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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 76ème jour de séance, 196ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 23 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    KOSOVO 1

    LIVRET A 2

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

KOSOVO

M. François Léotard - La dégradation de la situation au Kosovo s'est accélérée au cours des dernières heures. Comme souvent dans ce type de conflit, ce sont les populations civiles qui subissent les plus lourdes pertes : villages incendiés, femmes et enfants en fuite, découverte de charniers, voilà les images qui proviennent de ce territoire européen, lieu de tant d'affrontements où la mémoire de notre continent est encore blessée.

Il semble que l'on soit désormais au bord d'une intervention militaire dont la menace, à force d'être brandie, ne pourra plus être reportée longtemps.

Nous sommes nombreux ici à considérer que ce sont le président Milosevic et le gouvernement de Belgrade qui portent pour l'essentiel la responsabilité de cette dégradation, et nous approuverions une réponse militaire dès lors que les voies diplomatiques auraient été épuisées.

Les appels que nous recevons renouvellent avec une étrange insistance les débuts du conflit qui a successivement ensanglanté la Slovénie, la Croatie et la Bosnie. Dans ce conflit la France a perdu plusieurs soldats, et des centaines d'autres ont été blessés.

A quelles conditions, selon quel calendrier, avec quels moyens et dans quelle mesure le gouvernement français envisage-t-il de participer à l'opération préparée par l'OTAN ?

A la veille du cinquantenaire de l'Alliance atlantique, il peut être utile à la représentation nationale de savoir si les conditions d'utilisation de nos forces sont en passe d'être modifiées, ou si elles restent conformes au livre blanc sur la défense de 1994 ? Actuellement, elles semblent dépendre excessivement de décisions américaines.

Sans qu'il soit nécessaire de faire précéder une intervention éventuelle d'un débat parlementaire, ne vous semble-t-il pas, Monsieur le Premier ministre, qu'au-delà de l'information des commissions concernées -et celle des affaires étrangères reçoit cet après-midi M. Védrine-, il serait utile que nous ayons ici un débat sur la position de la France vis-à-vis de l'OTAN, sur les perspectives d'une meilleure coopération des Européens en matière de défense et, enfin, sur les principes qui fondent la participation française aux opérations de maintien de la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Tirant les leçons du drame de la Bosnie, le Président de la République et le Gouvernement ont pris depuis plusieurs mois des initiatives, en liaison avec nos amis européens et avec nos alliés, en contact avec les Russes, pour adresser aux protagonistes de la crise du Kosovo les messages nécessaires : encourager les forces qui veulent la paix, et résoudre les conflits par la négociation, intimider, avertir les forces qui veulent à nouveau trouver des solutions par la violence. Ces messages très clairs ont été adressés aux autorités serbes qui, une fois de plus, n'ont pas su chercher, au Kosovo, la solution maîtrisée qui, dans l'intégrité même des frontières de la Fédération yougoslave, aurait apporté l'autonomie interne. Il serait ainsi apparu que des leçons ont été tirées des drames précédents.

M. Robert Pandraud - Désarmez aussi l'UCK !

M. le Premier ministre - Ces messages ont été également adressés aux Kosovars, et particulièrement à l'UCK, dont nous ne faisons nôtres ni les méthodes ni sans doute les visées stratégiques. Pas plus que nous ne sommes pour une grande Serbie, nous ne sommes pour une grande Albanie.

Les autorités françaises, le ministres des affaires étrangères au premier chef, ont déployé leur énergie pour engager le processus de négociations de Rambouillet, pour chercher une issue politique, montrant que les protagonistes renonçaient à la violence, à la passion, au nationalisme exacerbé, à une approche ethnicisée des problèmes, et considéraient avec nous que le respect des minorités, la recherche des compromis par la négociation, le fonctionnement de la démocratie, étaient ce qui unissait tous les peuples européens, y compris ceux des Balkans.

A l'heure où je parle, il faut reconnaître que ce processus n'a pas débouché, que la tension s'accroît, que les violences ne cessent pas, que le nombre de réfugiés augmente.

Malgré les efforts de la coprésidence franco-britannique, des émissaires, des membres du groupe de contact, M. Milosevic ne manifeste aucun signe d'ouverture et refuse toujours d'adhérer au cadre du règlement politique élaboré à Rambouillet, et désormais accepté par les Albanais du Kosovo.

Le moment n'est pas loin où nous devrons tirer toutes les conséquences de cette situation, comme la communauté internationale en a clairement averti les autorités de Belgrade. Nous sommes dans la phase finale. S'il apparaît que tous les moyens pour convaincre Belgrade de cesser ses actions de répression et d'adhérer aux accords de Rambouillet sont épuisés, la France est déterminée à prendre toute sa part à l'action militaire, devenue inévitable, qui engagera les forces de la France comme de l'Europe, et pas exclusivement les forces américaines.

En cas d'action militaire, les ministres de la défense et des affaires étrangères se tiendront à la disposition des commissions compétentes du Parlement pour les informer aussi tôt que nécessaire. Si l'évolution de la situation le justifie, le Gouvernement prendra toutes les initiatives utiles, en accord avec le Président de la République pour assurer l'information rapide et complète du Parlement tout entier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe UDF).

LIVRET A

M. Michel Crépeau - Je ne pense pas être un démagogue (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les radicaux ont su faire preuve du sens de l'Etat (Mêmes mouvements). Le général de Gaulle l'avait dit à M. Chaban-Delmas et à M. Debré !

Je comprends très bien que le ministre des finances s'interroge sur l'adaptation du niveau de la rémunération des livrets de caisses d'épargne à une inflation qui avoisine aujourd'hui zéro. Mais nous nous devons d'attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que s'en prendre à l'épargne populaire qui concerne 46 millions de Français, est une question éminemment politique...

Un député UDF - Et électorale !

M. Michel Crépeau - Il n'est donc pas possible qu'on laisse le soin de trancher cette question à une commission de technocrates. Cette question est politique parce qu'elle est abordée au moment où nous venons de réformer le statut des caisses d'épargne, ce qui a créé une certaine inquiétude chez les personnels. Elle est sensible parce qu'il s'agit du financement du logement social, parce que le contexte général fait que les petits épargnants ont le vertige en considérant ce que François Mitterrand appelait la kermesse de l'argent fou (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Un député RPR - Et le Crédit lyonnais ?

M. Michel Crépeau - Le directeur du trésor que vous aviez nommé était chargé de le surveiller. Et les 120 milliards qui se sont envolés et que chacun retrouve à hauteur de 2 000  F sur sa feuille d'impôt, c'est de cela que je veux parler !

On voit M. Pébereau se lancer à coup de milliards à l'assaut de la Société générale et de Paribas, M. Pinault acheter successivement le Printemps, la Redoute et aujourd'hui Gucci (Mêmes mouvements). Quel éclectisme !

M. le Président - Un peu de silence. Revenons aux caisses d'épargne.

M. Michel Crépeau - Qu'il ait des goûts aussi divers le dispense-t-il de payer l'impôt sur le revenu ?

Voici mes questions ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Allez-vous laisser votre commission technocratique trancher ce genre de problème politique ? Si vous ne le faites pas, je ne voudrais pas que vous souffriez du syndrome suicidaire de M. Juppé, qui conduit à tirer prioritairement sur ses électeurs (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; rires sur les bancs du groupe socialiste).

Quand on s'attaque à l'épargne populaire, il faut trouver des compensations. Par exemple, vous devriez doubler le montant du capital que l'on peut verser sur le livret-jeune, qui passerait de 10 000 F à 20 000 F, pour aider les jeunes qui veulent s'établir dans la vie.

Ensuite, les intérêts des livrets servant à financer le logement social, ne serait-il pas possible de créer un fonds particulier pour le logement très social ? Enfin, ne pourrait-on s'assurer que les personnes âgées possédant une maison n'auront pas à payer deux fois l'impôt foncier cette année -car les explications données jusqu'ici ne m'ont pas entièrement convaincu ? (Applaudissements sur divers bancs)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Voilà un ensemble de questions intéressantes. En ce qui concerne l'épargne populaire, le Gouvernement souhaite concilier sa juste rémunération avec le souci de financer le logement social. Un comité indépendant a été mis en place, qui n'est pas composé de technocrates, puisqu'il comprendra des représentants de la Caisse des dépôts, des HLM et des usagers. Ce comité se réunira bientôt...

M. Michel Crépeau étant pris d'un malaise, la séance est suspendue à 15 heures 20. Elle n'est pas reprise.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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