous aurions dû examiner plus tôt ces propositions de résolution, avant de voter la loi d'orientation agricole et la loi sur l'aménagement du territoire. Ces deux textes ont été conçus dans une vision très hexagonale : n'est-ce pas par amendements que nous avons réaffirmé la vocation exportatrice de notre agriculture ?

Nous avons manqué l'occasion de dire quel modèle agricole nous voulons défendre. Le projet de loi d'orientation agricole, qui va bientôt nous revenir en deuxième lecture, a un goût d'inachevé. En CMP, Madame Marre, le débat n'a été que de procédure, et nous regrettons qu'il n'ait pas été possible d'adresser un signe au Conseil des ministres européens.

Nous avons entendu le Gouvernement indiquer qu'il n'avait ni accepté ni rejeté le compromis du 11 mars. Cela nous rappelle votre position ambiguë à propos de la levée de l'embargo sur les importations de viande bovine britannique.

Pour l'UDF, ce débat n'est pas seulement agricole, mais économique. Il conditionne en outre notre politique d'aménagement du territoire et l'avenir de l'Europe, la PAC étant la seule politique véritablement intégrée de l'Union et un de ses plus grands succès.

Une renationalisation des politiques à la Thatcher "I want my money back" serait un recul pour l'Europe, qui a besoin d'un budget propre et d'une direction politique, la technocratie ayant montré ses limites. Nous voulons une Europe solidaire et plus présente, qui prenne sa place dans la mondialisation des échanges.

Nul ne conteste la nécessité d'une réforme de la PAC, dans la perspective de l'élargissement et des négociations de l'OMC -qu'il faut aborder de manière offensive et non défensive. Il nous faut trouver un nouvel équilibre, financier, certes, mais aussi entre production et consommation.

Pour l'UDF, la réforme doit reposer sur les principes qui ont fait de la PAC un succès : unicité du marché, solidarité financière et préférence communautaire. Nous avons besoin d'organisations communes des marchés et non d'une renationalisation. En outre, la PAC doit préserver notre marché intérieur.

Peut-on accepter les baisses de prix ? Ce serait soumettre davantage les agriculteurs aux aléas budgétaires, alors qu'ils doivent rester de véritables acteurs économiques. En outre, contrairement à ce qu'affirment certains, les prix sur les marchés mondiaux ne sont pas la simple résultante de mécanismes économiques. Une baisse des prix garantis ne relancera pas nécessairement nos exportations et ne résorbera pas nos stocks, d'ailleurs limités. Ce qui va garantir nos exportations ce sera surtout la qualité des produits et l'assurance d'une véritable sécurité alimentaire. La baisse des prix et le mécanisme de compensation prévu seront insupportables pour les grandes cultures, dans les zones de plaine comme dans les régions intermédiaires, et pour les oléo-protéagineux, la viande bovine et le lait.

Comment accepter une réforme à ce point inquiétante et, qui plus est, budgétivore ? On annonce en effet un dépassement de 6,5 milliards d'euros sur sept ans. C'est inacceptable, d'autant que la baisse des prix ne sera pas répercutée sur le consommateur. En outre, Cette réforme va accélérer le mouvement de concentration des exploitations.

Nous devons construire une Europe forte. Il ne s'agit pas, Monsieur Parrenin, de faire des déclarations d'intentions, mais d'éviter le piège du "juste retour" des fonds communautaires.

Le Gouvernement a une lourde responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jacques Rebillard - Ce débat intervient au beau milieu de la réforme de la PAC, elle-même incluse dans l'Agenda 2000. Malgré ses résultats encourageants, le conseil agricole du 11 mars a montré qu'un fossé sépare la France de ses partenaires. Il était même quelque peu hypocrite d'envoyer le ministre de l'agriculture défendre une position aussi minoritaire que la nôtre : les élus, les députés européens, les responsables professionnels auraient dû rencontrer d'abord les responsables des autres Etats membres et tenter de les convaincre. Les divergences que nous observons ne peuvent être surmontées en quelques mois, sans que nos partenaires européens aient été eux-mêmes acquis à l'idée de défendre un modèle agricole différent.

En Europe, les opinion publiques ont pris conscience des dangers que recèle une agriculture industrialisée, tant pour la santé que pour l'environnement. Manifestement, le message n'est pas passé, alors que le soutien de l'opinion publique est nécessaire à tout changement.

Des points de désaccord persistent. Ainsi, sur la viande bovine et le lait, les propositions de baisse des prix sont encore supérieures à celle inscrite dans la résolution. C'est ainsi qu'il a fallu prévoir un dépassement des dépenses contraire aux objectifs affichés par la présidence allemande.

Les propositions concernant les oléagineux n'ont pas été retenues, alors que l'Union européenne est déficitaire en huiles et en protéines et que le colza s'adapte bien dans les régions à potentiel limité.

L'objectif d'une maîtrise des productions n'est pas clairement affiché. Les propositions de plafonnement des primes et de dégressivité au profit du développement rural n'ont pas été acceptées. L'enjeu est de taille, car il conditionne la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation.

Les cultures méditerranéennes, l'élevage ovin et caprin ne sont pas pris en compte, alors que l'avenir de nombreuses exploitations dépend de ces productions.

La baisse des prix garantis imposera à la profession une organisation plus poussée des filières, la contractualisation des débouchés et la recherche de valeur ajoutée supplémentaire.

Il faut soutenir la loi d'orientation agricole, notamment la création du contrat territorial d'exploitation qui, en encourageant la multifonctionnalité, va libérer notre agriculture des contingences européennes et des incertitudes que font peser les prochaines négociations de l'OMC.

Quant à la résolution sur la réforme des fonds européens, elle est satisfaisante, puisqu'elle vise à simplifier les procédures, favoriser la fongibilité des fonds et autoriser leur utilisation pour financer la réalisation d'infrastructures routières, ferroviaires ou de télécommunication, ce qui limiterait la sous-consommation des crédits. Les incertitudes allemandes et la démission de la Commission européenne donnent à la France de nouvelles opportunités de faire prévaloir son point de vue. Cette décision est d'ailleurs tout à l'honneur de la Commission et certains responsables nationaux devraient s'inspirer de son attitude.

Monsieur le ministre, acceptez le soutien des députés du Parti radical de gauche, favorables à une Europe plus proche des citoyens.

Mme Nicole Ameline - Je limiterai mon propos à la réforme de la PAC. Dans un contexte politique singulièrement affecté par la démission collective de la Commission européenne et par la crise politique que connaît l'Allemagne, une clarification s'impose sur la portée réelle du compromis de Bruxelles, accord politique pour la majorité des Etats et étape contestable d'une négociation inachevée pour la France et pour elle seule. Nous sommes d'autant plus inquiets de cet isolement, Monsieur le ministre, que vous n'avez émis, sur ce résultat inacceptable, que des réserves de procédure.

L'opposition, avec le Président de la République, a toujours placé la défense des intérêts de l'agriculture française au premier plan de son action. La logique générale de baisse des prix, est défavorable à nos agriculteurs comme au modèle agricole européen lui-même. Ses risques sont parfaitement identifiables : dépendance accrue vis-à-vis des aides publiques, d'où une perte de dignité et de légitimité ; réduction accrue du nombre des exploitations ; insuffisante prise en compte de l'impératif de qualité. Que restera-t-il du lien vital entre l'agriculture et le reste de la société, si les friches envahissent nos zones rurales, si la confiance dans la qualité de nos produits n'est pas totale, si l'agriculture n'est plus synonyme que de coûts ?

La logique de baisse des prix affecte les trois principaux secteurs de production. L'avenir de l'agriculture européenne est-il dans un alignement sur des prix mondiaux qui n'obéissent à aucune rationalité économique ? Nous le croyons d'autant moins que, pour la viande bovine et le lait, le marché est européen à 80 %. Or, les cours mondiaux du boeuf sont inférieurs de plus de moitié aux prix communautaires. Quant à la coûteuse réforme laitière, à laquelle l'ensemble de la profession est hostile, elle doit être différée, les prix étant stabilisés et les stocks au plus bas. S'agissant du secteur céréalier, nous sommes tous conscients des risques de surproduction, mais une baisse de 20 % des prix serait excessive, et ses conséquences sur le panier de la ménagère faibles ; il convient également de préserver les outils de régulation du marché et un régime équilibré pour les oléoprotéagineux.

La politique agricole est la plus intégrée des politiques communes, et nous devons veiller à éviter son démantèlement par le jeu d'un cofinancement qui encouragerait les distorsions de concurrence entre Etats. Pour autant, les mesures communautaires doivent être mises en oeuvre avec la souplesse que requiert la diversité des territoires, des productions et des conditions d'exploitation. C'est l'esprit même de la subsidiarité.

La solidarité communautaire est affectée par la volonté de certains Etats de remettre en cause le montant de leur contribution budgétaire. Pas plus qu'hier, elle ne saurait s'apprécier en termes de retour direct sur investissement, et il serait paradoxal, en outre, que la réforme aboutisse à augmenter les dépenses. S'agissant de la modulation des aides publiques, nous partageons le souci de "moralisation", mais attendons d'en savoir un peu plus sur les critères. Nous nous étonnons, enfin, que le compromis de Bruxelles n'accorde pas à la France les crédits nécessaires au financement du contrat territorial d'exploitation, contrairement à ce qu'avait assuré le Gouvernement.

Nous sommes d'accord pour faire du développement rural le deuxième pilier de la PAC, et l'objectif de compétitivité ne doit pas faire oublier l'environnement, la sécurité alimentaire et la qualité des produits. Il existe, notamment pour les AOC, un marché mondial, sur lequel l'Europe doit être plus offensive. Cette recherche de qualité passe par l'encouragement de nouveaux modes de production, comme l'agriculture biologique, ou comme l'extensification ; les primes au troupeau allaitant ont été revalorisées, mais la prime à l'herbe, plus adaptée, n'a pas été reconduite, et c'est regrettable.

Vous l'aurez compris, Monsieur le ministre, nous ne voterons pas cette résolution, qui n'est pas à la hauteur des enjeux. De même que la loi d'orientation agricole était une mauvaise anticipation de la PAC, la conduite de la négociation n'a pas mis la France et l'Europe en position de force au sein de l'OMC. C'est à une véritable remise à plat qu'il eût fallu procéder pour répondre aux inquiétudes d'une agriculture qui souffre (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe RPR et du groupe UDF).

M. François Hollande - A mon tour, je me félicite que ce débat ait lieu et que la Délégation ait fourni un travail de qualité, permettant au Parlement de contrôler effectivement la construction européenne. L'Agenda 2000 touche aux questions fondamentales que se pose actuellement l'Union européenne : le défi commercial auquel elle aura à répondre dans le cadre de l'OMC, le défi budgétaire que lui lance la revendication allemande, le défi politique que représente l'élargissement.

Nous sommes soumis, qui plus est, à des contraintes contradictoires : la poursuite nécessaire des politiques communes, le succès souhaitable de l'euro, la préparation de l'inéluctable élargissement et l'indispensable réforme institutionnelle préalable, enfin la stabilisation impérative des dépenses publiques européennes, qui vaut pour la PAC comme pour les fonds structurels -car il y aurait quelque paradoxe, devant lequel certains, il est vrai, ne reculent pas, à exiger plus d'argent pour la première et moins pour les seconds, ou à prôner la baisse des dépenses nationales et la hausse des dépenses communautaires...

L'exercice est donc complexe, et pour que le "paquet", auquel je n'ose plus donner un nom (Sourires), soit dénoué de façon conforme aux principes que nous défendons, il y faudra, dans cette période rendue politiquement délicate par la démission collective de la Commission et par la préparation des élections européennes, une forte volonté politique. Or, ce débat nous donne justement l'occasion de dire ce que nous attendons du conseil européen de Berlin, de faire le point de sa préparation, d'examiner ce qui est déjà acquis et ce qui ne nous satisfait pas. Telle doit être notre ambition collective : évitons donc, même si la période y est propice, les jeux de rôle qui consisteraient à tenir des discours divergents tout en adoptant, aux sommets de l'exécutif, un comportement commun.

S'agissant du dossier principal, celui de la PAC, nous sommes tous convaincus, je l'espère, de la nécessité d'une réforme. Pour notre part, nous l'étions déjà en 1992 mais nous avons eu du mal à convaincre et ceux qui demandent aujourd'hui que rien ne change sont les mêmes que ceux qui criaient le plus fort, à l'époque, contre la politique courageuse suivie par le Gouvernement d'alors ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Oui à la réforme de la PAC, donc, mais aux service de quels objectifs ? Nous souhaitons tout d'abord une répartition nouvelle des aides publiques, de manière à corriger les inégalités entre régions et entre productions. Il faut ensuite préserver les organisations communes du marché et nous récusons par conséquent tout co-financement, toute renationalisation des politiques communes. Nous voulons aussi que l'on prenne en compte les exigences de l'environnement, l'occupation du territoire et nous demandons le maintien de l'emploi agricole, conformément à la loi d'orientation. Nous refusons d'autre part l'aspect le plus critiquable de la réforme de 1992 : la prime à l'agrandissement et au productivisme, qui a contribué à réduire l'emploi agricole (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Enfin, nous demandons que le coût de cette nouvelle PAC ne soit pas excessif : je le répète, la dépense doit être stabilisée dans ce domaine comme dans d'autres.

En fonction de ces principes, quel jugement porter sur le compromis conclu par le conseil agricole de Bruxelles ? Nous avons su amener une majorité d'Etats membres sur notre position, alors même que nous étions passablement isolés au départ, et les propositions de co-financement et de renationalisation ont ainsi été repoussées. Nous devrions tous convenir qu'il s'agit là d'un élément positif : si nous ne pouvions nous accorder sur ce point, ce débat deviendrait inutile !

Sur d'autres points, notre satisfaction ne peut être que mitigée. Pour ce qui est de la viande bovine, la prime aux troupeaux allaitants a été revalorisée mais la baisse des prix reste trop importante et les prix pour le filet de sécurité sont trop bas. La réforme de l'OCM-vin permet une extension des vignobles et une consolidation des interprofessions...

En revanche, même si nous avons obtenu un délai pour achever la réforme de l'OCM-lait, nous déplorons que les quotas laitiers aient été remis en cause...

M. Christian Jacob - On a dit le contraire tout à l'heure !

M. François Hollande - Je n'aurai pas la cruauté de rappeler qui était pour et qui contre ces quotas lorsqu'ils furent décidés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

D'autre part, la spécificité des oléoprotéagineux a été trop peu prise en compte et la ligne budgétaire n'a pas été stabilisée, contrairement au mandat assigné aux négociateurs : le compromis dépasse de 7 milliards d'euros la limite souhaitée.

C'est pourquoi le groupe socialiste soutient la position du Gouvernement : la dégressivité des aides publiques à l'agriculture doit permettre une redistribution au profit du développement rural (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Si vous refusez cette dégressivité, alors il vous faut demander un accroissement du budget agricole ! Mais nous comprenons que vous vous opposez surtout à une réorientation qui irait contre l'avantage jusqu'ici donné à certaines exploitations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Si ces deux objectifs sont affirmés avec force dans la négociation, le financement de la loi d'orientation agricole sera assuré.

Il faut donc aboutir en concluant les compromis nécessaires, mais ceux-ci, quoique pour partie déjà acquis, ne peuvent se faire sur la base actuelle. C'est ce que ce débat doit faire apparaître.

S'agissant de fonds structurels, je salue le travail effectué par M. Barrau. Là aussi, le principe doit être la solidarité : c'est la solidarité qui permettra à des pays comme le Portugal, l'Espagne ou l'Irlande de s'aligner sur les normes européennes, et c'est elle aussi qui garantira à nos régions rurales le bénéfice des fonds 5b et des interventions européennes en faveur du développement local. Cependant, il nous faut aussi accepter une reconcentration géographique et une réorganisation, et admettre la nécessité d'une réflexion sur l'avenir du fonds de cohésion.

M. Fuchs a dit ce qu'il fallait à propos des perspectives budgétaires. Nous avons entendu les demandes de l'Allemagne, qui souhaite réduire sa contribution, et celles de nos autres partenaires qui souhaitent que leur chèque ne soit pas diminué, mais nous avons tous souhaité, d'autre part, une stabilisation des dépenses. Cependant, si nous voulons que l'Europe réponde aux attentes de nos concitoyens et que la Commission soit efficace, pourrons-nous nous en tenir au plafond de 1,27 % du PNB communautaire ? La question n'est sans doute pas d'actualité, mais il faudra bien la poser un jour si nous refusons une Europe au rabais.

Voilà les exigences et les principes que nous demandons aux ministres de rappeler, dans l'intérêt de la France comme de l'Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Alain Marleix - Il aurait été souhaitable que la proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels -qui m'occupera seule ici- fasse l'objet d'un consensus de la représentation nationale. Or le texte présenté par la Délégation nous paraît inacceptable en l'état, sans que la qualité des rapports de nos collègues soit en cause.

Certes, le travail effectué en commission de la production et l'adoption d'amendements qui ont permis notamment de prendre en compte les zones de montagne, ont apporté des améliorations. Mais, si tout est lié dans le "paquet Santer", les gouvernements n'en gardent pas moins une marge de négociation, afin de concilier progrès de la construction européenne et impératifs nationaux. Or, pour le groupe RPR, ce projet de résolution est incompatible avec une politique sérieuse de l'aménagement du territoire français, surtout au moment où le Gouvernement s'en désengage, malgré quelques effets d'annonce.

Ce projet se prononce en faveur des "principes généraux" de la réforme proposée et "approuve la réduction à trois du nombre des objectifs prioritaires et des initiatives communautaires". Or cette réforme est selon nous celle de tous les dangers, pour la France et pour ses régions les plus fragiles. En premier lieu, la mener avant de connaître le montant de l'enveloppe consacrée à ces fonds, c'est prendre le problème à l'envers. On ne peut à l'évidence discuter du contenu quand on ne sait rien du contenant -il est clair que le plafond de 0,46 % du PNB fixé par la Commission ne correspond qu'à un voeu pieux !

En second lieu, la réduction du nombre des objectifs prioritaires va laisser de côté l'ensemble du territoire métropolitain. Deuxième contributaire de l'Union, la France sera le seul grand pays de celle-ci à souffrir de cette réforme, son enveloppe fondant de 30 % au moins !

Regardons-y de plus près. La France métropolitaine sera absente du nouvel objectif 1, qui va concentrer près des deux tiers des fonds structurels. Seuls les quatre départements d'outre-mer seront éligibles, et l'on doit s'en réjouir pour eux. Mais pourquoi écarter les zones rurales les plus en déclin, les zones de montagne, les bassins de reconversion industrielle ? Le Gouvernement pense-t-il sérieusement que ces régions n'ont plus besoin de fonds structurels européens ? Ou est-il prêt à assurer la relève du désengagement européen qu'il appelle de ses voeux ?

Quant à l'objectif 2, il regroupera le quart des nouvelles aides européennes, alors que les anciens objectifs qu'il recouvre en recevaient plus de la moitié. C'est un objectif fourre-tout, où l'on risque de voir les aides se diluer dans un saupoudrage inefficace et coûteux.

Vous donnez la priorité à la ville et aux banlieues, ce qui est votre droit. Mais pourquoi l'objectif 2 ne retient-il pas des zonages spécifiques pour nos territoires ruraux en déclin ? Le Gouvernement est-il sûr que des régions telles que Limousin, Auvergne, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Corse, Poitou-Charentes, aient réglé leur problème de développement, au point de ne plus être éligibles aux fonds structurels ? Pourquoi cet objectif ne prend-il pas en compte le zonage montagne, grand absent des préoccupations de la Commission et du Gouvernement français, alors que les gouvernements italien, espagnol, autrichien et l'association européenne des élus de la montagne défendent ardemment ce concept et la pérennisation des aides spécifiques ? Pourquoi ne pas inscrire dans l'objectif 2 un sous-objectif, ou un programme d'intérêt communautaire, pour les régions en reconversion industrielle ? Le Gouvernement est-il sûr que les anciens bassins miniers du Nord-Pas-de-Calais, du Tarn, du Gard, de Lorraine, de Gardanne, ne méritent plus une attention spécifique de l'Union européenne ?

Il est grave enfin que les paramètres retenus pour l'éligibilité n'aient pas été débattus au niveau des régions, comme du Parlement. Le paramètre "taux de chômage", par exemple, ne doit-il pas être pondéré ? Des régions comme celles du Massif Central, où la population est très vieillissante et les actifs peu nombreux, ont un taux de chômage inférieur à la moyenne initiale nationale. Ce n'est pourtant pas un signe de bonne santé économique ou de développement. Je pourrais multiplier les exemples.

Enfin, comment accepter que les régions françaises écartées de l'objectif 1 et confinées dans l'objectif 2 soient d'emblée écartées de l'objectif 3, consacré à l'emploi, à l'éducation et à la formation ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont et M. Alain Barrau - C'est faux !

M. Alain Marleix - Alors que le Gouvernement dit que l'emploi est sa priorité absolue, il y a là une incohérence majeure. Il est vrai que vous la dénoncez au paragraphe 15, et que M. le ministre délégué s'est voulu rassurant...

M. Alain Barrau - Et précis !

M. Alain Marleix - Prenons-en acte.

Pour ce qui est enfin de l'objectif 3, il n'a pas de base territoriale, et constitue la prolongation sous un autre nom de l'ancien FSE. Ce n'est guère rassurant. La gestion centralisée du FSE, le caractère éminemment technocratique de ses conditions d'éligibilité ont conduit à une sous-consommation massive des crédits. Je crains que le système proposé n'arrange rien.

Au total, la réforme proposée va générer des injustices graves. Elle accentuera les inégalités entre les territoires, contredisant l'objectif de cohésion économique et sociale que Bruxelles présente comme sa finalité. Les régions les plus pauvres risquent de le devenir encore plus. La raréfaction des aides structurelles européennes, comme la banalisation ou la suppression des aides spécifiques aux territoires fragiles, contredisent les exigences de l'aménagement du territoire.

Enfin, les dispositifs transitoires de sortie des fonds actuels ne sont pas des lots de consolation convenables. La dégressivité prévue fait que, dès la deuxième année, l'impact des fonds structurels sera négligeable et laissera des régions en déshérence.

Cette réforme, dont la France sera la grande perdante, est dangereuse, par les injustices et les inégalités qu'elle aiguisera au sein du territoire national. Le RPR votera donc contre le projet de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Claude Lefort - Après Oskar Lafontaine, c'est la Commission de Bruxelles qui vient de tomber. Le monétaire et le financier ont eu raison du premier, le fumet de l'argent de la seconde. Et d'aucuns s'extasient devant cette construction européenne dont ils veulent, sur la même trajectoire, pousser les jeux... Combien de semblables nouvelles faudra-t-il encore pour que s'impose enfin l'idée de réorienter la construction européenne dans le sens de la prédominance du politique et de la démocratie ? L'Europe est une chose trop sérieuse pour la laisser aux mains d'européistes dont le libre-échangisme n'a d'égal que le mépris du politique et de la transparence. Dois-je le rappeler ? Chaque année notre groupe refuse de voter le prélèvement en faveur de l'Union, au motif que la fraude sur le budget européen -et cela dépasse largement le problème de la Commission- n'est pas éradiqué. Ce n'est naturellement pas l'existence d'un budget européen qui nous pose problème. Ce qui nous choque est la passivité face à la fraude sur ce budget qu'on estime à 10 % de celui-ci.

Il est grand temps de rendre à l'Europe un sens conforme aux exigences des peuples et de notre temps, sinon ce n'est pas la seule Commission qui sombrera, c'est l'idée européenne elle-même qui sera atteinte. Ce serait grave, car, dans notre monde globalisé, il faut une Europe pour défendre un modèle social où la personne humaine ne soit pas une simple variable d'ajustement des marchés.

C'est dans ce cadre qu'il faut examiner le projet de résolution relatif aux finances de l'Union pour 2000-2006. Ce texte n'a pas le mérite d'une grande clarté. Ainsi, son article 2 déplore la logique de reconduction qu'a privilégiée la Commission, mais son article 5 soutient une stabilisation globale des dépenses dans le cadre des politiques existantes. Ce qui pèse ici est le carcan du pacte de stabilité. La résolution ne s'interroge pas non plus sur l'arbitraire qui a présidé à la fixation de certains chiffres : pourquoi 1,27 % du PIB communautaire, pourquoi 80 milliards d'euros pour l'élargissement entre 2000 et 2006 ?

A ces flous s'ajoutent des silences. Ainsi, comment faire plus pour l'emploi sans poser la question du rôle de la Banque centrale européenne, et de la mobilisation d'instruments monétaires favorisant le crédit en faveur de l'investissement ?

Certains points sont néanmoins plus clairs. Ainsi l'idée de la budgétisation du Fonds européen de développement, en faveur du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique. Au moment où la "guerre de la banane" illustre une fois de plus la volonté libre-échangiste des Etats-Unis au profit de trois multinationales américaines et au détriment des pays en voie de développement, cette idée doit trouver des prolongements offensifs.

Mais le débat sur les ressources du budget européen pose des questions plus vastes. La première, quels objectifs fixons-nous au niveau européen ? Et, à partir de là seulement, quels moyens entendons-nous mettre en oeuvre ? Ce chantier reste largement ouvert et exige qu'on précise ce que "subsidiarité" veut dire.

Certes, la résolution ouvre quelques pistes. Au nom de la justice, nous ne pouvons qu'approuver l'objectif d'une disparition progressive de la ressource TVA au profit d'une contribution des Etats fondée sur leur richesse. Mais la réflexion reste ouverte sur la création d'une taxe réellement novatrice et civilisatrice : je parle naturellement d'une taxe sur les mouvements spéculatifs de capitaux, qui réunirait éthique et efficacité.

De même il convient de démocratiser la procédure budgétaire, qui se réduit aujourd'hui à d'obscurs accords interinstitutionnels. Il n'est pas inutile de rappeler dans la résolution que les parlements nationaux devraient être mieux associés à la définition des politiques communautaires. Cette exigence est renforcée à nos yeux par le fait que les annexes au traité ne traitent que très sommairement cette question.

Au total, dans cette résolution mitigée, les silences, les flous et les simples voeux sont trop nombreux. Notre vote sur ce texte exprimera une claire volonté : si l'on ne veut pas que l'idée européenne suscite plus de doute encore, il est temps de lui donner plus de lisibilité humaine et de transparence. Si la décision de la Commission peut être l'occasion d'un nouveau départ en Europe, il faut le manifester dès maintenant (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Yves Coussain - Je souhaite dire d'abord à Mme Pérol-Dumont et à M. Barrau que je suis d'accord avec leur diagnostic. La politique des fonds structurels doit effectivement être renforcée, car ses résultats non négligeables justifient une évolution des critères d'éligibilité, des objectifs et du zonage. Elle doit l'être aussi en raison de ses défauts, notamment une complexité qui ralentit l'attribution des aides. L'objectif affiché de simplification et de décentralisation nous convient donc, mais il exigera un effort constant et des évaluations régulières, pour éviter que cette simplification se traduise... par des formalités supplémentaires. Veillons aussi à ce qu'elle ne soit pas annulée par le zèle de notre administration nationale.

Les fonds structurels ont une importance majeure pour les régions françaises éligibles. Elles sont un outil capital d'aménagement du territoire. Il n'est plus guère dans nos provinces d'inauguration où les aides européennes ne tiennent une bonne place -souvent récupérées du reste par les représentants de l'Etat. C'est pourquoi la concentration des moyens sur l'objectif 1, et le fait que les régions métropolitaines en soient exclues, nous inquiètent. Ce sont d'importants moyens qui disparaissent à terme pour nos régions. Or le bilan sur la cohésion de l'Union européenne est clair. Si les écarts entre Etats membres se sont réduits, les écarts au sein des Etats et même des régions se sont creusés, et continuent à le faire. On ne peut taire ces faits au moment de se prononcer sur cette résolution. Il est normal qu'une solidarité européenne s'exerce vers les régions et les Etats périphériques fragiles. Mais il serait dangereux d'oublier qu'en France existent des territoires qui ont besoin d'un rattrapage pour leurs infrastructures, leurs structures d'accueil, leur tissu économique. Certains départements français devraient être éligibles à ces fonds et il faut donc une approche plus fine de l'ensemble du projet. La France ne doit pas permettre que certains de ses territoires qui peuvent y prétendre soient exclus du dispositif d'aide, alors même que, bien souvent, les mêmes régions seront durement pénalisées par la réforme de la PAC. Il convient donc d'intégrer dans l'objectif 1 les territoires les moins développés...

M. Alain Barrau - ...ou de renforcer l'objectif 2 !

M. Yves Coussain - ou de renforcer l'objectif 2...

Un autre risque demeure, qui est de créer une sorte de dispositif "fourre-tout". C'est dire qu'un effort de cohérence s'impose entre zonage national et zonage européen. La volonté de renforcer la construction européenne impose de réformer le dispositif des fonds structurels. Mais cette réforme doit aussi se faire au bénéfice de la France, qui ne doit pas être la grande perdante des révisions en cours. Certaines régions françaises ont le plus grand besoin des fonds structurels. On peut malheureusement craindre que le projet en cours d'élaboration soit d'une efficacité toute relative.

L'Europe vit une grave crise institutionnelle. Alors que le Président Santer est contraint à la démission, ce sont les auteurs de l'Agenda 2000 qui s'en vont avec lui. Profitons-en pour revoir leur copie et faire en sorte que les projets en cours de discussion ne s'opposent pas aux intérêts du monde rural français. Pour cela, aidons le Président de la République à résister au très mauvais compromis qui a été trouvé la semaine dernière (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Michel Suchod - Je me dois de faire part de l'inquiétude de régions comme celle que je représente -le sud-ouest de la France-, gravement préoccupées par la disparition de l'objectif 5b, et que la reprise partielle des buts poursuivis dans l'objectif 2 ne calme pas.

Je me réjouis que le Parlement puisse débattre de ces questions alors que l'Europe est au milieu du gué. Les propositions formulées le 11 mars sont certes nettement plus satisfaisantes que celles qui avaient été précédemment avancées et je félicite tout particulièrement le ministre des avancées qu'il a obtenues pour l'organisation des marchés viti-vinicoles : les extensions autorisées permettront d'affronter une concurrence sans cesse croissante. Des droits gratuits devraient être attribués aux régions les plus dynamiques. Nul n'ignore, en effet, l'importance des fonds communautaires pour la restructuration des vignobles.

Malheureusement, ces propositions sont encore insuffisants, notamment pour ce qui est de la réorientation des aides vers le développement rural, et l'on ne peut que déplorer les blocages complets apparus, sur ce point, lors de la négociation, en dépit de travaux préparatoires prometteurs. Il s'agit, pour la France, d'un enjeu majeur, puisque la LOA dépend d'un financement fondé sur la dégressivité des aides. Les négociateurs français doivent donc s'employer inlassablement à faire admettre à leurs homologues allemands que seule cette dégressivité permettra de ne pas aggraver leur solde net.

On ne peut, à cet égard, que se féliciter de la cohésion dont la France fait preuve sur ces questions, et se réjouir que -grande première- le chancelier Schröder rencontre en même temps, cette semaine, le Président de la République et le Premier ministre. Le Gouvernement a fait le choix judicieux de ne pas réouvrir la négociation dans son ensemble. Fort de l'appui du club de Londres et du Parlement français, il parviendra, nous l'espérons, à franchir le gué, à Berlin. Plus largement, et alors que la crise des institutions communautaires bat son plein, l'Europe se doit de démontrer qu'elle est capable de parvenir à un accord sur l'un des sujets qui sont les plus importants pour elle : la politique agricole (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lequiller - C'est la première fois que l'on envisage la stabilisation des dépenses de l'Union, alors que le budget européen n'a cessé d'augmenter depuis les paquets Delors 1 et 2. La question est d'actualité, puisque la Commission européenne a été contrainte de démissionner en raison de sa gestion frauduleuse de l'utilisation des fonds communautaires comme en témoigne le rapport des sages, qui fait état de graves irrégularités dues, pour la plupart, à une totale absence de contrôle. Le groupe Démocratie libérale, et François d'Aubert en particulier, dénoncent les dérives depuis très longtemps. C'est un coup très rude qui vient d'être porté à l'image de l'Europe et à l'Europe elle-même. Et ni Mme Cresson, qui aurait été bien inspirée de démissionner plus tôt, ni les députés européens socialistes qui, par solidarité, n'ont pas voté la censure, ni le Gouvernement, qui a tardé à condamner ces errements et qui temporise encore, à l'inverse de ses homologues, ne font honneur à notre pays.

Le budget de l'Union a littéralement explosé ces dernières années, passant d'un peu moins de 500 milliards de francs en 1993 à environ 620 milliards aujourd'hui. Parallèlement, la ressource forfaitaire assise sur le PNB des Etats, prélevée directement sur le budget français, est passée de 75 milliards en 1993 à 95 milliards cette année.

Les Etats membres unanimes, souhaitent réduire une contribution qu'ils ne contrôlent pas à un budget européen qu'ils ne contrôlent pas davantage et dont l'inflation contraste avec l'effort de rigueur budgétaire imposée par cette même Europe pour tenir le pari de la monnaie unique. Certaines dispositions budgétaires doivent donc être revues. Par exemple, le Fonds de cohésion, qui permettait à des pays comme l'Irlande d'obtenir un bénéfice six fois supérieur au montant de sa contribution, doit d'autant plus être repensé qu'il avait été créé pour aider le passage à la monnaie unique. Certains pays ne devraient donc plus en bénéficier.

Mais la France, deuxième contributeur au budget européen, n'est en rien responsable de ces anomalies. C'est pourquoi, et je suis, sur ce point, d'accord avec votre rapporteur, la PAC ne doit pas être la seule variable d'ajustement financier de la rationalisation budgétaire en cours de négociation. Cette régulation doit se faire également sur les fonds structurels, principale cause de l'explosion du budget européen, car les paquets Delors 1 et 2 ont fait des fonds structurels une manne financière qui représente près de 35 % des dépenses communautaires.

Ainsi, la stabilisation des dépenses communautaires ne signifie pas l'arrêt de l'Europe, mais plutôt l'amélioration de ses interventions. Cependant, la proposition de résolution qui nous est soumise apparaît plutôt contradictoire. Elle pose comme principe la stabilisation des dépenses communautaires au niveau actuel, mais elle réaffirme le principe de solidarité qui sous-tend les politiques communes, et qui avait fait exploser le budget européen et accentuer le décalage entre contributeurs nets et bénéficiaires nets. Autre contradiction : la volonté de créer de nouvelles politiques communautaires financées par la création de nouvelles ressources propres.

Je crois, comme vous, qu'il est nécessaire de réformer le financement de l'Union européenne. Les ressources propres traditionnelles, droits de douane et droits agricoles, rapportent peu, et leur rendement est fortement décroissant. La ressource TVA, de loin la plus importante puisqu'elle représente 50 % des recettes, est aussi la plus difficile à percevoir, et celle sur laquelle pèse la fraude la plus considérable. L'augmentation de la ressource forfaitaire sur le PNB est un bon système, puisqu'elle rend immédiatement compréhensible le coût de l'Europe. En revanche, nous sommes totalement opposés à la création d'un impôt européen, qui conduirait nécessairement à l'engrenage d'un "super Etat", centralisateur et très éloigné des citoyens européens.

Le texte qui nous est soumis est sans perspectives budgétaires claires, sans choix affirmés, sans ambition suffisante. Une réflexion plus approfondie est nécessaire pour garantir que l'Europe dépensera moins et mieux et que son budget stabilisé ne sera plus grevé par un laxisme avéré.

Or, le financement de l'Union est la clé des réformes entreprises par l'Agenda 2000. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale ne votera pas cette proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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