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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 89ème jour de séance, 223ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 29 AVRIL 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

HAUT CONSEIL DE L'AGGLOMÉRATION PARISIENNE 1

    EXPLICATIONS DE VOTE 15

La séance est ouverte à neuf heures.


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SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission de la production et des échanges a décidé de se saisir pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'innovation et la recherche.


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HAUT CONSEIL DE L'AGGLOMÉRATION PARISIENNE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Georges Sarre portant création d'une nouvelle collectivité territoriale : le Haut Conseil de l'agglomération parisienne.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - Elus d'Ile-de-France ou de la France profonde, nous connaissons tous l'agglomération parisienne, où vit un Français sur six. Or cette agglomération est dépourvue d'instances de décision dignes d'une grande métropole : nous héritons cette situation d'une histoire caractérisée par le conflit entre Paris et la province et par la rivalité entre le pouvoir central et le pouvoir municipal parisien.

Que Paris soit le siège des pouvoirs publics justifie-t-il pourtant que cette ville soit isolée de sa proche banlieue ? La division de l'agglomération en plusieurs départements se traduit par une répartition inégalitaire de la richesse. Il suffit de parcourir la région parisienne en voiture pour s'en rendre compte : la ségrégation sociale s'aggrave entre l'est et l'ouest de l'agglomération. Les politiques en faveur des transports urbains ou de lutte contre la pollution pâtissent de délimitations territoriales héritées du siècle précédent. Il nous faut donc trouver le moyen de mettre en oeuvre des politiques globales pour l'ensemble de l'agglomération.

On l'a déjà tenté, certes, mais les réformes successives intervenues sous la Vème République se sont révélées inadaptées. La plus intéressante a été celle de la loi du 2 août 1961 qui créa le district de Paris, regroupant 1 305 communes, dont la direction fut confiée à Paul Delouvrier.

Cette initiative a permis à l'agglomération de rattraper son retard en matière de transports urbains, d'assainissement et de distribution d'eau, mais le district, dont le fonctionnement fut jugé trop technocratique, a été supprimé par la loi du 6 mai 1976 portant création de la région Ile-de-France.

Par ailleurs, la loi du 10 juillet 1964 a supprimé le département de la Seine et créé, autour de la ville de Paris, les sept départements que nous connaissons aujourd'hui.

Mais cette mesure de déconcentration a aggravé le morcellement de l'ensemble géographique parisien.

D'autres textes ont été adoptés en vue de rapprocher le statut de l'agglomération du droit commun. Ainsi, la loi du 2 mai 1982 renforce l'autonomie de la mairie de Paris et la loi PLM du 31 mars 1982 transpose dans la capitale les principes généraux de la décentralisation.

Les limites territoriales actuelles, inchangées depuis les années 60, posent de nombreux problèmes. Il existe certes une collectivité territoriale englobant toute l'agglomération : la région Ile-de-France. Mais celle-ci, parce qu'elle recouvre des zones rurales aux confins des Yvelines, du Val-d'Oise, de la Seine-et-Marne et de l'Essonne, n'offre pas un cadre pertinent à la coordination des "politiques d'agglomération" au sens de la loi Chevènement. En outre, la région a surtout un pouvoir d'impulsion.

Si l'émiettement est nuisible, il ne saurait cependant justifier un retour en arrière, c'est-à-dire une "recentralisation" de l'agglomération parisienne. Il faut, comme dans la loi PLM, conserver les collectivités locales existantes, tout en renforçant la solidarité entre les communes. Il convient pour cela de créer une nouvelle collectivité regroupant la ville de Paris, les trois départements de la petite couronne et les communes mitoyennes qui le souhaiteraient. Doté d'un organe délibérant élu au suffrage universel, ce qui lui donnerait une légitimité équivalente à celle des autres collectivités, ce groupement disposerait de compétences obligatoires et facultatives ainsi que de ressources propres.

Tel est l'objet de la proposition déposée par M. Georges Sarre. Cette nouvelle collectivité, le Haut conseil de l'agglomération parisienne, retrouverait les limites de l'ancien département de la Seine ; elle pourrait s'étendre, par décision du préfet de la région Ile-de-France, aux communes limitrophes qui en feraient la demande, après avis conforme du conseil général concerné. Le Haut conseil recevrait des compétences obligatoires en matière de lutte contre la pollution et le bruit, d'assainissement, de traitement des ordures ménagères et d'organisation des transports urbains, qu'il s'agisse de la conception des plans de déplacement ou du financement. Les transports manquent singulièrement de continuité dans l'agglomération parisienne : beaucoup de jeunes, le soir, ont du mal à regagner leur domicile.

Par ailleurs, des compétences facultatives pourraient être déléguées à ce Haut conseil avec l'accord des deux tiers des conseils municipaux concernés : aménagement de l'espace, politique du logement, politique de la ville, développement économique, animation socio-culturelle, gestion des services collectifs, voirie et signalisation en matière de stationnement.

Dirigée par un exécutif collégial, la nouvelle collectivité serait dotée d'une assemblée de 251 membres élus au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, comme les conseillers municipaux, le mode de scrutin retenu étant la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne afin de garantir le pluralisme de la représentation. L'exécutif serait le bureau, composé d'un président et de vice-président dont le nombre pourrait aller jusqu'à 20. Enfin, l'assemblée élirait des grands électeurs pour participer à l'élection des sénateurs.

Pour exercer ses compétences, la nouvelle collectivité sénatoriale aurait besoin de ressources propres. Il est donc proposé qu'elle perçoive la taxe professionnelle selon les dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, un taux unique s'appliquant sur l'ensemble de son territoire. S'y ajouteraient le produit de la redevance sur les bureaux, les taxes perçues en cas de dépassement du coefficient d'occupation des sols ainsi que le produit de la taxe sur les logements et locaux vacants.

A l'issue d'une riche discussion générale, votre commission des lois a décidé de ne pas procéder à l'examen des articles. Elle laisse l'Assemblée juge du sort qu'il convient de réserver à cette proposition de loi, qui a le mérite d'ouvrir le débat, la majorité municipale parisienne, assiégée dans son bunker, ne voulant prendre aucune décision pour faciliter la vie de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et quelques bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Comme le souligne cette proposition de loi, la situation de Paris et de la région Ile-de-France est paradoxale et, à certains égards, préoccupante, le modèle français d'administration territoriale ne trouvant pas là son plein épanouissement.

Ailleurs qu'en région parisienne, les différents pouvoir issus de la décentralisation sont parvenus à un équilibre : le partage des responsabilités est plus difficile sur un espace réduit à une seule et même agglomération ; et en dépit du haut niveau d'activité économique, des investissements importants des collectivités locales, d'un revenu élevé par habitant, les déséquilibres sociaux, économiques et culturels entre l'ouest et l'est de la région persistent.

A travers votre proposition de loi, Monsieur Sarre, vous posez légitimement la question des rapports entre les citoyens et les institutions locales et celle de la pertinence du cadre administratif actuel. Votre texte se rapproche des projets du Gouvernement, en particulier de celui concernant le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale, par le souci qu'il traduit de traiter les problèmes par une approche plus collective en termes de projets, plus démocratique, plus efficace sur le plan du financement. Cependant je ne saurais vous suivre.

En vous appuyant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, vous faites du Haut conseil de l'agglomération parisienne une collectivité territoriale, puisque celui-ci serait doté d'un conseil élu au suffrage universel, mais en même temps, en dressant la liste de ses compétences, vous lui conférez toutes les caractéristiques d'un établissement public de coopération intercommunale dont la vocation est d'être spécialisé.

Cette synthèse, sans précédent juridique, est intéressante ; elle a cependant l'inconvénient d'ajouter à la multiplicité des centres de décision et de financement dans la région. En outre, vous renouez avec la logique de la loi de 1966 sur les communautés urbaines en proposant de créer une structure intercommunale nouvelle par la voie législative, non en laissant les collectivités libres de leur décision ; ce n'est pas l'esprit des relations que l'Etat souhaite avoir avec les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation. Enfin, on peut craindre des conflits entre le Haut Conseil et la région, dont les compétences seraient proches et la légitimité démocratique comparable.

Si, donc, ce texte va dans le sens de la vitalité démocratique de nos institutions locales, il peut compliquer les relations des collectivités locales entre elles et celles qu'elles entretiennent avec l'Etat.

Ne concluez pas que je me satisfais du statu quo. La recherche d'une structure adaptée aux spécificités parisiennes est ancienne. Le district parisien, la réforme de la région parisienne de 1964, les lois de décentralisation, la loi du 31 décembre 1982 dite PML ont fixé le schéma actuel de notre organisation territoriale ; celle-ci peut être améliorée et je note la volonté plusieurs fois exprimée pour Paris de rapprocher les citoyens des élus, à travers les maires d'arrondissement. Sans pour aller jusqu'à l'institution des arrondissements en collectivités de plein exercice, il faut, sans précipitation, poursuivre la réflexion.

Pour l'Etat, depuis la fin de la guerre, l'enjeu était essentiellement le rééquilibrage entre Paris et la province. Si cette approche reste en partie actuelle, il faut aussi poser la question de la gestion urbaine. Les communes les plus riches ou les plus pauvres en 1985 sont encore les mêmes aujourd'hui. En termes de chômage, d'éducation, de logement, de fiscalité, de sécurité, l'évolution spontanée joue toujours au détriment des territoires les plus fragiles.

La gestion urbaine doit désormais mobiliser l'Etat ; s'agissant de Paris et de son agglomération, les enjeux revêtent une dimension à la fois nationale et locale.

Le renforcement de l'intercommunalité, la fiscalité d'agglomération, la péréquation fiscale, la contractualisation entre l'Etat et les agglomérations, la politique de la ville offrent de nouveaux outils, de nature à corriger la relation ville centre-périphérie, ainsi que les relations des communes entre elles.

Mme Françoise de Panafieu - C'est vrai.

M. le Ministre - Mais il faut pour cela, réunir deux conditions.

La première est un partenariat entre l'Etat et les collectivités locales : les actions de moyen et de long termes dont l'Etat a la charge doivent se combiner avec les politiques de proximité qui relèvent des collectivités locales.

La deuxième est la collaboration entre collectivités locales. Je n'ignore pas les progrès accomplis sur ce point, mais ils ne sont pas encore suffisants.

Mme Françoise de Panafieu - En effet.

M. le Ministre - Le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale a prévu de renforcer la péréquation fiscale entre les communes de la région et incite à la coopération. On pourra ainsi résorber les inégalités criantes existant entre communes de l'Ile-de-France.

Maîtriser et organiser son propre développement, tel est le sens de votre démarche pour Paris et son agglomération. Votre proposition de loi, Monsieur Sarre, ouvre une réflexion essentielle en ce domaine (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Géographiquement, économiquement, Paris s'inscrit tout naturellement dans un espace qui ne peut se résumer au Paris intra muros. En 1990, l'agglomération comptait 9,3 millions d'habitants dont 2,15 pour la ville capitale.

Peut-on séparer Paris et sa banlieue ? Ce n'est pas le cas de Londres.

Paris, il est vrai, a depuis longtemps tendance à se clôturer, des barrières d'octroi du XVIIIème siècle -l'enceinte des Fermiers généraux- aux fortifications dont Thiers décidait la construction en 1841. Depuis 1860 Paris a cessé de s'étendre.

Est-ce une raison pour relever le pont-levis et par une psychose obsidionale, s'enfermer dans une forteresse en quelque sorte menacée par les Barbares repoussés au-delà du Limes, comme dans l'Empire romain ?

Cette proposition me semble donc raisonnable et judicieuse. M. Sarre, élu de Paris, n'est pas un nouveau Josué tournant autour de Jéricho accompagné de ses trompettes, pour en faire tomber les murailles ! Son projet est moins radical (Sourires). Il s'agit de ramener la capitale dans un espace commun avec les trois départements de petite couronne. A l'heure de l'intercommunalité, il paraît normal d'aménager ainsi la coopération entre le centre la périphérie, peuplée souvent d'anciens Parisiens relégués à l'extérieur par la politique immobilière. Une gestion efficace passe par cette intercommunalité, par exemple pour les transports, la protection de l'environnement, la lutte contre le bruit et la pollution, le traitement des déchets, l'eau.

Député du Val-de-Marne, j'y vois un remède, par la péréquation, au déséquilibre entre l'ouest -Neuilly, Auteuil, Passy- et les communes de l'Est. Puteaux ou Levallois, cumulent activités, richesses et taxe professionnelle. Mais c'est à Evry ou Villeneuve-Saint-Georges, avec des maigres moyens, à assurer les logements sociaux. Etrange division des tâches.

Ce texte nécessaire innove. Lui en fera-t-on grief ? C'est le rôle du législateur.

Cette nouvelle collectivité serait dirigée par un Haut conseil élu au suffrage universel. N'est-ce pas le seul pouvoir légitime en République ? La démocratie est toujours préférable à la technocratie : la pire des chambres vaut toujours mieux que la meilleure des antichambres, disait Cavour.

Les députés radicaux soutiennent cette proposition dont l'objectif légitime est de réconcilier Paris et sa périphérie. Remplacer la muraille d'aujourd'hui par des passerelles, n'est-ce pas un projet naturel pour la République dont la droite proclame l'égalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et certains bancs du groupe socialiste)

Mme François de Panafieu - Cette proposition vise à la résurrection d'un super conseil général de la Seine, comprenant Paris et les trois départements de petite couronne.

Elue de Paris, je suis très consciente de la nécessité de décloisonner les politiques municipale et départementale, et la politique régionale dans le grand bassin parisien.

C'est en dépassant des limites administratives trop étroites que la capitale, l'agglomération, la région joueront le mieux leur rôle de pôle de développement européen et international, au profit de toute la France. Ainsi les moyens proposés vont, au sens de la majorité municipale, à l'encontre de l'évolution nécessaire. Il y a bien croissance continue de l'agglomération mais on ne peut l'enfermer dans un territoire. C'est une réalité évolutive dont on ne peut exclure Cergy-Pontoise, Mantes et Melun.

Votre nostalgie pour le département de la Seine vous fait oublier cette réalité -votre proposition est très réductrice.

Certes l'environnement pose problème mais bien au-delà de ces limites étroites. L'air est pollué. Mais l'ozone, en été, se trouve plutôt au-dessus de Rambouillet et de Fontainebleau. Les décharges pour déchets ultimes sont situées en Seine-et-Marne et dans le Val-d'Oise. Elles sont menacées à court terme. Pourtant, Mme Voynet persiste à bloquer l'usine de Vitry malgré les demandes réitérées de la ville de Paris.

Plus généralement, multiplier les niveaux de décision engendrera la confusion et des dépenses nouvelles. Ce sera plus de fonctionnaires, plus d'élus pour remplir des fonctions déjà assumées par les assemblées existantes. Il y aura conflit de compétences entre elles et ce super département de la Seine.

C'est dans d'autres directions qu'il faut faire évoluer les structures en renforçant les compétences du conseil régional pour les transports et l'environnement. On commence à aller dans ce sens. Il faut poursuivre.

Il faut aussi développer les coopérations existantes entre départements et communes. Les organismes qui gèrent les barrages-réservoirs, les parcs sportifs et le Syctum -j'y ai siégé 6 ans- sont des lieux de consensus : ne politisons pas à l'extrême ces structures nécessaires mais volontaires.

Enfin, je regrette le penchant constant à augmenter les dépenses publiques. Pourquoi créer 251 élus supplémentaires, outre les 209 conseillers régionaux, les 133 conseillers généraux, les 163 conseillers de Paris. Cela fera 756 élus alors que le Conseil général de la Seine comptait 150 membres. On dilue les responsabilités qu'il faudrait renforcer. Vous parlez d'assurer la solidarité, vous créez le flou, la confusion pour les citoyens.

M. Laurent Dominati - Très bien !

Mme Françoise de Panafieu - L'Ile-de-France a besoin de clarification. Les pouvoirs des assemblées locales actuelles doivent être accrus, en complément de l'action régalienne indispensable des services de l'Etat.

Pour toutes ces raisons, et malgré l'intérêt que nous portons à votre action municipale, le groupe du RPR ne votera pas cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Birsinger - Les députés communistes sont de tous les chantiers législatifs visant à accroître l'efficacité des collectivités locales et la coopération entre elles pour réduire les inégalités et promouvoir le développement économique et social. Je pense moi aussi qu'il faut franchir les frontières du périphérique, mais je n'en tire pas les mêmes conclusions que vous, Monsieur Sarre.

Les élus oeuvrent déjà pour la coopération, mais dans le cadre de projets concrets et utiles, élaborés et développés en commun. C'est cette conception-là que le législateur doit promouvoir. Mais il n'y a pas d'incompatibilité entre cette coopération et l'autonomie communale, au contraire. Les communes sont le creuset de la citoyenneté à la française. C'est là que s'exercent le mieux la participation des citoyens et l'action des services publics de proximité. Il faut s'appuyer sur cette richesse. Nous sommes donc défavorables à tout dessaisissement non consenti de leurs compétences.

Vous organisez de manière rigide le transfert de compétences essentielles : développement économique, transports urbains, logement social, prévention de la délinquance... Chacune nécessite des coopérations, et les communes ne se privent pas d'en nouer, mais faut-il les dévoluer autoritairement à une structure plus éloignée des citoyens ? Même si le nombre des compétences attribuées au Haut conseil reste inférieur au nombre de celles qui risquent d'être transférées aux communautés d'agglomération, nous restons très réservés.

D'abord, nous ne croyons pas qu'il faille attribuer à l'absence de politique de la ville et de planification commune tous les maux de la société. La précarité et l'insécurité sont les conséquences de la politique de libéralisation et de déréglementation suivie depuis des années, Madame de Panafieu, et, quelle que soit la politique de la ville qu'on appliquera, si l'on ne va pas plus loin dans le changement voulu par les Français en 1997, on continuera à récolter chômage, galère et violence.

Cette proposition comporte plusieurs points qui vont à l'encontre de notre démarche : les aspects autoritaires de la procédure de constitution du Haut conseil ; les transferts de compétences obligatoires, qui rendent les conseils municipaux incompétents dans ces domaines ; les transferts de compétences facultatifs décidés à la majorité des deux tiers des communes, ce qui peut en dessaisir certaines contre leur gré ; le financement, qui ne prévoit pas de moyens nouveaux. Il faut aller chercher l'argent là où il se trouve. Nous avons atteint la limite dans les prélèvements imposés aux ménages. Il faut taxer les actifs financiers des entreprises, et affecter les fonds récoltés à une péréquation nationale.

Le Haut conseil de l'agglomération parisienne porte en lui l'effacement des collectivités de la petite couronne. En ce qui concerne les départements, certains les jugement désormais superflus. Ils seraient un obstacle à la compétitivité des entreprises et à l'essor de l'intercommunalité. Mais l'étendue de leurs compétences sociales, leur rôle de péréquation, l'importance de leur budget d'investissement leur confèrent un rôle essentiel. Ils sont un garde-fou contre la logique libérale de la construction européenne et ont permis la mise en oeuvre des décisions au plus près des besoins. Nous ne pouvons brader cet acquis.

Cette proposition porte en elle l'éloignement des citoyens de la prise de décision. Elle revient sur les acquis démocratiques de la décentralisation. Pour autant, la situation de Paris et de la région parisienne doit faire l'objet d'un vaste débat. Elle nécessite des mesures spécifiques parce qu'elle est caractérisée par une très forte densité de population et par l'enchevêtrement des bassins d'emploi et de vie. Les schémas d'aménagement successifs et la loi de 1992 sur l'intercommunalité n'ont eu que peu d'effets.

Nous partageons certains objectifs de cette proposition : l'équilibre social de l'habitat, le rééquilibrage de l'emploi en région parisienne, le développement des dispositifs de solidarité. Il y a urgence. Il faut notamment modifier l'organisation administrative de la ville de Paris en faveur des mairies d'arrondissement. C'est le sens d'une proposition que nous avons récemment déposée. Enfin, il y a contradiction entre votre objectif que chaque commune soit représentée en Haut conseil et le mode de scrutin départemental choisi.

Les députés communistes voteront contre l'examen des articles de ce texte. Nous ne voulons pas revenir trente ans en arrière avec l'ancien département de la Seine. Nous soutenons l'exigence de droits nouveaux pour les citoyens, de moyens nouveaux pour les collectivités et d'une intercommunalité librement décidée (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur les bancs de la commission).

M. Laurent Dominati - Fleurs et couronnes... Que d'éloges, et quel bel enterrement ! Les orateurs précédents, qui sont de vos amis politiques, ne veulent à aucun prix de cette proposition, mais ils vous le disent en termes galants.

Le rapporteur nous a exposé tout le bien qu'il pense du texte, le ministre aussi, et la commission explique qu'il ne faut pas en discuter les articles, de même que le groupe communiste, attaché à la gestion de ces départements sur lesquels il assoit sa puissance...

Moi, j'aurais aimé discuter des articles, ne serait-ce que pour déposer des amendements et avoir l'occasion d'aller au fond. Si la majorité pense vraiment que cette proposition est intéressante, pourquoi ne pas discuter des articles, quitte à voter contre ? Nous aurions eu un vrai débat sur le statut et l'avenir de Paris, qui aurait probablement mieux rempli l'hémicycle. Cela est symptomatique de la manière de procéder de la majorité.

Je saisirai cependant l'occasion de parler des deux problèmes que soulève M. Sarre : la remise en cause de la loi PML et le Grand Paris. Sur le premier point, il a raison : ce n'est pas une bonne loi. C'était d'ailleurs une loi socialiste. Son objet était de découper Paris en tranches, comme veulent toujours le faire les communistes. Vous l'avez faite dans un contexte d'offensive politique contre le maire de l'époque, et elle a conduit à un statut bâtard, avec des compétences incertaines et mal réparties. Si les maires d'arrondissement réclament des pouvoirs, ils ne décident pas l'impôt, et ne peuvent être jugés sur ce qu'ils font. Deuxième problème essentiel : assurer l'unité de la capitale. C'est le problème du grand Paris. Faut-il garder le département ? Et même les départements ? Je ne sais pas si tout le monde a bien vu le ver que vous mettez dans le fruit départementaliste... Mais à mes yeux, s'il se pose des questions de démocratie locale à Paris et en région parisienne...

M. Bernard Birsinger - A Paris surtout !

M. Laurent Dominati - Dans les départements aussi, j'ai des collègues qui auraient des choses à dire ; votre heure viendra... Que peut-on faire pour que progresse la démocratie locale à Paris et en Ile-de-France ? Vous proposez, Monsieur Sarre, de créer un échelon administratif supplémentaire. Est-ce là renforcer le pouvoir des élus, ou plutôt la confusion des pouvoirs, et par là le pouvoir de l'Etat ? Car ce dernier, à Paris et en Ile-de-France, est plus important que partout ailleurs. Faut-il donc un échelon de plus ? A nos yeux, non. Vous ne proposez en effet de supprimer ni le département, ni les départements, et vous créez une confusion dans la répartition des pouvoirs.

En outre vous affaiblissez l'intercommunalité. Si l'on institue un conseil élu au suffrage direct, que devient l'autorité des maires ? Les syndicats intercommunaux ne sont pas des assemblées politiques, et les élus n'y votent pas toujours selon leurs appartenances partisanes ; on voit des socialistes voter différemment les uns des autres, des communistes voter avec des libéraux...

M. Bernard Birsinger - C'est rare.

Mme Françoise de Panafieu - Pas du tout !

M. Laurent Dominati - Cela arrive tous les jours. Si en revanche vous créez un Haut conseil élu à la proportionnelle, vous y retrouverez des clivages purement politiques et politiciens. Ce n'est pas renforcer l'intercommunalité, bien au contraire. Ainsi vous réduisez les pouvoirs des maires, vous politisez les assemblées, et vous nuisez à l'intercommunalité.

Enfin, chose paradoxale pour un élu parisien, vous affaiblissez Paris. Du point de vue financier, par exemple : la taxe professionnelle est de 12,7 % à Paris, contre 17 % en moyenne pour l'Ile-de-France. Si on appliquait ce dernier taux aux entreprises parisiennes, elles verseraient plus de 3 milliards supplémentaires. Les compétences que vous voulez donner au conseil correspondent à un coût de près de 2 milliards. Les Parisiens paieront plus et auront moins de services : où est l'intérêt pour eux ?

Autre question de fond : faut-il réformer la loi PML ? Pour nous, c'est une loi bâtarde, de circonstance, qui menace les compétences des uns et des autres. En outre, on se plaint sans cesse qu'elle ne soit pas respectée. Un ministre l'a encore déploré récemment. Qu'attend-il ? Il faut avancer en fonction non de l'intérêt des élus, mais de celui des citoyens. Or que veulent les citoyens ? Un meilleur service de proximité, à moindre coût, et plus de démocratie locale. Pour aller dans ce sens, Monsieur le ministre, il faudrait commencer par mettre fin au régime d'exception que connaissent l'Ile-de-France et la capitale. Si M. Sarre veut plus de démocratie, il faut que la région Ile-de-France ait les mêmes pouvoirs que les autres.

Or, en matière de transports notamment, Paris paie, la région paie, mais l'Etat décide. Si vous voulez plus de démocratie, faisons en Ile-de-France comme ailleurs, en commençant par la politique des transports. Tous les gouvernements le disent, mais aucun ne le fait. Nous vous disons chiche ! Créez plus de démocratie en Ile-de-France, donnez plus de responsabilités au conseil régional. A moins que vous ne soyez méfiant envers son président, ce que je n'ose penser... Il faut rétablir le droit commun pour l'Ile-de-France.

Il en va de même pour la solidarité. Il y a un fonds de solidarité régionale, financé par les Franciliens ; mais c'est l'Etat qui décide l'affectation des crédits. Transférez-le au budget du conseil régional ! Cela représente près de 4 milliards. Il y a là des moyens pour réduire la fracture sociale. Confiez-en la gestion aux élus, si vous voulez accroître leurs pouvoirs.

D'autre part M. Sarre parle de pollution, de circulation, de stationnement, mais le maire de Paris n'a aucun pouvoir en ces matières. Là aussi, rendez des pouvoirs aux Parisiens et à leurs élus. Vous avez été opposés à l'existence d'un maire de Paris (signes de dénégation de M. Georges Sarre) ; vous restez opposés -M. Chevènement l'a dit- au transfert à la mairie de Paris des compétences de police municipale, ce qui fait pourtant partie des compétences normales des maires. Vous accusez la Ville de Paris, vous dites qu'on y respire mal ; mais c'est l'Etat le principal responsable, le maire n'ayant aucun pouvoir sur la circulation et le stationnement. Si vous voulez développer la démocratie, commençons donc par aller vers le droit commun des collectivités locales.

On peut ainsi écarter cette idée de droit commun, au motif qu'il s'agit de la région capitale, et qu'il faut comparer le grand Paris au grand Londres et au grand Berlin, plutôt qu'à Lyon, Nantes ou Marseille. Dans ce cas il faut un régime d'exception, mais toujours dans le sens d'un meilleur service, à un meilleur coût, avec plus de proximité. J'entends dire que chez les socialistes et les verts on souhaite renforcer les pouvoirs des maires d'arrondissement. Soit : donnons-leur, sur les crèches, les écoles, les bibliothèques, les équipements sportifs, les espaces verts, des compétences non seulement pour le fonctionnement, comme aujourd'hui, mais pour l'investissement ! Nul mieux que le pouvoir local n'est à même de savoir s'il faut créer une crèche ici ou rénover une école là.

Mais si l'on va dans ce sens, il faudra traiter deux problèmes. Tout d'abord, celui du jugement des citoyens sur l'action du maire d'arrondissement : sur quels critères se fondra-t-il ? Il faut prévoir pour chaque mairie une enveloppe globale d'investissement, et les habitants pourront juger les choix faits dans ce cadre. Mais cela implique également un redécoupage des arrondissements. Le Ier a 18 000 habitants, contre 230 000 pour le XVème ! Le Ier n'a pas la taille critique pour mener une véritable politique, car son enveloppe sera trop faible. Le second est trop grand pour permettre une relation de proximité. Si l'on s'engage dans cette logique, et le groupe DL y est prêt, alors il faut aller vers les arrondissements de 50 000 à 70 000 habitants. Mais il faut corrélativement renforcer les pouvoirs de la Mairie de Paris dans des domaines qui incombent aujourd'hui au préfet de police, concernant la tranquillité publique, la police du stationnement et de la circulation. Il est paradoxal en effet de vouloir accroître la démocratie et de renforcer sans cesse les pouvoirs de l'Etat en réduisant ceux du maire. On ne peut prétendre qu'on va ainsi dans le sens de l'intérêt du citoyen. Vous posez la question du grand Paris. Il est assurément indispensable de créer une structure de concertation permanente entre Paris et les communes limitrophes. Faut-il créer un haut conseil concurrent des différents pouvoirs existants ? Nous ne le pensons pas. Faut-il même agrandir Paris ? Le périphérique n'est pas une frontière absolue. Neuilly et Montreuil c'est quand même un peu Paris. A condition qu'il ne s'agisse pas d'annexions décidées administrativement, mais d'agrandissements voulus par les populations, par exemple par la voie de référendums locaux. C'est d'ailleurs ce qu'a fait l'Etat quand il a généreusement accordé le nom de Paris à La Défense, pour des raisons commerciales et foncières ; et il y a peut-être là un moyen d'alléger la pression commerciale et foncière qui s'exerce sur le territoire parisien. Ce n'est donc pas une idée à rejeter. Mais il faut le faire dans le cadre d'une redéfinition des pouvoirs et dans le respect des voeux des habitants concernés.

Quand j'entends dénoncer la "politique de fracture sociale" qui chasserait de Paris sa population la plus pauvre...

M. Bernard Birsinger - C'est vrai !

M. Laurent Dominati - ...j'y vois une méconnaissance totale de la sociologie de la capitale, qui comporte des quartiers "chics" et d'autres qui le sont moins, des gens très riches et des gens très pauvres, ces derniers étant tout aussi nombreux qu'ailleurs, sinon plus - ainsi qu'en témoignent la carte des ZEP ou celle du chômage...

Et lorsque j'entends dire que les communes riches deviennent toujours plus riches et les communes pauvres plus pauvres, je suis tenté de citer des exceptions : celle d'une ville comme Issy-les-Moulineaux, par exemple, qu'une nouvelle municipalité et une nouvelle politique fiscale ont sortie de la pauvreté en y attirant de nouvelles activités, mais aussi celle, inverse, de certaines villes de banlieue, gérées depuis des lustres par des maires communistes qui les entretiennent dans la pauvreté (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) ; ils semblent même heureux d'en vivre, d'entasser les pauvres dans des cités entre une avenue Karl-Marx et une "maison du peuple" ! (Mêmes mouvements)

Vous l'aurez compris, nous ne sommes opposés ni à une réforme du statut de Paris, ni à une réflexion sur la répartition des pouvoirs au sein de l'agglomération parisienne. DL fera, le moment venu, des propositions, qui seront certainement plus audacieuses que celle, trop administrative, de M. Sarre, et qui viseront à clarifier les responsabilités. Actuellement, en effet, la seule responsabilité claire est celle de l'Etat, mais il n'a pas de politique pour l'Ile-de-France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jacky Darne - De nombreux constats peuvent être sans peine partagés par tous. Celui, par exemple, que l'insuffisance, voire de l'absence de coopération entre ville et départements a creusé les inégalités territoriales au sein de l'aire parisienne. Le contraste est saisissant, en effet, entre ses pôles de développement qui comptent parmi les tout premiers du monde, et ses espaces de désindustrialisation, de pauvreté, de violence. A M. Dominati qui tente de faire porter à certains maires la responsabilité de cet état de choses, je réponds que son ami M. Cardo m'a confié son impuissance à lutter contre la loi d'airain de l'inégalité, faute d'une organisation territoriale adéquate et, surtout, faute de solidarité et de coopération de la part de ses riches voisins.

M. Laurent Dominati - C'est l'échec de la politique que vous menez depuis quarante ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jacky Darne - L'histoire de Paris est un peu plus ancienne, et la répartition des richesses y est si inégale qu'il est bien ardu d'inverser la tendance : il n'est, pour s'en convaincre, que de comparer, comme le fait le rapport, la taxe professionnelle des Hauts-de-Seine à celle de Seine-Saint-Denis...

Si les choses sont plus complexes que ne le suggère M. Sarre, si l'on ne peut se contenter d'opposer simplement Paris et sa banlieue ni, au sein de celle-ci, la petite et la grande couronnes, il est néanmoins évident que l'organisation administrative actuelle, survivance historique sans justification véritable, est, au moins en partie, responsable de la situation actuelle. Le poids démographique de l'Ile-de-France et le statut de capitale de sa ville-centre ont pesé lourd lorsqu'ont été discutées les lois de décentralisation et celles, ultérieures, relatives à l'organisation territoriale : la même logique qui a prévalu ailleurs n'a pu s'appliquer pleinement à Paris, et il n'est pas un seul de ces textes qui ne réserve à son agglomération un régime particulier. On peut donc comprendre les raisons qui animent M. Sarre, mais il me pardonnera de lui dire que son ambition eût mérité d'être collective, l'action solitaire n'étant pas, tant s'en faut, un gage de réussite...

Je vois dans la présente proposition quatre faiblesses principales. Elle tend, tout d'abord, à compliquer l'organisation administrative, alors que nous avons adopté, il y a peu, un projet visant à simplifier les structures intercommunales et refusé, dans ce cadre, d'ériger celles-ci en nouvelles collectivités en leur conférant la légitimité du suffrage universel. En second lieu, elle ne porte pas sur un territoire pertinent : il n'est pas un économiste, pas un géographe, pas un urbaniste pour considérer Paris et la petite couronne comme un espace méritant une organisation spécifique, à l'exclusion de la grande couronne, qui partage désormais avec elle nombre d'intérêts, notamment en matière de transports.

La proposition fait fi, en outre, du conseil régional, de son rôle et de sa mission, dont la revue Pouvoirs locaux souligne justement, dans son dernier numéro consacré à l'Ile-de-France, tous auteurs confondus, l'importance, en même temps qu'elle souligne la pertinence globale des contours de la région. Enfin, il existe d'autres moyens de parvenir aux fins que poursuit M. Sarre : je citerai seulement le fonds de solidarité de l'Ile-de-France, que l'on peut renforcer, la coopération intercommunale, que l'on peut développer, et l'organisation des transports, que l'on est en train de réformer, après six tentatives infructueuses, pour donner à la région un pouvoir réel.

Nous demandons par conséquent à M. Sarre de reprendre sa réflexion, avec l'ensemble de ses partenaires de l'agglomération, sur les moyens de rendre celle-ci plus solidaire, d'autant que M. Dominati lui-même semble d'accord pour renforcer la loi "PML" et construire une politique d'agglomération dont chacun a conscience qu'elle fait défaut (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Plagnol - Elu du Val-de-Marne, je ne peux qu'approuver le diagnostic de M. Sarre sur l'hypertrophie de la région capitale et ses conséquences sur ses dix millions d'habitants. Nous connaissons le mal de vivre de ceux qui passent quotidiennement des heures dans les embouteillages. Entre la ville phare et la périphérie, entre l'Est et l'Ouest, les inégalités ne cessent de se creuser. Paris et les Hauts-de-Seine concentrent les deux tiers des sièges sociaux et, s'agissant de l'impôt sur le revenu, l'écart avec le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis ne cesse de s'accroître.

J'admets aussi que le cadre institutionnel actuel est inadapté. La dévolution des compétences manque de clarté et la représentativité des élus, insuffisante. Conseiller général, j'aurai la modestie d'avouer que beaucoup d'habitants de mon canton ne me connaissent pas. Le conseil général manque de visibilité en Ile-de-France.

Autant votre diagnostic est juste, Monsieur Sarre, autant votre proposition est inadaptée. Elle repose d'abord sur une assise territoriale dépassée. Comment prétendre ressusciter le conseil général de la Seine alors qu'en vingt ans, plus d'un million d'habitants sont venus s'installer dans la grande couronne, qui représente aujourd'hui la moitié de la population d'Ile-de-France ? On ne peut résoudre les problèmes d'environnement, de pollution, de transport, à l'échelle de la petite couronne. S'agissant des embouteillages, le point le plus encombré se trouve à Joinville, au croisement de deux autoroutes : c'est la venue des résidents de la grande couronne qui en est la cause et la création de votre Haut conseil ne changerait rien à la situation.

Le seul échelon pertinent, c'est la région. Michel Giraud, quand il présidait le conseil régional d'Ile-de-France, avait même inventé le "grand bassin parisien" pour favoriser le dialogue avec les régions limitrophes. Pour certaines questions, comme la desserte aéroportuaire, l'échelon régional lui-même est déjà dépassé.

Je suis surpris de l'archaïsme de cette proposition, qui vient pourtant d'un élu d'ordinaire audacieux. Je regrette en outre qu'il n'y ait ici aucun représentant de M. Huchon, car vous ne faites rien d'autre que le procès de la région Ile-de-France.

Mme Nicole Bricq - Exactement.

M. Laurent Dominati - C'est vrai.

M. Henri Plagnol - Nous sommes en train d'examiner le projet de contrat de plan Etat-région, que M. Huchon est venu présenter devant le conseil général du Val-de-Marne : il porte sur tous les domaines de compétence que vous voulez transférer à votre Haut conseil. Ce que vous voulez donc dire, c'est que la région ne fait pas son travail. Puisque vous faites partie de la majorité, je vous suggère de demander à l'Etat et à la région de remédier aux problèmes que rencontre la population. Je pense ainsi aux transports de banlieue à banlieue, dont le volume va s'accroître de 40 % dans les dix prochaines années.

Je m'interroge sur la cohérence de la majorité. Je croyais, Monsieur Sarre, que vous étiez un proche du ministre de l'intérieur, dont nous venons de voter le projet tendant à renforcer l'intercommunalité sur la base du volontariat des communes. Or votre démarche, autoritaire, jacobine, vise à créer un échelon pas intercommunal, mais supracommunal, qui dépouillera les communes de l'essentiel de leurs ressources. Quant au projet Voynet sur l'aménagement du territoire, il indique clairement que la région est le seul échelon pertinent. C'est bien dans le cadre régional que sera élaboré le schéma de bassin.

Nous proposons quant à nous de renforcer la région. Celle-ci va enfin siéger au conseil d'administration du syndicat des transports parisiens : c'est un progrès, mais cela reste insuffisant. La région, en effet, devrait gérer l'ensemble des transports de l'agglomération parisienne, sans être prise en otage par de grands appareils d'Etat qui, s'ils disposent de toute la compétence requise, connaissent moins bien que les élus les voeux des habitants.

M. Laurent Dominati - Très bien !

M. Henri Plagnol - Songeons aussi à la carte hospitalière : la réforme Juppé, reprise sur ce point par le Gouvernement, a retenu le cadre régional pour déterminer les restructurations nécessaires. Il n'est plus nécessaire de confier la gestion des hôpitaux publics aux départements.

Quant aux problèmes de pollution, il est évident qu'on ne les résoudra pas dans un cadre départemental.

Les plans de déplacement urbain ne peuvent être élaborés qu'à l'échelle régionale.

Il faut donc avoir le courage de remettre en question l'existence même des départements en Ile-de-France. Je ne pense pas que les mêmes structures doivent forcément se retrouver en tout point du territoire. Votre proposition montre bien l'inutilité des départements de la petite couronne. En tant que conseiller général, j'admets ne pas servir à grand-chose. Les habitants d'Ile-de-France, d'ailleurs, contrairement à ceux des zones rurales, ne connaissent pas leur conseiller général, élu sur un morceau de ville.

En suscitant un patriotisme de département, alors même que les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne n'ont aucune légitimité historique ou géographique, on ne fait que creuser les inégalités.

Le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis n'ont jamais été aussi pauvres qu'aujourd'hui, et les Hauts-de-Seine n'ont jamais été aussi riches. Nos collègues communistes, en défendant les départements de la petite couronne, font un plaidoyer pro domo, car ils gèrent deux de ces conseils généraux. Ils prétendent que ces départements ont un rôle à jouer en matière d'investissement, alors que leur budget est, au contraire, un budget de fonctionnement.

Les départements assurent certes des missions de proximité, comme la gestion des collèges, l'entretien des routes d'intérêt départemental ou l'action sociale. Mais qu'est-ce qui empêcherait les conseillers régionaux de siéger occasionnellement en formation départementale sur ces thèmes ? On ne va pas maintenir une collectivité territoriale pour la seule gestion des collèges !

Mieux vaudrait faire progresser l'intercommunalité. Ainsi, les communes du Val-de-Marne riveraines du Bois de Vincennes ont créé une structure spécifique pour dialoguer avec la ville de Paris. C'est là un exemple à imiter. Pour le traitement des ordures ménagères, la gestion des parcs sportifs ou des espaces verts, il n'y a pas à politiser artificiellement les structures, mais à faire fonctionner au mieux les services. Le seul échelon que les habitants de l'Ile-de-France connaissent et respectent, c'est la commune ; il faut donc faire confiance aux élus locaux. Le groupe UDF est très attaché au principe de subsidiarité ; c'est en respectant l'échelon communal qu'on peut envisager les rapprochements nécessaires sur des projets concrets.

En conclusion, pour résoudre les problèmes réels qui ont été soulevés, il faut achever la décentralisation, en faisant rentrer la région Ile-de-France dans le droit commun : il convient de donner à la région la plénitude de ses compétences, de transférer aux communes tout ce qui peut relever d'elles, et ainsi de faire en sorte que les départements deviennent inutiles. Faisons confiance aux habitants et à leurs élus pour mettre fin au mal de vivre des Franciliens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Laurent Dominati - Bravo !

M. Georges Sarre - Nous sommes réunis ce matin, à l'invitation du groupe RCV, branche MDC, pour parler de l'agglomération parisienne. J'apprécie qu'un vrai débat d'idées se soit engagé ; je remercie les collègues qui sont intervenus de leur sérieux et de leur cordialité.

C'est vrai que ma proposition de loi dérange. Je remercie mon président de groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, d'avoir plaidé en sa faveur. Il ne l'a pas fait par simple amitié, mais parce qu'il est un élu du Val-de-Marne et qu'il pense nécessaire que les choses bougent.

A Mme de Panafieu, à M. Birsinger, je voudrais dire que les élus, de fait, sont responsables devant leurs électeurs ; mais au quotidien, ont-ils vraiment le pouvoir d'agir ? Ne sommes-nous pas, au niveau communal, totalement ficelés, dans l'ensemble de l'Ile-de-France et plus encore dans l'agglomération parisienne ? J'ai été pour le moins surpris d'entendre certains orateurs affirmer que nous aurions capacité à agir au niveau du SYCTOM et de divers syndicats intercommunaux ; c'est bien là que l'élu est dépossédé ! La transparence n'existe pas, les décisions sont prises en petit comité, même si formellement, toutes les règles sont respectées.

Le projet de Jean-Pierre Chevènement sur l'intercommunalité est une bonne chose pour la France ; mais pour l'agglomération parisienne, il ne changera pas grand-chose : ou bien il y aura des coopérations entre communes pauvres, ce qui ne rendra pas riches, ou bien il ne se passera rien -ce qui est vraisemblable. Monsieur Plagnol, vous pouvez concevoir dans le Val-de-Marne toutes les structures que vous voudrez pour débattre avec la ville de Paris ; tant qu'il n'existera pas une seule et même structure pour discuter des problèmes d'ensemble, il sera difficile de les résoudre.

Au sein de la région Ile-de-France, l'agglomération parisienne est une mégapole dans laquelle vit un Français sur six. Elle comprend les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Paradoxalement, malgré ses atouts exceptionnels, la majorité de sa population y vit mal. Il faut donc agir : c'est la raison pour laquelle j'ai déposé une proposition de loi, ne voulant pas être un élu Ponce-Pilate.

L'agglomération parisienne est un pôle économique important à l'échelle européenne et même mondiale, mais elle est soumise à une très rude concurrence. Il est donc urgent de maîtriser les problèmes qui accompagnent son développement, à commencer par la pollution atmosphérique. J'ai d'ailleurs préparé une proposition de loi tendant à aller plus loin que l'intervention actuelle du STP ; il faut en effet un lieu de coordination des politiques de transports ("Très bien !" sur les bancs du groupe UDF).

Dans la situation actuelle, l'agglomération parisienne perd de son attrait pour les entreprises. En outre, l'esprit civique risque d'être supplanté par le communautarisme et le repli de certains quartiers sur eux-mêmes, dans une américanisation évoquant davantage Harlem que la Californie... Oui ou non, l'intégration est-elle autre chose qu'un slogan ?

Il est évident que le développement désordonné de l'agglomération parisienne a fait apparaître des zones où les valeurs républicaines ont volé en éclats, où l'Etat de droit n'est pas respecté. Il n'est pas admissible que s'y installe un climat de violence qui se nourrit de la désagrégation du tissu social.

Il est nécessaire, en particulier, de développer encore les transports collectifs entre les communes de banlieue et Paris. J'invite le maire de Paris à passer un soir dans le secteur du Châtelet : il y verra des centaines de jeunes, qui sont là parce qu'ils n'ont pas de moyen de rentrer chez eux. Ils traînent jusqu'à la réouverture des portes des stations de métro... Qu'on ne s'étonne pas ensuite de voir des sièges lacérés !

Il faut donc adapter les institutions à une réalité qui est bien différente de celle des Trente glorieuses. Une structure de coopération entre Paris et les villes des départements de la première couronne est nécessaire.

Le projet de loi sur l'intercommunalité permet, en région parisienne comme ailleurs, des regroupements de communes, mais ils auront un périmètre, des compétences et des moyens financiers limités ; il est temps de mettre fin aux égoïsmes locaux pour assurer un développement plus équilibré et plus humain de l'agglomération. Créer une nouvelle instance élue, c'est permettre d'assurer l'égalité des citoyens devant les services publics, favoriser l'intégration sociale et économique des jeunes et accélérer leur mobilité au sein de l'agglomération ; c'est favoriser l'émergence d'une vraie identité de l'agglomération, en faisant élire le Haut conseil au suffrage universel direct, condition sine qua non de sa légitimité.

La capitale ne peut ignorer ce qui se passe au-delà du périphérique. Une coopération intercommunale entre Paris, Ivry et Charenton aurait été utile lorsqu'a été conçue la ZAC Paris-Rive gauche... Les villes de banlieue, tout autant que Paris, trouveront avantage à la création du Haut conseil.

Jusqu'à présent, le partenariat avec Paris était forcément inégal. Les communes le refusaient.

Dans un cadre multilatéral, les prérogatives de chacune seront respectées. Le Haut conseil sera un outil de démocratie. La croissance de l'agglomération va se poursuivre, naturellement. Il faut donc remodeler une carte administrative qui n'est plus adaptée.

Aujourd'hui le débat sur l'avenir institutionnel de l'agglomération est indispensable. Le seul objectif de cette proposition est qu'on puisse débattre correctement de question de fond. Chaque maire est enfermé dans son pré carré, son horizon se borne aux limites communales. Peu lui importe ce qui se passe à côté de chez lui, ce qu'on peut faire ensemble. Ce qui compte, c'est ce qu'il dira à ses propres électeurs.

Avancer que nous allons brouiller l'identité des élus actuels, c'est ne pas voir les choses telles qu'elles sont. Déjà, peu de gens connaissent leur conseiller général. Prétendre que ma proposition aggravera les choses, c'est se comporter en aveugle.

M. Henri Plagnol - Très bien !

M. Georges Sarre - La politique au sens noble, c'est le souci de l'intérêt général. J'ai voulu sensibiliser la représentation nationale aux difficultés propres de l'agglomération car Paris, la région parisienne, ce n'est pas comme ailleurs.

M. le Rapporteur - Très bien !

Mme Nicole Catala - Je félicite M. Sarre pour la créativité, l'esprit d'imagination dont il fait preuve lorsqu'il s'agit du fonctionnement de la ville de Paris. Il nous propose de créer pas seulement un Haut conseil, mais une nouvelle collectivité tout à fait inédite, un OVNI parmi les collectivités territoriales. On a l'impression de revenir à l'ancien département de la Seine. Mais on peut dire aussi -initiative étonnante de la part d'un élu parisien- qu'il s'agit de prélever un montant non négligeable du budget de la ville de Paris au bénéfice des populations extérieures.

M. Jean Tiberi et M. Laurent Dominati - C'est vrai.

Mme Nicole Catala - Cette collectivité se substituerait aux communes pour les transports, l'eau, l'environnement, et au-delà pourrait recevoir des délégations de compétence considérables.

Votre proposition, Monsieur Sarre, manque de cohérence, et procède d'un mauvais diagnostic, sans préjudice d'autres critiques.

D'abord, vos amis et vous-mêmes avez déposé des propositions de loi pour donner plus de pouvoirs aux maires d'arrondissement. Vous évoquez la démocratie de proximité. Ce qui est certain, c'est qu'on risque d'aggraver les inégalités entre les arrondissements. Or, aujourd'hui, vous prétendez diminuer ces inégalités entre les communes. Où est la cohérence ?

D'autre part, vous vous trompez de cible. Vous relevez des dysfonctionnements qui créent ces inégalités dans les transports, le logement, l'environnement. Vous l'attribuez au manque de coopération dans l'aire urbaine. Mais ne s'agit-il pas plutôt de défaillances de l'Etat à mener les politiques publiques qui lui incombent ? C'est à l'Etat d'assurer l'égalité entre collectivités, de mener une politique efficace de sécurité, d'organiser les transports. Adressez-vous au Gouvernement de M. Jospin si vous constatez des inégalités qui vous choquent. Ce n'est pas en créant une superstructure nouvelle que vous réglerez les problèmes. D'ailleurs, les instances actuelles de coopération -SYCTOM, SIAAP, STP- fonctionnent relativement bien.

En réalité, M. Sarre veut faire supporter par les Parisiens l'amélioration des conditions de vie dans les communes limitrophes, alors que Paris donne déjà beaucoup au titre de la solidarité.

Mme Nicole Bricq - On peut en discuter.

Mme Nicole Catala - 480 millions en 1998, 490 millions en 1999 pour la solidarité urbaine, ce n'est pas négligeable. Paris alimente à plus de 70 % le fonds de solidarité de la région Ile-de-France.

Vous proposez, en outre, de transférer à ce Haut conseil six milliards du produit de la taxe professionnelle. Il faudra bien que les Parisiens les compensent par des contributions nouvelles.

M. Georges Sarre - Si je souhaite une taxe professionnelle unique, c'est pour qu'il n'y ait plus de concurrence. Quand l'immobilier de bureau était en panne, nous nous sommes retrouvés avec des milliers de mètres carrés équipés dont nous ne savions que faire. N'est-il pas plus intelligent de mettre fin à une telle concurrence plutôt que d'avancer l'argument du coût pour les Parisiens ? Je ne suis pas en train de préparer les municipales, j'essaye de résorber les inégalités.

Mme Nicole Catala - Ce n'est pas convaincant. Chaque collectivité locale est libre d'organiser son développement.

M. Laurent Dominati - Pour les bureaux, c'est l'Etat.

Mme Nicole Catala - Vous développez un point de vue extraordinairement autoritaire, vous voulez mettre les collectivités sous tutelle.

M. Georges Sarre - Mieux vaut, selon vous, cacher le gaspillage ?

Mme Nicole Catala - Nous sommes engagés dans des reconversions de bureaux, mais cela prend du temps.

En outre les frais de fonctionnement d'une institution comportant 251 élus ne seraient pas négligeables.

Par ailleurs, l'article 10 de votre proposition permet au Haut conseil d'étendre ses compétences avec l'accord d'une majorité qualifiée de conseillers municipaux. Cela conduira à des abandons forcés de compétence. Le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé, mais c'est indubitablement une atteinte au principe de libre administration des collectivités locales.

Si cette proposition était retenue, je préconiserais la saisine du Conseil constitutionnel.

De surcroît, en proposant d'inclure éventuellement dans le Haut conseil des communes de l'Essonne et du Val-d'Oise qui le souhaiteraient, vous créez deux catégories de communes dans un même département, les unes bénéficieraient de la manne de la taxe professionnelle, les autres non. Bref, les départements de la région Ile-de-France seraient ainsi soumis à des régimes différents, de même que les communes d'un même département ! Cette construction sophistiquée n'est juridiquement pas correcte, et nous repousserons cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Serge Blisko - Cette proposition de loi a le grand mérite de poser le problème de la région Ile-de-France et d'ouvrir le débat. L'isolement de la capitale est le fruit de notre histoire. Quant à la répartition inégalitaire des richesses, elle est surtout la conséquence des choix politiques, de l'Etat, puis des collectivités qui ont essayé d'attirer les richesses à elles, au détriment des départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Le plus grave est le cloisonnement social, qui mène à la constitution de ghettos. Il est donc urgent d'agir mais, si nous partageons votre diagnostic, Monsieur Sarre, nous divergeons sur la thérapeutique appropriée.

D'abord, sur la forme, comment imaginer créer une nouvelle collectivité sans avoir obtenu l'assentiment préalable des élus régionaux, départementaux et municipaux ? Une telle réforme doit être le fruit d'un travail collectif en concertation.

Sur le fond, vous limitez l'agglomération parisienne aux trois départements qui touchent Paris. Mais les problèmes des Yvelines, de la Seine-et-Marne, du Val-d'Oise, de l'Essonne sont les mêmes ! Leurs habitants travaillent à Paris, traversent l'agglomération et ils sont concernés par les décisions prises pour la capitale.

La grande couronne n'est que l'extension après guerre du phénomène de la petite couronne créée au XIXème siècle. Il est difficile de s'arrêter au département 94 quand le 91 connaît les mêmes problèmes. La définition de l'agglomération doit donc être mieux travaillée.

S'agissant du Haut conseil lui-même, je ne suis pas favorable à la multiplication des superstructures. Ajouter 251 conseillers aux quelques milliers d'élus qui existent déjà ne va pas rendre les institutions de leur région plus lisible pour les Franciliens ! Ce n'est pas la bonne solution. Les institutions existantes suffisent pour résoudre la plupart des problèmes à condition de modifier leur pratique et la répartition de leurs compétences.

Il y a d'abord le dialogue entre l'Etat et les collectivités d'Ile de France. Le SDAURIF en était un exemple, même s'il a été repoussé dans les départements pour des raisons politiciennes.

Le préfet a travaillé dans ce cadre avec les conseils généraux. Il y a aussi les contrats de plan Etat-régions et les lois de péréquation fiscale. Le Gouvernement s'est engagé dans ce sens depuis plusieurs années, pour lutter contre les égoïsmes locaux. Il faut compenser grâce à la fiscalité les inégalités que crée la loi du marché. Je terminerai sur l'intercommunalité, qui est une véritable chance pour la région. Les outils existent, comme le SIAAP ou le SYCTOM. Ils doivent certes être améliorés, mais ils prouvent que quand les communes veulent travailler ensemble, elles trouvent des structures efficaces.

Cette proposition attaque un peu trop le conseil régional d'Ile-de-France. Certes, une majorité stable lui fit défaut pour mener une grande politique régionale, mais il dispose d'outils efficaces comme l'IAURIF, l'agence régionale des espaces verts.

Enfin, certains organismes tel le syndicat des transports parisiens ont une mission à remplir pour favoriser le décloisonnement des agglomérations, à condition de mettre fin à cette situation ubuesque où le principal bailleur de fonds, la région, n'y participe pas !

Je plaide aussi pour la réactivation de l'agence foncière technique de la région parisienne.

Je comprends l'objectif de Monsieur Sarre pour la ville de Paris : faire vivre la démocratie locale, donc renforcer les liens entre mairies, arrondissements et population. M. Dominati n'a de ce point de vue pas tort non plus ! Le débat est ouvert. Je ne suis pas d'accord sur la taille des arrondissements, dont aucun n'est microscopique ! Avec 20 000 habitants, le maire pourrait avoir des prérogatives. Cela dit, il faut débattre aussi de la refonte de la loi PML, dont seize ans d'application pratique n'ont pas toujours répondu aux attentes des élus.

M. Jean Tiberi - Vous avez mis du temps à vous en apercevoir !

M. Serge Blisko - La pratique de la ville de Paris est beaucoup plus jacobine et centralisée que celle de Lyon et de Marseille !

M. Jean Tiberi - C'est inexact.

M. Serge Blisko - Les élus de Lyon et Marseille, de quelque bord qu'ils soient, sont très surpris d'apprendre comment les choses se passent dans les arrondissements parisiens ! Il faut introduire un peu de démocratie, sans toucher, bien sûr à l'unité de la capitale !

Bref, les structures existent. Les assemblées territoriales, aidées par l'Etat, doivent pouvoir fonctionner sans qu'il soit besoin d'en créer une nouvelle. Je vous remercie d'avoir ouvert le débat et je souhaite qu'il se poursuive, même si nous ne retenons pas l'idée du Haut conseil de l'agglomération parisienne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Nicole Bricq - M. Sarre défend aujourd'hui une idée qui lui est chère, et il faut saluer sa constance. Je ne m'associerai cependant pas aux éloges qu'a suscités son diagnostic. A fortiori je crois sa solution inadaptée aux dysfonctionnements qu'analyse son rapport : essentiellement l'absence d'intercommunalité et le processus de ségrégation sociale et spatiale. S'arrêter aux frontières de la petite couronne est une vision trop courte. Je veux faire entendre la parole d'une élue de grande couronne, et du seul département de la région qui soit encore en expansion démographique. En effet l'Ile-de-France perd globalement des habitants. Et par vagues successives, le coeur de l'agglomération a rejeté de plus en plus loin ses couches populaires et moyennes -ses couches productives, dirait-on en termes marxistes. Ce qui a conduit à un accroissement sans limites des déplacements, d'où les problèmes nouveaux de transports et de pollution. Ces problèmes sont aujourd'hui concentrés en grande banlieue ; ils concernent désormais moins des relations centre-périphérie que des relations de banlieue à banlieue.

En conséquence les deux compétences intercommunales obligatoires proposées, l'environnement et les transports, ne peuvent s'apprécier qu'au niveau régional. Elles constituent d'ailleurs l'objet principal de la négociation du contrat de plan, et de celle du plan de déplacements urbains qu'a proposé le préfet Duport. J'ai participé à l'intégralité du débat sur l'intercommunalité, notamment sur le fameux article qui tend à renforcer la péréquation entre communes "riches" et pauvres. Je répète ce que j'ai dit alors : le niveau pertinent pour cette péréquation, c'est la région entière. Avec 145 quartiers sensibles, ce qui est un record, cette collectivité locale encore jeune mérite un regard neuf.

La proposition de loi s'inscrit d'ailleurs de manière inopportune dans la discussion du texte sur l'intercommunalité, qui tend à accélérer cette dernière en zone urbaine. Je rejoins toutefois M. Sarre, et je l'ai dit au ministre de l'intérieur, pour estimer que ce projet n'est pas adapté à l'Ile-de-France. Je suis convaincue que la solution est régionale, à condition de lever trois obstacles. Le premier et la loi électorale, qui ne permet pas aujourd'hui de donner sa légitimité à l'action régionale. On sait la méfiance traditionnelle qu'éprouve pour cette collectivité le pouvoir central, qu'il soit d'ailleurs de droite ou de gauche. Mais, à un horizon d'environ vingt ans, il est clair que nous verrons se dessiner un nouveau paysage administratif. M. Plagnol a évoqué les conseils généraux. Je ne crois pas qu'on supprimera du jour au lendemain une collectivité qui à ses vertus, notamment en termes de proximité et d'action sociale. Mais en développant l'intercommunalité et en donnant toute sa légitimité à la région, nous aboutirons à un nouveau paysage administratif, qui correspond à la construction européenne.

Deuxième condition : le transfert de certaines ressources de l'Etat à la région, et je pense au FARIF, ais aussi à des prélèvements spécifiques sur des taxes déjà existantes. La région doit avoir les ressources qu'appellent ses spécificités. Quant à la troisième condition, c'est la modification d'institutions dont le fonctionnement actuel est archaïque, comme si la décentralisation n'avait pas eu lieu. Je pense notamment au syndicat des transports parisiens, dont je crois savoir qu'une réforme nous sera proposée avant la fin de l'année.

C'est dans une nouvelle étape de la décentralisation qu'il faut aujourd'hui chercher la solution des problèmes que soulève M. Sarre. M. Michel évoque dans son rapport la nécessité de définir un nouvel espace de citoyenneté. Je suis d'accord, mais définissons-le au bon niveau : celui de l'agglomération parisienne tout entière, c'est-à-dire le niveau régional (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - La commission des lois n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée conformément à l'article 94, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles de la proposition. Conformément au même article du Règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Marie Le Guen - Nous voterons contre l'examen des articles. Non que les questions posées ne soient pas intéressantes. Le débat a montré qu'il y avait matière à réflexion pour une meilleure organisation de l'agglomération parisienne, et il n'a donc pas été inutile, même si l'initiative de notre collègue s'est assortie d'une concertation peut-être insuffisante, et si son opportunité reste à vérifier sur d'autres bases en effet, nous avons vu -moins dans le débat de ce matin que dans les déclarations publiques- une attitude crispée, et la crainte que la gauche ne veuille s'attaquer à la capitale.

Il n'en est rien : ceux qui complotent aujourd'hui pour ou contre Paris ne sont pas dans les couloirs de l'Assemblée, mais dans ceux de l'Hôtel de Ville... Je souhaite donc rassurer chacun à cet égard.

Reste que si le problème de l'agglomération est posé, celui de la gouvernance de Paris l'est aussi. Plusieurs orateurs se sont légitimement interrogés sur la loi PML, ainsi que sur le fonctionnement de la décentralisation et de la déconcentration dans la gestion de la capitale. Plusieurs groupes, dont le nôtre, ont déposé des propositions, et je souhaite que ce débat ait lieu dans la sérénité. J'y appelle tous les groupes présents dans cet hémicycle, comme ceux du Conseil de Paris, dont j'attends qu'il accepte enfin de débattre des questions qui le concernent. La réforme de la loi PML est évoquée à chaque poussée d'adrénaline de la majorité municipale : souhaitons qu'enfin ce débat ait lieu, dans cette enceinte et, comme il est encore plus naturel, au Conseil de Paris. Rien que pour cette raison, même si nous votons contre l'examen des articles, le débat de ce matin était utile, et j'en remercie son initiateur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Laurent Dominati - Il est une question un peu surprenante, et qu'il faut aborder ici, non au Conseil de Paris, car c'est le Parlement qui fait la loi, y compris pour Paris. Cette fenêtre parlementaire est faite pour discuter les propositions de loi des groupes parlementaires. Il y a une certaine déviation dans le fait d'accepter la discussion générale, mais de refuser l'examen des articles. Que la majorité en use ainsi avec l'opposition, on peut le comprendre, encore que... Mais il est plus curieux qu'elle agisse ainsi envers un groupe de la majorité. Et il est paradoxal d'entendre les députés socialistes dire : nous voulons débattre, il faut un débat au Conseil de Paris -mais ici, à l'Assemblée, nous ne débattrons pas davantage ! Pour nous au contraire, même si nous sommes en désaccord avec la proposition, le débat commence à peine, et il faudrait le poursuivre. Nous avons des propositions sur la réforme de la loi PML. La question de la répartition des compétences entre la ville de Paris, la région, les collectivités locales et l'Etat est posée. A Paris, l'Etat détient une prépondérance de fait, source de dysfonctionnements. La question est donc posée ; les socialistes disent qu'ils veulent débattre, couvrent M. Sarre de fleurs, mais refusent d'examiner les articles de sa proposition ! Nous, parce que nous sommes démocrates et libéraux, nous voterons pour la poursuite du débat -en espérant que le Gouvernement tiendra sa promesse d'un vrai débat sur Paris. Peut-être M. Le Guen pourra-t-il obtenir du Premier ministre que le Gouvernement lui-même prenne l'initiative d'une réforme de la loi. Nous y sommes prêts, et nous vous disons "Chiche" ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

Mme Nicole Catala- La discussion générale, très fournie, a mis en lumière les défauts, les risques et les incohérences de la proposition. Il n'est donc pas utile de poursuivre le débat. L'examen des articles n'aurait un sens que si la proposition était amendable : nous ne le pensons pas. Je suis frappée par ailleurs de l'absence des amis de M. Sarre -à l'exception de M. le rapporteur- et de l'hostilité de ses alliés socialistes à sa proposition, sur laquelle il est bien isolé. Pour toutes ces raisons il est inutile de poursuivre le débat.

M. Georges Sarre - Jusqu'au bout, ce débat ne m'aura causé aucune déception ; j'en suis même ravi. Je constate que Mme Catala vole au secours de M. Le Guen, ce qui n'est généralement pas l'attitude des amis de M. Tiberi... Tout cela est fort éclairant ! Chacun, sauf Mme Catala, convient que le diagnostic est juste et qu'il y a bien un malade, mais c'est pour conclure qu'il n'y a aucune urgence à le soigner...

Je ne me sens pas isolé pour autant : le président de mon groupe s'est exprimé, et qui pensait sérieusement que j'allais mobiliser le ban et l'arrière-ban pour faire constater l'absence de majorité en faveur du passage à l'examen des articles ? Reste que je regrette profondément le vote qui va avoir lieu, car la situation est si grave qu'elle commande de prendre des dispositions sans trop attendre. Je suis patient. J'attendrai. Vous y viendrez. J'espère seulement qu'il ne sera pas trop tard et que les Parisiens n'auront pas à le regretter.

M. Laurent Dominati - Pourquoi le Gouvernement ne répond-il pas aux orateurs ?

L'Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles.

M. le Président - L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Prochaine séance, cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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